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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme
Dossier Histoire des arts – La Renaissance et l’art du renouveau
p. 402 (L/ES/S)
Filippo Lippi, La Vierge à l’enfant et deux anges (vers 1465)C’est la fenêtre qui établit un lien entre l’intérieur et l’extérieur. Cet élément apparaît à la Renaissance, en même temps que la perspective. Le paysage est parfaitement intégré à l’ensemble du tableau, puisque si l’on observe l’élément montagneux (en haut à droite), on se rend compte qu’il prolonge la diagonale qui part du haut de l’accoudoir, se pro-longe avec les mains de la vierge et passe entre son visage et celui de Jésus. C’est un paysage idéalisé. A noter : le ciel qui n’est plus aussi présent que dans les tableaux de l’époque médiévale : l’homme prend toute sa place, il n’est plus écrasé par le ciel. Autre originalité, l’aile de l’ange au premier plan qui sort du cadre du tableau. La vierge a tout d’une jeune femme italienne, ses traits sont gracieux, elle porte des bijoux, et même si elle joint les mains en signe de prière, elle a une expression toute maternelle (on pourra comparer l’expression de ses traits au por-trait de jeune femme située page 80 – ou page 78 pour le manuel ES/S et Techno – datant de la même époque et beaucoup plus figé). Sa robe bleue, sym-bole du céleste ou de virginité s’intègre parfaitement aux couleurs douces du tableau. Les codes religieux sont respectés : Jésus, soutenu par un ange n’est pas en contact direct avec sa mère puisqu’il est divin (la plupart du temps, c’est un drap, un tissu qui figure cette séparation), mais on observera ses mains, dont l’une s’accroche à l’épaule de sa mère comme le ferait n’importe quel bébé. Autre signe d’une complicité établie dans le cadre de cette inti-mité partagée, l’ange au premier plan qui regarde le peintre ? le spectateur ? et sourit. D’ailleurs, les anges sont très humains : observer le vêtement, l’expression du visage etc.
Agnolo Bronzino, Andrea Doria en Neptune tenant un trident (vers 1550-1555)Un portrait à la gloire du condottierePour célébrer la victoire navale du condottiere (on pourra traduire par «amiral» pour les élèves) sur les Turcs, Andrea Doria fut représenté en Neptune, Dieu de la mer. C’était une façon de saluer le caractère exceptionnel de cette victoire et de symboliser la puissance, la noblesse du chef militaire. On retrouve donc les attributs de Neptune : le trident, la barbe, la nudité pudiquement couverte de ce drapé qui est en fait la voile du bateau, autre symbole marin. Les
CHAPITRE 5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme
principales lignes de force sont dessinées par le
personnage, soutenues par le dessin du trident et
du mât, parallèles. Le fond sombre met en valeur les
couleurs plus claires du condottiere. Doria est repré-
senté à mi-cuisses (au cinéma, on dirait plan améri-
cain) et occupe tout le tableau : pas d’espace au
dessus ni en dessous, ce qui rend plus grand, plus
impressionnant le personnage. On peut noter aussi
un léger effet de contre-plongée. Pour le spectateur,
il regarde vers la droite, on peut comprendre qu’il
regarde vers l’avenir et donc va de l’avant ; on peut
aussi associer la droite à ce qui est heureux, de bon
augure (Cf. les auspices dans l’Antiquité romaine).
Donatello, David (vers 1440)Pour montrer que cette statue est inspirée de l’Anti-
quité, on attirera l’attention des élèves sur les points
suivants :
– la nudité ;
– le thème antique du héros ayant combattu un être
extraordinaire (ici un géant) ;
– le corps androgyne (noter la chevelure féminine) ;
– le déhanchement exagéré qui apparaît tardive-
ment dans la statuaire héllénistique (Cf. la Vénus de
Milo) et est repris à la Renaissance.
Vittore Ghiberti, Salomon reçoit la reine de Saba (entre 1425 et 1452) Les personnages ne sont pas tous représentés de la
même façon : le relief est plus marqué au premier
plan et plus on avance vers le fond, plus les person-
nages sont représentés en nombre et avec moins de
détails. (Cette technique est employée depuis l’Anti-
quité : Cf. les bas reliefs grecs et égyptiens).
Tout en étant légèrement décentrée, la perspective
est construite de façon symétrique. L’architecture
centrale crée un cadre autour des deux personnages
principaux :
– 1er plan : (devant le muret) : des scènes de la rue ;
– 2e plan : le groupe central et de chaque côté, des
personnages officiels qui ont des postures hiéra-
tiques ;
– 3e plan : l’architecture symbolique.
Il s’agit d’un travail de fonderie (métal en fusion
coulé dans un moule). Pour avoir de telles diffé-
rences de relief, un travail d’artisan très précis est
nécessaire : on utilise la technique de la « cire per-
due » (on ajoute une couche de cire au fond du
moule qui fond peu à peu au contact du bronze en
fusion). Autre exemple d’œuvre réalisée avec cette
technique : la Porte de l’Enfer de Rodin.
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Français 1re – Livre du professeur
– l’opinion est plus facile à acquérir que la vérité
(§3) ;
– l’illusion contribue autant ou davantage au bon-
heur de l’homme que la réalité (§3).
Les exemples évoqués montrent que la Folie s’en
prend à tous les hommes et dans tous les domaines :
la religion (futilités/sujets sérieux ; saints légen-
daires/apôtres du Christ), le goût (poisson avarié/
ambroisie), l’amour (femme laide/Vénus), l’art (œuvre
médiocre/chef d’œuvre), les richesses (pierres
fausses/trésor), allusion au mythe de la caverne et
au songe de Mycille rapporté par Lucien. Se trouvent
ainsi dénoncés de manière simultanée et contradic-
toire l’incapacité des hommes à être lucides et heu-
reux tout comme leur aveuglement dans la distinc-
tion du vrai bien. La Folie est une sagesse supé-
rieure ; elle nous impose un nouveau regard sur
l’homme au-delà des préjugés: constat lucide des
faiblesses et indulgence pour la folie généralisée.
GRAMMAIRE
La phrase permet de confronter deux termes clés du
texte : « bonheur » et « opinion » qui signifie manière
personnelle, c’est-à-dire erronée, de voir. Le bon-
heur ne dépend pas des réalités, mais de l’opinion
que l’on a des réalités. Les deux points introduisent
une explication ; l’idée générale est énoncée : aveu-
glement des hommes dans la distinction du vrai
bien.
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
On attendra de l’élève qu’il s’exprime dans une
langue correcte et qu’il rende compte des para-
doxes du texte. On l’autorisera à formuler des anti-
thèses. Il faudra que les articulations logiques appa-
raissent et qu’elles rendent compte de la stratégie
argumentative. Les exemples devront être explicites
et on valorisera ceux qui seront pittoresques et amu-
sants.
Séquence 1
Figures de l’Humanisme en Europe : vers une définition de l’Homme idéal
p. 405 (L/ES/S)
Problématique : Quelle vision de l’homme les écrivains défendent-ils dans l’Europe du xvie siècle ? Comment renouvellent-ils la pensée sur l’homme tout en faisant œuvre de création ?
Éclairages : Les textes choisis constituent un parcours de lecture à travers l’Europe (Hollande, Italie, Angleterre, France et Allemagne) du XVI
e siècle, au début de la Renaissance, période d’enthousiasme intellectuel et de foi en l’homme. Ils permettent de saisir les valeurs humanistes dont les genres argumen-tatifs se font l’écho : confiance en la raison, savoir hérité des Anciens et savoir-être, liberté politique et religieuse, esprit de tolérance, recherche d’une sagesse à la mesure de l’homme… Chemin faisant, ces textes permettent de définir un homme nouveau à travers « un modèle social » idéal.
Texte 1 – Érasme, Éloge de la folie (1509)
p. 406 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur la vison de l’homme (raison/déraison)
et sur le statut du lecteur.
– Étudier les paradoxes dans un discours à visée
argumentative.
LECTURE ANALYTIQUE
Le ton de la conversation C’est la Folie, figure allégorique, qui s’exprime à la
première personne (« je » l. 26 et 45 ou « voyons »
l. 48) et qui s’adresse aux hommes en général dési-
gné par la deuxième personne du pluriel (« Trouvez-
vous », l. 53). Le texte repose sur l’ironie à travers
des formules péjoratives telles que « le crieur » (l. 10)
pour « l’orateur » et des phrases exclamatives
comme « Qu’un tel bonheur coûte peu ! » (l. 27) ou
interrogatives : « qu’est-ce que cela fait à son plai-
sir ? » (l. 39). Le locuteur montre la folie dont est
atteinte l’humanité, folie bienfaisante qui permet de
mieux supporter l’humaine condition, par l’illusion
du bonheur qu’elle procure. Le raisonnement se
construit ainsi sur le mode de la conversation :
– §1 idée générale développée contre la « doxa », le
bonheur ne dépend pas des réalités, mais de l’opi-
nion que l’on a des réalités ;
– §2/3/4 série d’exemples vivants illustrant le plaisir
fourni par les réalités illusoires, l’avantage de leur
faible coût.
Le monde des illusionsLe locuteur dénonce la difficulté ou l’incapacité des
hommes à être lucides et leur aveuglement dans la
distinction du vrai bien. Le raisonnement repose sur
des paradoxes qui sont énoncés :
– l’âme humaine se laisse prendre à l’apparence
plus qu’à la réalité (§2) ;
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1
– une certaine indulgence de la part du penseur
Érasme à l’égard de la folie humaine ;
– la recherche d’un compromis entre folie et
sagesse ;
– une écriture qui fait appel à de nombreux exemples
à visée argumentative.
Écho du XXe siècle – Stefan Zweig, Érasme (1935)
p. 409 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser une figure humaniste à travers le
temps.
– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre
épidictique.
LECTURE ANALYTIQUE
La rhétorique de l’élogeNé à Vienne en 1881, Stefan Zweig, grand huma-
niste, a pu étudier l’histoire, les belles lettres et la
philosophie. Il recourt à des expressions en latin
pour caractériser Érasme, modèle de l’Humanisme :
– « optimum et maximum » : le meilleur et le très
grand ;
– « doctor universalis » : maître universel ;
– « phoenix doctorum » : phénix des maîtres.
Ces formules latines témoignent de la valeur morale
de l’humaniste dont Zweig brosse le portrait. Ces
citations sont complétées par des expressions tout
aussi laudatives qui font référence :
– à la valeur morale incarnée : « la personnification
de la sagesse » (l. 8), « de plus noble et de meilleur »
(l. 9) ;
– au savoir : « prince de la science » (l. 13), « père des
études » (l. 13), « Pythie de l’Occident » (l. 15) ;
– au rayonnement intellectuel : « lumière du monde »
(l. 14), « créature céleste » (l. 18) ;
– à la liberté : « défenseur de la vraie théologie »
(l. 14).
Des tournures syntaxiques négatives participent
aussi de l’éloge par leur valeur superlative :
– « Ni celui de Dürer, ni celui de Raphaël… n’est pro-
noncé avec autant de vénération » (l. 13) ;
– « aucune réputation morale ou artistique ne peut se
comparer à la sienne. » (l. 7) ;
– « Aucun éloge n’est trop grand » (l. 15).
Le prince des humanistesÉrasme incarne la figue de l’humanisme à plusieurs
titres :
– homme de science/savoir ;
– esprit brillant et rayonnant ;
– perfection morale et sagesse.
Cf. Étude des procédés d’écriture.
Écho de l’Antiquité – Platon, La République (384-377 av. J.-C.)
p. 408 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’âme humaine : aveuglement/
lucidité, folie/sagesse.
– Réfléchir sur la réécriture d’un mythe antique.
LECTURE ANALYTIQUE
Une leçon en imagesLa caverne a un double sens. Au sens propre, elle
désigne un lieu fermé, souterrain et obscur. Au sens
figuré, elle représente le monde sensible, domaine
des opinions et des illusions. Le passage du monde
sensible au monde intelligible se fait par la montée
« rude et escarpée » vers la lumière. Des champs
lexicaux s’opposent dans l’extrait, ceux des ombres
et des échos à celui de la lumière vive. Platon recourt
à l’allégorie pour exprimer une leçon. Il s’agit d’un
récit avec un lieu spécifique (une caverne), des per-
sonnages (des « captifs »), une situation (perception
d’ombres et d’échos). Ce récit a une visée morale :
l’intérieur désigne le monde des illusions, l’extérieur
représente la vraie réalité.
Éloge de la folieLe sage selon Platon court un double risque : il passe
de l’illusion individuelle à la désillusion en quittant la
caverne ; il s’expose aussi à la vindicte de ceux qui
sont victimes des apparences : « fou », « menacer de
mort » (l. 17). Deux conceptions de la folie s’affrontent.
Chez Platon, elle concerne celui qui détient la science
par opposition à l’opinion ; le sage échappe au piège
des illusions du monde sensible ; celui qui sait est
exclu par ceux qui sont restés dans l’ombre. Chez
Érasme, la folie qui permet à l’homme de supporter
sa condition est bienfaisante par l’illusion du bonheur
qu’elle procure. Le texte d’Érasme repose sur une
ambivalence. Au premier degré, la Folie semble dire
n’importe quoi ; le texte ironique doit être pris à
rebours. Au second degré, la Folie apparaît comme
une sagesse supérieure qui nous impose un nouveau
regard sur l’homme, au-delà des préjugés.
SynthèseÉrasme s’inspire du mythe platonicien de la caverne.
Il le traite d’une manière personnelle.
Des invariants :
– un monde sensible fait d’opinions ;
– des hommes victimes d’illusions, aveuglés sur leur
condition ;
– une forme allégorique : discours de la Folie.
Des écarts :
– un homme qui entretient des illusions sur son
propre sort pour mieux le supporter et qui se satis-
fait de cette situation ;
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Français 1re – Livre du professeur
grandes scènes évoquant le Bien. L’ambition de Raphaël était de composer une vaste synthèse sur la philosophie de l’Antiquité et la pensée de la Renaissance. Le tableau symbolise la recherche du Vrai à travers la réunion des figures majeures de la connaissance. L’artiste a réuni 58 personnages. Au premier plan, à gauche, se trouve le groupe des « Théoriciens » avec Héraclite qui écrit son traité sur un bloc de marbre ; Pythagore annote les figures représentées sur l’ardoise ; Épicure, couronné de pampres et appuyé sur un chapiteau, écrit un livre. À droite, apparaissent les « Empiriques » avec Euclide qui démontre un théorème ; Ptlolémée, vêtu d’un manteau orange, soutient le globe ter-restre, symbole de la géographie. Au deuxième plan, au centre, sont représentés Platon et Aristote. Le premier tient le Timée et pointe le ciel, monde des idées ; le second, L’Ethique à la main, désigne la terre, monde sensible. Ils offrent une représenta-tion symbolique de leurs conceptions philoso-phiques opposées, idéalisme et rationalisme. L’at-titude du philosophe Diogène le Cynique permet de voir que la nouvelle place de l’homme ne se limite pas aux idées. La représentation du corps, fondée sur les études anatomiques contemporaines, occupe l’espace ; le personnage isolé, dans une position presque centrale et une posture abandon-née, attire le regard. Cette allégorie de la Philoso-phie qui rassemble les figures majeures de la pen-sée antique s’inscrit dans une composition d’en-semble qui rappelle le temple par sa structure (dif-férents plans) et par sa décoration (colonnes et statues) : à droite, Athéna, déesse de l’intelligence et du savoir, à gauche, Apollon, dieu des arts et du soleil. Le décor peint par Raphaël s’inspire des réa-lisations contemporaines, qu’il s’agisse des pla-fonds à caissons, des piliers ou de la coupole gigantesque. On songe à Santa Maria dei Fiore à Florence avec la coupole de Brunelleschi (1420-1430) et à Bramante pour la basilique Saint-Pierre de Rome. On retrouve une caractéristique essen-tielle de la Renaissance avec l’utilisation de la pers-pective. Au centre et au point de fuite sont mis en valeur les deux philosophes Platon et Aristote. La succession de cercles dans le plafond et le ciel donne la mesure de la profondeur. Les couleurs dominantes sont l’ocre, le beige et le pastel ; elles sont concentrées dans le couple central de philo-sophes, mis en lumière. Les penseurs et savants anciens, représentés sous les traits des artistes contemporains, permettent de comprendre la place nouvelle de l’artiste dans la société. Raphaël signe dans le cou d’un personnage et rend hommage à la famille de son mécène, della Rovere. La fresque devient une œuvre à la gloire de son commandi-taire Jules II qui voulait célébrer l’accord entre la Foi et la Raison.
On retrouve des manifestations de cet Humanisme dans le premier texte : – analyse fine de l’âme humaine ;– leçon de sagesse ;– recours à une écriture qui témoigne d’une culture (allégorie et référence à Platon).La permanence de l’éloge peut s’expliquer de plu-sieurs façons :– une réputation exceptionnelle non démentie à tra-vers les siècles ; Érasme incarne le plus grand des humanistes ;– le contrepoint historique et la nécessité de croire en des modèles à une époque trouble : Zweig écrit en 1935 ; un an plus tôt, désespéré par la montée du nazisme, il a quitté l’Autriche pour se réfugier en Angleterre, puis aux Etats-Unis. En 1942, il se sui-cide avec sa femme.On pourrait voir une part d’excès dans ce dithy-rambe d’Érasme.
SynthèseÉrasme, un symbole à travers les époques.Il incarne la figure de l’Humanisme par excellence :– pour des raisons intellectuelles et culturelles : un homme de savoir et un esprit brillant ;– pour des raisons morales : le modèle de la sagesse, un homme d’ouverture au monde, un exemple de tolérance, un défenseur de la liberté religieuse.
GRAMMAIRE
Différents procédés caractéristiques du registre épi-dictique peuvent être notés :– les images : « le zénith de la gloire » (l. 2), « lumière du monde » (l. 14) / « comme une créature céleste » (l. 17) ;– l’accumulation de groupes nominaux correspon-dant à des titres : ligne 12 à 15 ;– le lexique valorisant ;– les comparatifs de supériorité « nom plus illustre » (l. 2) ou d’égalité « aussi grand nombre d’éditions » (l. 6) ;– le jeu sur les négations à valeur de litote (l. 3, 7, 15).Tous ces procédés d’écriture participent de l’éloge appuyé dans le portrait d’Érasme.
Lecture d’image – Raphaël, L’École d’Athènes (1509-1510)
p. 410 (L/ES/S)
L’École d’Athènes est une fresque réalisée par le peintre italien Raphaël (1483-1520) qui a signé dans le cou d’Apelle, l’un des personnages. Cette fresque, commandée par le Pape Jules II, prend place dans la Chambre de la Signature au Vatican. La Stanza désigne l’endroit où le Pape signait ses bulles, d’où le nom de « Chambre de la Signature ». Dans ce cabinet de travail, la tradition voulait que, sur chaque mur de la pièce, soient représentées de
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1
– Il est honnête ou sincère : il a conscience de ses
propres limites littéraires par exemple ; en ce sens il
préfigure « l’honnête homme » du xviie siècle.
– Il est sociable, voire galant : « plaisants entretiens
avec les dames » (l. 8).
GRAMMAIRE
Il s’agit de former le courtisan idéal. Pour ce faire,
des conseils lui sont prodigués. Différents procédés
sont utilisés :
– l’emploi anaphorique du verbe de volonté « Je
veux » (l. 1 et 15) développé par trois propositions
complétives ;
– le recours au subjonctif : « Qu’il pratique » (l. 5) ;
– l’utilisation du futur « rendront abondant » (l. 13)
quand il s’agit de montrer les effets de la formation
reçue.
S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE
Une page originale dans la présentation du courti-
san idéal, figure de l’humaniste.
I. Un portrait idéal qui se veut mesuré 1. Un homme de savoir– Connaissance des lettres et des langues (§1 et 2).
2. Un homme de talent– Qualité de la production littéraire visée et maîtrise
de l’écriture recherchée (§2).
3. Un homme modeste– Humilité face à l’écriture (§2), au savoir dans une
attitude qui rappelle Socrate « je sais que je ne sais
rien » et face à la quête de la gloire (§4).
