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1 5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme Dossier Histoire des arts – La Renaissance et l’art du renouveau p. 402 (L/ES/S) Filippo Lippi, La Vierge à l’enfant et deux anges (vers 1465) C’est la fenêtre qui établit un lien entre l’intérieur et l’extérieur. Cet élément apparaît à la Renaissance, en même temps que la perspective. Le paysage est parfaitement intégré à l’ensemble du tableau, puisque si l’on observe l’élément montagneux (en haut à droite), on se rend compte qu’il prolonge la diagonale qui part du haut de l’accoudoir, se pro- longe avec les mains de la vierge et passe entre son visage et celui de Jésus. C’est un paysage idéalisé. A noter : le ciel qui n’est plus aussi présent que dans les tableaux de l’époque médiévale : l’homme prend toute sa place, il n’est plus écrasé par le ciel. Autre originalité, l’aile de l’ange au premier plan qui sort du cadre du tableau. La vierge a tout d’une jeune femme italienne, ses traits sont gracieux, elle porte des bijoux, et même si elle joint les mains en signe de prière, elle a une expression toute maternelle (on pourra comparer l’expression de ses traits au por- trait de jeune femme située page 80 – ou page 78 pour le manuel ES/S et Techno – datant de la même époque et beaucoup plus figé). Sa robe bleue, sym- bole du céleste ou de virginité s’intègre parfaitement aux couleurs douces du tableau. Les codes religieux sont respectés : Jésus, soutenu par un ange n’est pas en contact direct avec sa mère puisqu’il est divin (la plupart du temps, c’est un drap, un tissu qui figure cette séparation), mais on observera ses mains, dont l’une s’accroche à l’épaule de sa mère comme le ferait n’importe quel bébé. Autre signe d’une complicité établie dans le cadre de cette inti- mité partagée, l’ange au premier plan qui regarde le peintre ? le spectateur ? et sourit. D’ailleurs, les anges sont très humains : observer le vêtement, l’expression du visage etc. Agnolo Bronzino, Andrea Doria en Neptune tenant un trident (vers 1550-1555) Un portrait à la gloire du condottiere Pour célébrer la victoire navale du condottiere (on pourra traduire par «amiral» pour les élèves) sur les Turcs, Andrea Doria fut représenté en Neptune, Dieu de la mer. C’était une façon de saluer le caractère exceptionnel de cette victoire et de symboliser la puissance, la noblesse du chef militaire. On retrouve donc les attributs de Neptune : le trident, la barbe, la nudité pudiquement couverte de ce drapé qui est en fait la voile du bateau, autre symbole marin. Les CHAPITRE 5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme principales lignes de force sont dessinées par le personnage, soutenues par le dessin du trident et du mât, parallèles. Le fond sombre met en valeur les couleurs plus claires du condottiere. Doria est repré- senté à mi-cuisses (au cinéma, on dirait plan améri- cain) et occupe tout le tableau : pas d’espace au dessus ni en dessous, ce qui rend plus grand, plus impressionnant le personnage. On peut noter aussi un léger effet de contre-plongée. Pour le spectateur, il regarde vers la droite, on peut comprendre qu’il regarde vers l’avenir et donc va de l’avant ; on peut aussi associer la droite à ce qui est heureux, de bon augure (Cf. les auspices dans l’Antiquité romaine). Donatello, David (vers 1440) Pour montrer que cette statue est inspirée de l’Anti- quité, on attirera l’attention des élèves sur les points suivants : – la nudité ; – le thème antique du héros ayant combattu un être extraordinaire (ici un géant) ; – le corps androgyne (noter la chevelure féminine) ; – le déhanchement exagéré qui apparaît tardive- ment dans la statuaire héllénistique (Cf. la Vénus de Milo) et est repris à la Renaissance. Vittore Ghiberti, Salomon reçoit la reine de Saba (entre 1425 et 1452) Les personnages ne sont pas tous représentés de la même façon : le relief est plus marqué au premier plan et plus on avance vers le fond, plus les person- nages sont représentés en nombre et avec moins de détails. (Cette technique est employée depuis l’Anti- quité : Cf. les bas reliefs grecs et égyptiens). Tout en étant légèrement décentrée, la perspective est construite de façon symétrique. L’architecture centrale crée un cadre autour des deux personnages principaux : – 1 er plan : (devant le muret) : des scènes de la rue ; – 2 e plan : le groupe central et de chaque côté, des personnages officiels qui ont des postures hiéra- tiques ; – 3 e plan : l’architecture symbolique. Il s’agit d’un travail de fonderie (métal en fusion coulé dans un moule). Pour avoir de telles diffé- rences de relief, un travail d’artisan très précis est nécessaire : on utilise la technique de la « cire per- due » (on ajoute une couche de cire au fond du moule qui fond peu à peu au contact du bronze en fusion). Autre exemple d’œuvre réalisée avec cette technique : la Porte de l’Enfer de Rodin.

CHAPITRE 5 – Vers un espace culturel européen ...1re.francaislycee.site.magnard.fr/system/files/res... · Texte 1 – Érasme, Éloge de la folie (1509) p. 406 (L/ES/S) OBJECTIFS

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme

Dossier Histoire des arts – La Renaissance et l’art du renouveau

p. 402 (L/ES/S)

Filippo Lippi, La Vierge à l’enfant et deux anges (vers 1465)C’est la fenêtre qui établit un lien entre l’intérieur et l’extérieur. Cet élément apparaît à la Renaissance, en même temps que la perspective. Le paysage est parfaitement intégré à l’ensemble du tableau, puisque si l’on observe l’élément montagneux (en haut à droite), on se rend compte qu’il prolonge la diagonale qui part du haut de l’accoudoir, se pro-longe avec les mains de la vierge et passe entre son visage et celui de Jésus. C’est un paysage idéalisé. A noter : le ciel qui n’est plus aussi présent que dans les tableaux de l’époque médiévale : l’homme prend toute sa place, il n’est plus écrasé par le ciel. Autre originalité, l’aile de l’ange au premier plan qui sort du cadre du tableau. La vierge a tout d’une jeune femme italienne, ses traits sont gracieux, elle porte des bijoux, et même si elle joint les mains en signe de prière, elle a une expression toute maternelle (on pourra comparer l’expression de ses traits au por-trait de jeune femme située page 80 – ou page 78 pour le manuel ES/S et Techno – datant de la même époque et beaucoup plus figé). Sa robe bleue, sym-bole du céleste ou de virginité s’intègre parfaitement aux couleurs douces du tableau. Les codes religieux sont respectés  : Jésus, soutenu par un ange n’est pas en contact direct avec sa mère puisqu’il est divin (la plupart du temps, c’est un drap, un tissu qui figure cette séparation), mais on observera ses mains, dont l’une s’accroche à l’épaule de sa mère comme le ferait n’importe quel bébé. Autre signe d’une complicité établie dans le cadre de cette inti-mité partagée, l’ange au premier plan qui regarde le peintre ? le spectateur ? et sourit. D’ailleurs, les anges sont très humains  : observer le vêtement, l’expression du visage etc.

Agnolo Bronzino, Andrea Doria en Neptune tenant un trident (vers 1550-1555)Un portrait à la gloire du condottierePour célébrer la victoire navale du condottiere (on pourra traduire par «amiral» pour les élèves) sur les Turcs, Andrea Doria fut représenté en Neptune, Dieu de la mer. C’était une façon de saluer le caractère exceptionnel de cette victoire et de symboliser la puissance, la noblesse du chef militaire. On retrouve donc les attributs de Neptune : le trident, la barbe, la nudité pudiquement couverte de ce drapé qui est en fait la voile du bateau, autre symbole marin. Les

CHAPITRE 5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme

principales lignes de force sont dessinées par le

personnage, soutenues par le dessin du trident et

du mât, parallèles. Le fond sombre met en valeur les

couleurs plus claires du condottiere. Doria est repré-

senté à mi-cuisses (au cinéma, on dirait plan améri-

cain) et occupe tout le tableau  : pas d’espace au

dessus ni en dessous, ce qui rend plus grand, plus

impressionnant le personnage. On peut noter aussi

un léger effet de contre-plongée. Pour le spectateur,

il regarde vers la droite, on peut comprendre qu’il

regarde vers l’avenir et donc va de l’avant ; on peut

aussi associer la droite à ce qui est heureux, de bon

augure (Cf. les auspices dans l’Antiquité romaine).

Donatello, David (vers 1440)Pour montrer que cette statue est inspirée de l’Anti-

quité, on attirera l’attention des élèves sur les points

suivants :

– la nudité ;

– le thème antique du héros ayant combattu un être

extraordinaire (ici un géant) ;

– le corps androgyne (noter la chevelure féminine) ;

– le déhanchement exagéré qui apparaît tardive-

ment dans la statuaire héllénistique (Cf. la Vénus de

Milo) et est repris à la Renaissance.

Vittore Ghiberti, Salomon reçoit la reine de Saba (entre 1425 et 1452) Les personnages ne sont pas tous représentés de la

même façon  : le relief est plus marqué au premier

plan et plus on avance vers le fond, plus les person-

nages sont représentés en nombre et avec moins de

détails. (Cette technique est employée depuis l’Anti-

quité : Cf. les bas reliefs grecs et égyptiens).

Tout en étant légèrement décentrée, la perspective

est construite de façon symétrique. L’architecture

centrale crée un cadre autour des deux personnages

principaux :

– 1er plan : (devant le muret) : des scènes de la rue ;

– 2e plan : le groupe central et de chaque côté, des

personnages officiels qui ont des postures hiéra-

tiques ;

– 3e plan : l’architecture symbolique.

Il s’agit d’un travail de fonderie (métal en fusion

coulé dans un moule). Pour avoir de telles diffé-

rences de relief, un travail d’artisan très précis est

nécessaire : on utilise la technique de la « cire per-

due » (on ajoute une couche de cire au fond du

moule qui fond peu à peu au contact du bronze en

fusion). Autre exemple d’œuvre réalisée avec cette

technique : la Porte de l’Enfer de Rodin.

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Français 1re – Livre du professeur

– l’opinion est plus facile à acquérir que la vérité

(§3) ;

– l’illusion contribue autant ou davantage au bon-

heur de l’homme que la réalité (§3).

Les exemples évoqués montrent que la Folie s’en

prend à tous les hommes et dans tous les domaines :

la religion (futilités/sujets sérieux  ; saints légen-

daires/apôtres du Christ), le goût (poisson avarié/

ambroisie), l’amour (femme laide/Vénus), l’art (œuvre

médiocre/chef d’œuvre), les richesses (pierres

fausses/trésor), allusion au mythe de la caverne et

au songe de Mycille rapporté par Lucien. Se trouvent

ainsi dénoncés de manière simultanée et contradic-

toire l’incapacité des hommes à être lucides et heu-

reux tout comme leur aveuglement dans la distinc-

tion du vrai bien. La Folie est une sagesse supé-

rieure  ; elle nous impose un nouveau regard sur

l’homme  au-delà des préjugés: constat lucide des

faiblesses et indulgence pour la folie généralisée.

GRAMMAIRE

La phrase permet de confronter deux termes clés du

texte : « bonheur » et « opinion » qui signifie manière

personnelle, c’est-à-dire erronée, de voir. Le bon-

heur ne dépend pas des réalités, mais de l’opinion

que l’on a des réalités. Les deux points introduisent

une explication ; l’idée générale est énoncée : aveu-

glement des hommes dans la distinction du vrai

bien.

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

On attendra de l’élève qu’il s’exprime dans une

langue correcte et qu’il rende compte des para-

doxes du texte. On l’autorisera à formuler des anti-

thèses. Il faudra que les articulations logiques appa-

raissent et qu’elles rendent compte de la stratégie

argumentative. Les exemples devront être explicites

et on valorisera ceux qui seront pittoresques et amu-

sants.

Séquence 1

Figures de l’Humanisme en Europe : vers une définition de l’Homme idéal

p. 405 (L/ES/S)

Problématique : Quelle vision de l’homme les écrivains défendent-ils dans l’Europe du xvie siècle ? Comment renouvellent-ils la pensée sur l’homme tout en faisant œuvre de création ?

Éclairages : Les textes choisis constituent un parcours de lecture à travers l’Europe (Hollande, Italie, Angleterre, France et Allemagne) du XVI

e siècle, au début de la Renaissance, période d’enthousiasme intellectuel et de foi en l’homme. Ils permettent de saisir les valeurs humanistes dont les genres argumen-tatifs se font l’écho : confiance en la raison, savoir hérité des Anciens et savoir-être, liberté politique et religieuse, esprit de tolérance, recherche d’une sagesse à la mesure de l’homme… Chemin faisant, ces textes permettent de définir un homme nouveau à travers « un modèle social » idéal.

Texte 1 – Érasme, Éloge de la folie (1509)

p. 406 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur la vison de l’homme (raison/déraison)

et sur le statut du lecteur.

– Étudier les paradoxes dans un discours à visée

argumentative.

LECTURE ANALYTIQUE

Le ton de la conversation C’est la Folie, figure allégorique, qui s’exprime à la

première personne (« je » l.  26 et 45 ou « voyons »

l. 48) et qui s’adresse aux hommes en général dési-

gné par la deuxième personne du pluriel (« Trouvez-

vous », l.  53). Le texte repose sur l’ironie à travers

des formules péjoratives telles que « le crieur » (l. 10)

pour « l’orateur » et des phrases exclamatives

comme « Qu’un tel bonheur coûte peu ! » (l.  27) ou

interrogatives : « qu’est-ce que cela fait à son plai-

sir ? » (l.  39). Le locuteur montre la folie dont est

atteinte l’humanité, folie bienfaisante qui permet de

mieux supporter l’humaine condition, par l’illusion

du bonheur qu’elle  procure. Le raisonnement se

construit ainsi sur le mode de la conversation :

– §1 idée générale développée contre la « doxa », le

bonheur ne dépend pas des réalités, mais de l’opi-

nion que l’on a des réalités ;

– §2/3/4 série d’exemples vivants illustrant le plaisir

fourni par les réalités illusoires, l’avantage de leur

faible coût.

Le monde des illusionsLe locuteur dénonce la difficulté ou l’incapacité des

hommes à être lucides et leur aveuglement dans la

distinction du vrai bien. Le raisonnement repose sur

des paradoxes qui sont énoncés :

– l’âme humaine se laisse prendre à l’apparence

plus qu’à la réalité (§2) ;

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1

– une certaine indulgence de la part du penseur

Érasme à l’égard de la folie humaine ;

– la recherche d’un compromis entre folie et

sagesse ;

– une écriture qui fait appel à de nombreux exemples

à visée argumentative.

Écho du XXe siècle – Stefan Zweig, Érasme (1935)

p. 409 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser une figure humaniste à travers le

temps.

– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre

épidictique.

LECTURE ANALYTIQUE

La rhétorique de l’élogeNé à Vienne en 1881, Stefan Zweig, grand huma-

niste, a pu étudier l’histoire, les belles lettres et la

philosophie. Il recourt à des expressions en latin

pour caractériser Érasme, modèle de l’Humanisme :

– « optimum et maximum »  : le meilleur et le très

grand ;

– « doctor universalis » : maître universel ;

– « phoenix doctorum » : phénix des maîtres.

Ces formules latines témoignent de la valeur morale

de l’humaniste dont Zweig brosse le portrait. Ces

citations sont complétées par des expressions tout

aussi laudatives qui font référence :

– à la valeur morale incarnée : « la personnification

de la sagesse » (l. 8), « de plus noble et de meilleur »

(l. 9) ;

– au savoir : « prince de la science » (l. 13), « père des

études » (l. 13), « Pythie de l’Occident » (l. 15) ;

– au rayonnement intellectuel : « lumière du monde »

(l. 14), « créature céleste » (l. 18) ;

– à la liberté  : « défenseur de la vraie théologie »

(l. 14).

Des tournures syntaxiques négatives participent

aussi de l’éloge par leur valeur superlative :

– « Ni celui de Dürer, ni celui de Raphaël… n’est pro-

noncé avec autant de vénération » (l. 13) ;

– « aucune réputation morale ou artistique ne peut se

comparer à la sienne. » (l. 7) ;

– « Aucun éloge n’est trop grand » (l. 15).

Le prince des humanistesÉrasme incarne la figue de l’humanisme à plusieurs

titres :

– homme de science/savoir ;

– esprit brillant et rayonnant ;

– perfection morale et sagesse.

Cf. Étude des procédés d’écriture.

Écho de l’Antiquité – Platon, La République (384-377 av. J.-C.)

p. 408 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’âme humaine  : aveuglement/

lucidité, folie/sagesse.

– Réfléchir sur la réécriture d’un mythe antique.

LECTURE ANALYTIQUE

Une leçon en imagesLa caverne a un double sens. Au sens propre, elle

désigne un lieu fermé, souterrain et obscur. Au sens

figuré, elle représente le monde sensible, domaine

des opinions et des illusions. Le passage du monde

sensible au monde intelligible se fait par la montée

« rude et escarpée » vers la lumière. Des champs

lexicaux s’opposent dans l’extrait, ceux des ombres

et des échos à celui de la lumière vive. Platon recourt

à l’allégorie pour exprimer une leçon. Il s’agit d’un

récit avec un lieu spécifique (une caverne), des per-

sonnages (des « captifs »), une situation (perception

d’ombres et d’échos). Ce récit a une visée morale :

l’intérieur désigne le monde des illusions, l’extérieur

représente la vraie réalité.

Éloge de la folieLe sage selon Platon court un double risque : il passe

de l’illusion individuelle à la désillusion en quittant la

caverne ; il s’expose aussi à la vindicte de ceux qui

sont victimes des apparences : « fou », « menacer de

mort » (l. 17). Deux conceptions de la folie s’affrontent.

Chez Platon, elle concerne celui qui détient la science

par opposition à l’opinion ; le sage échappe au piège

des illusions du monde sensible  ; celui qui sait est

exclu par ceux qui sont restés dans l’ombre. Chez

Érasme, la folie qui permet à l’homme de supporter

sa condition est bienfaisante par l’illusion du bonheur

qu’elle procure. Le texte d’Érasme repose sur une

ambivalence. Au premier degré, la Folie semble dire

n’importe quoi  ; le texte ironique doit être pris à

rebours. Au second degré, la Folie apparaît comme

une sagesse supérieure qui nous impose un nouveau

regard sur l’homme, au-delà des préjugés.

SynthèseÉrasme s’inspire du mythe platonicien de la caverne.

Il le traite d’une manière personnelle.

Des invariants :

– un monde sensible fait d’opinions ;

– des hommes victimes d’illusions, aveuglés sur leur

condition ;

– une forme allégorique : discours de la Folie.

Des écarts :

– un homme qui entretient des illusions sur son

propre sort pour mieux le supporter et qui se satis-

fait de cette situation ;

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Français 1re – Livre du professeur

grandes scènes évoquant le Bien. L’ambition de Raphaël était de composer une vaste synthèse sur la philosophie de l’Antiquité et la pensée de la Renaissance. Le tableau symbolise la recherche du Vrai à travers la réunion des figures majeures de la connaissance. L’artiste a réuni 58 personnages. Au premier plan, à gauche, se trouve le groupe des « Théoriciens » avec Héraclite qui écrit son traité sur un bloc de marbre  ; Pythagore annote les figures représentées sur l’ardoise  ; Épicure, couronné de pampres et appuyé sur un chapiteau, écrit un livre. À droite, apparaissent les « Empiriques » avec Euclide qui démontre un théorème  ; Ptlolémée, vêtu d’un manteau orange, soutient le globe ter-restre, symbole de la géographie. Au deuxième plan, au centre, sont représentés Platon et Aristote. Le premier tient le Timée et pointe le ciel, monde des idées ; le second, L’Ethique à la main, désigne la terre, monde sensible. Ils offrent une représenta-tion symbolique de leurs conceptions philoso-phiques opposées, idéalisme et rationalisme. L’at-titude du philosophe Diogène le Cynique permet de voir que la nouvelle place de l’homme ne se limite pas aux idées. La représentation du corps, fondée sur les études anatomiques contemporaines, occupe l’espace  ; le personnage isolé, dans une position presque centrale et une posture abandon-née, attire le regard. Cette allégorie de la Philoso-phie qui rassemble les figures majeures de la pen-sée antique s’inscrit dans une composition d’en-semble qui rappelle le temple par sa structure (dif-férents plans) et par sa décoration (colonnes et statues) : à droite, Athéna, déesse de l’intelligence et du savoir, à gauche, Apollon, dieu des arts et du soleil. Le décor peint par Raphaël s’inspire des réa-lisations contemporaines, qu’il s’agisse des pla-fonds à caissons, des piliers ou de la coupole gigantesque. On songe à Santa Maria dei Fiore à Florence avec la coupole de Brunelleschi (1420-1430) et à Bramante pour la basilique Saint-Pierre de Rome. On retrouve une caractéristique essen-tielle de la Renaissance avec l’utilisation de la pers-pective. Au centre et au point de fuite sont mis en valeur les deux philosophes Platon et Aristote. La succession de cercles dans le plafond et le ciel donne la mesure de la profondeur. Les couleurs dominantes sont l’ocre, le beige et le pastel ; elles sont concentrées dans le couple central de philo-sophes, mis en lumière. Les penseurs et savants anciens, représentés sous les traits des artistes contemporains, permettent de comprendre la place nouvelle de l’artiste dans la société. Raphaël signe dans le cou d’un personnage et rend hommage à la famille de son mécène, della Rovere. La fresque devient une œuvre à la gloire de son commandi-taire Jules II qui voulait célébrer l’accord entre la Foi et la Raison.

