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7S71 Ann Dermatol Venereol 2005;132:7S71-7S78 I. Modules transdisciplinaires Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire L’ Item n o 114 : Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulte : urticaire et œdème de Quincke urticaire, terme féminin venant du mot latin urtica signifiant « ortie », est une dermatose inflammatoi- re fréquente. Son diagnostic est en général facile : il repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. Elle peut être aiguë, chronique ou récidivante. Il s’agit d’un syndrome dont les causes sont multiples, parfois intriquées dans les formes chroniques, ce qui rend la démarche étiolo- gique difficile et souvent décevante. PHYSIOPATHOLOGIE La lésion d’urticaire correspond à un œdème dermique (urti- caire superficielle) ou dermo-hypodermique (urticaire pro- fonde) dû à une vasodilatation avec augmentation de la perméabilité capillaire consécutive à un afflux de médiateurs inflammatoires. L’histamine est le principal médiateur, mais de nombreux autres sont également impliqués : complément, prostaglandines, leucotriènes, cytokines, sérotonine, tyrami- ne, kinines, substance P… Leurs sources sont multiples : cellulaire (mastocytes, baso- philes, éosinophiles, cellules endothéliales…), plasmatique et nerveuse. L’histamine et la tyramine peuvent également être apportées par certains aliments. On distingue deux types de mécanisme : immunologique, faisant intervenir une sensibilisation préalable, et non im- munologique. Dans ce dernier cas, le déclenchement d’une urticaire dépend de la susceptibilité individuelle (notion de seuil de dégranulation des mastocytes). Les mécanismes immunologiques sont : – hypersensibilité immédiate de type anaphylactique mé- diée par les IgE ou les IgG4 (type I) ; – hypersensibilité par activation du complément avec ou sans formation de complexes immuns circulants. Mécanismes non immunologiques ou pharmaco-dyna- miques : – apport ou libération d’histamine ; – défaut d’inhibition de médiateur ( -1-antitrypsine, C1 estérase…) ; – cholinergique. DIAGNOSTIC Urticaire superficielle Il s’agit de la forme commune dans laquelle l’œdème est der- mique. Le diagnostic clinique est en général facile. Les lésions sont des papules ou des plaques érythémateu- ses ou rosées, œdémateuses à bords nets. Elles sont fugaces (chaque lésion élémentaire disparaissant en moins de 24 h), migratrices et prurigineuses. Les lésions de grattage sont ce- pendant rares. Le nombre, la taille et la forme des éléments sont extrêmement variables (fig. 1, 2). Les lésions sont parfois absentes au moment de la consul- tation, mais l’interrogatoire retrouve leurs caractéristiques cliniques. La biopsie cutanée n’est jamais nécessaire au dia- gnostic. Elle n’est justifiée qu’en cas de suspicion de vasculi- te urticarienne. Urticaire profonde Il s’agit de l’œdème de Quincke ou angio-œdème dans lequel l’œdème est hypodermique. Il peut toucher la peau ou les Objectifs pédagogiques – Diagnostiquer une urticaire et un œdème de Quincke chez l’enfant et chez l’adulte. – Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

chez l’enfant et l’adulte : urticaire et œdème de Quinckepolysencreims.free.fr/polys/CEDEF/2005/Module 08 Items 114, 116... · ses ou rosées, œdémateuses à bords nets. Elles

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7S71

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

L’

Item no 114 : Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulte : urticaire et œdème de Quincke

urticaire, terme féminin venant du mot latin urticasignifiant « ortie », est une dermatose inflammatoi-

re fréquente. Son diagnostic est en général facile : il

repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

Elle peut être aiguë, chronique ou récidivante. Il s’agit d’un

syndrome dont les causes sont multiples, parfois intriquées

dans les formes chroniques, ce qui rend la démarche étiolo-

gique difficile et souvent décevante.

PHYSIOPATHOLOGIE

La lésion d’urticaire correspond à un œdème dermique (urti-

caire superficielle) ou dermo-hypodermique (urticaire pro-

fonde) dû à une vasodilatation avec augmentation de la

perméabilité capillaire consécutive à un afflux de médiateurs

inflammatoires. L’histamine est le principal médiateur, mais

de nombreux autres sont également impliqués : complément,

prostaglandines, leucotriènes, cytokines, sérotonine, tyrami-

ne, kinines, substance P…

Leurs sources sont multiples : cellulaire (mastocytes, baso-

philes, éosinophiles, cellules endothéliales…), plasmatique et

nerveuse. L’histamine et la tyramine peuvent également être

apportées par certains aliments.

On distingue deux types de mécanisme : immunologique,

faisant intervenir une sensibilisation préalable, et non im-

munologique. Dans ce dernier cas, le déclenchement d’une

urticaire dépend de la susceptibilité individuelle (notion de

seuil de dégranulation des mastocytes).

Les mécanismes immunologiques sont :

– hypersensibilité immédiate de type anaphylactique mé-

diée par les IgE ou les IgG4 (type I) ;

– hypersensibilité par activation du complément avec ou

sans formation de complexes immuns circulants.

Mécanismes non immunologiques ou pharmaco-dyna-

miques :

– apport ou libération d’histamine ;

– défaut d’inhibition de médiateur (a-1-antitrypsine,

C1 estérase…) ;

– cholinergique.

DIAGNOSTIC

Urticaire superficielle

Il s’agit de la forme commune dans laquelle l’œdème est der-

mique. Le diagnostic clinique est en général facile.

Les lésions sont des papules ou des plaques érythémateu-

ses ou rosées, œdémateuses à bords nets. Elles sont fugaces

(chaque lésion élémentaire disparaissant en moins de 24 h),

migratrices et prurigineuses. Les lésions de grattage sont ce-

pendant rares. Le nombre, la taille et la forme des éléments

sont extrêmement variables (fig. 1, 2).

Les lésions sont parfois absentes au moment de la consul-

tation, mais l’interrogatoire retrouve leurs caractéristiques

cliniques. La biopsie cutanée n’est jamais nécessaire au dia-

gnostic. Elle n’est justifiée qu’en cas de suspicion de vasculi-

te urticarienne.

