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Chers membres, Dans ma troisième chronique, alors que s’achevait mon séjour au Guatemala, je croyais en avoir terminé avec l’aspect humanitaire des chantiers de CASIRA. Or, par un heureux hasard le dimanche précédant mon départ, la possibilité était offerte à ceux et celles qui le souhaitaient d’aller visiter un dispensaire bien particulier tenu par un chirurgien guatémaltèque, marié à une Québécoise qui travaille auprès des organismes humanitaires. Les jours suivants, j’ai fait une dernière journée de travail à la friperie et suis retournée deux jours à «Fraternidad» pour voir l’état d’avancement des travaux et faire ma petite part dans ceux qui sont en cours. Il ne me restait ensuite qu’à revenir à mon confort bien douillet, le cœur un peu barbouillé… Bientôt sur votre écran d’ordi: une dernière chronique-photos d’amateur sur des sites touristiques du Guatemala. Le dispensaire de San Juan Sacatepequez: pour survivre et sourire à la vie Je savais que ça existe, que des médecins généralistes et spécialistes prennent des vacances ou du temps de leur retraite pour aller traiter bénévolement des gens dans des pays où le système de santé ne peut répondre à tous les besoins, particulièrement quand il s’agit des plus démunis. On connaît tous «Médecins sans frontières», mais il y en a d’autres; les chirurgiens que j’ai rencontrés lors de ma visite au dispensaire sont de la «Free to Smile Foundation» (des Américains, des Canadiens anglais, pas encore de Québécois – ils sont sûrement dans d’autres organismes…) Que viennent faire ces médecins étrangers au Guatemala? En gros, on peut dire qu’ils viennent sauver des vies, et c’est déjà beaucoup. Mais quand on parle de chirurgie plastique, c’est s’efforcer d’ajouter de la qualité à une vie qui en a déjà peu ou qui n’en aurait plus aucune. Au dispensaire de San Juan, les chirurgies les plus courantes sont celles relatives aux becs-de-lièvre (environ 300 par année; voir la vidéo en ligne sur la Mission 2011 de Free to Smile : http://www.youtube.com/watch?v=0Fz6IWCugUo) – surtout chez les jeunes enfants –, au prolapsus ou descente de l’utérus (dû aux grossesses nombreuses et très rapprochées – des cas inimaginables) et au cancer du col de l’utérus (souvent diagnostiqué trop tard). Ces médecins viennent pour une dizaine de jours à la fois, autour de dix fois par année. Entre-temps, des équipes de professionnels de la santé sillonnent le pays pour y dépister les cas les plus importants et les plus urgents à traiter. J’ai découvert un dispensaire moderne et accueillant, une salle d’opération bien équipée et impeccable, une auberge organisée pour recevoir adéquatement les proches et les petits en attente de traitement, sans oublier un personnel guatémaltèque et étranger admirable. Lors de ma visite, les chirurgies prévues pendant le séjour des chirurgiens étaient consacrées uniquement à la réparation et au suivi des becs-de- lièvre. J’ai été « confrontée » à des visages que je n’oublierai jamais, des enfants souvent voués à une mort en très bas âge parce qu’ils ne peuvent téter et s’alimenter suffisamment. D’ailleurs, il arrive souvent que les parents ne les inscrivent pas au registre d’état civil à la naissance parce qu’ils savent que leur espérance de vie est très courte. En général, ces enfants doivent être alimentés convenablement pendant quelques mois, grâce à un programme spécial, afin de pouvoir être suffisamment forts pour survivre à l’opération. Le dispensaire Salle d’opération

Chers membres,

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Page 1: Chers membres,

Chers membres, Dans ma troisième chronique, alors que s’achevait mon séjour au Guatemala, je croyais en avoir terminé avec l’aspect humanitaire des chantiers de CASIRA. Or, par un heureux hasard le dimanche précédant mon départ, la possibilité était offerte à ceux et celles qui le souhaitaient d’aller visiter un dispensaire bien particulier tenu par un chirurgien guatémaltèque, marié à une Québécoise qui travaille auprès des organismes humanitaires. Les jours suivants, j’ai fait une dernière journée de travail à la friperie et suis retournée deux jours à «Fraternidad» pour voir l’état d’avancement des travaux et faire ma petite part dans ceux qui sont en cours. Il ne me restait ensuite qu’à revenir à mon confort bien douillet, le cœur un peu barbouillé…