On retrouve des manifestations de cet Humanisme dans le premier texte : – analyse fine de l’âme humaine ;– leçon de sagesse ;– recours à une écriture qui témoigne d’une culture (allégorie et référence à Platon).La permanence de l’éloge peut s’expliquer de plu-sieurs façons :– une réputation exceptionnelle non démentie à tra-vers les siècles ; Érasme incarne le plus grand des humanistes ;– le contrepoint historique et la nécessité de croire en des modèles à une époque trouble : Zweig écrit en 1935 ; un an plus tôt, désespéré par la montée du nazisme, il a quitté l’Autriche pour se réfugier en Angleterre, puis aux Etats-Unis. En 1942, il se sui-cide avec sa femme.On pourrait voir une part d’excès dans ce dithy-rambe d’Érasme.

SynthèseÉrasme, un symbole à travers les époques.Il incarne la figure de l’Humanisme par excellence :– pour des raisons intellectuelles et culturelles : un homme de savoir et un esprit brillant ;– pour des raisons morales : le modèle de la sagesse, un homme d’ouverture au monde, un exemple de tolérance, un défenseur de la liberté religieuse.

GRAMMAIRE

Différents procédés caractéristiques du registre épi-dictique peuvent être notés :– les images : « le zénith de la gloire » (l. 2), « lumière du monde » (l. 14) / « comme une créature céleste » (l. 17) ;– l’accumulation de groupes nominaux correspon-dant à des titres : ligne 12 à 15 ;– le lexique valorisant ;– les comparatifs de supériorité « nom plus illustre » (l. 2) ou d’égalité « aussi grand nombre d’éditions » (l. 6) ;– le jeu sur les négations à valeur de litote (l. 3, 7, 15).Tous ces procédés d’écriture participent de l’éloge appuyé dans le portrait d’Érasme.

Lecture d’image – Raphaël, L’École d’Athènes (1509-1510)

p. 410 (L/ES/S)

L’École d’Athènes est une fresque réalisée par le peintre italien Raphaël (1483-1520) qui a signé dans le cou d’Apelle, l’un des personnages. Cette fresque, commandée par le Pape Jules II, prend place dans la Chambre de la Signature au Vatican. La Stanza désigne l’endroit où le Pape signait ses bulles, d’où le nom de « Chambre de la Signature ». Dans ce cabinet de travail, la tradition voulait que, sur chaque mur de la pièce, soient représentées de

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1

– Il est honnête ou sincère : il a conscience de ses

propres limites littéraires par exemple ; en ce sens il

préfigure « l’honnête homme » du xviie siècle.

– Il est sociable, voire galant : « plaisants entretiens

avec les dames » (l. 8).

GRAMMAIRE

Il s’agit de former le courtisan idéal. Pour ce faire,

des conseils lui sont prodigués. Différents procédés

sont utilisés :

– l’emploi anaphorique du verbe de volonté « Je

veux » (l.  1 et 15) développé par trois propositions

complétives ;

– le recours au subjonctif : « Qu’il pratique » (l. 5) ;

– l’utilisation du futur « rendront abondant » (l.  13)

quand il s’agit de montrer les effets de la formation

reçue.

S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE

Une page originale dans la présentation du courti-

san idéal, figure de l’humaniste.

I. Un portrait idéal qui se veut mesuré 1. Un homme de savoir– Connaissance des lettres et des langues (§1 et 2).

2. Un homme de talent– Qualité de la production littéraire visée et maîtrise

de l’écriture recherchée (§2).

3. Un homme modeste– Humilité face à l’écriture (§2), au savoir dans une

attitude qui rappelle Socrate « je sais que je ne sais

rien » et face à la quête de la gloire (§4).

– Rôle de la « maxime » ligne 16 : « qu’en ceci comme

en toute autre chose il soit toujours avisé et timide

plutôt qu’audacieux ».

II. Une écriture à visée didactique1. Il s’agit de brosser le portrait du courtisan idéal et

des qualités attendues ; d’où le recours aux recom-

mandations (Cf. question de grammaire).

2. La forme adoptée est celle de la conversation

(Cf.  marques de l’énonciation) ou du « dialogue »

dans la tradition cicéronienne.

Texte écho – Jean Pic de La Mirandole, De la

dignité de l’homme (1496)

p. 413 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX

– Étudier la place de l’homme dans la nature ou

l’univers.

– Analyser les caractéristiques d’une apologie de la

« dignité » humaine.

Texte 2 – Baldassare Castiglione, Le Livre du

courtisan (1528) p. 412 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier le portrait du courtisan idéal.

– Montrer la spécificité de ce portrait politique.

LECTURE ANALYTIQUE

Une conversation littéraireIl s’agit d’une conversation entre l’auteur présent à

travers la première personne « Je veux » (2 occur-

rences, l. 1 et 15) et « notre Courtisan » (l. 15) et des

amis qui n’apparaissent pas directement dans l’ex-

trait proposé. L’auteur définit le modèle idéal du

courtisan de la Renaissance en brossant un portrait

à la mesure de l’homme. Le texte obéit à une orga-

nisation cohérente :

– §1  : idéal de la connaissance des Lettres et des

langues ;

– §2 : connaissance de différents champs, Lettres et

Histoire et pratique de l’écriture personnelle en fonc-

tion des compétences propres (recherche de la

« perfection ») ;

– §3 : effets de la formation : l’éloquence ;

– §4 : qualités morales attendues du courtisan.

Le passage à visée didactique tend à brosser le por-

trait idéal mais réaliste de l’homme de cour à travers

ses qualités.

Le courtisan idéalLes champs du savoir, mis en valeur au début des

paragraphes 1,2 et 3, concernent les humanités : les

lettres au sens général (§1), « les poètes » et « les

orateurs » (§2), les langues et l’histoire. Un écho

apparaît dans la séquence consacrée à Gargantua.

Un idéal de perfection est recherché dans la création

littéraire. Cet idéal reste à la mesure de l’homme, car

toute œuvre n’est pas digne d’admiration.

Le courtisan fait preuve de modestie, de sincérité et

de sociabilité.

SynthèseLe portrait de l’homme de cour parfait1. Un courtisan doté de qualités intellectuelles – Capacité à apprendre et à étendre les champs du

savoir (§3 et 4).

– Aptitude à exercer son esprit critique sur lui-même

(§4).

2. Un courtisan doté de qualités culturelles– Connaissance de différents domaines :

– « langue latine… grecque » (l. 3) ;

– « poètes/orateurs/historiens» (l. 5).

3. Un courtisan doté de qualités morales – Il doit savoir faire preuve d’humilité face à l’écriture

(§3) et au savoir (§4) en reconnaissant ses propres

limites : « avisé et timide plutôt qu’audacieux » (l. 16).

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6

Français 1re – Livre du professeur

des espèces animales ou des créatures divines.

Chez Baldassare Castiglione, il peut succomber ou

non au chant des « sirènes ». C’est donc une invita-

tion à être un homme authentique, sincère au sens

étymologique et maître de ses décisions.

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

Le point de vue adopté par un penseur italien de la

Renaissance sur la conception de l’homme.

1. La place de l’homme dans l’univers – Le rapport entre le microcosme et le macrocosme.

– Le rapport entre la créature et le Créateur.

– La place privilégiée de l’homme parmi toutes les

créatures.

2. La nature de l’homme– La double essence  : « inférieur » // « supérieur »,

« animal » // « créature divine »

et la liberté de choix : Cf. l’expression de la volonté

libre dans les questions.

3. L’apologie de la dignité humaine– L’affirmation récurrente du libre arbitre.

– Un texte essentiel  : une charte de l’humanisme

écrite en latin De dignitate hominis oratio qui pro-

pose une réflexion philosophique sur l’essence de

l’homme et la liberté individuelle.

PROLONGEMENT

Marguerite Yourcenar a choisi une partie de ce texte

comme épigraphe à L’Œuvre au noir (prix Femina en

1968). Il peut être intéressant d’étudier le texte latin

et de s’interroger sur le choix de l’auteur. En créant

le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du

XVIe siècle, Marguerite Yourcenar raconte le destin

tragique d’un homme extraordinaire et libre dans un

monde contrasté où s’affrontent le Moyen Âge et la

Renaissance.

Texte 3 – Thomas More, L’Utopie (1516)

p. 414 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur la cité idéale et son contrepoint.

– Étudier les procédés de la critique.

LECTURE ANALYTIQUE

D’un monde…Le point de vue des Utopiens est mis en valeur. Ils

sont les sujets grammaticaux de verbes d’étonne-

ment repris de manière anaphorique: « Les Utopiens

s’étonnent » (l. 1, 6 et 9). Le contenu de leur regard

sur les valeurs morales puis politiques est déve-

loppé. On a affaire dès le XVIe siècle à la technique

de « l’œil neuf », regard d’un Utopien sur la société

LECTURE ANALYTIQUE

Une déclaration universelleDans une prosopopée, le Créateur/Dieu s’adresse

au premier homme créé, « ô Adam ». Le locuteur uti-

lise tour à tour la première personne du singulier ou

du pluriel : « nous » (l. 1 et 4) et « je » (l. 5 et suivantes).

Le destinataire est désigné par une apostrophe

emphatique à la ligne 1 et par la deuxième personne

du singulier (pronom « toi ») qui scande l’extrait.

Adam représente le premier homme issu de la

matière et animé par Dieu, symbole du libre arbitre

avec l’épisode de l’arbre de la science du bien et du

mal.

La première phrase est construite sur un jeu d’échos.

Dans un mouvement ternaire, les termes niés : « ni

une place déterminée, ni une figure propre, ni un

héritage particulier » qui évoquent l’idée du détermi-

nisme s’opposent aux groupes de mots « toujours la

place, toujours la figure, toujours les biens par toi

élus »  ; l’anaphore de l’adverbe « toujours » met en

valeur le libre arbitre humain.

Le libre arbitre ou la liberté d’être hommeDivers procédés montrent que l’homme se fait lui-

même :

– le lexique de la volonté individuelle  : « selon tes

vœu et décision » (l.  2), « suivant ton libre arbitre »

(l. 5), « d’après ta volonté » (l. 8) ;

– l’énonciation  : « toi », forme tonique du pronom

répétée (Cf. « tu » dans le texte latin cité) ;

– l’image de l’objet crée ; « modeleur et sculpteur de

toi-même » ;

– les parallélismes de construction et les antithèses :

« Tu pourras dégénérer en animal, être de l’ordre

inférieur » // « tu pourras […] te régénérer en créature

divine, être de l’ordre supérieur » (l. 10 et 11).

La liberté de l’homme signifie qu’à tout moment il

est capable de transcender ou non les détermina-

tions de sa nature. Soit il s’abaisse au rang de l’ani-

malité, soit il s’élève par la force de sa volonté et la

puissance de son intelligence. Dans la phrase finale,

les mots s’opposent systématiquement : « dégéné-

rer » avec le préverbe latin de- marquant la sépara-

tion // « régénérer » avec le préverbe re- marquant le

retour à un état antérieur, expression d’un ressour-

cement ou d’une renaissance, « inférieur » // « supé-

rieur », « animal » // « créature divine ». Cette construc-

tion antithétique souligne le pouvoir du libre arbitre.

L’homme est un être libre  ; son essence ne lui est

conférée ni par la providence divine ni par la force

aveugle de la nature.

SynthèseLes textes des deux humanistes italiens se font

écho, notamment dans la vision de l’homme et dans

la liberté de choix qui lui incombe. Chez Pic de la

Mirandole, il a son destin entre les mains  : il peut

décider de s’élever ou de s’abaisser dans l’ordre

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7

5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1

Il désigne aussi l’ensemble des biens ou des

richesses qui appartiennent à un individu.

LECTURE D’IMAGE

On observe de nombreuses lignes droites, dont l’ef-

fet est adouci par la rotonde et des perspectives

majestueuses. Les édifices s’organisent autour de

cette rotonde de façon parfaitement symétrique. Cet

ensemble évoque donc l’équilibre, l’harmonie, la

rectitude et suggère une certaine quiétude. Cepen-

dant on notera l’absence de vie humaine et on sera

sensible au silence de ce tableau, à tel point qu’on

peut parler de solitude. Cette image peut donc être

l’occasion d’évoquer avec les élèves à propos de

l’utopie la question d’un mode parfait, ordonné. On

pourra leur proposer des lectures qui évoquent ces

mondes trop ordonnés  : Thomas More, L’Utopie  ;

Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, etc. L’abon-

dance de colonnes et la rotonde centrale peuvent

faire penser aux architectures antiques. Le dessin

des rues, renforcé par celui des dallages au premier

plan, renvoie aux cités romaines, symbole de la vic-

toire de la civilisation sur les barbares. Tout est

ordonné selon un arrangement mathématique. En

l’absence de personnages, le décor devient l’élé-

ment principal du tableau, ce qui marque une rup-

ture avec les traditions précédentes. La rotonde rap-

pelle un bâtiment officiel, on retient un principe d’ad-

ministration. L’espace au premier plan s’apparente à

une agora ; on citera Aristote et Platon qui mettent

en avant une organisation de l’espace en faveur

d’une organisation politique et sociale rationnelle.

Au Moyen Âge ce type de plan est toujours utilisé

dans la création de villes nouvelles, par exemple les

bastides.

Texte 4 – Étienne de La Boétie, Discours de la

servitude volontaire (1576)

p. 416 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur l’amitié et la tyrannie.

– Étudier un discours à visée argumentative.

LECTURE ANALYTIQUE

L’art du discoursLa Boétie définit l’amitié à l’aide de termes valori-

sants, empruntés au lexique religieux « sacré,

« chose sainte » (l. 1) et moral « entre gens de bien »,

« mutuelle estime » (l. 2). Cette valeur est définie par

des noms à connotation morale tels que « mutuelle

estime » (l. 2), «intégrité », « son bon naturel, la foi et

la constance » (l. 5). Ces trois termes réunis dans un

même syntagme s’opposent aux valeurs négatives

contemporaine, qui permet de critiquer les réalités

d’une époque. On peut apprécier l’ironie de la for-

mule « des êtres raisonnables » (l. 1) qui caractérisent

les Européens ou l’homme en général. Les expres-

sions « Ils regardent comme fou » (l. 3) ou « Il est une

autre folie que les Utopiens détestent » (l. 17) jettent

le discrédit sur ces « êtres raisonnables ». Les thèmes

traités font apparaître la relativité des valeurs : vanité

des pierres précieuses, futilité de l’apparence vesti-

mentaire, importance excessive attachée à l’or

(§  1)  ; exercice du pouvoir confié à des hommes

insensés, honneurs usurpés dus à la seule richesse

(§ 2). C’est un regard dépréciatif qui est porté sur le

comportement humain en général par le biais du

détournement.

… à l’autreL’idéal utopien apparaît en creux. Les habitants de

l’île sont désintéressés par rapport aux richesses,

qu’il s’agisse des pierres précieuses ou de l’or (§ 1).

C’est une valeur illusoire, définie par les hommes

eux-mêmes. L’univers politique en Utopie préfigure

la conception chère aux philosophes des Lumières :

le pouvoir doit être confié à des hommes éclairés. Le

paradoxe est souligné  : des gouvernés « sages et

vertueux » et un gouvernant « sot et immoral » qui

doit sa légitimité à la richesse. La morale utopienne

repose sur l’apprentissage des valeurs à travers

l’éducation et les lettres, sur la confiance en l’homme

et sa raison. On retrouve un idéal humaniste partagé

par Rabelais (Cf. chapitre consacré à Gargantua). Le

point de vue semble moins élitiste que dans la des-

cription d’une autre utopie, celle de Thélème qui

réunit avant tout une aristocratie de naissance et

d’esprit.

SynthèseL’île d’Utopie constitue l’image d’un monde poli-

tique et moral inversé. Grâce à la technique du

regard « neuf » (verbe d’étonnement), un miroir de la

réalité européenne apparaît à travers des aspects

politiques  : pays gouverné par un homme riche et

non sage et des aspects moraux  : art du paraître

avec les pierres précieuses et les vêtements, quête

de la richesse et des honneurs. Cette critique est

soulignée par la répétition du terme « folie » et par la

formule ironique « des êtres raisonnables ». La cité

idéale se définit par la recherche d’une figure poli-

tique éclairée et de valeurs telles que le désintéres-

sement par rapport à l’or. L’éducation constitue le

fondement de ces principes.

GRAMMAIRE

Les sens du mot « fortune ». Du latin fortuna, le terme

désigne la puissance qui est censée distribuer le

bonheur et le malheur sans règle apparente. Cette

divinité antique est représentée à Rome sous les

traits d’une femme aux yeux bandés. Par extension,

le mot caractérise des événements dus à la chance.

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8

Français 1re – Livre du professeur

Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances1et familiari-tés nouées par quelque occasion ou commodité2, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent. En l’amitié de quoi je parle elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles eff acent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu’en répondant : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi.» Il y a au-delà de tout mon discours, et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyïons3 l’un de l’autre, qui faisaient en notre aff ection plus d’eff ort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms4. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville5, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés6 entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre. Il écrivit une satire latine excellente, qui est publiée7, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence8, si promp-tement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation9. Celle-ci n’a point d’autre idée que d’elle-même, et ne se peut rapporter qu’à soi. Ce n’est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quin-tessence10 de tout ce mélange, qui ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien.

Montaigne, Essais, livre I, chapitre xxviii (1580),© Le livre de Poche.

Orthographe modernisée.1. Fréquentations.2. Avantage.3. Par les propos que nous entendions.4. Nous sympathisions avant de nous connaître, par la seule mention de nos noms.5. Assemblée à Bordeaux.6. Liés.7. Montaigne publia en 1571 ce recueil de satires, libres causeries en vers.8. Entente.9. Fréquentation.10. Ce qui reste après cinq distillations.

Contexte C’est Montaigne qui a créé le genre de l’essai. Le mot

vient du latin exagium qui signifie la pesée. Il s’agit de

peser sa pensée en la mesurant à celle d’autrui et en

la comparant à un autre sujet. Dans les Essais, com-

posés de 1772 à 1592 et publiés de 1580 à 1595,

que sont « la cruauté », « la déloyauté » ou « l’injus-

tice ». L’argumentation progresse à partir de ce jeu

d’oppositions entre les amis authentiques et « les

méchants » dont les relations sont fondées sur la

crainte. Les oppositions sont soulignées à deux

reprises par « mais » (l. 7 et 8). La Boétie étudie alors

la figure du tyran, contrepoint négatif de l’ami véri-

table. Des références à visée didactique illustrent le

propos. Il s’agit de l’exemple des voleurs empruntés

à la vie quotidienne et à l’observation du monde.

Dans le monde des voleurs, la « foi » est liée au pacte

immoral conclu entre eux; l’union fait aussi la force.

La fable empruntée à Ésope permet de dénoncer

l’aveuglement humain  : nul ne résiste au tyran,

contrairement au renard.

Une réflexion morale et politiqueLa Boétie défend une conception de l’amitié sincère

et noble, fondée sur des qualités morales avérées

« mutuelle estime » (l. 2), « intégrité », « son bon natu-

rel, la foi et la constance » (l. 5). Ce passage peut être

complété par la célèbre page de Montaigne évo-

quant son amitié avec La Boétie. Le tyran est défini

par des valeurs négatives qui font contrepoint  à

l’amitié: « la cruauté », « la déloyauté » ou « l’injus-

tice » (l. 5 et 6). Il est seul dans l’exercice du pouvoir

« n’avoir compagnon aucun » (l.  18) et omnipotent

comme le montre la fable.

SynthèseÀ travers cette page La Boétie brosse un portrait de

l’homme idéal qui se définit par des valeurs morales.

Les qualités de cet homme sont mises en exergue

par l’emploi d’un lexique valorisant dans sa relation

à autrui : « mutuelle estime » (l. 2), «intégrité », « son

bon naturel, la foi et la constance » (l. 5), « l’égalité »

(l. 11). Le portrait se complète à travers un jeu d’op-

position qui permet de définir le tyran, antithèse

absolue de l’humaniste : « la cruauté », « la déloyauté »

ou « l’injustice ».

