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Les critères environnementaux dans les marchés publics Mémoire réalisé sous la direction du Professeur MARCOU Raphaële CHARLIER Master II Recherche Droit Public Economique dirigé par le Professeur MARCOU Année Universitaire 2006-2007

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Les critères environnementaux

dans les marchés publics

Mémoire réalisé sous la direction du Professeur MARCOU

Raphaële CHARLIER

Master II Recherche Droit Public Economique dirigé par le Professeur MARCOU

Année Universitaire 2006-2007

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REMERCIEMENTS

La réalisation de cette étude n’aurait pas été possible sans la participation de nombreuses

personnes que je souhaite remercier.

Je tiens à remercier, en premier lieu, le Professeur Marcou pour sa disponibilité et le suivi

qu’il m’a accordé tout au long de l’année.

Je tiens également à remercier sincèrement Monsieur Guillaume Cantillon, chef de

mission à la mairie de Paris, Madame Aude Pohardy, attachée principale à la direction des

affaires juridiques du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, Monsieur Jean-

Paul Ventère, de la délégation du développement durable au Ministère du l’Écologie, du

Développement et de l’Aménagement et Monsieur Jean-Philippe Jeanneau-Reminiac, de la

direction des achats, de la logistique, des implantations administratives et des transports à la

Mairie de Paris qui m’ont accordé de leur temps afin de répondre à mes nombreuses

interrogations.

Cette étude fut riche d’enseignements et m’a permis d’appréhender au plus juste

l’intégration du « mieux-disant » environnemental dans les marchés publics.

Raphaële Charlier

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SOMMAIRE

Introduction

TITRE I : LES OPPORTUNITES DE L’INTEGRATION DES CRI TERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LES MARCHÉS PUBLICS

SECTION I : L’OBJECTIF DE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA PHASE DE REDACTION DU MARCHE I – La détermination de l’objet du marché II – La définition du contenu du marché SECTION II : L’INTEGRATION DES CRITERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LA PHASE DE PASSATION DU MARCHE I – Les critères de sélection des candidatures II – Les critères de choix des offres

TITRE II : LES LIMITES A L’INTEGRATION DES CRITERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LES MARCHES PUBLICS

SECTION I : LE RESPECT DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMANDE PUBLIQUE I – La mise en œuvre effective de la concurrence II – Le rejet d’un protectionnisme « vert » SECTION II : LES FREINS A UNE INSTRUMENTALISATION DE LA COMMANDE PUBLIQUE I – L’importance de l’objet du marché II – La subordination au principe de neutralité de la commande publique

Conclusion

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INTRODUCTION

Lors du sommet d’Heilgendamm en Allemagne, qui réunissait, en juin dernier, les

représentants nationaux des pays du G81, une déclaration sur la lutte contre le changement

climatique a été adoptée. Cependant, selon Jörg Feddern, expert de l’association Greenpeace

sur les questions climatiques, « c’est absolument trop peu. Ce dont nous avons besoin, c’est

d’objectifs contraignants. Toute autre chose (…) revient à repousser les problèmes à

demain »2.

En effet, le respect de l’environnement s’impose comme un choix de société. La prise de

conscience des acteurs politiques, économiques et de la société en général de l’impact des

activités économiques sur l’environnement a notamment été initiée dans les années soixante-

dix, par la publication du rapport du Club de Rome, intitulé « The Limits to Growth »3. La

Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des

Nations a donné, en 1987, sa définition de la notion de développement durable, devenue

aujourd’hui classique. Il s’agit d’un développement « qui répond aux besoins du présent sans

compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »4. Pour répondre à

cet objectif, le développement durable comporte trois piliers qu’il convient, si possible, de

combiner : l’efficacité économique, l’équité sociale et le développement écologiquement

soutenable.

Le contexte économique et politique mondial a ainsi évolué avec l’émergence du concept de

développement durable et sa prise en compte au fur et à mesure.

En France, les pouvoirs publics sont des consommateurs importants, puisqu’ils dépensent

quelques 120 milliards d’euros par an, soit environ 10% du produit intérieur brut de la 1 Raccourci consacré pour qualifié le « Groupe des huit », élite économique mondiale dont font partis le Canada, les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Italie, le Japon, l’Allemagne et la Russie. 2 Le monde, 7 juin 2006, Les pays du G8 d’accord pour envisager un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. 3« Les limites à la croissance », publié en 1972. 4 « Our Common Future » (notre avenir à tous) ou Rapport Brundtland du nom de la présidente de la Commission, le Premier Ministre norvégien Mme Gro Harlem Bruntdland.

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France5. En utilisant leur pouvoir d’achat pour acquérir des biens et des services qui

respectent également l’environnement, ils peuvent contribuer de manière significative au

développement durable. La commande publique peut ainsi être un levier pour encourager

l’activité économique à mieux prendre en compte l’environnement. C’est pourquoi les

autorités publiques se sont lancées sur la voie de l’intégration de l’environnement dans leurs

décisions d’achats.

Une première impulsion est venue du sommet de la Terre de Rio en 1992, avec

l’établissement d’une Stratégie Nationale de Développement Durable, visant l’intégration à la

fois des aspects d’efficacité économique, de prise en compte de l’équité sociale et de

préservation et de promotion de l’environnement.

Cependant, il a fallu attendre le sommet mondial pour le développement durable qui s’est tenu

à Johannesburg en 2002 pour que s’opère un début de prise de conscience internationale sur

les dangers que représente l’activité économique. Celle-ci est certes un facteur de

développement, mais elle représente également un risque pour l’environnement, et, partant,

un risque pour l’avenir de l’humanité. Le « plan de mis en œuvre » pris à l’issu du Sommet

mentionne spécifiquement les « marchés publics écologiques », préconisant d’« encourager

les autorités compétentes à tous les niveaux à prendre le développement durable en

considération dans leur processus de décision et de promouvoir des politiques de passation

des marchés publics qui encouragent le développement et la diffusion de biens et de services

respectueux de l’environnement ». La recommandation de l’Organisation de Coopération et

de Développement Economique (OCDE) du 23 janvier 2002 énonce, par ailleurs, des mesures

concrètes que doivent prendre les gouvernements pour « améliorer les performances

environnementales des marchés publics » afin de mener une « politique d’écologisation des

marchés publics »6.

Pour autant, la construction communautaire ne s’est véritablement intéressée à la question

écologique qu’à partir de l’Acte unique européen signé en 1986. Il faut attendre le Traité de

Maastricht, signé en 1992, pour que la protection de l’environnement devienne un objectif de

5 Site du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, http://www.minefi.gouv.fr 6 La convention de Paris du 14/12/1960 vint procéder à la mutation de l’OECE (Organisation Européenne de Coopération Economique) instituée en 1948 en OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), dont sont membres aujourd’hui les plus importants pays à économie de marché. Son objectif est l’expansion économique de ses membres, la croissance et le développement du commerce mondial, sur la base de la non-discrimination.

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l’Union. Depuis son inclusion dans le Traité en 1997, le développement durable est considéré

comme une clé de voûte de l’Union européenne. En vertu de l’article 6 du Traité, les

exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la

mise en œuvre des politiques et actions de la communauté. L’adoption de la stratégie de

développement durable de l’Union européenne (par le Conseil européen de Göteberg) en

2001, ainsi que celle du sixième programme d’action pour l’environnement, en 2002 (par le

Conseil et le Parlement), démontre la volonté politique de l’Union européenne de mettre en

œuvre le développement durable.

Dans ce contexte, les autorités communautaires ont décidé de tirer parti de la réglementation

des marchés publics pour promouvoir une politique environnementale.

Ainsi, dans sa communication interprétative du 4 juillet 20017, la Commission européenne a

présenté les possibilités qu’offre la législation communautaire d’intégrer des considérations

environnementales dans les procédures de passation des marchés publics.

Les directives 2004/17 et 2004/18 sur les marchés publics8, adoptées le 31 mars 2004,

renforcent et complètent le cadre juridique existant. Ces directives ont été élaborées selon la

procédure de co-décision, en association avec le Parlement européen, qui a fortement appuyé

l’intégration des critères environnementaux dans les marchés publics. En effet, la directive

2004/18 dispose dans son préambule que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer à la

protection de l’environnement et à la promotion du développement durable tout en leur

garantissant la possibilité d’obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix »9.

Dans leur contenu, il est spécifiquement fait référence aux possibilités d’intégrer des

considérations environnementales dans les critères de sélection et d’attribution liés aux

spécifications techniques, ainsi que dans les conditions d’exécution du marché.

7 Communication interprétative de la Commission du 4 juillet 2001 sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés, COM (2002) 274 final. 8 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (ci-après dénommée la « directive 2004/18/CE ») et directive 204/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation de marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (ci-après dénommée la « directive 2004/17/CE »). 9 Considérant 5 directive 2004/18/CE.

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Au niveau interne l’origine de la politique française d’achats publics durables qui découle du

programme « Action 21 » adopté par les Nations Unies à l’occasion de la conférence sur

l’environnement et le développement tenu à Rio en 1992. Les marchés publics sont

mentionnés comme un des moyens d’orienter la consommation. Le même programme insiste

sur la responsabilité directe des pouvoirs publics. Dans cette lignée, certaines collectivités

françaises ont commencé à mettre en place des démarches d’achats publics écologiques, en

s’engageant, notamment, en 1994, dans le processus d’Agenda 21 Local10. qui vise à mettre

en œuvre des programmes de développement durable établis sur la base d’une concertation

entre les acteurs locaux. En 1996, le gouvernement a défini une politique dite de

« verdissement » de l’administration en intégrant un volet sur les achats publics, dont les

effets ont été très limités.

Eu égard à la difficulté de mettre en oeuvre une politique d’achats publics favorable à

l’environnement sans réglementation adaptée, la Stratégie nationale de développement

durable adoptée le 3 juin 2003 par le gouvernement, redéfinit la politique de « verdissement »

de l’administration en politique d’éco-responsabilité au sein du programme d’actions « Vers

un Etat exemplaire », en intégrant l’environnement dans les achats publics. Désormais,

l’achat public durable doit comprendre, à un titre ou à un autre, des exigences, spécifications

et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès

social et favorisant le développement économique, notamment par la recherche de l’efficacité,

de l’amélioration de la qualité des prestations et de l’optimisation complète des coûts. Il doit

prendre en compte des exigences environnementales dans la procédure de passation du

marché. Le Plan national d’action pour des achats publics durables en cours de validation a

pour objectif de mettre en œuvre le développement durable au sein de la commande publique.

La réglementation des achats publics a donc été adaptée ces six dernières années afin de

permettre la mise en œuvre d’une véritable politique d’achat public durable. Il convient alors

de se pencher sur l’objet de cette réglementation : les marchés publics.

Dès 2001, le Code des marchés publics autorise la fixation d’objectifs d’intérêt général dans

les conditions d’exécution du marché. Mais, il faut attendre le Code de 2004, pour que

l’environnement devienne un élément à intégrer par les acheteurs publics à tous les stades clés

10 Adoption le 27 mai 1994 de la Charte des villes européennes pour la durabilité (Charte d’Aalborg).

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de la passation d’un marché. Cette réforme a permis le développement d’un nombre

considérable d’outils favorisant la mise en oeuvre, à tous les niveaux de l’administration

publique, de politiques d’achats publiques favorables à l’environnement.

En effet, le 1er mars 2005, la Charte de l’environnement a été intégrée au bloc

constitutionnel11, et s’impose désormais à toutes les juridictions, y compris au Conseil

constitutionnel. Elle consacre, dans son article 1er, un véritable droit à l’environnement.

L’article 6 quant à lui, constitutionnalise le principe d’intégration de la dimension

environnementale dans toutes les politiques. Il pose expressément le recours à la

« conciliation » des intérêts environnementaux et économiques.

Aujourd’hui, les marchés publics sont définis à l’article 1er du Code des marchés comme des

« contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des

opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de

travaux, de fournitures ou de services ».

Selon la loi MURCEF du 11 décembre 2001, tout marché public passé en vertu du Code des

marchés publics est un contrat administratif, soumis à des règles spécifiques, relevant du droit

administratif quant à sa passation, son exécution et relevant du juge administratif quant à son

contentieux. Par exception, certains marchés publics ont le caractère de contrats de droit privé

lorsqu’ils relèvent de l’ordonnance du 6 juin 2005, passés par des pouvoirs adjudicateurs ou

des entités adjudicatrices privés. Ainsi, les marchés sont définis comme des contrats conclus à

titre onéreux passés par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices avec des

opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de

travaux, de fournitures ou de services. Cette définition large vise les marchés publics au sens

communautaire qui ne comprend pas les seuls marchés publics soumis au Code français.

Parallèlement à l’Etat et aux collectivités territoriales dont les marchés sont réglementés par le

Code des marchés publics, d’autres catégories de personnes publiques ou privées sont

également soumises au droit de la commande publique, et ce, dans le cadre de dispositions

législatives. Ainsi, perdure une « double notion » de marché public : la notion communautaire

qui est plus étendue et qui englobe la notion française de marchés publics.

11 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JORF du 2 mars 2005.

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En effet, le droit français des marchés publics est aujourd’hui clairement organisé autour de

deux textes fondamentaux : le Code des marchés publics et l’ordonnance du 6 juin 2005. La

ligne frontière entre ces deux textes est de nature exclusivement organique.

Néanmoins, les marchés publics peuvent également relever d’autres textes. Ainsi, selon

l’ordonnance du 17 juin 2004, les contrats de partenariat sont des contrats administratifs. Le

Conseil d’État dans un arrêt du 29 octobre 200412, Sueur, se réfère à la directive 2004/18 et

qualifie les contrats de partenariat de marchés au sens du droit communautaire. Par ailleurs,

en 2004, la Commission européenne dans un livre vert relatif au partenariat public-privé13

qualifie les contrats de partenariat de marchés publics ou de concessions de service public au

sens du droit communautaire.

De son côté, l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat

définit ceux-ci comme des contrats administratifs par lequel « l'Etat ou un établissement

public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée

d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission

globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements

nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou

équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et,

le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne

publique, de la mission de service public dont elle est chargée ». Selon Maître Laurent

Richer, « cette définition multicritères est complexe ; elle vise à distinguer le contrat de

partenariat du marché au sens du Code des marchés publics, mais il n'en demeure pas moins

que ce contrat demeure un marché public au sens du droit communautaire. De manière

regrettable, elle introduit donc un décalage entre le droit national et le droit

communautaire »14. Dans le cadre de ce mémoire, je m’attacherai à traiter des marchés

publics à objet limité et non globaux, relevant directement du Code des marchés publics. Les

contrats de partenariat en seront donc exclus.

12 Conseil d’Etat, 29 octobre 2004, Sueur et autres. 13 Commission européenne, 30 avril 2004, Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions, COM (2004) 327 final. 14 L. Richer, Droit des contrats administratifs, 5é éd. JGDJ, sept 2006, p. 652.

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Par ailleurs, l’accord-cadre est un nouvel outil de la commande public soumis à la

réglementation du Code des marchés publics, mais il n’est pas en tant que tel un marché

public. Il résulte de la lecture de l’article 76 du Code des marchés et de la circulaire du 3 août

2006 portant manuel d’application du Code que les accords-cadres ne sont pas des marchés

publics même s’ils sont régis par les dispositions du Code : il s’agit d’un contrat qui permet

de sélectionner un ou plusieurs prestataires avec lequel ou lesquels vont être passés des

marchés subséquents. L’étude des accords-cadres sera donc exclue de mon mémoire.

Enfin, afin de me concentrer sur le rôle des administrations tant centrales que décentralisées

dans la protection de l’environnement, je me concentrerai sur les marchés publics passés les

personnes morales de droit public relevant du Code des marchés publics. En effet,

l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 200515 n’intègre pas la notion de « développement

durable », contrairement au Code des marchés 2006. L’article 5 dispose, en effet, que « la

nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à

la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en

compte des objectifs de développement durable ». Cette intégration propre au Code des

marchés publics, fait du développement durable le fondement conceptuel de la prise en

compte des considérations environnementales dans les marchés publics.

La considération environnementale est désormais formalisée dans le droit des marchés

publics, tant au plan communautaire que national, faisant ainsi de l’environnement un aspect à

part entière dans le processus de la commande publique. Cela se traduit à plusieurs niveaux :

au moment de préparation des marchés, de leur passation et de leur exécution. Le Code des

marchés publics constitue aujourd’hui une véritable « boîte à outils » de l’achat public

écologique, au travers de l’utilisation de critères environnementaux intégrant des

préoccupations environnementales aux différente étapes de la procédure de passation d’un

marché. On peut aujourd’hui parler, d’une façon générale, de la recherche du « mieux disant

environnemental ».

« Les marchés publics au secours de l’environnement »16 : l’idée a séduit et continue de

séduire les collectivités publiques et les responsables politiques. Cependant, si l’utilisation de

15 Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, JORF du 7 juin 2005. 16 F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Les marchés publics au secours de l’environnement, Contrats et marchés publics, 2001, p. 3.

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critères environnementaux apparaît légitime et attrayante en terme politique, elle se heurte à

un certain nombre de difficultés juridiques. Il est nécessaire de s’interroger sur la mesure dans

laquelle une telle intégration est possible d’un point de vue juridique. En effet, la question de

la compatibilité des finalités économiques de la commande publique avec la poursuite de fins

d’intérêt général se pose ; de même que la question de l’intégration dans une procédure de

marché public d’une notion étrangère aux fins de la commande publique et aux besoins de la

collectivité publique. Peut-on utiliser la commande publique pour prendre en compte la

politique environnementale ?

Le présent mémoire aura pour objectif de montrer que le Code des marchés publics 2006

offre des opportunités pour introduire les critères environnementaux dans les marchés publics

au niveau de la rédaction du marché et de l’examen des offres (Titre I). Néanmoins, au regard

de l’étude menée, il apparaît que cette intégration reste très limitée, notamment, eu égard à

l’obligation de respecter les principes fondamentaux de la commande publique (Titre II).

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TITRE I : LES OPPORTUNITES DE L’INTEGRATION DES CRI TERES

ENVIRONNEMENTAUX DANS LES MARCHES PUBLICS

Dans le cadre d’une démarche de progrès, les acheteurs publics se doivent de tenir compte des

objectifs de développement durable lors de la passation de leurs commandes. Lors de la mise

au point du projet de marché, l’acheteur doit exprimer de manière claire et accessible ses

exigences et les indicateurs d’évaluation et de sélection de l’offre. Le Code des marchés

publics permet d’intégrer le développement durable à deux stades : lors de la définition de

l’objet du marché et de ses conditions d’exécution (I), ainsi que lors de la passation complète

du marché (section 2).

SECTION I : L’OBJECTIF DE DEVELOPPEMENTDURABLE DANS LA PHASE DE

RÉDACTION DU MARCHE

En amont de la procédure, l’acheteur public doit prendre en compte des « objectifs de

développement durable » dans la détermination de la nature et de l’étendue des besoins à

satisfaire (I), ainsi que dans les modalités d’exécution du marché, qui peuvent alors faire

référence à des écolabels (II).

I – La définition de l’objet du marché

Lors de la définition de l’objet et du cadre du marché, l’acheteur public a l’obligation de

définir ses besoins en prenant en compte des objectifs de développement durable (A).

Cependant, la portée juridique de cette obligation reste « encore » imprécise (B).

A – L’obligation d’une définition « durable » des besoins

La détermination des besoins de la collectivité publique est un préalable indispensable (1), qui

permet de déterminer la procédure de passation du marché public (2).

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1 – Une étape déterminante de l’achat public durable

Selon l’article 1er du Code, un marché public est défini « pour répondre à leurs besoins en

matière de travaux, fournitures et de services ». L’article 5 prolonge cette définition de

l’article 1er, en précisant que, « « la nature et l’étendu des besoins à satisfaire sont

déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non

précédée d’un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement

durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour

objet exclusif de répondre à ces besoins ».

C’est la grande nouveauté. Il n’existe pas de base communautaire sur l’expression même,

puisqu’il n’y pas de définition des besoins au niveau des directives. En effet, l’acheteur public

est libre de définir l’objet du marché, du moment que cela répond à ses besoins et respecte la

législation générale en vigueur. La législation sur les marchés publics s’intéresse davantage à

la manière d’acheter de l’administration qu’à la nature de ce qu’elle achète. C’était donc un

objectif du gouvernement que d’introduire cet élément à l’article 5, le plus en amont possible

du Code des marchés publics, afin d’inciter les acheteurs publics à se motiver sur cette

question. Les acheteurs publics sont ainsi invités à améliorer leur politique d’achat de façon à

réduire l’impact de leurs activités quotidiennes sur l’environnement.

La définition des besoins est l’étape déterminante pour l’achat public durable. En effet, la

définition des besoins permet d’optimiser l’utilisation des ressources publiques, en évitant le

gaspillage des fonds publics par des achats de prestations inutiles ou ayant des

caractéristiques inappropriées. Il s’agit donc pour le pouvoir adjudicateur, qui est responsable

de la détermination de ce besoin, de savoir comment il consomme et s’il peut consommer

mieux.

Une orientation environnementale, ancrée dès ce stade, doit assurer à l’autorité acheteuse une

prise en compte efficace de cet objectif, tout en garantissant une transparence maximale. En

effet, les acheteurs publics peuvent, dès ce stade, décider d’acheter ou de construire un bien

en tenant compte de la préservation de l’environnement. La communication interprétative de

la Commission européenne du 4 juillet 2001 donne l’exemple d’un marché public de travaux

dans le cadre duquel l’acheteur public exigera la construction d’un bâtiment contenant des

panneaux solaires.

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L’acheteur public peut alors être amené à faire certaines études préalables pour préciser tel ou

tel aspect des réalisations. « De caractère global, systématique, prospectif et

pluridisciplinaire »17, « l’étude d’impact peut être définie comme la traduction procédurale et

technique d’uns prise de conscience, doublée d’une exigence, impliquant que les travaux,

projets et activités, notamment ceux qui nécessitent une autorisation ou une approbation,

soient désormais accompagnées d’une étude spéciale d’impact permettant d’apprécier leurs

conséquences sur l’environnement »18. « L’étude d’impact environnementale se préoccupe

pour l’essentiel des conséquences prévisibles d’un certain nombre d’activités ou de

productions humaines sur l’environnement »19.

Certains projets sont soumis à la réalisation d’une évaluation des incidences sur

l’environnement. Cette obligation ne découle pas des directives sur la passation des marchés

publics, mais peut avoir un impact sur la définition de l’objet du marché. Sans exiger comme

l’Organisation de Coopération et de Développement Économique une « étude d’impact sur

l’environnement pour tout achat public »20, il serait envisageable d’étendre le champ des

opérations soumises à une étude d’impact, de façon à ce que les acheteurs publics, lors des

procédures de passation des marchés publics, puissent prendre leurs décisions en toute

connaissance de cause21.

Par ailleurs, dans la rédaction même de l’objet du marché, il est possible de choisir un titre

écologique pour le marché. Un titre écologique permet aux soumissionnaires d’identifier plus

facilement ce que l’on attend d’eux, tout en véhiculant le message que les performances

environnementales du produit ou du service joueront un rôle important pour ce marché. Il est

possible d’utiliser comme titre écologique, par exemples : « Marché de nettoyage

écologique », « Marché de services de restauration biologique » ou « Bâtiment à haut

rendement énergétique ». L’utilisation de titres à caractère « publicitaire » permet de

17 Dictionnaire de l’urbanisme, Étude d’impact, Le Moniteur, 2003, p. 361. 18 R. Denoix de Saint-Marc, Le rapport d’impact sur l’environnement, Revue juridique environnement, mars-avril 1976, p. 251. 19 R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, 14è éd., Dalloz, 2003, p. 257. 20 OCDE, Consommation et production écologiquement viables. Définition des concepts, Conférences de l’OCDE, Paris, 1997, p. 18. 21 Selon l’article R. 122-1 du Code de l’environnement, ces études d’impact sont réalisées par des prestataires rémunérés directement par les pétitionnaires en charge du projet évalué, ce qui pourrait nuire à la « moralité » de ces études.

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véhiculer le message non seulement aux fournisseurs potentiels mais également à la

communauté locale et à d’autres pouvoirs adjudicateurs.

De cette phase essentielle dépend, d’une part, le choix de l’architecture contractuelle et de la

procédure de passation des contrats les mieux adaptés, et d’autre part, la bonne exécution du

marché.

2 – Une application des procédures de passation du marché

Afin d’envisager la mise en oeuvre des critères environnementaux, il est nécessaire de

déterminer des conditions Cette phase est essentielle afin de déterminer leur condition

d’utilisation de la fonction de la procédure applicable. L’article 26 du Code des marchés

publics détermine les seuils des marchés formalisés.

Les marchés de fournitures et de services sont passés selon une « procédure adaptée » jusqu’à

135 000 euros HT22 pour l’Etat et jusqu’à 210 000 euros HT pour les collectivités

territoriales. Cependant, si les conditions sont réunies, il est possible de recourir au marché

négocié23, à la procédure définie par l’article 30 ou à la procédure du dialogue compétitif24.

Les marchés de travaux sont passés selon une « procédure adaptée » jusqu’à 210 000 euros

HT. Entre 210 000 euros HT et 5 270 000 euros HT, l’acheteur a le choix entre l’appel

d’offres, le marché négocié et le dialogue compétitif. Au-delà, l’appel d’offres est obligatoire,

sauf si les conditions de recours au marché négocié ou au dialogue compétitif sont réunies.

Dans tous les cas, les marchés de travaux, de fournitures et de services d’un montant inférieur

à 4 000 euros HT peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalable25.

La procédure du dialogue compétitif26 et la passation d‘un marché de définition27 sont des

outils permettant, notamment sur le plan environnemental, la recherche de solutions optimales

22 Article 26-II du Code des marchés publics. 23 Article 35 du Code des marchés publics. 24 Article 36 du Code des marchés publics. 25 Article 28 alinéa 4 du Code des marchés publics. 26 Selon l’article 36 du Code des marchés publics, la procédure de dialogue compétitif va permettre à la collectivité de définir la consistance du projet, ses caractéristiques techniques, juridiques ou financières. Dans le cas notamment des marchés de travaux, l’acheteur peut ne pas être en mesure d’élaborer à l’avance le cahier des clauses techniques particulières. La personne publique est également autorisée à lancer la consultation sur la base d’un projet partiellement défini. 27 Selon l’article 73 du Code, une collectivité qui a un projet, mais ne sait par quel procédé technique ou de financement le réaliser, peut passer un marché « exploratoire ». Ce marché préparatoire permet d’explorer les

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et le développement de l’innovation. Ils peuvent aider à définir les marchés et à traiter des

enjeux de grande ampleur, comme la préservation de l’eau potable. Cependant, ces outils sont

réservés à des marchés complexes et à des opérations très ciblées. L’acheteur ne peut le

généraliser sur des fournitures de bureau, notamment.

Le montant d’un marché doit être calculé sur la base des besoins d’une année au minimum28.

Il n’est pas inutile de rappeler que le même article 27 interdit de contourner les règles de mise

en concurrence en fractionnant un besoin homogène en marchés distincts de moins de 4 000

euros par exemple. Ce fractionnement irrégulier doit être distingué du fractionnement prévu

par le Code sous forme de marché unique, de bons de commandes29 ou à tranche

conditionnelle30.

Les marchés passés selon la procédure adaptée ne sont pas formellement soumis aux articles

14, 45 ou 53 du Code31 permettant la prise en compte de l’environnement, mais leurs

dispositions donnent des repères à l’acheteur public dans la mesure où ces marchés demeurent

soumis aux obligations de transparence et d’égalité de traitement mentionnés à l’article 1er.

Dans le cadre des marchés à procédure adaptée, l’élaboration d’un règlement de consultation

et de cahiers des charges est donc recommandée. Ces documents permettent, en particulier,

« d’assurer la non-discrimination des candidats potentiels et d’éviter les risques de

contentieux de contentieux lors de l’exécution des marchés ».