Urticaire profonde

Il s’agit de l’œdème de Quincke ou angio-œdème dans lequel

l’œdème est hypodermique. Il peut toucher la peau ou les

Objectifs pédagogiques

– Diagnostiquer une urticaire et un œdème de Quincke chez l’enfant et chez l’adulte.

– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

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I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

muqueuses et peut être isolé ou associé à une urticaire super-

ficielle, aiguë ou chronique. La lésion est une tuméfaction fer-

me, mal limitée, ni érythémateuse ni prurigineuse, qui

provoque une sensation de tension douloureuse.

Elle peut être généralisée, mais au visage, elle touche pré-

férentiellement les paupières et les lèvres (fig. 3). La localisa-

tion aux muqueuses de la sphère orolaryngée conditionne le

pronostic. L’apparition d’une dysphonie et d’une hypersali-

vation par troubles de la déglutition est un signe d’alarme qui

peut précéder l’asphyxie si l’œdème siège sur la glotte.

L’œdème de Quincke peut être le signe inaugural d’un choc

anaphylactique.

Formes cliniques

MANIFESTATIONS ASSOCIÉES

Une hyperthermie modérée, des douleurs abdominales ou

des arthralgies peuvent être associées tant dans l’urticaire su-

perficielle que profonde, surtout dans les formes profuses

(fig. 4).

VARIANTES MORPHOLOGIQUES

Les formes figurées sont secondaires à la guérison centrale et

à l’extension centrifuge des plaques. La taille des anneaux ou

des arcs de cercle ainsi formés peut être très variable.

Les formes vésiculo-bulleuses sont rares mais possibles

quand l’œdème est très important.

Les formes micropapuleuses sont évocatrices de l’urticaire

cholinergique.

FORMES ÉVOLUTIVES

Urticaire aiguë

Il s’agit le plus souvent d’un épisode unique et rapidement ré-

solutif. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire. Il

faut chercher, par un interrogatoire patient, un élément dé-

clenchant dans les heures ayant précédé l’éruption. Les médi-

caments (tableau I) et certains aliments (tableau II) sont les

principales causes d’urticaire aiguë.

Urticaire chronique

L’urticaire est dite chronique si les poussées, le plus souvent

quotidiennes, évoluent depuis plus de 6 semaines. Les urticai-

res récidivantes sont définies par un intervalle libre plus ou

moins long entre chaque poussée. L’interrogatoire et l’examen

clinique restent les éléments essentiels de la démarche étiolo-

gique. Les bilans exhaustifs et systématiques sont coûteux et

inutiles, la majorité des urticaires chroniques étant idiopathi-

ques, c’est-à-dire sans pathologie sous-jacente retrouvée.

Après échec d’un traitement antihistaminique bien con-

duit (posologie et durée suffisantes), un bilan minimum

comprenant NFS et vitesse de sédimentation (VS) peut être

demandé, l’urticaire chronique étant exceptionnellement ré-

vélatrice d’une maladie sous-jacente ou d’une allergie. Ce bi-

lan complémentaire est justifié dans les situations suivantes :

– arguments sur l’interrogatoire et l’examen clinique : pour

une urticaire de contact (tests allergologiques cutanés), une

urticaire physique (tests cutanés physiques adaptés aux mani-

festations rapportées par le patient) ou une urticaire d’envi-

ronnement (piqûres de guêpe ou d’abeille) ;

– arguments sur l’interrogatoire, l’examen clinique, la NFS

et la VS pour l’existence d’une cause sous-jacente :

– infectieuse (foyer infectieux bactérien chronique, cause

virale, parasitaire) ;

– dysthyroïdie ;

– maladie auto-immune ;

– allergie alimentaire (enquête alimentaire et, si besoin,

tests allergologiques in vivo ou in vitro) ;

– allergie médicamenteuse (bien étudier la chronologie des

poussées urticariennes par rapport aux prises médicamenteu-

ses et, si besoin, compléter par des tests cutanés allergologi-

ques sous surveillance hospitalière) ;

– urticaire commune associée à un syndrome inflammatoi-

re persistant ;

– syndrome de vasculite urticarienne.

Le bilan complémentaire est orienté par les éléments d’inter-

rogatoire, d’examen clinique. Il peut, par exemple, comporter :

– protéinurie, hématurie ;

– thyroid stimulating hormone (TSH), anticorps antithy-

roïdiens ;

– électrophorèse des protéines sanguines ;

– dosage du complément ;

– anticorps antinucléaires ;

– sérologie des hépatites ;

– biopsie cutanée avec examen histologique et en immuno-

fluorescence directe (IFD).

Tableau I. – Principaux médicaments responsables d’urticaire.

b-lactaminesAnesthésiques généraux (curares)AINS, acide acétylsalicyliqueIEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion)Produits de contraste iodésSérums et vaccins

Tableau II. – Principaux aliments responsables d’urticaire.

PoissonPorcŒufsCrustacésLaitTomateFraiseChocolatArachideNoisetteAlcoolFruits exotiquesColorants, antioxydants (sulfites)

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Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Urticaire et œdème de Quincke

Ce bilan est le plus souvent négatif. Il faut en donner et en

expliquer les résultats au patient et savoir ne pas le répéter.

Syndrome de vasculite urticarienne

Il s’agit d’un syndrome anatomoclinique, qui ne peut donc

être retenu qu’en présence d’une urticaire chronique et d’une

image histologique de vasculite.

• Signes cutanés

Ils sont évocateurs, mais inconstants. Ils doivent faire réaliser

une biopsie avec IFD. Les éléments urticariens sont de petite

taille, peu ou pas prurigineux, volontiers entourés d’un halo

de vasoconstriction (fig. 5) et sont fixes, restant à la même pla-

ce durant plus de 24 h. Un purpura peut être associé, laissant

une pigmentation postlésionnelle transitoire.

• Signes histologiques

Il existe une vasculite avec nécrose fibrinoïde des petits vais-

seaux dermiques (et non une simple turgescence des cellules

endothéliales). Par ailleurs, l’IFD, négative dans l’urticaire

commune, est ici souvent positive avec dépôts d’IgG, IgM et

C3 dans la paroi des vaisseaux.