VOCABULAIRE

Le mot « tyran » vient du grec turannos. Au sens his-

torique, il désigne le chef qui exerce un pouvoir per-

sonnel obtenu par la force et s’appuyant sur le

peuple. Par extension de sens, le terme caractérise

un souverain despotique, injuste et cruel. Au sens

figuré, il s’agit d’une personne qui abuse de son

pouvoir.

PROLONGEMENT

Montaigne, âgé de 25 ans, rencontre à Bordeaux, en

1558, Étienne de La Boétie qui a alors 28 ans. Leur

amitié, très rapide, dure pendant quatre années,

jusqu’à la mort de La Boétie en août 1563. Ce der-

nier était conseiller au parlement de Bordeaux. Il

écrivit le Discours de la servitude volontaire (1548) et

des poésies.

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9

5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 1

Texte 5 – Martin Luther, À la noblesse chrétienne

de la nation allemande (1520)

p. 418 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier la relation de l’homme avec l’autorité

intellectuelle/religieuse.

– Analyser les caractéristiques d’un manifeste

religieux.

LECTURE ANALYTIQUE

S’affranchir de l’autorité intellectuelle et religieuseL’auteur rejette les textes anciens accompagnés de

« commentaires et scolies » (l.  4)  ; il reprend cette

même idée introduite par « de même que » en répé-

tant « commentaires et scolies ». Il défend l’idée

d’une lecture qui fait appel à la libre interprétation.

Cette vision s’exprime au conditionnel : « J’accepte-

rais » (l. 4) et « il faudrait lire » (l. 5). Les œuvres des

Anciens, Aristote et Cicéron, servent d’exemples au

propos  : il s’agit de revenir à une lecture du texte

authentique, librement interprété. Il oppose aussi

deux visions de l’université dans la dernière phrase,

visions marquées par la locution « par contre » et par

les termes antithétiques « bonne réforme des univer-

sités », « ces universités non réformées ».

L’homme doit s’attacher aux langues, aux sciences

et à l’histoire dans un souci de diversité et d’ouver-

ture à tous les champs du savoir.

Libérer l’hommeLe locuteur, Luther, moine augustin, est présent à tra-

vers la première personne « j’accepterais » (l.  1), « à

mon sens » (l.  14) qui s’efface au profit du pronom

« on » à valeur plus générale : « on lit » (l. 4), « on n’en

tire » (l. 7), « on aurait » (l. 8), « on s’efforçait » (l. 11). Il

s’adresse à un destinataire identifié  : « la jeunesse

chrétienne, l’élite de notre peuple » (l. 13) et vise au-

delà toute la chrétienté allemande. Il s’agit de libérer

l’Eglise de l’autorité papale. Cette position aboutit au

schisme religieux catholiques/protestants. La dernière

phrase oppose deux visions de l’enseignement à

deux époques différentes, l’une héritée du Moyen Age

avec « ces universités non réformées », l’autre corres-

pondant à un nouvel ordre : « une bonne réforme des

universités », celui de la Re-naissance (Cf. synthèse).

SynthèseLuther défend une conception nouvelle de la liberté

humaine à travers :

1. La diversité des savoirs et l’ouverture d’esprit– Ligne 9  : « les langues, latin, grec, hébreu, les

sciences mathématiques, l’histoire ».

– Références précises à Aristote et à Cicéron.

Montaigne traite librement de différentes questions.

Le chapitre XXVIII, intitulé de « De l’amitié », apparaît

comme un discours sur une valeur morale, à la

manière des Anciens. Son titre renvoie au De Amicitia

de Cicéron mais il n’a rien d’impersonnel, puisqu’il

s’inspire d’une expérience personnelle ; il évoque une

amitié hors du commun entre Montaigne et La Boétie.

Écho de l’Antiquité – Cicéron, De l’amitié (44 av.

J.-C.)

p. 417 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Réfléchir sur l’amitié, une valeur morale présente

chez les Anciens.

– Caractériser l’écriture d’un « moraliste/

philosophe » romain.

LECTURE ANALYTIQUE

Le mot « amitié » est utilisé à plusieurs reprises en

début et en fin de phrase. Il peut être sujet gramma-

tical (l. 1 et 13) ou complément antéposé : « De l’ami-

tié » (l. 8). Ainsi le sujet traité et la valeur morale sont

mis en valeur. Cicéron recourt à des exemples qui

illustrent la valeur suprême de l’amitié. Ces exemples

sont empruntés à l’histoire grecque (Timon, l. 17) ou

à la tradition rapportée par Archytas (l.  24). Ils

montrent que l’homme, si acariâtre soit-il, ne peut se

passer de son semblable  : « ne peut cependant se

dispenser de chercher quelqu’un auprès de qui

déverser sa bile » (l. 17), « s’il avait quelqu’un à qui en

parler » (l. 28). L’amitié a un caractère universel dans

la mesure où elle concerne tous les domaines, privé,

politique ou professionnel. Elle est aussi indispen-

sable à l’homme pour tout échange. Cicéron définit

des caractéristiques générales de l’amitié, La Boétie

développe les aspects moraux de cette valeur. Il

recourt, à la manière des Anciens, à l’exemplum et à

la maxime (l. 1, par exemple).

SynthèseL’amitié représente une valeur universelle et atempo-

relle. Elle traverse les siècles de Cicéron à La Boétie ou

à Montaigne. Elle fait l’objet d’une réflexion digne de

moralistes. Elle est définie de manière valorisante à tra-

vers un lexique moral, des maximes et des jeux d’op-

position ; ainsi La Boétie confronte l’amitié à la tyran-

nie, donnant à la pensée morale une portée politique.

GRAMMAIRE

« Pour peu qu’on veuille (l. 12) : la locution conjonc-

tive suivie d’un subjonctif a une valeur concessive.

Elle signifie « pour autant que », « dans la mesure

où ». L’homme, à condition qu’il soit digne de son

statut, ne peut vivre sans l’amitié.

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Français 1re – Livre du professeur

S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE

On pourra lire le chapitre consacré à Gargantua.Les humanistes envisagent une réforme des univer-sités. Deux mondes s’affrontent  : les universités médiévales où domine la scholastique et les univer-sités de la Renaissance. On tend à rechercher un modèle qui met l’homme au cœur de la réflexion. On prône :– le retour aux textes anciens et aux Ecritures débar-rassés des scolies ;– l’appel à l’examen critique ;– l’ouverture des domaines d’études et le savoir encyclopédique.

2. Le retour aux textes anciens et à la libre inter-prétation– Récurrence des termes « supprimer les commen-taires et scolies » (l. 4), « sans commentaires et sans scolies » (l.  5) et expression imagée  : « toute nue, débarrassée de tous ces grands commentaires ».

3. Les limites de la libertéLuther rejette La Morale d’Aristote. Cette attitude correspond à une nouvelle conception du monde. La vision antique est cosmologique, l’être humain est conçu comme une partie d’un tout (le cosmos) dans laquelle il doit trouver sa place grâce à la connaissance. Cette vision, reprise par la théologie médiévale, est contestée à la Renaissance. L’accent est mis sur la volonté ; l’homme n’est plus membre d’un cosmos, mais dans un rapport à Dieu. D’où la liberté.

GRAMMAIRE

En recourant à une construction syntaxique iden-tique, le locuteur confronte deux types d’universités. Il défend l’idée d’une nouvelle université à l’aide d’un lexique valorisant « digne » et d’un comparatif de supériorité avec complément « pas d’œuvre plus digne du pape et de l’empereur qu’une bonne réforme des universités » ; parallèlement il dénonce, dans un mouvement binaire, « ces universités non réformées », héritées du Moyen Age, en utilisant un lexique dévalorisant « pernicieux », « diabolique » et un double comparatif de supériorité: « rien de plus pernicieux ni de plus diabolique que… ».

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

Séquence 2

La quête d’un idéal humaniste : Gargantua (1534) de Français Rabelais p. 419 (L/ES/S)

Problématique : Quel idéal humaniste Rabelais invite-t-il le lecteur à découvrir ? Comment le met-il en œuvre dans l’univers romanesque ?

Éclairages : Les textes choisis constituent un parcours de lecture dans une œuvre intégrale. Ils permettent de saisir les valeurs humanistes dont le roman se fait l’écho : curiosité et soif de connaissances, idéal de justice et de concorde, foi en l’homme et en sa perfectibilité à travers l’éducation du jeune Prince et de s’interroger sur une écriture qui, par la fiction littéraire des géants et par la présence du rire, invite le lecteur à porter un autre regard sur la réalité. Les images retenues constituent aussi un itinéraire qui mène le per-sonnage éponyme de l’ancien au « nouveau monde ».

Texte 1– Prologue

p. 420 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Montrer les intentions de Rabelais dans un

prologue placé sous le signe du double.

– Réfléchir sur le statut et le rôle du lecteur.

– Étudier un réseau d’images à visée argumentative.

LECTURE ANALYTIQUE

Le prologue d’une œuvre humanisteDu grec pro- et logos, le terme signifie « ce qui pré-

cède le discours ». Dans l’Antiquité, le mot désigne

la partie d’une œuvre théâtrale qui précède la pièce

elle-même, dans laquelle un personnage vient pré-

senter le sujet avant l’entrée du chœur. Dans les

œuvres modernes, il s’agit d’un texte introductif, à la

manière d’une préface, qui peut remplir différentes

fonctions, qu’elles soient explicatives, justificatives,

critiques, polémiques. Rabelais ouvre Gargantua par

un « Prologue » en prose qui suit immédiatement

l’« Avis aux lecteurs » en vers. L’auteur se met lui-

même en scène par la voix qu’il fait entendre à la

première personne du singulier sous une forme

ludique à travers le pseudonyme et l’anagramme

d’Alcofribas Nasier ; il fait aussi référence à son

œuvre « mes écrits » comme aux livres populaires

dont il s’est inspiré « Gargantua, Pantagruel […] ». Il

se plaît à brouiller les pistes sur le statut du « je » qui

s’adresse directement aux « Buveurs très illustres, et

vous, vérolés très précieux » (ouverture du para-

graphe 1) et aux « bons disciples » (début du para-

graphe 2). Il peut s’agir de la figure de l’écrivain,

d’un maître, fêtard, qui ne se prend pas au sérieux et

qui s’adresse à des lecteurs en quête de divertisse-

ment. L’œuvre est placée d’emblée sous l’égide du

jeu. L’esthétique du travestissement se retrouve

dans les tons utilisés. Le comique domine dans les

énumérations, procédé fréquent chez Rabelais

(Cf. Texte 3, p. 426-427 L/ES/S). Ainsi l’auteur multi-

plie les accumulations construites sur l’opposition

entre la laideur extérieure et la beauté intérieure :– Série 1 concernant les Silènes « figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cor-nus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés mais à l’intérieur on conservait les fines drogues comme le baume, l’ambre gris, l’amome, la civette, les pier-reries et autres choses de prix ».– Série 2 concernant Socrate « tant il était laid de corps et d’un maintien ridicule, le nez pointu, le regard d’un taureau […] Mais […] une intelligence plus qu’humaine, une force d’âme merveilleuse, un courage invincible […] ». Les ruptures de ton se retrouvent dans les apostrophes paradoxales : « buveurs très illustres », « vérolés très précieux » qui renversent la hiérarchie habituelle et qui s’opposent à la référence sérieuse : « Socrate, sans conteste le prince des philosophes » ; les titres tout aussi provo-cateurs : « Fessepinte, La Dignité des braguettes » alternent avec les références culturelles : « dans un dialogue de Platon intitulé Le Banquet » ; d’autres échos de l’Antiquité apparaissent à travers les men-tions d’Alcibiade ou de Socrate, la notion de disciple et les allusions mythologiques aux silènes ; l’éloge de Socrate s’inscrit aussi dans une tradition héritée de l’Antiquité. Comique et sérieuse, provocatrice et didactique, l’œuvre est placée sous le signe de la dualité dès le prologue.

Les intentions humanistes et le projet narratifLa structure du texte repose sur un jeu d’images et d’analogies qui participent d’une volonté pédago-gique forte. Le premier paragraphe est construit à partir d’un enchâssement de comparaisons à visée argumentative :Comparaison 1 – Socrate (comparé) et les Silènes (comparant), outil de comparaison : « semblable » (l. 4) ; Comparaison 2 – Les Silènes/boîtes (comparé) et Silène/figure mythologique (comparant), outil de comparaison : « comme » (l. 9) :– laideur des silènes / énumération animale dépré-ciative ;– opposition forte introduite par « Mais » (l. 9) ;– beauté intérieure des silènes / énumération de substances précieuses.

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Français 1re – Livre du professeur

santes, ses jeux de mots, ses allusions grivoises qui

correspond à un premier niveau de lecture, pour rire.

On rappellera ensuite que c’est une invitation à por-

ter un autre regard sur la réalité et à savoir tirer la

« substantifique moelle » d’un récit, en s’appuyant

sur l’image des Silènes, invitation à la sagesse et

célébration de l’intelligence.

VOCABULAIRE 

Le lexique animal évoque des êtres qui ne sont pas

considérés comme des animaux nobles, mais ont

plutôt des connotations dévalorisantes (boucs,

lièvres, animaux à cornes, etc.). On relèvera par ail-

leurs la présence quasi systématique d’adjectifs

qualificatifs qui suggèrent le ridicule (cornus, bâtés,

etc.)

On a là une illustration du proverbe « l’habit ne fait

pas le moine ».

PROLONGEMENTS

– On pourra faire lire l’« Avis aux lecteurs » aux élèves

et les interroger sur les liens entre cet avertissement

et le Prologue de Gargantua.

Le statut de l’« Avis aux lecteurs » :

– un texte liminaire ;

– une forme poétique : un dizain en décasyllabes,

forme brève, resserrée et travaillée ;

– l’énonciation : première personne, adresse initiale

au lecteur, verbes à l’impératif (valeur prescriptive).

Les fonctions de l’« Avis aux lecteurs » : « défense et

justification » de l’œuvre :

– l’auteur se définit et justifie son projet littéraire :

faire rire par souci d’altruisme ;

– il brosse en creux le portrait du lecteur idéal :

ouverture d’esprit requise ;

– le ton de l’œuvre et sa visée sont annoncés : invita-

tion au divertissement sous la forme d’une maxime

finale :

« Il vaut mieux traiter du rire que des larmesParce que le rire est le propre de l’homme ».

– On pourra également amener les élèves à parcou-

rir l’œuvre intégrale et à se demander si le « pacte

initial » est respecté dans le récit.

Texte 2 – L’éducation de Gargantua

p. 422 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’idéal humaniste en matière

d’éducation.

– Montrer les effets de la nouvelle éducation.

– Réfléchir sur les limites de la nouvelle éducation.

Comparaison 3 – Socrate (comparé) et les Silènes

(comparant), outil de comparaison : « semblable »

(l. 11). Le portrait de Socrate est antithétique :

– laideur apparente : énumération de défauts phy-

siques et moraux ;

– opposition forte introduite par « Mais » (l. 17) ;

– richesse intérieure : énumération de qualités intel-

lectuelles et morales.

Un jeu d’emboîtements symétriques et rigoureux

permet de construire une double figure, celle de

Socrate et des Silènes, aux significations plurielles :

laideur dans le paraître, beauté dans l’être. Le

paragraphe suivant donne la clé de lecture en

explicitant le rapport entre les images et l’œuvre de

Rabelais. La question concise et brutale : « A quoi

tendent, à votre avis, ce prélude et ce coup d’es-

sai ? » joue le rôle d’une transition entre le symbole

et son explication, la métaphore du livre. On

retrouve le procédé de l’énumération opposant

cette fois l’apparence de titres légers : « Fessepinte,

La Dignité des Braguettes, Des pois au lard… » à la

richesse intérieure de l’œuvre  présentée comme

une maxime : « Mais il ne faut pas considérer si

légèrement les œuvres des hommes » ; trois pro-

verbes empruntés au domaine vestimentaire

(« habit »,  « froc », « cape ») développent en écho

l’opposition entre l’être et le paraître. La locution

« c’est pourquoi » introduit la méthode de lecture :

« il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui

y est traité ». L’auteur sollicite son lecteur pour qu’il

dépasse une lecture littérale et qu’il accède à une

lecture allégorique. Pour lire Gargantua, l’auteur

recherche un nouveau type de lecteur qui se définit

non seulement par un tempérament : d’un naturel

optimiste, enclin au rire, amateur de plaisirs (vin et

amour comme le suggère l’apostrophe en ouver-

ture) et de jeux de mots mais aussi par un état

d’esprit : exercice de la pensée, sagacité, finesse

de l’interprétation et libre jugement. Le Prologue,

qui est à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de

l’œuvre, répond à des intentions stratégiques dans

une forme qui se veut originale. A la manière d’un

bateleur, l’auteur qui recourt au « je » du dialogue

vivant s’adresse à un lecteur qu’il interpelle et qu’il

malmène et, ce faisant, se définit comme un

homme joyeux, prêt à rire d’un monde qu’il va

interroger, tel un humaniste. Il définit le portrait du

lecteur idéal en présentant une leçon de « savoir

lire » à travers un jeu d’analogies, d’antithèses et

d’énumérations, caractéristique de son écriture ; il

nous invite à décrypter la métaphore du livre et à

découvrir en toute liberté les potentialités du récit à

venir.

C’est le ton de l’œuvre qui est annoncé dans cet

avertissement placé sous le signe du double,

comique et didactique.

Synthèse On reprendra la volonté d’amuser et de surprendre

de l’écrivain « fêtard », avec ses anecdotes plai-

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

ablutions entre les activités sportives. L’équilibre ali-

mentaire constitue aussi un sujet de réflexion dans

la quête d’un développement harmonieux du corps

(Cf. énumération des lignes 49 à 53). Une place nou-

velle est réservée à l’éducation morale. Les pra-

tiques formelles et mécaniques de l’ancien système

sont remplacées par des pratiques raisonnées : lec-

ture de la Bible dans un texte authentique avec exé-

gèse (l. 10-11) et par une foi sincère : « vénérer, ado-

rer, prier et supplier le bon Dieu » (l. 6-7), « rendaient

grâce à Dieu par quelque beau cantique à la gloire

de la grandeur et de la bonté divines (l. 59-60). Enfin

l’éducation intellectuelle est valorisée à travers la

diversité des domaines abordés : lettres, mathéma-

tiques (arithmétique, géométrie), physique (astrono-

mie), sciences naturelles permettant la compréhen-

sion du monde et à travers la variété des méthodes

utilisées : lecture, observation, travaux pratiques,

dialogue, etc.

Un homme nouveauIl s’agit d’une éducation à la mesure de l’idéal huma-

niste au début du XVIe siècle. L’homme de la Renais-

sance tend à développer le corps, l’âme et l’esprit

conformément à la formule des Anciens : « mens

sana in corpore sano » en recherchant l’équilibre,

l’harmonie et l’épanouissement. Le programme édu-

catif se veut complet et « gigantesque » à l’image de

Gargantua, appelé à devenir le type du prince idéal.

Une part d’innovation est introduite dans l’accès

direct aux textes sacrés et anciens et dans une

espèce de ferveur tant religieuse que scientifique.

SynthèseL’éducation humaniste se caractérise par :

– un état d’esprit : l’élève est animé par une soif de

connaissances à l’image des géants, par une curio-

sité extrême et par un certain enthousiasme face à

l’étude. On revient aussi aux sources des textes

antiques et bibliques que Gargantua commente

directement en exerçant sa raison.

– une formation complète : l’éducation nouvelle

prend en compte l’homme dans sa globalité : corps,

âme et esprit. D’où la concomitance de certaines

activités dans l’emploi du temps de Gargantua.

– un savoir être : en intégrant la culture antique à la

vie, l’élève réfléchit sur les valeurs morales et leur

mise en pratique. L’objectif est de faire de lui le

prince idéal.

VOCABULAIRE

« Se récréer » (l. 26) vient du latin recreare (produire

de nouveau, faire revivre, rétablir, réparer), recreatio

(rétablissement). Au XIIIe siècle le sens dominant est

celui de « repos, délassement ». Dans le texte, le

terme signifie se délasser au sens de se divertir. Le

sens dominant aujourd’hui de « récréation des éco-

liers » s’est développé au XVIIe siècle.