Au regard de ces précisions, l’acheteur doit se concentrer sur les obligations de prise en

compte du développement durable dans la définition de ses besoins.

B – La portée juridique de l’obligation

La définition du besoin répond donc, non seulement à un impératif de bonne gestion des

deniers publics, mais aussi à une obligation réglementaire de prise en compte du

développement durable permettant d’assurer la sécurité juridique des marchés. La disposition solutions techniques et ainsi de visualiser les caractéristiques du projet, pouvant permettre une prise en compte de l’environnement. 28 Article 27 du Code des marchés publics. 29 Article 77 du Code des marchés publics. 30 Article 72 du Code des marchés publics. 31 Ce sont les trois outils spécifiques pour la prise en compte de l’environnement dans les marchés publics : l’exécution du marché (article 14 du Code des marchés publics), l’examen des capacités des candidats (article 45 du Code des marchés publics) et la sélection des offres (article 53 du Code des marchés publics).

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de l’article 5 du Code impose à l’acheteur une obligation de moyens (1), vis-à-vis des

organismes de contrôle (2).

1 – Une obligation de moyens

A la question de savoir quelle était la portée de la disposition de l’article 5, le gouvernement a

répondu qu’elle imposait une obligation de moyens aux acheteurs publics et non une

obligation de résultat32.

Selon le rapporteur du Conseil d’État sur le Code, M. Alain Ménéménis, cet article a une

portée juridique limitée, dans la mesure où la définition d’objectifs de développement durable

n’est pas très précise. En attendant que la jurisprudence tant au niveau national que

communautaire se prononce sur ce genre de dispositions. le ministère de l’Économie, des

Finances et de l’Emploi a été interrogé par le sénateur Bernard Piras, lors d’une question

écrite. La réponse de la direction des affaires juridiques du ministère a été publiée le 11

janvier 2007.

A la lecture de cet article, on peut en déduire qu’il ne s’agit pas d’une possibilité mais bien

d’une obligation. En effet, l’article 5 du Code des marchés publics « impose au pouvoir

adjudicateur une obligation de s’interroger sur la définition de ses besoins eu égard à des

objectifs de développement durable ». L’utilisation du présent de l’indicatif en droit vaut

impératif. Lorsque le pouvoir adjudicateur fait un acte de consommation, il a donc

l’obligation de s’interroger sur la question de savoir s’il peut prendre en compte les objectifs

de développement durable.

C’est seulement jusqu’à ce point que le gouvernement s’est avancé en termes juridiques au

niveau des obligations de développement durable par rapport à l’article 5 du Code.

2 – Une obligation vis-à-vis des organismes de contrôle

Dans la mesure où l’article 5 correspond à la phase préalable des besoins et non à la phase de

passation, en tant que telle, l’acheteur n’a pas à justifier vis-à-vis des opérateurs économiques,

32 Réponse du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Journal officiel du Sénat, 11 janvier 2007, p.75.

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donc des entreprises, dans les documents de la consultation du marché public, de son

impossibilité de prendre en compte des objectifs de développement durable.

En revanche, comme c’est une obligation du Code, les acheteurs doivent être en mesure de

justifier, à l’égard des organismes de contrôle, de l’impossibilité de mettre en place ou d’avoir

pu tenir compte d’objectifs de développement durable. En l’état actuel, selon Mme Aude

Pohardy33, seule la Commission des marchés publics de l’Etat a appelé l’attention des services

de l’Etat sur cette obligation, alors que les préfectures dans le cadre du contrôle de légalité

pour les marchés des collectivités territoriales n’ont pas reçu, à ce jour, de directives.

Les modalités de la prise en compte des exigences environnementales doivent être traitées

dans la note de présentation, accompagnant les dossiers transmis à la Commission des

marchés publics de l’Etat, à la rubrique « définition du besoin »34, pour expliquer sa décision.

Il sera ainsi possible de savoir dans le cadre d’un marché public, si les exigences sont

intégrées dans la définition des conditions d’exécution, dans les critères de sélection des

candidatures, ou dans les critères de jugement des offres.

Néanmoins, l’illégalité d’un marché qui ne respecterait pas ce principe reste à préciser. La

pratique et la jurisprudence devraient nous renseigner sur les effets concrets de cette

obligation.

Ainsi, lorsque la procédure d’achat est précédée d’une réflexion préalable sur la nature et

l’étendue des besoins, elle permet de prendre en compte l’achat public durable.

II – LA DEFINITION DU CONTENU DU MARCHÉ

Après avoir défini l’objet du marché, l’acheteur public détermine la façon dont il va exprimer

ses besoins. En prenant en compte des objectifs de développement durable, l’acheteur a la

possibilité d’imposer des clauses d’exécution du marché à caractère environnemental (A), en

33 Entretien du 16 mai 2007 avec Mme Aude POHARDY, direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi. 34 Article 79 du Code des marchés publics.

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précisant les caractéristiques techniques de l’objet de façon à ce qu’il réponde à l’usage

auquel il est destiné (B).

A – Les conditions d’exécution du marché

Les conditions d’exécution d’un marché public servent à définir techniquement et

précisément l’objet du marché et sa consistance. A la différence des critères d’attribution

servant à juger l’offre, les conditions d’exécution sont des prescriptions que l’offre proposée

doit respecter pour être conforme à l’objet du marché. Ainsi, les soumissionnaires sont

toujours obligés de proposer une offre qui respecte les conditions d’exécution du marché. Il

s’agit d’un élément objectif qui ne peut être remis en cause par l’offre, sous réserve des

variantes.

A ce niveau encore, les acheteurs publics sont susceptibles d’intégrer des considérations

environnementales (1). Les entreprises pourront se voir attribuer ce marché dans la mesure où

elles intégreront parfaitement les contraintes environnementales en réponse aux conditions

d’exécution définies (2).

1 – L’insertion des clauses d’exécution environnementale

En amont de ce que l’acheteur public peut faire au niveau du marché, l’article 14 du Code des

marchés publics est le plus utilisé et le plus facile d’utilisation au niveau environnemental.

Alors que l’ancien Code des marchés publics ne contenait pas de dispositions spécifiques

permettant de prendre en compte les questions d’environnement, le Code des marchés publics

issu du décret du 7 mars 2001 en contient au moins une. En effet, l’article 14 du Code des

marchés publics de 2001 autorise la fixation d’objectifs d’intérêt général dans les conditions

d’exécution du marché. Il dispose ainsi que « la définition des conditions d’exécution d’un

marché dans les cahiers des charges peut viser à promouvoir l’emploi de personnes

rencontrant des difficultés particulières d’insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger

l’environnement ». Cet article permet d’incorporer au cahier des charges des contraintes qui

sont étrangères à son objet premier, à travers des considérations environnementales.

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20

L’article 14 du Code des marchés publics issu du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 relatif

aux conditions d’exécution du marché demeure pour sa part inchangé. Il permet toujours

d’insérer dans le cahier des charges une clause relative à la préservation de l’environnement.

En outre, s’inspirant sans doute de la position française, l’article 26 de la directive 2004/18

ainsi que l’article 38 de la directive 2004/17 du 31 mars 2004 précise que « les conditions

dans lesquelles un marché est exécuté peuvent notamment viser des considérations sociales et

environnementales ». Elles ne peuvent être retenues que si elles sont compatibles avec le droit

communautaire et indiquées dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges. La directive

réitère donc l’obligation d’information des candidats quant aux conditions à respecter pour

soumissionner.

La rédaction de l’article 14 du Code des marchés publics de 2006 est élargie par rapport à la

rédaction des Codes antérieurs. En effet, l’article 14 du Code des marchés publics de 2006

traduit l’impératif de « développement durable », mentionné également à l’article 5 dudit

Code, au niveau des clauses des marchés. Il énonce désormais que « les conditions

d’exécution d’un marché ou d’un accord cadre peuvent comporter des éléments à caractère

social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en

conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et

progrès social. Ces conditions d’exécution ne peuvent pas avoir d’effet discriminatoire à

l’égard des candidats potentiels. Elles sont indiquées dans l’avis d’appel public à la

concurrence ou dans les documents de la consultation ». Ce changement de rédaction a

permis de donner une définition du développement durable, comme développement

économique, protection de l’environnement et progrès social qui doivent être autant qu’il est

possible combinés ensemble.

Il en résulte qu’il est possible d’imposer des conditions d’exécution d’ordre environnemental

aux candidats qui souhaitent soumissionner à un marché public.

2 – La fixation de normes d’exécution du marché

Les conditions d’exécution fixent des normes d’exécution du marché « écologiquement

correct ».

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21

a – Des obligations contractuelles

La détermination des conditions d’exécution constitue le mode privilégié de prise en compte

de l’environnement dans la phase de préparation des marchés de travaux. En effet, une

intégration de considérations environnementales, à ce stade, permet d’apprécier la conformité

ou la non-conformité des offres au cahier des charges.

Les candidats doivent accepter certaines obligations, qui sont les mêmes pour tous, sans que

la compétition porte sur cet aspect de la prestation. En effet, une prestation écrite au cahier

des charges, lequel est un élément constitutif du marché, est une obligation contractuelle à

laquelle le futur titulaire doit se conformer. Ces conditions d’exécution sont en effet

transcrites dans le cahier des charges et plus généralement dans le cahier des clauses

techniques particulières élaborées par les acheteurs. En application de l’article 13 du Code des

marchés publics, l’acheteur peut décider ou non de viser les cahiers des clauses techniques

générales. S’il choisit d’y faire référence, il est tenu par les dispositions de ceux-ci. En l’état

actuel, ces cahiers ne comportent pas de prescriptions environnementales particulières. Ainsi,

c’est l’acheteur directement qui, dans le cadre de la rédaction du cahier des clauses techniques

particulières, se réfère à des normes techniques d’exécution à caractère environnemental.

Selon l’arrêt du Conseil d’État du 19 octobre 2001, Région de la Réunion, le cahier des

clauses techniques particulières doit être clair sur la prise en compte des contraintes

environnementales.

L’utilisation de clauses d’exécution à caractère environnemental dans un marché public doit

également avoir pour corollaire la mise en oeuvre de contrôles en phase d’exécution du

marché. La prestation doit pouvoir être évaluée et contrôlée par la personne publique au cours

de l’exécution du marché public. L’acheteur doit veiller à surveiller la bonne application de

ces clauses d’exécution. Les audits internes, externes, indépendants ou non, en France et à

l’étranger, sont la garantie d’une réalisation des engagements. Cette capacité de contrôle

repose à la fois sur la transparence des fournisseurs et sur l’harmonisation des outils

d’évaluation des acheteurs.

La mauvaise exécution ne peut alors être sanctionnée qu’en cours d’exécution et non au stade

de l’attribution du marché. Ceci peut entraîner, selon les cas prévus au cahier des clauses

administratives particulières, des pénalités et même une résiliation possible du marché public.

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22

En effet, une fois le marché attribué, le non respect d’une condition d’exécution peut entraîner

sa résiliation.

Afin d’assurer au mieux le développement durable du marché, il est nécessaire de vérifier les

clauses d’exécution et de les faire respecter.

b – Une modalité d’exécution du marché

Les clauses environnementales imposent certaines modalités d’exécution des travaux, des

services et des fournitures d’un marché public.

Dans les marchés de bâtiments et de génie civil, le choix des matériaux, les conditions de

traitement des déchets de chantier doivent être prises en compte. Les dispositions de la

circulaire du 5 avril 2005 portant sur les moyens à mettre en oeuvre pour promouvoir la

gestion durable des forêts doivent être respectées. En outre, les recommandations de la

circulaire du 28 septembre 2005 concernant les économies d’énergies doivent être prises en

compte dans la rédaction du cahier des charges. Ainsi, l’assurance d’un chantier à faible

nuisance, prévenant les pollutions des sols et des eaux par l’emploi de matériaux générant peu

de déchets ou de produits non toxiques ou recyclables apparaît comme une nouvelle

préoccupation des maîtres d’ouvrage, que les entreprises devront incorporer dans leurs

offres35. Elles peuvent concerner la qualité environnementale des transports acheminant les

livraisons ou utilisés sur les chantiers, la bonne gestion de l’environnement pendant

l’exécution des travaux36. Le cahier des charges peut également mentionner le plan

départemental de gestion de déchets de chantier.

En outre, dans le cadre d’un marché de fourniture, la principale occasion d’utiliser des

conditions d’exécution du marché écologique est de spécifier les modalités de livraison des

biens. En effet, l’acheteur public peut, par exemple, opter pour une livraison mensuelle de

papier plutôt qu’une livraison en fonction des besoins, réduisant ainsi les nuisances

environnementales liées au transport. Une autorité publique peut ainsi insister sur le transport

des marchandises par rail.

35 Par exemple, la ville de Paris diffuse des cahiers des charges extrêmement contraignants en matière de nettoyage des chantiers. 36 A titre d’exemple, la réduction des émanations toxiques ou polluantes, le traitement des eaux et fluides de rejet, le bruit, l’élimination des déchets ou la formation du personnel à l’environnement.

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23

L’acheteur peut, par ailleurs, exiger la récupération de matériaux par le fournisseur. Dans le

cadre d’un marché de consommables informatiques, afin de s’assurer que les résidus toxiques

ne partent pas en décharge, l’acheteur peut rédiger des clauses d’exécution environnementales

relatives à la récupération des cartouches usagées. « Il peut ainsi imposer au titulaire de

collecter régulièrement les cartouches usagées, et de rendre compte de leur destination. Au

niveau de la récupération des cartouches, le titulaire peut être tenu de fournir à disposition

des services utilisateurs concernés des containers, dont la périodicité du passage sera arrêtée

en concertation avec le titulaire. Puis, il peut aussi exiger les cartouches collectées soient

dirigées vers un site classé soumis au contrôle de la Direction de l’Industrie de la Recherche

et de l’Environnement et traitées conformément à la législation en vigueur. Un bilan

précisant la destination des cartouches récupérées pourra être alors fourni annuellement »37.

Dès lors, la rédaction des clauses d’exécution environnementales permet à l’acheteur

d’exprimer précisément ses besoins. Il convient de les traduire en spécifications techniques

mesurables, directement applicables à une procédure de passation des marchés publics.

B – La définition des spécifications techniques

Pour être recevable, les offres doivent respecter les spécifications techniques définies dans le

cahier des charges. La nouvelle rédaction de l’article 6 du Code des marchés publics autorise

l’acheteur public à ne plus se référer uniquement à des normes pour définir ses prestations (1).

De plus, le Code permet une large utilisation des spécifications techniques, notamment la

référence aux éco-labels (2).

1 – La disparition de l’obligation de référence aux normes

Selon l’article 6 du Code des marchés publics, afin de définir les prestations à exécuter, le

pouvoir adjudicateur détermine les spécifications techniques, en prenant en compte des

caractéristiques environnementales.

a – La notion de spécification technique

37 Direction des achats, de la logistique, des implantations administratives et des transports de la Mairie de Paris, Achat responsable, 3ème édition, janvier 2007.

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Le pouvoir adjudicateur doit définir exactement les caractéristiques du produit, service ou

ouvrage désiré. Cette étape est fondamentale et les exigences de l’autorité doivent être

clairement définies car elles constituent la base de l’information permettant aux entreprises

d’évaluer leur capacité à répondre à cet appel.

Selon la Communication interprétative de la Commission européenne, du 4 juillet 2001, « Les

spécifications techniques incluent toutes les caractéristiques requises par le pouvoir

adjudicateur pour assurer que le produit ou la fourniture soit conforme à l’usage auquel il

le/la destine. Ces spécifications techniques détaillent les caractéristiques du marché de façon

objective et mesurable et doivent être liées au marché ».

La directive communautaire 2004/18/CE du 31 mars 2004 donne également une définition des

spécifications techniques en son annexe VI « définition de certaines spécifications

techniques ». Les caractéristiques requises d’un matériau, d’une fourniture ou d’un service

doivent ainsi correspondre à l’usage auxquels ils sont destinés. Ainsi, « lorsqu’il s’agit de

marchés publics de fournitures ou de services, une spécification figurant sur un document

définissant les caractéristiques requises d’un produit ou d’un service, telles que les niveaux

de qualité, les niveaux de la performance environnementale, la conception pour tous les

usages (y compris l’accès aux personnes handicapées) et l’évaluation de la conformité, de la

propriété d’emploi, de l’utilisation du produit, sa sécurité ou ses dimensions, y compris les

prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la

terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essais, l’emballage, le marquage et

l’étiquetage les instructions d’utilisation, les processus et méthodes de production, ainsi que

les procédures d’évaluation de la conformité ».

Dans ce cadre, les spécifications permettent ainsi de définir d’une manière technique précise

la prestation souhaitée par un acheteur public. La façon dont le pouvoir adjudicateur définit la

spécification technique est sans préjudice des règles techniques nationales obligatoires.

En effet, les spécifications techniques peuvent constituer des règles techniques, lorsque leurs

observations sont rendues obligatoires par les pouvoirs publics et qu’elles exercent une

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influence sur la commercialisation ou l’utilisation de produits38. Elles ont deux fonctions.

Tout d’abord, elles décrivent le marché et déterminent ainsi le niveau de concurrence. Puis,

elles constituent des critères de conformité minimaux. Cela signifie que, même si l’acheteur

public n’inclut pas de spécifications techniques liées au développement durable, il existe dans

la législation nationale des règles qui peuvent intégrer ces critères de développement durable.

Les règles techniques sont déjà entrées dans les spécifications techniques sans qu’il soit

nécessaire de faire de développement ou de démarche particulière de recherche. Elles

constituent donc un mode d’identification de la prestation et servent, en ce sens, à définir les

conditions d’exécution du marché.

b – Les différents modes de définition des spécifications techniques

La directive 92/50 du 18 juin 1992 prévoit, en son article 14 que « les spécifications

techniques sont définies par les pouvoirs adjudicateurs par référence à des normes nationales

transposant des normes européennes ou par référence à des agréments techniques européens

ou par référence à des spécifications techniques communes ». Puis, Conformément à la

volonté de s'appuyer sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés

européennes39, la directive 2004/18/CE indique, au considérant 29, que les “pouvoirs

adjudicateurs qui souhaitent définir des besoins environnementaux dans les spécifications

techniques d'un marché donné peuvent prescrire les caractéristiques environnementales,

telles qu'une méthode de production déterminée, et/ou les effets environnementaux spécifiques

de groupes de produits ou de services”.

L’article 23 de la directive 2004/18 appréhende les normes comme un mode de définition des

spécifications techniques des marchés publics. Néanmoins, il résulte de cet article que la

référence aux normes est une solution à privilégier par les acheteurs publics dans la

détermination des spécifications techniques de leurs marchés, mais cette référence ne

constitue pas une obligation. La référence aux normes apparaît seulement comme un outil

utile et favorable à une bonne définition technique des prestations.

Dans sa version de 2004, le Code avait une appréhension différente de la référence à la

norme. Celui-ci énonçait en effet : « Les prestations qui font l’objet du marché sont définies

38 Directive 98/34/CE, art. 1. 39 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, aff. n° C-513/99.

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par référence aux normes homologuées ou à d’autres normes applicables en France en vertu

d’accords internationaux, dans les conditions prévues par le décret n° 84-74 du 26 janvier

1984 fixant le statut de la normalisation. La référence à des normes ne doit pas avoir pour

effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence ».

L’article 6 posait donc une véritable obligation de référence aux normes pour la définition des

prestations.

La nouvelle rédaction de l’article 6 du code des marchés publics de 2006 est plus conforme à

l’esprit de l’article 23 de la directive 2004/18. Désormais, l’acheteur peut soit se référer à des

normes, soit exprimer les spécifications techniques en termes de performances ou d’exigences

fonctionnelles. Le texte même du Code précise qu’ « elles peuvent inclure des

caractéristiques environnementales ». L’acheteur peut donc exprimer les spécifications

techniques par référence aux normes lorsqu’elles existent, sachant que tout candidat peut, s’il

n’applique pas l’une de ces normes, proposer une offre reposant sur des exigences

équivalentes.

L’acheteur public a donc le choix entre deux possibilités. « Dans le premier cas, il peut se

référer à des normes ou à d’autres documents préétablis approuvés par des organismes

reconnus notamment par des instances professionnelles en concertation avec les autorités

publiques nationales ou communautaires. Il s’agit de l’agrément technique européen, d’une

spécification commune ou d’un référentiel technique. Dans le second cas, il peut exprimer les

spécifications techniques en termes de performances à atteindre ou d’exigences

fonctionnelles. Par exemple, pour un marché de vêtements de pompiers, le pourvoir

adjudicateur peut exiger, au titre des spécifications techniques, un tissu résistant à un degré

très élevé de chaleur ou résistant à une pression d’eau particulière, avec des renforts, un

poids minimal »40.

Il a également la possibilité de mixer les deux catégories de spécifications techniques. Ainsi,

pour un même produit, service ou type de travaux, il peut faire référence à des normes pour

certaines caractéristiques et à des performances ou exigences pour d’autres caractéristiques.

40 Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d’application du Code des marchés publics.

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Cette disposition doit permettre d’insuffler une part d’initiative et de liberté contractuelle dans

les procédures de marchés publics. Elle n’est pas liée à l’impossibilité pour l’acheteur public

de définir les moyens propres à satisfaire ses besoins. Elle relève d’un choix discrétionnaire

de la personne publique. Cette approche fondée sur les performances permet d’offrir, en

principe, un plus grand potentiel de créativité du marché, pouvant même, dans certains cas,

inciter le marché à développer des solutions techniques innovantes. En effet, la performance

n’est pas une caractéristique précise, mais un résultat à atteindre, un certain niveau de

qualité. Cependant, en raison de la variation considérable des options disponibles sur le

marché, les spécifications techniques fondées sur les performances doivent suffisamment être

claires pour garantir une évaluation juste et fondée.

c – La valeur juridique des normes

Selon la définition de l’Organisation Internationale de Normalisation, les normes sont des

documents de référence établis par consensus, par les parties prenantes intéressées à leur

création. Elles regroupent les caractéristiques ou les performances de produits, services ou

méthodes d'organisation. Les normes permettent de garantir la qualité des produits et des

services, comme celle de l’utilisation de moteurs de véhicules répondant à une certaine norme

anti-pollution. Selon l’ISO, la norme est « un document établi par consensus et approuvé par

un organisme reconnu, qui fournit, pour les usages communs et répétés, des règles, des lignes

directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un

niveau d’ordre optimal dans un contexte donné ».

La norme technique est donc d’abord, par nature, volontaire41. Elle est axée sur le consensus

et réalisée par les parties intéressées pour elles-mêmes, dans un esprit d’ouverture et de

transparence, au sein d’organismes de normalisation indépendants et reconnus, qui mène à

l’adoption de normes dont le respect se fait sur une base volontaire42. Le décret du 26 janvier

1984 ne consacre pas expressément le principe du caractère facultatif des normes. Il l’admet

implicitement en prévoyant certains cas où, par exception, la norme est dotée d’une force

obligatoire43. De son côté, l’annexe II de la directive 92/50 du 18 juin 1992 donne une

définition des normes, lesquelles sont « les spécifications techniques approuvées par un

41 Pontier J-M., La certification, outil de la modernité normative, S. 1996, chron. p. 355. 42 Résolution du Conseil du 28 octobre 1999 sur le rôle de la normalisation en Europe (JO C 141 du 19.5.2000, p. 1) 43 Art. 12 et 13 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984.

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organisme reconnu à activité normative, pour application répétée ou continue, dont

l’observation n’est pas, en principe, obligatoire ».

Pour revêtir le statut de norme, une spécification technique doit, aux termes de la directive,

satisfaire à quatre critères. Elle doit être «approuvée par un organisme reconnu à activité nor-

mative» ; être destinée à une «application répétée ou continue» ; l’observation de celle-ci

n’est pas obligatoire ; elle doit être accessible au public.

Néanmoins, la valeur prescriptive des normes est variable. Cette valeur varie à la fois en

fonction de l’organisme qui a établi la norme et en fonction de l’intégration de la norme dans

un texte de nature réglementaire ou législative. Ainsi, plusieurs types de normes peuvent être

identifiés44.

Les normes dites « autonomes », dont l’application est entièrement facultative puisqu’elles ne

sont liées à aucune contrainte réglementaire, et les normes « de renvoi » qui, bien que

d’application facultative, sont intégrées dans un système dans lequel le ou les destinataires ont

tout intérêt à les appliquer afin de respecter les exigences réglementaires. Dans les deux cas, il

s’agit d’une démarche volontaire.

A ces deux types de normes s’ajoute la catégorie particulière des normes auxquelles la

réglementation non seulement renvoie mais attribue une valeur impérative.

La norme peut-être rendue obligatoire sur la base d’un arrêté ministériel. Ainsi, aux termes de

l’article 12 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 une norme homologuée peut-être rendue

obligatoire sur la base d’un arrêté ministériel si « des raisons d'ordre public, de sécurité

publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de

préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique,

historique ou archéologique, ou des exigences impératives tenant à l'efficacité des contrôles

fiscaux, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense du consommateur rendent

une telle mesure nécessaire (…) l’application d’une norme homologuée peut-être rendue

obligatoire par un arrêté du ministère de l’Industrie et le cas échéant des autres ministères

intéressés ».

44 Rapport remis au ministère de l’Environnement, E. Gueguen, La normalisation au service du droit de l’environnement, R. Romi et L. Lorvellec dir., 1993, 274 p.

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Le droit communautaire et le droit national des marchés publics permettent ainsi d’intégrer,

dans les prescriptions concernant les caractéristiques des ouvrages, des fournitures et des

services faisant l’objet des marchés, des spécifications techniques protectrices de

l’environnement.

2 – Les différents modes d’utilisation des spécifications techniques

Les exigences environnementales peuvent ainsi s’exprimer dès la définition des spécifications

du marché, par la prise en compte d’un processus de production particulier, par la référence

aux éco-labels ou par l’usage de variantes.

a – La prise en compte d’un processus de production particulier

L’acheteur public est en droit d’exiger que l’objet du contrat soit produit selon un procédé

respectueux de l’environnement. En effet, la composition d’un produit et sa méthode de

production peuvent jouer un rôle significatif quant à son incidence sur l’environnement. La

préférence peut ainsi être donnée aux économies d’énergies, aux modes de transports

alternatifs ou encore au recours à des produits moins dangereux.

La nécessité de promouvoir un développement durable permet l’intégration des

préoccupations environnementales dans les processus productifs. Une distinction peut être

réalisée entre les exigences relatives aux procédés et méthodes de production ayant une

incidence sur les caractéristiques ou performances du produit et celles n’en ayant pas. Un

processus de fabrication particulier peut être requis dans la mesure où « cela contribue à

spécifier les performances caractéristiques (visibles ou invisibles) du produit ou service » et à

condition de ne pas être discriminatoire. L’acheteur public peut imposer que le produit acheté

soit fabriqué ou produit selon un processus particulier tenant compte de la préservation de

l’environnement, sans pour autant que cela doive être visible dans le produit final. Dans le

cadre de l’achat d’énergie, l’acheteur peut imposer que l’électricité achetée soit produite par

utilisation de sources d’énergie renouvelables (éolienne, hydraulique et solaire).

Les propriétés post-achat de l’électricité « verte » sont identiques à celles de l’électricité

produite par combustion. Par contre, le recours à un processus de fabrication respectueux de

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l’environnement permet de caractériser l’électricité, sans pour autant que cette distinction soit

visible ou perceptible dans le produit final.

b – La référence à des labels écologiques

L’article 6 stipule que, « lorsque les performances ou les exigences fonctionnelles comportent

des caractéristiques environnementales, celles-ci peuvent être définies par référence à tout ou

partie d’un éco-label ». C’est l’introduction officielle, dans le droit de la commande publique,

de la référence aux écolabels.

i. Les différentes déclarations environnementales

L’acheteur public peut faire expressément référence à un écolabel dans les documents de

consultation, utilisant « l’étiquetage environnemental » pour choisir une offre respectueuse de

l’environnement. Pour faciliter l’identification des produits éco-responsables ainsi que pour

fixer un degré d’exigence environnementale plus large, sur l’ensemble du cycle de vie,

l’acheteur public peut notamment s’appuyer sur des déclarations environnementales des

produits, biens et services grâce aux écolabels officiels, aux auto-déclarations

environnementales ainsi qu’aux éco -profils.