• Signes associés

Hyperthermie, arthralgies et troubles digestifs sont fré-

quents.

Des manifestations pulmonaires, rénales, oculaires…,

peuvent également s’observer et conditionnent le pronostic.

• Signes biologiques

L’élévation de la VS est fréquente.

L’hypocomplémentémie (CH50, C1q, C4, C2), qui a servi à

définir le syndrome de Mac Duffie, n’est trouvée que dans la

moitié des cas.

La découverte d’autres anomalies, notamment immunolo-

giques, doit faire chercher une affection systémique qui peut

apparaître secondairement, particulièrement un lupus éry-

thémateux.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

La question se pose rarement car le diagnostic est en général

évident. On peut parfois discuter :

– un eczéma aigu du visage qui se distingue par l’absence

de lésion muqueuse et surtout par la fixité des lésions

et leur suintement qui ne s’observe jamais dans l’urticaire

(fig. 6) ;

– une pemphigoïde au stade des placards urticariens

prébulleux ;

– un érythème polymorphe ;

– une maladie de Still qui se caractérise classiquement par

une éruption fébrile à tendance vespérale, maculeuse ou par-

fois pseudo-urticarienne.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

Données générales sur les explorations allergologiques « spécifiques »

Un très petit nombre d’urticaires ont une origine allergique.

Pour certaines causes allergiques d’urticaire, on peut s’aider de

tests in vitro (dosage d’IgE spécifiques par radioallergosorbenttest [RAST]), ou in vivo : tests ouverts, prick-tests, parfois tests in-

tradermiques (IDR), voire tests de réintroduction en milieu

hospitalier. Les tests in vivo comportent un risque de choc ana-

phylactique. Ils ne doivent donc être réalisés que sous sur-

veillance prolongée et par des spécialistes disposant de moyens

pour faire face à une telle réaction. Ces tests ne doivent pas être

pratiqués chez des patients traités par b-bloqueurs (qui ren-

draient difficile ou inefficace le traitement du choc).

Principales causes d’urticaire

Certaines causes sont évoquées dès l’interrogatoire : urticaires

physiques, urticaires de contact et œdème angio-neurotique.

Elles nécessitent un bilan et une prise en charge spécifique.

URTICAIRES PHYSIQUES

Certaines urticaires sont déclenchées par des stimuli physi-

ques de la peau. Elles doivent être cherchées systématique-

ment à l’interrogatoire (facteurs déclenchants, topographie

des lésions), et confirmées par les tests physiques réalisés

après arrêt de tout traitement antihistaminique (au moins

4 jours auparavant).

Dermographisme

Le dermographisme peut être isolé ou associé à une urticaire.

Il est de cause inconnue et son évolution peut être très prolon-

gée. Appelé encore urticaire factice, il est déclenché par la fric-

tion cutanée. Il se traduit par des stries urticariennes

œdémateuses, blanches en regard des lésions de grattage et

peut être reproduit par le frottement à l’aide d’une pointe

mousse (fig. 7).

Urticaire retardée à la pression

L’urticaire retardée à la pression se traduit par un œdème der-

mique et sou-scutané douloureux survenant le plus souvent

3 à 12 h après soumission de la peau à une forte pression

(plante des pieds après une longue marche, fesses après une

station assise prolongée, paume après le port d’un sac…). La

durée d’évolution est très variable, allant de quelques semai-

nes à plusieurs années. Le diagnostic est confirmé par la re-

production de la lésion après le port, durant 20 min, de poids

d’au moins 6 kg sur l’épaule, le bras et/ou la cuisse. La lecture

du test au poids doit être tardive.

Urticaire cholinergique

Les lésions sont évocatrices car il s’agit de petites papules ur-

ticariennes de 1 à 5 mm de diamètre, souvent entourées d’un

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I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

halo de vasoconstriction siégeant principalement sur le tronc.

Déclenchées par la chaleur, la sudation, les émotions ou les

efforts, leur durée excède rarement 30 min.

Urticaire au froid

Elle touche typiquement les mains et le visage. Les circons-

tances déclenchantes sont variées : eau ou air froids, pluie,

neige, baignade.

Le diagnostic repose sur la reproduction des lésions par le

test au glaçon ou, sous surveillance hospitalière, par l’immer-

sion du bras dans l’eau glacée (fig. 8). Cette urticaire est le

plus souvent idiopathique, ou parfois liée à une virose, mais

doit faire rechercher une dysglobulinémie, une cryoglobuli-

némie, une cryofibrinogénémie ou des agglutinines froides.

Cette urticaire impose de se protéger du froid, d’éviter les ali-

ments glacés et de prendre beaucoup de précautions lors des

baignades (risque de malaise).

Urticaire aquagénique

Elle est rare, se déclenche lors du contact avec l’eau. Les lé-

sions élémentaires ressemblent à celles de l’urticaire choli-

nergique. Elle est reproduite par l’application sur la peau

d’une compresse mouillée à 37¯C pendant 30 min.

Urticaire solaire

Exceptionnelle, elle survient dans les premières minutes

d’une exposition à la lumière visible et/ou aux ultraviolets

(UV) des zones habituellement couvertes et disparaît en

moins de 1 h après mise à l’ombre. Elle peut être très invali-

dante lorsque le seuil de déclenchement est bas et nécessite

une prise en charge en milieu spécialisé.

D’exceptionnelles urticaires au chaud ou vibratoire ont

également été décrites.

URTICAIRES DE CONTACT

Elles peuvent être de mécanisme immunologique IgE-dépen-

dant (latex, aliments, médicaments…) ou non immunologi-

que (orties, méduses, chenilles processionnaires…). Les

lésions apparaissent rapidement (moins de 30 min) au point

de contact avec les protéines allergisantes mais peuvent se gé-

néraliser secondairement avec risque de choc anaphylactique.

Le diagnostic est confirmé par tests ouverts et/ou prick-tests,faits sous grande surveillance.

L’allergie au latex est de plus en plus fréquente, en particu-

lier chez les personnels de santé, les sujets atopiques et les

malades multiopérés. Cette sensibilisation est à l’origine

d’accidents peropératoires liés au contact avec les gants de

caoutchouc du chirurgien. La recherche d’IgE spécifiques

(RAST) et surtout les prick-tests et confirment le diagnostic.