– Rôle de la « maxime » ligne 16 : « qu’en ceci comme
en toute autre chose il soit toujours avisé et timide
plutôt qu’audacieux ».
II. Une écriture à visée didactique1. Il s’agit de brosser le portrait du courtisan idéal et
des qualités attendues ; d’où le recours aux recom-
mandations (Cf. question de grammaire).
2. La forme adoptée est celle de la conversation
(Cf. marques de l’énonciation) ou du « dialogue »
dans la tradition cicéronienne.
Texte écho – Jean Pic de La Mirandole, De la
dignité de l’homme (1496)
p. 413 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX
– Étudier la place de l’homme dans la nature ou
l’univers.
– Analyser les caractéristiques d’une apologie de la
« dignité » humaine.
Texte 2 – Baldassare Castiglione, Le Livre du
courtisan (1528) p. 412 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier le portrait du courtisan idéal.
– Montrer la spécificité de ce portrait politique.
LECTURE ANALYTIQUE
Une conversation littéraireIl s’agit d’une conversation entre l’auteur présent à
travers la première personne « Je veux » (2 occur-
rences, l. 1 et 15) et « notre Courtisan » (l. 15) et des
amis qui n’apparaissent pas directement dans l’ex-
trait proposé. L’auteur définit le modèle idéal du
courtisan de la Renaissance en brossant un portrait
à la mesure de l’homme. Le texte obéit à une orga-
nisation cohérente :
– §1 : idéal de la connaissance des Lettres et des
langues ;
– §2 : connaissance de différents champs, Lettres et
Histoire et pratique de l’écriture personnelle en fonc-
tion des compétences propres (recherche de la
« perfection ») ;
– §3 : effets de la formation : l’éloquence ;
– §4 : qualités morales attendues du courtisan.
Le passage à visée didactique tend à brosser le por-
trait idéal mais réaliste de l’homme de cour à travers
ses qualités.
Le courtisan idéalLes champs du savoir, mis en valeur au début des
paragraphes 1,2 et 3, concernent les humanités : les
lettres au sens général (§1), « les poètes » et « les
orateurs » (§2), les langues et l’histoire. Un écho
apparaît dans la séquence consacrée à Gargantua.
Un idéal de perfection est recherché dans la création
littéraire. Cet idéal reste à la mesure de l’homme, car
toute œuvre n’est pas digne d’admiration.
Le courtisan fait preuve de modestie, de sincérité et
de sociabilité.
SynthèseLe portrait de l’homme de cour parfait1. Un courtisan doté de qualités intellectuelles – Capacité à apprendre et à étendre les champs du
savoir (§3 et 4).
– Aptitude à exercer son esprit critique sur lui-même
(§4).
2. Un courtisan doté de qualités culturelles– Connaissance de différents domaines :
– « langue latine… grecque » (l. 3) ;
– « poètes/orateurs/historiens» (l. 5).
3. Un courtisan doté de qualités morales – Il doit savoir faire preuve d’humilité face à l’écriture
(§3) et au savoir (§4) en reconnaissant ses propres
limites : « avisé et timide plutôt qu’audacieux » (l. 16).
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Français 1re – Livre du professeur
des espèces animales ou des créatures divines.
Chez Baldassare Castiglione, il peut succomber ou
non au chant des « sirènes ». C’est donc une invita-
tion à être un homme authentique, sincère au sens
étymologique et maître de ses décisions.
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
Le point de vue adopté par un penseur italien de la
Renaissance sur la conception de l’homme.
1. La place de l’homme dans l’univers – Le rapport entre le microcosme et le macrocosme.
– Le rapport entre la créature et le Créateur.
– La place privilégiée de l’homme parmi toutes les
créatures.
2. La nature de l’homme– La double essence : « inférieur » // « supérieur »,
« animal » // « créature divine »
et la liberté de choix : Cf. l’expression de la volonté
libre dans les questions.
3. L’apologie de la dignité humaine– L’affirmation récurrente du libre arbitre.
– Un texte essentiel : une charte de l’humanisme
écrite en latin De dignitate hominis oratio qui pro-
pose une réflexion philosophique sur l’essence de
l’homme et la liberté individuelle.
PROLONGEMENT
Marguerite Yourcenar a choisi une partie de ce texte
comme épigraphe à L’Œuvre au noir (prix Femina en
1968). Il peut être intéressant d’étudier le texte latin
et de s’interroger sur le choix de l’auteur. En créant
le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du
XVIe siècle, Marguerite Yourcenar raconte le destin
tragique d’un homme extraordinaire et libre dans un
monde contrasté où s’affrontent le Moyen Âge et la
Renaissance.
Texte 3 – Thomas More, L’Utopie (1516)
p. 414 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur la cité idéale et son contrepoint.
– Étudier les procédés de la critique.
LECTURE ANALYTIQUE
D’un monde…Le point de vue des Utopiens est mis en valeur. Ils
sont les sujets grammaticaux de verbes d’étonne-
ment repris de manière anaphorique: « Les Utopiens
s’étonnent » (l. 1, 6 et 9). Le contenu de leur regard
sur les valeurs morales puis politiques est déve-
loppé. On a affaire dès le XVIe siècle à la technique
de « l’œil neuf », regard d’un Utopien sur la société
LECTURE ANALYTIQUE
Une déclaration universelleDans une prosopopée, le Créateur/Dieu s’adresse
au premier homme créé, « ô Adam ». Le locuteur uti-
lise tour à tour la première personne du singulier ou
du pluriel : « nous » (l. 1 et 4) et « je » (l. 5 et suivantes).
Le destinataire est désigné par une apostrophe
emphatique à la ligne 1 et par la deuxième personne
du singulier (pronom « toi ») qui scande l’extrait.
Adam représente le premier homme issu de la
matière et animé par Dieu, symbole du libre arbitre
avec l’épisode de l’arbre de la science du bien et du
mal.
La première phrase est construite sur un jeu d’échos.
Dans un mouvement ternaire, les termes niés : « ni
une place déterminée, ni une figure propre, ni un
héritage particulier » qui évoquent l’idée du détermi-
nisme s’opposent aux groupes de mots « toujours la
place, toujours la figure, toujours les biens par toi
élus » ; l’anaphore de l’adverbe « toujours » met en
valeur le libre arbitre humain.
Le libre arbitre ou la liberté d’être hommeDivers procédés montrent que l’homme se fait lui-
même :
– le lexique de la volonté individuelle : « selon tes
vœu et décision » (l. 2), « suivant ton libre arbitre »
(l. 5), « d’après ta volonté » (l. 8) ;
– l’énonciation : « toi », forme tonique du pronom
répétée (Cf. « tu » dans le texte latin cité) ;
– l’image de l’objet crée ; « modeleur et sculpteur de
toi-même » ;
– les parallélismes de construction et les antithèses :
« Tu pourras dégénérer en animal, être de l’ordre
inférieur » // « tu pourras […] te régénérer en créature
divine, être de l’ordre supérieur » (l. 10 et 11).
La liberté de l’homme signifie qu’à tout moment il
est capable de transcender ou non les détermina-
tions de sa nature. Soit il s’abaisse au rang de l’ani-
malité, soit il s’élève par la force de sa volonté et la
puissance de son intelligence. Dans la phrase finale,
les mots s’opposent systématiquement : « dégéné-
rer » avec le préverbe latin de- marquant la sépara-
tion // « régénérer » avec le préverbe re- marquant le
retour à un état antérieur, expression d’un ressour-
cement ou d’une renaissance, « inférieur » // « supé-
rieur », « animal » // « créature divine ». Cette construc-
tion antithétique souligne le pouvoir du libre arbitre.
L’homme est un être libre ; son essence ne lui est
conférée ni par la providence divine ni par la force
aveugle de la nature.
SynthèseLes textes des deux humanistes italiens se font
écho, notamment dans la vision de l’homme et dans
la liberté de choix qui lui incombe. Chez Pic de la
Mirandole, il a son destin entre les mains : il peut
décider de s’élever ou de s’abaisser dans l’ordre
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1
Il désigne aussi l’ensemble des biens ou des
richesses qui appartiennent à un individu.
LECTURE D’IMAGE
On observe de nombreuses lignes droites, dont l’ef-
fet est adouci par la rotonde et des perspectives
majestueuses. Les édifices s’organisent autour de
cette rotonde de façon parfaitement symétrique. Cet
ensemble évoque donc l’équilibre, l’harmonie, la
rectitude et suggère une certaine quiétude. Cepen-
dant on notera l’absence de vie humaine et on sera
sensible au silence de ce tableau, à tel point qu’on
peut parler de solitude. Cette image peut donc être
l’occasion d’évoquer avec les élèves à propos de
l’utopie la question d’un mode parfait, ordonné. On
pourra leur proposer des lectures qui évoquent ces
mondes trop ordonnés : Thomas More, L’Utopie ;
Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, etc. L’abon-
dance de colonnes et la rotonde centrale peuvent
faire penser aux architectures antiques. Le dessin
des rues, renforcé par celui des dallages au premier
plan, renvoie aux cités romaines, symbole de la vic-
toire de la civilisation sur les barbares. Tout est
ordonné selon un arrangement mathématique. En
l’absence de personnages, le décor devient l’élé-
ment principal du tableau, ce qui marque une rup-
ture avec les traditions précédentes. La rotonde rap-
pelle un bâtiment officiel, on retient un principe d’ad-
ministration. L’espace au premier plan s’apparente à
une agora ; on citera Aristote et Platon qui mettent
en avant une organisation de l’espace en faveur
d’une organisation politique et sociale rationnelle.
Au Moyen Âge ce type de plan est toujours utilisé
dans la création de villes nouvelles, par exemple les
bastides.
Texte 4 – Étienne de La Boétie, Discours de la
servitude volontaire (1576)
p. 416 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur l’amitié et la tyrannie.
– Étudier un discours à visée argumentative.
LECTURE ANALYTIQUE
L’art du discoursLa Boétie définit l’amitié à l’aide de termes valori-
sants, empruntés au lexique religieux « sacré,
« chose sainte » (l. 1) et moral « entre gens de bien »,
« mutuelle estime » (l. 2). Cette valeur est définie par
des noms à connotation morale tels que « mutuelle
estime » (l. 2), «intégrité », « son bon naturel, la foi et
la constance » (l. 5). Ces trois termes réunis dans un
même syntagme s’opposent aux valeurs négatives
contemporaine, qui permet de critiquer les réalités
d’une époque. On peut apprécier l’ironie de la for-
mule « des êtres raisonnables » (l. 1) qui caractérisent
les Européens ou l’homme en général. Les expres-
sions « Ils regardent comme fou » (l. 3) ou « Il est une
autre folie que les Utopiens détestent » (l. 17) jettent
le discrédit sur ces « êtres raisonnables ». Les thèmes
traités font apparaître la relativité des valeurs : vanité
des pierres précieuses, futilité de l’apparence vesti-
mentaire, importance excessive attachée à l’or
(§ 1) ; exercice du pouvoir confié à des hommes
insensés, honneurs usurpés dus à la seule richesse
(§ 2). C’est un regard dépréciatif qui est porté sur le
comportement humain en général par le biais du
détournement.
… à l’autreL’idéal utopien apparaît en creux. Les habitants de
l’île sont désintéressés par rapport aux richesses,
qu’il s’agisse des pierres précieuses ou de l’or (§ 1).
C’est une valeur illusoire, définie par les hommes
eux-mêmes. L’univers politique en Utopie préfigure
la conception chère aux philosophes des Lumières :
le pouvoir doit être confié à des hommes éclairés. Le
paradoxe est souligné : des gouvernés « sages et
vertueux » et un gouvernant « sot et immoral » qui
doit sa légitimité à la richesse. La morale utopienne
repose sur l’apprentissage des valeurs à travers
l’éducation et les lettres, sur la confiance en l’homme
et sa raison. On retrouve un idéal humaniste partagé
par Rabelais (Cf. chapitre consacré à Gargantua). Le
point de vue semble moins élitiste que dans la des-
cription d’une autre utopie, celle de Thélème qui
réunit avant tout une aristocratie de naissance et
d’esprit.
SynthèseL’île d’Utopie constitue l’image d’un monde poli-
tique et moral inversé. Grâce à la technique du
regard « neuf » (verbe d’étonnement), un miroir de la
réalité européenne apparaît à travers des aspects
politiques : pays gouverné par un homme riche et
non sage et des aspects moraux : art du paraître
avec les pierres précieuses et les vêtements, quête
de la richesse et des honneurs. Cette critique est
soulignée par la répétition du terme « folie » et par la
formule ironique « des êtres raisonnables ». La cité
idéale se définit par la recherche d’une figure poli-
tique éclairée et de valeurs telles que le désintéres-
sement par rapport à l’or. L’éducation constitue le
fondement de ces principes.
GRAMMAIRE
Les sens du mot « fortune ». Du latin fortuna, le terme
désigne la puissance qui est censée distribuer le
bonheur et le malheur sans règle apparente. Cette
divinité antique est représentée à Rome sous les
traits d’une femme aux yeux bandés. Par extension,
le mot caractérise des événements dus à la chance.
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Français 1re – Livre du professeur
Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances1et familiari-tés nouées par quelque occasion ou commodité2, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles eff acent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi.» Il y a au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyïons3 l’un de l’autre, qui faisaient en notre aff ection plus d’eff ort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms4. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville5, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés6 entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre. Il écrivit une satire latine excellente, qui est publiée7, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence8, si promp-tement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation9. Celle-ci n’a point d’autre idée que d’elle-même, et ne se peut rapporter qu’à soi. Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quin-tessence10 de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien.
Montaigne, Essais, livre I, chapitre xxviii (1580),© Le livre de Poche.
Orthographe modernisée.1. Fréquentations.2. Avantage.3. Par les propos que nous entendions.4. Nous sympathisions avant de nous connaître, par la seule mention de nos noms.5. Assemblée à Bordeaux.6. Liés.7. Montaigne publia en 1571 ce recueil de satires, libres causeries en vers.8. Entente.9. Fréquentation.10. Ce qui reste après cinq distillations.
Contexte C’est Montaigne qui a créé le genre de l’essai. Le mot
vient du latin exagium qui signifie la pesée. Il s’agit de
peser sa pensée en la mesurant à celle d’autrui et en
la comparant à un autre sujet. Dans les Essais, com-
posés de 1772 à 1592 et publiés de 1580 à 1595,
que sont « la cruauté », « la déloyauté » ou « l’injus-
tice ». L’argumentation progresse à partir de ce jeu
d’oppositions entre les amis authentiques et « les
méchants » dont les relations sont fondées sur la
crainte. Les oppositions sont soulignées à deux
reprises par « mais » (l. 7 et 8). La Boétie étudie alors
la figure du tyran, contrepoint négatif de l’ami véri-
table. Des références à visée didactique illustrent le
propos. Il s’agit de l’exemple des voleurs empruntés
à la vie quotidienne et à l’observation du monde.
Dans le monde des voleurs, la « foi » est liée au pacte
immoral conclu entre eux; l’union fait aussi la force.
La fable empruntée à Ésope permet de dénoncer
l’aveuglement humain : nul ne résiste au tyran,
contrairement au renard.
Une réflexion morale et politiqueLa Boétie défend une conception de l’amitié sincère
et noble, fondée sur des qualités morales avérées
« mutuelle estime » (l. 2), « intégrité », « son bon natu-
rel, la foi et la constance » (l. 5). Ce passage peut être
complété par la célèbre page de Montaigne évo-
quant son amitié avec La Boétie. Le tyran est défini
par des valeurs négatives qui font contrepoint à
l’amitié: « la cruauté », « la déloyauté » ou « l’injus-
tice » (l. 5 et 6). Il est seul dans l’exercice du pouvoir
« n’avoir compagnon aucun » (l. 18) et omnipotent
comme le montre la fable.
SynthèseÀ travers cette page La Boétie brosse un portrait de
l’homme idéal qui se définit par des valeurs morales.
Les qualités de cet homme sont mises en exergue
par l’emploi d’un lexique valorisant dans sa relation
à autrui : « mutuelle estime » (l. 2), «intégrité », « son
bon naturel, la foi et la constance » (l. 5), « l’égalité »
(l. 11). Le portrait se complète à travers un jeu d’op-
position qui permet de définir le tyran, antithèse
absolue de l’humaniste : « la cruauté », « la déloyauté »
ou « l’injustice ».
VOCABULAIRE
Le mot « tyran » vient du grec turannos. Au sens his-
torique, il désigne le chef qui exerce un pouvoir per-
sonnel obtenu par la force et s’appuyant sur le
peuple. Par extension de sens, le terme caractérise
un souverain despotique, injuste et cruel. Au sens
figuré, il s’agit d’une personne qui abuse de son
pouvoir.
PROLONGEMENT
Montaigne, âgé de 25 ans, rencontre à Bordeaux, en
1558, Étienne de La Boétie qui a alors 28 ans. Leur
amitié, très rapide, dure pendant quatre années,
jusqu’à la mort de La Boétie en août 1563. Ce der-
nier était conseiller au parlement de Bordeaux. Il
écrivit le Discours de la servitude volontaire (1548) et
des poésies.
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1
Texte 5 – Martin Luther, À la noblesse chrétienne
de la nation allemande (1520)
p. 418 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier la relation de l’homme avec l’autorité
intellectuelle/religieuse.
– Analyser les caractéristiques d’un manifeste
religieux.
LECTURE ANALYTIQUE
S’affranchir de l’autorité intellectuelle et religieuseL’auteur rejette les textes anciens accompagnés de
« commentaires et scolies » (l. 4) ; il reprend cette
même idée introduite par « de même que » en répé-
tant « commentaires et scolies ». Il défend l’idée
d’une lecture qui fait appel à la libre interprétation.
Cette vision s’exprime au conditionnel : « J’accepte-
rais » (l. 4) et « il faudrait lire » (l. 5). Les œuvres des
Anciens, Aristote et Cicéron, servent d’exemples au
propos : il s’agit de revenir à une lecture du texte
authentique, librement interprété. Il oppose aussi
deux visions de l’université dans la dernière phrase,
visions marquées par la locution « par contre » et par
les termes antithétiques « bonne réforme des univer-
sités », « ces universités non réformées ».
L’homme doit s’attacher aux langues, aux sciences
et à l’histoire dans un souci de diversité et d’ouver-
ture à tous les champs du savoir.
Libérer l’hommeLe locuteur, Luther, moine augustin, est présent à tra-
vers la première personne « j’accepterais » (l. 1), « à
mon sens » (l. 14) qui s’efface au profit du pronom
« on » à valeur plus générale : « on lit » (l. 4), « on n’en
tire » (l. 7), « on aurait » (l. 8), « on s’efforçait » (l. 11). Il
s’adresse à un destinataire identifié : « la jeunesse
chrétienne, l’élite de notre peuple » (l. 13) et vise au-
delà toute la chrétienté allemande. Il s’agit de libérer
l’Eglise de l’autorité papale. Cette position aboutit au
schisme religieux catholiques/protestants. La dernière
phrase oppose deux visions de l’enseignement à
deux époques différentes, l’une héritée du Moyen Age
avec « ces universités non réformées », l’autre corres-
pondant à un nouvel ordre : « une bonne réforme des
universités », celui de la Re-naissance (Cf. synthèse).
SynthèseLuther défend une conception nouvelle de la liberté
humaine à travers :
1. La diversité des savoirs et l’ouverture d’esprit– Ligne 9 : « les langues, latin, grec, hébreu, les
sciences mathématiques, l’histoire ».
– Références précises à Aristote et à Cicéron.
Montaigne traite librement de différentes questions.
Le chapitre XXVIII, intitulé de « De l’amitié », apparaît
comme un discours sur une valeur morale, à la
manière des Anciens. Son titre renvoie au De Amicitia
de Cicéron mais il n’a rien d’impersonnel, puisqu’il
s’inspire d’une expérience personnelle ; il évoque une
amitié hors du commun entre Montaigne et La Boétie.
Écho de l’Antiquité – Cicéron, De l’amitié (44 av.
J.-C.)
p. 417 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur l’amitié, une valeur morale présente
chez les Anciens.
– Caractériser l’écriture d’un « moraliste/
philosophe » romain.