L’Organisation Internationale de Normalisation45 a répertorié trois formes d’étiquetage

environnemental au travers des normes de la série 14020, qui définit les principes généraux de

l’étiquetage environnemental. Cependant, seule la première semble véritablement visée par

l’article 6 du Code des marchés publics.

En effet, seuls les écolabels officiels sont concernés. Ces étiquettes de type I sont attribuées, à

la demande des entreprises, par des organismes tiers et indépendants à des produits moins

dommageables pour l’environnement que des produits similaires d’une même catégorie, selon

des critères déterminés d’avance par cet organisme. La norme ISO 14024 les décrit comme

« l’objectif des programmes d’attribution de label environnemental de type I est de contribuer

à la réduction des impacts environnementaux associés aux produits, par l’identification des

45 International Standard Organisation – ISO. En 1998 et 1999, l’ISO a normalisé la pratique d’étiquetage écologique et les a regroupées en trois catégories, par la création de la série de normes 14020, qui propose une norme distincte pour chacun de ces types d’étiquettes.

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produits qui respectent un critère spécifique du programme de type I, indiquant qu’un produit

est globalement préférable pour l’environnement »46.

Des critères et des niveaux d’exigences sont définis par catégorie de produits. Mais, tous les

écolabels doivent présenter les cinq caractéristiques, décrites dans la norme internationale NF

EN ISO 14024. Tout d’abord, la définition des exigences doit être très précise, garantissent

généralement aussi bien l’aptitude à l’usage des produits que la limitation de leurs impacts sur

l’environnement. Les critères fixés par ces écolabels reposent sur une approche prenant en

compte les multiples impacts environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie des produits,

depuis l’extraction des matières premières jusqu’au devenir en fin de vie des produits, en

passant par les étapes de production, de distribution et d’utilisation. De plus, l’ensemble des

parties concernées47 doivent être associées au processus d’élaboration des critères. Le principe

de libre accès à l’écolabel permet à tout demandeur potentiel de participer à son processus

d’élaboration, ainsi qu’à toute entreprise remplissant les critères d’être en droit de l’utiliser.

Enfin, leurs certifications sont attribuées par des organismes indépendants, qui vérifient

régulièrement auprès des entreprises titulaires la conformité des produits aux critères de

l’écolabel de la catégorie concernée.

Les critères d’attribution sont variables d’un label à l’autre et d’une catégorie de produits à

l’autre, mais ont en commun de procéder à une analyse de l’impact du produit aux différents

stades de sa vie, y compris les méthodes de production. La certification est donc un critère de

performance sur le terrain qui a des exigences écologiques et sociales, avec un système de

traçabilité crédible.

Compte tenu de l’évolution des connaissances et des technologies, ainsi que de l’évolution

constante de nouveaux produits et services sur le marché, un processus de révision des

critères, à un intervalle variant de trois à six ans, est habituellement prévu par chacun des

programmes d’écolabels. La négociation de nouveaux critères a alors lieu, de façon à les

rendre plus stricts. Ils sont donc révisés régulièrement afin de prendre en compte les progrès

en éco-technologies l’évolution des connaissances et des offres. Historiquement, la marque

allemande l’« Ange Bleu », créée en 1977, fut le premier écolabel. En France, deux écolabels

46 ISO 14024 (1999), Marquages et déclarations environnementaux – Étiquetage environnemental de type I, Organisation internationale de normalisation. 47 Les représentants des professionnels (fabricants et distributeurs), des associations (de consommateurs et de protection de l’environnement) et les pouvoirs publics.

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sont délivrés par AFAQ-AFNOR Certification, la marque NF Environnement, représentant

l’écolabel français et l’Ecolabel Européen, créés respectivement en 1991 et 1992. Il peut être

délivré pour un pays ou pour un groupement de pays. Ainsi, le « Cygne blanc » est l’écolabel

commun aux cinq pays du Conseil nordique48.

Par ailleurs, même s’ils peuvent faire référence à des normes, les écolabels ne constituent pas

des normes. En effet, leur spécificité est de tenir compte des impacts environnementaux sur

l’ensemble de cycle de vie des produits, en intégrant des critères dépassant le champ des

spécifications techniques normalisées. En outre, les écolabels constituent des référentiels qui

font toujours l’objet d’une certification par tierce partie alors qu’il existe de nombreuses

normes ne prévoyant aucune certification. Par conséquent, les écolabels constituent des

référentiels qui, en termes d’exigences, sont supérieurs aux normes.

A côté de ces écolabels officiels, certifiés, existent également d’autres formes d’étiquetage

environnemental, les auto-déclarations environnementales et les écoprofils, qui ne sont pas

expressément envisagées par l’article 6 du Code des marchés publics.

Les étiquettes de type II dites « d’autodéclarations écologiques »49 sont des allégations

environnementales qui sont réalisées sous la seule responsabilité des entreprises, n’étant pas

contrôlé par un organisme extérieur. Les entreprises décident, elles-mêmes, de déclarer que

leurs produits sont moins dommageables pour l’environnement ou qu’ils possèdent des

attributs particuliers. Le plus souvent, l’auto-déclaration ne porte que sur une caractéristique

environnementale du produit ou concerne une seule étape du cycle de vie du produit. Pour

encadrer leurs utilisations, l’ISO a publié en 1991 la norme internationale 14021. Elle définit

l’auto-déclaration comme une « communication d’informations vérifiables, exactes et qui ne

soient pas de nature à induire en erreur sur les aspects environnementaux des produits et des

services » et elle établit des lignes directrices concernant l’emploi d’auto-déclarations dans le

domaine du marketing environnemental de produits et de services. La norme ISO 14021

comporte notamment des exigences précises au sujet de divers aspects de ces déclarations

relatives à l’environnement. Ces auto-déclarations peuvent être spécifiques à une entreprise,

telle les marques vertes ou bien non spécifiques à un entreprise, telle la peinture sans solvant.

48 Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède. Le « Cygne blanc » a été créé en 1989 en Norvège et en Suède. La Finlande a rejoint le dispositif en 1990, l’Islande en 1991 et le Danemark en 1997. 49 ISO 14020, 3.1.13 (1999), Marquages et déclarations environnementaux - Autodéclaration environnementale, Organisation internationale de normalisation.

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Enfin, les étiquettes de type III ISO 14025 sont des « éco-profils » qui fournissent des

informations sur les impacts environnementaux d’un produit, mais sans toutefois le comparer

à d’autres produits similaires. Elles peuvent être utilisées volontairement par les entreprises,

mais elles peuvent être parfois obligatoires si une législation nationale en impose l’utilisation,

comme c’est le cas avec l’étiquette Energy Star50 aux Etats-Unis. De même, l’étiquette

Énergie, créée par la Commission européenne en 1995, est obligatoire sur la majorité des

appareils électroménagers et sur les ampoules, signalant les produits les plus économes lors de

leur utilisation ainsi que leurs performances. De plus, l’étiquetage des véhicules, également

mise en place par la Commission européenne, est obligatoire sur tout véhicule neuf mis en

vente. Il a pour but d’informer les acheteurs sur la consommation de carburant et les

émissions de CO2 des véhicules.

Toutes ces déclarations environnementales se présentent donc comme des ensembles de

spécifications techniques pré-définies garantissant, pour une catégorie donnée de produits, un

niveau reconnu de protection environnementale.

ii. L’exploitation des déclarations environnementales

Selon le conseiller d’Etat Alain Ménéménis, l’article 6 donne l’occasion de pratiques

nouvelles : « on a le sentiment avec l’article 6 d’introduire une innovation de grande portée

de nature à changer assez profondément les pratiques des acheteurs, mais dont on ne peut

voir tout de suite les fruits ».

Les caractéristiques de scientificité, de concertation et d’accessibilité des écolabels en font

des instruments indispensables pour les acheteurs publics qui sont tenus d’asseoir leur choix

sur des caractéristiques incontestables et non discriminatoires vis-à-vis des opérateurs

économiques. Ainsi, les directives 2004/17 et 2004/1851 et l’article 6-VII du Code des

marchés publics autorisent explicitement l’utilisation des spécifications sous-jacentes des

labels écologiques lors de la détermination des exigences environnementales. Néanmoins,

50 Le programme Energy Star a été mis en place par l’Agence gouvernementale américaine de protection de l’environnement (EPA). Ce logo est notamment attribué aux produits dont la consommation électrique est la plus faible. Depuis juillet 1999, le logo Energy Star est applicable dans l’Union européenne, sous le contrôle de la Commission européenne. 51 Articles 35 de la directive 2004/17/CE et 23 de la directive 2004/18/CE.

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cette référence est possible « pour autant » que l’écolabel soit conforme à 4 critères, ce qui

restreint en conséquence son champ d’application. En effet, l’écolabel doit être approprié à

l’objet du marché, être établi sur la base de données scientifiques, avoir fait l’objet d’une

procédure d‘adoption à laquelle ont participé des représentants des organismes

gouvernementaux, des consommateurs, des fabricants, des distributeurs et des organisations

de protection de l’environnement, et enfin qu’il soit accessible à tous les candidats intéressés.

Il existe différentes manières d’exploiter les informations liées aux labels écologiques.

L’exigence de l’écolabel équivaut en pratique à requérir le respect des critères utilisés par

l’organisme certificateur, et à inclure ceux-ci dans les spécifications techniques. Les deux

écolabels décernés en France couvrent aujourd’hui 43 catégories de produits et de services,

correspondant essentiellement à des produits de grande consommation52, mais également des

marchés professionnels53. A titre d’exemple, les marchés de restauration peuvent prendre

utilement en compte des objectifs de développement durable en imposant dans le cahier des

charges l’utilisation de produits bénéficiant d’un écolabel, tels que les produits de nettoyage,

de papiers absorbants.

La possession effective du label écologique ne constitue qu’un moyen de preuve du respect

des spécifications requises. Ainsi, lorsqu’il décide d’indiquer, dans les documents de

consultation, que les produits ou services ayant obtenu un écolabel sont présumés satisfaire

aux caractéristiques environnementales mentionnées dans les spécifications techniques, il est

néanmoins tenu d’accepter tout moyen de preuve approprié. L’offre d’un candidat est en effet

valable, si celui-ci réussit à prouver que son offre respecte, de manière équivalente, les

spécifications techniques.

L’acheteur public ne peut obliger les entreprises à posséder un label écologique, tout autre

document ayant force probante devant être accepté, comme l’indique l’article 6-VI du Code

donnant l’exemple d’un dossier technique d’un fabricant. Afin de respecter le principe de non

discrimination, l’acheteur public est contraint d’analyser les différentes équivalences

mentionnées dans les offres des candidats, même si cette pratique allonge le délai d’analyse

des offres.

52 Liquide-vaisselle, large gamme de produits papetiers, des peintures, des sacs-poubelles… 53 Peintures routières, détergents professionnels, produits électroniques…

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35

A côté de ces prescriptions du marché, le cahier des charges peut laisser l’initiative aux

entreprises de présenter des variantes environnementales. L’entreprise sera ainsi jugée sur les

références environnementales qu’elle peut produire ou les variantes environnementales

qu’elle propose.

c - L’usage de variantes

Il peut arriver que, même après la réalisation d’une étude de marché, l’acheteur public ne soit

pas certain qu’il existe des alternatives écologiques pour les produits, services ou travaux

qu’il souhaite acquérir ou qu’il ait encore des incertitudes quant à leur qualité ou à leur coût.

En effet, dès lors que les spécifications techniques sont formulées en termes d’exigences

fonctionnelles et que l’article 5 du Code impose de définir avec précision les exigences,

l’usage des variantes peut permettre d’aider, par exemple, les petites collectivités à savoir

jusqu’où exactement elles peuvent définir leurs exigences environnementales. Le recours aux

variantes permet de stipuler des exigences minimales assorties d’alternatives, telle qu’une

meilleure performance environnementale.

Une variante peut être définie comme une offre de produit ou service élaboré en vue de

répondre aux besoins de l’acheteur, mais qui diffère cependant de la solution spécifiée dans

les documents du marché. Elles sont susceptibles d’offrir une réponse supérieure à celle

imaginée par l’autorité elle-même.

Une bonne définition des besoins n’exclut pas de laisser une part d’initiative aux candidats.

Comme l’indique la circulaire d’application du Code des marchés publics du 3 août 2006, le

pouvoir adjudicateur « peut préciser qu’il est disposé à accueillir des offres répondant à

certaines variantes plus écologiques ». Le recours à cet outil flexible permet à l’acheteur

public d’intégrer la protection de l’environnement au stade des spécifications techniques, sans

avoir nécessairement à spécifier de manière précise ses exigences en la matière. Dans ce cas,

suivants les directives du 31 mars 200454 et l’article 50 du Code des marchés publics,

l’acheteur public peut demander aux soumissionnaires potentiels de soumettre des variantes

54 Articles 24 de la directive 2004/18/CE et 36 de la directive 2004/17/CE.

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écologiques. Dès lors, l’acheteur public formule un ensemble minimal de spécifications

techniques, qui peut s’appliquer à l’offre neutre et à sa variante écologique.

Pour l’appréciation de la valeur des offres au regard de chacun des critères qu’elle a défini, la

personne publique doit examiner les offres de base puis les variantes, avant d’effectuer son

choix. Dans ce cas, l’acheteur public n’imposera pas de spécifications environnementales. Il

appartiendra aux candidats de proposer le respect de telle ou telle spécification écologique

pour l’exécution du marché, les encourageant à développer de nouvelles performances

environnementales. En effet, inclure ce type de variante dans un marché permet de réaliser un

état de la capacité des offres des entreprises, à un moment donné.

Néanmoins, selon Mme Aude Pohardy55, l’usage de variantes est aujourd’hui très peu utilisé

par les acheteurs publics, par crainte d’introduire un nouveau critère d’attribution des offres

« non défini ». En effet, l’acheteur public est tenu de comparer les solutions classiques à des

options écologiques, en se fondant sur le même ensemble de critère d’attribution. Les

entreprises sont libres de soumettre les offres fondées soit sur la variante, soit sur l’appel

d’offre initial. Mais, l’utilisation de cet outil au stade des spécifications techniques peut avoir

pour conséquence la création d’un nouveau critère de sélection des offres, engendrant une

discrimination entre les soumissionnaires.

Sous cette réserve, le recours par l’acheteur de variantes peut constituer, après la définition de

l’objet du marché, une nouvelle étape dans l’intégration de considérations environnementales.

Par ailleurs, l’acheteur peut aussi se servir de l’article 35 du Code des marchés publics à

propos des offres inacceptables ou irrégulières pour intégrer du développement durable dans

ses marchés. Dès lors qu’une offre n’est pas conforme à une législation nationale ou au cahier

des charges, c’est-à-dire aux spécifications techniques, l’acheteur peut la refuser. Cela permet

de supprimer les offres qui ne sont pas « développement durable », alors que des

spécifications et des conditions de développement durable ont été introduites.

55 Entretien du 16 mai 2007 avec Mme Aude POHARDY, direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi.

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37

SECTION II : L’INTEGRATION DES CRITERES ENVIRONNEME NTAUX DANS

LA PHASE DE PASSATION DU MARCHE

La deuxième phase concerne la passation du marché : après avoir lancé la procédure, défini

les besoins et les moyens nécessaire pour les satisfaire, l’acheteur public est au stade de la

sélection des candidatures ou de la sélection des offres. A ce stade de la procédure, le pouvoir

adjudicateur sélectionne les candidats qui pourront participer à la mise en concurrence.

L’entreprise candidate qui ne remplit pas les conditions d’admission de candidature ne verra

pas son offre examinée. La vérification de l’aptitude des candidats à exécuter le marché et

l’attribution du marché sont deux opérations différentes dans le cadre de la passation d’un

marché public56.

Le code des marchés publics permet d’intégrer les critères environnementaux lors de la

passation complète du marché, à l’examen des candidatures (I) puis à l’examen des offres (II).

I – Les critères de sélection des candidatures

Les critères de sélection se concentrent sur la capacité de l’entreprise à réaliser le marché pour

lequel elle soumissionne. À cet effet, des vérifications sont effectuées quant à la situation

technique et financière des candidats et quant à sa capacité professionnelle en fonction du

marché en question. Dans une certaine mesure, l’acheteur public peut soumettre la sélection

d’un candidat au respect de critères à caractère environnemental.

Au stade de l’examen des candidatures, l’acheteur public peut soumettre la sélection d’un

candidat au respect de critères à caractère environnemental, tant au travers de restrictions

apportées à la faculté de soumissionner (A), ainsi que lors de la sélection qualitative des

candidatures (B).

56 CJCE, 19 juin 2003, GAT et Ösag.

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A – L’exclusion de candidats

Le Code des marchés publics régit de manière stricte les règles relatives à la sélection des

candidats (1), tout en permettant à l’acheteur public de restreindre l’accès à la procédure de

passation du marché (2).

1 – Les interdictions de soumissionner

D’une part, les entreprises ne sont admises à soumissionner si elles ne répondent pas aux

conditions générales d’admission des candidatures, référencées à l’article 8 de l’ordonnance

du 6 juin 2005. Sélectionner les candidats consiste ainsi à vérifier, d’une part, que ceux-ci

sont en règle au regard de leurs obligations fiscales et sociales et d’autre part, qu’ils disposent

de la capacité professionnelle, technique et financière pour exécuter le marché. L’acheteur

public peut interdire de soumissionner aux entreprises qui ne sont pas « durables » dans leur

fonctionnement.

Les critères d’exclusion traitent ainsi de situations dans lesquelles peut se trouver une

entreprise et qui empêche normalement le pouvoir adjudicateur de traiter avec elle. La prise

en compte de considérations environnementales comme motif d’exclusion, dans la mesure où

cela affecte leur moralité professionnelle, peut également intervenir lors de la sélection des

candidats. En effet, les directives marchés publics prévoient la possibilité d’écarter un

candidat ayant fait l’objet d’un jugement définitif ou ayant commis une faute professionnelle

grave57. La condamnation pour tout délit affectant la moralité professionnelle du

soumissionnaire couvre les violations de la législations environnementale nationale.

Cependant, la possibilité d’écarter un candidat ayant commis une faute grave en matière

professionnelle est plus difficile d’application, en l’absence de toute condamnation, ou de

toute sanction de nature économique ou administrative. En effet, le seul comportement non

respectueux de l’environnement d’un soumissionnaire n’est pas susceptible de faire l’objet

d’une exclusion par l’acheteur public. La mise en œuvre de cette exclusion ne dépend pas par

conséquent de la politique des marchés publics mais de celle de la protection de

l’environnement. Ainsi, seule une entreprise ayant fait l’objet de plusieurs amendes

57 Article 53,54 de la directive 2004/17/CE ; article 45 de la directive 2004/18/CE.

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administratives eu égard aux infractions répétées à des dispositions environnementales, peut

être exclue pour faute professionnelle grave.

2 – L’utilisation de la procédure retreinte

Afin de permettre une meilleure prise en compte des garanties environnementales offertes par

les candidats, l’acheteur peut utiliser, selon son choix, une procédure ouverte ou restreinte de

sélection des candidatures.

En effet, selon le mécanisme de l’appel d’offre ouvert indiqué à l’article 57 du Code des

marchés publics, la mise en concurrence comporte deux éléments, relatifs à l’admission des

candidatures et aux choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. L’entreprise va

d’abord présenter sa candidature et si elle est retenue, elle va pouvoir présenter son offre. Au

contraire, Dans l’appel d’offre restreint, le pouvoir adjudicateur peut décider de limiter le

nombre de candidatures, ne permettant ainsi qu’aux candidats retenus de présenter ses

prestations.

Tout d’abord, en ce qui concerne les appels d’offres ouverts, les acheteurs publics disposent

d’une marge de manœuvre limitée dans le cadre de l’admission des candidatures. En effet, dès

lors que les candidats ont fourni les documents renseignés et que ces documents ne permettent

pas de remettre en cause la capacité financière ou technique de l’entreprise à exécuter le

marché, l’acheteur est tenu de considérer la candidature comme recevable. En conséquence,

l’acheteur public ne peut pas rejeter une candidature sur le seul fondement de ce que ce

produit n’est pas « vert », si cette considération n’influe pas objectivement sur la capacité de

l’entreprise à exécuter le marché conformément aux attentes de l’acheteur.

Ensuite, en ce qui concerne les appels d’offres restreint et l’ensemble des procédures de

passation qui autorisent la personne publique à limiter le nombre de candidats qui seront

admis à présenter une offre, la solution est un peu différente. En effet, dans cette hypothèse, la

personne publique va, préalablement au lancement de la consultation, déterminer le nombre

de candidats qui seront sélectionnés et ensuite admis à présenter une offre. Si le nombre de

candidatures qui sont admissibles est supérieur au nombre fixé par l’acheteur, alors celui-ci

devra faire un choix entre les candidatures. L’acheteur établit alors un classement des

différentes candidatures et retient celles qui présentent les meilleures capacités

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environnementales d’exécution du marché. Les critères permettant le classement des

candidatures doivent permettre de déterminer le candidat qui dispose des moyens matériels,

humains, techniques et financiers les plus importants pour réaliser le marché. Si le marché en

cause nécessite une expérience ou un savoir-faire particulier dans le domaine

environnemental, un tel critère pourra être retenu pour classer les candidatures des différents

candidats et éventuellement en éliminer certains.

B – Une sélection qualitative des candidatures

Les candidats peuvent être sélectionnés sur la base de leur aptitude technique à répondre à des

exigences environnementales. Le critère de sélection a pour effet, lors de l’appréciation des

capacités techniques du candidat, de vérifier l’aptitude des candidats à travailler

« proprement » au regard de la protection de l’environnement. L’acheteur peut sélectionner

les candidatures sur la base de leur capacité technique en matière de protection de

l’environnement (1), ainsi que sur leur mise en œuvre d’une gestion environnementale (2).

1 – La capacité technique environnementale

L’acheteur peut exiger un niveau de capacité technique minimale, dont la preuve peut être

apportée grâce à des certificats de qualité.

a – L’exigence de capacités minimales

Le Code des marchés publics issu du décret du 7 janvier 2004 a permis de prendre en compte

les capacités des entreprises en matière environnementale, en prévoyant en son article 45 qu’

« au titre des capacités professionnelles, peuvent figurer des renseignements sur le savoir-

faire des candidats en matière de protection de l’environnement ». Cependant, « il ne peut

être exigé que des niveaux minimaux de garanties et de capacités, qui sont liés et

proportionnés à l’objet du marché ».

Le Code des marchés publics fixe de manière limitative la liste des documents et les

renseignements pouvant être demandés aux candidats. L’acheteur public est autorisé à exiger

la production de certificats, établis par des organismes indépendants, et attestant leur capacité

à exécuter le marché. En effet, l’acheteur public ne peut en principe exiger des candidats que

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41

des renseignements ou documents permettant d’évaluer leurs expériences, leurs capacités

professionnelles, techniques, financières, ainsi que les documents relatifs aux pouvoirs des

personnes habilitées à les engager. Selon la circulaire du 3 août 2006 portant manuel

d’application du Code des marchés publics, « l’article 45 relatif à la présentation des

candidatures autorise les acheteurs publics à examiner le savoir-faire des candidats en

matière de protection de l’environnement au travers de l’appréciation de leurs capacités

techniques ».

Cette possibilité ouverte par le Code de demander aux candidats des renseignements relatifs à

leur savoir-faire en matière de protection de l’environnement doit répondre aux mêmes

conditions que celles relatives à la capacité technique et financière des candidats. L’acheteur

public ne dispose donc pas de la possibilité de prendre en compte d’éventuels aspects

environnementaux pour apprécier les candidatures en dehors de ce qui est strictement

nécessaire à l’exécution du marché. C’est seulement lorsque la capacité technique de

l’entreprise à exécuter le marché nécessite la prise en compte d’aspects environnementaux

que ceux-ci peuvent rentrer en ligne de compte pour admettre ou rejeter les candidatures des

soumissionnaires. Il ne peut donc favoriser une candidature qui présente davantage de

capacités en matière environnementales si ces considérations environnementales n’apportent

pas uniquement la preuve que l’entreprise dispose de moyens et d’expériences plus à même

d’exécuter le marché qu’un autre candidat. En effet, il est nécessaire que le moyen de preuve

utilisé de la capacité technique du candidat ait un impact sur la qualité de la fourniture ou sur

la capacité d’une entreprise à exécuter un marché avec des exigences environnementales. Il

doit donc toujours être liée à l’objet du marché. Par exemple, une société de nettoyage

certifiée pourrait être favorisée si l’objet du marché est le nettoyage d’un bâtiment respectant

l’environnement.

Par ailleurs, une des mesures destinées à favoriser l’accès des PME à la commande publique

peut indirectement être propices à l’insertion de considérations environnementales. Aux

termes de l’article 52 alinéa 4 du Code, le pouvoir adjudicateur se voit interdire d’éliminer

tout candidat sous prétexte qu’il ne possède pas de références à de précédents marchés de

même nature. Une telle disposition peut ainsi jouer en faveur des entreprises, qui se lancent

dans la voie de l’achat durable.

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42

Parmi les critères relatifs à la capacité technique, l’acheteur ne peut utiliser que partiellement

le registre des marchés réalisés précédemment afin d’exiger des sociétés une expérience de ce

genre de marché. Si le marché en cause nécessite objectivement une capacité particulière en

matière environnementale, alors l’inexpérience de l’entreprise en cette matière peut n’être

qu’un indice pour prouver l’incapacité de celle-ci à exécuter le marché et justifier le rejet de

sa candidature. Toutefois, l’introduction de cette précision constitue une reconnaissance

expresse de ce que la capacité professionnelle des entreprises est susceptible de s’apprécier en

fonction de leur savoir-faire en matière environnementale. Par exemple, si l’acheteur public

estime qu’une expérience environnementale est nécessaire pour la construction d’une usine de

traitement de déchets, le candidat disposant de cette expérience sera favorisé. Cette

disposition favorise notamment l’accès des PME aux marchés publics et les entreprises de

création récente. En effet, dans un arrêt récent58, le Conseil d’Etat juge que les entreprises

récemment créées peuvent justifier leurs capacités professionnelles par « d’autres moyens ».

b – L’attrait des certificats de qualité

Les soumissionnaires peuvent ainsi être tenus d’apporter la preuve de leur capacité technique,

et plus particulièrement de la qualité de leurs produits par le biais de certificats attestant la

conformité des prestations demandées à des normes.

Selon l’article 48 de la directive 2004/18/CE consacré aux capacités techniques et/ou

professionnelles des candidats, les pouvoirs adjudicateurs peuvent en effet, pour les marchés

de travaux ou de services, vérifier l’aptitude des candidats notamment à partir des normes de

gestion environnementale qu’ils seraient en mesure d’appliquer pour l’exécution du marché,

ainsi que pour les marchés de fournitures, exiger des certificats attestant la conformité de

produits à certaines spécifications ou normes. En outre, l’article 45 du Code des marchés

publics prévoit expressément que l’acheteur public peut à ce titre « demander aux opérateurs

économiques qu’ils produisent des certificats de qualité ». Ces normes de garantie de la

qualité sont délivrées par des organismes indépendants, en étant fondées sur des normes

58 Conseil d’État, 10 mai 2006, Société Bronzo.

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43

européennes ou internationales59. Les plus connus sont Qualibat, Promotelec, Climsure,

Imprim’vert ou encore Qualibert automobile60.