URTICAIRES D’ENVIRONNEMENT

Les piqûres d’hyménoptères (abeilles, guêpes) sont des cau-

ses fréquentes d’urticaires aiguës à répétition. Leur répétition

expose au risque de choc anaphylactique (apiculteurs, maraî-

chers). Des prick-tests et surtout des tests intradermiques avec

des extraits standardisés de venin permettent de confirmer le

diagnostic.

URTICAIRES ALIMENTAIRES

De très nombreux aliments, mais également des additifs et

des conservateurs peuvent être impliqués (tableau II) dans

l’urticaire aiguë et plus rarement chronique le plus souvent

par un mécanisme non immunologique : aliments histami-

nolibérateurs, riches en histamine ou en tyramine, consom-

més en grande quantité (fausses allergies alimentaires).

Parfois, il s’agit d’une allergie vraie, IgE-dépendante.

L’urticaire survient rapidement après l’ingestion et la res-

ponsabilité de l’aliment doit être mise en doute au-delà d’un

délai de 3 h.

L’interrogatoire, l’analyse du cahier alimentaire, le dosage

des IgE spécifiques d’un aliment (RAST), les prick-tests, voire

le test de réintroduction en milieu hospitalier doivent per-

mettre de cibler le ou les aliments responsables et débou-

chent sur l’éviction de l’aliment avec contrôle de l’équilibre

alimentaire suivi par une diététicienne en cas d’allergie ou

sur les corrections des déséquilibres alimentaires (fausses al-

lergies alimentaires).

URTICAIRES MÉDICAMENTEUSES

Il s’agit d’une cause assez fréquente d’urticaire aiguë et plus

rarement d’urticaire chronique (avec les AINS, les IEC, etc.).

Les lésions apparaissent dans les minutes ou les heures qui

suivent la prise du médicament et peuvent s’accompagner de

signes systémiques. Le tableau I liste les médicaments sou-

vent rapportés comme inducteurs d’urticaire mais tous les

médicaments peuvent être en cause, quelle que soit leur voie

d’administration.

Les urticaires médicamenteuses sont peu sensibles aux

traitements antiallergiques et sont de résolution plus longue

que dans d’autres urticaires allergiques ; de nouvelles lésions

pouvant ainsi apparaître pendant plusieurs jours malgré l’ar-

rêt du médicament responsable.

Les urticaires médicamenteuses peuvent relever de diffé-

rents mécanismes :

– allergique nécessitant donc une sensibilisation préalable.

Des explorations peuvent être réalisées in vivo (prick-tests,IDR), par des équipes spécialisées et ce, en milieu hospitalier.

Aucun test in vitro n’est validé pour explorer une urticaire

médicamenteuse ;

– par histaminolibération non spécifique : codéine par

exemple ;

– par mécanisme pharmacologique ou par accumulation

de métabolites pro-inflammatoires : intolérance à l’aspirine et

aux AINS par exemple. Il faut aussi signaler la survenue

d’œdème de Quincke chez 1 à 5 p. 100 des patients prenant

des IEC, le plus souvent quelques jours après le début du trai-

tement et contre-indiquant définitivement toutes les molécu-

les de cette classe thérapeutique, mais aussi les inhibiteurs du

récepteur de l’angiotensine II.

URTICAIRES DE CAUSE INFECTIEUSE

La plupart des viroses (hépatite B, mononucléose infectieu-

se [MNI], CMV…) sont des causes classiques, mais excep-

tionnelles d’urticaire le plus souvent aiguë. Les parasitoses

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Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Urticaire et œdème de Quincke

(giardiase, ascaridiase, toxocarose…) sont plutôt responsables

d’urticaire chronique.

La responsabilité d’un foyer infectieux (granulome apical,

sinusite chronique, candidose vaginale…) dans les urticaires

chroniques « idiopathiques » est une notion ancienne qui ne

repose que sur quelques observations isolées témoignant

d’associations probablement fortuites.

AUTRES CAUSES

Certaines urticaires pourraient être expliquées par la présen-

ce d’autoanticorps IgG dirigés contre les IgE ou leurs récep-

teurs de forte affinité, responsables de la dégranulation des

mastocytes et des basophiles. L’origine auto-immune de l’ur-

ticaire est très controversée.

Urticaires idiopathiques

Les urticaires idiopathiques regroupent la plupart des urticai-

res chroniques, puisque plus de 50 à 80 p. 100 d’entre elles

ne sont associées à aucune pathologie sous-jacente. Dans ce

contexte, il faut garder présent à l’esprit que les causes d’urti-

caire peuvent être intriquées (urticaires multifactorielles),

que les urticaires alimentaires sont peut-être sous-estimées

car difficiles à prouver et que le facteur psychogène représen-

te un élément favorisant qu’il faut chercher et prendre en con-

sidération.

Œdème angio-neurotique

Il est lié à un déficit quantitatif ou plus rarement qualitatif en

inhibiteur de la C1 estérase. Il se traduit par des épisodes ré-

cidivants d’angio-œdème sans urticaire superficielle. Ces épi-

sodes sont évocateurs lorsqu’ils respectent les paupières et

prédominent aux extrémités ainsi qu’aux organes génitaux

externes. Le pronostic est conditionné par l’atteinte laryngée.

L’atteinte digestive, fréquente et trompeuse, à type de dou-

leurs abdominales ou de syndrome pseudo-occlusif est sou-

vent révélatrice. La notion de facteurs déclenchants est très

évocatrice, en particulier les traumatismes (chirurgie, endos-

copie) et certains médicaments dont les œstrogènes.

La plupart des cas sont héréditaires avec une transmission

autosomique dominante, mais il existe de rares formes ac-

quises (néoplasies, infections).

Le diagnostic repose sur le dosage du C1 inhibiteur et des

fractions C2 et C4 du complément, qui sont abaissés, alors

que le C3 est normal.

Le traitement prophylactique (s’il y a plus d’une crise par

mois) est le suivant :

– androgènes : danazol (Danatrol). Ils augmentent la syn-

thèse hépatique de l’inhibiteur de la C1 estérase ;

– acide tranexamique (Exacyl) en cas de contre-indication.