LECTURE ANALYTIQUE

De nouvelles méthodesÉduqué selon la méthode traditionnelle héritée des

précepteurs du Moyen âge, Gargantua est devenu

« niais, tout rêveux et rassotté ». Son père décide de

le confier à un maître moderne qui lui fait alors

oublier ce qu’il a appris en lui administrant un

remède « qui lui lava le cerveau de toutes ses habi-

tudes perverties ». À Thubal Holoferne, « sorbonic-

quard », succède Ponocrates, « le bourreau de tra-

vail ». Une nouvelle éducation est proposée, qui

s’oppose radicalement à l’enseignement des

sophistes. Les chapitres 20 à 22 (Éditions Pocket)

forment un diptyque antithétique. Dans la nouvelle

éducation, une organisation méthodique et ration-

nelle du temps apparaît. La part horaire consacrée à

l’étude est plus vaste que dans l’ancienne éduca-

tion : « se réveillait donc vers quatre heures du

matin » / « il s’éveillait habituellement entre huit et

neuf heures ». Le texte est jalonné de repères

logiques et temporels qui soulignent l’enchaînement

des activités (« puis », « cela fait »), leur concomitance

(« pendant ce temps », « pendant que ») et leur durée

(« pendant trois longues heures »). L’emploi du temps

se veut dynamique et rythmé, la maîtrise du temps

est devenue absolue : « il ne perdait pas un moment

de la journée ». Le principe d’alternance caractérise

aussi la nouvelle éducation : alternance entre les

activités d’intérieur et d’extérieur, alternance entre

les exercices physiques et intellectuels, alternance

entre les leçons et les travaux pratiques. On peut

s’appuyer sur la structure du passage pour montrer

comment ce principe est mis en œuvre de manière

systématique. Équilibre, diversité et variété régissent

la nouvelle éducation. L’accent est mis sur de nou-

velles pratiques pédagogiques : apprentissage par

cœur tempéré par l’appel à l’intelligence et l’exer-

cice de la réflexion critique, aspects théoriques

éclairés par le recours à l’expérience, notamment

l’observation de la nature, pratique du dialogue

entre le maître et le disciple, rôle du jeu devenu un

outil du savoir, etc. Il se dégage une ambiance nou-

velle, propice à l’épanouissement  individuel :

absence de rigidité, souplesse alliée à la liberté, au

plaisir et à la détente, etc.

De nouveaux savoirsÀ l’immobilisme de l’ancienne éducation succède la

maîtrise du corps et de l’esprit dans le nouveau

modèle. Rabelais, médecin et humaniste, accorde

une place importante au corps qui est valorisé de

diverses manières, notamment à travers les activi-

tés : part de sommeil réduite et développement de

l’exercice physique, promenades et jeux : « jouaient

à la balle ou à la paume » (On pourra faire lire la suite

du chapitre). L’hygiène corporelle est devenue une

préoccupation constante, qu’il s’agisse de la toilette

matinale (énumération présente à la ligne 15) ou des

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Français 1re – Livre du professeur

fonction ludique et morale remplie par les « genres »,

poésie épique et bucolique, comédie ;

– retour du champ lexical de l’agrément et de l’ap-

port, termes valorisants ;

– le recours à des exemples à valeur argumentative

pour la poésie épique ;

On peut retrouver des échos dans l’œuvre de Rabe-

lais, qu’il s’agisse de Gargantua ou de Pantagruel

(Lettre de Gargantua à son fils).

Un plaidoyer en faveur d’une nouvelle éducationLe locuteur s’engage dans le débat éducatif à tra-

vers des marques affirmées de la première personne

du singulier et du pluriel « je » et « nous » et implique

un interlocuteur désigné par « tu » : Érasme et un

contemporain, maître/élève, auteur/lecteur… Les

marques du jugement/sentiment sont présentes :

champ lexical du plaisir. Il fait l’éloge de l’éducation

à travers deux domaines que sont les langues et la

littérature ; il insiste sur leur visée ludique et didac-

tique en lien avec les Anciens. La rhétorique de

l’éloge est développée avec l’emploi d’un lexique

valorisant, des questions oratoires, des anaphores,

etc.

SynthèseUn idéal éducatif commun à travers deux œuvres

contemporaines (1529 / 1534), empruntées à des

genres littéraires différents, un traité et un roman.

1. Une préoccupation commune• L’éducation des enfants chez Érasme, l’éducation

du jeune prince chez Rabelais.

• Des contenus axés sur les langues et les lettres

chez Érasme ; place des Anciens (Homère, Ésope,

poésie bucolique, l’apologue et la comédie). Lecture

des Anciens (énumération ligne 51), des romans de

chevalerie et de la Bible chez Rabelais.

• Des finalités éducatives comparables : des textes

à visée morale « instruire », idée récurrente du plaisir

chez Érasme et affirmation du principe du « bon plai-

sir » chez Rabelais.

2. Des choix d’écriture particuliers• Une page de traité et un registre double : didac-

tique qui vise à instruire par le circuit argumentatif

(arguments, exemples) et épidictique : éloge de la

culture littéraire (lexique du plaisir, anaphores, ques-

tions oratoires, etc.).

• Une page de roman et une rhétorique de la profu-

sion : concomitance et abondance d’activités, voire

démesure à l’image du géant.

GRAMMAIRE

On relève une phrase exclamative (l.  22-23) mar-

quant un jugement : admiration du locuteur pour la

comédie qui remplit deux fonctions « plaire et ins-

truire ». Mais ce sont les phrases interrogatives qui

dominent dans ce texte. Il s’agit essentiellement de

S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION

Les limites du programme éducatif :

– des excès : un système (trop ?) intensif laissant une

part limitée à l’autonomie intellectuelle de l’élève qui

semble passif à certains moments : « on lui faisait la

lecture » (l. 20), « son précepteur répétait ce qui avait

été lu en expliquant les points les plus obscurs et les

plus difficiles » (l. 10-11).

– des faiblesses : des manques apparaissent dans

une éducation qui pourrait prendre en compte les

langues, la poésie, les arts dans un souci d’ouver-

ture complète, etc.

Texte écho – Érasme, De l’éducation des enfants (1529)

p. 424 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser l’éducation chez les humanistes en

Europe.

– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre

épidictique.

LECTURE ANALYTIQUE

L’éducation, une préoccupation constante chez les humanistesLes disciplines enseignéesDeux domaines apparaissent, les langues et la litté-

rature, que l’on peut repérer grâce aux articulations

logiques : « En premier lieu » et « Et puis ». Le public

concerné est double dans un souci humaniste :

enfants et adultes sont pris en compte, même si les

visées éducatives diffèrent en fonction de l’âge.

Les deux disciplines sont mises en valeur à travers

le circuit argumentatif et les procédés d’écriture,

même si l’on observe une disproportion dans le trai-

tement des deux thèmes : les langues (l. 2 à 6) et les

lettres (l. 6 à 27).

Le discours argumentatifa. Les languesJustification de la pratique par deux arguments :

facilité d’apprentissage chez l’enfant mais difficulté

chez l’adulte (opposition : « alors que ») ; imitation et

plaisir chez l’enfant.

b. La littératureElle est développée par des arguments de longueur

inégale :

– intérêt « des fables des poètes » pour tous : plaisir,

connaissances linguistiques et formation morale ;

– un double champ lexical de l’agrément et de l’ap-

port, termes valorisants ;

– une question oratoire : « Quoi de plus plaisant […] » ;

– le recours à un exemple illustratif : « les apologues

d’Ésope », « les autres fables des poètes anciens » :

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

désastre. La description du combat relève du mas-

sacre burlesque. Les termes techniques du lexique

médical, qui traduisent la connaissance du corps

pour mieux le soigner, sont détournés ; les ennemis

sont décrits à travers le corps meurtri et désacralisé ;

aucune partie du corps n’est épargnée, de la tête « il

écrabouillait la cervelle » aux pieds « jambes »,

« tibias », jusqu’au fondement « boyau culier ». Les

termes familiers « il écrabouillait », « les tripes »

côtoient le lexique spécialisé « l’épine dorsale », « la

suture lambdoïde », produisant ainsi un effet

comique. Rabelais médecin met à mal l’anatomie

non sans malice. Le portrait du héros se fait en deux

temps à travers ses actions et ses paroles. Dans un

passage précédent, le voix du narrateur a nommé le

personnage « Frère Jean des Entommeures », « du

hachis », nom-portrait, nom programmatique, eu

égard au massacre orchestré par le moine. La figure

du moine est doublement héroïque. Il est le héros au

sens du personnage qui intervient dans l’action

romanesque ; il se caractérise aussi par des exploits

qui rappellent l’épopée et les romans de chevalerie.

Frère Jean est un moine en action qui se distingue

par une entrée en scène tonitruante, comme le sug-

gèrent les verbes au passé simple, et par son ardeur

au combat ; elle est évoquée par la parataxe, les for-

mules symétriques « aux uns […] aux autres » et l’ac-

cumulation de verbes de mouvement renforcés par-

fois par des adverbes qui traduisent la violence de

l’acte. Le narrateur parvient à maintenir l’attention

du lecteur depuis l’arrivée fracassante du héros

dans le clos de l’abbaye, théâtre de la guerre,

jusqu’aux suppliques finales des blessés. Le récit

est conduit de manière alerte : rythme rapide de la

narration, enchaînement des actions simplement

juxtaposées ou coordonnées, parallélismes de

construction, accumulation verbale. Il joue aussi sur

la fantaisie débridée en faisant de Frère Jean un

héros à la force surnaturelle qui défait à lui seul les

ennemis.

…traitée sur le mode comiqueL’épisode constitue une double satire. La parodie de

la guerre s’exprime à travers le décalage entre le

motif futile (une querelle pour des fouaces) et les

effets dévastateurs : le massacre de « treize mille six

cent vingt et deux » ennemis et à travers l’intertexte

culturel : l’épopée et les romans de chevalerie sont

présents avec les prouesses guerrières presque sur-

naturelles de Frère Jean. Mais il s’agit d’un détour-

nement comique du personnage, « moine claustrier »

voué théoriquement à la contemplation. La critique

du monde religieux se fait à travers l’attitude contras-

tée de Frère Jean et des moines. D’un côté un moine

actif qui prend en main son destin, de l’autre des

contemplatifs. On a affaire à un moine belliqueux à

la piété curieuse qui détourne les objets sacrés, le

froc et la croix, en objets guerriers et qui blasphème :

« tu vas aussi rendre ton âme à tous les diables ».

Aucune compassion à l’égard des ennemis. L’intérêt

questions oratoires qui participent de la rhétorique

de l’éloge à l’égard des Anciens : « Un stoïcien s’ex-

primerait-il plus gravement ? » (l. 17), « Quoi de plus

plaisant à écouter pour un enfant que les apologues

d’Esope ? » (l. 10) ; en écho : « Mais quoi de plus gra-

cieux qu’un poème bucolique ? Quoi de plus char-

mant qu’une comédie ? » (l. 20).

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

Pour faire l’éloge de l’éducation scolaire actuelle :

– on respectera les caractéristiques de l’énonciation

du texte d’Érasme : présence d’un locuteur « je »,

« on » qui s’adresse à un destinataire : « tu » ou

« vous » ;

– on aura recours aux mêmes procédés d’écriture :

énumération ; anaphore ; phrases exclamatives et

interrogatives ;

– on proposera des arguments en faveur de l’éduca-

tion actuelle : les contenus d’enseignement : diver-

sité et variété, culture et ouverture sur le monde ; les

méthodes pédagogiques : cours dialogué, mise en

activité de l’élève, considération de la difficulté (dif-

férenciation), place et rôle des TICE ; la relation

maître-élève : prise en compte de la personnalité,

respect de l’autre, écoute bienveillante.

Texte 3 – La guerre picrocholine

p. 426 (L/ES/S)

OBJECTIFS EN ENJEUX – Étudier l’art du récit.

– Dégager la double critique de la guerre et de la

religion.

LECTURE ANALYTIQUE

Une scène de massacre…Le champ de bataille se situe dans le clos de l’ab-

baye de Seuilly. Les forces sont représentées par

deux camps que tout oppose. D’un côté un moine

seul, Frère Jean (répétition du pronom singulier « il »),

incarne l’action méthodique, de l’autre les ennemis

en nombre, au total « treize mille six cent vingt et

deux » (nombre suggéré par les pluriels : « les porte-

drapeau », « les porte-enseigne »), sujets de Picro-

chole, se caractérisent par le désordre et une forme

d’inaction ; les guerriers se sont mus en pillards/ven-

dangeurs (détournement des instruments relatifs à

la guerre : « tambours pour les emplir de raisin », « les

trompettes étaient chargées de ceps ». L’arme de

Frère Jean est détournée elle aussi : l’objet sacré,

« le bâton de la croix », symbole de l’amour chrétien,

devient l’instrument du désordre « il les renversait

comme des porcs, frappant à tort et à travers » et du

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16

Français 1re – Livre du professeur

évoquent l’entrée rapide sur le champ de bataille : « il

ôta », « se saisit », « il sortit » et le début du massacre :

« il donna si brusquement », « il les chargea donc si

rudement ». Dans les paragraphes suivants, les

verbes d’action à l’imparfait sont multipliés ; ils tra-

duisent la violence de la scène guerrière par leur

accumulation mécanique. Certains verbes com-

prennent les préfixes « dé/dis » qui marquent la

séparation : «il démettait », « il défonçait », « il déboî-

tait », « il disloquait ».

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

« Croyez bien que c’était le plus horrible spectacle

qu’on ait jamais vu. » (l. 41)

La phrase conclut la partie du récit qui décrit le mas-

sacre des ennemis ; le paroxysme dans la vision réa-

liste et comique de l’horreur est atteint avec la for-

mule « à travers les couilles il perçait le boyau

culier ». Avec l’emploi de l’impératif à la deuxième

personne du pluriel « croyez », le lecteur est pris

à témoin. L’emploi du superlatif de supériorité « le

plus horrible spectacle » et le choix d’un terme fort

(horreo en latin) contribue à la dénonciation de la

guerre. On s’interroge sur la part de sérieux et de

comique. Ce passage pourra être comparé à l’épi-

sode de Candide soldat.

Texte écho – Thomas More, L’Utopie (1516)

p. 428 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser les conceptions de la guerre chez les

humanistes.

– Réfléchir sur l’écriture, notamment le registre

polémique.

LECTURE ANALYTIQUE

La vision traditionnelle de la guerreLa condamnation générale de la guerre est virulente

chez les Utopiens : elle s’exprime dès la première

phrase à l’aide d’un lexique moral fort « la guerre en

abomination » et d’une double comparaison ani-

male : « comme une chose brutalement animale »,

« plus fréquemment qu’aucune espèce de bête

féroce ». La guerre est dénoncée pour des raisons

politiques (impérialisme, invasion), morales (quête

de la gloire) et économiques (profit). La guerre, syno-

nyme d’agression, est condamnée chez More et

chez Rabelais, dans la mesure où elle constitue une

atteinte aux biens d’autrui.

Une conception de la guerre « idéale »La guerre défensive est justifiée chez les Utopiens

pour plusieurs raisons, politiques et morales :

qui guide l’action du moine, c’est la défense du clos

de l’abbaye, c’est-à-dire des vignes et du vin. L’atti-

tude des blessés relève de pratiques proches de la

superstition : accumulation comique de lieux de

pèlerinage ou de saints fantaisistes dans la bouche

de soudards transformés en suppliants animés non

par le repentir mais par la crainte de la mort. Le

prieur et les moines, quant à eux, sont traités avec

sévérité : entre passivité (le chant) et absurdité

(confesser des blessés eu lieu de les soigner). C’est

un idéal religieux qui s’exprime de manière sous-

jacente, à mi-chemin entre l’inaction stérile et l’ac-

tion belliqueuse.

SynthèseLa place de l’épisodeIl s’agit d’un épisode central par la place qu’il occupe

(chapitres 23 à 49 dans l’édition Pocket) et la longueur

qu’il représente (environ 26 chapitres sur les 56).

Les fonctions de l’épisode– Une fonction dramatiqueLe romancier utilise toutes les ressources du récit

pour tenir le lecteur en haleine (rythme rapide de

l’épisode, rôle des verbes d’action) et renouvelle l’in-

térêt dramatique : alternance de scène d’action et de

portrait, l’un (Frère Jean) et le multiple (les ennemis).

– Une fonction comiqueLe romancier reste fidèle au « pacte » du prologue :

faire rire son lecteur. Les sources du comique sont

mobilisées dans cet épisode haut en couleur : parodie

de l’épopée et des romans de chevalerie : grossisse-

ment épique avec l’accumulation hyperbolique de

verbes d’action et de détails anatomiques ; le bur-

lesque de l’épisode qui transforme un massacre en

jeu ; comique de contraste entre l’ardeur belliqueuse

de Frère Jean et l’attitude paisible des ennemis ;

humour noir (scène de massacre et de vendange) ;

comique verbal : jeu de mots (Cf. rendre), accumula-

tion verbale, jeux de symétrie avec les anaphores

« uns/autres », « quelqu’un », les antithèses, etc.

– Une fonction critiqueCritique de la guerre, notamment l’horreur de la

guerre civile ; un motif futile et des effets désastreux ;

folie et brutalité des hommes. Critique de la vie

monacale : moine guerrier, contraste entre l’action et

l’inaction.

– Une fonction symboliqueDerrière les deux camps se profilent deux chefs,

Grandgousier/Gargantua et Picrochole, seigneur de

Lerné « à la bile amère ». On a pu voir un écho histo-

rique et politique des luttes qui ont opposé François

Ier et Charles Quint, roi d’Espagne, empereur ger-

manique, ennemi des rois de France.

GRAMMAIRE

Les verbes d’action scandent l’épisode correspon-

dant aux exploits guerriers de Frère Jean. Dans les

paragraphes  1 et 2, les verbes au passé simple

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

I. Une conception de la « guerre idéale » encore d’actualité : la guerre défensive doit l’emporter sur la guerre offensive1. L’entraînement militaire par anticipation et l’arme-

ment, force de dissuasion

Ex. : More, paragraphe 1 et l’armée de métier en

France.

2. La défense de valeurs morales : liberté et justice

Ex. : More, paragraphe 2 et lutte contre les formes

de tyrannie au XXe et XXI

e siècles.

3. Le jeu des alliances, les pactes et la solidarité

internationale

Ex. : More, paragraphe 3 et le rôle de l’ONU dans

l’histoire.

II. Un idéal humaniste non atteint au XXIe siècle : les limites de l’idéal et la persistance de la guerre offensive1. Des guerres hâtives dans les déclarations, des

guerres éclairs ou l’enlisement dans le conflit.

2. La politique impérialiste : soif de conquêtes, hégé-

monie, rêve de gloire militaire et politique.

3. L’intolérance, source de conflits.

Texte écho – Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques (1616)

p. 430 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser les conceptions de la guerre chez les

humanistes. Le point de vue du protestant.

– Réfléchir sur l’écriture, notamment les registres

épique et tragique.

LECTURE ANALYTIQUE

Violence…La peinture de la France repose sur un jeu d’images

ou figures par analogie. La France est personnifiée

sous les traits d’une mère nourrissant des jumeaux ;

la personnification qui parcourt l’extrait se trans-

forme en allégorie : souffrance de la mère qui s’ex-

prime dans le récit et dans le passage au discours

direct. La métaphore est filée tout au long du pas-

sage ; la France est le comparé, la « mère affligée » le

comparant ; la figure féminine se déploie : mère allai-

tant, mère souffrant, mère ensanglantée. Les deux

frères, Esaü et Jacob, fils d’Isaac et de Rébecca,

sont des personnages bibliques (Cf. Ancien Testa-

ment, « Genèse », 25) ; Esaü est l’aîné, il vend son

droit d’aînesse à son frère pour un plat de lentilles ;

Jacob est le cadet et l’élu de Dieu ; tous deux se

livrent un combat sans pitié. Dans les vers 3 à 10,

Esaü est présenté comme le responsable du conflit :

il usurpe le sein maternel ; il est désigné par un

lexique dévalorisant : « le plus fort » (force brutale ici),

défense nationale d’un territoire, solidarité interna-

tionale et bien de l’humanité. Le lexique valorisant

de la protection est employé dans une période/

phrase au mouvement ternaire : « pour défendre

leurs frontières, ou pour repousser une invasion […]

ou pour délivrer de la servitude et du joug d’un tyran

un peuple opprimé ».

La défense de valeurs morales (liberté, justice et

honneur, respect des « droits de l’homme ») est mise

en exergue  par l’emploi d’un lexique valorisant :

« défendre, délivrer, le bien de l’humanité, porte gra-

tuitement secours ». Les Utopiens et Frère Jean

répondent à une agression qui porte atteinte à leurs

biens terrestres et à leur liberté.

SynthèseUne vision de la guerre commune à deux auteurs

contemporains, Thomas More (humaniste anglais) et

François Rabelais (humaniste français).

Thème et type de guerre– Condamnation de la guerre offensive très présente

dans le texte de More et chez Rabelais (agression de

Picrochole à travers ses sujets) ; « Défense et illustra-

tion » de la guerre défensive.

– Justifications politiques et morales de la guerre

défensive : réactions des Utopiens pour protéger

leur territoire ou celui des alliés ; réaction de Frère

Jean pour sauver les vignes du clos de l’abbaye.

Genre littéraireUn récit fictif écrit en latin chez Thomas More et un

roman chez Rabelais.

DiscoursUn discours argumentatif chez More (thèses, argu-

ments, exemples) et narratif/descriptif chez Rabelais

ÉcritureRegistre polémique chez More : dénonciation viru-

lente de la guerre offensive (images animales,

lexique dévalorisant) et registre comique chez Rabe-

lais (ennemis pillards transformés en vendangeurs).