L’acheteur public qui fait référence à une de ces qualifications doit toutefois se montrer

vigilant et toujours admettre les équivalences. En effet, les directives du 31 mars 200461 ainsi

que l’article 45 du Code des marchés publics précise que le pouvoir adjudicateur doit

« accepter tout moyen de preuve équivalent ainsi que des certificats équivalents d’organismes

établis dans d’autres Etats membres ». L’absence de mise en oeuvre d’un tel système ne peut

mener à l’exclusion d’un candidat. Au stade de la sélection qualitative des candidats, la

certification de l’entreprise est un moyen de preuve de la capacité technique exigée, mais non

exclusif. En toute hypothèse, il convient de viser le référentiel retenu ou son équivalent,

l’entreprise candidate pouvant ne pas être certifiée tout en ayant mis en place un dispositif

interne qu’il conviendra d’évaluer. Dans ce cas, l’entreprise apportera les éléments

d’informations pertinents pour prouver cette équivalence. Par conséquent, l’acheteur public

est tenu d’accepter tout autre moyen de preuve que le candidat remplit les conditions exigées

pour la participation à l’appel d’offre.

2 – L’environnement dans la structuration interne de l’entreprise

La nouveauté, dans le Code des marchés publics 2006, est l’article 45-11 alinéa 3. Au stade

de la candidature, après avoir éliminé tous ceux qui ne sont pas habilités à soumissionner, les

candidatures doivent être sélectionnées par rapport aux capacités techniques, économiques,

financières et professionnelles. Au niveau de la capacité financière et économique, le

développement durable s’introduit difficilement. Par contre au niveau de la capacité technique

et professionnelle, l’article 45-II alinéa 3 dispose que, « pour les marchés de travaux et de

services dont l’exécution implique la mise en œuvre de mesures de gestion

environnementale », l’acheteur public peut donc réclamer des certificats de capacité

technique.

59 Article 49 de la directive 2004/18/CE. 60 Une fois les critères de certification définis, la phase de marché consiste à informer le consommateur en autorisant l’entreprise à utiliser l’écolabel, moyennant une redevance annuelle qui correspond à un pourcentage des ventes annuelles de ce produit par l’entreprise. 61 Directive 2004/17/CE, art. 52§3, consid. 53 ; Directive 2004/18/CE, art. 50, consid. 44.

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44

Les systèmes de management environnemental sont des programmes volontaires auxquels

participent les entreprises publiques ou privées désireuses d’améliorer la performance

environnementale de leurs installations, équipements, mais aussi de leurs personnels, dans le

but d’en connaître les différents dysfonctionnements et de pouvoir y remédier. A cette fin, les

entreprises s’engagent à évaluer et gérer les impacts significatifs de leurs activités sur

l’environnement et à tenir le public informé des résultats obtenus.

Outre ces possibilités décrites dans le Code des marchés publics, certains règlements internes

des marchés ou chartes de bonne conduite en matière d’achats incitent l’acheteur à aller plus

loin dans sa prise en compte de l’environnement.

La Chambre de Commerce Internationale a élaboré un document en 1990 intitulé la « Charte

des entreprises pour le développement durable », dont les seize principes reprennent toutes

les orientations essentielles du management environnemental, rappelant que la protection de

l’environnement doit être l’une des premières priorités de l’entreprise. Au niveau européen,

deux référentiels tendent aujourd’hui à s’imposer, au détriment des référentiels nationaux ou

sectoriels. D’une part, le règlement 761/2001/CE du 19 mars 2001, modifiant le règlement

CEE n° 1836-93 du 29 juin 1993, dit règlement « éco –audit » ou EMAS62, a élargi le champ

d’application du règlement, auparavant limité au secteur industriel, et aujourd’hui susceptible

de concerner « toutes les organisations ayant un impact environnemental ». Et d’autre part, le

système de certification ISO 14 001 a intégré des septembre 1996 des normes de management

environnemental. La communication de la Commission européenne du 4 juillet 2001 explique

que « des systèmes de management environnemental ont été établis par une norme

internationale (ISO 14001) et un règlement CE (EMAS) ».

Le système EMAS fournit un cadre transparent, adapté aux besoins de l’entreprise, évolutif et

sujet à des contrôles réguliers. Parmi les obligations qu’imposent ces systèmes de

management environnemental, l’entreprise doit s’engager à promouvoir une véritable

politique environnementale qui repose sur la conformité des prestations et de l’entreprise avec

toute la législation environnementale applicable, la lutte contre la pollution et l’amélioration

continue de la performance environnementale. Ils garantissent ainsi la mise en oeuvre d’un

système de management environnemental, et donc un travail global sur l’activité pour assurer

62 « Environmental managment and audit scheme ».

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une optimisation de la gestion de l’environnement de l’organisme considéré. Ce système est

efficace et prend tout son sens, lorsqu’il permet par exemple d’améliorer la performance

environnementale lors des livraisons. Ces référentiels étant d’application volontaire et du fait

que chaque entreprise fixe ses propres exigences, l’acheteur public devra connaître le

périmètre de certification et les engagements pris par l’entreprise.

Le management environnemental concerne de façon de plus en plus prégnante la question de

l’intégration de considérations environnementales dans les marchés publics, compte tenu de la

tendance actuelle de l’administration à externaliser une grande partie des prestations dont elle

a besoin. L’adoption d’une démarche de certification EMAS ou ISO est très intéressante, en

ce qu’elle marque une prise de conscience et une volonté d’action certaines de la part du

secteur privé. De ce fait, depuis 1987, le ministère de l’Écologie, du Développement et de

l’Aménagement durables organise les « Prix Entreprises et Environnement », récompensant

des entreprises qui ont engagé des démarches environnementales performantes en vue de

maîtriser et de réduire les impacts de leurs activités, de leurs produits et de leurs services sur

l’environnement63.

Ainsi, ne pouvant exercer qu’un contrôle très restreint sur les modes de fonctionnement de ses

cocontractants, elle peut conserver grâce au mangement environnemental un certain niveau

d’exigence, sinon en dirigeant, du moins en observant et orientant l’organisation interne de

ses partenaires. Cependant, le fait d’adhérer à un système de mangement environnemental est

une obligation de moyens, mais en aucun cas une obligation de résultat. Dans son rapport de

1999, P. Kerjolis rappelle que « la certification ISO 14 001 et l’enregistrement Eco–audit,

contrairement aux éco-labels, n’apportent aucune garantie sur la qualité environnementale

des produits fabriqués sur ce site ».

Par conséquent, des aspects environnementaux peuvent ainsi être pris en considération au

stade de l’examen des candidatures. Mais cette prise en compte ne peut être qu’indirecte dans

la mesure où elle n’est possible qu’à la condition qu’elle permette d’apprécier la capacité de

l’entreprise à exécuter le marché. La certification environnementale des entreprises ne peut

constituer qu’un élément de référence et d’information du maître d’ouvrage.

63 L’ensemble des dimensions du développement durable sont intégrées dans les critères de sélection des Prix, les impacts sociaux et économiques liés aux réalisations environnementales des entreprises candidates étant pris en compte par le jury. Les meilleurs dossiers seront transmis à la Commission européenne pour participer aux « European Business Awards for the Environment ».

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46

II – Les critères de choix des offres

Une fois les candidats sélectionnés, les offres sont évaluées et le marché est attribué.

L’attribution du marché est la phase ultime de la procédure de passation des marchés. A ce

stade de la procédure, l’acheteur public évalue la qualité de l’offre et compare les prix, pour

en déduire globalement la plus avantageuse, tous critères confondus.

Selon la communication de la Commission européenne du 4 juillet 2001, le choix des critères

d’attribution doit être dicté par l’avantage économique que ces critères sont susceptibles

d’apporter à l’acheteur public. Dès lors, selon la Commission, les critères environnementaux

ne peuvent, en tant que tel, constituer des critères d’attribution dans la mesure où ils ne

seraient pas susceptibles d’apporter, à eux seuls, un avantage économique aux pouvoirs

adjudicateurs. Cependant, la Cour de justice a donné une interprétation différente de la

possibilité de recourir aux critères environnementaux, permettant ainsi d’isoler le critère

environnemental comme critère d’attribution à part entière. C’est cette interprétation qui a été

reprise par les directives du 31 mars 2004 ainsi que par le Code des marchés publics issu du

décret du 7 janvier 2004.

Les acheteurs publics peuvent prendre en compte des considérations environnementales au

stade du jugement de l’offre économiquement la plus avantageuse, au travers des critères dits

traditionnels (A), mais également au travers de véritables critères d’attribution à caractère

environnemental (B).

A – Les critères d’attribution traditionnels

Les acheteurs publics peuvent, de manière indirecte, introduire des considérations

environnementales au stade de l’examen des offres par une approche « cycle de vie » du

produit (1). Ce critère permet de dépasser la distinction classique opérée entre la prise en

compte de l’environnement et la nécessaire performance budgétaire (2).

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1 – L’approche « cycle de vie » du produit

Lorsque l’autorité adjudicatrice se fonde sur une pluralité de critères, pour attribuer le marché

au candidat qui a présenté l’offre la plus avantageuse, les articles 55 de la directive secteurs

spéciaux et 53 de la directive secteurs classiques ainsi que l’article 53-1-1° du Code des

marchés publics lui permettent de retenir les critères de la rentabilité64, des performances en

matière de protection de l’environnement, ainsi que du coût global d’utilisation.

Les critères qui concourent à l’établissement du coût global de l’opération pour le maître de

l’ouvrage se rapportent au délai d’exécution65, au coût d’entretien, de maintenance,

d’utilisation et d’exploitation. Ces coûts sont à ajouter au prix de l’offre pour établir un coût

global, notamment le « coût sur le cycle de vie ».

L’introduction de la notion de durabilité dans une politique d’achat conduit à prendre en

compte le cycle de vie du produit « du berceau à la tombe ». La prise en compte du coût

global d’acquisition marque une rupture avec les décisions traditionnelles d’achats, en

intégrant les externalités environnementales du produit ou du service. En effet, « le coût

global correspond à la somme des dépenses sur l’ensemble de la vie d’un produit, et cela

pour un usage donné »66.

Généralement, le prix demandé par le soumissionnaire comprend l’ensemble des dépenses

encourues dans l’élaboration du produit ou de l’ouvrage du marché. Ce prix d’achat ne

représente qu’un seul élément du coût qu’engendre tout le processus de passation du marché,

d’utilisation et d’élimination. La méthode de la prise en compte du coût des produits tout au

long de leur existence consiste à inclure dans le calcul du coût les dépenses non encore

engendrées mais qui découlent nécessairement de l’utilisation de l’objet du marché et devront

être supportées par l’autorité publique. Elle révèle ainsi les coûts réels d’un marché, résultant

du prix d’acquisition, du coût d’utilisation, du coût d’élimination pour procéder à l’examen du

« coût global ».

64 Le critère de rentabilité a un fondement juridique communautaire. Il était déjà présent dans le Code des marchés publics de 2001. Après avoir été supprimé dans le Code de 2004, il a été réintroduit afin d’ouvrir au maximum toutes les possibilités que donnait la directive. 65 A défaut d’être chiffré en coût, le délai d’exécution peut être traité en critère de qualité ; il peut aussi être pris en compte, non pas au stade de l’attribution du marché, mais lors de son règlement (prime ou pénalité, loyer pour occupation du site). 66 Patrick Caverivière, Le guide de l’acheteur, Éditions DEMOS, 2002, p. 160.

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Les performances en matière de protection de l’environnement sont inscrites à l’article 53 de

la directive et dans son considérant. Officiellement, c’est un critère de sélection des offres. La

validité juridique d’un tel critère est consacrée. La prise en compte de la durabilité du produit,

en mettant l’accent sur la performance environnementale du produit, permet de lutter contre le

gaspillage des ressources. L’analyse des coûts doit ainsi prendre en compte la diminution des

stocks de ressources non renouvelables, en particulier énergétiques, qui engendre à court

terme un nécessaire réexamen des approvisionnement. Certains biens, jusqu’alors gratuits,

comme le CO2, entrent dans la sphère économique et financière et bouleversent les règles

d’évaluation économique et de sensibilisation.

Cette approche favorise les solutions les moins consommatrices d’énergies, et met en

évidence les avantages à long terme de choix respectueux de l’environnement. Lors de l’achat

de véhicules, le pouvoir adjudicateur peut, par exemple, utiliser un critère « coût global

d’utilisation » sur 5 ans qui intègre, le coût d’achat, la consommation de carburant, la

maintenance et la reprise du véhicule en fin de vie par le fournisseur.

Ainsi, il devrait être possible de transposer le critère environnemental en un critère d’ordre

économique.

2 – Le dépassement de la distinction environnement/prix

Le critère prix n’est pas un critère comme les autres. Il est d’abord toujours un critère

pertinent67. L’offre économiquement la plus avantageuse est en effet par définition68 celle qui

conduit au meilleur rapport qualité/prix, le critère du prix s’opposant ainsi à l’ensemble des

critères de qualité.

Néanmoins, par l’adoption d’une approche « cycle de vie » du produit, l’acheteur public met

en place une politique d’économie des coûts et parallèlement celle de la protection de

l’environnement. En effet, la prise en compte du coût global lié à l’investissement et au

fonctionnement, permet de faire apparaître le bénéfice économique de l’achat éco-

67 Exceptionnellement, le prestataire peut être rétribué par d’autres moyens, pourvu que le marché reste un contrat à titre onéreux (article 1er du Code des marchés publics). 68 Considérant 54 de la directive 2004/17/CE ; Considérant 46 de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004.

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responsable, en tenant compte des contraintes qui sont imposées aux acheteurs en matière de

financement et du cloisonnement très fréquent entre investissement et fonctionnement.

D’une part, les marchés publics passés avec le seul souci de la dépense immédiate s’avèrent, à

terme, générateurs de surcoûts, notamment liés au coût des avenants, aux dépenses de

fonctionnement non maîtrisées, mais aussi au coût des dommages et des pollutions non

maîtrisées. L’impératif de gestion budgétaire peut aboutir à imposer une économie sur le coût

d’investissement ou de rénovation d’un bâtiment, ce qui risque souvent de se traduire par une

augmentation des coûts de fonctionnement, liés à l’augmentation des coûts de chauffage dus à

une isolation de moindre qualité.

D’autre part, lors de l’acquisition des produits ou services intégrant une meilleure qualité

environnementale, en raison de l’exigence requise des produits à fort contenu en Recherche &

Développement, l’acheteur public doit, en principe, prévoir des coûts supplémentaires par

rapport aux produits standards ayant les mêmes aptitudes d’usage. Cependant, dès lors que

l’on tient compte des coûts d’utilisation, des externalités environnementales, le constat

s’inverse comme le montre de nombreux exemples. Le « passeport écoproduit » de l’Agence

de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie illustre, avec l’exemple des ampoules fluo

compactes, l’intérêt d’intégrer les coûts d’investissement et les coûts de fonctionnement dans

l’analyse des coûts. Par exemple, le plus emblématique des marchés responsable passés par la

ville de Lille en décembre 2004 concerne l’éclairage public, qui a permis une baisse des

consommations d’énergie de plus de 35%. C’est par ces preuves financières que les tenants du

développement durable doivent inciter les acheteurs publics à intégrer l’environnement dans

les procédures de passation des marchés publics.

De plus, l’intégration du critère « coût global d’utilisation » dans la sélection des offres à un

marché public n’est qu’un moyen pour satisfaire aux exigences de performance budgétaire,

prescrite par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 réformant

profondément le budget de l’Etat. Ainsi, des audits de modernisation des achats publics ont

été mis en oeuvre par le ministère du Budget et de la Réforme de l’Etat afin d’identifier les

leviers d’actions permettant d’assurer un meilleur service public au meilleur coût. La prise en

compte du développement durable se matérialise par l’accès de chaque gestionnaire de site

administratif de l’Etat à un tableau de bord retraçant ses consommations d’eau, d’énergie, ses

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pratiques de gestion des déchets, de déplacements et de véhicules. Des économies budgétaires

peuvent se réaliser, tout en prenant en compte la préservation de l’environnement.

Dès lors, l’approche « coût du cycle de vie » du produit permet de ne plus strictement opposer

l’achat public durable et la bonne utilisation des deniers publics. Parallèlement, les acheteurs

publics peuvent prendre introduire de véritables critères d’attribution à caractère

environnemental.

B – Le critère purement environnemental

Dans un contexte de mise en oeuvre du développement durable, la possibilité d’achat

écologique a été renforcée par l’introduction d’un nouveau critère pertinent caractérisant la

qualité environnementale de l’offre (1). Ce critère d’attribution, de nature non économique,

devient un moyen de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse (2).

1 – La reconnaissance de la légalité de critères d’attribution à vocation

environnementale

En premier lieu, la Cour de justice se prononça explicitement en faveur du critère

d’attribution de nature environnementale dans la passation des marchés publics (1). En second

lieu, la réglementation des marchés publics, tant communautaire que nationale, confirma cette

solution jurisprudentielle (2).

a – La position favorable de la jurisprudence communautaire

Dès le début des années 90, les juridictions nationales et communautaires sont amenées à se

prononcer sur la légalité de l’intégration de considérations d’ordre social dans les marchés

publics. Ces décisions vont constituer les prémisses des solutions relatives à l’introduction de

considérations environnementales dans les marchés publics. En effet, les conditions de

légalité présidant à l’introduction de ces deux types de considérations sont les mêmes. Ainsi,

même si les juges n’ont d’abord été amenés qu’à se prononcer sur la légalité de l’introduction

de considérations sociales dans les marchés publics, ils tiendront plus tard une analyse

juridique similaire s’agissant des modalités de prise en compte de considérations

environnementales dans les marchés publics.

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i – La légalité de critère d’attribution à dimension sociale

Le juge communautaire a plus facilement accepté de prendre en compte le critère social dans

la passation des marchés publics que le juge national. Ainsi, dans un arrêt du 26 septembre

2000, Commission c/ France, la Cour de justice se prononce en faveur de la légalité de

l’utilisation d’un véritable critère d’attribution à caractère social pour déterminer le choix de

l’offre économiquement la plus avantageuse. Dans cette affaire, la région Nord-Pas-de-Calais

et le département du Nord avaient dans le cadre d’un « plan lycée » publié plusieurs avis de

marché concernant la construction de bâtiments scolaires. S’inspirant de la circulaire

interministérielle du 29 décembre 1993, ces avis se référaient à différents critères de

jugements des offres, parmi lesquels un critère additionnel lié à la lutte contre le chômage. La

circulaire visée autorisait, au titre des critères d’attribution des marchés publics, l’insertion

d’un critère additionnel relatif à la création d’emplois et à la formation professionnelle en sus

des critères d’attribution visés par les articles 97 et 300 de l’ancien Code des marchés publics.

Cependant, elle précisait que, en aucun cas, les propositions des candidats en matière

d’emplois et de formations professionnelles ne pourraient suppléer ou même influer sur le

choix de l’offre. En d’autres termes, ce « critère » social ne constituait pas un véritable critère

d’attribution dès lors qu’il était interdit par la circulaire d’en tenir compte pour départager les

offres. Transposant les principes dégagés dans l’arrêt Beentjes69, la Cour de justice a reconnu

la licéité du critère du mieux-disant social, sous réserve des principes fondamentaux du droit

communautaire et des règles procédurales applicables à la passation des marchés publics.

En dépit de la fermeté de la Cour de justice, la juridiction administrative française a maintenu

sa jurisprudence restrictive en la matière. En effet, plusieurs décisions issues des juridictions

administratives, intervenues postérieurement à celles de la Cour de justice, furent interprétées

comme interdisant l’introduction de critères d’attribution à caractère social dans les marchés

publics70.

69 CJCE, 20 septembre 1988, aff. 31/87, Beentjes : Rec. CJCE 1988, p. 4635. 70Tribunal administratif de Strasbourg, 30 novembre 1999, Préfet du Bas-Rhin c/ Communauté urbaine de Strasbourg; Conseil d’État, 25 juillet 2001, Commune de Gravelines.

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ii – La légalité de critère d’attribution à caractère environnemental

C’est la Cour de justice qui a pour la première fois répondu à la question que se posait,

notamment l’association Greenpeace : « Un marché public peut-il juridiquement contenir une

clause imposant des critères environnementaux ? »71.

Dans une décision du 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland72, la Cour de justice affirme

la légalité de l’utilisation de critère d’attribution à dimension environnementale de manière

expresse. Cet arrêt indique, en effet, sans ambiguïté, d’une part qu’un critère d’attribution à

caractère environnemental peut être introduit pour le jugement de l’offre économiquement la

plus avantageuse, et d’autre part, les conditions de régularité de l’utilisation de tel critère.

En l’espèce, le Conseil municipal d’Helsinki avait décidé de soumettre progressivement à

l’adjudication l’ensemble du réseau d’autobus urbains. Au 1er septembre 1997, l’office

d’approvisionnement de la ville a sollicité des offres pour la gestion du réseau d’autobus

urbains. Selon l’avis de marché, l’adjudicataire serait l’entreprise qui ferait l’offre la plus

avantageuse pour la municipalité sur le plan économique global, en tenant compte de trois

catégories de critères, relatifs au prix global demandé pour l’exploitation, à la qualité du

matériel des autobus et à la gestion par l’entrepreneur en matière de qualité et

d’environnement. L’entreprise Concordia, en l’espèce la « moins-disante », intenta alors un

recours en annulation en faisant valoir notamment que l’attribution de points supplémentaires

pour un matériel écologique moins polluant, tant du point de vue des émissions d’oxyde

azotique que du niveau sonore extérieur, était inéquitable et discriminatoire du fait qu’un seul

soumissionnaire, HKL, avait la possibilité de proposer des autobus fonctionnant au gaz

naturel.

La Cour a d’abord relevé qu’aux termes de la lettre de l’article 36 de la directive 92/50/CEE

du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination de procédure de passation des marchés

publics de services, intitulé « critères d’attribution du marché », les critères pouvant être

retenus n’étaient pas énumérés limitativement, tels que l’arrêt antérieur de la Cour du 12

octobre 2001, SIAC Construction, l’avait affirmé. Puis, elle a affirmé que l’article 36,

paragraphe 1, sous a) n’impliquait pas que tous les critères d’attribution doivent

71 Greenpeace France, Forêts anciennes, Agir localement, n° 1, avril 2003, p. 2. 72 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland : Rec. CJCE 2002, I, p. 7213 et p. 7215, concl. J. Mischo

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nécessairement être de nature « purement économique », comme l’illustre à titre d’exemple, le

critère tiré du caractère esthétique d’une offre. Elle en a déduit que ledit article « n’exclut pas

la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’utiliser des critères relatifs à l’environnement »

dans le cadre de l’appréciation de l’offre économiquement la plus avantageuse. La Cour de

justice a ainsi suivi la position de l’avocat général J. Mischo , lequel au point 77 de ses

conclusions mentionnait « qu’on ne saurait interdire à un pouvoir adjudicateur de prescrire

l’utilisation de matériel qui correspond aux meilleures techniques disponibles, même s’il

attache surtout de l’importance à l’une des qualités de ce matériel, à savoir ses

caractéristiques en matière d’émissions de gaz et de bruit des moteurs ».

La Cour a estimé qu’un critère relatif à la protection de l’environnement répondait aux

exigences d’une telle protection prévue par l’article 6 du Traité instituant la Communauté

européenne et s’inscrivait au même titre que le marché lui-même dans la mise en œuvre des

actions de la Communauté. De plus, la Commission avait indiqué dans une Communication

relative aux marchés publics du 27 novembre 1996 que « d’une manière générale, toute

administration qui le désire peut, lors de la définition des produits et des services qu’elle

entend acheter, choisir les produits et services qui correspondent à ses préoccupations

environnementales. Les mesures prises doivent, bien entendu, être conformes aux règles et

principes du traité, notamment au principe de non discrimination ». Or, pour l’avocat général

J. Mischo, un critère d’ordre écologique se justifie « s’il présente un avantage pour d’autres

que l’entité adjudicatrice ou pour l’environnement en général »73. La Cour de justice a retenu

l’argument de la ville, relevant qu‘ « en tant que principal financeur de la politique de santé

publique locale, la ville a un intérêt économique direct à l’amélioration de la qualité de l’air

et à la diminution du taux d’émission de substances polluantes des bus circulant sur son

territoire ».

Par conséquent, la Cour de justice admet la licéité d’un critère servant l’intérêt général parmi

les critères d’attribution d’un marché public. Selon l’avocat général Jean Mischo, « l’idée

selon laquelle des critères servant l’intérêt général peuvent figurer parmi les critères

d’attribution d’un marché public me paraît d’ailleurs répondre à une certaine logique, voire

à une logique certaine. En effet, les autorités publiques ayant par essence vocation à servir

l’intérêt général, celui-ci doit pouvoir les inspirer également si elles concluent un marché

73 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, concl. J. Mischo, pt 105.

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public ». En définitive, la Cour de justice a fait application au critère écologique de la

jurisprudence sur le critère du « mieux-disant social ».

Rappelant explicitement l’arrêt Concordia Bus Finland, la Cour de justice dans l’arrêt du 4

décembre 2003, EVN et Wienstrom, relative à un marché de fourniture d’électricité produite à

partir de sources d’énergie renouvelables, confirme la validité de la prise en compte du critère

environnemental pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

En l’espèce, l’attribution du marché à la société KELAG, meilleure sur le plan économique et

disposant de la plus importante quantité d’énergie verte, avait été contestée par le groupement

constitué par les sociétés EVN AG et Wienstrom pour répondre à l’appel d’offres. En effet, ce

groupement avait jugé illégal le critère même de « l’électricité produite à partir de sources

d’énergie renouvelable ». Le juge national avait été amené à saisir la CJCE de plusieurs

questions préjudicielles, mais seule la première concerne directement la question du critère

environnemental. Le critère d’attribution en cause était affecté d’un coefficient de 45% et

« exigeait du soumissionnaire, sans imposer de date de fourniture déterminée, qu’il indique la

quantité d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables qu’il serait en mesure de

fournir à une clientèle non définie, le soumissionnaire indiquant la quantité la plus

importante se voyant attribuer le maximum de points, étant précisé que seule était prise en

compte, la fraction dépassant la consommation prévisible dans le cadre de l’appel d’offres ».

Même si les modalités techniques de distribution de l’énergie électrique interdisent de

connaître la source du courant délivré à tel ou tel client particulier, en revanche, il est possible

de calculer la part que représente l’énergie verte dans le total de l’énergie délivrée par un

distributeur quelconque.

La Cour de justice rappelle que, conformément à la solution dégagée dans l’arrêt Concordia,

la légalité d’un critère d’attribution n’est pas conditionnée par le fait qu’il procure un

avantage purement et directement économique. Ce qui doit procurer un avantage économique,

c’est l’ensemble des critères choisis, ce qui ne signifie pas que chaque critère d’attribution

doit nécessairement, en tant que tel procurer un avantage économique. Cela signifie

également que le critère environnemental ne peut pas être le seul à permettre l’attribution du

marché. Il n’est pas nécessaire que chacun des critères d’attribution présente pour le pouvoir

adjudicateur un avantage économique, mais, que les critères d’attribution économiques et

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environnementaux confondus, permettent de déterminer le meilleur rapport qualité/prix. La

Cour confirme donc le principe de légalité de la fixation de critères d’attribution écologique.

b – La réglementation confirmative des solutions jurisprudentielles

Après ces deux arrêts fondamentaux de la Cour de justice, la réglementation s’est alignée sur

les principes ainsi dégagés à l’occasion de la réforme d’ensemble du droit communautaire des

marchés publics.

D’une part, les deux directives marchés publics du 31 mars 2004 sont venues confirmer

l’ouverture jurisprudentielle. Après avoir rappelé dans un premier considérant les quatre

conditions posées par la Cour, les article 55 de la directive secteurs et 53 de la directive

« classique » intègrent « les caractéristiques environnementales » parmi les critères exprès de

choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. En effet, selon la jurisprudence

communautaire, ces critères d’ordre environnemental ne peuvent être pris en considération

pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse que sous quatre conditions.