C’est un antifibrinolytique qui inhibe la consommation de la

fraction C1 du complément.

Le traitement des crises est le suivant :

– acide tranexamique en cas de crises peu importantes ;

– en cas de crise grave, l’hospitalisation est nécessaire pour

perfusion de C1 inhibiteur purifié et/ou corticothérapie à for-

te dose.

TRAITEMENT

Il doit évidemment être celui de la cause quand cela est

possible : éviction d’un médicament, d’un ou plusieurs ali-

ments ou agents contacts, suppression du facteur physique

déclenchant, traitement d’une infection ou d’une maladie

systémique associée.

Traitement symptomatique

Médicaments diminuant la synthèse d’histamine ou blo-

quant ses effets

Antihistaminiques 1 (anti-H1)

Les molécules de première génération sont également anticho-

linergiques et sédatives : dexchlorphéniramine (Polaramine),

hydroxyzine (Atarax), méquitazine (Primalan). Elles sont

contre-indiquées en cas de glaucome et d’adénome prostati-

que. La méquitazine ne doit pas être associée aux inhibiteurs

de la monoamine oxydase (IMAO).

Les molécules de deuxième génération sont peu ou pas sé-

datives et généralement prescrites en première intention : cé-

tirizine (Virlix, Zyrtec), fexofénadine (Telfast), loratadine

(Clarytine), mizolastine (Mizollen), oxatomide (Tinset), ébas-

tine (Kestin). D’autres molécules viennent d’être récemment

commercialisées : desloratadine (Aerius), lévocétirizine (Xyzal).

Chez l’enfant de moins de 2 ans, seuls la méquitazine et

l’oxatomide peuvent être prescrits. À partir de 2 ans, la cétiri-

zine et la loratadine peuvent aussi être administrées. Durant

la grossesse, la plupart des anti-H1 sont contre-indiqués. La

dexchlorphéniramine peut être utilisée durant les 2 premiers

trimestres de grossesse. La cétirizine peut être utilisée du-

rant les 2 derniers trimestres de grossesse.

Les associations d’anti-H1 sont possibles, en prenant soin

d’éviter l’association de molécules pouvant agir sur la cellule

myocardique. La cétirizine et la féxofénadine n’agissent pas

sur le myocarde.

Antihistaminiques H2

Seuls, ils n’ont pas d’effet, mais ils peuvent être prescrits en

association avec les anti-H1 dans les urticaires chroniques re-

belles.

MÉDICAMENTS BLOQUANT LA DÉGRANULATION DES MASTOCYTES

Le kétotifène (Zaditen) s’utilise en association aux anti-H1 et

peut être utile dans certains cas d’urticaire cholinergique.

Le cromoglycate disodique (Nalcron, Intercron) est un anti-

allergique n’ayant qu’une action locale sur le tube digestif, il

peut être prescrit dans certains cas d’urticaire par fausse al-

lergie alimentaire mais ne dispense pas du régime d’éviction.

Les antagonistes des leucotriènes (montelukast) ont une ef-

ficacité comparable à celle des anti-H1 sur de petites séries de

patients. Il faut souligner que ce médicament antiasthmati-

que (Singulair) n’a pas d’AMM dans l’indication « urticaire ».

7S76

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Les autres médicaments sont :

– les antidépresseurs tricycliques : doxépine (Quitaxon) ;

– les autres psychotropes : benzodiazépines, antisérotoni-

nergiques.

CORTICOSTÉROÏDES

Ils sont souvent prescrits en association à un anti-H1 et sur

une courte durée (3 à 5 jours) dans les urticaires aiguës éten-

dues et très prurigineuses. Dans ces formes profuses, leur in-

térêt est de soulager plus vite le malade de son prurit avec un

risque assez faible d’effets secondaires. Leur prescription sys-

tématique n’est pas recommandée. En revanche, leur utilisa-

tion par voie IV n’est pas discutée dans l’œdème de Quincke.

Ils n’ont pas de place dans la prise en charge au long cours

des urticaires chroniques.

Indications

URTICAIRE AIGUË SUPERFICIELLE ISOLÉE

On utilisera des anti-H1 pendant 1 semaine éventuellement

associés aux corticoïdes pendant les premiers jours, ces der-

niers étant donnés per os ou par voie parentérale dans les for-

mes profuses.

URTICAIRE CHRONIQUE OU RÉCIDIVANTE « IDIOPATHIQUE »

Les anti-H1 sont toujours prescrits en première intention et

pendant au moins 3 mois puis arrêtés progressivement après

disparition des poussées. Leur prescription peut être prolon-

gée plusieurs années, voire à vie.

En cas d’échec après 4 semaines de traitement, on peut

soit augmenter la posologie, soit associer l’anti-H1 à une

autre molécule (autre anti-H1, anti-H2, kétotifène…). Il faut

essayer plusieurs associations avant de conclure à l’ineffica-

cité du traitement.

L’hydroxyzine est souvent efficace dans l’urticaire choli-

nergique.

Le dermographisme, comme l’urticaire, peut nécessiter la

prescription d’un anti-H1, éventuellement associé à un anti-

H2 pendant plusieurs années.

ŒDÈME DE QUINCKE

L’adrénaline est le traitement d’urgences des formes graves.

Dans les formes modérées commencer par les corticoïdes :

bétaméthasone (Célestène) 1 à 2 amp. à 4 mg/mL ou dexamé-

thasone (Soludécadron, contenant des sulfites) ou méthyl-

prednisolone (Solu-Médrol) : (20 à 40 mg) par voie IM ou IV

lente en fonction de la gravité.

Ensuite, on utilise un anti-H1 : Polaramine 1 amp. par voie

IM ou IV à renouveler en cas de besoin.

En cas de gêne laryngée : adrénaline en aérosol (Dyspne-inhal).

En cas de dyspnée (œdème de la glotte) : adrénaline sous-

cutanée ou IM (0,25 mg à 0,5 mg, à répéter éventuellement

toutes les 15 min), oxygène et hospitalisation d’urgence en

réanimation.

CHOC ANAPHYLACTIQUE

Allonger le patient en position de Trendelenburg.