LECTURE ANALYTIQUE
Le mot « amitié » est utilisé à plusieurs reprises en
début et en fin de phrase. Il peut être sujet gramma-
tical (l. 1 et 13) ou complément antéposé : « De l’ami-
tié » (l. 8). Ainsi le sujet traité et la valeur morale sont
mis en valeur. Cicéron recourt à des exemples qui
illustrent la valeur suprême de l’amitié. Ces exemples
sont empruntés à l’histoire grecque (Timon, l. 17) ou
à la tradition rapportée par Archytas (l. 24). Ils
montrent que l’homme, si acariâtre soit-il, ne peut se
passer de son semblable : « ne peut cependant se
dispenser de chercher quelqu’un auprès de qui
déverser sa bile » (l. 17), « s’il avait quelqu’un à qui en
parler » (l. 28). L’amitié a un caractère universel dans
la mesure où elle concerne tous les domaines, privé,
politique ou professionnel. Elle est aussi indispen-
sable à l’homme pour tout échange. Cicéron définit
des caractéristiques générales de l’amitié, La Boétie
développe les aspects moraux de cette valeur. Il
recourt, à la manière des Anciens, à l’exemplum et à
la maxime (l. 1, par exemple).
SynthèseL’amitié représente une valeur universelle et atempo-
relle. Elle traverse les siècles de Cicéron à La Boétie ou
à Montaigne. Elle fait l’objet d’une réflexion digne de
moralistes. Elle est définie de manière valorisante à tra-
vers un lexique moral, des maximes et des jeux d’op-
position ; ainsi La Boétie confronte l’amitié à la tyran-
nie, donnant à la pensée morale une portée politique.
GRAMMAIRE
« Pour peu qu’on veuille (l. 12) : la locution conjonc-
tive suivie d’un subjonctif a une valeur concessive.
Elle signifie « pour autant que », « dans la mesure
où ». L’homme, à condition qu’il soit digne de son
statut, ne peut vivre sans l’amitié.
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Français 1re – Livre du professeur
S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE
On pourra lire le chapitre consacré à Gargantua.Les humanistes envisagent une réforme des univer-sités. Deux mondes s’affrontent : les universités médiévales où domine la scholastique et les univer-sités de la Renaissance. On tend à rechercher un modèle qui met l’homme au cœur de la réflexion. On prône :– le retour aux textes anciens et aux Ecritures débar-rassés des scolies ;– l’appel à l’examen critique ;– l’ouverture des domaines d’études et le savoir encyclopédique.
2. Le retour aux textes anciens et à la libre inter-prétation– Récurrence des termes « supprimer les commen-taires et scolies » (l. 4), « sans commentaires et sans scolies » (l. 5) et expression imagée : « toute nue, débarrassée de tous ces grands commentaires ».
3. Les limites de la libertéLuther rejette La Morale d’Aristote. Cette attitude correspond à une nouvelle conception du monde. La vision antique est cosmologique, l’être humain est conçu comme une partie d’un tout (le cosmos) dans laquelle il doit trouver sa place grâce à la connaissance. Cette vision, reprise par la théologie médiévale, est contestée à la Renaissance. L’accent est mis sur la volonté ; l’homme n’est plus membre d’un cosmos, mais dans un rapport à Dieu. D’où la liberté.
GRAMMAIRE
En recourant à une construction syntaxique iden-tique, le locuteur confronte deux types d’universités. Il défend l’idée d’une nouvelle université à l’aide d’un lexique valorisant « digne » et d’un comparatif de supériorité avec complément « pas d’œuvre plus digne du pape et de l’empereur qu’une bonne réforme des universités » ; parallèlement il dénonce, dans un mouvement binaire, « ces universités non réformées », héritées du Moyen Age, en utilisant un lexique dévalorisant « pernicieux », « diabolique » et un double comparatif de supériorité: « rien de plus pernicieux ni de plus diabolique que… ».
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
Séquence 2
La quête d’un idéal humaniste : Gargantua (1534) de Français Rabelais p. 419 (L/ES/S)
Problématique : Quel idéal humaniste Rabelais invite-t-il le lecteur à découvrir ? Comment le met-il en œuvre dans l’univers romanesque ?
Éclairages : Les textes choisis constituent un parcours de lecture dans une œuvre intégrale. Ils permettent de saisir les valeurs humanistes dont le roman se fait l’écho : curiosité et soif de connaissances, idéal de justice et de concorde, foi en l’homme et en sa perfectibilité à travers l’éducation du jeune Prince et de s’interroger sur une écriture qui, par la fiction littéraire des géants et par la présence du rire, invite le lecteur à porter un autre regard sur la réalité. Les images retenues constituent aussi un itinéraire qui mène le per-sonnage éponyme de l’ancien au « nouveau monde ».
Texte 1– Prologue
p. 420 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Montrer les intentions de Rabelais dans un
prologue placé sous le signe du double.
– Réfléchir sur le statut et le rôle du lecteur.
– Étudier un réseau d’images à visée argumentative.
LECTURE ANALYTIQUE
Le prologue d’une œuvre humanisteDu grec pro- et logos, le terme signifie « ce qui pré-
cède le discours ». Dans l’Antiquité, le mot désigne
la partie d’une œuvre théâtrale qui précède la pièce
elle-même, dans laquelle un personnage vient pré-
senter le sujet avant l’entrée du chœur. Dans les
œuvres modernes, il s’agit d’un texte introductif, à la
manière d’une préface, qui peut remplir différentes
fonctions, qu’elles soient explicatives, justificatives,
critiques, polémiques. Rabelais ouvre Gargantua par
un « Prologue » en prose qui suit immédiatement
l’« Avis aux lecteurs » en vers. L’auteur se met lui-
même en scène par la voix qu’il fait entendre à la
première personne du singulier sous une forme
ludique à travers le pseudonyme et l’anagramme
d’Alcofribas Nasier ; il fait aussi référence à son
œuvre « mes écrits » comme aux livres populaires
dont il s’est inspiré « Gargantua, Pantagruel […] ». Il
se plaît à brouiller les pistes sur le statut du « je » qui
s’adresse directement aux « Buveurs très illustres, et
vous, vérolés très précieux » (ouverture du para-
graphe 1) et aux « bons disciples » (début du para-
graphe 2). Il peut s’agir de la figure de l’écrivain,
d’un maître, fêtard, qui ne se prend pas au sérieux et
qui s’adresse à des lecteurs en quête de divertisse-
ment. L’œuvre est placée d’emblée sous l’égide du
jeu. L’esthétique du travestissement se retrouve
dans les tons utilisés. Le comique domine dans les
énumérations, procédé fréquent chez Rabelais
(Cf. Texte 3, p. 426-427 L/ES/S). Ainsi l’auteur multi-
plie les accumulations construites sur l’opposition
entre la laideur extérieure et la beauté intérieure :– Série 1 concernant les Silènes « figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cor-nus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés mais à l’intérieur on conservait les fines drogues comme le baume, l’ambre gris, l’amome, la civette, les pier-reries et autres choses de prix ».– Série 2 concernant Socrate « tant il était laid de corps et d’un maintien ridicule, le nez pointu, le regard d’un taureau […] Mais […] une intelligence plus qu’humaine, une force d’âme merveilleuse, un courage invincible […] ». Les ruptures de ton se retrouvent dans les apostrophes paradoxales : « buveurs très illustres », « vérolés très précieux » qui renversent la hiérarchie habituelle et qui s’opposent à la référence sérieuse : « Socrate, sans conteste le prince des philosophes » ; les titres tout aussi provo-cateurs : « Fessepinte, La Dignité des braguettes » alternent avec les références culturelles : « dans un dialogue de Platon intitulé Le Banquet » ; d’autres échos de l’Antiquité apparaissent à travers les men-tions d’Alcibiade ou de Socrate, la notion de disciple et les allusions mythologiques aux silènes ; l’éloge de Socrate s’inscrit aussi dans une tradition héritée de l’Antiquité. Comique et sérieuse, provocatrice et didactique, l’œuvre est placée sous le signe de la dualité dès le prologue.
Les intentions humanistes et le projet narratifLa structure du texte repose sur un jeu d’images et d’analogies qui participent d’une volonté pédago-gique forte. Le premier paragraphe est construit à partir d’un enchâssement de comparaisons à visée argumentative :Comparaison 1 – Socrate (comparé) et les Silènes (comparant), outil de comparaison : « semblable » (l. 4) ; Comparaison 2 – Les Silènes/boîtes (comparé) et Silène/figure mythologique (comparant), outil de comparaison : « comme » (l. 9) :– laideur des silènes / énumération animale dépré-ciative ;– opposition forte introduite par « Mais » (l. 9) ;– beauté intérieure des silènes / énumération de substances précieuses.
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Français 1re – Livre du professeur
santes, ses jeux de mots, ses allusions grivoises qui
correspond à un premier niveau de lecture, pour rire.
On rappellera ensuite que c’est une invitation à por-
ter un autre regard sur la réalité et à savoir tirer la
« substantifique moelle » d’un récit, en s’appuyant
sur l’image des Silènes, invitation à la sagesse et
célébration de l’intelligence.
VOCABULAIRE
Le lexique animal évoque des êtres qui ne sont pas
considérés comme des animaux nobles, mais ont
plutôt des connotations dévalorisantes (boucs,
lièvres, animaux à cornes, etc.). On relèvera par ail-
leurs la présence quasi systématique d’adjectifs
qualificatifs qui suggèrent le ridicule (cornus, bâtés,
etc.)
On a là une illustration du proverbe « l’habit ne fait
pas le moine ».
PROLONGEMENTS
– On pourra faire lire l’« Avis aux lecteurs » aux élèves
et les interroger sur les liens entre cet avertissement
et le Prologue de Gargantua.
Le statut de l’« Avis aux lecteurs » :
– un texte liminaire ;
– une forme poétique : un dizain en décasyllabes,
forme brève, resserrée et travaillée ;
– l’énonciation : première personne, adresse initiale
au lecteur, verbes à l’impératif (valeur prescriptive).
Les fonctions de l’« Avis aux lecteurs » : « défense et
justification » de l’œuvre :
– l’auteur se définit et justifie son projet littéraire :
faire rire par souci d’altruisme ;
– il brosse en creux le portrait du lecteur idéal :
ouverture d’esprit requise ;
– le ton de l’œuvre et sa visée sont annoncés : invita-
tion au divertissement sous la forme d’une maxime
finale :
« Il vaut mieux traiter du rire que des larmesParce que le rire est le propre de l’homme ».
– On pourra également amener les élèves à parcou-
rir l’œuvre intégrale et à se demander si le « pacte
initial » est respecté dans le récit.
Texte 2 – L’éducation de Gargantua
p. 422 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’idéal humaniste en matière
d’éducation.
– Montrer les effets de la nouvelle éducation.
– Réfléchir sur les limites de la nouvelle éducation.
Comparaison 3 – Socrate (comparé) et les Silènes
(comparant), outil de comparaison : « semblable »
(l. 11). Le portrait de Socrate est antithétique :
– laideur apparente : énumération de défauts phy-
siques et moraux ;
– opposition forte introduite par « Mais » (l. 17) ;
– richesse intérieure : énumération de qualités intel-
lectuelles et morales.
Un jeu d’emboîtements symétriques et rigoureux
permet de construire une double figure, celle de
Socrate et des Silènes, aux significations plurielles :
laideur dans le paraître, beauté dans l’être. Le
paragraphe suivant donne la clé de lecture en
explicitant le rapport entre les images et l’œuvre de
Rabelais. La question concise et brutale : « A quoi
tendent, à votre avis, ce prélude et ce coup d’es-
sai ? » joue le rôle d’une transition entre le symbole
et son explication, la métaphore du livre. On
retrouve le procédé de l’énumération opposant
cette fois l’apparence de titres légers : « Fessepinte,
La Dignité des Braguettes, Des pois au lard… » à la
richesse intérieure de l’œuvre présentée comme
une maxime : « Mais il ne faut pas considérer si
légèrement les œuvres des hommes » ; trois pro-
verbes empruntés au domaine vestimentaire
(« habit », « froc », « cape ») développent en écho
l’opposition entre l’être et le paraître. La locution
« c’est pourquoi » introduit la méthode de lecture :
« il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui
y est traité ». L’auteur sollicite son lecteur pour qu’il
dépasse une lecture littérale et qu’il accède à une
lecture allégorique. Pour lire Gargantua, l’auteur
recherche un nouveau type de lecteur qui se définit
non seulement par un tempérament : d’un naturel
optimiste, enclin au rire, amateur de plaisirs (vin et
amour comme le suggère l’apostrophe en ouver-
ture) et de jeux de mots mais aussi par un état
d’esprit : exercice de la pensée, sagacité, finesse
de l’interprétation et libre jugement. Le Prologue,
qui est à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de
l’œuvre, répond à des intentions stratégiques dans
une forme qui se veut originale. A la manière d’un
bateleur, l’auteur qui recourt au « je » du dialogue
vivant s’adresse à un lecteur qu’il interpelle et qu’il
malmène et, ce faisant, se définit comme un
homme joyeux, prêt à rire d’un monde qu’il va
interroger, tel un humaniste. Il définit le portrait du
lecteur idéal en présentant une leçon de « savoir
lire » à travers un jeu d’analogies, d’antithèses et
d’énumérations, caractéristique de son écriture ; il
nous invite à décrypter la métaphore du livre et à
découvrir en toute liberté les potentialités du récit à
venir.
C’est le ton de l’œuvre qui est annoncé dans cet
avertissement placé sous le signe du double,
comique et didactique.
Synthèse On reprendra la volonté d’amuser et de surprendre
de l’écrivain « fêtard », avec ses anecdotes plai-
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
ablutions entre les activités sportives. L’équilibre ali-
mentaire constitue aussi un sujet de réflexion dans
la quête d’un développement harmonieux du corps
(Cf. énumération des lignes 49 à 53). Une place nou-
velle est réservée à l’éducation morale. Les pra-
tiques formelles et mécaniques de l’ancien système
sont remplacées par des pratiques raisonnées : lec-
ture de la Bible dans un texte authentique avec exé-
gèse (l. 10-11) et par une foi sincère : « vénérer, ado-
rer, prier et supplier le bon Dieu » (l. 6-7), « rendaient
grâce à Dieu par quelque beau cantique à la gloire
de la grandeur et de la bonté divines (l. 59-60). Enfin
l’éducation intellectuelle est valorisée à travers la
diversité des domaines abordés : lettres, mathéma-
tiques (arithmétique, géométrie), physique (astrono-
mie), sciences naturelles permettant la compréhen-
sion du monde et à travers la variété des méthodes
utilisées : lecture, observation, travaux pratiques,
dialogue, etc.
Un homme nouveauIl s’agit d’une éducation à la mesure de l’idéal huma-
niste au début du XVIe siècle. L’homme de la Renais-
sance tend à développer le corps, l’âme et l’esprit
conformément à la formule des Anciens : « mens
sana in corpore sano » en recherchant l’équilibre,
l’harmonie et l’épanouissement. Le programme édu-
catif se veut complet et « gigantesque » à l’image de
Gargantua, appelé à devenir le type du prince idéal.
Une part d’innovation est introduite dans l’accès
direct aux textes sacrés et anciens et dans une
espèce de ferveur tant religieuse que scientifique.
SynthèseL’éducation humaniste se caractérise par :
– un état d’esprit : l’élève est animé par une soif de
connaissances à l’image des géants, par une curio-
sité extrême et par un certain enthousiasme face à
l’étude. On revient aussi aux sources des textes
antiques et bibliques que Gargantua commente
directement en exerçant sa raison.
– une formation complète : l’éducation nouvelle
prend en compte l’homme dans sa globalité : corps,
âme et esprit. D’où la concomitance de certaines
activités dans l’emploi du temps de Gargantua.
– un savoir être : en intégrant la culture antique à la
vie, l’élève réfléchit sur les valeurs morales et leur
mise en pratique. L’objectif est de faire de lui le
prince idéal.
VOCABULAIRE
« Se récréer » (l. 26) vient du latin recreare (produire
de nouveau, faire revivre, rétablir, réparer), recreatio
(rétablissement). Au XIIIe siècle le sens dominant est
celui de « repos, délassement ». Dans le texte, le
terme signifie se délasser au sens de se divertir. Le
sens dominant aujourd’hui de « récréation des éco-
liers » s’est développé au XVIIe siècle.
LECTURE ANALYTIQUE
De nouvelles méthodesÉduqué selon la méthode traditionnelle héritée des
précepteurs du Moyen âge, Gargantua est devenu
« niais, tout rêveux et rassotté ». Son père décide de
le confier à un maître moderne qui lui fait alors
oublier ce qu’il a appris en lui administrant un
remède « qui lui lava le cerveau de toutes ses habi-
tudes perverties ». À Thubal Holoferne, « sorbonic-
quard », succède Ponocrates, « le bourreau de tra-
vail ». Une nouvelle éducation est proposée, qui
s’oppose radicalement à l’enseignement des
sophistes. Les chapitres 20 à 22 (Éditions Pocket)
forment un diptyque antithétique. Dans la nouvelle
éducation, une organisation méthodique et ration-
nelle du temps apparaît. La part horaire consacrée à
l’étude est plus vaste que dans l’ancienne éduca-
tion : « se réveillait donc vers quatre heures du
matin » / « il s’éveillait habituellement entre huit et
neuf heures ». Le texte est jalonné de repères
logiques et temporels qui soulignent l’enchaînement
des activités (« puis », « cela fait »), leur concomitance
(« pendant ce temps », « pendant que ») et leur durée
(« pendant trois longues heures »). L’emploi du temps
se veut dynamique et rythmé, la maîtrise du temps
est devenue absolue : « il ne perdait pas un moment
de la journée ». Le principe d’alternance caractérise
aussi la nouvelle éducation : alternance entre les
activités d’intérieur et d’extérieur, alternance entre
les exercices physiques et intellectuels, alternance
entre les leçons et les travaux pratiques. On peut
s’appuyer sur la structure du passage pour montrer
comment ce principe est mis en œuvre de manière
systématique. Équilibre, diversité et variété régissent
la nouvelle éducation. L’accent est mis sur de nou-
velles pratiques pédagogiques : apprentissage par
cœur tempéré par l’appel à l’intelligence et l’exer-
cice de la réflexion critique, aspects théoriques
éclairés par le recours à l’expérience, notamment
l’observation de la nature, pratique du dialogue
entre le maître et le disciple, rôle du jeu devenu un
outil du savoir, etc. Il se dégage une ambiance nou-
velle, propice à l’épanouissement individuel :
absence de rigidité, souplesse alliée à la liberté, au
plaisir et à la détente, etc.
De nouveaux savoirsÀ l’immobilisme de l’ancienne éducation succède la
maîtrise du corps et de l’esprit dans le nouveau
modèle. Rabelais, médecin et humaniste, accorde
une place importante au corps qui est valorisé de
diverses manières, notamment à travers les activi-
tés : part de sommeil réduite et développement de
l’exercice physique, promenades et jeux : « jouaient
à la balle ou à la paume » (On pourra faire lire la suite
du chapitre). L’hygiène corporelle est devenue une
préoccupation constante, qu’il s’agisse de la toilette
matinale (énumération présente à la ligne 15) ou des
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Français 1re – Livre du professeur
fonction ludique et morale remplie par les « genres »,
poésie épique et bucolique, comédie ;
– retour du champ lexical de l’agrément et de l’ap-
port, termes valorisants ;
– le recours à des exemples à valeur argumentative
pour la poésie épique ;
On peut retrouver des échos dans l’œuvre de Rabe-
lais, qu’il s’agisse de Gargantua ou de Pantagruel
(Lettre de Gargantua à son fils).
Un plaidoyer en faveur d’une nouvelle éducationLe locuteur s’engage dans le débat éducatif à tra-
vers des marques affirmées de la première personne
du singulier et du pluriel « je » et « nous » et implique
un interlocuteur désigné par « tu » : Érasme et un
contemporain, maître/élève, auteur/lecteur… Les
marques du jugement/sentiment sont présentes :
champ lexical du plaisir. Il fait l’éloge de l’éducation
à travers deux domaines que sont les langues et la
littérature ; il insiste sur leur visée ludique et didac-
tique en lien avec les Anciens. La rhétorique de
l’éloge est développée avec l’emploi d’un lexique
valorisant, des questions oratoires, des anaphores,
etc.