Selon l’arrêt de la Cour de justice du 10 avril 2003, Commission c/ RFA, ils doivent être non

seulement liés à l’objet du marché, ne pas conférer au pouvoir adjudicateur une liberté

inconditionnée de choix, être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans

l’avis de marché, mais également respecter tous les principes fondamentaux du droit

communautaire et notamment le principe de non discrimination.

D’autre part, en droit interne, l’article 53 du Code des marchés publics de 2001 donnait une

liste indicative de critères qui ne mentionnait pas les préoccupations environnementales, « ce

qui était généralement interprété comme signifiant que le législateur n’envisageait pas une

prise en compte à ce stade »74. Cependant, le texte précisait que d’autres critères, dits

additionnels, pouvaient être retenus dans la mesure où ils étaient justifiés par l’objet du

marché ou par ses conditions d’exécution. En effet, la liste des critères cités demeure

indicative et non obligatoire. Un critère additionnel est l’équivalent d’un critère subsidiaire en

ce sens qu’il permet de déterminer, en dernier ressort, l’offre économiquement la plus

avantageuse. Il n’est donc utilisé que dans l’hypothèse où plusieurs offres sont jugées

équivalente Or, le caractère équivalent de deux offres est difficile à apprécier en toute

74 G. Cantillon, La clause d’insertion sociale dans les marchés publics, Revue Lamy des Collectivités territoriales, novembre 2006, n° 18, p. 55.

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objectivité et est, donc, susceptible d’apparaître comme discriminatoire. Suivant la

jurisprudence de la Cour de justice, ces critères additionnels ne doivent pas conférer au

pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, notamment en raison d’une trop

grande subjectivité75. Ainsi, l’acheteur se devait d’utiliser de tels critères avec une grande

prudence, afin d’éviter les risques de contentieux initiés, par exemple, par les entreprises

évincées.

Par anticipation, une décision du Tribunal administratif de Montpellier en date du 31 juillet

2001, SA Guintoli c/ Commune de Leucate, avait jugé légal, le critère écologique d’attribution

utilisé par la commune pour les travaux se déroulant dans une zone écologiquement sensible.

En l’espèce, le critère présentait avec l’objet du marché et ses conditions d’exécution un

rapport suffisant au sens de l’article 53-II du Code des marchés publics dans sa rédaction

issue du décret du 7 mars 2001.

Prenant en considération la jurisprudence Concordia Bus Finland et anticipant sur le contenu

de la nouvelle directive unifiée, le décret du 7 janvier 2004 portant Code des marchés publics

ajoute à la liste des critères de choix de l’offre économiquement la plus avantageuse énumérés

à l’article 53-II le critère des « performances en matière de protection de l’environnement ».

Ainsi, la nouvelle réglementation confère au critère écologique plus de sécurité juridique en

lui décernant le statut de critère réglementaire d’attribution en lieu et place du statut de critère

additionnel d’attribution.

Enfin, la règle posée à l’article 5 du Code des marchés publics de 2006 selon laquelle la

nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision « en prenant en

compte des objectifs de développement durable » pourrait permettre de renforcer

l’applicabilité de ces critères.

2 – Un moyen de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse

Conformément aux objectifs du Traité CE, les pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer à la

protection de l’environnement et à la promotion du développement durable, même s’ils ne

doivent pas perdre de vue l’objectif d’un approvisionnement au meilleur rapport qualité/prix.

75 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland.

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Dans la procédure de passation, le rôle des critères d’attribution est de déterminer l’offre

répondant le mieux aux besoins du pouvoir adjudicateur. A ce titre, le pouvoir adjudicateur

doit déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, en permettant ainsi

l’introduction d’un critère environnemental, conformément à l’exigence de pondération.

a – L’option entre « mieux-disant » et « moins-disant »

Le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse est le plus couramment utilisé, en

particulier dans le cadre de marchés complexes, où les grandes variations des soumissions ne

rendent pas adéquats la comparaison sur la base du prix seulement. D’autres facteurs sont

nécessaires. La circulaire portant manuel d’application du Code des marchés publics du 3 août

2006 précise que « l’offre économiquement la plus avantageuse n’est pas nécessairement

assimilable aux prix le plus bas ». Le Code des marchés publics de 2006 ne donne pas de

définition de cette notion, autrement que sous la forme d’une liste de critères sur lesquels la

personne publique va fonder son choix.

Ainsi, pour la détermination de l’ « offre économiquement la plus avantageuse », selon la

terminologie communautaire consacrée en droit interne depuis 2001, l’option offerte entre

« mieux-disant » relative aux choix multicritères et « moins-disant » relative au critère unique

du prix est maintenue par le Code des marchés publics de 2006. Le pouvoir adjudicateur peut

donc se fonder, selon l’article 53-I du Code 2006, soit 1°/ sur « une pluralité de critères »,

soit, 2°/ « compte tenu de l’objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix ». De

nouveaux critères de sélection, tels que celui de la « qualité » ou du « caractère innovant » des

offres, permettent une évaluation d’autant plus qualitative de l’offre, favorisant le

développement de procédé satisfaisant l’objectif de développement durable.

Cependant, l’acheteur public français n’a pas de liberté discrétionnaire dans le choix entre le

« mieux » et le « moins-disant », car il doit systématiquement justifier le recours au « moins-

disant ». Et dans le cas où il décide d’attribuer le contrat au soumissionnaire présentant l’offre

la plus basse, aucune considération environnementale ne peut entrer en ligne de compte à ce

stade. Cela signifie qu’un critère d’attribution à caractère environnemental ne peut être utilisé

pour apprécier les offres que dans la mesure où il constitue un moyen de détermination de

l’offre économiquement la plus avantageuse.

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Le texte du Code des marchés publics est plus restrictif que celui de l’articles 53 de la

directive 2004/18/CE76, qui ne conditionne pas le recours au moins-disant à la justification

d’un lien avec l’objet du marché, l’option entre mieux-disant et moins-disant relevant de la

liberté de choix du pouvoir adjudicateur. L’article 53 du Code des marchés publics, dans la

mesure où il propose ce même choix au pouvoir adjudicateur, est bien conforme à la directive.

Toutefois, un décalage apparaît entre le droit interne et le droit communautaire. L’attribution

du marché se fait soit au prix le plus bas, soit à l’offre économiquement la plus avantageuse,

présentant le meilleur rapport qualité /prix. Ainsi en droit communautaire, la notion de l’offre

économiquement la plus avantageuse est réservée à l’hypothèse d’un choix multicritères. A

l’inverse, l’article 53 du Code permet de considérer que le critère exclusif du prix permet dans

certains cas de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, l’objet du marché devant

systématiquement justifier le critère des offres.

Cette distinction est en contradiction avec l’arrêt de la Cour de justice du 7 octobre 2004,

Sintesi SpA c/ Autorita per la Vigilanza sui Lavori Pubblici, lequel met en valeur qu’une

législation nationale ne peut restreindre une liberté du pouvoir adjudicateur lorsque la

directive ne le prévoit pas expressément et lorsque cette liberté assure la libre concurrence et

garantie que la meilleure offre sera retenue. Cependant, selon cette jurisprudence, la directive

« s’oppose à une réglementation qui en vue de l’attribution de marchés publics de travaux

impose de manière abstraite et générale aux pouvoirs adjudicateurs de recourir au seul

critère du prix le plus bas ». La Cour de justice avait conclu que l’ouvrage à réaliser étant

complexe, le « pouvoir adjudicateur aurait pu utilement tenir compte de cette complexité en

choisissant des critères d’attribution du marché objectifs ». Ainsi, pour la Cour de justice,

l’usage du seul critère du prix comme seul critère d’attribution n’est pas discrétionnaire.

Par ailleurs, un arrêt récent du Conseil d’Etat du 6 avril 2007, Département de l’Isère, vient

d’affirmer qu’en présence d’un marché présentant des éléments de complexité, l’usage du

seul critère du prix est considéré par le juge comme portant atteinte aux obligations de mise

en concurrence, entraînant de ce fait l’annulation de la procédure en cas de référé. L’usage du

critère du prix comme seul critère d’attribution n’est donc pas laissé entièrement à

76 L’article 53 de la directive 2004/18/CE dispose que « les critères (…) pour attribuer les marchés publics sont, soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, divers critères liés à l’objet du marché tels que la qualité, le prix, la valeur technique (…), soit uniquement le prix le plus bas ».

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l’appréciation du pouvoir adjudicateur. Le Conseil d’Etat recourt à l’argument de la

complexité qu’il tire de l’arrêt de la Cour de justice du 7 octobre 2004, mais va même au-delà

de la jurisprudence européenne en donnant au juge le pouvoir « souverain » d’apprécier la

complexité d’une opération et donc le bien fondé de l’usage du seul critère du prix.

Par conséquent, des critères d’attribution qualitatifs et économiques peuvent permettre à

l’acheteur public de répondre aux besoins de la collectivité publique concernée, tels que

définis dans les spécifications du marché.

b - L’exigence de pondération

Une offre « économiquement » la plus avantageuse ne veut pas dire « financièrement » la plus

avantageuse. Par la méthode de la pondération, l’acheteur public peut introduire des exigences

en matière de haute qualité environnementale afin de satisfaire l’objectif de développement

durable.

La pondération commence par une hiérarchisation qui consiste à déterminer l’importance de

chaque critère par rapport aux autres. Une fois établi l’ordre d’importance des critères,

l’acheteur public attribue à chacun un poids, ce qui peut se faire sous la forme d’un

coefficient ou celle d’un nombre de points. Une fois établi la liste des critères et leur

pondération, l’acheteur doit définir une grille de notation des offres.

La Cour de justice a affirmé que le choix d’un critère d’attribution, comme celui de sa

pondération, ne dépendait pas de sa dimension immédiatement économique. Selon la Cour,

« dans le respect des prescriptions du droit communautaire, les pouvoirs adjudicateurs sont

libres non seulement de choisir les critères d’attribution du marché mais également de

déterminer la pondération de ceux-ci, pour autant qu’elle permette une évaluation

synthétique des critères retenus afin d’identifier l’offre économiquement la plus

avantageuse »77. Ainsi, le choix d’un critère d’attribution à caractère environnemental ainsi

que son taux de pondération sont libres dès lors qu’ils concourent à la détermination de l’offre

économiquement la plus avantageuse.

77 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland pt 39.

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L’innovation principale du Code des marchés publics de 2006 demeure la consécration de

l’obligation de pondération. Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 29 juin 2005, Commune de La

Seyne-sur-Mer, trancha le débat, relatif à la pondération ou à la hiérarchisation des offres, en

faveur de l’obligation de principe de pondérer les critères, conformément à l’article 53 de la

directive communautaire 2004/18/CE. Le Code des marchés publics pris acte de cette

jurisprudence en énonçant à l’article 53-II que « pour les marchés passés selon une procédure

formalisée78 et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur

pondération ». Les règles afférentes à cette pondération ou à cette hiérarchisation doivent,

évidemment, faire l’objet d’une publicité79.

Les acheteurs peuvent donc influer différemment sur la prise en compte des aspects

environnementaux selon le rang auquel il place le critère environnemental par rapport aux

autres critères. La différence de méthode pour l’évaluation des offres, est qu’en cas de

hiérarchisation, le critère venant en numéro deux ne peut être pris en considération que si les

offres sont au même niveau au regard du critère venant en numéro un, et ainsi de suite. La

méthode de la pondération permet plus facilement de privilégier les offres préservant aux

mieux l’environnement. Selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 octobre 2005, Communauté

urbaine Marseille-Provence-Métropole, l’impossibilité de pondération doit être justifiée dans

le règlement de consultation. Cette justification n’est pas forcément liée à la complexité du

marché. En effet, la complexité du système d’évaluation résulte avant tout du choix du

pouvoir adjudicateur et est relativement indépendante de la complexité du marché. Les

acheteurs peuvent ainsi décider de mettre le critère environnemental au premier plan en lui

adjoignant un fort coefficient de pondération, ou à défaut en le plaçant à un rang élevé.

Les acheteurs publics peuvent ainsi donner une dimension écologique à leurs marchés sans

pour autant dénier toute importance à d’autres considérations qui peuvent leur paraître plus

essentielles. Néanmoins, tout en reconnaissant le principe de l’intégration de l’environnement

dans les marchés publics, la réglementation des marchés publics pose de nombreuses limites à

l’utilisation du « mieux-disant » environnemental.

78 Appel d’offres, procédures négociées, concours et système d’acquisition dynamique 79 CJCE, 12 décembre 2002, Uviversale-Bau AG / Entsorgungsbetriebe Simmering Gmbh.

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TITRE II : LES LIMITES A L’INTEGRATION DE CONSIDERA TIONS

ENVIRONNEMENTALES DANS LES MARCHES PUBLICS

Des obstacles juridiques s’opposent à une ouverture plus grande de la commande publique à

la prise en compte de considérations environnementales. En effet, les marchés publics

écologiques doivent respecter les principes fondamentaux de la commande publique (section

I), freinant ainsi une possible instrumentalisation de la commande publique (section II).

SECTION I : LE RESPECT DES PRINCIPES FONDAMENTAUX D E LA

COMMANDE PUBLIQUE

Les interventions en matière de développement durable renvoient avant tout aux principes qui

relèvent du droit communautaire. L’achat public participe au développement du marché

commun avant de participer au développement durable. L’espace nouveau de liberté offert à

l’acheteur public se situe impérativement dans la limite des principes fondamentaux du droit

des marchés (I), ne permettant pas l’établissement d’un protectionnisme « vert » (II).

I – La mise en œuvre d’une concurrence effective

Afin d’assurer une concurrence effective entre les candidats, les exigences environnementales

doivent être intégrées aux marchés publics dans le respect des principes essentiels régissant la

commande publique (A), en ayant recours à une analyse concurrentielle du marché (B).

A – Les principes généraux de la commande publique

Les principes fondamentaux de la commande publique sont expressément affirmés (1),

imposant à l’acheteur public de respecter en tout état de cause, les principes de liberté d’accès

et d’égalité de traitement des soumissionnaires (2) et de transparence des procédures (3).

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1 – L’affirmation des principes

Tout le droit communautaire originaire dont l’objectif fondamental est la libre concurrence

insiste sur l’interdiction de toute discrimination, reprise systématiquement dans les

dispositions de l’Accord sur les Marchés Publics, dans le droit dérivé et dans le droit interne.

Tout d’abord, l’Accord plurilatéral sur les marchés publics signé dans le cadre de

l’Organisation Mondiale du Commerce le 15 avril 1994 n’a pas en lui-même d’effet juridique

direct. Il a donc été intégré au droit communautaire notamment par les directives 2004/17 et

2004/18, ce qui explique d’ailleurs que les seuils d’application des directives, et, par ricochet

certains seuils du Code des marchés publics français, soient périodiquement modifiées80.

L’Accord comprend des règles et des obligations générales relatives tant à des principes et des

objectifs qu’à des règles concernant son champ d’application élargi ou encore la procédure de

passation. Les règles de l’Accord repose sur le principe de non-discrimination.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, même en dessous des seuils

d’application des directives, les conditions de passation doivent respecter les principes du

Traité. La Cour a ainsi jugé, que la passation de contrats non soumis aux directives devaient

tout de même respecter « les règles fondamentales du Traité en général et le principe de non-

discrimination en raison de la nationalité en particulier, ce principe impliquant, notamment,

une obligation de transparence qui permet au pouvoir adjudicateur de s’assurer que ledit

principe est respecté. Cette obligation de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur

consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel un de degré de publicité

adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le

contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication »81.

Le droit communautaire impose en tout état de cause de respecter le principe de non-

discrimination entre les nationalités, d’égalité de traitement, de transparence, mais également

de proportionnalité imposant que toute mesure choisie doit être à la fois nécessaire et

appropriée au regard du but recherché. Ces principes qui découlent du Traité, s’imposent

80 En ce qui concerne les directives, les seuils l’ont été en dernier lieu par le Règlement (CE) n° 2083/2005 de la Commission du 19 décembre 2005. 81 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98 ; CJCE, 18 novembre 1999, Union Scandinavia et 3-S, C/275/98, point 31.

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indépendamment des directives, et, en particulier, aux marchés qui n’y sont pas soumis parce

qu’ils sont au-dessous des seuils.

Les articles 2 de la directive classique et 10 de la directive secteurs spéciaux du 31 mars 2004

renvoient aux principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence des

procédures. De portée générale, cette disposition a vocation à s’appliquer à tous les stades de

la passation d’un marché. Consacrant ainsi la jurisprudence Telaustria, le considérant 2 de la

directive 2004/18 précise que « la passation des marchés conclus dans les États membres doit

respecter les principes du Traité (…), les dispositions de coordination des procédures de

passation au-delà d’un certain montant venant garantir l’effet des principes ainsi qu’une mise

en concurrence effective des marchés publics ».

De même, en droit interne, des principes similaires s’appliquent. Ainsi, l’article 1er du Code

des marchés publics renvoie-t-il aux « principes de liberté d’accès à la commande publique,

d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». Les principes

énoncés à l’article 1er du Code des marchés publics valent quelque soit le montant du

marché82.

En outre, le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 juin 200383, en se référant

explicitement aux articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de

178984, donna une valeur constitutionnelle aux principes énoncés à l’article 1er du Code des

marchés publics.

2 – Les exigences liées à l’égalité

a – Le principe d’égalité

Le principe d’égalité de traitement entre les candidats est la traduction, dans le domaine des

marchés publics, du principe général d’égalité. L’égalité de traitement des candidats à un

82Avis du Conseil d’État, 29 juillet 2002, Société MAJ blanchisserie de Pantin. 83 Décision du Conseil constitutionnel, n° 2003-473 DC, 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit. 84 Article 6 de la DDHC relatif au principe d’égalité ; Article 14 de la DDHC relatif au principe de protection des deniers publics.

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marché public se déduit de l’égalité devant les charges publiques, elle-même rattachée au

principe constitutionnel d’égalité devant la loi85.

Selon le Conseil constitutionnel86, le principe d’égalité à la commande publique « implique la

libre concurrence ». La liberté d’accès à la commande publique se distingue difficilement de

l’égalité de traitement entre les candidats. En effet, les deux principes relèvent du principe

général d’égalité, en étant seulement situés respectivement avant et après le lancement de la

consultation. Il existe donc deux applications du principe d’égalité, dans l’accès à la

commande publique et dans le traitement concernant le déroulement de la procédure de

passation du marché. Ainsi, « les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité

aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées

par le pouvoir adjudicateur »87. Le principe d’égalité d’accès signifie que tous les

soumissionnaires doivent bénéficier « des mêmes chances dans la formulation de leurs

offres »88. Concrètement, les pouvoirs adjudicateurs doivent garantir, « en faveur de tout

soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché

des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures

d’adjudication »89. Ce principe d’égalité de traitement doit être respecté à tous les stades de la

procédure de passation, « les soumissionnaires devant se trouver sur un pied d’égalité aussi

bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées »90.

b – Des critères environnementaux non discriminatoires

Les critères d’attribution écologique doivent satisfaire aux principes fondamentaux du droit

communautaire et du droit national. Dès lors, la prise en compte légitime des aspects

environnementaux dans les marchés publics ne doit pas conduire à fermer abusivement

l’accès du marché à certaines entreprises, en violation du principe de non-discrimination

central à la politique des marchés publics.

85 Décision du Conseil constitutionnel n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, Taxation d’office, RCC p. 25. 86 Décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC, 29 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice. 87 CJCE, 18 octobre 2001, SIAC Construction, point 34. 88 TPICE, 14 octobre 1999, CAS Succhi di Frutta SpA c/ Commission, aff. Jointes T-191/96 et T-106/97. 89 CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria ; CAA Versailles, 6 décembre 2005, Association Pacte. 90 CJCE, 24 novembre 2005, ATI EAC Srl et a.

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S’agissant en particulier du principe de non-discrimination, la Cour de justice a eu l’occasion

de se prononcer sur la légalité de l’utilisation de critères écologiques dans les marchés

publics. Elle précise qu’ils doivent respecter « tous les principes fondamentaux du droit

communautaire, et notamment le principe de non-discrimination »91, qui est à la base d’autres

principes tels que la libre prestation de services et la liberté d’établissement. En conséquence,

le critère d’attribution retenu ne doit pas avoir pour effet de favoriser les entreprises

nationales ou locales au détriment des entreprises des autres Etats membres. Il est nécessaire

que l’attribution du marché se fasse au moyen d’une égalité d’accès pour les opérateurs

économiques de tous les Etats membres. Le cahier des charges ne doit imposer aucune

condition entraînant une discrimination directe ou indirecte à l’encontre de soumissionnaires

potentiels d’autres Etats membres, comme l’obligation, pour une entreprise intéressée par le

marché, d’être établie sur le territoire du même Etat membre.

Dans l’affaire Concordia Bus Finland, la Cour constate que le principe d’égalité de traitement

« ne s’oppose pas à la prise en considération de critères liés à la protection de

l’environnement »92. Or, en l’espèce, la formulation du critère écologique impliquait qu’il ne

pouvait être rempli que par un petit nombre d’entreprises, parmi lesquelles la propre

entreprise de transport du pouvoir adjudicateur. Lors de ses conclusions, l’avocat général Jean

Mischo avait soutenu que « le seul fait d’inclure dans un appel d’offres un critère qui ne peut

être rempli que par un seul soumissionnaire ne violait pas le principe d’égalité » ; même si ce

soumissionnaire est lié au pouvoir adjudicateur. Ce dernier n’a pas à choisir des critères en

fonction des aptitudes des candidats potentiels, sous peine de procéder à un nivellement par

le bas des critères d’attribution. Selon la Cour, les critères litigieux « étaient objectifs et

indistinctement applicables à toutes les offres. Ils étaient directement liés au matériel proposé

et étaient intégrés dans un système d’attribution de points »93. De plus, dans les circonstances

de l’espèce, et notamment parce que d’autres entreprises avaient la capacité potentielle de

présenter une flotte de véhicules répondant au critère environnemental, la discrimination

n’était pas démontrée. Le critère écologique ne constituait donc qu’un critère parmi d’autres.

91 CJCE, 26 septembre 2000, Commission c/ France, pt 50 ; CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, pts 63 et 69. 92CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, pt 86. 93 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, pt 83.

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Dès lors, afin de déterminer s’il y a eu discrimination ou non, la Cour de justice impose de

prendre en considération tous les faits liés à l’affaire94.

Cependant, la solution de la Cour de justice aurait sans doute été différente si une seule

entreprise avait pu répondre au critère écologique, tel que l’illustre l’affaire, Commission c/

Irlande, du 22 septembre 198895, pour laquelle l’insertion d’une clause technique avait été de

nature à entraver la libre concurrence.

Par ailleurs, dans l’arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, la Cour de justice a eu

l’occasion d’être plus exigeante sur la portée du principe d’égalité de traitement. Il ressort, en

effet, de cet arrêt que les acheteurs doivent formuler avec prudence, transparence et précision

un critère d’attribution, notamment écologique, afin d’en permettre une interprétation

uniforme et donc une application objective à tous les candidats potentiels. Lorsque le pouvoir

adjudicateur ne respecte pas ces exigences, il enfreint le principe d’égalité. D’une part, dans

cette affaire, le critère retenu était ambigu dans sa formulation. Il exigeait, en effet, que l’offre

indique la quantité d’électricité verte susceptible d’être fournie par le candidat sans préciser la

période de fourniture à prendre en compte et attribuait le maximum de points à la quantité la

plus importante. D’autre part, le pouvoir adjudicateur n’était pas en mesure de contrôler

techniquement si l’électricité serait effectivement verte ou non. La Cour de justice a donc

conclu que le critère écologique de fourniture d’électricité verte était contraire au principe

d’égalité, sous réserve du contrôle factuel de sa formulation par la juridiction nationale.

En conséquence, les critères écologiques ne doivent pas être définis de manière

discriminatoire, de façon à favoriser certaines entreprises au détriment d’autres entreprises.

3 – Les exigences liées à la transparence des procédures

La publicité permet de mettre en oeuvre le principe de transparence en droit des marchés

publics.

94 Un de ces faits en l’espèce était que le plaignant, à savoir Concordia Bus, s’est vu attribuer un lot différent auquel s’appliquait la même exigence de véhicules fonctionnant au gaz. 95 CJCE, 22 septembre 1988, Commission c/ Irlande, aff. 45/87 : Rec. CJCE 1988, p. 4929.

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a – Le principe général de transparence

Le droit communautaire et le droit national des marchés publics ont des finalités différentes.

Le droit national protège essentiellement l’argent des contribuables en veillant par la

transparence des procédures à moraliser l’achat public. Le droit communautaire a en revanche

pour objectif de garantir la réalisation effective du marché intérieur, c’est à dire d’assurer la

transparence pour les entreprises communautaires des marchés par nature nationaux de la

commande publique.

Le respect des règles de publicité est indispensable à l’égalité d’accès et à la mise en œuvre de

la concurrence. C’est d’ailleurs « la finalité des règles de publicité d’informer en temps utile

tous les soumissionnaires potentiels au niveau communautaire sur les points essentiels d’un

marché afin qu’ils puissent présenter leur offre dans les délais »96. Pour le juge administratif,

ce principe de transparence s’impose à tous les acheteurs publics lorsqu’ils entendent conclure

un marché public. Le Conseil d’Etat l’a récemment jugé, tant pour les marchés publics soumis

à la procédure de l’article 3097, que pour les marchés publics soumis à la procédure adaptée98.

Le principe de transparence répond à un double objectif.

D’une part, la publicité des procédures doit être efficiente, en ce sens qu’elle a vocation à

susciter une large concurrence. Selon la Cour de justice, l’obligation de transparence implique

qu’une entreprise située sur le territoire d’un autre Etat membre puisse avoir accès aux

informations appropriées relatives au marché avant que celui-ci ne soit attribué, de sorte que,

si cette entreprise le souhaitait, elle serait en mesure de manifester son intérêt pour obtenir ce

marché99. En effet, la Cour de justice a posé comme condition à l’utilisation d’un critère

écologique qu’il soit expressément mentionné dans l’avis de marché ou dans le cahier des

charges100. La seule façon de respecter les exigences définies par la Cour de justice consiste,

par conséquent, dans la diffusion d’une publicité suffisamment accessible avant l’attribution

du marché. Cette publicité doit être diffusée par l’entité adjudicatrice en vue d’ouvrir à la

concurrence l’attribution du marché.

96 CJCE, 26 septembre 2000, Commission c/ France. 97 Conseil d’État, 23 février 2005, Association pour la transparence et la moralité dans les marchés publics. 98 Conseil d’État, 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais. 99 CJCE, 21 juillet 2005, Coname, affaire C-231/03, pt 21. 100 CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, pts 62 et 69 ; CJCE, 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, pt 34.

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D’autre part, les entreprises doivent connaître à l’avance les règles de mise en concurrence

qui leur sont applicables, de manière à permettre le contrôle du respect des règles de mise en

concurrence et la sincérité du choix de l’administration. Les spécifications techniques de ces

marchés doivent être définies avant la sélection d’un contractant et doivent être portées à la

connaissance ou mises à la disposition des soumissionnaires potentiels par des moyens qui

garantissent la transparence et qui placent tous les soumissionnaires potentiel sur un pied

d’égalité. En effet, le Code des marchés publics pose comme condition similaire à l’article 53-

II alinéa 4, que les critères de choix des offres soient « définis dans l’avis d’appel public à la

concurrence ou dans les documents de la consultation ». De même, l’article 14 du Code

prévoit que les conditions d’exécution « sont indiquées dans l’avis d’appel public à la

concurrence ou dans les documents de la consultation ».