Adrénaline IM ou voie sous-cutanée (SC) (0,25 mg à

0,5 mg, pouvant être renouvelé 10 min plus tard) ou éven-

tuellement en IV lente sous surveillance hémodynamique

(0,25 mg à 1 mg dans 10 mL de sérum physiologique) en

fonction de la gravité de l’état de choc. Chez l’enfant de

moins de 6 ans, la dose est de 0,01 mg/kg.

Appeler le service d’aide médicale d’urgence (SAMU) pour

transfert en réanimation pour surveillance durant 24 h.

Mise en place d’une voie d’abord veineux pour remplissage

vasculaire, oxygène, intubation…

Ensuite, le relais sera pris par les corticoïdes.

Points clés

1. Les urticaires sont un motif fréquent de consultation : 15 p. 100 des individus sont concernés au moins une fois dans leur vie.

2. La lésion élémentaire est une papule œdémateuse « ortiée », prurigineuse, fugace et migratrice.

3. L’histamine est le principal médiateur inflammatoire impliqué dans la survenue des lésions, que l’urticaire soit d’origine im-munologique ou non immunologique.

4. L’urticaire est un syndrome aux multiples causes, parfois intriquées, particulièrement dans les formes chroniques.

5. L’urticaire aiguë correspond plus souvent à un épisode unique et ne nécessite aucune exploration complémentaire.

6. Les causes physiques, les médicaments et certains aliments sont les principales causes d’urticaire aiguë.

7. L’œdème de Quincke ou angio-œdème est une urticaire profonde qui peut mettre le pronostic vital en jeu quand elle concernela sphère oro-laryngée.

8. Le diagnostic d’œdème angioneurotique héréditaire est très souvent fait tardivement. Un quart des malades atteints meurentd’un œdème laryngé.

9. Le syndrome de vasculite urticarienne doit faire chercher une affection systémique qui peut n’apparaître que secondairement.

10. L’adrénaline en injection IM est le traitement du choc anaphylactique et de l’œdème de Quincke entraînant une détresse res-piratoire.

7S77

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Urticaire et œdème de Quincke

Fig. 1. Urticaire : lésions circinées.

Fig. 2. Urticaire aiguë.

Fig. 3. Œdème de Quincke.

Fig. 4. Urticaire profuse.

Fig. 5. Vasculite urticarienne : noter le caractère purpurique.

Fig. 6. Eczéma aigu du visage.

7S78

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Fig. 7. Dermographisme. Fig. 8. Urticaire au froid – Test au glaçon.

7S79

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S79-7S84I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

Item no 114 : Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulte : dermatite atopique

a dermatite atopique (ou eczéma constitutionnel) est

une affection inflammatoire prurigineuse chronique

fréquente chez l’enfant et l’adulte jeune, qui est sous

la dépendance de facteurs héréditaires mais dont l’augmen-

tation de prévalence au cours des dernières décennies s’expli-

que préférentiellement par l’influence de facteurs enviro-

nnementaux.

Le mot dermatite regroupe des aspects sémiologiques di-

vers qui ont un trait histopathologique commun : une attein-

te épidermique prédominante avec un afflux de lympho-

cytes T (exocytose) et un œdème intercellulaire (spongiose)

réalisant des vésicules microscopiques. La dilatation des ca-

pillaires superficiels est responsable de l’érythème, l’extrava-

sation de protéines plasmatiques des papules œdémateuses.

Les vésicules sont exceptionnellement visibles macrosco-

piquement. Leur rupture à la surface de la peau détermine le

caractère suintant et croûteux des lésions et constitue un ex-

cellent milieu de culture pour les contaminants bactériens,

d’où la fréquence de la surinfection staphylococcique. Du fait

du grattage, l’épiderme s’épaissit (lichénification) avec

moins de vésicules et donc moins de suintement. Les exco-

riations peuvent cependant déterminer des brèches épider-

miques et une exsudation secondaire.

PHYSIOPATHOLOGIE

Quelques définitions sont utiles pour comprendre la maladie

atopique. On appelle allergie toute réponse immunologique

inadaptée vis-à-vis d’une molécule que l’on nomme alors al-

lergène. L’atopie est une tendance personnelle et/ou familiale

à produire des anticorps : immunoglobulines E (IgE) lors de

l’exposition à des allergènes protéiques (des acariens, des

poils ou de la salive d’animaux, des pollens, des aliments…).

Les manifestations du terrain atopique sont variables d’un pa-

tient à l’autre et différents organes cibles peuvent être atteints

comme par exemple la peau (dermatite atopique) les mu-

queuses ORL (rhinite allergique) ou les bronches (asthme al-

lergique). Les organes atteints par la maladie atopique

peuvent être le siège de poussées inflammatoires s’ils sont ex-

posés à des allergènes auxquels le patient est sensibilisé

(fig. 1) mais également s’ils sont simplement exposés à des ir-

ritants. Le déclenchement des poussées de la dermatite atopi-

que (DA) est multifactoriel par irritation cutanée mécanique,

par surinfection, par le stress. Il ne sous-entend donc pas obli-

gatoirement l’existence d’une allergie sous-jacente.

Deux tiers des patients atteints de DA ont un parent au pre-

mier degré atteint de dermatite atopique, d’asthme ou de

rhinite allergique, contre seulement un tiers chez les sujets

non atopiques. Il existe un certain degré de spécificité d’orga-

ne cible dans la transmission du trait atopique : les patients

atteints de DA ont 50 p. 100 de leurs enfants atteints de DA

et jusqu’à 80 p. 100 si les deux parents sont atteints de DA.

Toutes les études épidémiologiques indiquent une augmen-

tation rapide de la prévalence des maladies rattachées à l’ato-

pie en Europe. La dermatite atopique est présente chez 10 à

25 p. 100 des enfants dans les études récentes, alors que les

enquêtes des années 1960 indiquaient des prévalences aux

environs de 5 p. 100. Ces données sont interprétées comme

reflétant l’influence de l’environnement, en particulier l’ur-

banisation des populations.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de dermatite atopique (DA) est clinique et

anamnestique (tableau I). Aucun examen complémentaire

n’est nécessaire au diagnostic positif. Une éosinophilie et une

Objectifs pédagogiques

– Diagnostiquer une dermatite atopique chez l’enfant et chez l’adulte.

– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

L

7S80

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S79-7S84

augmentation des IgE sériques sont fréquemment observées.

Leur recherche n’est pas indispensable.

Diagnostic positif

NOURRISSON ET JEUNE ENFANT (JUSQU’À 2 ANS)

La DA commence communément dans les premiers mois de

vie généralement vers 3 mois, mais parfois dès le 1er mois.

Prurit

Le prurit est souvent marqué et responsable de troubles du

sommeil dès les premiers mois. Le grattage manuel est sou-

vent précédé de mouvements équivalents dès le 2e mois (frot-

tement des joues contre les draps et les vêtements, agitation

et trémoussement).

Topographie

Atteinte symétrique des convexités des membres, du visage

avec un respect assez net de la région médiofaciale, en particu-

lier la pointe du nez (fig. 2). Sur le tronc, les lésions s’arrêtent

généralement à la zone protégée par les couches. L’atteinte des

plis est parfois présente dès cet âge. Sur le cuir chevelu, cer-

tains enfants ont une atteinte initialement « séborrhéique »,

comportant des squames jaunâtres, grasses.

Lésions élémentaires

L’aspect des lésions est variable selon la gravité de la DA et le

moment de l’examen (poussées ou rémission). Les lésions

aiguës sont mal limitées, suintantes puis croûteuses, et sou-

vent impétiginisées. La xérose cutanée peut manquer chez

l’enfant de moins de 1 an. Elle est quasi constante ensuite.

Dans les formes mineures, les lésions sont peu inflammatoi-

res et palpables sous forme de rugosité cutanée des convexi-

tés. Les éléments utiles pour établir un score lésionnel

d’intensité chez le nourrisson sont : l’érythème, l’œdème (pa-

pules œdémateuses), les excoriations et le suintement associé

aux croûtes. Les lichénifications apparaissent en règle plus

tard dans l’enfance.

CHEZ L’ENFANT DE PLUS DE 2 ANS

Au-delà de l’âge de 2 ans, les lésions cutanées sont plus volon-

tiers localisées aux plis (cou, coudes, genoux) ou comportent

des zones-bastion – mains et poignets, chevilles, mamelon,

fissures sous-auriculaires – qui subsistent de façon chronique

et parfois isolée. Des poussées saisonnières sont notées le plus

souvent en automne et en hiver. La lichénification prédomine

(fig. 3).

Dans les formes les plus sévères peuvent être observés :

– des lésions généralisées ;

– un prurigo des membres ;

– une atteinte inversée pour l’âge touchant les faces d’ex-

tension des membres.

Les signes mineurs comme la pigmentation infraorbitaire,

les plis souspalpébraux sont plus nets à cet âge. La sécheresse

cutanée (xérose) est quasi constante et pose souvent le problè-

me d’une ichtyose vulgaire associée (fig. 4). Elle s’améliore en

été et nécessite des soins émollients en hiver. Au visage, mais

aussi parfois de façon plus diffuse, des « dartres » achromian-

tes (pityriasis alba) constituent un motif de consultation, en

particulier après l’été.

CHEZ L’ADOLESCENT ET L’ADULTE

La DA peut avoir une recrudescence à l’adolescence, souvent

à l’occasion de conflits psychoaffectifs ou de stress. Si la DA

débute à l’adolescence ou à l’âge adulte, les critères anamnes-

tiques pour la période infantile sont souvent pris en défaut.

Un début tardif à l’âge adulte est rare et doit faire effectuer des

examens complémentaires, pour éliminer une autre derma-

tose prurigineuse (gale, dermite de contact, dermatite herpé-

tiforme…). La DA garde en général le même aspect que chez

l’enfant de plus de 2 ans.

Les formes sévères peuvent réaliser une érythrodermie, ou

plus communément un prurigo lichénifié prédominant aux

membres.

Diagnostic différentiel

CHEZ LE NOURRISSON

Il faut éliminer une gale, une dermatite séborrhéique et un

psoriasis. Un examen attentif est indispensable pour ne pas

porter par excès le diagnostic de DA devant toute dermatose

« eczématiforme ». La notion de chronicité et d’évolution à

rechute est importante pour le diagnostic. En cas de doute,

une biopsie est effectuée. En cas de point d’appel supplé-

mentaire : infections cutanées et/ou profondes répétées, ano-

malie de la croissance, purpura, fièvre inexpliquée, des exa-

mens complémentaires immunologiques seront nécessaires

à la recherche d’un syndrome génétique impliquant un défi-

cit immunitaire.

Tableau I. – Critères de diagnostic de la dermatite atopique de l’United Kingdom Working Party (d’après Williams et al., Br J Dermatol 1994 ; 131 : 4066).

Critère obligatoire : dermatose prurigineuse associée à au moins 3 des critères suivants :

• Antécédents personnels d’eczéma des plis de flexion (fossesantécubitales, creux poplités, face antérieure des chevilles, cou) et/oudes joues chez les enfants de moins de 10 ans• Antécédents personnels d’asthme ou de rhume des foins (ouantécédents d’asthme, de dermatite atopique, ou de rhinite allergiquechez un parent au premier degré chez l’enfant de moins de 4 ans)• Antécédents de peau sèche généralisée (xérose) au cours de la dernièreannée• Eczéma des grands plis visible ou eczéma des joues, du front et desconvexités des membres chez l’enfant de moins de 4 ans• Début des signes cutanés avant l’âge de 2 ans (critère utilisable chezles plus de 4 ans seulement)

7S81

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S79-7S84

Dermatite atopique

CHEZ L’ENFANT, L’ADOLESCENT ET L’ADULTE

Le diagnostic différentiel est plus facile ; il faut éliminer une

dermite de contact et un psoriasis. Les tests allergologiques

peuvent être utiles.

ÉVOLUTION

Évolution globale

La DA du nourrisson comporte des formes étendues, mais

son évolution est spontanément bonne, avec une rémission

complète dans la majorité des cas. Les formes persistant dans

l’enfance sont plus localisées. La résurgence à l’adolescence

ou chez l’adulte jeune est possible.