SynthèseUn idéal éducatif commun à travers deux œuvres
contemporaines (1529 / 1534), empruntées à des
genres littéraires différents, un traité et un roman.
1. Une préoccupation commune• L’éducation des enfants chez Érasme, l’éducation
du jeune prince chez Rabelais.
• Des contenus axés sur les langues et les lettres
chez Érasme ; place des Anciens (Homère, Ésope,
poésie bucolique, l’apologue et la comédie). Lecture
des Anciens (énumération ligne 51), des romans de
chevalerie et de la Bible chez Rabelais.
• Des finalités éducatives comparables : des textes
à visée morale « instruire », idée récurrente du plaisir
chez Érasme et affirmation du principe du « bon plai-
sir » chez Rabelais.
2. Des choix d’écriture particuliers• Une page de traité et un registre double : didac-
tique qui vise à instruire par le circuit argumentatif
(arguments, exemples) et épidictique : éloge de la
culture littéraire (lexique du plaisir, anaphores, ques-
tions oratoires, etc.).
• Une page de roman et une rhétorique de la profu-
sion : concomitance et abondance d’activités, voire
démesure à l’image du géant.
GRAMMAIRE
On relève une phrase exclamative (l. 22-23) mar-
quant un jugement : admiration du locuteur pour la
comédie qui remplit deux fonctions « plaire et ins-
truire ». Mais ce sont les phrases interrogatives qui
dominent dans ce texte. Il s’agit essentiellement de
S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION
Les limites du programme éducatif :
– des excès : un système (trop ?) intensif laissant une
part limitée à l’autonomie intellectuelle de l’élève qui
semble passif à certains moments : « on lui faisait la
lecture » (l. 20), « son précepteur répétait ce qui avait
été lu en expliquant les points les plus obscurs et les
plus difficiles » (l. 10-11).
– des faiblesses : des manques apparaissent dans
une éducation qui pourrait prendre en compte les
langues, la poésie, les arts dans un souci d’ouver-
ture complète, etc.
Texte écho – Érasme, De l’éducation des enfants (1529)
p. 424 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’éducation chez les humanistes en
Europe.
– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre
épidictique.
LECTURE ANALYTIQUE
L’éducation, une préoccupation constante chez les humanistesLes disciplines enseignéesDeux domaines apparaissent, les langues et la litté-
rature, que l’on peut repérer grâce aux articulations
logiques : « En premier lieu » et « Et puis ». Le public
concerné est double dans un souci humaniste :
enfants et adultes sont pris en compte, même si les
visées éducatives diffèrent en fonction de l’âge.
Les deux disciplines sont mises en valeur à travers
le circuit argumentatif et les procédés d’écriture,
même si l’on observe une disproportion dans le trai-
tement des deux thèmes : les langues (l. 2 à 6) et les
lettres (l. 6 à 27).
Le discours argumentatifa. Les languesJustification de la pratique par deux arguments :
facilité d’apprentissage chez l’enfant mais difficulté
chez l’adulte (opposition : « alors que ») ; imitation et
plaisir chez l’enfant.
b. La littératureElle est développée par des arguments de longueur
inégale :
– intérêt « des fables des poètes » pour tous : plaisir,
connaissances linguistiques et formation morale ;
– un double champ lexical de l’agrément et de l’ap-
port, termes valorisants ;
– une question oratoire : « Quoi de plus plaisant […] » ;
– le recours à un exemple illustratif : « les apologues
d’Ésope », « les autres fables des poètes anciens » :
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
désastre. La description du combat relève du mas-
sacre burlesque. Les termes techniques du lexique
médical, qui traduisent la connaissance du corps
pour mieux le soigner, sont détournés ; les ennemis
sont décrits à travers le corps meurtri et désacralisé ;
aucune partie du corps n’est épargnée, de la tête « il
écrabouillait la cervelle » aux pieds « jambes »,
« tibias », jusqu’au fondement « boyau culier ». Les
termes familiers « il écrabouillait », « les tripes »
côtoient le lexique spécialisé « l’épine dorsale », « la
suture lambdoïde », produisant ainsi un effet
comique. Rabelais médecin met à mal l’anatomie
non sans malice. Le portrait du héros se fait en deux
temps à travers ses actions et ses paroles. Dans un
passage précédent, le voix du narrateur a nommé le
personnage « Frère Jean des Entommeures », « du
hachis », nom-portrait, nom programmatique, eu
égard au massacre orchestré par le moine. La figure
du moine est doublement héroïque. Il est le héros au
sens du personnage qui intervient dans l’action
romanesque ; il se caractérise aussi par des exploits
qui rappellent l’épopée et les romans de chevalerie.
Frère Jean est un moine en action qui se distingue
par une entrée en scène tonitruante, comme le sug-
gèrent les verbes au passé simple, et par son ardeur
au combat ; elle est évoquée par la parataxe, les for-
mules symétriques « aux uns […] aux autres » et l’ac-
cumulation de verbes de mouvement renforcés par-
fois par des adverbes qui traduisent la violence de
l’acte. Le narrateur parvient à maintenir l’attention
du lecteur depuis l’arrivée fracassante du héros
dans le clos de l’abbaye, théâtre de la guerre,
jusqu’aux suppliques finales des blessés. Le récit
est conduit de manière alerte : rythme rapide de la
narration, enchaînement des actions simplement
juxtaposées ou coordonnées, parallélismes de
construction, accumulation verbale. Il joue aussi sur
la fantaisie débridée en faisant de Frère Jean un
héros à la force surnaturelle qui défait à lui seul les
ennemis.
…traitée sur le mode comiqueL’épisode constitue une double satire. La parodie de
la guerre s’exprime à travers le décalage entre le
motif futile (une querelle pour des fouaces) et les
effets dévastateurs : le massacre de « treize mille six
cent vingt et deux » ennemis et à travers l’intertexte
culturel : l’épopée et les romans de chevalerie sont
présents avec les prouesses guerrières presque sur-
naturelles de Frère Jean. Mais il s’agit d’un détour-
nement comique du personnage, « moine claustrier »
voué théoriquement à la contemplation. La critique
du monde religieux se fait à travers l’attitude contras-
tée de Frère Jean et des moines. D’un côté un moine
actif qui prend en main son destin, de l’autre des
contemplatifs. On a affaire à un moine belliqueux à
la piété curieuse qui détourne les objets sacrés, le
froc et la croix, en objets guerriers et qui blasphème :
« tu vas aussi rendre ton âme à tous les diables ».
Aucune compassion à l’égard des ennemis. L’intérêt
questions oratoires qui participent de la rhétorique
de l’éloge à l’égard des Anciens : « Un stoïcien s’ex-
primerait-il plus gravement ? » (l. 17), « Quoi de plus
plaisant à écouter pour un enfant que les apologues
d’Esope ? » (l. 10) ; en écho : « Mais quoi de plus gra-
cieux qu’un poème bucolique ? Quoi de plus char-
mant qu’une comédie ? » (l. 20).
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
Pour faire l’éloge de l’éducation scolaire actuelle :
– on respectera les caractéristiques de l’énonciation
du texte d’Érasme : présence d’un locuteur « je »,
« on » qui s’adresse à un destinataire : « tu » ou
« vous » ;
– on aura recours aux mêmes procédés d’écriture :
énumération ; anaphore ; phrases exclamatives et
interrogatives ;
– on proposera des arguments en faveur de l’éduca-
tion actuelle : les contenus d’enseignement : diver-
sité et variété, culture et ouverture sur le monde ; les
méthodes pédagogiques : cours dialogué, mise en
activité de l’élève, considération de la difficulté (dif-
férenciation), place et rôle des TICE ; la relation
maître-élève : prise en compte de la personnalité,
respect de l’autre, écoute bienveillante.
Texte 3 – La guerre picrocholine
p. 426 (L/ES/S)
OBJECTIFS EN ENJEUX – Étudier l’art du récit.
– Dégager la double critique de la guerre et de la
religion.
LECTURE ANALYTIQUE
Une scène de massacre…Le champ de bataille se situe dans le clos de l’ab-
baye de Seuilly. Les forces sont représentées par
deux camps que tout oppose. D’un côté un moine
seul, Frère Jean (répétition du pronom singulier « il »),
incarne l’action méthodique, de l’autre les ennemis
en nombre, au total « treize mille six cent vingt et
deux » (nombre suggéré par les pluriels : « les porte-
drapeau », « les porte-enseigne »), sujets de Picro-
chole, se caractérisent par le désordre et une forme
d’inaction ; les guerriers se sont mus en pillards/ven-
dangeurs (détournement des instruments relatifs à
la guerre : « tambours pour les emplir de raisin », « les
trompettes étaient chargées de ceps ». L’arme de
Frère Jean est détournée elle aussi : l’objet sacré,
« le bâton de la croix », symbole de l’amour chrétien,
devient l’instrument du désordre « il les renversait
comme des porcs, frappant à tort et à travers » et du
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Français 1re – Livre du professeur
évoquent l’entrée rapide sur le champ de bataille : « il
ôta », « se saisit », « il sortit » et le début du massacre :
« il donna si brusquement », « il les chargea donc si
rudement ». Dans les paragraphes suivants, les
verbes d’action à l’imparfait sont multipliés ; ils tra-
duisent la violence de la scène guerrière par leur
accumulation mécanique. Certains verbes com-
prennent les préfixes « dé/dis » qui marquent la
séparation : «il démettait », « il défonçait », « il déboî-
tait », « il disloquait ».
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
« Croyez bien que c’était le plus horrible spectacle
qu’on ait jamais vu. » (l. 41)
La phrase conclut la partie du récit qui décrit le mas-
sacre des ennemis ; le paroxysme dans la vision réa-
liste et comique de l’horreur est atteint avec la for-
mule « à travers les couilles il perçait le boyau
culier ». Avec l’emploi de l’impératif à la deuxième
personne du pluriel « croyez », le lecteur est pris
à témoin. L’emploi du superlatif de supériorité « le
plus horrible spectacle » et le choix d’un terme fort
(horreo en latin) contribue à la dénonciation de la
guerre. On s’interroge sur la part de sérieux et de
comique. Ce passage pourra être comparé à l’épi-
sode de Candide soldat.
Texte écho – Thomas More, L’Utopie (1516)
p. 428 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser les conceptions de la guerre chez les
humanistes.
– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre
polémique.
LECTURE ANALYTIQUE
La vision traditionnelle de la guerreLa condamnation générale de la guerre est virulente
chez les Utopiens : elle s’exprime dès la première
phrase à l’aide d’un lexique moral fort « la guerre en
abomination » et d’une double comparaison ani-
male : « comme une chose brutalement animale »,
« plus fréquemment qu’aucune espèce de bête
féroce ». La guerre est dénoncée pour des raisons
politiques (impérialisme, invasion), morales (quête
de la gloire) et économiques (profit). La guerre, syno-
nyme d’agression, est condamnée chez More et
chez Rabelais, dans la mesure où elle constitue une
atteinte aux biens d’autrui.
Une conception de la guerre « idéale »La guerre défensive est justifiée chez les Utopiens
pour plusieurs raisons, politiques et morales :
qui guide l’action du moine, c’est la défense du clos
de l’abbaye, c’est-à-dire des vignes et du vin. L’atti-
tude des blessés relève de pratiques proches de la
superstition : accumulation comique de lieux de
pèlerinage ou de saints fantaisistes dans la bouche
de soudards transformés en suppliants animés non
par le repentir mais par la crainte de la mort. Le
prieur et les moines, quant à eux, sont traités avec
sévérité : entre passivité (le chant) et absurdité
(confesser des blessés eu lieu de les soigner). C’est
un idéal religieux qui s’exprime de manière sous-
jacente, à mi-chemin entre l’inaction stérile et l’ac-
tion belliqueuse.
SynthèseLa place de l’épisodeIl s’agit d’un épisode central par la place qu’il occupe
(chapitres 23 à 49 dans l’édition Pocket) et la longueur
qu’il représente (environ 26 chapitres sur les 56).
Les fonctions de l’épisode– Une fonction dramatiqueLe romancier utilise toutes les ressources du récit
pour tenir le lecteur en haleine (rythme rapide de
l’épisode, rôle des verbes d’action) et renouvelle l’in-
térêt dramatique : alternance de scène d’action et de
portrait, l’un (Frère Jean) et le multiple (les ennemis).
– Une fonction comiqueLe romancier reste fidèle au « pacte » du prologue :
faire rire son lecteur. Les sources du comique sont
mobilisées dans cet épisode haut en couleur : parodie
de l’épopée et des romans de chevalerie : grossisse-
ment épique avec l’accumulation hyperbolique de
verbes d’action et de détails anatomiques ; le bur-
lesque de l’épisode qui transforme un massacre en
jeu ; comique de contraste entre l’ardeur belliqueuse
de Frère Jean et l’attitude paisible des ennemis ;
humour noir (scène de massacre et de vendange) ;
comique verbal : jeu de mots (Cf. rendre), accumula-
tion verbale, jeux de symétrie avec les anaphores
« uns/autres », « quelqu’un », les antithèses, etc.
– Une fonction critiqueCritique de la guerre, notamment l’horreur de la
guerre civile ; un motif futile et des effets désastreux ;
folie et brutalité des hommes. Critique de la vie
monacale : moine guerrier, contraste entre l’action et
l’inaction.
– Une fonction symboliqueDerrière les deux camps se profilent deux chefs,
Grandgousier/Gargantua et Picrochole, seigneur de
Lerné « à la bile amère ». On a pu voir un écho histo-
rique et politique des luttes qui ont opposé François
Ier et Charles Quint, roi d’Espagne, empereur ger-
manique, ennemi des rois de France.
GRAMMAIRE
Les verbes d’action scandent l’épisode correspon-
dant aux exploits guerriers de Frère Jean. Dans les
paragraphes 1 et 2, les verbes au passé simple
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
I. Une conception de la « guerre idéale » encore d’actualité : la guerre défensive doit l’emporter sur la guerre offensive1. L’entraînement militaire par anticipation et l’arme-
ment, force de dissuasion
Ex. : More, paragraphe 1 et l’armée de métier en
France.
2. La défense de valeurs morales : liberté et justice
Ex. : More, paragraphe 2 et lutte contre les formes
de tyrannie au XXe et XXI
e siècles.
3. Le jeu des alliances, les pactes et la solidarité
internationale
Ex. : More, paragraphe 3 et le rôle de l’ONU dans
l’histoire.
II. Un idéal humaniste non atteint au XXIe siècle : les limites de l’idéal et la persistance de la guerre offensive1. Des guerres hâtives dans les déclarations, des
guerres éclairs ou l’enlisement dans le conflit.
2. La politique impérialiste : soif de conquêtes, hégé-
monie, rêve de gloire militaire et politique.
3. L’intolérance, source de conflits.
Texte écho – Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques (1616)
p. 430 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser les conceptions de la guerre chez les
humanistes. Le point de vue du protestant.
– Réfléchir sur l’écriture, notamment les registres
épique et tragique.
LECTURE ANALYTIQUE
Violence…La peinture de la France repose sur un jeu d’images
ou figures par analogie. La France est personnifiée
sous les traits d’une mère nourrissant des jumeaux ;
la personnification qui parcourt l’extrait se trans-
forme en allégorie : souffrance de la mère qui s’ex-
prime dans le récit et dans le passage au discours
direct. La métaphore est filée tout au long du pas-
sage ; la France est le comparé, la « mère affligée » le
comparant ; la figure féminine se déploie : mère allai-
tant, mère souffrant, mère ensanglantée. Les deux
frères, Esaü et Jacob, fils d’Isaac et de Rébecca,
sont des personnages bibliques (Cf. Ancien Testa-
ment, « Genèse », 25) ; Esaü est l’aîné, il vend son
droit d’aînesse à son frère pour un plat de lentilles ;
Jacob est le cadet et l’élu de Dieu ; tous deux se
livrent un combat sans pitié. Dans les vers 3 à 10,
Esaü est présenté comme le responsable du conflit :
il usurpe le sein maternel ; il est désigné par un
lexique dévalorisant : « le plus fort » (force brutale ici),
défense nationale d’un territoire, solidarité interna-
tionale et bien de l’humanité. Le lexique valorisant
de la protection est employé dans une période/
phrase au mouvement ternaire : « pour défendre
leurs frontières, ou pour repousser une invasion […]
ou pour délivrer de la servitude et du joug d’un tyran
un peuple opprimé ».
La défense de valeurs morales (liberté, justice et
honneur, respect des « droits de l’homme ») est mise
en exergue par l’emploi d’un lexique valorisant :
« défendre, délivrer, le bien de l’humanité, porte gra-
tuitement secours ». Les Utopiens et Frère Jean
répondent à une agression qui porte atteinte à leurs
biens terrestres et à leur liberté.
SynthèseUne vision de la guerre commune à deux auteurs
contemporains, Thomas More (humaniste anglais) et
François Rabelais (humaniste français).
Thème et type de guerre– Condamnation de la guerre offensive très présente
dans le texte de More et chez Rabelais (agression de
Picrochole à travers ses sujets) ; « Défense et illustra-
tion » de la guerre défensive.
– Justifications politiques et morales de la guerre
défensive : réactions des Utopiens pour protéger
leur territoire ou celui des alliés ; réaction de Frère
Jean pour sauver les vignes du clos de l’abbaye.
Genre littéraireUn récit fictif écrit en latin chez Thomas More et un
roman chez Rabelais.
DiscoursUn discours argumentatif chez More (thèses, argu-
ments, exemples) et narratif/descriptif chez Rabelais
ÉcritureRegistre polémique chez More : dénonciation viru-
lente de la guerre offensive (images animales,
lexique dévalorisant) et registre comique chez Rabe-
lais (ennemis pillards transformés en vendangeurs).
GRAMMAIRE
Le terme « Utopie » est emprunté par Rabelais au
terme latin Utopia utilisé par Thomas More dans
l’œuvre éponyme publiée en 1516. Le mot est créé
par Thomas More à partir du grec ou, la négation, et
topos, « le lieu », « le lieu qui n’existe nulle part ». Il
désigne une société idéale. Les termes « Les Uto-
piens » ou la variante « La République d’Utopie »,
employés de manière anaphorique, constituent les
sujets grammaticaux en ouverture de paragraphe.
Leur point de vue sur la guerre est ainsi mis en
valeur.
S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION
Il faut ici réfléchir sur la permanence d’une thèse et
sa validité à travers le temps, du XVIe au XXI
e siècle.
Quelle vision de la guerre domine à notre époque ?
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Français 1re – Livre du professeur
S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE
L’exercice invite les élèves à faire un choix person-
nel, à confronter trois textes qui traitent de la guerre
au XVIe siècle et à justifier leur point de vue. Ils
peuvent défendre leur position en s’appuyant sur la
vision de la guerre proposée et le traitement du
sujet : registre comique chez Rabelais, registre polé-
mique chez More et registre épique/tragique chez
d’Aubigné en fonction de leur sensibilité littéraire. Ils
peuvent s’interroger sur les aspects de l’Humanisme
en jeu dans ces textes : foi en la liberté, justice et
dénonciation de l’intolérance. Ils peuvent aussi se
demander lequel des trois auteurs dénonce le plus
efficacement la guerre.
LECTURE D’IMAGE
Le massacre de la Saint-Barthélémy ou la représentation du désordreUne scène de chaos. Tout est sens dessus dessous,
oblique en toutes directions, arabesques ; même
le groupe de soldats qui entrent dans l’image à
droite porte lances et autres épées de façon non
ordonnée.
Par opposition les architectures affirment la vertica-
lité, appuyée par les tours, le clocher, les pilastres en
pierre sur le bâtiment du premier plan (hôtel de Coli-
gny) et les contreforts de l’église. Symboliquement
la verticale est signe de force, de présence. On
pourrait dire que l’architecture n’est pas atteinte par
le désordre ; d’ailleurs aucun de ces bâtiments n’est
en feu. Ces monuments seraient l’image de la péren-
nité, ce qui résiste au désordre humain. Quant aux
lignes de fuite, elles conduisent à l’entrée du châ-
teau qui n’est autre que le Louvre.