GRAMMAIRE

Le terme « Utopie » est emprunté par Rabelais au

terme latin Utopia utilisé par Thomas More dans

l’œuvre éponyme publiée en 1516. Le mot est créé

par Thomas More à partir du grec ou, la négation, et

topos, « le lieu », « le lieu qui n’existe nulle part ». Il

désigne une société idéale. Les termes « Les Uto-

piens » ou la variante « La République d’Utopie »,

employés de manière anaphorique, constituent les

sujets grammaticaux en ouverture de paragraphe.

Leur point de vue sur la guerre est ainsi mis en

valeur.

S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION

Il faut ici réfléchir sur la permanence d’une thèse et

sa validité à travers le temps, du XVIe au XXI

e siècle.

Quelle vision de la guerre domine à notre époque ?

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Français 1re – Livre du professeur

S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE

L’exercice invite les élèves à faire un choix person-

nel, à confronter trois textes qui traitent de la guerre

au XVIe siècle et à justifier leur point de vue. Ils

peuvent défendre leur position en s’appuyant sur la

vision de la guerre proposée et le traitement du

sujet : registre comique chez Rabelais, registre polé-

mique chez More et registre épique/tragique chez

d’Aubigné en fonction de leur sensibilité littéraire. Ils

peuvent s’interroger sur les aspects de l’Humanisme

en jeu dans ces textes : foi en la liberté, justice et

dénonciation de l’intolérance. Ils peuvent aussi se

demander lequel des trois auteurs dénonce le plus

efficacement la guerre.

LECTURE D’IMAGE

Le massacre de la Saint-Barthélémy ou la représentation du désordreUne scène de chaos. Tout est sens dessus dessous,

oblique en toutes directions, arabesques ; même

le groupe de soldats qui entrent dans l’image à

droite porte lances et autres épées de façon non

ordonnée.

Par opposition les architectures affirment la vertica-

lité, appuyée par les tours, le clocher, les pilastres en

pierre sur le bâtiment du premier plan (hôtel de Coli-

gny) et les contreforts de l’église. Symboliquement

la verticale est signe de force, de présence. On

pourrait dire que l’architecture n’est pas atteinte par

le désordre ; d’ailleurs aucun de ces bâtiments n’est

en feu. Ces monuments seraient l’image de la péren-

nité, ce qui résiste au désordre humain. Quant aux

lignes de fuite, elles conduisent à l’entrée du châ-

teau qui n’est autre que le Louvre.

Du texte au tableau, deux œuvres contem-porainesUn poète et un peintre huguenots. François Dubois

a échappé à la tuerie quand toute sa famille de

confession protestante s’est fait assassiner par les

catholiques. Évocation métaphorique des guerres

de Religion (1562-1598) chez d’Aubigné dans une

œuvre datée de 1577 et représentation (entre 1576

et 1584) d’un événement contemporain du peintre

François Dubois (le massacre de la Saint-Barthé-

lémy a lieu en 1572).

Combat singulier et massacre collectif• Scène intimiste (la mère déchirée par ses enfants) et

scène publique (massacre devant le Louvre et sous le

regard de la reine-mère Catherine de Médicis).

• Omniprésence du désordre et de la violence sug-

gérée par les groupes de combattants, les armes,

les corps étendus, les taches de sang ; le rouge

représente les catholiques qui font verser le sang,

tandis que le noir peut désigner les protestants.

« orgueilleux », « voleur acharné », « malheureux » ; les

adjectifs démonstratifs ont la valeur dépréciative de

iste. Jacob est présenté dans les vers 11 à 14

comme une victime; il est caractérisé par un lexique

valorisant : « se défend », « juste colère », en écho au

vers 26 : « le droit et la juste querelle ». Toutefois le

point de vue évolue. Séparés dans la syntaxe et

dans la présentation, les deux frères sont réunis

ensuite à partir du vers 17, quand le combat devient

sanguinaire. « Mais » annonce ce changement : « leur

rage », « leur poison », « leur courroux ». Dans ce

combat épique, on retrouve l’esthétique du grossis-

sement avec des procédés tels que le lexique de la

violence (par exemple « furieux » au vers 19 ; sens de

furor et diérèse), l’antithèse des couleurs (lait et

sang), le champ sémantique du « sang » (v. 31, 33,

34), les sonorités qui suggèrent la brutalité (v. 18 par

exemple), les hyperboles, la gradation dans la vio-

lence (mutilation de la mère et agonie), les enjambe-

ments (v. 3 à 6 : violence de l’agression).

… et passionLa présence de l’auteur est explicite ; elle est mar-

quée d’emblée par le « je » et le présent de l’énoncia-

tion. Son point de vue évolue à travers le passage.

S’il semble prendre parti pour Jacob, le protestant,

présenté comme une victime (portrait v.  11 à 14)

contre Esaü, le catholique, présenté comme l’agres-

seur (portrait v. 3 à 10), le parti pris se modifie au fur

et à mesure que le combat progresse et que la mère

est mise à mal. La lutte contre nature est condam-

née dans le discours de la mère qui réunit les deux

frères dans une même condamnation : « Vous avez,

félons […] », voire malédiction : « Or vivez de venin

[…] ». Le poète recourt au registre tragique : acte

monstrueux des deux frères qui rappelle la lutte fra-

tricide d’Etéocle et Polynice, et épique par l’amplifi-

cation.

SynthèseLe texte d’Agrippa d’Aubigné présente, par le biais

d’une allégorie, un combat singulier, une lutte fratri-

cide entre deux personnages bibliques, Esaü et

Jacob (Cf. Ancien Testament, « Genèse », 25) et ce en

présence de leur mère. On peut faire une lecture his-

torique ou politique de ce texte et y voir le symbole

d’une France ravagée par les guerres de Religion

(1562-1598) qui opposent deux partis, les catholiques

et les protestants. Cet écho d’une réalité contempo-

raine figure dans Les tragiques, poème consacré aux

malheurs des protestants, rédigé en 1577 et publié de

manière clandestine en 1616. Le texte se situe dans la

première partie intitulée « Misères », qui montre la

France déchirée par les guerres civiles. Cette œuvre

(1577), postérieure à celles de More (1516) et de

Rabelais (1534), porte l’empreinte de son temps :

nous sommes passés de l’Humanisme triomphant

qui marque le début du siècle à une période sombre

faite d’inquiétude et de pessimisme.

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

nouvelle dimension, celle d’un Prince calme, pon-

déré, lucide, efficace et profondément humain

(Cf.  lexique moral valorisant). Il s’oppose en tout

point à Picrochole qui incarne l’esprit de conquête,

la démesure, la folie guerrière et la lâcheté à travers

la figure du déserteur.

SynthèseGargantua incarne le Prince idéal par les valeurs

qu’il défend dans son discours : prudence envers les

responsables du conflit, magnanimité et générosité

envers les vaincus. Son éducation est achevée à

présent. Il met en pratique les principes reçus dans

le second modèle pédagogique ; il a assimilé aussi

les valeurs des ancêtres familiaux et des Anciens

qu’il a lus. Il est donc prêt à gouverner. Il représente

un modèle pour les contemporains à travers la leçon

de sagesse politique qu’il donne aux vaincus. Il per-

met de passer du désordre à un nouvel état, celui de

l’ordre.

GRAMMAIRE

La volonté du Prince, futur roi, s’affirme dans cette

harangue aux vaincus. Pour définir les conditions de la

paix, il emploie à plusieurs reprises des verbes de

volonté tels que « vouloir » (4 fois) et « ordonner »

(1 fois) et des verbes au futur de l’indicatif : « vous rece-

vrez », « sera gouverné ». Le présent dans « je vous par-

donne et vous délivre » (l. 14) a aussi force de loi. Une

volonté forte, empreinte de sagesse, s’exprime dans le

discours de Gargantua.

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

Le portrait moral de Gargantua : un modèle de sagesse1. L’autorité du Prince, responsable des armées Affirmation de sa volonté, des décisions exposées

avec calme, une fermeté pondérée.

2. L’habileté stratégique et rhétorique du PrinceProtection garantie aux vainqueurs et aux vaincus,

pouvoir des ennemis réorganisés, éloquence maîtri-

sée.

3. L’humanité du PrinceMansuétude dans le traitement des ennemis, esprit

de justice et droiture morale, pacifisme.

Texte écho – Machiavel, Le Prince (1532)

p. 434 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Caractériser le politique chez les humanistes

français et italiens.

– Réfléchir sur le genre argumentatif.

• Présence de vieillards, de femmes et d’enfants vic-

times dans le tableau à l’image de la mère déchirée

dans le poème.

• Vision d’horreur dans cette double scène de mas-

sacre à travers le texte et l’image, vision de deux

camps irréconciliables.

Texte 4 – La figure du Prince

p. 432 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’art du discours.

– Caractériser la figure du Prince humaniste.

LECTURE ANALYTIQUE

Le discours aux vaincusGargantua, chef de l’armée des Utopiens, s’adresse

aux vaincus dans une harangue qui est rapportée au

discours direct. Il exprime son point de vue à l’aide

de la première personne du singulier et recourt aux

marques de la volonté. Le chapitre XLVIII, intitulé « La

concion que feist Gargantua ès vaincus », est consti-

tué d’un long discours rapporté directement ; l’auto-

rité du Prince est renforcée par cet effet de réalisme.

Dans ce discours, le Prince règle la situation engen-

drée par la guerre et définit les conditions d’une paix

durable. Il accorde son pardon aux ennemis (para-

graphe 3) et leur octroie la liberté ; il protège leur

retour et leur assure des conditions matérielles

(« solde »); il réorganise le pouvoir devenu anarchique

en nommant un conseil des sages pendant la

régence ; il s’entoure de précautions envers les fau-

teurs de troubles, car générosité ne signifie pas naï-

veté. Le ton se veut ferme et injonctif comme le

montrent les marques de la volonté (Cf. question de

langue) et la structure rigoureuse du discours ; la

parole est maîtrisée.

Le portrait du Prince idéalGrandgousier et Ponocrates représentent le père et

le précepteur qui ont contribué à l’éducation du

Prince et à la transmission des valeurs. Les para-

graphes 1 à 3 sont ponctués de termes moraux à

connotation positive qui évoquent l’esprit de justice

ancestral : « générosité, mansuétude, généreux,

bienveillance ». Ponocrates qui devient le gouver-

neur sur le territoire de Picrochole pendant la mino-

rité du fils de ce dernier incarne lui aussi la sagesse.

Gargantua a intégré les leçons de son maître. Il

recourt à des exemples historiques, parfois fantai-

sistes, tirés de l’histoire biblique et antique : Moïse et

Jules César. Ces exemples jouent un rôle démons-

tratif ; Gargantua règle sa conduite sur celle des

anciens : il pardonne aux vaincus et punit les fau-

teurs de troubles. La figure de Gargantua prend une

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Français 1re – Livre du professeur

Texte 5 – Comment était réglée la vie des Thélémites

p. 436 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier la clôture de l’œuvre.

– Caractériser l’idéal humaniste.

LECTURE ANALYTIQUE

Une éducation idéaleIl s’agit d’une élite sociale comme le suggèrent les termes utilisés « chevaliers » ou « dames », les activi-tés propres à l’aristocratie (chasse à courre, chasse au vol), l’otium de gens cultivés et le raffinement de la toilette. C’est en même temps une élite morale : noblesse de naissance et qualités inhérentes (lexique moral de la vertu et de la bonté naturelle). Il s’agit aussi d’une abbaye mixte avec présence simultanée et égale des hommes et de femmes. L’éducation contribue à l’épanouissement du corps et de l’esprit. On retrouve la soif de connaissances, la curiosité intellectuelle, l’ouverture aux arts et au monde : énumération de verbes à l’infinitif (l. 21-22). L’art de la chevalerie contribue au développement harmonieux du corps ; le boire et le manger sont pré-sents, comme autant de plaisirs.

Une harmonie idéaleUn principe d’égalité de traitement apparaît entre l’homme et la femme. La distribution des groupes syntaxiques le montre: « l’un ou l’une » (l.  14), « les dames » // « les hommes « (paragraphe 2), « cheva-liers » // « dames » (paragraphe 3). Un principe d’har-monie régit les relations et le mode de vie à Thélème ; l’un et le multiple se rejoignent comme le montre la construction symétrique et le rythme ternaire du paragraphe 2 : « Si l’un ou l’une disait : « Buvons », ils buvaient tous ; s’il disait : « Jouons », tous jouaient ; s’il disait : « Allons nous ébattre aux champs », tous y allaient ».

Une liberté idéaleL’expression de la liberté est très présente à travers le champ lexical du bon plaisir : « leur bon vouloir », « quand bon leur semblait » (l. 2), « quand le désir leur venait » (l. 3) et le jeu des négations : « non selon des lois, des statuts ou des règles » (l.  1), « nul ne les réveillait » (l. 4). La devise « Fais ce que tu voudras », formulée à l’impératif, est une négation de la contrainte et une exhortation à la liberté. Il s’agit d’une apologie de la liberté possible pour une élite sociale et morale. Cette liberté individuelle, non anarchique, est réglée sur le principe du collectif.

SynthèseThélème s’oppose aux abbayes traditionnelles ; les trois vœux (pauvreté, chasteté et obéissance) ne

LECTURE ANALYTIQUE

La figure du Prince selon MachiavelL’argumentation de Machiavel repose souvent sur

des exemples empruntés à l’histoire ancienne. Le

paragraphe 2 développe un exemple historique,

celui d’Antiochus, à visée argumentative ; il montre

les limites de la neutralité. Il recourt aussi à la cita-

tion latine (paragraphe 2), inexacte certes mais

attestant de la culture gréco-latine du philosophe.

Chaque paragraphe s’ouvre sur la formule anapho-

rique « un prince » ; il s’agit bien d’une réflexion

générale sur le politique idéal :

Paragraphe 1 – Un prince doit savoir prendre parti,

quel que soit le camp choisi.

Paragraphe 2 – Recours à un exemple historique,

celui d’Antiochus.

Paragraphe 3 – Un prince doit faire preuve de pru-

dence dans le jeu des alliances.

Paragraphe 4 – Un prince est doté de qualités

morales : il se comporte en mécène, il favorise l’acti-

vité économique, il protège les biens, il est pour-

voyeur de fêtes, il se montre généreux.

SynthèseLa figure du prince selon Machiavel et RabelaisDeux humanistes « européens » et contemporains

réfléchissent sur l’image du politique à travers deux

genres littéraires différents, un essai (1532) et un

roman (1534). Le Prince de Machiavel et le Gargan-

tua, figures éponymes, incarnent tous deux le réa-

lisme politique à travers :

– la défense de l’intérêt de l’Etat ;

– la prise en compte de l’intérêt du peuple ;

– la prudence ;

– la pondération ;

l’habileté oratoire ;

la magnanimité et la générosité.

VOCABULAIRE

« Machiavélisme » : nom commun forgé en 1602 sur

le nom propre Machiavel. Il s’agit de la doctrine de

Machiavel (1469-1527), homme politique et philo-

sophe italien, auteur de l’essai intitulé Le Prince.

Dans cet ouvrage, l’auteur développe l’idée que

l’homme d’Etat doit conserver le pouvoir en

employant « la ruse du renard » et « la force du lion ».

Ce réalisme politique est tourné vers le bien de la

société. Mais, pour séduire le peuple, pour maintenir

l’ordre, le Prince peut être conduit à employer des

procédés considérés comme immoraux. Il illustre

ainsi le proverbe : « La fin justifie les moyens ». Le

nom désigne le caractère d’une conduite cynique,

tortueuse, froidement calculatrice. Attitude perfide

de quelqu’un qui cherche à parvenir à ses fins par

tous les moyens.

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

1. L’éducationL’image 1 correspond à l’ancienne éducation dis-

pensée par les sophistes ou « Sorbonagres »; ces

derniers entourent le géant en désordre. Gargantua

tente de lire le monde à partir du globe terrestre mais

semble hébété. Cette image emprunte des éléments

à l’ancienne éducation (caricature des sophistes) et

à la nouvelle (le globe, objet du savoir). Cette pre-

mière éducation sous la responsabilité de Thubal

Holoferne et Jobelin Bridé a rendu l’élève « niais,

tout rêveux et rassotté ».

L’image 2 fait référence à la nouvelle éducation

confiée à Ponocrates. Il s’agit de la leçon d’astrono-

mie fondée sur l’observation de la nature et l’expé-

rience : « En revenant, ils considéraient l’état du ciel :

s’il se présentait comme ils l’avaient noté le soir pré-

cédent, dans quelle partie du zodiaque entraient le

soleil et la lune pour la journée » (Éditions Pocket,

chapitre XXI, manuel L/ES/S page 422). L’élève fait

preuve de concentration et se montre attentif aux

propos du maître. Ordre et symétrie règnent dans

cette image.

2. La guerreL’image 3 concerne la guerre picrocholine, notam-

ment l’épisode où Frère Jean sauve le clos de l’ab-

baye de Seuilly : « Et du bâton de la croix il donna su

brusquement sur les ennemis, qui, sans ordre, ni

enseigne, ni tambour ni trompette, grappillaient

dans l’enclos… » (Éditions Pocket, chapitre XXV,

manuel L/ES/S page 426). La scène représentée a

pour décor une abbaye, finement ouvragée ; Frère

Jean est en action et a déjà massacré les ennemis.

La composition de l’image, notamment la pyramide

centrale avec la figure du moine, rappelle le tableau

de Paolo Uccello, La bataille de San Romano qui

opposa les Siennois aux Florentins en 1432.

3. ThélèmeL’image 4 rappelle Thélème. (Éditions Pocket, cha-

pitre LV, manuel L/ES/S page 436).

Le décor est constitué d’une abbaye ou d’un manoir

de style Renaissance où évoluent des nobles, des

hommes et des femmes. Gargantua veille sur la

récompense qu’il a offerte à Frère Jean au terme de

la guerre. La liberté et l’harmonie affirmées dans le

texte se retrouvent à travers l’image.

Les trois thèmes répondent au parcours initiatique

de Gargantua qui passe de l’ancienne à la nouvelle

éducation, de la guerre à la paix : du tumulte naît

l’ordre dans les deux couples d’images. Thélème

constitue l’aboutissement de l’itinéraire et l’accom-

plissement du Prince par les valeurs qu’il incarne.

Les images constituent des illustrations fidèles de

l’œuvre à travers les thèmes et leur traitement,

même si la première illustration s’écarte un peu du

texte, dans la mesure où elle mêle des éléments

empruntés aux deux éducations. La verve comique

est présente dans les images 1 (art de la caricature,

comique de situation) et 3 (truculence d’un person-

sont pas prononcés. Un anti-modèle s’impose :1. Élite sociale et mode de vie raffiné des Thélémites.2. Mixité au sein de l’abbaye.3. Liberté individuelle et collective.Une seule règle : « Fais ce que tu voudras ».

GRAMMAIRE

L’anaphore de l’adverbe « si » introduit l’idée d’une comparaison qui insiste sur les qualités physiques et morales des Thélémites, hommes et femmes.

S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION

Les chapitres 50 à 56 (Éditions Pocket) constituent la dernière partie de l’œuvre consacrée à Thélème, « volonté ». Frère Jean refuse les abbayes tradition-nelles que lui offre le Prince pour le remercier de ses exploits lors de la guerre picrocholine. Comment gou-verner autrui quand on ne sait le faire soi-même ? Il consent à fonder une abbaye où les règles fonctionnent à rebours des règles monastiques : pas de murailles, pas de vœux, libre emploi du temps, vie commune d’hommes et de femmes de bonne naissance.

Thélème, un modèle d’utopie1. Les caractéristiques de l’utopie– une élite sociale et morale– une abbaye mixte– une éducation complète contribuant à l’épanouis-sement du corps et de l’esprit– une liberté individuelle réglée sur la liberté collective

2. Les limites de l’utopie– un monde clos réservé à une élite aristocratique– une liberté restreinte dans la mesure où c’est « l’honneur » des Thélémites qui les oriente dans leur usage de la liberté et les pousse à la vertu– un lieu temporaire avant le mariageThélème demeure un rêve généreux où s’exprime la confiance de l’auteur en la nature humaine.

Lecture d’images – Gustave Doré, Gargantua (1854)

p. 438 (L/ES/S)

Parcours de lecture, du texte à l’imageOn pourrait envisager la démarche inverse : ouvrir la séquence par une lecture d’images qui amène les élèves à identifier les personnages, à définir les thèmes, à s’interroger sur leur progression et à éla-borer une problématique d’ensemble.Quatre images et trois thèmes :

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Français 1re – Livre du professeur

adverbe, un néologisme, dont la racine « théolo-

gal » appartient au sacré.

2. « l’eau bénite de cave » : alliance du sacré (eau du

baptême) et du profane (alcool).

3. « pleurer comme une vache » : comparaison ani-

male familière.

4. « le bâton de la croix » : détournement d’un objet

de culte en objet ordinaire, une arme servant au

massacre.