Selon les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire, Impresa Portuale di

Cagliari101, « le devoir de respecter le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires,

tout comme le principe de transparence, concernent la définition des spécifications

techniques, mais aussi les moyens par lesquels ces spécifications sont portées à la

connaissance des soumissionnaires potentiels. Ces moyens doivent offrir un degré suffisant de

transparence et placer les soumissionnaires potentiels sur un pied d’égalité. Selon l’article 19

de la directive 93/38, la communication des spécifications techniques à la demande constitue

normalement une solution appropriée ».

b – Les exigences procédurales de publicité

Les droits communautaire et interne des marchés publics s’accordent pour exiger une prise en

compte transparente des exigences environnementales.

i – Une publicité de la pondération des critères

L’évaluation des offres, y compris le cas échéant des variantes, au regard de chacun des

critères autres que le prix doit être transparente et objective. L’article 53 du Code des marchés

publics est l’expression la plus directe de ce principe de transparence, qui induit un certain

101 CJCE, 21 avril 2005, Impresa Portuale di Cagliari, aff. C-174/03, concl. Jacobs, pts 76.

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nombre d’obligations pour le pouvoir adjudicateur. Celui-ci doit porter à la connaissance des

éventuels soumissionnaires, par la publicité ou le règlement de la consultation, les critères sur

lesquels ce dernier fondera son choix et indiquer leur importance respective par la

pondération ou, à défaut seulement, par la hiérarchisation. Ainsi, l’arrêt de la Cour

administrative d’appel de Lyon en date du 17 avril 2003, Société Cap Gémini, souligne

l’impossibilité pour le pouvoir adjudicataire de modifier la liste des critères ou leur

pondération après l’envoi de l’avis ou des documents de consultation.

Selon le considérant 46 de la directive 2004/18, le pouvoir adjudicateur doit assurer « la

transparence nécessaire pour permettre à tout soumissionnaire d’être raisonnablement

informé des critères et des modalités qui seront appliquées pour identifier l’offre

économiquement la plus avantageuse ». La transparence implique donc que les modalités de

l’évaluation de chacun des critères soient spécifiées dans le règlement de la consultation, les

critères de coût étant chiffrés en euros et les critères de qualité cotés selon une échelle de

valeur102. L’objectivité est a priori acquise pour les critères quantifiables. Pour ceux, au

contraire qui sont sujets à appréciation, l’acheteur peut solliciter l’avis d’un comité d’experts

indépendants.

Il incombe à l’acheteur public de spécifier et de publier les critères d’attribution du marché et

la pondération relative donnée à chacun de ces critères bien à l’avance, afin que les

soumissionnaires en aient connaissance au moment où ils préparent leurs offres. Cette

formalité est essentielle pour permettre une réelle introduction de considérations

environnementales dans les marchés publics.

Cependant, selon l’article 53-II du Code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur ne doit

préciser la pondération des différents critères que pour les marchés passés selon une

procédure formalisée. L’absence d’obligation de pondération des critères pour les procédures

non formalisées apparaît très contestable en raison de l’importance de ces marchés et de

l’indication précieuse pour les candidats de la connaissance de la pondération des critères. La

Commission européenne dans une récente communication103 a pourtant rappelé que le

102 Par exemple, cinq valeurs s’échelonnant de 0 (insuffisant) à 4 (excellent). 103 Communication interprétative de la Commission européenne relative au droit communautaire applicable aux passations de marchés non soumises ou partiellement soumises aux directives « marchés publics », n° 2006/C179/02, JOUE, 1er août 2006.

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principe de transparence devait être respecté, même pour les marchés inférieurs aux seuils

d’application des directives.

De plus, l’acheteur public a la possibilité d’utiliser des fourchettes de poids, ce dernier

pouvant faire varier « librement » l’impact de son critère. L’utilisation de cette fourchette,

mobile en fonction des offres dans une même procédure, est juridiquement risquée. En effet,

ce mode de choix en cours de procédure, en fonction des éléments d’information recueillis,

peut revenir à un non respect du principe de transparence, mais également défavoriser les

« mieux-disants » environnementaux.

En outre, le Code des marchés publics n’oblige pas de publier le système de notation. Afin

d’assurer une meilleure transparence de la phase de sélection des offres, l’acheteur public peut

« définir avant la consultation le système de sélection et de pondération, et l’acter

officiellement en interne, au moins pour les procédures formalisées »104.

ii – La question de la publicité des sous-critères

Pour retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur doit en

principe annoncer les critères sur la base desquels il se déterminera. Le pouvoir adjudicateur

est parfois amené à utiliser aussi des sous-critères, ce qui ne doit pas entraîner une

dénaturation de la procédure. En effet, l’intérêt de la pondération est de faire ressortir tous les

éléments du besoin, grâce aux sous-critères, eux-mêmes pondérés.

En effet, les critères doivent être intelligibles pour les candidats. Les pouvoirs adjudicateurs

ne peuvent se limiter, pour définir un critère de choix, à un intitulé vague tel la « valeur

technique de l’offre » ou la « valeur esthétique de l’offre », du fait du non respect du principe

de transparence. La jurisprudence a ainsi pu sanctionner la Ville de Toulouse dans une

décision en date du 28 avril 2006105 qui, pour son marché de mobilier urbain, n’avait pas

explicité le critère « valeur esthétique de l’offre » qu’elle avait retenu. Cette jurisprudence

paraît totalement transposable à l’ensemble des marchés écologiques pour lesquels les critères

ne sont pas explicités, soit dans l’avis de publicité soit dans le règlement de la consultation.

104 Olivier Frot, Comment choisir le mieux disant, achatpublic.com, 22 février 2007. 105 Conseil d’Etat, 28 avril 2006, Commune de Toulouse c/ Société JC Decaux,

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Par ailleurs, l’ordonnance du Tribunal administratif de Marseille, Société FM Développement,

en date du 26 juillet 2006 sanctionne désormais l’utilisation de sous-critères par le pouvoir

adjudicateur qui ne serait pas porté à la connaissance des soumissionnaires. Le pouvoir

adjudicateur est ainsi sanctionné en cas d’utilisation de critères imprécis et de l’utilisation de

sous-critères inconnus des candidats.

La jurisprudence actuelle paraît plus exigeante que la jurisprudence européenne en la matière.

En effet, dans un arrêt en date du 24 novembre 2005, Ati Eac Srl & Viaggi di Maio SNC et

autres c/ Actv Venezia Spa, la Cour de justice a considéré que la nécessité d’une information

préalable des candidats sur l’utilisation des sous-critères n’apparaît pas absolument

nécessaire, ne devant pas pour autant modifier les critères d’attribution du marché et ne pas

avoir d’effet discriminatoire.

Par conséquent, les critères et sous critères d’attribution à caractère environnemental d’un

marché public doivent être publiés, afin de permettre par leur pondération, une réelle prise en

compte des exigences environnementales.

B – Une analyse concurrentielle du marché

Selon la formule du commissaire du Gouvernement Denis Piveteau106, « les administrations

peuvent imposer un certain nombre de critères environnementaux aux offres elles-mêmes,

mais pas aux offreurs ». Autrement dit, un critère ou une condition de participation à un

marché public ne doit pas, de façon directe ou indirecte, conduire à écarter une catégorie

d’offreur. L’évaluation préalable du marché (1) permettra à l’acheteur d’intégrer légalement

des considérations environnementales dans les marchés publics (2).

1 – Une évaluation préalable du marché

Lors de la définition de l’objet d’un marché, les pouvoirs adjudicateurs ont toute liberté de

choisir ce qu’ils souhaitent acquérir, ce qui laisse une large marge de manoeuvre pour intégrer

des considérations environnementales. Toutefois, la liberté de définir un marché à ses limites.

Dans certains cas, le choix d’un produit, d’un service ou de travaux spécifiques peut

106 Conclusions dans Conseil d’Etat, 25 juillet 2001, Commune de Gravelines, BJCP n°19 p. 490.

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provoquer une distorsion de concurrence des entreprises dans le domaine des marchés

publics.

En conséquence, au moment de déterminer l’objet du marché, il est essentiel de réaliser une

étude de marché générale relative au potentiel existant sur le marché susceptible de satisfaire

les besoins définis par l’acheteur public. L’acheteur public doit procéder à une analyse de

l’environnement concurrentiel. En effet, il doit rechercher quelles sont, en France et dans la

Communauté européenne, les entreprises susceptibles de répondre aux besoins exprimés et

dans quelle mesure ces entreprises mettent en oeuvre des mesures visant à protéger

l’environnement. L’incorporation de critères de ce type devra néanmoins être entourée de

précautions particulières, dès lors que ces clauses pourraient désavantager voire exclure les

entreprises les moins structurées, qui sont de fait moins à même de pouvoir répondre sur ce

type de clauses, étrangères à leur métier. De plus, l’ouverture des différents cahiers des

charges à l’environnement ne peut « avoir d’effet discriminatoire à l’égard des candidats

potentiels »107 en exigeant un niveau de protection de l’environnement trop élevé et par

conséquent trop exclusif à certaines entreprises.

Tout dépend de l’analyse du marché et donc de l’offre des entreprises susceptibles de

répondre à la demande de la collectivité publique. En effet, plus l’offre est importante, plus le

degré d’intégration de la durabilité pourra être forte. Par exemple, l’acheteur public peut

difficilement exiger comme objet de son marché, l’achat de bus solaire. A l’inverse, le marché

est légal s’il définit un achat de papier recyclé. « Certains secteurs restent des impasses, où

les fournisseurs se comptent sur les doigts de la main et où il demeure très difficile de trouver

des solutions alternatives »108.

2 – Une intégration différentiée des considérations environnementales

Afin de respecter le principe de non-discrimination, l’acheteur public doit nécessairement

introduire de façon différenciée la durabilité. L’acheteur doit être en mesure de déterminer,

s’il doit faire des préoccupations environnementales un critère de choix des offres, un critère

107 Article 14 du Code des marchés publics du 1er août 2006. 108 Entretien du 21 mai 2007 avec Monsieur Jean-Philippe Jeanneau-Reminiac, chef du bureau des prestations et fournitures à la sous-direction des achats de la mairie de Paris.

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de sélection des candidatures et éventuellement intégrer des préoccupations dans les

conditions d’exécution du marché.

« L’intégration de considérations environnementales au niveau des spécifications techniques

par le recours à un écolabel ou équivalent peut être une opération délicate pour les

acheteurs »109.

a – L’existence d’un référentiel d’écolabel

Dans le cadre où l’offre est importante et peut donner lieu à une vaste mise en concurrence

pour l’acquisition de produits ou de prestations pour lesquels il existe un référentiel

d’écolabel, il peut alors être opportun d’intégrer les préoccupations environnementales dans

les spécifications techniques.

L’acheteur peut décider d’utiliser un référentiel environnemental dans les spécifications

techniques, choisissant ainsi d’exiger le respect de ce niveau de performance et donc

d’intégrer des considérations environnementales dans les spécifications techniques de l’appel

d’offres. Selon les règles s’appliquant aux passations de marchés publics, les spécifications

techniques utilisées pour définir le marché ne peuvent l’être de manière discriminatoire. Il est

nécessaire de dissocier les exigences environnementales qui doivent être intégrées dans le

cahier des charges telles que l’utilisation ou l’interdiction de certains produits, des critères

environnementaux de choix des offres appréciées sur la base d’un questionnaire reprenant les

prescriptions des écolabels concernés. Les spécifications techniques définissent le niveau de

performance auquel il convient de satisfaire, mais il est possible, dans certains cas, de tenir

compte de performances supérieures dans la phase d’attribution. Par exemple, afin de

récompenser l’efficacité énergétique, le pouvoir adjudicateur peut indiquer dans les critères

d’attribution que, lors de l’évaluation des offres, des points supplémentaires seraient attribués

aux équipements consommant moins de KW, que le minimum exigé.

Considérant qu’il existe de nombreuses offres de produits conformes aux exigences de

l’écolabel européen, l’acheteur public peut estimer qu’il existe une offre suffisante pour que le

109 Entretien du 5 juin 2007, avec M. Jean-Paul Ventère, chargé du thème « Produits et consommation durable », Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables, Délégation au développement durable.

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fait d’exiger le respect de l’écolabel européen ou équivalent ne fasse pas prendre le risque

d’une mise en concurrence insuffisante. L’acheteur doit ainsi intégrer dans l’appel public à la

concurrence ou le règlement de consultation, un texte visant à un achat respectueux de

l’environnement dans son objet et répondant aux exigences du référentiel de l’écolabel

européen, ou équivalent dans les spécifications techniques.

Cependant, les spécifications techniques ne doivent en aucun cas porter atteinte au principe

d’égalité des candidats. Dans le cas où les spécifications sont indistinctement applicables,

elles ne doivent toutefois pas entraver le commerce entre Etats membres.

En application de ce principe de non-discrimination, le Tribunal administratif de Nice a

annulé, par une ordonnance du 18 avril 2006, un marché à procédure adaptée dans lequel

l’acheteur exigeait des composteurs « exclusivement » labellisés NF Environnement110. Le

Tribunal a dûment précisé que la personne responsable du marché « doit permettre la

présentation d’offres de fournitures qui possèdent des caractéristiques équivalentes ou

supérieures sans pour autant être estampillés de la dites marque ». C’est pourquoi, selon la

circulaire d’application du code des marchés publics du 3 août 2006, les spécifications

techniques « ne peuvent mentionner une marque, un brevet, un type, une origine ou une

production déterminés qui auraient pour effet de favoriser ou d’écarter certains produits ou

productions ».

Des spécifications techniques ayant pour effet de limiter la concurrence entre fournisseurs

sont un manquement aux obligations de mise en concurrence, susceptible d’être relevé par le

juge du référé précontractuel, selon l’article L. 551-1 du Code de justice administrative. En

effet, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 novembre 1995, District de l’agglomération

nancéienne, l’autorité compétente, en fixant des spécifications techniques supérieures aux

normes en vigueur, avait ainsi limitée la variété de produits qui y répondent et par suite

limitée la concurrence entre les fournisseurs possibles. Ainsi, « le choix de telles

spécifications constituait un manquement aux obligations de mise en concurrence ».

Dans ce scénario, si le produit ne répond pas aux spécifications techniques du référentiel ou

équivalent, l’offre n’est pas recevable et le candidat est évincé.

110 Tribunal administratif de Nice, 18 avril 2006, n° 0601628, Société FM Développement.

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Cependant, un risque de surcoût significatif peut exister pour l’acquisition d’un produit pour

lequel il existe un écolabel, mais pour lequel les offres potentielles sont faibles. « Il est alors

préférable de faire référence à l’écolabel dans les critères de choix des offres »111. Il est

possible de libeller ce critère en « performance en matière de protection de l’environnement

appréciée au regard des exigences de l’écolabel ou pour tout moyen équivalent » et d’intégrer

ce critère dans un système de notation. Ainsi, le nombre d’offres susceptibles d’être remises

ne sera pas limité par le niveau de performances à atteindre.

b – L’absence de référentiel d’écolabel

S’il n’existe pas de référentiel mais qu’il est néanmoins possible d’identifier des

caractéristiques environnementales et qu’il existe une offre importante, il est opportun

d’intégrer ces préoccupations dans les spécifications techniques. Cependant, lorsque le

pouvoir adjudicateur utilise une spécification technique formulée « en termes de

performances ou d‘exigences fonctionnelles », il ne peut plus rejeter une offre au motif

qu’elle n’est pas conforme à cette spécification « si le candidat prouve dans son offre, par

tout moyen approprié, que els solutions qu’il propose respectent de manière équivalente cette

spécification »112. L’acheteur public peut donc fixer un niveau d’exigence environnementale

en fonction de l’offre disponible. Mais, si au contraire la concurrence est faible, il est

préférable d’intégrer le respect des exigences environnementales dans les critères de choix des

offres.

A l’heure actuelle, il existe peu de normes européennes relatives à la performance

environnementale des produits et des services. Par conséquent, en l’absence de telles normes,

les pouvoirs adjudicateurs restent libres de déterminer eux-mêmes le niveau de protection

environnementale que devront respecter les produits ou services, à condition que ces

exigences constituent des spécifications techniques au sens de la définition contenue dans les

directives, et qu’elles ne soient pas contraires aux règles du Traité.

111 Entretien du 5 janvier 2007 avec M. Jean-Paul Ventère, chargé du thème « Produits et consommation durable » au Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables. 112 Article 6-V du Code des marchés publics.

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Par ailleurs, il est également possible de se référer à une caractéristique environnementale au

niveau de la sélection des candidatures, le choix consistant alors à faire de la capacité à

répondre à cette exigence un élément de sélection des candidatures.

c – Des critères environnementaux non redondants

L’ensemble de ces dispositifs ne doit pas fermer excessivement la concurrence. « Il est

impératif que la dimension environnementale, retenue comme critère de sélection des offres,

ne soit pas utilisée en même temps comme condition d’exécution »113. D’une part, les critères

de choix ne doivent pas être redondants avec des spécifications techniques déjà exigées par le

cahier des charges114. D’autre part, les critères de choix ne doivent pas être redondants entre

eux, deux critères ne pouvant juger du même aspect des offres. Par exemple, lors de l’achat de

véhicules, le critère « coût global » jugeant de la performance économique des offres et le

critère « émissions de CO2 » relatif à la lutte contre le réchauffement climatique jugent deux

aspects bien différents des offres.

A ce titre, la commission des marchés publics de l’Etat a appelé l’attention des pouvoirs

adjudicateurs sur les possibilités d’intégrer les exigences environnementales dans leurs

marchés publics115.

Ainsi, pour la fourniture d’un marché de reprographie, la commission des marchés publics de

l’Etat a indiqué au service qu’il pouvait pour deux solutions. D’une part, l’acheteur a la

possibilité de prévoir un critère environnemental en « proportion de fibres recyclées,

proportion de fibres de bois provenant de forêts gérées durablement » respectant totalement

ou partiellement les spécifications de l’écolabel. D’autre part, il peut prévoir des clauses

environnementales dans les conditions d’exécution du marché en exigeant que « les fibres de

bois composant le papier contiennent au moins 50% de fibres recyclées et/ou au moins 100%

des fibres provenant de forêts gérées durablement ».

113 Elodie CLOÂTRE, Critère environnemental : comment prendre en compte la protection de l’environnement dans mon appel d’offres ?, MTP, 26 novembre 2004, p. 157. 114 Tribunal administratif de Montpellier,31 juillet 2001, SA Guintoli c/ Commune de Leucate. 115 Direction des affaires juridique du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, Développement durable et achats de l’Etat, 2006.

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77

De même, à l’occasion de l’examen d’un marché d’effet d’habillement, la Commission des

marchés publics de l’État a recommandé à ses services de dissocier les exigences

environnementales qui devraient être intégrées dans le cahier des charges des critères

environnementaux de choix des offres sur la base d’un questionnaire reprenant les

prescriptions des écolabels concernés.

Par conséquent, un marché doit être attribué dans le respect des règles et principes

fondamentaux de la commande publique afin de garantir des conditions de concurrence

équitables à l’ensemble des opérateurs économiques intéressés par ce marché. Cette

obligation juridique peut être un frein au développement de l’achat écologique, tant du fait de

l’insuffisance de l’offre en réponse à certaines exigences environnementales, que de

l’interdiction de faire de la préférence locale.

II – Le rejet du protectionnisme « vert »

Sur le fondement du principe d’égalité, tout traitement privilégié au profit d’individus, de

groupes sociaux ou de personnes morales, parfois dénommé « discrimination positive »,

n’apparaît pas recevable. L’intégration de considérations environnementales dans les marchés

publics en est ainsi limitée (A), interdisant aux acheteurs publics de pratiquer une certaine

préférence locale (B).

A – Le refus d’une discrimination positive

La récente prise en compte de la préservation de l’environnement, en tant que nouveau

fondement de l’intérêt général (1), est l’objet d’un contrôle « relatif » dans le cadre de la

passation d’un marché public (2).

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1 – La prise en compte de l’intérêt général

De façon générale, le droit public considère que le principe d’égalité implique de traiter

différemment les personnes se trouvant dans une situation différente, sous réserve que cette

discrimination soit objective et rationnelle116.

Si toutefois les inégalités de fait n’étaient pas vues comme « de nature à » autoriser un

traitement de faveur, la jurisprudence interne admet l’application de règles différentes à des

situations semblables lorsqu’il y a prééminence d’un intérêt général117. Cette position est

admise par le Conseil constitutionnel118 et par le Conseil d’Etat, étant entendu que la

définition de l’intérêt général est du ressort du pouvoir politique.

Pour le Conseil constitutionnel, il peut être dérogé au principe d’égalité « pour des motifs

d’intérêt général qu’il appartient au législateur d’apprécier »119. En effet, il revient à la loi,

expression de la volonté générale, de le définir, afin de déterminer la finalité et fonder la

légitimité de l’action publique. Les nouvelles aspirations sociales plaident en faveur d’un

intérêt général s’attachant aux valeurs environnementales, comme le marque l’élaboration du

Code de l’environnement. L’idée selon laquelle la protection de l’environnement est d’un

intérêt commun pour l’Humanité se trouve dans les grands principes de droit de

l’environnement. Dans son rapport de 1999, le Conseil d’Etat indique que la notion d’intérêt

général a besoin d’une « reformulation » pour faire face « à une meilleure protection des

grands équilibres écologiques pour notre génération et les générations à venir »120.

D’une part, la protection de l’environnement a une valeur législative. Les principes du droit

de l’environnement ont été inscrits dans la loi relative au renforcement de la protection de

l’environnement, dite loi Barnier du 2 février 1995, ainsi que dans l’article L. 110-1 du Code

de l’environnement lequel précise que les dispositions protectrices de l’intérêt général

« s’inspirent dans le cadre des lois qui en définissent la portée ». D’autre part, la protection

de l’environnement a une valeur constitutionnelle par l’intégration de la Charte de

l’environnement du 1er mars 2005. La Charte de l’environnement dans son article 1er consacre

116 Conseil d’Etat Ass. 13 juillet 1962, Conseil National de l’Ordre des médecins, R, 479. 117 Rapport du Conseil d’Etat, 1996, p. 43. 118 Décision du Conseil constitutionnel, 21 juin 1993, Loi de finances rectificatives pour 1993. 119 Décision du Conseil constitutionnel n° 86-207 DC, 25 et 26 juin 1986, Privatisations. 120 Conseil d’État, Rapport public 1999, Jurisprudence et avis de 1998, Réflexions sur l’intérêt général, 1999, p. 335.

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un véritable droit à l’environnement, par « le droit de vivre dans un environnement équilibré

et respectueux de la santé ». Le droit de l’environnement placé au sommet de la hiérarchie

des normes juridiques, est devenu un droit fondamental de l’Homme.

La Convention européenne des droits de l’Homme peut de façon très indirecte avoir des

répercutions sur le droit français des marchés publics, au travers de la jurisprudence de la

Cour européenne des droits de l’Homme. Dans deux arrêts de 2004121, la Cour européenne

confirme la prééminence des dispositions de l’article 8 de la convention européenne des droits

de l’Homme dans la constitution jurisprudentielle d’un droit à un environnement sain.

L’article 8 de la Convention européenne devient le fondement de la prise en compte par les

Etats des impératifs environnementaux.

De ce fait, les principes constitutionnels de l’environnement ont eu une certaine influence sur

l’acticité des personnes publiques en matière de commande publique. Ces considérations sont

étroitement liées au concept de développement durable, introduit dans les directives

communautaires du 31 mars 2004, ainsi que dans le Code des marchés publics du 1er août

2006. En effet, l’application des mesures de précaution peut prendre la forme contractuelle

comme mode de régulation de l’environnement. La recherche du « mieux-disant »

environnemental dans le cadre d’un marché public est un moyen pour la collectivité publique

de satisfaire la prise en compte de l’intérêt général.

2 – Potentialités contentieuses d’une démarche intégrée

Cependant, le principe de développement durable est un principe économique, devenu

philosophique, qui a pour but de concilier développement économique, progrès social et

respect de l’environnement. La notion de développement durable est difficilement

définissable, du fait de cette interpénétration des trois concepts de l’éco-développement qui

peuvent sembler antagonistes. En pratique, la définition des actions de développement durable

n’est pas facile. En fait, « le développement durable serait plutôt un objectif à atteindre »122.

En droit administratif, l’intérêt des associations de défense de l’environnement est

relativement facilement reconnu, dès lors que l’affaire en cause est en rapport avec la

121 CEDH, 10 novembre 2004, Taskin et a. c/Turquie ; CEDH, 16 novembre 2004, Moreno Gomez c/Espagne. 122 Catherine Roche, Droit de l’environnement, Collection Mémentos, 2006, p.44.

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rédaction des statuts de l’entité considéré. S’agissant de l’intérêt à agir contre des décisions

administratives, il n’est pas posé de manière absolue. D’une part, la décision doit avoir un

rapport direct avec l’objet et les activités statutaires de l’association et, d’autre part, elle doit

concerner tout ou partie du territoire pour lequel l’agrément a été obtenu. Le rapport entre la

nature de la décision et l’objet de l’association est scrupuleusement vérifié par le juge

administratif123. Elle constitue l’intérêt direct et personnel d’une personne à l’action

déterminée en cause.

En revanche, dans le cadre du droit des marchés publics124, cette voie est beaucoup moins

ouverte. Il n’y a pas de reconnaissance expresse de l’intérêt à agir des associations de

défendre des intérêts environnementaux, lorsqu’un marché public risque de ne pas tenir

suffisamment compte de ses aspects.

a – Le recours pour excès de pouvoir

D’une part, le droit des contrats impose qu’en principe, seules les parties ont vocation à en

faire contester la nullité125. Dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, du fait de la

nature contractuelle des clauses d’un marché public, les tiers au contrat ne peuvent intervenir

dans les rapports entre les parties. Ainsi, la demande directe d’annulation du marché est

impossible, seule est permise la contestation des clauses du marché à caractère réglementaire.

Cette solution résulte d’un arrêt de principe du Conseil d’Etat du 10 juillet 1996, M. Cayzeele,

où il affirme que les dispositions contractuelles « peuvent, par la suite, être contestées devant

le juge de l’excès de pouvoir » par le tiers requérant du fait de leur caractère réglementaire.

Néanmoins, il est admis qu’un recours puise être exercé à l’encontre des « actes détachables »

du marché126, en tant qu’actes décisoires faisant grief, parmi lesquels on peut citer

notamment la décision de rejeter une offre127 et la décision d’attribuer un marché128. Dès lors,

toute personne lésée par un acte unilatéral antérieur à la conclusion définitive du contrat

123 Conseil d’Etat, 31 octobre 1990, Union régionale de Défense de l’environnement. 124 Par détermination de l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001, Mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : « Les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs » et leurs contentieux est donc de la compétence exclusive de la juridiction administrative. 125 Conseil d’État, 8 novembre 1991, Fédération nationale de l’équipement - C.G.T. 126 Conseil d’Etat, 4 août 1905, Martin. 127 Conseil d’État, 27 juillet 1984, Société BIRO. 128 Conseil d’Etat, 19 mars 1969, Commune de Saint-Maur-des-Fossés.

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administratif et détachable de ce dernier mais aussi par un acte relatif à son exécution peut en

contester la légalité devant le juge de l’excès de pouvoir. Cette action est en principe réservé

aux tiers y ayant intérêt, étant lésés par l’acte détachable en cause, soit essentiellement les

entreprises éconduites129. Grâce à la brèche des actes détachables, une association de

protection de l’environnement avait été déclarée recevable à contester la décision d’attribution

d’un marché, eu égard à son objet et « à l’importance du projet en cause »130. Malgré tout,

cette hypothèse est des plus restrictives, et n’a vocation qu’à demeurer exceptionnelle.

Si l’action est admise, l’erreur manifeste d’appréciation doit être reconnue. Cependant,

l’introduction de l’objectif « flou » de « développement durable », imposé par les directives

communautaires et par le Code des marchés publics, ouvre une trop grande marge

d’interprétation. D’une part, les préambules des directives communautaires131 disposent que

les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices « peuvent contribuer à la protection de

l’environnement et à la promotion du développement durable tout en garantissant la

possibilité d’obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix ». D’autre part, les

dispositions des articles 5 et 14 du Code des marchés publics incitent fortement à la prise en

compte de cet objectif, en ce qu’elles manifestent la volonté expresse des rédacteurs du Code

de tenir compte d’un certain niveau de qualité environnementale. Cependant, la prise en

compte de l’objectif de développement durable lors de la définition des besoins par l’acheteur

public, ou lors de la rédaction des clauses d’exécution, est certes une obligation juridique,

mais dont les contours sont trop imprécis. Les mentions réglementaires faisant référence à la

prise en compte de ce principe sont en réalité plus incitatives que contraignantes.