Du texte au tableau, deux œuvres contem-porainesUn poète et un peintre huguenots. François Dubois
a échappé à la tuerie quand toute sa famille de
confession protestante s’est fait assassiner par les
catholiques. Évocation métaphorique des guerres
de Religion (1562-1598) chez d’Aubigné dans une
œuvre datée de 1577 et représentation (entre 1576
et 1584) d’un événement contemporain du peintre
François Dubois (le massacre de la Saint-Barthé-
lémy a lieu en 1572).
Combat singulier et massacre collectif• Scène intimiste (la mère déchirée par ses enfants) et
scène publique (massacre devant le Louvre et sous le
regard de la reine-mère Catherine de Médicis).
• Omniprésence du désordre et de la violence sug-
gérée par les groupes de combattants, les armes,
les corps étendus, les taches de sang ; le rouge
représente les catholiques qui font verser le sang,
tandis que le noir peut désigner les protestants.
« orgueilleux », « voleur acharné », « malheureux » ; les
adjectifs démonstratifs ont la valeur dépréciative de
iste. Jacob est présenté dans les vers 11 à 14
comme une victime; il est caractérisé par un lexique
valorisant : « se défend », « juste colère », en écho au
vers 26 : « le droit et la juste querelle ». Toutefois le
point de vue évolue. Séparés dans la syntaxe et
dans la présentation, les deux frères sont réunis
ensuite à partir du vers 17, quand le combat devient
sanguinaire. « Mais » annonce ce changement : « leur
rage », « leur poison », « leur courroux ». Dans ce
combat épique, on retrouve l’esthétique du grossis-
sement avec des procédés tels que le lexique de la
violence (par exemple « furieux » au vers 19 ; sens de
furor et diérèse), l’antithèse des couleurs (lait et
sang), le champ sémantique du « sang » (v. 31, 33,
34), les sonorités qui suggèrent la brutalité (v. 18 par
exemple), les hyperboles, la gradation dans la vio-
lence (mutilation de la mère et agonie), les enjambe-
ments (v. 3 à 6 : violence de l’agression).
… et passionLa présence de l’auteur est explicite ; elle est mar-
quée d’emblée par le « je » et le présent de l’énoncia-
tion. Son point de vue évolue à travers le passage.
S’il semble prendre parti pour Jacob, le protestant,
présenté comme une victime (portrait v. 11 à 14)
contre Esaü, le catholique, présenté comme l’agres-
seur (portrait v. 3 à 10), le parti pris se modifie au fur
et à mesure que le combat progresse et que la mère
est mise à mal. La lutte contre nature est condam-
née dans le discours de la mère qui réunit les deux
frères dans une même condamnation : « Vous avez,
félons […] », voire malédiction : « Or vivez de venin
[…] ». Le poète recourt au registre tragique : acte
monstrueux des deux frères qui rappelle la lutte fra-
tricide d’Etéocle et Polynice, et épique par l’amplifi-
cation.
SynthèseLe texte d’Agrippa d’Aubigné présente, par le biais
d’une allégorie, un combat singulier, une lutte fratri-
cide entre deux personnages bibliques, Esaü et
Jacob (Cf. Ancien Testament, « Genèse », 25) et ce en
présence de leur mère. On peut faire une lecture his-
torique ou politique de ce texte et y voir le symbole
d’une France ravagée par les guerres de Religion
(1562-1598) qui opposent deux partis, les catholiques
et les protestants. Cet écho d’une réalité contempo-
raine figure dans Les tragiques, poème consacré aux
malheurs des protestants, rédigé en 1577 et publié de
manière clandestine en 1616. Le texte se situe dans la
première partie intitulée « Misères », qui montre la
France déchirée par les guerres civiles. Cette œuvre
(1577), postérieure à celles de More (1516) et de
Rabelais (1534), porte l’empreinte de son temps :
nous sommes passés de l’Humanisme triomphant
qui marque le début du siècle à une période sombre
faite d’inquiétude et de pessimisme.
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
nouvelle dimension, celle d’un Prince calme, pon-
déré, lucide, efficace et profondément humain
(Cf. lexique moral valorisant). Il s’oppose en tout
point à Picrochole qui incarne l’esprit de conquête,
la démesure, la folie guerrière et la lâcheté à travers
la figure du déserteur.
SynthèseGargantua incarne le Prince idéal par les valeurs
qu’il défend dans son discours : prudence envers les
responsables du conflit, magnanimité et générosité
envers les vaincus. Son éducation est achevée à
présent. Il met en pratique les principes reçus dans
le second modèle pédagogique ; il a assimilé aussi
les valeurs des ancêtres familiaux et des Anciens
qu’il a lus. Il est donc prêt à gouverner. Il représente
un modèle pour les contemporains à travers la leçon
de sagesse politique qu’il donne aux vaincus. Il per-
met de passer du désordre à un nouvel état, celui de
l’ordre.
GRAMMAIRE
La volonté du Prince, futur roi, s’affirme dans cette
harangue aux vaincus. Pour définir les conditions de la
paix, il emploie à plusieurs reprises des verbes de
volonté tels que « vouloir » (4 fois) et « ordonner »
(1 fois) et des verbes au futur de l’indicatif : « vous rece-
vrez », « sera gouverné ». Le présent dans « je vous par-
donne et vous délivre » (l. 14) a aussi force de loi. Une
volonté forte, empreinte de sagesse, s’exprime dans le
discours de Gargantua.
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
Le portrait moral de Gargantua : un modèle de sagesse1. L’autorité du Prince, responsable des armées Affirmation de sa volonté, des décisions exposées
avec calme, une fermeté pondérée.
2. L’habileté stratégique et rhétorique du PrinceProtection garantie aux vainqueurs et aux vaincus,
pouvoir des ennemis réorganisés, éloquence maîtri-
sée.
3. L’humanité du PrinceMansuétude dans le traitement des ennemis, esprit
de justice et droiture morale, pacifisme.
Texte écho – Machiavel, Le Prince (1532)
p. 434 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser le politique chez les humanistes
français et italiens.
– Réfléchir sur le genre argumentatif.
• Présence de vieillards, de femmes et d’enfants vic-
times dans le tableau à l’image de la mère déchirée
dans le poème.
• Vision d’horreur dans cette double scène de mas-
sacre à travers le texte et l’image, vision de deux
camps irréconciliables.
Texte 4 – La figure du Prince
p. 432 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’art du discours.
– Caractériser la figure du Prince humaniste.
LECTURE ANALYTIQUE
Le discours aux vaincusGargantua, chef de l’armée des Utopiens, s’adresse
aux vaincus dans une harangue qui est rapportée au
discours direct. Il exprime son point de vue à l’aide
de la première personne du singulier et recourt aux
marques de la volonté. Le chapitre XLVIII, intitulé « La
concion que feist Gargantua ès vaincus », est consti-
tué d’un long discours rapporté directement ; l’auto-
rité du Prince est renforcée par cet effet de réalisme.
Dans ce discours, le Prince règle la situation engen-
drée par la guerre et définit les conditions d’une paix
durable. Il accorde son pardon aux ennemis (para-
graphe 3) et leur octroie la liberté ; il protège leur
retour et leur assure des conditions matérielles
(« solde »); il réorganise le pouvoir devenu anarchique
en nommant un conseil des sages pendant la
régence ; il s’entoure de précautions envers les fau-
teurs de troubles, car générosité ne signifie pas naï-
veté. Le ton se veut ferme et injonctif comme le
montrent les marques de la volonté (Cf. question de
langue) et la structure rigoureuse du discours ; la
parole est maîtrisée.
Le portrait du Prince idéalGrandgousier et Ponocrates représentent le père et
le précepteur qui ont contribué à l’éducation du
Prince et à la transmission des valeurs. Les para-
graphes 1 à 3 sont ponctués de termes moraux à
connotation positive qui évoquent l’esprit de justice
ancestral : « générosité, mansuétude, généreux,
bienveillance ». Ponocrates qui devient le gouver-
neur sur le territoire de Picrochole pendant la mino-
rité du fils de ce dernier incarne lui aussi la sagesse.
Gargantua a intégré les leçons de son maître. Il
recourt à des exemples historiques, parfois fantai-
sistes, tirés de l’histoire biblique et antique : Moïse et
Jules César. Ces exemples jouent un rôle démons-
tratif ; Gargantua règle sa conduite sur celle des
anciens : il pardonne aux vaincus et punit les fau-
teurs de troubles. La figure de Gargantua prend une
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Français 1re – Livre du professeur
Texte 5 – Comment était réglée la vie des Thélémites
p. 436 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier la clôture de l’œuvre.
– Caractériser l’idéal humaniste.
LECTURE ANALYTIQUE
Une éducation idéaleIl s’agit d’une élite sociale comme le suggèrent les termes utilisés « chevaliers » ou « dames », les activi-tés propres à l’aristocratie (chasse à courre, chasse au vol), l’otium de gens cultivés et le raffinement de la toilette. C’est en même temps une élite morale : noblesse de naissance et qualités inhérentes (lexique moral de la vertu et de la bonté naturelle). Il s’agit aussi d’une abbaye mixte avec présence simultanée et égale des hommes et de femmes. L’éducation contribue à l’épanouissement du corps et de l’esprit. On retrouve la soif de connaissances, la curiosité intellectuelle, l’ouverture aux arts et au monde : énumération de verbes à l’infinitif (l. 21-22). L’art de la chevalerie contribue au développement harmonieux du corps ; le boire et le manger sont pré-sents, comme autant de plaisirs.
Une harmonie idéaleUn principe d’égalité de traitement apparaît entre l’homme et la femme. La distribution des groupes syntaxiques le montre: « l’un ou l’une » (l. 14), « les dames » // « les hommes « (paragraphe 2), « cheva-liers » // « dames » (paragraphe 3). Un principe d’har-monie régit les relations et le mode de vie à Thélème ; l’un et le multiple se rejoignent comme le montre la construction symétrique et le rythme ternaire du paragraphe 2 : « Si l’un ou l’une disait : « Buvons », ils buvaient tous ; s’il disait : « Jouons », tous jouaient ; s’il disait : « Allons nous ébattre aux champs », tous y allaient ».
Une liberté idéaleL’expression de la liberté est très présente à travers le champ lexical du bon plaisir : « leur bon vouloir », « quand bon leur semblait » (l. 2), « quand le désir leur venait » (l. 3) et le jeu des négations : « non selon des lois, des statuts ou des règles » (l. 1), « nul ne les réveillait » (l. 4). La devise « Fais ce que tu voudras », formulée à l’impératif, est une négation de la contrainte et une exhortation à la liberté. Il s’agit d’une apologie de la liberté possible pour une élite sociale et morale. Cette liberté individuelle, non anarchique, est réglée sur le principe du collectif.
SynthèseThélème s’oppose aux abbayes traditionnelles ; les trois vœux (pauvreté, chasteté et obéissance) ne
LECTURE ANALYTIQUE
La figure du Prince selon MachiavelL’argumentation de Machiavel repose souvent sur
des exemples empruntés à l’histoire ancienne. Le
paragraphe 2 développe un exemple historique,
celui d’Antiochus, à visée argumentative ; il montre
les limites de la neutralité. Il recourt aussi à la cita-
tion latine (paragraphe 2), inexacte certes mais
attestant de la culture gréco-latine du philosophe.
Chaque paragraphe s’ouvre sur la formule anapho-
rique « un prince » ; il s’agit bien d’une réflexion
générale sur le politique idéal :
Paragraphe 1 – Un prince doit savoir prendre parti,
quel que soit le camp choisi.
Paragraphe 2 – Recours à un exemple historique,
celui d’Antiochus.
Paragraphe 3 – Un prince doit faire preuve de pru-
dence dans le jeu des alliances.
Paragraphe 4 – Un prince est doté de qualités
morales : il se comporte en mécène, il favorise l’acti-
vité économique, il protège les biens, il est pour-
voyeur de fêtes, il se montre généreux.
SynthèseLa figure du prince selon Machiavel et RabelaisDeux humanistes « européens » et contemporains
réfléchissent sur l’image du politique à travers deux
genres littéraires différents, un essai (1532) et un
roman (1534). Le Prince de Machiavel et le Gargan-
tua, figures éponymes, incarnent tous deux le réa-
lisme politique à travers :
– la défense de l’intérêt de l’Etat ;
– la prise en compte de l’intérêt du peuple ;
– la prudence ;
– la pondération ;
l’habileté oratoire ;
la magnanimité et la générosité.
VOCABULAIRE
« Machiavélisme » : nom commun forgé en 1602 sur
le nom propre Machiavel. Il s’agit de la doctrine de
Machiavel (1469-1527), homme politique et philo-
sophe italien, auteur de l’essai intitulé Le Prince.
Dans cet ouvrage, l’auteur développe l’idée que
l’homme d’Etat doit conserver le pouvoir en
employant « la ruse du renard » et « la force du lion ».
Ce réalisme politique est tourné vers le bien de la
société. Mais, pour séduire le peuple, pour maintenir
l’ordre, le Prince peut être conduit à employer des
procédés considérés comme immoraux. Il illustre
ainsi le proverbe : « La fin justifie les moyens ». Le
nom désigne le caractère d’une conduite cynique,
tortueuse, froidement calculatrice. Attitude perfide
de quelqu’un qui cherche à parvenir à ses fins par
tous les moyens.
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
1. L’éducationL’image 1 correspond à l’ancienne éducation dis-
pensée par les sophistes ou « Sorbonagres »; ces
derniers entourent le géant en désordre. Gargantua
tente de lire le monde à partir du globe terrestre mais
semble hébété. Cette image emprunte des éléments
à l’ancienne éducation (caricature des sophistes) et
à la nouvelle (le globe, objet du savoir). Cette pre-
mière éducation sous la responsabilité de Thubal
Holoferne et Jobelin Bridé a rendu l’élève « niais,
tout rêveux et rassotté ».
L’image 2 fait référence à la nouvelle éducation
confiée à Ponocrates. Il s’agit de la leçon d’astrono-
mie fondée sur l’observation de la nature et l’expé-
rience : « En revenant, ils considéraient l’état du ciel :
s’il se présentait comme ils l’avaient noté le soir pré-
cédent, dans quelle partie du zodiaque entraient le
soleil et la lune pour la journée » (Éditions Pocket,
chapitre XXI, manuel L/ES/S page 422). L’élève fait
preuve de concentration et se montre attentif aux
propos du maître. Ordre et symétrie règnent dans
cette image.
2. La guerreL’image 3 concerne la guerre picrocholine, notam-
ment l’épisode où Frère Jean sauve le clos de l’ab-
baye de Seuilly : « Et du bâton de la croix il donna su
brusquement sur les ennemis, qui, sans ordre, ni
enseigne, ni tambour ni trompette, grappillaient
dans l’enclos… » (Éditions Pocket, chapitre XXV,
manuel L/ES/S page 426). La scène représentée a
pour décor une abbaye, finement ouvragée ; Frère
Jean est en action et a déjà massacré les ennemis.
La composition de l’image, notamment la pyramide
centrale avec la figure du moine, rappelle le tableau
de Paolo Uccello, La bataille de San Romano qui
opposa les Siennois aux Florentins en 1432.
3. ThélèmeL’image 4 rappelle Thélème. (Éditions Pocket, cha-
pitre LV, manuel L/ES/S page 436).
Le décor est constitué d’une abbaye ou d’un manoir
de style Renaissance où évoluent des nobles, des
hommes et des femmes. Gargantua veille sur la
récompense qu’il a offerte à Frère Jean au terme de
la guerre. La liberté et l’harmonie affirmées dans le
texte se retrouvent à travers l’image.
Les trois thèmes répondent au parcours initiatique
de Gargantua qui passe de l’ancienne à la nouvelle
éducation, de la guerre à la paix : du tumulte naît
l’ordre dans les deux couples d’images. Thélème
constitue l’aboutissement de l’itinéraire et l’accom-
plissement du Prince par les valeurs qu’il incarne.
Les images constituent des illustrations fidèles de
l’œuvre à travers les thèmes et leur traitement,
même si la première illustration s’écarte un peu du
texte, dans la mesure où elle mêle des éléments
empruntés aux deux éducations. La verve comique
est présente dans les images 1 (art de la caricature,
comique de situation) et 3 (truculence d’un person-
sont pas prononcés. Un anti-modèle s’impose :1. Élite sociale et mode de vie raffiné des Thélémites.2. Mixité au sein de l’abbaye.3. Liberté individuelle et collective.Une seule règle : « Fais ce que tu voudras ».
GRAMMAIRE
L’anaphore de l’adverbe « si » introduit l’idée d’une comparaison qui insiste sur les qualités physiques et morales des Thélémites, hommes et femmes.
S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION
Les chapitres 50 à 56 (Éditions Pocket) constituent la dernière partie de l’œuvre consacrée à Thélème, « volonté ». Frère Jean refuse les abbayes tradition-nelles que lui offre le Prince pour le remercier de ses exploits lors de la guerre picrocholine. Comment gou-verner autrui quand on ne sait le faire soi-même ? Il consent à fonder une abbaye où les règles fonctionnent à rebours des règles monastiques : pas de murailles, pas de vœux, libre emploi du temps, vie commune d’hommes et de femmes de bonne naissance.
Thélème, un modèle d’utopie1. Les caractéristiques de l’utopie– une élite sociale et morale– une abbaye mixte– une éducation complète contribuant à l’épanouis-sement du corps et de l’esprit– une liberté individuelle réglée sur la liberté collective
2. Les limites de l’utopie– un monde clos réservé à une élite aristocratique– une liberté restreinte dans la mesure où c’est « l’honneur » des Thélémites qui les oriente dans leur usage de la liberté et les pousse à la vertu– un lieu temporaire avant le mariageThélème demeure un rêve généreux où s’exprime la confiance de l’auteur en la nature humaine.
Lecture d’images – Gustave Doré, Gargantua (1854)
p. 438 (L/ES/S)
Parcours de lecture, du texte à l’imageOn pourrait envisager la démarche inverse : ouvrir la séquence par une lecture d’images qui amène les élèves à identifier les personnages, à définir les thèmes, à s’interroger sur leur progression et à éla-borer une problématique d’ensemble.Quatre images et trois thèmes :
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Français 1re – Livre du professeur
adverbe, un néologisme, dont la racine « théolo-
gal » appartient au sacré.
2. « l’eau bénite de cave » : alliance du sacré (eau du
baptême) et du profane (alcool).
3. « pleurer comme une vache » : comparaison ani-
male familière.
4. « le bâton de la croix » : détournement d’un objet
de culte en objet ordinaire, une arme servant au
massacre.
5. « deslochait les spondyles, desgourdait les
ischies » : mélange de verbes familiers et de termes
techniques désignant les parties du corps.
b. Il s’agit d’une parodie du chant grégorien à partir
de la phrase : « Impetum inimicorum ne timueritis »,
« Ne craignez pas l’assaut des ennemis », situation
paradoxale, car les sujets de Picrochole ravagent le
clos de l’abbaye tandis que les moines chantent.
Jeu sur la répétition des sons imités du latin mais
incompréhensibles.
c. 1. À l’exemple de ce chien, il vous faut être sages
pour humer, sentir et estimer ces beaux livres de
haute graisse, légers à la poursuite et hardis à l’at-
taque. Puis, par une lecture attentive et une média-
tion assidue, rompre l’os et sucer la substantifique
moelle.
Le jeu sur les images, le chien et l’os, invite à une
lecture plurielle de l’œuvre ; l’auteur sollicite son lec-
teur pour qu’il dépasse la lecture littérale et qu’il
accède à une lecture allégorique de l’œuvre. C’est le
pacte de lecture scellé dès le prologue.
2. Puis fientait, pissait, rendait sa gorge, rotait,
pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éter-
nuait, et se morvait en archidiacre, et déjeunait pour
abattre la rosée et mauvais air : belles tripes frites,
belles carbonades, beaux jambons, belles cabiro-
tades.
Accumulation verbale d’actions et énumération de
mets montrent la place du corps dans l’ancienne
éducation.