Bientôt sur votre écran d’ordi: une dernière chronique-photos d’amateur sur des sites touristiques du Guatemala. Le dispensaire de San Juan Sacatepequez: pour survivre et sourire à la vie

Je savais que ça existe, que des médecins généralistes et spécialistes prennent des vacances ou du temps de leur retraite pour aller traiter bénévolement des gens dans des pays où le système de santé ne peut répondre à tous les besoins, particulièrement quand il s’agit des plus démunis. On connaît tous «Médecins sans frontières», mais il y en a d’autres; les chirurgiens que j’ai rencontrés lors de ma visite au dispensaire sont de la «Free to Smile Foundation» (des Américains, des Canadiens anglais, pas encore de Québécois – ils sont sûrement dans d’autres organismes…)

Que viennent faire ces médecins étrangers au Guatemala? En gros, on peut dire qu’ils viennent sauver des vies, et c’est déjà beaucoup. Mais quand on parle de chirurgie plastique, c’est s’efforcer d’ajouter de la qualité à une vie qui en a déjà peu ou qui n’en aurait plus aucune. Au dispensaire de San Juan, les chirurgies les plus courantes sont celles relatives aux becs-de-lièvre (environ 300 par année; voir la vidéo en ligne sur la Mission 2011 de Free to Smile : http://www.youtube.com/watch?v=0Fz6IWCugUo) – surtout chez les jeunes enfants –, au prolapsus ou descente de l’utérus (dû aux grossesses nombreuses et très rapprochées – des cas inimaginables) et au cancer du col de l’utérus (souvent diagnostiqué trop tard). Ces médecins viennent pour une dizaine de jours à la fois, autour de dix fois par année. Entre-temps, des équipes de professionnels de la santé sillonnent le pays pour y dépister les cas les plus importants et les plus urgents à traiter.

J’ai découvert un dispensaire moderne et accueillant, une salle d’opération bien équipée et impeccable, une auberge organisée pour recevoir adéquatement les proches et les petits en attente de traitement, sans oublier un personnel guatémaltèque et étranger admirable. Lors de ma visite, les chirurgies prévues pendant le séjour des chirurgiens étaient consacrées uniquement à la réparation et au suivi des becs-de-lièvre. J’ai été « confrontée » à des visages que je n’oublierai jamais, des enfants souvent voués à une mort en très bas âge parce qu’ils ne peuvent téter et s’alimenter suffisamment. D’ailleurs, il arrive souvent que les parents ne les inscrivent pas au registre d’état civil à la naissance parce qu’ils savent que leur espérance de vie est très courte. En général, ces enfants doivent être alimentés convenablement pendant quelques mois, grâce à un programme spécial, afin de pouvoir être suffisamment forts pour survivre à l’opération.

Le dispensaire

Salle d’opération

Page 2: Chers membres,

Si ma visite à la salle de chirurgie (brossée et vêtue comme il se doit) pour assister à la fin d’une opération et ensuite au réveil d’un autre petit opéré dans une salle adjacente m’a bouleversée profondément, j’ai pu éprouver un certain soulagement lors de la visite de l’auberge et la rencontre avec les familles en « stand-by ». En effet, contrairement à ce qu’on pourrait présumer, les enfants en attente d’une opération sont joyeux, rient et crient comme nos enfants du même âge malgré leur lourd handicap, s’agitent dans les bras de leurs parents ou en rampant sur le sol. Ils nous regardent avec curiosité, nous les « gringos » qui leur tendons les bras et leur offrons un petit jouet pour les amuser. Ce serait bien, une salle de jeu et des jeux extérieurs pour les distraire pendant leur séjour à l’auberge du dispensaire…Tiens, peut-être un projet parallèle à mijoter…