Par ailleurs, l’article 53 du Code permet la reconnaissance d’une erreur manifeste

d’appréciation, notamment lors du choix par le pouvoir adjudicateur d’un soumissionnaire

dont le projet ne tient pas compte des aspects environnementaux, en comptant utiliser certains

matériaux ou modes de production, dont il est clair qu’ils occasionneront des déchets

difficiles à traiter, voire polluants. Une telle omission d‘un critère de choix, pourtant

expressément mentionné dans le texte, alors qu’il y a un enjeu environnemental, serait peut-

être susceptible de donner lieu à l’intervention du juge. La spécificité du contrôle

129 Conseil d’État, 16 avril 1986, Compagnie luxembourgeoise de télévision. 130 Tribunal Administratif de Nice, 16 avril 1999, Association de défense des riverains de la vallée du Var et autres c/ Préfet des Alpes-Maritimes, BJCP, n° 6, p. 508 131 Considérant 12 de la directive 2004/17/CE, Considérant 5 de la directive 2004/18/CE.

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juridictionnel opéré où le juge s’assure de l’adéquation de la mesure aux faits qui l’ont motivé

en s’efforçant d’éviter toute atteinte disproportionnée aux principes fondamentaux régissant

les marchés publics. En effet, les principes fondamentaux consacrés à l’article 1èr du Code,

relèvent du Titre premier « champ d’application et principes fondamentaux », alors que

l’obligation de prise en compte de l’objectif de développement durable ne relève que des

« dispositions générales » du Titre second dudit Code.

En revanche, les critères de choix prévus à l’article 53 du Code des marchés publics ne sont

qu’indicatifs, et que seuls les plus significatifs en fonction de l’objet doivent être retenus, puis

pondérés ou à défaut hiérarchisés. Le juge administratif pourrait constater l’oubli total d’un

critère apparaissant pertinent compte tenu de l’objet du marché considéré.

L’idéal serait évidemment une mention expresse des nécessités environnementales à l’article

1er du Code, parmi les principes fondamentaux des marchés publics.

b – Le référé précontractuel

D’autre part, la procédure dite de « référé précontractuel »132 assure la sanction des

manquements aux « obligations de publicité et de mise en concurrence », qui résultent du

droit national et du droit d’origine communautaire. Il est possible de considérer que « toute

décision contraire aux obligations d’impartialité et d’égalité de traitement des candidats …

méconnaît … l’obligation de mise en concurrence »133. Il est destiné à empêcher la conclusion

d’un marché lorsque les règles de publicité et de mise en concurrence, tant communautaire

que nationale, ont été enfreintes. Cependant, suivant les conditions textuelles relatives à

l’ouverture de ce recours, la voie de recours est moins ouverte. En effet, cette appréciation se

répercute sur la reconnaissance de l’intérêt à agir. Une association de protection de

l’environnement n’a pas vocation à conclure le contrat, et n’a donc pas d’intérêt à agir dans le

cadre du référé précontractuel134. Le maniement de l’urgence est réservé aux entreprises

écartées ou aux autorités de contrôles de l’Etat, car le défaut d’utilisation des critères

132 Le référé précontractuel est une mesure d’urgence, dont le dispositif est prévu aux articles L. 551-1, L 551-2 et R. 551-1 à R. 551-4 du Code de justice administrative. 133 R. Vandermeeren, Le référé administratif précontractuel, AJDA, 1994, n° spécial, p. 96. 134 Tribunal administratif Nice, 16 novembre 1993, Association défense des intérêts des habitants du quartier La Plana.

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environnementaux n’est pas a priori en rapport direct avec les obligations de publicité et de

mise en concurrence sanctionnées par le référé précontractuel.

B – L’interdiction des préférences locales

Selon le conseiller d’Etat Alain Ménéménis, « la politique de soutien aux petites et moyennes

entreprises environnementales peut entraîner des pratiques discriminatoires » (1). Les

entreprises environnementales ne doivent pas être l’outil d’un protectionnisme « vert ».

Néanmoins, certaines dispositions strictement définies par le Code des marchés publics

tendent à « faciliter » l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés publics

(2).

1 – Une interdiction de principe

Selon les environnementalistes, les marchés publics sont un outil privilégié pour asseoir la

politique de protection de l’environnement dans le paysage industriel. Et, selon certains

économistes, l’écologisation des marchés publics devraient être un potentiel de croissance.

Les deux perçoivent les marchés publics comme un instrument d’intervention publique.

Cependant, dans les rapports entre Etats membres, les marchés publics présentent par

conséquent le risque d’être utilisés comme un instrument privilégié de protectionnisme

industriel.

En France, on relève que la plupart des innovations réalisées en matière de produits

écolabellisés sont le fait des PME et qu’elles peuvent en retirer un avantage concurrentiel135.

En effet, l’écolabellisation est un outil particulièrement intéressant pour celles qui désirent

développer une gamme de produits sur le créneau des écoproduits où les grandes entreprises

demeurent encore peu présentes. De nombreuses PME mettent en place des démarches de

management environnemental sur leur site de production en suivant des lignes directrices136,

des codes professionnels de bonne conduite137 ou des référentiels attestés par l’obtention de

certificats de qualité. Les PME sont assez dynamiques dans le domaine de l’éco- innovation.

135 Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, Plan national d’action pour des achats publics durables, 2007, p. 8. 136 FD X30-205 est un guide de normalisation français qui vise à adapter au cas spécifique des PME, au travers d’une approche par étapes, la norme NF EN ISO 14001. 137 Tels que par exemples : Imprim’vert, Garage propre.

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Cette analyse permet de réaffirmer le caractère primordial des négociations en cours visant à

obtenir une exemption des PME européennes du champ de l’Accord sur les Marchés Publics,

lequel interdit tout dispositif réservataire. En effet, seule une telle évolution peut permettre

d’agir sur le plan des marchés directs d’un montant supérieur aux seuils et donc de placer les

petites et moyennes entreprises environnementales dans la dynamique de croissance

recherchée.

Cependant, on considère généralement que l’institution de quotas de PME ou tout mesure

tendant à faire du caractère de PME un critère d’attribution du marché est discriminatoire, car

une PME est en général une entreprise locale. C’est également la raison pour laquelle les Etats

Unis ont exclu de leur offre de couverture, lors de leur adhésion à l’Accord sur les Marchés

publics, le « Small Business Act » du 30 juillet 1953 permettant notamment de réserver

certains marchés aux PME.

C’est pourquoi, même si le plan d’action 2005-2009 confirme la bienveillance de la

Commission138 à l’égard des aides à l’environnement, cet encadrement ne s’applique qu’aux

mesures dont l’objet même est la performance environnementale. En effet, l’impact

environnemental ne peut être « un simple effet collatéral » d’un changement de technologie

ou du renouvellement d’un matériel usé. Il faut, par exemple, que la même performance

économique puisse être obtenue au moyen d’un équipement moins coûteux, mais plus

dommageable pour l’environnement139. Néanmoins, si le pouvoir adjudicateur est tenu de

respecter le principe le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires, celui-ci n’est

pas violé au seul motif qu’il admet une participation d’organismes bénéficiant de subventions

qui leur permettent de faire des offres à des prix sensiblement inférieurs à ceux de leurs co-

soumissionnaires non subventionnés140.

Dans la pratique, le principe de libre accès à la commande publique signifie que l’acheteur

public doit s’assurer que le marché n’affectera pas l’accès d’autres opérateurs européens ou

138La Commission doit ainsi chercher « à encourager l’éco-innovation et l’amélioration de la productivité par l’éco-efficacité, conformément au plan d’action en faveur des éco-technologies », particulièrement susceptibles de créer des incitants adéquats, d’être proportionnées à leurs objectifs et de fausser le moins possible la concurrence. 139 TPICE, 18 novembre 2004, Ferrière Nord SPA c/ Commission, aff. T-176/01. 140 CJCE, 7 décembre 2000, ARGE.

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mondiaux au marché national. Ainsi, le principe de non-discrimination empêche l’acheteur

public de pratiquer la préférence locale.

En effet, le marché public doit pouvoir être exécuté par tout soumissionnaire, quel que soit

leur positionnement géographique. L’article 14 du Code concernant la faculté de clause

environnementale peut entraîner une forme de préférence locale, si on prend en compte le

coût réduit des transports, ainsi que la réduction de la pollution occasionnée. Ainsi, le critère

relatif à la taxe carbone n’est pas légal, car il impliquerait un désavantage pour les

soumissionnaires plus éloignés du lieu d’activité. Une mesure en faveur des PME

environnementales peut ainsi être considérée comme plus difficile à atteindre par un candidat

à un appel d’offre originaire d’un autre État qui lance l’appel d’offres. Par exemple, dans le

cadre d’un marché de travaux important, l’acheteur public peut imposer que les produits

soient acheminés par une gare particulière. Mais, si un seul soumissionnaire est à même

d’utiliser ce réseau, cette condition revêt un caractère discriminatoire et constitue un critère

d’exclusion déguisé. Il en serait de même, pour une condition d’exécution du marché qui

pénaliserait les soumissionnaires au seul motif de la distance qu’ils doivent parcourir pour

livrer les produits.

2 – Certaines mesures en faveur des PME

Au regard du droit communautaire, il est légal de favoriser les PME environnementales au

niveau de l’exécution des marchés, en leur favorisant l’accès à la sous-traitance. En effet, la

directive prévoit dans son considérant 22 « afin de favoriser l’accès des petites et moyennes

entreprises aux marchés publics, il convient de prévoir des dispositions en matière de sous-

traitance ». Et dans l’article 25 relatif à la sous-traitance, il est indiqué que « dans le cahier

des charges, le pouvoir adjudicateur peut demander (…) au soumissionnaire d’indiquer, dans

son offre, la part du marché qu’il a l’intention de sous-traiter à des tiers ainsi que les sous-

traitants proposés »141.

Comme a eu l’occasion de le souligner le Conseil d’Etat, « quel que soit l’intérêt général qui

s’y attache, la répartition équilibrée des marchés entre les petites, les moyennes et les

141 Ces dispositions ont été reprises telles quelles à l’article 48 du nouveau Code des marchés publics.

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grandes entreprises n’est pas au nombre des objectifs que les dispositions du code des

marchés publics visent à atteindre »142.

S’agissant tout particulièrement de la commande publique, lors de l’adoption de la loi

MURCEF, le Conseil constitutionnel n’a pas rejeté de façon absolue toute possibilité de

discriminer certaines entreprises soumissionnaires. En effet, le Conseil précise que « le

législateur peut dans le but de concilier l’efficacité de la commande publique et l’égalité de

traitement entre les candidats avec d’autres objectifs d’intérêt général, inspirés notamment

par des préoccupations sociales »143. Ainsi, la loi pourrait, sans heurter de principes

constitutionnels, réserver l’attribution d’une partie de certains marchés à certains organismes

précisément déterminés, mais sous des conditions très restrictives.

La réforme du Code des marchés publics apporte des nouveautés facilitant l’accès des PME

aux marchés publics. En effet, la passation des marchés doit se faire, en règle générale, en lots

séparés, le recours à un marché global n’étant désormais justifié que dans des cas particuliers,

selon l’article 10 du Code.

Néanmoins, le consensus actuel est que toute mesure en faveur des PME est discriminatoire,

dans la mesure où PME veut dire local. C’est pourquoi, les mesures en faveur des PME144,

notamment les dispositions de l’article 48 du Code, ne peuvent concerner que la sous-

traitance, relativement aux conditions d’exécution des marchés. C’est pourquoi, selon un

rapport réalisé par le Comité Richelieu en 2007145, il pourrait sembler opportun de « faire de

la part de la sous-traitance confiée aux PME innovantes un critère de choix des offres ».

Par conséquent le choix du « mieux-disant » environnemental par l’acheteur public peut

s’avérer délicat du fait de ces nombreux obstacles juridiques, lesquels visent

fondamentalement la mise en œuvre d’une concurrence effective entre les soumissionnaires à

un marché public.

142 Conseil d’Etat, 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation. 143 Décision du Conseil constitutionnel 2001-452, 6 décembre 2001, à propos de la loi MURCEF. 144 Au sens de l’article 8 de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, c’est à dire « les entreprises dont l’effectif ne dépasse pas 250 employés et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas en moyenne sur les trois dernières années 40 000 000 d’euros. Ne sont pas considérées comme des petites et moyennes entreprises les entreprises dont le capital social est détenu à hauteur de plus de 33% par une entreprise n’ayant pas le caractère d’une petite et moyenne entreprise ». 145 Comité RICHELIEU, Accès des PME innovantes aux marchés publics, 14 mars 2007, 26p.

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SECTION II : LES FREINS A UNE INSTRUMENTALISATION D E LA

COMMANDE PUBLIQUE

Les marchés sont destinés à procurer aux collectivités publiques des prestations dont elles ont

besoin. C’est pourquoi, les critères environnementaux doivent être lié à l’objet du marché (I).

et ne doivent pas conférer une liberté inconditionnée de choix aux acheteurs publics (II).

I – L’importance de l’objet du marché

Les critères de sélection des offres doivent être choisi pour évaluer la qualité des offres.

L’introduction de performances environnementales doit ainsi être en rapport avec le contenu

de l’achat (1). Néanmoins, l’obligation de prise en compte de l’objectif de développement

durable tend à élargir la notion d’objet du marché (B).

A – Le lien direct avec l’objet du marché

L’exigence d’un lien direct avec l’objet du marché est une condition de légalité du critère

d’attribution à caractère environnemental (1), laquelle doit s’apprécier au cas par cas (2).

1 – Une interprétation stricte

Le droit communautaire des marchés publics poursuit un objectif essentiel : la libre

concurrence. Si le pouvoir adjudicateur peut définir des critères environnementaux pour

sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, ceux-ci doivent être liés à l’objet du

marché, car la protection de l’environnement ne doit pas servir de prétexte au favoritisme. Ce

principe garantit ainsi que les critères d’attribution se rapportent aux besoins du pouvoir

adjudicateur, tels que définis dans l’objet du marché. Dès lors qu’il s’agit de la qualité

intrinsèque de l’offre, le lien avec l’objet du marché s’établit facilement.

La condition de relation avec l’objet du marché s’apprécie à deux niveaux. La solution est de

l’ordre du politique et le juge tient compte de ce que la préservation de l’environnement fait

partie des objectifs poursuivis dans le secteur concerné. Tel est le cas pour les transports en

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commun ou la fourniture d’électricité. Puis, l’analyse porte sur la relation établie par le

pouvoir adjudicateur entre les considérations environnementales et la satisfaction de ses

besoins. Il s’agit de vérifier que les conditions écologiques sont en relation avec l’exécution

de la prestation. En effet, l’avantage que procure le critère d’attribution doit concerner

directement le pouvoir adjudicateur, la seule satisfaction de l’intérêt général ne suffisant pas à

fonder la légalité du critère environnemental.

La notion de lien avec le marché est alors interprétée de façon relativement stricte, aussi bien

par le juge communautaire que par le juge interne.

Cette condition est apparue pour la première fois dans l’arrêt Concordia Bus Finland, rendu le

17 septembre 2002 par la Cour de justice, à propos d’un critère visant à préserver

l’environnement. La condition a de nouveau été appliquée dans la décision EVN et Wienstrom

du 4 décembre 2003, laquelle a conduit à censurer le critère écologique de fourniture

d’électricité verte.

Par ailleurs, dans l’arrêt du 25 juillet 2001, Commune de Graveline, le Conseil d’Etat a

considéré qu’un critère social était sans lien avec un marché de travaux. Pour le commissaire

du Gouvernement D. Piveteau, « le déblaiement d’une douve et le tri des déchets, qui sont des

travaux de maintenance d’œuvre se prêtent peut-être assez bien à des objectifs d’embauche

de chômeurs ou de réinsertion professionnelle, mais ils ne les visent pas, et ne les impliquent

pas nécessairement pour leur exécution. Par conséquent, la clause litigieuse se révèle

extérieure, tant à l’objet proprement dit du marché que, plus généralement, à celui de la

réglementation des marchés publics ».

Confirmant la position de la Cour de justice, le considérant 1 des directives communautaires

du 31 mars 2004 précise que « ces critères doivent être liés à l’objet du marché », laquelle est

condition fondamentale de la légalité du critère environnemental. De plus, cette condition est

réitérée dans les dispositions relatives aux critères d’attribution des marchés146.

En droit interne, l’article 53-1 du Code des marchés publics prévoit que pour déterminer

l’offre économiquement la plus avantageuse, les offres doivent, en premier lieu, se conformer

146 Articles 55 de la directive 2004/17/CE ; article 53 de la directive 2004/18/CE.

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à l’objet du marché. Ainsi, l’article 53-II précise que des critères additionnels « peuvent être

pris en compte, s’ils sont justifiés par l’objet du marché ». Un critère d’attribution

environnemental doit donc seulement servir à juger une offre en fonction de ce que demande

précisément le pouvoir adjudicateur.

Selon le conseiller d’Etat Alain Ménéménis, le pouvoir adjudicateur peut, pour sélectionner

l’offre économiquement la plus avantageuse, se fonder sur les « performances générales de

l’entreprise et pas que sur les performances liées à l’objet du marché », mais dans tous les

cas il existe « l’obligation d’un lien direct, clair à l’objet du marché ». L’acheteur public est

appelé ainsi à ne pas confondre les performances générales de l’entreprises considérées au

travers de la sélection des candidatures et le respect de l’objet du marché. L’acheteur public

peut ainsi inclure toutes les exigences environnementales ayant un rapport avec l’objet du

marché. En revanche, il ne peut requérir de la part des fabricants, dans le cadre d’un achat de

meubles, par exemple, qu’ils utilisent, du papier recyclé dans leurs bureaux.

Ainsi, la condition du lien entre le critère environnemental et l’objet du marché doit être

interprétée avec rigueur, en dépit des difficultés techniques auxquelles se trouvent confrontés

les pouvoirs adjudicateurs soucieux de « verdir » leurs marchés publics.

2 – Une condition d’espèce

Cependant, il s’agit d’une condition d’espèce qui s’apprécie au cas par cas en fonction du

marché en cause. Par exemple, le tribunal administratif de Montpellier par une ordonnance du

31 juillet 2001, SA Guintoli c/ Commune de Leucate, a pu considérer qu’un critère écologique

de classement des offres était, en l’espèce, en rapport avec l’objet du marché de travaux,

lesquels devaient être exécutés dans une zone écologiquement sensible.

Les positions de principe en la matière sont en effet à exclure, comme le montre la décision de

la Cour de justice EVN et Wienstrom du 4 décembre 2003 qui a censuré le critère écologique,

faute de lien avec l’objet du marché. Dans cette affaire, la Cour de justice invalide ce critère

d’attribution, lequel formulé de telle manière, imposait aux soumissionnaires d’être en mesure

de fournir davantage d’énergie renouvelables que nécessaire pour l’exécution du marché. En

effet, le cahier des charges indiquait que le soumissionnaire le mieux classé s’agissant du

critère écologique serait celui qui pourrait fournir la plus grande quantité d’énergie

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renouvelable au-delà des besoins du pouvoir adjudicateur. La Cour estime que le fait de

solliciter des soumissionnaires qu’ils soient en mesure de fournir davantage d’énergies

renouvelables que la quantité nécessaire à l’exécution du marché est contraire à l’obligation

de fixer des critères d’attribution liés à l’objet du marché. En effet, toute quantité supérieure

est sans rapport avec l’objet du marché. D’autre part, le fait de fixer un tel critère d’attribution

revient à privilégier les entreprises de grande importance par rapport aux petites dès lors que

celles-ci produisent nécessairement plus de quantité d’énergies que ces dernières. L’offre

d’une petite entreprise peut donc être écartée, alors même que celle-ci est en mesure de

répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur. Dès lors, la Cour condamne ce critère

d’attribution en ce qu’il n’a pas vocation à juger les offres par rapport à l’objet précis du

marché et en ce qu’il crée une discrimination non justifiée entre les entreprises selon leur

taille.

Par ailleurs, la spécificité de l’objet du marché peut justifier des dérogations à l’interprétation

stricte du lien direct existant avec le critère d’attribution. En effet, le Conseil d’État a

récemment jugé que le cahier des charges ne pouvait « se référer à une spécification

technique relative à un produit d’une marque de pavés déterminée et aux normes et aux

caractéristiques techniques des produits de cette marque », sauf lorsqu’elle est justifiée par

l’objet du marché147.

B – Vers un assouplissement du lien avec l’objet du marché

Devant la généralisation du réflexe écologique dans les marchés publics, l’interprétation

stricte d’un lien direct du critère environnemental avec l’objet du marché tend à s’assouplir

(1). A ce titre, un certain nombre d’outils sont mis à la disposition de l’acheteur public (2).

1 – Un élargissement de l’objet du marché

L’introduction des objectifs de développement durable dans l’article 5 du nouveau Code ne

permet pas d’introduire un critère environnemental quel que soit l’objet du marché. Selon une

jurisprudence constante, l’acheteur public peut introduire des critères environnementaux qui

ne participent pas directement à la satisfaction du besoin mais ils doivent avoir, quoi qu’il

147 Conseil d’État, 11 septembre 2006, Commune de Saran.

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arrive, un lien avec l’objet du marché. Néanmoins, en application de l’article 5 du nouveau

code, il convient désormais de généraliser le réflexe d’achat public écologique à l’ensemble

des marchés publics qui comportent un impact environnemental.

S’agissant du critère des « performances en matière de protection de l’environnement » d’une

offre inscrit à l’article 53 du Code, traduction restrictive du critère communautaire des

« caractéristiques environnementales » visé à l’article 53 de la directive classique, le lien

avec l’objet du marché ne paraît pas poser de difficultés dans les secteurs comportant une

dimension environnementale évidente. C’est dans ces secteurs que la Cour de justice a validé

le critère environnemental, que ce soit pour la gestion d’une ligne de transport par bus, d’un

contrat de gestion des eaux usées et d’élimination des déchets ou de la fourniture d’électricité.

Suivant une étude présentée lors de la conférence de Londres en octobre 2005 sur la mise en

œuvre dans les différents Etats de la politique européenne en faveur des achats écologiques,

des critères écologiques peuvent facilement être appliqués dans plusieurs domaines,

notamment, les eaux usées, le recyclage, le mobilier, les machines de bureau,

l’approvisionnement alimentaire, le transport et la construction148.

L’utilisation du critère environnemental ne saurait être l’apanage des seuls marchés visant

spécifiquement à protéger l’environnement. En effet, un lien avec l’objet existe si l’exécution

d’un marché comporte un impact environnemental et si le critère écologique tend à atténuer

cet impact. La circulaire d’application du Code des marchés publics du 3 août 2006 explique

en ce sens que le critère environnemental devra être lié à l’objet du marché « ou aux

conditions d’exécution ». Des préoccupations environnementales peuvent également avoir un

sens, notamment lorsqu’il s’agit de privilégier des matériaux, des procédés de fabrication

respectueux de l’environnement. Par précaution, l’acheteur doit expliciter ce lien en motivant

l’utilisation du critère dans le règlement de la consultation.

Par ailleurs, des dispositions ont été introduites dans le nouveau Code des marchés publics,

afin de prévoir un élargissement de l’objet du marché, tel que le prévoyait les directives

communautaires du 31 mars 2004. Notamment, le Code prévoit l’hypothèse de marchés

composites. Selon l’article 1er du Code, il peut y avoir des marchés qui ont à la fois pour objet

des travaux et des services, ainsi que des fournitures et des services. L’acheteur peut

148 Direction générale de l’environnement, Le pouvoir d’achat au service de l’environnement, L’environnement pour les européens, édition 22, janvier 2006.

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s’appuyer sur la définition des prestations « mixtes », afin d’introduire plus aisément des

critères environnementaux. L’appréciation du lien entre le critère d’attribution à caractère

environnemental et l’objet du marché est par exemple, plus souple, dans le cadre de la

passation d’un marché de travaux, recouvrant aussi des prestations de service.

Suivant Mme Aude Pohardy149, la France devrait proposer prochainement à la Commission

européenne l’introduction d’un « objet mixte », afin de permettre une intégration plus souple

des critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics.

2 – L’importance du professionnalisme et de l’accès à une information adéquate

Tant du point de vue juridique que du point de vue économique, l’évaluation des besoins

apparaît comme le pivot de la démarche d’achat. Il apparaît que plus les considérations

environnementales sont stipulées à un stade précoce de la procédure, plus les pouvoirs

adjudicateurs disposent de latitude, tout en garantissant une transparence optimale des

conditions de concurrence.

En effet, l’acheteur public doit insister sur l’équation « juste besoin = juste dépense »150. Pour

évaluer ces caractéristiques environnementales, l’acheteur public doit pouvoir être en capacité

d’évaluer la performance environnementale d’une offre par rapport à une autre. Le

développement durable consiste en un changement profond de la conception et de la pratique

de l’achat. Cette notion a un impact à tous les niveaux, qu’il s’agit d’intégrer dans tous les

modèles d’analyse. En effet, les méthodes de définition des besoins sont toujours

embryonnaires, peu d’acheteurs publics utilisent l’analyse fonctionnelle ou l’analyse de la

valeur. Les acheteurs publics doivent cerner les besoins, les transcrire correctement dans les

cahiers des charges et définir des grilles d’évaluation pertinente.

Afin d’avoir une meilleure appréhension des notions de « qualité écologique des produits » et

dans l’identification des produits plus respectueux de l’environnement, il apparaît nécessaire

que les acheteurs publics se professionnalisent et est un accès aisé à une information

adéquate.

149 Entretien du 16 mai 2007 avec Mme Aude Pohardy, direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi. 150 Olivier Frot, Marchés publics, comment choisir le mieux disant ?, Éditions Afnor, 346 p.

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La professionnalisation des marchés publics a été endossée par la Commission dans sa

communication du 11 mars 1998151 qui met en évidence l’importance d’une formation

adéquate des acteurs pour l’ouverture des marchés. En 2005, la Commission a d’ailleurs

réalisé un manuel pratique en matière d’achats publics « verts » contenant des exemples de

meilleures pratiques d’achats publics « verts » dans toute l’Union, ainsi que des orientations

pratiques sur la façon d’intégrer l’environnement dans les achats au jour le jour, sans

enfreindre les règles du marché intérieur. Au Royaume-Uni, le Ministère de l’environnement,

des transports et des régions ainsi que le Ministère des Finances ont respectivement adopté un

« guide vert de l’achat public » et des lignes directrices en la matière. En outre, le

gouvernement suédois a créé un comité des marchés publics écologiquement durables qui a

également publié un guide destiné aux acheteurs publics nationaux.

En France, c’est en vue d’aider l’acheteur public à prendre en considération ces exigences

juridiques que s’est constitué, au plan national, un Groupe Permanent d’Etude des Marchés

« Développement durable, Environnement »152, rattaché en 2007, à l’observatoire économique

de l’achat public153. Un « guide de l’achat public éco-responsable » a été publié en 2005. Des

bases de données ont été créées contenant des orientations destinées à aider les entreprises et

les autorités publiques à établir des systèmes valables. L’accès à l’information peut aussi être

assuré par l’établissement de réseaux d’acheteurs, permettant la diffusion de données, de

bonnes pratiques ou d’expériences en matière d’achats verts154.