3. NIVEAUX DE LANGUE
Apparaissent les interjections, les onomatopées, les
expressions familières et le jeu de mots comique
(bonne chose/bonne paire de chausses) qui jettent
le discrédit sur le discours de Maître Janotus dont le
nom latinisé est peu sérieux : Janotus vient de
« Janot » et « bragmarder » a un sens sexuel. Son dis-
cours est fait de références qui, sorties de leur
contexte culturel, perdent tout sens, de formules
figées empruntées au jargon scolaire et d’une juxta-
position d’idées absurde. Il s’agit de faire la satire
d’un personnage emblématique à travers la dérélic-
tion de la parole : il représente cette institution que
sont les sophistes ou les théologiens de la Sor-
bonne.
nage : un moine en froc défaisant à lui seul des
ennemis en cuirasse). Les images apparaissent
aussi comme des « recréations » personnelles ». L’ar-
tiste à l’imagination débordante produit une œuvre
pleine de dextérité et de fantaisie qui lui assura le
succès : « Ce fut le premier ouvrage qui fit sensation
et qui, par l’entremise de la presse, attira sur moi
l’attention du monde ».
Vocabulaire – Comprendre le vocabulaire rabelaisien
p. 440 (L/ES/S)
1. ÉTYMOLOGIE
Les géantsGrandgousier, père de Gargantua. Son nom formé
à partir de « grand » et « gosier » désigne un rapport à
la nourriture. Il est roi des Dipsodes, dipsao signifie
en grec « avoir soif » ; on retrouve l’autre caractéris-
tique de ces géants.
Gargamelle, mère de Gargantua. Le nom est emprunté
au provençal gargamela, dû à un croisement de cala-
mela (chalumeau, métaphore du tuyau de la gorge)
avec le radical -garg- « gosier, gorge ». Le nom est en
rapport avec la nourriture.
Gargantua est déjà un nom de géant dans la littéra-
ture populaire. Le chapitre VI intitulé « Comment son
nom fut donné à Gargantua et comment il buvait le
coup » (Éditions Pocket) donne l’explication : « il bra-
mait en demandant : « A boire ! à boire ! à boire ! » Alors
il dit : « Quel grand tu as ! » (sous-entendu gosier). »
Pantagruel est le fils de Gargantua et de Badebec ;
le nom qu’il reçoit est lié à la sécheresse qui sévit
dans le royaume de son père : du grec panta « tout »
et de l’arabe gruel « altéré ». Son nom le prédestine à
régner sur les buveurs.
Les compagnons de GargantuaPonocrates : précepteur de Gargantua, il représente
l’éducation humaniste. Son nom d’origine grecque
signifie « le bourreau de travail ».
Anagnoste : vient du verbe grec signifiant « lecteur ».
Eudémon : page ; son nom grec signifie « le bien-
heureux ».
Frère Jean des Entommeures : « du hachis » ; son
nom entomos « coupé » fait référence au massacre
qu’il commet.
L’ennemi de GargantuaPicrochole : vient du grec picros « piquant » (acide
picrique) et cholè « la bile, le fiel » ; il a l’humeur belli-
queuse.
2. JEUX VERBAUX
a. Rabelais emploie le comique verbal.1. « chopiner théologalement » : alliance d’un verbe
familier qui fait référence à la boisson et d’un
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2
Sujet 2 On rappellera aux élèves d’être attentifs à l’énoncia-tion : les propos de Gargantua à ses proches, donc de respecter les règles du discours. On leur propo-sera de relire quelques textes de Gargantua et de noter des réflexions, des remarques qu’ils pourront replacer dans la bouche du héros. On les invitera également à inventer ou à reprendre des jeux de mots, des expressions hautes en couleur qu’ils auront relevées dans les textes.
EXPRESSION ÉCRITE
Sujet 1Il s’agira de reprendre les qualités d’écrivain qui sait distraire son lecteur tout en l’instruisant et les valeurs humanistes que les élèves ont découvertes en lisant les extraits de la séquence.
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Français 1re – Livre du professeur
Séquence 3
Imiter les antiques : le renouvellement poétique de la Pléiade p. 442 (L/ES/S)
Problématique : Comment les poètes de la Pléiade renouvellent-ils la poésie en s’inspirant de la littérature antique ?
Éclairages : La problématique proposée ici interroge à la fois le genre poétique et l’histoire littéraire en poursuivant les buts et objectifs définis plus haut. Il s’agit de mettre en avant une écriture et une inspiration que le Moyen Âge n’a pas connues et d’éclairer une situation paradoxale : la Pléiade revendique la nou-veauté de son écriture et de son inspiration en les fondant sur une littérature et une culture anciennes.
Texte 1 – Joachim du Bellay, Les Antiquités de
Rome (1558)
p. 443 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’image de la Rome antique.
– Voir en quoi elle impose une réflexion sur la fragilité
du monde et de la gloire.
LECTURE ANALYTIQUE
Le sonnet de du Bellay est un hommage au poète Virgile et à un passage de l’Énéide (VI, 782 sqq.) qui est reproduit dans le manuel L/ES/S page 444.
Rome, ville antique1. Le sonnet, genre nouveau en 1558, est organisé autour d’une comparaison. Le premier quatrain est le premier élément, d’une seule phrase, composé sur la tournure latine « talis… qualis » (« telle que … telle »). On relève aussi un autre latinisme : l’ellipse du verbe que le vers 3 met à la rime : « telle se faisait voir ». Les deux éléments de la comparaison se trouvent au début et à la fin du quatrain : la déesse Cybèle et Rome, « cette ville ancienne ». Le lecteur attend longtemps le terme de la comparaison, dans un mouvement lent et majestueux qui reprend celui du char divin. Un double mouvement est créé : le rythme est régulier : 18 + 12 + 18 et est doublé par le découpage des propositions entre rejets et enjam-bements. Une discrète allitération en [T] accentue la comparaison : « telle, Bérécynthienne, tours, enfanté tant, telle ».2. Rome, enfin nommée, du Bellay déséquilibre la comparaison en établissant la supériorité de Rome sur la déesse. Le groupe nominal « Cette ville » est repris du vers 4 au vers 5 et amplifié par trois propo-sitions coordonnées : « qui fut plus que la Phry-gienne / Foisonnante en enfants, et de qui le pou-voir / Fut le pouvoir du monde, et ne se peut revoir / Pareille à sa grandeur, grandeur sinon la sienne. » (v. 5-8). La répétition de « grandeur » sous forme de chiasme participe à la surenchère. L’hyper-bole apparaît dans « plus que », dans « le pouvoir du monde » et dans « foisonnante en enfants » (allitéra-
tion en [F]). La syntaxe permet d’isoler le groupe
nominal « cette ville » et participe à la valorisation de
Rome.
3. Les noms propres ont un grand pouvoir évocateur
pour la Pléiade. L’allusion à Cybèle des premiers
vers prend la forme d’une périphrase, la Bérécyn-
thienne (voir note 1, p. 443) développée par une dié-
rèse et la rime féminine. La comparaison « plus que
la Phrygienne » (v. 5) s’apparente à la périphrase :
même diérèse, même rime riche. Les références
antiques sont savantes : la Bérécynthienne Cybèle
est honorée en Phrygie, à Troie dont le roi Priam eut
cinquante fils et cinquante filles. Le fondateur de
Rome, Romulus est un descendant d’Ascagne, fils
d’Énée et petit-fils de Priam. Rome est encadrée par
le Bérécynthienne et la Phrygienne par le système
des rimes abba, abba.
Une ville idéalisée4. La toute-puissance de Rome est développée
dans le dernier tercet. Introduite dès le dernier vers
du premier tercet, la phrase qui le compose prend
de l’ampleur grâce aux enjambements. La reprise du
vers 3 au vers 6 : « enfanté tant de dieux » corres-
pond à « foisonnante en enfants » avec un effet de
chiasme, « voir » à « pouvoir ». La polyptote est aussi
employée dans tout le sonnet : « pouvoir » (v. 6, 7 et
12), « peut » (v. 7), « pouvait » (v. 9 et 10), « puissance »
(v. 14).
5. La répétition, les parallélismes, le rythme binaire :
« Rome seule pouvait à Rome ressembler, /Rome
seule pouvait Rome faire trembler » ; « Se vantât
d’égaler celle qui fit égale / Sa puissance à la terre et
son courage aux cieux. »
6. Aucune place n’est laissée au présent de Rome.
Laissé dans l’ombre de la gloire ancienne, il apparaît
moins intéressant et fade. Le seul présent de l’indi-
catif du sonnet : « et ne se peut revoir » évoque un
pouvoir révolu et inaccessible.
SynthèseJoachim du Bellay propose dans ce sonnet une
image de Rome majestueuse dont le charme pro-
vient des références savantes et poétiques à l’anti-
quité. Le présent apparaît en contrepoint fade et
modeste.
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
3. Par son activité (verbes d’actions : « égalera,
entourera »), Rome s’élève et ne doit rien à autrui.
Réécritures
4. Les images sont reprises dans « Telle que dans
son char la Bérécynthienne » mais les murailles n’y
figurent pas. C’est la grandeur de Rome qui est mise
en valeur par du Bellay.
5. Les figures de style dans le poème et la traduc-
tion : l’hyperbole « Rome la grand’ » dans la traduc-
tion mais pas dans le poème, comme les sept
murailles ; la fécondité : plus développée dans la tra-
duction (« grosse d’enfants », « mère des dieux »,
« tant de déités », « cent neveux ») ; les effets d’agran-
dissement : « la rondeur du monde » / « le pouvoir du
monde » et « puissance à la terre », « son courage
aux cieux » / « son courage aux cieux ». Joachim du
Bellay conserve les éléments les plus flatteurs et
oublie les détails plus pittoresques que la ville aux
sept collines. La forme contrainte du sonnet l’amène
à faire des choix.
6. Virgile et Joachim du Bellay arrivent à montrer le
caractère inique en établissant des liens impro-
bables entre une ville mortelle et une déesse adorée
dans plusieurs temples.
Synthèse
On reprendra les réponses aux questions 2, 3, 4, 5
page 443 (L/ES/S) et 2, 4, 5, 6 page 444 (L/ES/S) en
s’attardant particulièrement aux expansions du
nom, aux hyperboles et aux références mytholo-
giques. Il faudra ensuite s’attarder sur la vision per-
sonnelle de du Bellay, en s’appuyant plus particuliè-
rement sur le deuxième quatrain, page 443 (L/ES/S).
VOCABULAIRE
« Cestuy-ci » est un pronom démonstratif du moyen
français. Il est en concurrence avec « cil » qui a fina-
lement survécu en français moderne. En moyen
français, « cestuy » désigne un objet ou un être
proche et « -ci » indique la proximité. Anchise se sent
proche de son descendant Romulus.
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
Dans ce paragraphe également, on mettra en regard
les formulations, les images quasi identiques (les
élèves devront citer précisément des éléments du
texte). Il faudra relever et commenter la différence
des temps verbaux : futur d’une prophétie qui
annonce la grandeur de Rome dans l’Énéide et
passé du regret dans Les Antiquités de Rome.
GRAMMAIRE
La syntaxe du deuxième quatrain est complexe. Il
est composé du groupe nominal : « cette ville » suivi
de propositions subordonnées relatives : « cette
ville, qui … », « et [cette ville] de qui … ». Le troisième
pronom relatif est sous-entendu : « [cette ville] qui ne
se peut revoir ». Analyse de la forme verbale : la
forme « ne se peut revoir » est une construction pro-
nominale : « se pouvoir » signifie « être capable de ».
Il faut lire ici : « cette ville qui ne peut se revoir pareille
à sa grandeur ».
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
Il s’agit de mettre en valeur les effets vus dans le
questionnaire et de les relier dans une réflexion sur
l’écriture avec contraintes.
PROLONGEMENTS
On peut proposer aux élèves de développer l’image
de Rome dans Les Antiquités de Rome à travers
d’autres sonnets du recueil et en particulier le son-
net III qui développe la décadence de Rome.
D’autres images de Rome : Horace, de Corneille ;
Terrasse à Rome de Pascal Quignard ; Mémoires
d’Hadrien de Marguerite Yourcenar.
Écho de l’Antiquité – Virgile, Énéide (Ier s. av. J.-C.)
p. 444 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Découvrir la source d’inspiration antique de
du Bellay.
– Comprendre la réécriture d’un thème.
LECTURE ANALYTIQUE
La gloire de Rome1. Virgile souhaite dans l’Énéide donner du lustre à
l’histoire de Rome, montrer comment elle domine le
monde et valoriser les actions d’Auguste. Dans l’ex-
trait, Virgile installe l’image d’une ville, l’Urbs, entou-
rée de tours (« seule », « ville ») puis d’une déesse qui
lui ressemble par de nombreux points : « une
muraille » / « couronnée de tours » ; « féconde en
héros » / « heureuse d’avoir enfanté tant de dieux » et
lui permet d’égaler l’orbs.
2. Virgile utilise l’hyperbole : « l’illustre Rome », « éga-
lera son empire à l’univers et sa valeur à l’Olympe » ;
l’accession à un pouvoir universel et divin (dont Vir-
gile raconte l’origine à travers l’origine de Romulus) ;
la valeur des Romains : « ville féconde en héros ».
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Français 1re – Livre du professeur
GRAMMAIRE
« Voire » signifie : en vérité, vraiment. Il a pour origine
le latin vera, pluriel neutre pris adverbialement de
l’adjectif verus, « vrai, véritable, réel, juste, sincère ».
Le verbe « voir » vient du verbe latin videre.
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
Critères d’évaluation• Il faudra garder une énonciation à la première per-
sonne.
• Le destinataire sera un écrivain ou poète potentiel.
• Les élèves devront se poser la question du temps
et du mode choisis : impératif, futur de l’indicatif ou
subjonctif.
• Les élèves devront utiliser les réponses aux ques-
tions portant sur le poème, en mettant en avant le
texte, qui sera l’élément le plus important.
Cet exercice peut être particulièrement intéressant
pour les élèves qui ne citent pas suffisamment le
texte dans leurs commentaires et ne parviennent
pas à l’exploiter.
Texte 2 – Pierre de Ronsard, Meslanges (1555)
p. 446 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier les potentialités d’écriture de la forme
poétique de l’ode antique.
– Voir comment Pierre de Ronsard arrive à l’adapter
à un sujet amoureux.
LECTURE ANALYTIQUE
Une ode à l’antique1. Pierre de Ronsard reprend une forme poétique
antique assez souple et libre. Il a choisi une forme
régulière : douze vers de longueur identique, des
octosyllabes, deux strophes correspondant à deux
phrases. Le rythme est varié mais établit une
constante en fin de strophe : 2+6 ; 2+6 ; 4+4 ; 8 ; 16
16 ; 2+2+4 ; 8 ; 16.
2. « Odelette » est un diminutif de « ode ». De fait l’ode
emploie deux autres diminutifs comme l’y invite
Défense et illustration de la langue française
(Cf. p. 447 L/ES/S) pour enrichir le vocabulaire fran-
çais : « babillarde » (v. 1 – voir note du manuel L/ES/S,
p. 446) « languette » (v. 4). La présence du même
rythme dans les deux derniers vers des strophes
évoque un refrain comme dans un rondet. Le vers
comme l’ode sont courts. L’hirondelle est un oiseau
familier du printemps mais c’est aussi un oiseau
aimé de l’antiquité. Le décor évoqué l’est aussi : la
cheminée, le couteau. Curieusement, l’ode se situe à
Texte écho – Joachim du Bellay, Défense et
illustration de la langue française (1549)
p. 445 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Comprendre ce que les poètes de la Pléiade
appellent l’imitation.
– Réfléchir à l’influence des auteurs latins et grecs.
LECTURE ANALYTIQUE
Un texte théoriqueDeux formules caractérisent celui à qui s’adresse
Joachim du Bellay : « celui qui voudra enrichir sa
langue » (l. 1) ; « Ô toi qui désires l’accroissement de
ta langue et veux exceller en icelle » (l. 19). De la pro-
gression dans la familiarité de l’échange, on com-
prend combien le sujet est important pour la Pléiade.
Le verbe « inventer » a son sens latin rhétorique. Il
s’agit de mobiliser les idées et les moyens de les
mettre en œuvre. C’est une activité que du Bellay
attribue aux Grecs et aux Latins. Le verbe « imiter » a
un sens restrictif : il ne s’agit pas de reproduire sans
comprendre (« premier regard », l. 12) mais de péné-
trer la langue ancienne (ll. 7/9). Du Bellay utilise l’hy-
perbole et un mouvement binaire pour opposer une
bonne imitation et une mauvaise.
Un programme pour le poète du BellayIl s’agit ici de montrer comment du Bellay a su s’ap-
proprier un thème, des figures de style, un vocabu-
laire originel pour créer un poème différent, aboutir
à une création personnelle. On reprend donc les
éléments de réponse aux questions du texte p. 443
(L/ES/S) et aux questions 5 et 6 p. 444 (L/ES/S). On
pourra aussi montrer l’originalité de du Bellay qui
reprend un thème antique dans une forme nouvelle,
le sonnet. Il participe à « l’accroissement de la
langue » en s’appropriant « les sentences et les
mots » des langues étrangères (attention au sens
d’ « approprier ») et en proposant de nouveaux
mots, formés sur des étymologies latines et
grecques.
SynthèseLa synthèse invite à mettre en avant un des argu-
ments en faveur de l’enrichissement de la langue et
de la littérature : le souffle nouveau qu’apportent les
auteurs antiques, oubliés pendant quelques siècles.
Par ailleurs, la nécessité d’ « approprier », d’ « adap-
ter » les emprunts favorise l’esprit créatif. Lignes 18
à 20, on relèvera aussi l’idée d’un travail sans
relâche (« Sans cesse sur le métier… »). On invitera
les élèves à exploiter particulièrement les questions
3 à 5.
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
On invitera les élèves à proposer des comparaisons
originales. On attirera aussi leur attention sur les
rimes du poème de Ronsard.
Texte écho – Joachim du Bellay, Défense et
illustration de la langue française (1549)
p. 447 (L/ES/S)
OBJECTIF ET ENJEU
– Comprendre comment la lecture des genres de
l’Antiquité influence l’Art poétique français du XVIe
siècle.
LECTURE ANALYTIQUE
Les conseils d’un art poétique
1. Joachim du Bellay dévalorise la littérature du
Moyen Âge finissant : « vieilles poésies françaises »
(l. 2), qu’il critique de multiples manières : allusion à
d’anciens concours « jeux Floraux de Toulouse et au
Puy de Rouen » ; énumérations de formes qui
perdent leurs valeurs par leur place dans une liste :
« comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux,
chansons et autres telles épiceries » et la métaphore
finale. La condamnation est complète avec l’expres-
sion : « qui corrompent le goût de notre langue et ne
servent sinon à porter témoignage de notre igno-
rance ». La littérature est déconsidérée.
2. Joachim du Bellay fait allusion à l’épigramme, à
l’élégie, à la fable, à l’ode.
3. Joachim du Bellay les recommande tous mais il
porte toute son attention sur le niveau de langue
élevé et sur la qualité de la langue.
Les choix du poète
4. Ronsard s’est conformé aux principes :
– « Chante-moi ces odes, inconnues encore de la
Muse française » : « Odelette à l’Arondelle »
– « la sollicitude des jeunes hommes, comme
l’amour » / « quelque vestige de rare et antique érudi-
tion » : la mythologie grecque.
5. Ronsard a employé un vocabulaire rénové et
enrichi : « odelette, babillarde ».
Synthèse
Il s’agira essentiellement ici d’expliquer les choix du
poète, en mettant en avant un souci de musicalité,
de « rare et antique érudition », le choix des thèmes
et la création verbale.
la croisée de plusieurs formes : l’ode, la chanson, le
rondet et l’aube (pour les deux derniers vers).
3. L’ode s’adresse à l’hirondelle. L’oiseau paraît
décrit de façon réaliste. Le cri de l’hirondelle est vif
et stimulant : « babillarde, caquette » et diurne : « qui
matin sans repos ». Il est même éprouvant : « Et
m’estourdit tout le cerveau ». La volonté de Ronsard
est de la faire taire : « tais-toi ». Il menace l’hirondelle
de lui couper la langue et l’allusion est savante. Dans
ses Métamorphoses (VI, 421-674), Ovide évoque la
transformation de Philomèle : Térée a enlevé la sœur
de sa femme Progné et a abusé d’elle. Pour ne pas
qu’elle dénonce son forfait, Térée lui coupe la langue.