Retour au chantier « Fraternidad » : « petit train va loin », semble-t-il…

C’est idiot les souvenirs, parfois. À ma première semaine complète dans la capitale, j’ai travaillé à « Fraternidad ». Je vous en ai d’ailleurs parlé. Parce que les élèves avaient eu accès à une nouvelle salle de douches et de toilettes, qu’un ou deux dortoirs avaient été repeints et une partie de la toiture démolie pour la remplacer par une nouvelle et davantage de puits de lumière, j’étais contente du travail accompli et j’affichais un bel optimisme sur la suite des travaux. L’avant et l’après dont j’avais été témoin m’encourageaient.

De retour en fin de séjour, quatre semaines plus tard, je déchante un peu. Non pas parce que les travaux ne progressent pas… pas du tout. Des équipes sont au travail, jour après jour, toujours dans la bonne humeur et sans s’arrêter à l’inconfort ou à la sécurité parfois aléatoire des tâches à exécuter. Mais cette fois, parce que je ne découvre plus et que j’observe mieux et davantage, je prends pleinement conscience de l’ampleur des travaux, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, c’est l’état de dénuement – le mot est peut-être trop fort ou son utilisation biaisée par mes propres perceptions sur un niveau de confort et de salubrité acceptable – des dortoirs des jeunes pensionnaires. Les lits superposés à trois étages, en fer que la rouille s’entête à ronger, les planches affaiblies ou en nombre insuffisant qui supportent les matelas, et ces matelas qu’il faut déplacer mais qu’on ose à peine toucher…

Tout à coup, j’ai un moment de cafard – d’ailleurs, il y en a peut-être qui se cachent dans ces matelas déchirés, percés, tachés – et je me demande comment ces enfants font pour dormir, et se reposer, dans de telles conditions. Ceux qui sont là depuis quelques semaines me rassurent. Les lits sont en voie de rénovation : on sable au papier d’émeri la structure de métal, on y applique une belle peinture à métal noire - qui parfois tient bien, parfois moins, selon le niveau de chaleur de la pièce où l’on travaille et la qualité de la peinture –, on remplace les planches de soutien brisées, et on remet les vieux matelas dégueulasses (toutes mes excuses à ceux que ce qualificatif pourrait heurter). Lueur d’espoir, malgré tout, on me dit que de nouveaux matelas devraient arriver bientôt. Ouf! Sinon, peut-être que ce pourrait être un autre projet à mijoter… ;o)

Émilio

Salle de douche - avant Salle de douche - après

Page 3: Chers membres,

Sur ces encouragements, je quitte Fraternidad en me disant qu’il reste encore quelques mois de travail avant la saison des pluies. Et que plusieurs d’entre nous, et des nouveaux, seront de retour l’an prochain pour une nouvelle corvée. « Petit train va loin », je veux y croire…

Quelques irritants : il en faut bien pour apprécier tout le reste

Pour ne pas vous laisser sur une mauvaise note, je vous parle d’abord des deux seuls irritants de mon séjour et je n’en ai pas de photos, ce qui s’explique dans le premier cas…À trois heures du matin, les coqs commencent à s’époumoner et ne savent pas qu’après avoir chanté trois fois, ils sont censés se taire (dixit la Bible); les chiens (errants ?) s’empressent de les accompagner de leurs hurlements, toujours à partir de trois heures du matin. En principe, on essaie de dormir à cette heure – d’autant plus qu’il faut se lever tôt pour aller sur les chantiers –, mais c’est peine perdue. Et comme si ce n’était pas suffisant, les Guatémaltèques aiment souligner les événements spéciaux (anniversaire, décès, congé, n’importe quoi) en allumant de longues banderoles de pétards (vous vous rappelez les rouleaux de papier des fusils à pétard qu’on avait autrefois?) aux petites heures du matin ou n’importe quand dans la journée. Infernal! L’autre irritant, c’est la pollution, celle causée par les voitures, mais aussi celle causée par les gens rébarbatifs aux poubelles, mais que semblent apprécier les nombreux chiens (errants?). Encore une fois, mes vieux souvenirs refont surface – quand j’étais enfant, il était courant que des gens vident le cendrier de leur voiture n’importe où et jettent leurs papiers mouchoirs, sacs de chips vides, emballages de tablettes de chocolat et n’importe quoi d’autre dans la rue. On ne le fait plus, il me semble. En français, le mot « pollution » en matière d’environnement, n’est apparu qu’au détour des années 1960. Au Guatémala, ça viendra avec le temps et les programmes de collecte des ordures ailleurs que dans les lieux touristiques ou les beaux quartiers. À chacun son rythme.