En outre, les pouvoirs publics soutiennent depuis plusieurs années le développement de

référentiels dans le domaine du développement durable155. Ces référentiels permettent d’aider

151 COM (1998) 143 final, paragraphe 3.1.3. 152 Arrêté du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, 9 janvier 2004. rattaché en 2007, à l’observatoire économique de l’achat public 153 Décision n° 2006-1 du 1er mars 2007 du comité exécutif de l’Observatoire économique de l’achat public (ministère de l’économie, des finances et de l’industrie) prise en application de l’article 132 du Code des marchés publics et de l’arrêté du 28 août 2006 relatif aux groupes d’étude des marchés de l’Observatoire économique de l’achat public, JORF du 26 août 2006. 154 C’est pourquoi, l’association Les Eco Maires en partenariat avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et les réseaux territoriaux existants sur la commande publique et le développement durable lance une enquête nationale intitulée «Collectivités et commande publique durable ». Son objet est de dresser un état des lieux : les collectivités engagées dans cette dynamique, les pratiques en la matière, les freins et leviers à l’action. 155 Une coordination est nécessaire entre des différents partenaires institutionnels autour de la problématique de l'achat public durable. En effet, une coordination entre le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi et le ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durable est indispensable pour une mise en commun des connaissances et une cohérence de la réglementation.

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les acheteurs publics à définir leurs besoins en prenant en compte des objectifs de

développement durable et à choisir des offres présentant des garanties objectives156.

Par exemple, afin de diffuser l’achat responsable, la Direction des achats, de la logistique, des

implantations administratives et des transports de la Mairie de Paris a établi un « référentiel

d’achat responsable » retraçant ses méthodes de travail, son savoir-faire et ses réalisations.

Ces recommandations techniques sont destinées à aider les acheteurs publics à intégrer

l’environnement dans les marchés publics, de façon pragmatique et en toute sécurité

juridique. « Un des axes privilégiés est d’acheter des biens et prestations les plus éco-

responsables avec un niveau d’exigence environnemental, en recherchant un éco-label

français ou européen »157.

L’utilisation de ces possibilités dépend dans une large mesure de la sensibilité de l‘autorité

pour la protection de l’environnement, et de son expertise en la matière. C’est pourquoi,

l’accès à une information précise de ce qui est réalisable doit être assurée afin de faciliter cette

tâche complexe d’une grande importance.

II – La subordination au principe de neutralité de la commande publique

La passation des marchés publics consiste, par essence, à faire se rencontrer l’offre et la

demande avec une prudence particulière lors de l’attribution des marchés, du fait que les

entités publiques sont financées par les contribuables. Le marché doit donc répondre aux

besoins exclusifs de la collectivité publique. La finalité de la mise en concurrence reste

l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics (A), encadrant

ainsi la liberté de choix de l’acheteur public (B).

156 Certaines démarches permettent de définir des conditions d’exécution raisonnables, comme les initiatives prises par certaines grandes collectivités telles que Paris, Valenciennes ou encore Mulhouse en créant des postes de médiateurs dont la mission consiste à aider les pouvoirs adjudicateurs à identifier ce qui relève de l’insertion dans les marchés publics. 157 Entretien du 21 mai 2007 avec Monsieur Jean-Philippe Jeanneau-Reminiac, chef du bureau des prestations et fournitures à la sous-direction des achats de la mairie de Paris.

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A – Un droit économiquement neutre

L’achat, avant d’être durable, est un achat, un acte économique qui a pour vocation de

satisfaire un besoin public (1). Dès lors, l’intégration de considérations environnementales

dans les marchés publics relève d’un certain paradoxe (2).

1 – Un droit à finalité économique

Dans la conception française du droit des marchés publics, l’achat public revêt un caractère

instrumental. Outil de satisfaction des besoins de l’administration, il vise avant tout à procurer

des travaux, des fournitures et des services aux collectivités publiques aux meilleures

conditions de qualité et de coût. C’est pourquoi, les marchés publics font l’objet d’une

réglementation extrêmement précise et contraignante. La liberté contractuelle n’est certes

jamais totale pour les administrations, mais elle est, dans le domaine des marchés publics,

particulièrement encadrée. Dans ce contexte, l’assujettissement à des obligations de publicité

et de mise en concurrence ne constitue pas une fin en soi, mais permet d’atteindre cet objectif

premier de l’achat public et surtout de moraliser l’action administrative.

En se fondant sur ce principe général, les juges tant communautaires que nationaux ont

longtemps fait obstacle à l’intégration d’un critère de nature non économique dans les

marchés publics. En effet, jusqu’au Code des marchés publics de 2001, aucune disposition

spécifique ne permettait de prendre en compte les questions écologiques.

Le conseil d’Etat a eu l’occasion de censurer un certain nombre de dispositifs prévoyant

l’inclusion de critères autres qu’économiques dans le choix des attributaires des marchés.

Dans ses conclusions relatives à l’arrêt du 25 juillet 2001, Commune de Gravelines158, le

commissaire du gouvernement indiqua que l’illégalité du critère social était « l’expression du

principe tout à fait essentiel de la neutralité de la réglementation des marchés publics, c’est à

dire l’idée selon laquelle la dépense publique qui s’effectue à l’occasion d’un marché ne doit

pas être l’instrument d’autre chose que la réalisation du meilleur achat au meilleur prix ».

158 Conseil d’Etat, 25 juillet 2001, Commune de Gravelines, AJDA 2002, p. 46.

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De même, au niveau communautaire, les directives « marchés publics » ne poursuivent pas

non plus des objectifs écologiques. Le fondement de la politique communautaire en matière

de marchés publics repose sur le respect d’une concurrence effective garantie par des

procédures transparentes réduisant la marge de discrétion des pouvoirs adjudicateurs lors de

l’attribution des contrats. L’objectif poursuivi par la recherche de cette concurrence efficace

est d’assurer la meilleure utilisation de l’argent du contribuable.

Ainsi, l’article 1er du Code des marchés publics précise que « ces principes permettent

d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

Le droit des marchés publics s’analyse, en effet, comme un droit économiquement neutre dont

la neutralité fondamentale s’oppose en principe à la prise en considération d’éléments

étrangers à l’objet même du marché ou aux besoins de l’acheteur public. En effet, l’objet des

marchés publics n’est pas, en tant que tel, de permettre la mise en œuvre des politiques

environnementales.

De plus, cette notion d’efficacité de la commande publique a une connotation libérale, celle

de l’efficacité économique. Selon la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003,

« l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont

assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de

mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse ».

C’est pourquoi, le système de l’adjudication, reposant sur l’attribution automatique du marché

à l’entreprise qui a proposé le prix le plus bas, est apparu dès l’ordonnance royale de 1535

comme le plus protecteur des deniers publics. Même si ce système n’est plus le procédé de

passation de base des marchés publics, il reflète la culture inhérente d’efficacité et de

neutralité de la commande publique.

Selon une récente communication interprétative de la Commission européenne du 1er août

2006, « compte tenu des difficultés budgétaires auxquelles sont confrontées de nombreux

Etats membres, il est particulièrement important de veiller à rentabiliser aux mieux les

deniers publics ».

Les finalités spécifiques poursuivies par les marchés publics apparaissent ainsi, a priori,

difficilement conciliables avec les impératifs d’une politique écologique.

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2 – Une conciliation paradoxale

L’utilisation instrumentale des marchés publics, dans la poursuite d’objectifs secondaires tels

que la protection de l’environnement, peut paraître en contradiction avec les fondements de la

politique communautaire défendue par la Commission. Il apparaît donc nécessaire de savoir

dans quelle mesure les objectifs environnementaux doivent-ils être conciliés avec le

fondement économique de la politique des marchés publics.

Selon le conseiller d’Etat Alain Ménéménis, l’insertion de clauses environnementales dans

l’achat public relève du paradoxe. En effet, les acheteurs publics sont tenus de réaliser un acte

économique éclairé, tendant au meilleur rapport qualité/prix, ce qui n’est pas forcément

conciliable avec le respect de critères de développement durable. Eu égard aux risques d’être

taxé de pratiques discriminatoires, il est par nature paradoxal de vouloir intégrer des critères

environnementaux dans une commande publique. En effet, le critère retenu doit permettre de

mesurer un avantage économique au bénéfice du pouvoir adjudicateur. En effet, ces deux

exigences ne permettent pas la prise en compte de considérations écologiques générant un

avantage de nature générale bénéficiant à la société au sens large.

Cependant, le fondement économique des marchés publics doit être concilié avec la

responsabilité sociale inhérente à l’action des autorités publiques, notamment en matière de

protection de l’environnement. La plupart des pollutions et nuisances ayant leur source dans

les activités humaines et industrielles, la croissance économique induite par la réalisation du

marché unique entraîne un inévitable surcroît de pollution.

Avec le Traité d’Amsterdam, les exigences de la protection de l’environnement doivent être

intégrées dans les autres politiques et ceci constitue un principe général de droit

communautaire, par opposition à un principe de droit environnemental seul. Cependant, en

l’absence d’intérêts prioritaires, il est nécessaire de trouver un équilibre entre le respect des

intérêts environnementaux, économiques et sociaux au cours d’un exercice de conciliation. En

effet, le principe d’intégration ne remet pas en cause le contenu des politiques

communautaires qui conservent leurs objectifs propres. Il en résulte que les exigences

environnementales doivent être intégrées dans la mise en œuvre de la politique

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communautaire des marchés publics tant que cette intégration ne dénature pas l’objectif

économique de cette dernière.

La protection de l’environnement et la réalisation d’une politique concurrentielle des marchés

publiques ne sont pas des objectifs antinomiques, et l’écologisation des procédures d’achat ne

doit pas être perçue comme une menace à l’intégration du marché dès lors que des règles

claires garantissent le respect des principes fondamentaux du marché unique.

Il reste que la finalité de la réglementation en matière de marchés publics est la réduction de

la dépense publique au nom de critères financiers à court terme, et non l’expression concrète

de la volonté collective.

B – Une limitation à la liberté de choix du critère environnemental

La possibilité d’instrumentaliser la commande publique au service de l’intérêt général

demeure très encadrée (1). Dans le souci de privilégier l’efficacité économique, les

collectivités publiques risquent souvent de renoncer au « mieux-disant » environnemental (2).

1 – Une liberté « sous surveillance » de l’acheteur public

La possibilité d’intégrer des impératifs écologiques dans les marchés publics reste limitée. En

effet, le critère d’attribution environnemental ne doit pas conférer une liberté inconditionnée

de choix à l’acheteur public. Les critères choisis doivent le guider dans l’identification de

l’offre économiquement la plus avantageuse, en lui permettant d’apprécier et de comparer

objectivement les offres soumises, afin de pouvoir retenir celle correspondant le mieux à ses

besoins.

a – L’interdiction d’une liberté inconditionnée de choix

Cette condition a été posée explicitement par la Cour de justice dans l’arrêt Concordia Bus

Finland159. La Cour de justice a, s’agissant de l’affaire des bus finlandais comme de

l’électricité autrichienne posé que « la définition des critères de choix ne devait pas conférer

159 V. CJCE, Concordia Bus Finland, pts 61, 64 et 69.

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au pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée : le critère doit être énoncé en termes

objectifs et vraisemblablement quantifiables ». De plus, l’énoncé du critère environnemental

« doit être assorti d’exigences permettant un contrôle effectif de l’exactitude des informations

fournies par les soumissionnaires ». Les critères environnementaux doivent ainsi être

spécifiques, liés au produit et mesurables ou « spécifiques et objectivement quantifiables ».

Sans doute parce qu’elle rejoint l’exigence du lien suffisant du critère avec l’objet du marché,

cette condition n’a pas été reprise expressément dans les dispositions mêmes des directives du

31 mars 2004. Les directives se contentent dans les motifs, au considérant 1, de rappeler la

règle posée par la Cour de justice, précisant ainsi que ces critères d’attribution ne doivent pas

conférer « une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur ».

En droit interne, l’article 53-I du Code des marchés publics, précise que le marché doit être

« attribuer au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse ». En

outre, s’alignant sur la jurisprudence Concordia Bus Finland, la circulaire du 3 août 2006

portant manuel d’application du Code des marchés publics du précise concernant l’article 53

que le critère d’attribution, notamment environnemental, « ne devra pas être formulé de

manière à donner un pouvoir discrétionnaire à l’acheteur public lors du choix de la meilleure

offre ».

b – Un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation

Dans l’arrêt du 4 décembre 2003, Wienstrom, la Cour de justice se prononça sur la validité

d’une pondération à hauteur de 45%, d’un critère relatif à la préservation de l’environnement,

à la condition que celle-ci n’entrave pas la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de choisir

l’offre économiquement la plus avantageuse. Pour la Cour, la pondération des critères

d’attribution peut répondre à cette condition uniquement si elle permet « une évaluation

synthétique » des critères d’attribution. La Cour va alors s’attacher à mesurer la valeur d’un

tel critère. En constatant que la Communauté européenne attache une importance particulière

à l’utilisation des sources d’énergies renouvelables dans le cadre de sa politique relative à la

préservation de l’environnement, la Cour conclut au caractère justifié d’une pondération à

hauteur de 45% du critère tendant à prendre en compte les quantités d’énergies renouvelables

utilisées par les soumissionnaires.

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Le Code des marchés publics ne traite pas de la question des méthodes de pondération et de

notation, d’affectation des coefficients chiffrés à chacun des critères puis l’affectation d’une

note à chacun des critères pondérés. Le Code est resté silencieux sur ces opérations, relevant

de la gestion et non du droit. Selon le Conseil d’Etat dans un arrêt du 1er avril 1998,

Département de Seine-et-Marne, le contrôle du juge sur le choix des coefficients de

pondération et les modalités de la notation ne porte que sur un contrôle restreint de « l’erreur

manifeste d’appréciation ». En effet, le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 28 avril 2006,

Commune de Toulouse, a validé la pondération de 50% au critère esthétique retenue pour un

marché de mobilier urbain. Cette analyse jurisprudentielle peut, en tout état de cause, être

transposée aux critères environnementaux.

La pondération conserve donc une part de subjectivité, eu égard à l’amplitude de notation.

L’acheteur doit en effet se poser la question de ce qui va déboucher sur un zéro ou sur une

note maximale. La méthode de notation elle-même pourra donner des classements différents

alors que les offres des soumissionnaires sont identiques. De plus, la personne publique va

transformer des éléments non chiffrés, pour les besoins de l’exercice, en note. Les fondements

de cette traduction sont aussi assez subjectifs. En conséquence, la pondération ne doit pas

signifier donner un pouvoir inconditionnel de choix à l’acheteur public. Elle doit permettre de

prendre en compte l’intégralité des caractéristiques de la meilleure offre sans son mode de

choix.

La commission d’appels d’offres au sein des collectivités territoriales devient, de fait, une

quasi-chambre d’enregistrement, composée d’élus locaux, à la différence de la commission

pour les marchés d’Etat, composée de fonctionnaires. La Commission des collectivités

territoriales est souveraine et peut ainsi, en le motivant, ne pas retenir l’entreprise arrivée en

première position et ainsi aller à l’encontre des résultats de la pondération. Le juge ne peut

alors opérer qu’un contrôle restreint sur le choix opéré par la commission d’appel d’offres.

2 – La prééminence du critère du prix

Dans ce contexte juridique dominé par des considérations économiques, les collectivités

publiques doivent choisir l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base de critères

objectifs mentionnés dans les textes ou définis par l’acheteur public.

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Bien que la notion « d’offre économiquement la plus avantageuse » ait été élaborée dès 1971

par la première directive sur les marchés publics de travaux et introduite dans le Code des

marchés publics en 2001, force est de constater qu’elle a été jusqu’ici difficilement mise en

pratique faute, notamment, de sécurité juridique. Le prix reste toujours un critère dans la

commande publique, même s’il doit aller de pair avec une appréciation de la qualité du

produit ou du service acheté. Ce critère, pourtant classé en deuxième place le Code, est resté

prépondérant. En effet, l’article 53 du Code dispose expressément que « si compte tenu de

l’objet du marché, la personne publique ne retient qu’un seul critère, ce critère doit être le

prix ». Certes, l’utilisation du critère unique du prix ne peut être systématique, mais cette

disposition rappelle que le prix reste une composante incontournable de l’achat public.

Dans la pratique, quelles que soient les possibilités ouvertes pour l’intégration de

l’environnement, le critère déterminant reste le prix. L’administration attribue presque

toujours le marché aux moins-disants et toute autre solution doit être assortie de très solides

justifications, sous peine de soulever des critiques.

En effet, la recherche du « moins-disant » a longtemps imprégné la culture administrative

française. Il est pourtant nécessaire de sortir de la dictature du prix, malgré les nombreuses

oppositions dénonçant la dilapidation de l’argent du contribuable. Les acheteurs publics ont

souvent « peur » de se projeter dans l’avenir et préfèrent donc utiliser des critères financiers à

court terme. En effet, « le moins disant est plus simple pour tout le monde. Le prix est une des

rares choses que l’on puisse qualifier d’objective »160. Suivant une étude réalisée par

l’organisme Qualifelec, 80% des attributaires des marchés du textile proposaient l’offre la

plus basse. Cette pratique est pourtant régulièrement dénoncée. Des circulaires rappellent

périodiquement que la meilleure offre est celle du mieux-disant161.

Par ailleurs, dans la recherche du « mieux-disant » environnemental, il est nécessaire d’avoir

la volonté et la capacité de définir et d’appliquer ces critères.

En effet, la prise en compte de l’environnement dans les marchés publics relève d’une

pratique volontariste. Chacun peut participer, quelle que soit sa place au sein de

160 Olivier Frot, Comment choisir le mieux disant ?, achatpublic.com, 22 février 2007. 161 Circulaires, 25 septembre 1991, Mon. TP 4 octobre 1991, p. 330 ; 8 juillet 1992, Mon. TP 17 juillet 1992, p. 231 ; 20 janvier 1994, Mon. TP 4 février 1994, p. 283.

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l’administration, à une gestion des ressources économe et inscrite dans la durée. Cependant,

l’implication des décideurs est l’élément indispensable conditionnant la mise en place de cet

objectif de développement durable dans les marchés publics, qui doit être prolongée par le

développement d’actions structurantes. De plus, même si les collectivités locales sont

aujourd’hui les « premiers » acheteurs publics, les décideurs locaux sont souvent plus attachés

à gérer leur budget à « l’euro près », qu’à définir une véritable politique d’achat durable. Face

à la complexité de l’introduction des critères environnementaux dans les marchés publics, les

acheteurs semblent souvent démunis et choisissent parfois, par facilité, l’option du « moins-

disant ».

Ainsi, dans la pratique, l’acte d’achat est encore un simple acte de consommation, même s’il

tend à devenir un acte écologique.

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CONCLUSION

Les évolutions récentes des règles de droit tant communautaires que nationales applicables à

l’achat public constituent un exemple de la volonté nouvelle de concilier les exigences de

l’économie avec celles relatives à l’environnement. Sous l’impulsion du droit communautaire,

les personnes publiques tentent de passer d’une logique de développement économique à celle

de développement durable. Les dispositions réglementaires favorables au développement

durable sont incluses dans plusieurs étapes de la passation d’un marché public.

L’acheteur public est ainsi en situation d’influer, ou tout du moins, de prendre en compte la

préservation de l’environnement, dès lors qu’il détermine ses besoins pour passer un marché

public. Des critères à caractère environnemental peuvent être intégrés lors de la sélection

qualitative des candidatures, grâce aux informations demandées aux soumissionnaires sur leur

savoir-faire en matière environnementale. Ils peuvent, par ailleurs, être pris en compte dans

les critères de sélection des offres afin de déterminer l’offre économiquement la plus

avantageuse. Enfin, la fixation d’objectifs de développement durable peut faire l’objet de

clauses d’exécution du marché.

L’exercice consiste à trouver un équilibre entre les exigences de transparence et d’égalité de

traitement d’un côté, de protection de l’environnement de l’autre. Sur le fond, les points qui

doivent faire l’objet d’une attention particulière sont la justification objective des capacités

demandées, le lien avec l’objet du marché et la définition précise des critères de sélection des

offres. Sur la forme, les exigences sont simples : mentionner « ou équivalent » à chaque fois

qu’il ait fait référence à un certificat ou à un écolabel particulier. Toutes ces contraintes sont

autant de limites à l’intégration de l’environnement dans les marchés publics.

Néanmoins, la volonté politique semble forte au plan national. Ainsi, la création du nouveau

ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables peut permettre

d’insuffler « du mieux environnement », et peut-être même intégré dans les principes

fondamentaux du Code des marchés publics, l’objectif de développement durable.

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Il reste ensuite à observer les mesures concrètes qui seront prises par chaque acheteur public

local, tant il est constant qu’il leur revient de fixer le niveau d’exigence environnementale

qu’ils souhaitent voir respecter au travers de leurs marchés. Pour autant, un rapport

d’information du Sénat sur les énergies locales, rappelle opportunément le devoir

d’exemplarité des collectivités locales en matière d’environnement et de sobriété

énergétique162.

162 Rapport du Sénat, Energies renouvelables et développement local : l’intelligence territoriale en action, n° 436, juin 2006.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements……………………………………………………………………………..p. 2 Sommaire. ………………………………………………………………………………….p. 3 Introduction ………………………………………………………………………………...p. 4 TITRE I : LES OPPORTUNITES DE L’INTEGRATION DES CRI TERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LES MARCHÉS PUBLICS …………………….…p. 12 SECTION I : L’OBJECTIF DE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA PHASE DE REDACTION DU MARCHE…………………………………………………………..…p. 12 I – La définition de l’objet du marché…………………………………………………..…p. 12

A. L’obligation d’une définition « durable » des besoins 1. Une étape déterminante de l’achat public durable 2. Une application des procédures de passation du marché

B. La portée juridique de l’obligation 1. Une obligation de moyens 2. Une obligation vis-à-vis des organismes de contrôle

II – La définition du contenu du marché………………………………………………..…p. 19

A. Les conditions d’exécution du marché 1. L’insertion des clauses d’exécution environnementale 2. La fixation de normes d’exécution du marché

a. Des obligations contractuelles b. Une modalité d’exécution du marché

B. La définition des spécifications techniques

1. La disparition de l’obligation de référence aux normes a. La notion de spécification technique b. Les différents modes de définition des spécifications techniques c. La valeur juridique des normes

2. Les différents modes d’utilisation des spécifications techniques a. La prise en compte d’un processus de production particulier b. La référence à des labels écologiques

i. Les différentes déclarations environnementales ii. L’exploitation de déclarations environnementales

c. L’usage de variantes

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SECTION II : L’INTEGRATION DES CRITERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LA PHASE DE PASSATION DU MARCHE…………………………………………………p. 38 I – Les critères de sélection des candidatures…………………………………………..….p. 38

A. L’exclusion de candidats 1. Les interdictions de soumissionner 2. L’utilisation de la procédure retreinte

B. Une sélection qualitative des candidatures 1. La capacité technique environnementale

a. L’exigence de capacités minimales b. L’attrait des certificats de qualité

2. L’environnement dans la structuration interne de l’entreprise II – Les critères de choix des offres………………………………………………………..p. 47

A. Les critères d’attribution traditionnels 1. L’approche « cycle de vie » du produit 2. Le dépassement de la distinction environnement/prix

B. Le critère purement environnemental 1. La reconnaissance de la légalité de critères d’attribution à vocation

environnementale a. La position favorable de la jurisprudence communautaire

i. La légalité de critère d’attribution à dimension sociale ii. La légalité de critère d’attribution à caractère environnemental

b. La réglementation confirmative des solutions jurisprudentielles

2. Un moyen de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse a. L’option entre « mieux-disant » et « moins-disant » b. L’exigence de pondération

TITRE II : LES LIMITES A L’INTEGRATION DES CRITERES ENVIRONNEMENTAUX DANS LES MARCHES PUBLICS ……………………….p. 62 SECTION I : LE RESPECT DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA COMMANDE PUBLIQUE……………………………………………………………………………..…p. 62 I – La mise en œuvre effective de la concurrence…………………………………………p. 62

A. Les principes généraux de la commande publique 1. L’affirmation des principes 2. Les exigences liées à l’égalité

a. Le principe d’égalité b. Des critères environnementaux non discriminatoires

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3. Les exigences liées à la transparence des procédures

a. Le principe général de transparence b. Les exigences procédurales de publicité

i. Une publicité de la pondération des critères ii. La question de la publicité des sous-critères

B. Une analyse concurrentielle du marché

1. Une évaluation préalable du marché 2. Une intégration différentiée des considérations environnementales

a. L’existence d’un référentiel d’écolabel b. L’absence de référentiel d’écolabel c. Des critères environnementaux non redondants

II – Le rejet d’un protectionnisme « vert »……………………………………………...…p. 78

A. Le refus d’une discrimination positive 1. La prise en compte de l’intérêt général 2. Potentialités contentieuses d’une démarche intégrée

a. Le recours pour excès de pouvoir b. Le référé précontractuel

B. L’interdiction des préférences locales 1. Une interdiction de principe 2. Certaines mesures en faveur des PME

SECTION II : LES FREINS A UNE INSTRUMENTALISATION DE LA COMMANDE PUBLIQUE……………………………………………………………………………….p. 88 I – L’importance de l’objet du marché……………………………………………………p. 88

A. Le lien direct avec l’objet du marché 1. Une interprétation stricte 2. Une condition d’espèce

B. Vers un assouplissement du lien avec l’objet du marché 1. Un élargissement de l’objet du marché 2. L’importance du professionnalisme et de l’accès à une information adéquate

II – La subordination au principe de neutralité de la commande publique………………...p. 95

A. Un droit économiquement neutre 1. Un droit à finalité économique 2. Une conciliation paradoxale

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B. Une limitation à la liberté de choix du critère environnemental 1. Une liberté sous surveillance de l’acheteur public

a. L’interdiction d’une liberté inconditionnée de choix b. Un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation

2. La prééminence du critère du prix Conclusion………………………………………………………………………….……p. 104 Table des matières………………………………………………………………………p. 106 Bibliographie…………………………………………………………………...………..p. 110 Annexe……………………………………………………………………………………p. 115

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BIBLIOGRAPHIE

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CAA Versailles 6 décembre 2005, « Association Pacte », AJDA, 2006, p. 374, note de Jean-David DREYFUS. Textes Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l'environnement. Décret n° 2005-935 du 2 août 2005 relatif à la partie réglementaire du Code de l'environnement. Décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant Code des marchés publics, JORF, 4 août 2006 Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d’application du Code des marchés publics Décret no 2007-397 du 22 mars 2007 relatif à la partie réglementaire du Code de l'environnement. Guides Christophe LORIAU, Guide pratique des marchés des collectivités locales, Berger-Levrault, 2004, p 399. Comité 21, Achats et développement durable, AFNOR, 2005, p. 178. Commission européenne, Acheter vert ! – Un manuel sur les marchés publics écologiques, Office des publications officielles des Communautés européennes, 2005, 39 p. Pascal CEDDAET et Adret territoires, Guide des administrations éco-responsables, ADEME, octobre 2005, p. 104. Mairie de Paris, Achat responsable, 3ème éd., janvier 2007. Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, Plan national d’action pour des achats publics durables, mai 2007, p. 57. Sites internet www.achatsresponsables.com www.ademe.fr www.afnor.fr/collectivite.asp (site de l’Association française de normalisation dédié aux collectivités locales) www.colloc.minefi.gouv.fr (site d’information destiné aux collectivités locales) www.consodurable.org (site de l’association « Consodurable »)

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www.ecologie.gouv.fr/ecolabels (pages du site du ministère de l'écologie et du développement durable dédié aux écolabels) www.ecoresponsabilite.environnement.gouv.fr (site du ministère de l’environnement et du développement durable réalisé en partenariat avec l’ADEME écoresponsables) http://ec.europa.eu/environment/gpp/index_en.htm (site européen sur les achats publics écologiques) www.europa.eu.int/comm/internal_market/publicprocurement/index_fr.htm (site de la Commission européenne sur les marchés publics) www.minefi.gouv.fr/minefi/publique/marches_publics/index.htm (site des marchés publics français)

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ANNEXE

Fiche retour d’expérience élaborée par le Groupe de travail national des réseaux territoriaux « commande publique et développement durable » en octobre 2005