Pour le punir, Progné tue leur fils et le lui fait manger.
Elle dit la vérité à son mari puis s’enfuit avec sa
sœur. Pour les aider à échapper à Térée, fou de dou-
leur, les dieux métamorphosent Procné en rossignol,
Philomèle en hirondelle et Térée en huppe ou en
vautour.
Une ode moderne4. L’ode s’adresse à l’hirondelle : l’énonciation l’in-
dique clairement : « tais-toi » (v. 1), « ton aile » (v. 2),
« je t’empongne » (v. 3), « ta languette » (v. 4), « je te
preste » (v. 7), « tu voudras » (v. 9), « ne me réveille »
(v. 10), « ne m’oste » (v. 11). Le poète apparaît égale-
ment. Le verbe « chanter » ne convient pas tant pour
l’hirondelle que pour lui. L’ode repend un thème de
la poésie amoureuse : le retour du matin et la fin du
bonheur dans les bras de l’aimée.
5. Le rejet en fin de poème de la demande et de sa
raison permet de mettre la jeune femme en valeur :
« Ma Cassandre d’entre mes bras ». L’allitération et
les assonances accentuent son importance. Pierre
de Ronsard joue sur la réalité d’une Cassandre
amoureuse : l’hirondelle ne doit pas le réveiller, non
parce que Cassandre se lèverait mais que lui s’éveil-
lerait et que son rêve s’envolerait. Il s’agit donc aussi
d’une demande à Cassandre parce qu’il est impos-
sible que les hirondelles ne crient pas.
6. L’odelette renouvelle l’ode par un jeu ingénieux sur
les références antiques, sur la fiction poétique de la
femme aimée, sur la réalité rustique, sur un vocabu-
laire revu tout en respectant la liberté de l’ode antique.
SynthèseLa synthèse doit rendre compte de la façon dont
Pierre de Ronsard arrive à créer une ode nouvelle en
assimilant à la forme antique des composants
modernes.
VOCABULAIRE
« Preste » est devenu « prête », « oste » est devenu
« ôte ». Le « s » présent dans l’étymologie des deux
verbes : prêter > latin praestare, ôter > latin obstare
a disparu de la prononciation en allongeant la
voyelle, vers le XIe siècle, allongement noté par l’ac-
cent circonflexe. L’allongement de la voyelle a dis-
paru au XVIIIe siècle.
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Français 1re – Livre du professeur
nominaux parallèles et opposés (hémistiches) mais il
arrive à faire disparaître l’aspect figé de la comparai-
son par le mélange des tonalités (« petit village –
cheminée- clos – pauvre maison ») , le jeu des déter-
minants et des pronoms personnels (valeur affective
des pronoms personnels de la première personne,
adjectifs possessifs).
4. Le dernier échappe à cette particularisation, don-
nant la dernière place à la douceur angevine, la
haussant à l’immensité de la Mare Nostrum et en
effet d’antépiphore avec « heureux », affirme le choix
affectif de du Bellay.
Un poème lyrique5. Le poète partage son discours entre une troisième
personne qui évoque deux personnages de l’Anti-
quité : Ulysse et Jason. Le quasi proverbe du premier
vers, le « cestuy-là » donne à la troisième personne,
une valeur différente de celle du possessif : « ses
parents » (v. 4) qui associe le poète aux personnages.
6. Le second quatrain est plus personnel avec l’arri-
vée du pronom de la première personne, répétée
deux fois avec le verbe « revoir ». Le poète s’inter-
roge sur le décalage entre le passé accompli de « a
fait un bon voyage » et « est retourné » et le futur qui
exprime le désir « quand reverrai-je ».
7. Le premier quatrain adopte un ton noble. Il calque
le modèle oratoire grec et étale l’autorité d’Ulysse et
Jason. Le mouvement part d’une période élevée,
toute antique pour s’achever sur la chute du vers 4.
L’humaniste Du Bellay retrouve l’Ulysse de l’Odys-
sée (I, V) pleurant chez Calypso, sa nostalgie
d’Ithaque et de la cheminée qui fume de sa maison,
le pasteur des Bucoliques de Virgile, pour qui sa
cabane vaut un palais.
SynthèseJoachim du Bellay retrouve l’ampleur antique dans
l’évocation du périple d’Ulysse et de Jason mais elle
a pour finalité la valorisation de l’humble Anjou à tra-
vers leurs plaintes nostalgiques.
VOCABULAIRE
Le pronom démonstratif « cestuy-là », déjà rencontré
page 444 (L/ES/S) sous sa forme de proximité est ici
accompagné de « -là », forme de l’éloignement. Il
indique que le grand personnage antique Jason
constitue un exemple d’autorité.
S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE
On attend que l’élève reprenne l’opposition entre le
monde de la puissance historique et de la gloire litté-
raire d’une ville et d’Ulysse et la simplicité de sa
demeure angevine. Il peut rédiger une partie sur l’une
ou sur l’autre en évoquant le retour du poète à la sim-
plicité, à une vie plus authentique et à des expé-
riences plus intimes, de la même façon qu’Ulysse a
voulu retrouver son île natale et sa famille.
VOCABULAIRE
« Vulgaire » vient du latin vulgaris de vulgus qui signi-
fie «la foule populaire». Il signifie ici : Qui ne s’élève,
ne se distingue par rien.
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
Les élèves pourront, s’ils le souhaitent, reprendre la
même structure que le texte du Bellay :
Relis les poètes de La Pléiade et abandonne …
On pourra inviter les élèves à varier les renvois à des
textes plus contemporains ou au contraire simple-
ment leur conseiller de relire les poètes de la Pléiade,
sans commentaire sur les textes plus contemporains.
On veillera à ce que les élèves mettent en avant
toutes les particularités d’écriture et de thèmes repé-
rés chez Ronsard et du Bellay. Cet exercice d’écriture
peut être une synthèse de l’étude des deux poètes.
Texte 3 – Joachim du Bellay, Les Regrets (1558)
p. 448 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’image de Rome donnée par Joachim du
Bellay.
– Voir comment à travers des références antiques il
parvient à une écriture personnelle et intime.
LECTURE ANALYTIQUE
La présence de Rome1. Quelques éléments évoquent la ville de Rome :
« palais romains » (v. 10), « le marbre dur » (v. 11), « le
Tibre latin » (v. 12), « le mont Palatin » (v. 13), « air
marin » (v. 14). Ce sont des éléments caractéris-
tiques mais qui restent vagues. Ils sont associés à
des déterminants définis qui ont là le sens de leur
origine étymologique, ce qui les éloigne du poète. Ils
n’apparaissent que dans les tercets.
2. Rome est dévalorisée comme le thème mineur
d’une comparaison avec l’Anjou. Joachim du Bellay
donne de Rome une image froide et étrangère : « des
palais romains le front audacieux », la diérèse de
« audacieux » comme « palais » accentuent la gloire
romaine, presque fierté. Des sept collines de Rome,
il choisit le mont Palatin. Les images choisies sont
ordonnées pour ouvrir l’horizon : palais – marbre –
Tibre – Mont Palatin – air marin ». La fin de l’horizon
est marquée par une rime batelée qui ouvre la puis-
sance romaine à la Méditerranée.
La nostalgie du pays natal3. Dans les deux tercets, du Bellay compare Rome
et Anjou par l’anaphore d’une série de groupes
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
comme l’objet du pari. Les deux moments évoquent
aussi le début et la fin de la vie. Le moment privilégié
est ici le matin et l’éveil des sens.
Le ton de l’intimité4. Pierre de Ronsard tente de réveiller Marie, sa maî-
tresse : « levez-vous » (v. 1). La tendresse qui les unit
est sensible dans le prénom utilisé au début du
poème, l’expression « ma jeune paresseuse » où le
possessif montre l’attachement du poète et où
« jeune » corrige la critique de « paresseuse ». La
paresse est aussi présentée comme une attitude
naturelle, harmonie de la jeunesse et du sommeil :
« Mais le dormir de l’Aube, aux filles gracieux »
(v. 11) : Ronsard applique les principes de la Pléiade
en transformant un verbe en substantif et en person-
nifiant l’aube.
5. Les impératifs marquent l’autorité de Ronsard sur
Marie sa maîtresse. Ils sont unis par une grande
familiarité : « levez-vous » (v. 1), « allons voir » (v. 5),
interjections : « Sus ! debout ! » (v. 5), anaphores :
« jà » (v. 2 et 3), « hier au soir » / « harsoir » (v. 8/9) et
plus souplement « Et votre beau rosier » / «Et vos
œillets mignons » (v. 6/7).
Un érotisme discret à l’antique6. Ronsard a gagné le pari et embrasse les yeux de
Marie mais le baiser (« que je les baise », v. 13)
confère un caractère érotique à la scène. Les « yeux
sillés » laissent croire que Ronsard n’attend pas le
consentement de Marie. « Votre beau tétin » confère
de la sensualité au dernier tercet qui se montre
impatiente (interjections : « Cà ! çà ! », v. 13 ; enjam-
bement qui met en valeur « Cent fois » au début du
dernier vers). Le verbe « apprendre » (v. 14) trans-
forme la scène en épisode d’une initiation à l’amour.
7. L’érotisme est atténué par l’usage du singulier :
« votre beau tétin » (v. 13) et la présence très mesu-
rée du corps féminin : les yeux, un sein.
SynthèseDe façon originale, Pierre de Ronsard ne demande
rien à la femme aimée. Il chante ici un amour épa-
noui et partagé. La nature à laquelle appartiennent la
femme et le décor participe à l’effort de renouvelle-
ment de la langue et de recours à la mythologie
antique.
VOCABULAIRE
« Jà » est un terme populaire qui a pour origine l’ad-
verbe latin « jam » : maintenant, déjà. On le rencontre
en composition : « jamais, jadis » et « déjà », formé de
« dès » et « jà ».
S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION
On proposera aux élèves de récapituler les poèmes
qu’ils connaissent et qui expriment des sentiments
(par exemple « Il pleut dans mon cœur… »), l’émer-
Texte 4 – Pierre de Ronsard, Second livre des
Amours (1578)
p. 449 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Comment Pierre de Ronsard s’approprie-t-il le
thème de la beauté de la femme au réveil ?
– Voir comment le traitement participe au lyrisme
antique.
LECTURE ANALYTIQUE
Pierre de Ronsard a 31 ans quand il écrit des poèmes
pour Marie de Bourgueil, une jeune paysanne. Il
associe la fraîcheur de la jeune femme à la brièveté
de la vie, dans une réflexion d’esprit antique.
Le lyrisme antique : un sujet simple et familier1. Le cadre dans lequel Ronsard évoque Marie est
celui de la nature. Elle est présente par les deux
oiseaux : « la gaie alouette » et le rossignol. Ils sont
présents à travers leurs chants qui les personnifient :
« Jà la gaie alouette au ciel a fredonné, / Et jà le ros-
signol doucement jargonné, / Dessus l’épine assis,
sa complainte amoureuse. » (v. 2/4). Ils désignent la
fuite de la nuit (le rossignol dont le chant est noc-
turne) et le début de la journée. Mais on retrouve
surtout les Métamorphoses, VI, 421-674 d’Ovide et
Progné, transformée en rossignol. La nature se pré-
sente aussi à travers l’évocation du jardin. La rose et
l’œillet s’associent pour évoquer la déesse Vénus.
On se souvient que dans l’écume de la mer dont naît
Vénus pousse un buisson épineux qui, arrosé de
nectar, devient un rosier blanc. L’œillet, par son nom
même dianthus, « fleur de dieu » en grec, s’associe
au rosier.
2. Les caractérisations de la nature associent la
jeunesse et la beauté. « L’herbelette perleuse »
(sonorités inversées : l’herbe/perle) désigne l’herbe
couverte de la rosée du matin mais Ronsard a
choisi un diminutif dans l’esprit de la création de
mots nouveaux qui puissent enrichir le vocabulaire
français. L’adjectif « perleuse » est aussi une créa-
tion et renvoie aussi bien à la forme et à la couleur
des gouttes de rosée qu’à la jeune femme (retour
de la rime du vers 1 : « jeune paresseuse », « herbe-
lette perleuse », bijou que peut porter une jeune
femme). L’adjectif « mignon » comme l’adjectif
« beau » rendent le jardin charmant. Il l’est aussi par
les soins de Marie : les deux expressions « auxquels
vous avez donné » et « d’une main si soigneuse » en
témoignent. Le lien du rosier et de Marie s’affirme
avec le participe passé « couronnés » qui peut per-
sonnifier le rosier.
3. Les moments de la journée présentés sont le soir
(« Hier au soir », v. 8 ; « Harsoir », v. 9) et le matin sous
la forme d’un pari entre Ronsard et Marie : « Harsoir
en vous couchant vous jurâtes vos yeux / D’être plus
tôt que moi ce matin éveillée ». Le ton est familier
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Français 1re – Livre du professeur
de la rose. Le temps qui passe est associée à l’évo-
cation de la rose. Le but de la promenade est
exprimé au vers 4 : « a point perdu cette vêprée ».
L’allitération en [P] souligne la fragilité de la fleur et le
caractère inéluctable de la déchéance. La durée de
la dégradation de la rose est courte : « du matin
jusques au soir ».
La vie et la fuite du temps4. Le rythme impair du vers 7 créé par « las » isolé,
l’impératif « voyez », plus statique que le « allons
voir » du vers 1, l’assonance en [A] : « las », « espace »,
« place », « las, las », marque de la brièveté, l’allitéra-
tion en [S] : « dessus », « place », « ses », « laissé »,
marque de la chute vers la mort, la brièveté du verbe
« choir » comme sa sonorité sourde.
5. La nature est dénoncée comme cruelle. Le suffixe
en -âtre du mot « Marâtre » est dévalorisant. Le vers
qui le contient est situé au centre du poème. La rose
devient « la fleur ».
6. Ronsard rapproche le matin et le soir dans le rac-
courci du vers 12. Il se dégage une grande mélanco-
lie du vers dont les sonorités sont fades.
Un écho d’Horace : « Carpe diem »7. La demande prend la forme d’un raisonnement
logique qui se fonde sur l’assimilation de la femme
et de la rose. La conjonction de coordination « donc »
insiste en début de vers sur le lien de conséquence.
La comparaison est inversée : la femme est assimi-
lée à la fleur aux vers 14 et 15 : « fleuronne », « verte
nouveauté ».
8. L’insistance est visible dans la répétition de l’im-
pératif : « cueillez, cueillez » mais elle est aussi dans
l’atténuation du sort de la femme qui ne sera pas
celui de la rose ; le superlatif « en sa plus verte nou-
veauté » éloigne la mort de la femme. Le verbe
« cueillir » a pour objet la jeunesse.
9. Les trois derniers vers contiennent la leçon hora-
tienne. Le mot « vieillesse » est relié au mot « jeu-
nesse », le verbe « ternir » participe à l’atténuation
proposée. La leçon soutient une demande discrète.
Le vers d’Horace peut permettre aux élèves d’écrire
un développement sur la mise en œuvre qu’en fait
Ronsard.
SynthèsePierre de Ronsard utilise l’image flatteuse de la
beauté de la rose et de sa douce fragilité pour pro-
voquer une prise de conscience de la brièveté de la
vie et de ses bonheurs.
VOCABULAIRE
« Mignonne », féminin de « mignon » désigne ce qui
est gracieux et l’être aimé. Il pourrait avoir pour équi-
valent moderne : « chérie ». L’origine étymologique
n’est pas assurée mais les langues germaniques
connaissent des mots voisins comme l’allemand
minne. Son sens a perdu en intensité.
veillement ressenti devant la femme (par exemple
les poèmes de la Pléiade qui évoquent l’aurore, les
comparaisons avec des fleurs, des perles… On
pourra s’interroger sur la sincérité ou l’aspect très
convenu des sentiments évoqués. Les élèves pour-
ront comparer les traditions, les caractéristiques de
mouvements qu’ils connaissent bien comme la
Pléiade et les Romantiques. Il faudra aborder ensuite
l’expression de la nature qui ne recourt pas à l’évo-
cation de la nature. Ce pourra être l’occasion de
comparer divers modes d’expression et de se
demander si ce n’est pas une question de thèmes
abordés. Par exemple, dans la poésie engagée, le
poète exprime souvent des sentiments ; la nature
est peu présente.
Texte 5 – Pierre de Ronsard, Odes (1550-1552)
p. 450 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Voir comment Ronsard assimile la femme et la
rose à travers le thème de la promenade au jardin.
– S’interroger sur la demande amoureuse.
LECTURE ANALYTIQUE
Une scène lyrique1. Le poème se déroule dans un jardin, lieu associé
à l’amour, à la fois socialement dans la vie de cour et
le renouveau des jardins de la Renaissance – et
culturellement dans le motif de l’hortus deliciarum.
Ronsard ne décrit pas le jardin mais crée une atmos-
phère claire et vive : les rimes féminines en « ose »
puis l’embrassement des rimes féminines en « ée »
par les masculines en « eil ». L’invitation à la prome-
nade au jardin du poème est une invitation à une
seconde promenade en soirée : la rose, caractérisée
par un déterminant défini, est connue depuis une
visite du matin (v. 2).
2. Le poème se construit autour de l’image de la
rose et de sa beauté. Le poème débute par une invi-
tation privée : « Mignonne, allons voir si la rose ».
« Mignonne », terme affectueux, est suivi d’une vir-
gule qui le détache et en fait la dédicataire du poème.
Le jeu sur la sonorité [O] : [O] ouvert de « Mignonne »,
[O] fermé de « rose » entame l’assimilation de Cas-
sandre et de la rose. Inversement, la personnifica-
tion de la rose s’opère : « la rose » est le sujet de
« avait déclose » (v. 2), les deux références à la robe
rouge et à la lumière du soleil montrent une beauté
éclatante. La comparaison du vers 6 rend l’assimila-
tion plus forte mais il y a là un hommage délicat : qui
est privilégiée ? La femme au teint de rose ou la rose
qui a le teint de Marie ?
3. Le groupe nominal « Sa robe de pourpre » est suivi
au vers 5 par « sa robe pourprée », déteinte de l’éclat
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
2. Le présent de l’indicatif a une valeur scientifique.
Les qualités de la pierre sont figées dans une vérité
intangible. Il s’agit de l’écriture poétique d’une fiche
technique.
3. Rémy Belleau s’adresse au coq comme le créa-
teur de la pierre. Il le valorise par une accumulation
d’attributs qui constituent une gradation : « pour-
prée, dorée, feux du Soleil ». Le coq qui chante le
matin devient le héraut du dieu Soleil et le compa-
gnon de la déesse de l’aube. Le coq est comparé à
Apollon : la « crête pourprée » devient la chevelure
du dieu. Ils ont le même mouvement au matin : l’un
« se perche » et l’autre « plonge », c’est-à-dire sot de
l’eau.
Une poésie scientifique4. Rémy Belleau transforme une vulgaire concrétion
gastrique en une pierre précieuse. Il valorise le coq
par des attributs glorieux. Il se présente comme le
compilateur de traditions établies avant lui. On
notera la formule au vers 13 : « On dit plus » qui
montre une méthode ancienne où l’esprit critique
n’existe pas.
5. La pierre a des propriétés extraordinaires : pro-
priétés intellectuelles (« esprit net », « grâce accorte/
De bien dire »), propriétés aphrodisiaques (opposi-
tions entre « froide glace », « fières rigueurs » et « en
réchauffant », « triomphant »), propriétés médicales
contre la soif. Elle peut donc à la fois chauffer et
rafraîchir.
6. Rémy Belleau se plaît à un traitement noble et
sérieux de son sujet. Il utilise le vers octosyllabe,
vers sérieux du XVIe siècle. Il mobilise la mythologie
ancienne et le vocabulaire militaire (deuxième
strophe).
SynthèseRémy Belleau parvient grâce à des références à l’an-
tique et un style élevé à exposer les qualités de la
pierre du coq.