5. « deslochait les spondyles, desgourdait les

ischies » : mélange de verbes familiers et de termes

techniques désignant les parties du corps.

b. Il s’agit d’une parodie du chant grégorien à partir

de la phrase : « Impetum inimicorum ne timueritis »,

« Ne craignez pas l’assaut des ennemis », situation

paradoxale, car les sujets de Picrochole ravagent le

clos de l’abbaye tandis que les moines chantent.

Jeu sur la répétition des sons imités du latin mais

incompréhensibles.

c. 1. À l’exemple de ce chien, il vous faut être sages

pour humer, sentir et estimer ces beaux livres de

haute graisse, légers à la poursuite et hardis à l’at-

taque. Puis, par une lecture attentive et une média-

tion assidue, rompre l’os et sucer la substantifique

moelle.

Le jeu sur les images, le chien et l’os, invite à une

lecture plurielle de l’œuvre ; l’auteur sollicite son lec-

teur pour qu’il dépasse la lecture littérale et qu’il

accède à une lecture allégorique de l’œuvre. C’est le

pacte de lecture scellé dès le prologue.

2. Puis fientait, pissait, rendait sa gorge, rotait,

pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éter-

nuait, et se morvait en archidiacre, et déjeunait pour

abattre la rosée et mauvais air : belles tripes frites,

belles carbonades, beaux jambons, belles cabiro-

tades.

Accumulation verbale d’actions et énumération de

mets montrent la place du corps dans l’ancienne

éducation.

3. NIVEAUX DE LANGUE

Apparaissent les interjections, les onomatopées, les

expressions familières et le jeu de mots comique

(bonne chose/bonne paire de chausses) qui jettent

le discrédit sur le discours de Maître Janotus dont le

nom latinisé est peu sérieux : Janotus vient de

« Janot » et « bragmarder » a un sens sexuel. Son dis-

cours est fait de références qui, sorties de leur

contexte culturel, perdent tout sens, de formules

figées empruntées au jargon scolaire et d’une juxta-

position d’idées absurde. Il s’agit de faire la satire

d’un personnage emblématique à travers la dérélic-

tion de la parole : il représente cette institution que

sont les sophistes ou les théologiens de la Sor-

bonne.

nage : un moine en froc défaisant à lui seul des

ennemis en cuirasse). Les images apparaissent

aussi comme des « recréations » personnelles ». L’ar-

tiste à l’imagination débordante produit une œuvre

pleine de dextérité et de fantaisie  qui lui assura le

succès : « Ce fut le premier ouvrage qui fit sensation

et qui, par l’entremise de la presse, attira sur moi

l’attention du monde ».

Vocabulaire – Comprendre le vocabulaire rabelaisien

p. 440 (L/ES/S)

1. ÉTYMOLOGIE

Les géantsGrandgousier, père de Gargantua. Son nom formé

à partir de « grand » et « gosier » désigne un rapport à

la nourriture. Il est roi des Dipsodes, dipsao signifie

en grec « avoir soif » ; on retrouve l’autre caractéris-

tique de ces géants.

Gargamelle, mère de Gargantua. Le nom est emprunté

au provençal gargamela, dû à un croisement de cala-

mela (chalumeau, métaphore du tuyau de la gorge)

avec le radical -garg- « gosier, gorge ». Le nom est en

rapport avec la nourriture.

Gargantua est déjà un nom de géant dans la littéra-

ture populaire. Le chapitre VI intitulé « Comment son

nom fut donné à Gargantua et comment il buvait le

coup » (Éditions Pocket) donne l’explication : « il bra-

mait en demandant : « A boire ! à boire ! à boire ! » Alors

il dit : « Quel grand tu as ! » (sous-entendu gosier). »

Pantagruel est le fils de Gargantua et de Badebec ;

le nom qu’il reçoit est lié à la sécheresse qui sévit

dans le royaume de son père : du grec panta « tout »

et de l’arabe gruel « altéré ». Son nom le prédestine à

régner sur les buveurs.

Les compagnons de GargantuaPonocrates : précepteur de Gargantua, il représente

l’éducation humaniste. Son nom d’origine grecque

signifie « le bourreau de travail ».

Anagnoste : vient du verbe grec signifiant « lecteur ».

Eudémon : page ; son nom grec signifie « le bien-

heureux ».

Frère Jean des Entommeures : « du hachis » ; son

nom entomos « coupé » fait référence au massacre

qu’il commet.

L’ennemi de GargantuaPicrochole : vient du grec picros « piquant » (acide

picrique) et cholè « la bile, le fiel » ; il a l’humeur belli-

queuse.

2. JEUX VERBAUX

a. Rabelais emploie le comique verbal.1. « chopiner théologalement » : alliance d’un verbe

familier qui fait référence à la boisson et d’un

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 2

Sujet 2 On rappellera aux élèves d’être attentifs à l’énoncia-tion : les propos de Gargantua à ses proches, donc de respecter les règles du discours. On leur propo-sera de relire quelques textes de Gargantua et de noter des réflexions, des remarques qu’ils pourront replacer dans la bouche du héros. On les invitera également à inventer ou à reprendre des jeux de mots, des expressions hautes en couleur qu’ils auront relevées dans les textes.

EXPRESSION ÉCRITE

Sujet 1Il s’agira de reprendre les qualités d’écrivain qui sait distraire son lecteur tout en l’instruisant et les valeurs humanistes que les élèves ont découvertes en lisant les extraits de la séquence.

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Français 1re – Livre du professeur

Séquence 3

Imiter les antiques : le renouvellement poétique de la Pléiade p. 442 (L/ES/S)

Problématique : Comment les poètes de la Pléiade renouvellent-ils la poésie en s’inspirant de la littérature antique ?

Éclairages : La problématique proposée ici interroge à la fois le genre poétique et l’histoire littéraire en poursuivant les buts et objectifs définis plus haut. Il s’agit de mettre en avant une écriture et une inspiration que le Moyen Âge n’a pas connues et d’éclairer une situation paradoxale : la Pléiade revendique la nou-veauté de son écriture et de son inspiration en les fondant sur une littérature et une culture anciennes.

Texte 1 – Joachim du Bellay, Les Antiquités de

Rome (1558)

p. 443 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’image de la Rome antique.

– Voir en quoi elle impose une réflexion sur la fragilité

du monde et de la gloire.

LECTURE ANALYTIQUE

Le sonnet de du Bellay est un hommage au poète Virgile et à un passage de l’Énéide (VI, 782 sqq.) qui est reproduit dans le manuel L/ES/S page 444.

Rome, ville antique1. Le sonnet, genre nouveau en 1558, est organisé autour d’une comparaison. Le premier quatrain est le premier élément, d’une seule phrase, composé sur la tournure latine « talis… qualis » (« telle que … telle »). On relève aussi un autre latinisme : l’ellipse du verbe que le vers 3 met à la rime : « telle se faisait voir ». Les deux éléments de la comparaison se trouvent au début et à la fin du quatrain : la déesse Cybèle et Rome, « cette ville ancienne ». Le lecteur attend longtemps le terme de la comparaison, dans un mouvement lent et majestueux qui reprend celui du char divin. Un double mouvement est créé  : le rythme est régulier : 18 + 12 + 18 et est doublé par le découpage des propositions entre rejets et enjam-bements. Une discrète allitération en [T] accentue la comparaison : « telle, Bérécynthienne, tours, enfanté tant, telle ».2. Rome, enfin nommée, du Bellay déséquilibre la comparaison en établissant la supériorité de Rome sur la déesse. Le groupe nominal « Cette ville » est repris du vers 4 au vers 5 et amplifié par trois propo-sitions coordonnées  : « qui fut plus que la Phry-gienne / Foisonnante en enfants, et de qui le pou-voir / Fut le pouvoir du monde, et ne se peut revoir / Pareille à sa grandeur, grandeur sinon la sienne. » (v. 5-8). La répétition de « grandeur » sous forme de chiasme participe à la surenchère. L’hyper-bole apparaît dans « plus que », dans « le pouvoir du monde » et dans « foisonnante en enfants » (allitéra-

tion en [F]). La syntaxe permet d’isoler le groupe

nominal « cette ville » et participe à la valorisation de

Rome.

3. Les noms propres ont un grand pouvoir évocateur

pour la Pléiade. L’allusion à Cybèle des premiers

vers prend la forme d’une périphrase, la Bérécyn-

thienne (voir note 1, p. 443) développée par une dié-

rèse et la rime féminine. La comparaison « plus que

la Phrygienne » (v. 5) s’apparente à la périphrase :

même diérèse, même rime riche. Les références

antiques sont savantes  : la Bérécynthienne Cybèle

est honorée en Phrygie, à Troie dont le roi Priam eut

cinquante fils et cinquante filles. Le fondateur de

Rome, Romulus est un descendant d’Ascagne, fils

d’Énée et petit-fils de Priam. Rome est encadrée par

le Bérécynthienne et la Phrygienne par le système

des rimes abba, abba.

Une ville idéalisée4. La toute-puissance de Rome est développée

dans le dernier tercet. Introduite dès le dernier vers

du premier tercet, la phrase qui le compose prend

de l’ampleur grâce aux enjambements. La reprise du

vers 3 au vers 6  : « enfanté tant de dieux » corres-

pond à « foisonnante en enfants » avec un effet de

chiasme, « voir » à « pouvoir ». La polyptote est aussi

employée dans tout le sonnet : « pouvoir » (v. 6, 7 et

12), « peut » (v. 7), « pouvait » (v. 9 et 10), « puissance »

(v. 14).

5. La répétition, les parallélismes, le rythme binaire :

« Rome seule pouvait à Rome ressembler, /Rome

seule pouvait Rome faire trembler » ; « Se vantât

d’égaler celle qui fit égale / Sa puissance à la terre et

son courage aux cieux. »

6. Aucune place n’est laissée au présent de Rome.

Laissé dans l’ombre de la gloire ancienne, il apparaît

moins intéressant et fade. Le seul présent de l’indi-

catif du sonnet : « et ne se peut revoir » évoque un

pouvoir révolu et inaccessible.

SynthèseJoachim du Bellay propose dans ce sonnet une

image de Rome majestueuse dont le charme pro-

vient des références savantes et poétiques à l’anti-

quité. Le présent apparaît en contrepoint fade et

modeste.

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

3. Par son activité (verbes d’actions  : « égalera,

entourera »), Rome s’élève et ne doit rien à autrui.

Réécritures

4. Les images sont reprises dans « Telle que dans

son char la Bérécynthienne » mais les murailles n’y

figurent pas. C’est la grandeur de Rome qui est mise

en valeur par du Bellay.

5. Les figures de style dans le poème et la traduc-

tion : l’hyperbole « Rome la grand’ » dans la traduc-

tion mais pas dans le poème, comme les sept

murailles ; la fécondité : plus développée dans la tra-

duction (« grosse d’enfants », « mère des dieux »,

« tant de déités », « cent neveux ») ; les effets d’agran-

dissement : « la rondeur du monde » / « le pouvoir du

monde » et « puissance à la terre », « son courage

aux cieux » / « son courage aux cieux ». Joachim du

Bellay conserve les éléments les plus flatteurs et

oublie les détails plus pittoresques que la ville aux

sept collines. La forme contrainte du sonnet l’amène

à faire des choix.

6. Virgile et Joachim du Bellay arrivent à montrer le

caractère inique en établissant des liens impro-

bables entre une ville mortelle et une déesse adorée

dans plusieurs temples.

Synthèse

On reprendra les réponses aux questions 2, 3, 4, 5

page 443 (L/ES/S) et 2, 4, 5, 6 page 444 (L/ES/S) en

s’attardant particulièrement aux expansions du

nom, aux hyperboles et aux références mytholo-

giques. Il faudra ensuite s’attarder sur la vision per-

sonnelle de du Bellay, en s’appuyant plus particuliè-

rement sur le deuxième quatrain, page 443 (L/ES/S).

VOCABULAIRE

« Cestuy-ci » est un pronom démonstratif du moyen

français. Il est en concurrence avec « cil » qui a fina-

lement survécu en français moderne. En moyen

français, « cestuy » désigne un objet ou un être

proche et « -ci » indique la proximité. Anchise se sent

proche de son descendant Romulus.

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

Dans ce paragraphe également, on mettra en regard

les formulations, les images quasi identiques (les

élèves devront citer précisément des éléments du

texte). Il faudra relever et commenter la différence

des temps verbaux  : futur d’une prophétie qui

annonce la grandeur de Rome dans l’Énéide et

passé du regret dans Les Antiquités de Rome.

GRAMMAIRE

La syntaxe du deuxième quatrain est complexe. Il

est composé du groupe nominal : « cette ville » suivi

de propositions subordonnées relatives  : « cette

ville, qui … », « et [cette ville] de qui … ». Le troisième

pronom relatif est sous-entendu : « [cette ville] qui ne

se peut revoir ». Analyse de la forme verbale  : la

forme « ne se peut revoir » est une construction pro-

nominale : « se pouvoir » signifie « être capable de ».

Il faut lire ici : « cette ville qui ne peut se revoir pareille

à sa grandeur ».

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

Il s’agit de mettre en valeur les effets vus dans le

questionnaire et de les relier dans une réflexion sur

l’écriture avec contraintes.

PROLONGEMENTS

On peut proposer aux élèves de développer l’image

de Rome dans Les Antiquités de Rome à travers

d’autres sonnets du recueil et en particulier le son-

net III qui développe la décadence de Rome.

D’autres images de Rome  : Horace, de Corneille ;

Terrasse à Rome de Pascal Quignard ; Mémoires

d’Hadrien de Marguerite Yourcenar.

Écho de l’Antiquité – Virgile, Énéide (Ier s. av. J.-C.)

p. 444 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Découvrir la source d’inspiration antique de

du Bellay.

– Comprendre la réécriture d’un thème.

LECTURE ANALYTIQUE

La gloire de Rome1. Virgile souhaite dans l’Énéide donner du lustre à

l’histoire de Rome, montrer comment elle domine le

monde et valoriser les actions d’Auguste. Dans l’ex-

trait, Virgile installe l’image d’une ville, l’Urbs, entou-

rée de tours (« seule », « ville ») puis d’une déesse qui

lui ressemble par de nombreux points  : « une

muraille » / « couronnée de tours » ; « féconde en

héros » / « heureuse d’avoir enfanté tant de dieux » et

lui permet d’égaler l’orbs.

2. Virgile utilise l’hyperbole : « l’illustre Rome », « éga-

lera son empire à l’univers et sa valeur à l’Olympe » ;

l’accession à un pouvoir universel et divin (dont Vir-

gile raconte l’origine à travers l’origine de Romulus) ;

la valeur des Romains : « ville féconde en héros ».

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Français 1re – Livre du professeur

GRAMMAIRE

« Voire » signifie : en vérité, vraiment. Il a pour origine

le latin vera, pluriel neutre pris adverbialement de

l’adjectif verus, « vrai, véritable, réel, juste, sincère ».

Le verbe « voir » vient du verbe latin videre.

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

Critères d’évaluation• Il faudra garder une énonciation à la première per-

sonne.

• Le destinataire sera un écrivain ou poète potentiel.

• Les élèves devront se poser la question du temps

et du mode choisis : impératif, futur de l’indicatif ou

subjonctif.

• Les élèves devront utiliser les réponses aux ques-

tions portant sur le poème, en mettant en avant le

texte, qui sera l’élément le plus important.

Cet exercice peut être particulièrement intéressant

pour les élèves qui ne citent pas suffisamment le

texte dans leurs commentaires et ne parviennent

pas à l’exploiter.

Texte 2 – Pierre de Ronsard, Meslanges (1555)

p. 446 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier les potentialités d’écriture de la forme

poétique de l’ode antique.

– Voir comment Pierre de Ronsard arrive à l’adapter

à un sujet amoureux.

LECTURE ANALYTIQUE

Une ode à l’antique1. Pierre de Ronsard reprend une forme poétique

antique assez souple et libre. Il a choisi une forme

régulière  : douze vers de longueur identique, des

octosyllabes, deux strophes correspondant à deux

phrases. Le rythme est varié mais établit une

constante en fin de strophe : 2+6 ; 2+6 ; 4+4 ; 8 ; 16

16 ; 2+2+4 ; 8 ; 16.

2. « Odelette » est un diminutif de « ode ». De fait l’ode

emploie deux autres diminutifs comme l’y invite

Défense et illustration de la langue française

(Cf. p. 447 L/ES/S) pour enrichir le vocabulaire fran-

çais : « babillarde » (v. 1 – voir note du manuel L/ES/S,

p.  446) « languette » (v.  4). La présence du même

rythme dans les deux derniers vers des strophes

évoque un refrain comme dans un rondet. Le vers

comme l’ode sont courts. L’hirondelle est un oiseau

familier du printemps mais c’est aussi un oiseau

aimé de l’antiquité. Le décor évoqué l’est aussi : la

cheminée, le couteau. Curieusement, l’ode se situe à

Texte écho – Joachim du Bellay, Défense et

illustration de la langue française (1549)

p. 445 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Comprendre ce que les poètes de la Pléiade

appellent l’imitation.

– Réfléchir à l’influence des auteurs latins et grecs.

LECTURE ANALYTIQUE

Un texte théoriqueDeux formules caractérisent celui à qui s’adresse

Joachim du Bellay  : « celui qui voudra enrichir sa

langue » (l. 1) ; « Ô toi qui désires l’accroissement de

ta langue et veux exceller en icelle » (l. 19). De la pro-

gression dans la familiarité de l’échange, on com-

prend combien le sujet est important pour la Pléiade.

Le verbe « inventer » a son sens latin rhétorique. Il

s’agit de mobiliser les idées et les moyens de les

mettre en œuvre. C’est une activité que du Bellay

attribue aux Grecs et aux Latins. Le verbe « imiter » a

un sens restrictif : il ne s’agit pas de reproduire sans

comprendre (« premier regard », l. 12) mais de péné-

trer la langue ancienne (ll. 7/9). Du Bellay utilise l’hy-

perbole et un mouvement binaire pour opposer une

bonne imitation et une mauvaise.

Un programme pour le poète du BellayIl s’agit ici de montrer comment du Bellay a su s’ap-

proprier un thème, des figures de style, un vocabu-

laire originel pour créer un poème différent, aboutir

à une création personnelle. On reprend donc les

éléments de réponse aux questions du texte p. 443

(L/ES/S) et aux questions 5 et 6 p. 444 (L/ES/S). On

pourra aussi montrer l’originalité de du Bellay qui

reprend un thème antique dans une forme nouvelle,

le sonnet. Il participe à « l’accroissement de la

langue » en s’appropriant « les sentences et les

mots » des langues étrangères (attention au sens

d’  « approprier ») et en proposant de nouveaux

mots, formés sur des étymologies latines et

grecques.

SynthèseLa synthèse invite à mettre en avant un des argu-

ments en faveur de l’enrichissement de la langue et

de la littérature : le souffle nouveau qu’apportent les

auteurs antiques, oubliés pendant quelques siècles.

Par ailleurs, la nécessité d’ « approprier », d’ « adap-

ter » les emprunts favorise l’esprit créatif. Lignes 18

à 20, on relèvera aussi l’idée d’un travail sans

relâche (« Sans cesse sur le métier… »). On invitera

les élèves à exploiter particulièrement les questions

3 à 5.

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

On invitera les élèves à proposer des comparaisons

originales. On attirera aussi leur attention sur les

rimes du poème de Ronsard.

Texte écho – Joachim du Bellay, Défense et

illustration de la langue française (1549)

p. 447 (L/ES/S)

OBJECTIF ET ENJEU

– Comprendre comment la lecture des genres de

l’Antiquité influence l’Art poétique français du XVIe

siècle.

LECTURE ANALYTIQUE

Les conseils d’un art poétique

1. Joachim du Bellay dévalorise la littérature du

Moyen Âge finissant : « vieilles poésies françaises »

(l. 2), qu’il critique de multiples manières : allusion à

d’anciens concours « jeux Floraux de Toulouse et au

Puy de Rouen » ; énumérations de formes qui

perdent leurs valeurs par leur place dans une liste :

« comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux,

chansons et autres telles épiceries » et la métaphore

finale. La condamnation est complète avec l’expres-

sion : « qui corrompent le goût de notre langue et ne

servent sinon à porter témoignage de notre igno-

rance ». La littérature est déconsidérée.

2. Joachim du Bellay fait allusion à l’épigramme, à

l’élégie, à la fable, à l’ode.

3. Joachim du Bellay les recommande tous mais il

porte toute son attention sur le niveau de langue

élevé et sur la qualité de la langue.

Les choix du poète

4. Ronsard s’est conformé aux principes :

– « Chante-moi ces odes, inconnues encore de la

Muse française » : « Odelette à l’Arondelle »

– « la sollicitude des jeunes hommes, comme

l’amour » / « quelque vestige de rare et antique érudi-

tion » : la mythologie grecque.