Une multitude de coups de cœur : le salaire des bénévoles

Mes coups de cœur sont trop nombreux pour vous les énumérer tous. J’aime les Guatémaltèques, ces descendants des Mayas, souvent de petite taille, les femmes plutôt bien enrobées, les enfants particulièrement beaux. Chez certains, leurs

Juan Une maman

À l’oeuvreLes matelasLits superposés

Page 4: Chers membres,

pommettes et leurs yeux légèrement bridés nous rappellent que les premiers humains ont beaucoup voyagé depuis leurs premiers pas en Afrique et avant la dérive des continents.

La vie à la casa m’a beaucoup plu. N’ayant pas connu la vie trépidante des familles nombreuses dans mon enfance, N’ayant jamais été pensionnaire ni fréquenté les colonies de vacances, la vie en groupe me semblait une contrainte importante qu’il me faudrait affronter et apprivoiser pour apprécier mon séjour. Erreur! Je suis faite pour la vie en groupe. Les dortoirs à quatre ou à six sans distinction de sexe, la file d’attente (petite tout de même) pour les douches, le bruit aux repas et l’attente en ligne pour se servir, la recherche de mes petites culottes enlevées de la corde à linge et bien pliées sur une table parmi d’autres vêtements d’un peu tout le monde, les sous-groupes qui se forment selon les affinités ou les décibels, les fous rires incontrôlables avec Joanne et France alors que certains essaient de dormir, les attroupements impromptus autour du piano pour chanter « Mon pays », « Partons la mer est belle » et tant d’autres…ou entendre Maurice chanter a capella « Le chœur des esclaves » (opéra Nabucco, de Verdi), tout cela m’enchante! La casa, c’est aussi un bâtiment agréable, plein de végétation dans la cour intérieure et un jardin où s’asseoir en fin d’après-midi pour un brin de jasette et l’apéro. Tout cela risque de me manquer…

Fillettes Ti-gars

La casa Le jardin

Page 5: Chers membres,

La raison d’être de CASIRA, c’est la solidarité au moyen du travail sur les divers chantiers. On ne siffle peut-être pas toujours en travaillant, on s’écrase parfois les doigts ou les pieds, on a de la peinture dans le visage et des muscles endoloris, des outils pas toujours appropriés, souvent rafistolés avec les moyens du bord, des matériaux qui n’ont pas nécessairement réussi le contrôle de la qualité, des échafaudages parfois instables, mais c’est sans importance : chacun s’efforce d’être prudent et personne n’élève jamais la voix pour contester ou renâcler. Il y a tant à faire et avec si peu de moyens que chaque journée apporte son lot de satisfactions et le sentiment de faire œuvre utile. Et comme on travaille beaucoup pour le mieux-être des jeunes (Fraternidad, Palencia et Pinula) ou de certaines collectivités (Chacalté à Rio Dulce, le Baratillo dans la capitale) et qu’on croise sur place ceux et celles qui bénéficieront de notre engagement, la récompense est immédiate. Est-ce toujours le cas quand on est sur le marché du travail?

Le dortoir

Fraternidad : Les classes Fraternidad : La débrouillardise Fraternidad : Un merci

La détente

Page 6: Chers membres,

À la prochaine et dernière chronique!

Diane Duquet

Chacalté/Rio Dulce : Compter les vers

Chacalté/Rio Dulce : La nouvelle école

Baratillo : Une belle équipe

Hogar Shalom : Concert de marimbasHogar Shalom : Le lavoir

Pinula : Le lancer du béton - Merci Claire