VOCABULAIRE
Le coq a pour nom gallus en latin, tout comme les
Gaulois. Les deux noms sont rapprochés, d’autant
que la réputation de fierté des Gaulois facilite l’assi-
milation. Le nom coquus désigne en latin «le cuisi-
nier». Il donne normalement en français « queue »
que l’on retrouve dans le vocabulaire de la cuisine
(«maître-queue») et de la marine où le cuisinier est le
«coq».
S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE
Cette question invite à reprendre tous les éléments
de rapprochement avec le soleil. On s’attardera sur
la faculté de chauffer « la froide glace » de l’âme de la
femme aimée.
S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION
La demande amoureuse de Ronsard est très dis-
crète. On attend que les élèves montrent l’hypocrisie
de son attitude sage de philosophe et de celle, habi-
lement rhétorique de poète. Pierre de Ronsard ne
pense qu’à séduire Cassandre.
PROLONGEMENTS
Il est possible de voir l’évolution de l’image de la rose.
Pierre de Ronsard l’a trouvée chez les Idylles du latin
Ausone : « L’espace d’un jour, voilà ce que vivent les
roses : la jeunesse pour elles touche à la vieillesse et
à la mort. Celle que l’astre du matin a vu naître, le soir,
à son tour, il la voit flétrie. […] Jeune fille, cueille les
roses pendant que leur fleur est fraîche et que fraîche
est ta jeunesse, et souviens-toi que tes années pas-
seront de même. » Elle existe aussi chez Ovide, dans
l’Art d’aimer, III, vers 89 sqq : « Dès à présent, songez
à la vieillesse qui viendra : ainsi vous ne laisserez pas-
ser aucun moment sans en profiter. Pendant que
vous le pouvez et que vous êtes au printemps de la
vie, amusez-vous […] Cueillez la fleur car, si elle n’est
pas cueillie, elle se fanera et tombera d’elle-même. »
Malherbe a repris l’image dans «Consolation à mon-
sieur du Périer» sur la mort de sa fille, Raymond Que-
neau dans L’instant fatal (chanson créée en 1948 par
Juliette Gréco) ou Mon amie la rose.
Texte 6 – Rémy Belleau, Les Amours et Nouveaux
Eschanges de pierres précieuses, vertus et
propriétés d’icelles (1576)
p. 451 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier une poésie didactique de la Pléiade.
– Voir comment Rémy Belleau décrit la nature.
LECTURE ANALYTIQUE
Une méthode antique : la description de la pierre du coq1. Les caractéristiques de la pierre. C’est une pierre
très dure qui se forme dans l’estomac du coq. Elle
se présente comme une caractéristique du coq
comme son orgueil. La question relie les deux quali-
tés : « N’était-ce pas assez que … sans que … ? » La
gradation semble signifier que la qualité de la pierre
est supérieure à l’orgueil du coq. La fin du texte
indique sa couleur et sa taille. La modestie des deux
contraste avec les qualités que possède la pierre.
« Noirâtre, ou de couleur/De cristal » manque de pré-
cision, sa taille est celle d’une fève, base quotidienne
de la nourriture ordinaire.
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Français 1re – Livre du professeur
Perspective – Jacques Lacarrière, L’Été grec (1976)
p. 453 (L/ES/S)
LECTURE ANALYTIQUE
1. Jacques Lacarrière décrit une Grèce presque
morte (nombreuses négations ou termes privatifs) et
dangereuse. Il évoque son premier séjour à l’imparfait
de l’indicatif comme un souvenir figé dans le passé.
2. Les noms propres authentifient le texte et lui
confèrent un caractère historique. C’est aussi la
marque du plaisir de Jacques Lacarrière de retrou-
ver une époque de découverte.
3. Jacques Lacarrière distingue deux époques : la
réalité du passé, le présent qui rend compte des illu-
sions et le plus-que-parfait pour les images nées
dans l’esprit d’un étudiant en langues anciennes.
4. La dernière phrase est caractérisée par son
rythme pair, l’allitération en [R]. Elle constitue un
grand hommage à la Grèce, aimée par l’auteur du
fait de sa culture antique et du fait de sa rencontre
avec la Grèce moderne.
PROLONGEMENTS
Contrairement à Du Bellay, Jacques Lacarrière aime
de la même manière la Grèce dans toute son his-
toire. Joachim du Bellay, après Les Antiquités de
Rome, a écrit Les Regrets, montrant combien la
Rome moderne l’avait déçu (Cf. p. 448 L/ES/S).
Lecture d’image – Façade du château d’Écouen, musée national de la Renaissance
p. 454 (L/ES/S)
LECTURE ANALYTIQUE
1. Le château a été pensé et conçu comme un châ-
teau d’un goût nouveau.
2. La façade a un rôle décoratif : le grand portique,
construit par Jean Bullant, l’un des grands archi-
tectes de l’époque, est un des premiers exemples
d’ordre colossal en France. Il a été voulu par le com-
manditaire, Anne de Montmorency, grand admira-
teur de l’Antiquité.
3. Les éléments antiques sont : les colonnes can-
nelées et l’ordre corinthien, le portique. Les deux
statues sont aujourd’hui des reproductions des sta-
tues originales, L’Esclave rebelle et L’Esclave mou-
rant (1513-1515) de Michel-Ange, statue en marbre
données à Anne de Montmorency par le roi Henri II.
4. Anne de Montmorency suit le goût du roi qu’il
sert, affirme sa modernité et se montre humaniste.
PROLONGEMENTS
On peut réfléchir à la protection des baleines et autres mammifères marins par Jules Michelet dans La Mer (1861) et Alexandre Dumas, Les Drames de la mer (1852) et voir comment les écrivains peuvent entrer dans un discours sur la nature.
Perspective – Jorge Luis Borges, L’Aleph (1949) p. 452 (L/ES/S)
LECTURE ANALYTIQUE
1. Borges s’inspire d’une légende très connue et très appréciée de la Renaissance. Minos, roi de Crête, avait refusé de sacrifier un taureau blanc à Poséi-don. Pour se venger, il rendit la femme de Minos, Pasiphaé, amoureuse d’un taureau. Pasiphaé donna naissance à un monstre, homme et taureau, le Mino-taure, qui se nourrit de chair humaine. Minos, épou-vanté, demande à l’architecte Dédale de construire un bâtiment où le cacher. Le manuel propose aux pages 128, 190 et 584 (manuel L/ES/S), des extraits de Phèdre de Jean Racine qui mettent en scène une fille de Pasiphaé, poursuivie par Vénus. La légende est toujours vue du côté de celui qui va tuer le Mino-taure, Thésée, et libérer la Crête et Athènes qui devait fournir des jeunes gens pour nourrir le Mino-taure.2. Le Minotaure n’est pas nommé. Le narrateur apparaît malheureux et innocent, au sens étymolo-gique (ce qui est son cas : son sort a précédé sa naissance). Les indices sont la découverte progres-sive du lieu labyrinthique, du tribut de jeunes gens.3. La poésie vient d’un lieu mystérieux, ce que les chiffres renforcent.4. Il faut donc relire le texte et comprendre que le narrateur est enfermé dans le labyrinthe, qu’il n’a pas tué les jeunes gens et que Borges suggère que le Minotaure est la victime de la malédiction de Poséidon autant qu’il en est l’instrument. Il est aussi comparé à un homme, qui suit le labyrinthe de sa VIe (Cf. le titre des Mémoires de Marguerite Yourcenar, Le Labyrinthe du monde, commencé en 1974) et qui a besoin d’un rédempteur, marqué par le péché de ses premiers parents, Adam et Eve (pour le mino-taure, Minos et Pasiphaé).
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
b. La règle de l’accord du participe passé avec avoir
a été énoncée par Clément Marot, au XVIe siècle,
puis fixée par Descartes, Vaugelas et Voiture au XVIIe
siècle.
4. FIGURES DE STYLE
Le poète joue sur la répétition des verbes «chanter»
et «pleurer» en les conjuguant au présent de l’indica-
tif, au gérondif et au participe présent. Il reprend
aussi le verbe «chanter» en y adjoignant un préfixe
«en».
EXPRESSION ÉCRITE
Sujet 1On invitera les élèves à imaginer de nouveaux mots
composés.
Sujet 2Les élèves pourront aisément s’appuyer sur les
nombreux progrès technologiques pour justifier de
nouveaux objets et de nouvelles pratiques. Ils pour-
ront aussi, s’ils manquent d’inspiration, reprendre
des mots composés déjà existants et modifier l’un
des composants. Leur proposer quelques images
surréalistes facilitera des propositions fantaisistes.
Pistes de lecture
p. 457 (L/ES/S)
LECTURES CROISÉES
Thomas More, L’Utopie (1516) ; Pierre de Ronsard,
Les Amours (1552) ; Michel de Montaigne, « Des
Cannibales », Essais (1580-1595)
Axe d’étude 1Les trois œuvres sont significatives de l’efferves-
cence intellectuelle du XVIe siècle. Montaigne,
comme Thomas More, sont des humanistes qui
réfléchissent sur des textes antiques aux progrès de
l’homme. Avec Ronsard, c’est la poésie qui se
déploie, s’éloigne de la musique et doit trouver en
elle-même ses ressources musicales, qui déve-
loppent la poésie lyrique comme une inspiration et
un art adaptables à chaque époque.
Axe d’étude 2La première couverture montre l’île et la ville créées
par Thomas More, la seconde suggère un sujet sou-
vent amoureux mais toujours soumis à l’inspiration
antique, la troisième laisse penser à une réflexion qui
joue, se multiplie. On partira de ces indices pour les
confronter d’abord aux titres, et on développera une
description de ces univers nouveaux en reprenant
Vocabulaire – Découvrir la langue de la Renaissance
p. 455 (L/ES/S)
1. ÉTYMOLOGIE
a. humanités : du latin humanitas, XIIe siècle,
ensemble des qualités humaines – sens savant plus
tardif ; renaissance : renaître, du latin renasceri pour
renasci, XIIe siècle ; académie : école philosophique
fondée à Athènes par Platon, au IVe avant J.-C.. Le
mot entre en français au XVIe siècle avec le sens de :
société savante, école supérieure, école d’équita-
tion ; discipline : du latin discere, apprendre
d’où discipulus, disciple, disciplina, discipline au
sens d’enseignement ou de règle de vie ; docte : racine latine, docere, enseigner ; librairie : dérivé librarius, copiste du mot latin liber , pellicule
entre le bois et l’écorce sur laquelle on écrivait ; uto-pie : Thomas More a mis en œuvre le grec topos ,
lieu et « ou » négatif pour signifier une organisation
sociale chimérique ; imprimerie : du latin premere,
pressus, exercer une pression sur. Le sens tech-
nique apparaît au XVIe siècle ; précepteur : du
latin praeceptor, fin du XVe siècle ; dialecte : du
grec dialektos, manière de parler, par le latin, manière
de parler. Terme trouvé par Ronsard.
b. Des milliers de mots sont empruntés à l’italien :
architecture : coupole, balcon, corridor, baldaquin ;
spectacle : mascarade, burlesque, opéra, ara-
besque, polichinelle ; musique : mandoline, violon-
celle ; marine : caravelle, frégate, gondole, corsaire ;
vie de cour : perle, ombrelle, courtisan ; fleur, tour-
nesol.
2. JEUX VERBAUX
Pierre Ronsard écrit son épitaphe et utilise différents
procédés : diminutifs, alternance mots brefs et mots
longs, mot composé.
3. ORTHOGRAPHE
a. Trop heureux de l’origine latine de nombreux mots
français, les imprimeurs introduisirent des consonnes
étymologiques absentes dans la graphie française
et qui n’étaient pas prononcées. fenêtre du latin
fenestra (l’accent circonflexe est la trace du «s» ) ;
sceau : du latin sitellus qui donne « seel » et « seau » :
on introduit au XVIe siècle un «c» pour différencier
« seau » et « sceau » ; doigt : ajout de «g» et «t» pour
le latin digitum ; compter : ajout de «p» pour com-
putare ; conter : du latin contare, le verbe ne se dif-
férenciait pas avant la Renaissance de « compter » ;
homme : ajout du «h» pour homo (qui a donné le
pronom « on » ) ; corps : ajout du «p» pour corpus ;
Paix : ajout du «x» pour pax ; Temps : ajout du «p»
pour tempus ; poids : ajout du «d» pour pondus
(c’était une erreur : « poids » vient de pensum).
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Français 1re – Livre du professeur
d’humanité. Même le laissez-passer (car on n’entre
pas librement dans ce pays est un « mot d’ordre ».
En Utopie, on travaille le strict nécessaire pour lais-
ser place à l’épanouissement personnel : « laisser à
chacun le plus de temps possible […] le vrai bon-
heur. » Dans le conte de Voltaire, les citoyens sont
égaux. Ils ne sont pas tributaires de contingences
matérielles, mais vivent dans l’opulence.
2. Quelles leçons se dégagent des mondes décrits ?Dans le texte de Voltaire comme dans celui de More,
l’épanouissement de l’individu et la jouissance de sa
liberté passent par l’étude (« cultiver librement son
esprit, développer ses facultés intellectuelles par
l’étude des sciences et des lettres » / « une galerie de
deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathé-
matique et de physique »). En ce sens, on peut parler
d’une vision « humaniste » de la société dans les
extraits A et B, au contraire du texte C.
COMMENTAIRE
Vous ferez le commentaire du texte de Voltaire (Texte B).On attendra des élèves qu’en introduction ils situent
l’extrait et exploitent l’adjectif « fabuleux » employé
dans le paratexte pour qualifier ce pays.
On pourra, par exemple, proposer les axes de lec-
ture suivants :
I. Un pays merveilleux– la démesure (Cf. entre autres les expressions
hyperboliques) ;
– l’abondance de tout ce qui est précieux (Cf. par
exemple les descriptions de matériaux inconnus,
supérieurs à l’or) ;
– les êtres extraordinaires (moutons volants).
II. Une représentation en négatif de la société de Voltaire– pas de justice, pas de prisons ;
– pas de parlement ;
– tous les citoyens sont égaux (on ne se prosterne
pas devant le roi, mais on l’embrasse ! Celui-ci se
comporte d’ailleurs en bon bourgeois « les pria à
souper ») ;
– égalité des sexes dans les fonctions (« officiers et
officières »).
III. Une présence discrète du narrateurDans ce récit à la troisième personne, mené par un
narrateur extradiégétique, on retrouve une présence
discrète :
– quelques interventions pour ménager une certaine
connivence avec le lecteur : « sur ces cailloux et sur
ce sable que nous nommons or et pierreries », qui
invite à la réfléchir sur la relativité de la notion de
préciosité ;
– des détails ridicules pour faire sourire le lecteur et
marquer le genre du conte : tissu de duvet de colibri » ;
des éléments de la séquence 1 du chapitre 4 pour
Montaigne, des séquences 3 du chapitre 5 et 3 du
chapitre 3 pour Ronsard, des séquences 1 et 2 du
chapitre 5 pour Thomas More.
Axe d’étude 3L’élève trouvera toutes les informations dans le
manuel, au chapitre 5, à compléter avec la lecture
de la séquence 1 du chapitre 4 (Cf. la synthèse
p. 330 du manuel L/ES/S, «Montaigne : une vision
humaniste du monde»). C’est un bilan de lecture et
une mise en œuvre des acquis qui peuvent lui être
proposés, avec ou sans l’aide du professeur, en fin
de séquence.
Corpus BAC
p. 458 (L/ES/S)
Thomas More, L’Utopie (1516) ; Voltaire, Candide
(1759) ; Jules Verne, Les Cinq cents millions de la
Bégum (1879)
LES QUESTIONS SUR LE CORPUS
1. Quels indices permettent de classer ces textes dans la description de mondes imaginaires ? Lequel de ces mondes pourrait constituer un contre-modèle ou une contre-utopie ?
Texte 1 – Les mots fantaisistes pour nommer des fonctions
(barzame, adème).
– La durée de vie du vêtement : 7 ans !, le renouvel-
lement des vêtements.
– Rationnalisé. Le travail de courte durée qui fournit
l’abondance.
Bref, une conduite extraordinairement raisonnable.
Texte 2 Éléments merveilleux (moutons volants), démesure
(architecture colossale), abondance extraordinaire
dans tous les domaines (pierreries, or partout, fon-
taine d’où coulent des nectars, des parfums, etc.),
coutume pour saluer le roi très différente de celle de
la cour à l’époque de Voltaire, absence de prisons,
etc. On est dans un monde parfait, où tout est
démesuré, disponible en abondance. On rappro-
chera cette description merveilleuse du genre du
texte : un conte.
Texte 3 Une cité isolée, à l’abri du monde. Beaucoup de
démesure (on relève aussi de nombreuses formula-
tions hyperboliques et l’emploi de nombreux super-
latifs). Dans les textes de T. More et de Verne, cha-
cun est sa place, mais si dans le texte de Verne
seule la rentabilité compte et si aucune liberté n’est
accordée aux hommes, qui ne sont que des
machines. Tout est ordonné, symétrique ; « 30 000
travailleurs » sont là pour produire. Pas de liberté, ni
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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3
ÉCRITURE D’INVENTION
Dans le Texte C, vous avez lu la description de la cité de l’acier construite par Herr Schultze. Or il n’est pas le seul héritier de la Bégum. Une autre ville a été construite aux Etats-Unis grâce aux cinq cents millions mais elle lui est en tout oppo-sée.Vous décrirez la cité idéale et vous lui donnerez un nom. Il faudra qu’elle corresponde aux inten-tions de son constructeur dont vous inventerez le caractère.
On pourra reprendre le plan du texte initial. La des-cription de la cité sera donc opposée à celle du roman de Jules Verne. On admettra donc la reprise d’antonymes. La ville devant correspondre au carac-tère de son fondateur, il faudra que celui-ci soit paci-fiste, altruiste, soucieux de l’épanouissement des habitants. On insistera particulièrement sur l’aspect intellectuel et culturel puisque ce sont des préoccupations absentes du premier récit. Les précisions de cou-leurs seront importantes également.Le récit devra pouvoir s’intégrer au roman de Jules Verne, c’est-à-dire qu’il faudra respecter les carac-téristiques énonciatives : récit à la troisième per-sonne, narrateur omniscient.
– un emploi antonymique de l’expression « toute la grâce imaginable » ;– le plaisir de Candide dans le palais des sciences qui, devine-t-on, n’est pas éloigné de celui de son auteur à l’idée d’un fabuleux lieu de culture (rappro-chement possible avec l’Encyclopédie).On peut aussi reprendre certains des éléments ci-dessus dans une partie qui traiterait d’« une utopie des Lumières ». Ce peut être également l’objet de la conclusion.
DISSERTATION
Selon vous, quelles sont les fonctions et les limites de l’utopie ?Vous vous appuierez sur les textes présentés dans le corpus et sur vos lectures personnelles.
On attendra dans l’introduction quelques réflexions sur l’utopie : définition rapide, citation de quelques textes, éventuellement d’un mouvement ou d’une époque qui voit fleurir ce genre de récit, pour propo-ser un questionnement sur les fonctions et l’effica-cité. • Dans une première partie, on pourra évoquer les fonctions :– descriptive ;– critique ;– symbolique.On appréciera des élargissements aux autres arts (peinture, architecture).• Dans la seconde partie, après avoir montré que la plupart des utopies littéraires n’ont pas pour fonc-tion d’imposer des modèles, on s’interrogera de façon plus approfondie sur ce que ces utopies peuvent soumettre à la réflexion des lecteurs. Par exemple, dans Gargantua, au-delà de la fiction litté-raire des géants et de l’utopie, c’est une invitation à trouver une sagesse à la mesure de l’homme.En conclusion, on se demandera si l’utopie permet de proposer un modèle ou si elle n’invite pas plutôt à réfléchir à un ou des aspects d’une société.
LISTE DES RESSOURCES NUMÉRIQUES
p. 410 (L/ES/S) ➨ Étude d’œuvre ➨ Raphaël, L’École d’Athènesp. 416 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontairep. 440 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Vocabulaire « Comprendre et manipuler le vocabulaire
Rabelaisien »p. 448 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Joachim Du Bellay, Les Regretsp. 450 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Pierre de Ronsard, Odesp. 455 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Vocabulaire « Découvrir et utiliser la langue de la
Renaissance »
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