5. Ronsard a employé un vocabulaire rénové et

enrichi : « odelette, babillarde ».

Synthèse

Il s’agira essentiellement ici d’expliquer les choix du

poète, en mettant en avant un souci de musicalité,

de « rare et antique érudition », le choix des thèmes

et la création verbale.

la croisée de plusieurs formes : l’ode, la chanson, le

rondet et l’aube (pour les deux derniers vers).

3. L’ode s’adresse à l’hirondelle. L’oiseau paraît

décrit de façon réaliste. Le cri de l’hirondelle est vif

et stimulant : « babillarde, caquette » et diurne : « qui

matin sans repos ». Il est même éprouvant  : « Et

m’estourdit tout le cerveau ». La volonté de Ronsard

est de la faire taire : « tais-toi ». Il menace l’hirondelle

de lui couper la langue et l’allusion est savante. Dans

ses Métamorphoses (VI, 421-674), Ovide évoque la

transformation de Philomèle : Térée a enlevé la sœur

de sa femme Progné et a abusé d’elle. Pour ne pas

qu’elle dénonce son forfait, Térée lui coupe la langue.

Pour le punir, Progné tue leur fils et le lui fait manger.

Elle dit la vérité à son mari puis s’enfuit avec sa

sœur. Pour les aider à échapper à Térée, fou de dou-

leur, les dieux métamorphosent Procné en rossignol,

Philomèle en hirondelle et Térée en huppe ou en

vautour.

Une ode moderne4. L’ode s’adresse à l’hirondelle : l’énonciation l’in-

dique clairement : « tais-toi » (v. 1), « ton aile » (v. 2),

« je t’empongne » (v. 3), « ta languette » (v. 4), « je te

preste » (v. 7), « tu voudras » (v. 9), « ne me réveille »

(v. 10), « ne m’oste » (v. 11). Le poète apparaît égale-

ment. Le verbe « chanter » ne convient pas tant pour

l’hirondelle que pour lui. L’ode repend un thème de

la poésie amoureuse : le retour du matin et la fin du

bonheur dans les bras de l’aimée.

5. Le rejet en fin de poème de la demande et de sa

raison permet de mettre la jeune femme en valeur :

« Ma Cassandre d’entre mes bras ». L’allitération et

les assonances accentuent son importance. Pierre

de Ronsard joue sur la réalité d’une Cassandre

amoureuse : l’hirondelle ne doit pas le réveiller, non

parce que Cassandre se lèverait mais que lui s’éveil-

lerait et que son rêve s’envolerait. Il s’agit donc aussi

d’une demande à Cassandre parce qu’il est impos-

sible que les hirondelles ne crient pas.

6. L’odelette renouvelle l’ode par un jeu ingénieux sur

les références antiques, sur la fiction poétique de la

femme aimée, sur la réalité rustique, sur un vocabu-

laire revu tout en respectant la liberté de l’ode antique.

SynthèseLa synthèse doit rendre compte de la façon dont

Pierre de Ronsard arrive à créer une ode nouvelle en

assimilant à la forme antique des composants

modernes.

VOCABULAIRE

« Preste » est devenu « prête », « oste » est devenu

« ôte ». Le « s » présent dans l’étymologie des deux

verbes : prêter > latin praestare, ôter > latin obstare

a disparu de la prononciation en allongeant la

voyelle, vers le XIe siècle, allongement noté par l’ac-

cent circonflexe. L’allongement de la voyelle a dis-

paru au XVIIIe siècle.

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Français 1re – Livre du professeur

nominaux parallèles et opposés (hémistiches) mais il

arrive à faire disparaître l’aspect figé de la comparai-

son par le mélange des tonalités (« petit village –

cheminée- clos – pauvre maison ») , le jeu des déter-

minants et des pronoms personnels (valeur affective

des pronoms personnels de la première personne,

adjectifs possessifs).

4. Le dernier échappe à cette particularisation, don-

nant la dernière place à la douceur angevine, la

haussant à l’immensité de la Mare Nostrum et en

effet d’antépiphore avec « heureux », affirme le choix

affectif de du Bellay.

Un poème lyrique5. Le poète partage son discours entre une troisième

personne qui évoque deux personnages de l’Anti-

quité : Ulysse et Jason. Le quasi proverbe du premier

vers, le « cestuy-là » donne à la troisième personne,

une valeur différente de celle du possessif  : « ses

parents » (v. 4) qui associe le poète aux personnages.

6. Le second quatrain est plus personnel avec l’arri-

vée du pronom de la première personne, répétée

deux fois avec le verbe « revoir ». Le poète s’inter-

roge sur le décalage entre le passé accompli de « a

fait un bon voyage » et « est retourné » et le futur qui

exprime le désir « quand reverrai-je ».

7. Le premier quatrain adopte un ton noble. Il calque

le modèle oratoire grec et étale l’autorité d’Ulysse et

Jason. Le mouvement part d’une période élevée,

toute antique pour s’achever sur la chute du vers 4.

L’humaniste Du Bellay retrouve l’Ulysse de l’Odys-

sée (I, V) pleurant chez Calypso, sa nostalgie

d’Ithaque et de la cheminée qui fume de sa maison,

le pasteur des Bucoliques de Virgile, pour qui sa

cabane vaut un palais.

SynthèseJoachim du Bellay retrouve l’ampleur antique dans

l’évocation du périple d’Ulysse et de Jason mais elle

a pour finalité la valorisation de l’humble Anjou à tra-

vers leurs plaintes nostalgiques.

VOCABULAIRE

Le pronom démonstratif « cestuy-là », déjà rencontré

page 444 (L/ES/S) sous sa forme de proximité est ici

accompagné de « -là », forme de l’éloignement. Il

indique que le grand personnage antique Jason

constitue un exemple d’autorité.

S’ENTRAÎNER AU COMMENTAIRE

On attend que l’élève reprenne l’opposition entre le

monde de la puissance historique et de la gloire litté-

raire d’une ville et d’Ulysse et la simplicité de sa

demeure angevine. Il peut rédiger une partie sur l’une

ou sur l’autre en évoquant le retour du poète à la sim-

plicité, à une vie plus authentique et à des expé-

riences plus intimes, de la même façon qu’Ulysse a

voulu retrouver son île natale et sa famille.

VOCABULAIRE

« Vulgaire » vient du latin vulgaris de vulgus qui signi-

fie «la foule populaire». Il signifie ici : Qui ne s’élève,

ne se distingue par rien.

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

Les élèves pourront, s’ils le souhaitent, reprendre la

même structure que le texte du Bellay :

Relis les poètes de La Pléiade et abandonne …

On pourra inviter les élèves à varier les renvois à des

textes plus contemporains ou au contraire simple-

ment leur conseiller de relire les poètes de la Pléiade,

sans commentaire sur les textes plus contemporains.

On veillera à ce que les élèves mettent en avant

toutes les particularités d’écriture et de thèmes repé-

rés chez Ronsard et du Bellay. Cet exercice d’écriture

peut être une synthèse de l’étude des deux poètes.

Texte 3 – Joachim du Bellay, Les Regrets (1558)

p. 448 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier l’image de Rome donnée par Joachim du

Bellay.

– Voir comment à travers des références antiques il

parvient à une écriture personnelle et intime.

LECTURE ANALYTIQUE

La présence de Rome1. Quelques éléments évoquent la ville de Rome  :

« palais romains » (v. 10), « le marbre dur » (v. 11), « le

Tibre latin » (v.  12), « le mont Palatin » (v.  13), « air

marin » (v.  14). Ce sont des éléments caractéris-

tiques mais qui restent vagues. Ils sont associés à

des déterminants définis qui ont là le sens de leur

origine étymologique, ce qui les éloigne du poète. Ils

n’apparaissent que dans les tercets.

2. Rome est dévalorisée comme le thème mineur

d’une comparaison avec l’Anjou. Joachim du Bellay

donne de Rome une image froide et étrangère : « des

palais romains le front audacieux », la diérèse de

« audacieux » comme « palais » accentuent la gloire

romaine, presque fierté. Des sept collines de Rome,

il choisit le mont Palatin. Les images choisies sont

ordonnées pour ouvrir l’horizon : palais – marbre –

Tibre – Mont Palatin – air marin ». La fin de l’horizon

est marquée par une rime batelée qui ouvre la puis-

sance romaine à la Méditerranée.

La nostalgie du pays natal3. Dans les deux tercets, du Bellay compare Rome

et Anjou par l’anaphore d’une série de groupes

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

comme l’objet du pari. Les deux moments évoquent

aussi le début et la fin de la vie. Le moment privilégié

est ici le matin et l’éveil des sens.

Le ton de l’intimité4. Pierre de Ronsard tente de réveiller Marie, sa maî-

tresse : « levez-vous » (v. 1). La tendresse qui les unit

est sensible dans le prénom utilisé au début du

poème, l’expression « ma jeune paresseuse » où le

possessif montre l’attachement du poète et où

« jeune » corrige la critique de « paresseuse ». La

paresse est aussi présentée comme une attitude

naturelle, harmonie de la jeunesse et du sommeil  :

« Mais le dormir de l’Aube, aux filles gracieux »

(v. 11) : Ronsard applique les principes de la Pléiade

en transformant un verbe en substantif et en person-

nifiant l’aube.

5. Les impératifs marquent l’autorité de Ronsard sur

Marie sa maîtresse. Ils sont unis par une grande

familiarité  : « levez-vous » (v. 1), « allons voir » (v. 5),

interjections  : « Sus ! debout ! » (v.  5), anaphores  :

« jà » (v. 2 et 3), « hier au soir » / « harsoir » (v. 8/9) et

plus souplement « Et votre beau rosier » /  «Et vos

œillets mignons » (v. 6/7).

Un érotisme discret à l’antique6. Ronsard a gagné le pari et embrasse les yeux de

Marie mais le baiser (« que je les baise », v.  13)

confère un caractère érotique à la scène. Les « yeux

sillés » laissent croire que Ronsard n’attend pas le

consentement de Marie. « Votre beau tétin » confère

de la sensualité au dernier tercet qui se montre

impatiente (interjections : « Cà ! çà ! », v. 13 ; enjam-

bement qui met en valeur « Cent fois » au début du

dernier vers). Le verbe « apprendre » (v.  14) trans-

forme la scène en épisode d’une initiation à l’amour.

7. L’érotisme est atténué par l’usage du singulier  :

« votre beau tétin » (v. 13) et la présence très mesu-

rée du corps féminin : les yeux, un sein.

SynthèseDe façon originale, Pierre de Ronsard ne demande

rien à la femme aimée. Il chante ici un amour épa-

noui et partagé. La nature à laquelle appartiennent la

femme et le décor participe à l’effort de renouvelle-

ment de la langue et de recours à la mythologie

antique.

VOCABULAIRE

« Jà » est un terme populaire qui a pour origine l’ad-

verbe latin « jam » : maintenant, déjà. On le rencontre

en composition : « jamais, jadis » et « déjà », formé de

« dès » et « jà ».

S’ENTRAÎNER À LA DISSERTATION

On proposera aux élèves de récapituler les poèmes

qu’ils connaissent et qui expriment des sentiments

(par exemple « Il pleut dans mon cœur… »), l’émer-

Texte 4 – Pierre de Ronsard, Second livre des

Amours (1578)

p. 449 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Comment Pierre de Ronsard s’approprie-t-il le

thème de la beauté de la femme au réveil ?

– Voir comment le traitement participe au lyrisme

antique.

LECTURE ANALYTIQUE

Pierre de Ronsard a 31 ans quand il écrit des poèmes

pour Marie de Bourgueil, une jeune paysanne. Il

associe la fraîcheur de la jeune femme à la brièveté

de la vie, dans une réflexion d’esprit antique.

Le lyrisme antique : un sujet simple et familier1. Le cadre dans lequel Ronsard évoque Marie est

celui de la nature. Elle est présente par les deux

oiseaux : « la gaie alouette » et le rossignol. Ils sont

présents à travers leurs chants qui les personnifient :

« Jà la gaie alouette au ciel a fredonné, / Et jà le ros-

signol doucement jargonné, / Dessus l’épine assis,

sa complainte amoureuse. » (v. 2/4). Ils désignent la

fuite de la nuit (le rossignol dont le chant est noc-

turne) et le début de la journée. Mais on retrouve

surtout les Métamorphoses, VI, 421-674 d’Ovide et

Progné, transformée en rossignol. La nature se pré-

sente aussi à travers l’évocation du jardin. La rose et

l’œillet s’associent pour évoquer la déesse Vénus.

On se souvient que dans l’écume de la mer dont naît

Vénus pousse un buisson épineux qui, arrosé de

nectar, devient un rosier blanc. L’œillet, par son nom

même dianthus, « fleur de dieu » en grec, s’associe

au rosier.

2. Les caractérisations de la nature associent la

jeunesse et la beauté. « L’herbelette perleuse »

(sonorités inversées : l’herbe/perle) désigne l’herbe

couverte de la rosée du matin mais Ronsard a

choisi un diminutif dans l’esprit de la création de

mots nouveaux qui puissent enrichir le vocabulaire

français. L’adjectif « perleuse » est aussi une créa-

tion et renvoie aussi bien à la forme et à la couleur

des gouttes de rosée qu’à la jeune femme (retour

de la rime du vers 1 : « jeune paresseuse », « herbe-

lette perleuse », bijou que peut porter une jeune

femme). L’adjectif « mignon » comme l’adjectif

« beau » rendent le jardin charmant. Il l’est aussi par

les soins de Marie : les deux expressions « auxquels

vous avez donné » et « d’une main si soigneuse » en

témoignent. Le lien du rosier et de Marie s’affirme

avec le participe passé « couronnés » qui peut per-

sonnifier le rosier.

3. Les moments de la journée présentés sont le soir

(« Hier au soir », v. 8 ; « Harsoir », v. 9) et le matin sous

la forme d’un pari entre Ronsard et Marie : « Harsoir

en vous couchant vous jurâtes vos yeux / D’être plus

tôt que moi ce matin éveillée ». Le ton est familier

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Français 1re – Livre du professeur

de la rose. Le temps qui passe est associée à l’évo-

cation de la rose. Le but de la promenade est

exprimé au vers 4  : « a point perdu cette vêprée ».

L’allitération en [P] souligne la fragilité de la fleur et le

caractère inéluctable de la déchéance. La durée de

la dégradation de la rose est courte  : « du matin

jusques au soir ».

La vie et la fuite du temps4. Le rythme impair du vers 7 créé par « las » isolé,

l’impératif « voyez », plus statique que le « allons

voir » du vers 1, l’assonance en [A] : « las », « espace »,

« place », « las, las », marque de la brièveté, l’allitéra-

tion en [S]  : « dessus », « place », « ses », « laissé »,

marque de la chute vers la mort, la brièveté du verbe

« choir » comme sa sonorité sourde.

5. La nature est dénoncée comme cruelle. Le suffixe

en -âtre du mot « Marâtre » est dévalorisant. Le vers

qui le contient est situé au centre du poème. La rose

devient « la fleur ».

6. Ronsard rapproche le matin et le soir dans le rac-

courci du vers 12. Il se dégage une grande mélanco-

lie du vers dont les sonorités sont fades.

Un écho d’Horace : « Carpe diem »7. La demande prend la forme d’un raisonnement

logique qui se fonde sur l’assimilation de la femme

et de la rose. La conjonction de coordination « donc »

insiste en début de vers sur le lien de conséquence.

La comparaison est inversée : la femme est assimi-

lée à la fleur aux vers 14 et 15 : « fleuronne », « verte

nouveauté ».

8. L’insistance est visible dans la répétition de l’im-

pératif : « cueillez, cueillez » mais elle est aussi dans

l’atténuation du sort de la femme qui ne sera pas

celui de la rose ; le superlatif « en sa plus verte nou-

veauté » éloigne la mort de la femme. Le verbe

« cueillir » a pour objet la jeunesse.

9. Les trois derniers vers contiennent la leçon hora-

tienne. Le mot « vieillesse » est relié au mot « jeu-

nesse », le verbe « ternir » participe à l’atténuation

proposée. La leçon soutient une demande discrète.

Le vers d’Horace peut permettre aux élèves d’écrire

un développement sur la mise en œuvre qu’en fait

Ronsard.

SynthèsePierre de Ronsard utilise l’image flatteuse de la

beauté de la rose et de sa douce fragilité pour pro-

voquer une prise de conscience de la brièveté de la

vie et de ses bonheurs.

VOCABULAIRE

« Mignonne », féminin de « mignon » désigne ce qui

est gracieux et l’être aimé. Il pourrait avoir pour équi-

valent moderne  : « chérie ». L’origine étymologique

n’est pas assurée mais les langues germaniques

connaissent des mots voisins comme l’allemand

minne. Son sens a perdu en intensité.

veillement ressenti devant la femme (par exemple

les poèmes de la Pléiade qui évoquent l’aurore, les

comparaisons avec des fleurs, des perles… On

pourra s’interroger sur la sincérité ou l’aspect très

convenu des sentiments évoqués. Les élèves pour-

ront comparer les traditions, les caractéristiques de

mouvements qu’ils connaissent bien comme la

Pléiade et les Romantiques. Il faudra aborder ensuite

l’expression de la nature qui ne recourt pas à l’évo-

cation de la nature. Ce pourra être l’occasion de

comparer divers modes d’expression et de se

demander si ce n’est pas une question de thèmes

abordés. Par exemple, dans la poésie engagée, le

poète exprime souvent des sentiments  ; la nature

est peu présente.

Texte 5 – Pierre de Ronsard, Odes (1550-1552)

p. 450 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Voir comment Ronsard assimile la femme et la

rose à travers le thème de la promenade au jardin.

– S’interroger sur la demande amoureuse.

LECTURE ANALYTIQUE

Une scène lyrique1. Le poème se déroule dans un jardin, lieu associé

à l’amour, à la fois socialement dans la vie de cour et

le renouveau des jardins de la Renaissance – et

culturellement dans le motif de l’hortus deliciarum.

Ronsard ne décrit pas le jardin mais crée une atmos-

phère claire et vive  : les rimes féminines en « ose »

puis l’embrassement des rimes féminines en « ée »

par les masculines en « eil ». L’invitation à la prome-

nade au jardin du poème est une invitation à une

seconde promenade en soirée : la rose, caractérisée

par un déterminant défini, est connue depuis une

visite du matin (v. 2).

2. Le poème se construit autour de l’image de la

rose et de sa beauté. Le poème débute par une invi-

tation privée  : « Mignonne, allons voir si la rose ».

« Mignonne », terme affectueux, est suivi d’une vir-

gule qui le détache et en fait la dédicataire du poème.

Le jeu sur la sonorité [O] : [O] ouvert de « Mignonne »,

[O] fermé de « rose » entame l’assimilation de Cas-

sandre et de la rose. Inversement, la personnifica-

tion de la rose s’opère  : « la rose » est le sujet de

« avait déclose » (v. 2), les deux références à la robe

rouge et à la lumière du soleil montrent une beauté

éclatante. La comparaison du vers 6 rend l’assimila-

tion plus forte mais il y a là un hommage délicat : qui

est privilégiée ? La femme au teint de rose ou la rose

qui a le teint de Marie ?

3. Le groupe nominal « Sa robe de pourpre » est suivi

au vers 5 par « sa robe pourprée », déteinte de l’éclat

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

2. Le présent de l’indicatif a une valeur scientifique.

Les qualités de la pierre sont figées dans une vérité

intangible. Il s’agit de l’écriture poétique d’une fiche

technique.

3. Rémy Belleau s’adresse au coq comme le créa-

teur de la pierre. Il le valorise par une accumulation

d’attributs  qui constituent une gradation  : « pour-

prée, dorée, feux du Soleil ». Le coq qui chante le

matin devient le héraut du dieu Soleil et le compa-

gnon de la déesse de l’aube. Le coq est comparé à

Apollon  : la « crête pourprée » devient la chevelure

du dieu. Ils ont le même mouvement au matin : l’un

« se perche » et l’autre « plonge », c’est-à-dire sot de

l’eau.

Une poésie scientifique4. Rémy Belleau transforme une vulgaire concrétion

gastrique en une pierre précieuse. Il valorise le coq

par des attributs glorieux. Il se présente comme le

compilateur de traditions établies avant lui. On

notera la formule au vers 13  : « On dit plus » qui

montre une méthode ancienne où l’esprit critique

n’existe pas.

5. La pierre a des propriétés extraordinaires  : pro-

priétés intellectuelles (« esprit net », « grâce accorte/

De bien dire »), propriétés aphrodisiaques (opposi-

tions entre « froide glace », « fières rigueurs » et « en

réchauffant », « triomphant »), propriétés médicales

contre la soif. Elle peut donc à la fois chauffer et

rafraîchir.

6. Rémy Belleau se plaît à un traitement noble et

sérieux de son sujet. Il utilise le vers octosyllabe,

vers sérieux du XVIe siècle. Il mobilise la mythologie

ancienne et le vocabulaire militaire (deuxième

strophe).

SynthèseRémy Belleau parvient grâce à des références à l’an-

tique et un style élevé à exposer les qualités de la

pierre du coq.

VOCABULAIRE

Le coq a pour nom gallus en latin, tout comme les

Gaulois. Les deux noms sont rapprochés, d’autant

que la réputation de fierté des Gaulois facilite l’assi-

milation. Le nom coquus désigne en latin «le cuisi-

nier». Il donne normalement en français « queue »

que l’on retrouve dans le vocabulaire de la cuisine

(«maître-queue») et de la marine où le cuisinier est le

«coq».

S’ENTRAÎNER À L’ÉPREUVE ORALE

Cette question invite à reprendre tous les éléments

de rapprochement avec le soleil. On s’attardera sur

la faculté de chauffer « la froide glace » de l’âme de la

femme aimée.

S’ENTRAÎNER À L’ÉCRITURE D’INVENTION

La demande amoureuse de Ronsard est très dis-

crète. On attend que les élèves montrent l’hypocrisie

de son attitude sage de philosophe et de celle, habi-

lement rhétorique de poète. Pierre de Ronsard ne

pense qu’à séduire Cassandre.

PROLONGEMENTS

Il est possible de voir l’évolution de l’image de la rose.

Pierre de Ronsard l’a trouvée chez les Idylles du latin

Ausone : « L’espace d’un jour, voilà ce que vivent les

roses : la jeunesse pour elles touche à la vieillesse et

à la mort. Celle que l’astre du matin a vu naître, le soir,

à son tour, il la voit flétrie. […] Jeune fille, cueille les

roses pendant que leur fleur est fraîche et que fraîche

est ta jeunesse, et souviens-toi que tes années pas-

seront de même. » Elle existe aussi chez Ovide, dans

l’Art d’aimer, III, vers 89 sqq : « Dès à présent, songez

à la vieillesse qui viendra : ainsi vous ne laisserez pas-

ser aucun moment sans en profiter. Pendant que

vous le pouvez et que vous êtes au printemps de la

vie, amusez-vous […] Cueillez la fleur car, si elle n’est

pas cueillie, elle se fanera et tombera d’elle-même. »

Malherbe a repris l’image dans «Consolation à mon-

sieur du Périer» sur la mort de sa fille, Raymond Que-

neau dans L’instant fatal (chanson créée en 1948 par

Juliette Gréco) ou Mon amie la rose.

Texte 6 – Rémy Belleau, Les Amours et Nouveaux

Eschanges de pierres précieuses, vertus et

propriétés d’icelles (1576)

p. 451 (L/ES/S)

OBJECTIFS ET ENJEUX – Étudier une poésie didactique de la Pléiade.

– Voir comment Rémy Belleau décrit la nature.

LECTURE ANALYTIQUE

Une méthode antique  : la description de la pierre du coq1. Les caractéristiques de la pierre. C’est une pierre

très dure qui se forme dans l’estomac du coq. Elle

se présente comme une caractéristique du coq

comme son orgueil. La question relie les deux quali-

tés : « N’était-ce pas assez que … sans que … ? » La

gradation semble signifier que la qualité de la pierre

est supérieure à l’orgueil du coq. La fin du texte

indique sa couleur et sa taille. La modestie des deux

contraste avec les qualités que possède la pierre.

« Noirâtre, ou de couleur/De cristal » manque de pré-

cision, sa taille est celle d’une fève, base quotidienne

de la nourriture ordinaire.

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Français 1re – Livre du professeur

Perspective – Jacques Lacarrière, L’Été grec (1976)

p. 453 (L/ES/S)

LECTURE ANALYTIQUE

1. Jacques Lacarrière décrit une Grèce presque

morte (nombreuses négations ou termes privatifs) et

dangereuse. Il évoque son premier séjour à l’imparfait

de l’indicatif comme un souvenir figé dans le passé.

2. Les noms propres authentifient le texte et lui

confèrent un caractère historique. C’est aussi la

marque du plaisir de Jacques Lacarrière de retrou-

ver une époque de découverte.

3. Jacques Lacarrière distingue deux époques  : la

réalité du passé, le présent qui rend compte des illu-

sions et le plus-que-parfait pour les images nées

dans l’esprit d’un étudiant en langues anciennes.

4. La dernière phrase est caractérisée par son

rythme pair, l’allitération en [R]. Elle constitue un

grand hommage à la Grèce, aimée par l’auteur du

fait de sa culture antique et du fait de sa rencontre

avec la Grèce moderne.

PROLONGEMENTS

Contrairement à Du Bellay, Jacques Lacarrière aime

de la même manière la Grèce dans toute son his-

toire. Joachim du Bellay, après Les Antiquités de

Rome, a écrit Les Regrets, montrant combien la

Rome moderne l’avait déçu (Cf. p. 448 L/ES/S).

Lecture d’image – Façade du château d’Écouen, musée national de la Renaissance

p. 454 (L/ES/S)

LECTURE ANALYTIQUE

1. Le château a été pensé et conçu comme un châ-

teau d’un goût nouveau.

2. La façade a un rôle décoratif : le grand portique,

construit par Jean Bullant, l’un des grands archi-

tectes de l’époque, est un des premiers exemples

d’ordre colossal en France. Il a été voulu par le com-

manditaire, Anne de Montmorency, grand admira-

teur de l’Antiquité.

3. Les éléments antiques sont  : les colonnes can-

nelées et l’ordre corinthien, le portique. Les deux

statues sont aujourd’hui des reproductions des sta-

tues originales, L’Esclave rebelle et L’Esclave mou-

rant (1513-1515) de Michel-Ange, statue en marbre

données à Anne de Montmorency par le roi Henri II.

4. Anne de Montmorency suit le goût du roi qu’il

sert, affirme sa modernité et se montre humaniste.

PROLONGEMENTS

On peut réfléchir à la protection des baleines et autres mammifères marins par Jules Michelet dans La Mer (1861) et Alexandre Dumas, Les Drames de la mer (1852) et voir comment les écrivains peuvent entrer dans un discours sur la nature.

Perspective – Jorge Luis Borges, L’Aleph (1949) p. 452 (L/ES/S)

LECTURE ANALYTIQUE

1. Borges s’inspire d’une légende très connue et très appréciée de la Renaissance. Minos, roi de Crête, avait refusé de sacrifier un taureau blanc à Poséi-don. Pour se venger, il rendit la femme de Minos, Pasiphaé, amoureuse d’un taureau. Pasiphaé donna naissance à un monstre, homme et taureau, le Mino-taure, qui se nourrit de chair humaine. Minos, épou-vanté, demande à l’architecte Dédale de construire un bâtiment où le cacher. Le manuel propose aux pages 128, 190 et 584 (manuel L/ES/S), des extraits de Phèdre de Jean Racine qui mettent en scène une fille de Pasiphaé, poursuivie par Vénus. La légende est toujours vue du côté de celui qui va tuer le Mino-taure, Thésée, et libérer la Crête et Athènes qui devait fournir des jeunes gens pour nourrir le Mino-taure.2. Le Minotaure n’est pas nommé. Le narrateur apparaît malheureux et innocent, au sens étymolo-gique (ce qui est son cas  : son sort a précédé sa naissance). Les indices sont la découverte progres-sive du lieu labyrinthique, du tribut de jeunes gens.3. La poésie vient d’un lieu mystérieux, ce que les chiffres renforcent.4. Il faut donc relire le texte et comprendre que le narrateur est enfermé dans le labyrinthe, qu’il n’a pas tué les jeunes gens et que Borges suggère que le Minotaure est la victime de la malédiction de Poséidon autant qu’il en est l’instrument. Il est aussi comparé à un homme, qui suit le labyrinthe de sa VIe (Cf. le titre des Mémoires de Marguerite Yourcenar, Le Labyrinthe du monde, commencé en 1974) et qui a besoin d’un rédempteur, marqué par le péché de ses premiers parents, Adam et Eve (pour le mino-taure, Minos et Pasiphaé).

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33

5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

b. La règle de l’accord du participe passé avec avoir

a été énoncée par Clément Marot, au XVIe siècle,

puis fixée par Descartes, Vaugelas et Voiture au XVIIe

siècle.

4. FIGURES DE STYLE

Le poète joue sur la répétition des verbes «chanter»

et «pleurer» en les conjuguant au présent de l’indica-

tif, au gérondif et au participe présent. Il reprend

aussi le verbe «chanter» en y adjoignant un préfixe

«en».

EXPRESSION ÉCRITE

Sujet 1On invitera les élèves à imaginer de nouveaux mots

composés.

Sujet 2Les élèves pourront aisément s’appuyer sur les

nombreux progrès technologiques pour justifier de

nouveaux objets et de nouvelles pratiques. Ils pour-

ront aussi, s’ils manquent d’inspiration, reprendre

des mots composés déjà existants et modifier l’un

des composants. Leur proposer quelques images

surréalistes facilitera des propositions fantaisistes.

Pistes de lecture

p. 457 (L/ES/S)

LECTURES CROISÉES

Thomas More, L’Utopie (1516) ; Pierre de Ronsard,

Les Amours (1552)  ; Michel de Montaigne, « Des

Cannibales », Essais (1580-1595)

Axe d’étude 1Les trois œuvres sont significatives de l’efferves-

cence intellectuelle du XVIe siècle. Montaigne,

comme Thomas More, sont des humanistes qui

réfléchissent sur des textes antiques aux progrès de

l’homme. Avec Ronsard, c’est la poésie qui se

déploie, s’éloigne de la musique et doit trouver en

elle-même ses ressources musicales, qui déve-

loppent la poésie lyrique comme une inspiration et

un art adaptables à chaque époque.

Axe d’étude 2La première couverture montre l’île et la ville créées

par Thomas More, la seconde suggère un sujet sou-

vent amoureux mais toujours soumis à l’inspiration

antique, la troisième laisse penser à une réflexion qui

joue, se multiplie. On partira de ces indices pour les

confronter d’abord aux titres, et on développera une

description de ces univers nouveaux en reprenant

Vocabulaire – Découvrir la langue de la Renaissance

p. 455 (L/ES/S)

1. ÉTYMOLOGIE

a. humanités  : du latin  humanitas, XIIe siècle,

ensemble des qualités humaines – sens savant plus

tardif ; renaissance : renaître, du latin renasceri pour

renasci, XIIe siècle ; académie : école philosophique

fondée à Athènes par Platon, au IVe avant J.-C.. Le

mot entre en français au XVIe siècle avec le sens de :

société savante, école supérieure, école d’équita-

tion ; discipline  : du latin  discere, apprendre

d’où  discipulus, disciple,  disciplina, discipline au

sens d’enseignement ou de règle de vie ; docte  : racine latine,  docere, enseigner ; librairie  : dérivé  librarius, copiste du mot latin  liber , pellicule

entre le bois et l’écorce sur laquelle on écrivait ; uto-pie : Thomas More a mis en œuvre le grec topos ,

lieu et « ou » négatif pour signifier une organisation

sociale chimérique ; imprimerie : du latin premere,

pressus, exercer une pression sur. Le sens tech-

nique apparaît au XVIe siècle ; précepteur  : du

latin  praeceptor, fin du XVe siècle ; dialecte  : du

grec dialektos, manière de parler, par le latin, manière

de parler. Terme trouvé par Ronsard.

b. Des milliers de mots sont empruntés à l’italien :

architecture : coupole, balcon, corridor, baldaquin ;

spectacle  : mascarade, burlesque, opéra, ara-

besque, polichinelle ; musique : mandoline, violon-

celle ; marine : caravelle, frégate, gondole, corsaire ;

vie de cour : perle, ombrelle, courtisan ; fleur, tour-

nesol.

2. JEUX VERBAUX

Pierre Ronsard écrit son épitaphe et utilise différents

procédés : diminutifs, alternance mots brefs et mots

longs, mot composé.

3. ORTHOGRAPHE

a. Trop heureux de l’origine latine de nombreux mots

français, les imprimeurs introduisirent des consonnes

étymologiques absentes dans la graphie française

et qui n’étaient pas prononcées. fenêtre du latin

fenestra (l’accent circonflexe est la trace du «s» ) ;

sceau : du latin sitellus  qui donne « seel » et « seau » :

on introduit au XVIe siècle un «c» pour différencier

« seau » et « sceau » ; doigt : ajout de «g» et «t» pour

le latin digitum  ; compter : ajout de «p» pour com-

putare  ; conter : du latin contare, le verbe ne se dif-

férenciait pas avant la Renaissance de « compter » ;

homme  : ajout du «h» pour homo  (qui a donné le

pronom « on » ) ; corps : ajout du «p» pour corpus  ;

Paix : ajout du «x» pour pax  ; Temps : ajout du «p»

pour  tempus  ; poids  : ajout du «d» pour  pondus 

(c’était une erreur : « poids » vient de pensum).

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34

Français 1re – Livre du professeur

d’humanité. Même le laissez-passer (car on n’entre

pas librement dans ce pays est un « mot d’ordre ».

En Utopie, on travaille le strict nécessaire pour lais-

ser place à l’épanouissement personnel : « laisser à

chacun le plus de temps possible […] le vrai bon-

heur. » Dans le conte de Voltaire, les citoyens sont

égaux. Ils ne sont pas tributaires de contingences

matérielles, mais vivent dans l’opulence.

2. Quelles leçons se dégagent des mondes décrits ?Dans le texte de Voltaire comme dans celui de More,

l’épanouissement de l’individu et la jouissance de sa

liberté passent par l’étude (« cultiver librement son

esprit, développer ses facultés intellectuelles par

l’étude des sciences et des lettres » / « une galerie de

deux mille pas, toute pleine d’instruments de mathé-

matique et de physique »). En ce sens, on peut parler

d’une vision « humaniste » de la société dans les

extraits A et B, au contraire du texte C.

COMMENTAIRE

Vous ferez le commentaire du texte de Voltaire (Texte B).On attendra des élèves qu’en introduction ils situent

l’extrait et exploitent l’adjectif « fabuleux » employé

dans le paratexte pour qualifier ce pays.

On pourra, par exemple, proposer les axes de lec-

ture suivants :

I. Un pays merveilleux– la démesure (Cf.  entre autres les expressions

hyperboliques) ;

– l’abondance de tout ce qui est précieux (Cf. par

exemple les descriptions de matériaux inconnus,

supérieurs à l’or) ;

– les êtres extraordinaires (moutons volants).

II. Une représentation en négatif de la société de Voltaire– pas de justice, pas de prisons ;

– pas de parlement ;

– tous les citoyens sont égaux (on ne se prosterne

pas devant le roi, mais on l’embrasse ! Celui-ci se

comporte d’ailleurs en bon bourgeois « les pria à

souper ») ;

– égalité des sexes dans les fonctions (« officiers et

officières »).

III. Une présence discrète du narrateurDans ce récit à la troisième personne, mené par un

narrateur extradiégétique, on retrouve une présence

discrète :

– quelques interventions pour ménager une certaine

connivence avec le lecteur : « sur ces cailloux et sur

ce sable que nous nommons or et pierreries », qui

invite à la réfléchir sur la relativité de la notion de

préciosité ;

– des détails ridicules pour faire sourire le lecteur et

marquer le genre du conte : tissu de duvet de colibri » ;

des éléments de la séquence 1 du chapitre 4 pour

Montaigne, des séquences 3 du chapitre 5 et 3 du

chapitre 3 pour Ronsard, des séquences 1 et 2 du

chapitre 5 pour Thomas More.

Axe d’étude 3L’élève trouvera toutes les informations dans le

manuel, au chapitre 5, à compléter avec la lecture

de la séquence 1 du chapitre 4 (Cf.  la synthèse

p.  330 du manuel L/ES/S, «Montaigne : une vision

humaniste du monde»). C’est un bilan de lecture et

une mise en œuvre des acquis qui peuvent lui être

proposés, avec ou sans l’aide du professeur, en fin

de séquence.

Corpus BAC

p. 458 (L/ES/S)

Thomas More, L’Utopie (1516) ; Voltaire, Candide

(1759) ; Jules Verne, Les Cinq cents millions de la

Bégum (1879)

LES QUESTIONS SUR LE CORPUS

1. Quels indices permettent de classer ces textes dans la description de mondes imaginaires ? Lequel de ces mondes pourrait constituer un contre-modèle ou une contre-utopie ?

Texte 1 – Les mots fantaisistes pour nommer des fonctions

(barzame, adème).

– La durée de vie du vêtement : 7 ans !, le renouvel-

lement des vêtements.

– Rationnalisé. Le travail de courte durée qui fournit

l’abondance.

Bref, une conduite extraordinairement raisonnable.

Texte 2 Éléments merveilleux (moutons volants), démesure

(architecture colossale), abondance extraordinaire

dans tous les domaines (pierreries, or partout, fon-

taine d’où coulent des nectars, des parfums, etc.),

coutume pour saluer le roi très différente de celle de

la cour à l’époque de Voltaire, absence de prisons,

etc. On est dans un monde parfait, où tout est

démesuré, disponible en abondance. On rappro-

chera cette description merveilleuse du genre du

texte : un conte.

Texte 3 Une cité isolée, à l’abri du monde. Beaucoup de

démesure (on relève aussi de nombreuses formula-

tions hyperboliques et l’emploi de nombreux super-

latifs). Dans les textes de T. More et de Verne, cha-

cun est sa place, mais si dans le texte de Verne

seule la rentabilité compte et si aucune liberté n’est

accordée aux hommes, qui ne sont que des

machines. Tout est ordonné, symétrique  ; « 30 000

travailleurs » sont là pour produire. Pas de liberté, ni

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5 – Vers un espace culturel européen : Renaissance et Humanisme – Séquence 3

ÉCRITURE D’INVENTION

Dans le Texte C, vous avez lu la description de la cité de l’acier construite par Herr Schultze. Or il n’est pas le seul héritier de la Bégum. Une autre ville a été construite aux Etats-Unis grâce aux cinq cents millions mais elle lui est en tout oppo-sée.Vous décrirez la cité idéale et vous lui donnerez un nom. Il faudra qu’elle corresponde aux inten-tions de son constructeur dont vous inventerez le caractère.

On pourra reprendre le plan du texte initial. La des-cription de la cité sera donc opposée à celle du roman de Jules Verne. On admettra donc la reprise d’antonymes. La ville devant correspondre au carac-tère de son fondateur, il faudra que celui-ci soit paci-fiste, altruiste, soucieux de l’épanouissement des habitants. On insistera particulièrement sur l’aspect intellectuel et culturel puisque ce sont des préoccupations absentes du premier récit. Les précisions de cou-leurs seront importantes également.Le récit devra pouvoir s’intégrer au roman de Jules Verne, c’est-à-dire qu’il faudra respecter les carac-téristiques énonciatives  : récit à la troisième per-sonne, narrateur omniscient.

– un emploi antonymique de l’expression « toute la grâce imaginable » ;– le plaisir de Candide dans le palais des sciences qui, devine-t-on, n’est pas éloigné de celui de son auteur à l’idée d’un fabuleux lieu de culture (rappro-chement possible avec l’Encyclopédie).On peut aussi reprendre certains des éléments ci-dessus dans une partie qui traiterait d’« une utopie des Lumières ». Ce peut être également l’objet de la conclusion.

DISSERTATION

Selon vous, quelles sont les fonctions et les limites de l’utopie ?Vous vous appuierez sur les textes présentés dans le corpus et sur vos lectures personnelles.

On attendra dans l’introduction quelques réflexions sur l’utopie : définition rapide, citation de quelques textes, éventuellement d’un mouvement ou d’une époque qui voit fleurir ce genre de récit, pour propo-ser un questionnement sur les fonctions et l’effica-cité. • Dans une première partie, on pourra évoquer les fonctions :– descriptive ;– critique ;– symbolique.On appréciera des élargissements aux autres arts (peinture, architecture).• Dans la seconde partie, après avoir montré que la plupart des utopies littéraires n’ont pas pour fonc-tion d’imposer des modèles, on s’interrogera de façon plus approfondie sur ce que ces utopies peuvent soumettre à la réflexion des lecteurs. Par exemple, dans Gargantua, au-delà de la fiction litté-raire des géants et de l’utopie, c’est une invitation à trouver une sagesse à la mesure de l’homme.En conclusion, on se demandera si l’utopie permet de proposer un modèle ou si elle n’invite pas plutôt à réfléchir à un ou des aspects d’une société.

LISTE DES RESSOURCES NUMÉRIQUES

p. 410 (L/ES/S) ➨ Étude d’œuvre ➨ Raphaël, L’École d’Athènesp. 416 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontairep. 440 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Vocabulaire « Comprendre et manipuler le vocabulaire

Rabelaisien »p. 448 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Joachim Du Bellay, Les Regretsp. 450 (L/ES/S) ➨ Lecture de texte ➨ Pierre de Ronsard, Odesp. 455 (L/ES/S) ➨ Exercices à copier-coller ➨ Vocabulaire « Découvrir et utiliser la langue de la

Renaissance »

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