La survenue de manifestations respiratoires (asthme vers

2 à 3 ans, puis rhinite) est d’autant plus fréquente qu’il y a

des antécédents familiaux atopiques au premier degré. Les

épisodes cutanés peuvent coexister avec l’atteinte respiratoi-

re ou alterner avec celle-ci. L’asthme ou ses équivalents (toux

sèche nocturne, gêne respiratoire avec sifflement expiratoire,

wheezing) deviennent souvent plus gênants pour l’enfant que

l’eczéma. Le taux des IgE sériques est proportionnel à la gra-

vité de la dermatite atopique.

Complications

SURINFECTIONS CUTANÉES BACTÉRIENNES OU VIRALES

À tous les stades, les surinfections cutanées bactériennes ou

virales sont les complications les plus communes. Le staphy-

locoque doré colonise habituellement la peau de l’atopique.

L’impétiginisation est difficile à apprécier dans les formes

aiguës exsudatives. La présence de lésions vésiculo-bulleuses

inhabituelles fait évoquer le diagnostic.

L’herpès (HSV1 essentiellement) est responsable de pous-

sées aiguës parfois dramatiques (pustulose disséminée de

Kaposi-Juliusberg) (fig. 5). Une modification rapide de l’as-

pect des lésions et/ou la présence de vésiculopustules, en asso-

ciation avec de la fièvre, doivent suggérer cette complication et

faire mettre en œuvre un traitement antiviral.

RETARD DE CROISSANCE

Un retard de croissance peut être associé aux DA graves et se

corrige souvent de façon spectaculaire quand la DA est traitée

efficacement. Le rôle des dermocorticoïdes dans le retard de

croissance n’est pas établi.

COMPLICATIONS OPHTALMOLOGIQUES

Elles sont rares (kératoconjonctivite, cataracte).

DERMITES DE CONTACT

Compte tenu de l’importance et de la durée des soins locaux,

il y a un risque important de sensibilisation de contact au long

cours à des composants des produits topiques appliqués sur

la peau. Il faut l’évoquer chez les patients qui répondent mal

aux traitements habituels. Cela incite à une attitude préventi-

ve en limitant l’utilisation des topiques potentiellement à ris-

que (contenant des conservateurs très sensibilisants, des

parfums, de la néomycine…), et le contact des métaux, nickel

en particulier (percement d’oreilles, bijoux fantaisie).

TRAITEMENT

Prévention

L’atopie est un problème émergent de santé publique, en par-

ticulier pour les pays riches. Des recommandations générales

sur l’habitat, l’alimentation infantile et les facteurs adjuvants

comme le tabagisme passif font l’objet d’un consensus.

PRÉVENTION ET DIÉTÉTIQUE

L’intérêt de l’allaitement maternel reste discuté. La diversifi-

cation alimentaire précoce semble augmenter la fréquence de

la DA, et secondairement les sensibilisations aux aéroallergè-

nes. Chez l’enfant de moins de 1 an, la diversification alimen-

taire doit être lente. L’introduction d’aliments contenant de

l’huile d’arachide, de l’œuf, du poisson ou des fruits exotiques

sera retardée après l’âge cet âge.

PRÉVENTION AÉROALLERGÉNIQUE

La cible essentielle de la prévention primaire et secondaire est

représentée par les aéroallergènes de l’habitat. Les aéroaller-

gènes domestiques (acariens, jouets en peluche, « pièges à

poussière », animaux à fourrure) sont surtout des cibles pour

la prévention de l’asthme, mais ils doivent être intégrés dans

un schéma de prévention global de l’atopie. Ils peuvent con-

tribuer aux symptômes cutanés en tant qu’allergènes de con-

tact. L’utilisation préventive de housses d’oreiller et de

matelas en polyuréthane est recommandée.

Prise en charge

ÉDUCATION ET OBSERVANCE

L’écoute et l’éducation des malades ou de leurs parents sont

fondamentales pour obtenir une adhésion au projet

thérapeutique :

– la dermatite atopique est une affection chronique, son trai-

tement est prolongé ; cela doit être explicité ; la « guérison »

n’est pas l’objectif immédiat ;

– les soins locaux sont indispensables : ils permettent de

restaurer la barrière cutanée ;

– une information sur les facteurs aggravants doit être don-

née (tableau II) ; les dermocorticoïdes sont efficaces et non

dangereux quand ils sont utilisés judicieusement, sous sur-

veillance médicale ; ils ne favorisent pas l’apparition de

l’asthme ;

7S82

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S79-7S84

– les alternatives aux traitements locaux sont limitées et

doivent être pesées en fonction de l’observance de cette prise

en charge de base ; en dehors des antibiotiques et antiviraux,

qui sont parfois nécessaires, les traitements généraux ne vien-

nent qu’en complément lors des poussées ou en cas d’échec

d’un traitement local correctement effectué ;

– des explorations allergologiques peuvent être indiquées,

mais ne sont pas indispensables dans la majorité des cas ; el-

les auront des conséquences sur l’environnement ou l’ali-

mentation, si les arguments en faveur d’une allergie

responsable de la poussée de la DA sont solides (interrogatoi-

re, enquête alimentaire, enquête sur l’environnement et in-

vestigations allergologiques in vivo, moins utiles in vitro…) ;

ces bilans peuvent être également réalisés en cas d’échec d’un

traitement local adéquat ;

– dans les formes graves, une hospitalisation est justifiée

pour parfaire l’éducation ou pour réaliser correctement cer-

tains tests.

RÉALISATION PRATIQUE DU TRAITEMENT

Lors des poussées

L’objectif est de réduire l’inflammation et le prurit pour sou-

lager le patient. Dans la majorité des cas, les soins locaux per-

mettent de traiter efficacement les poussées de DA :

– les dermocorticoïdes : un dermocorticoïde puissant ou

modérément puissant (classes II et III) sera utilisé en fonc-

tion de la gravité (une seule application quotidienne jusqu’à

amélioration franche, généralement 4 à 8 jours) ;

– antiseptiques/antibiotiques : la peau doit être soigneuse-

ment nettoyée pour éliminer les croûtes et effectuer une dé-

sinfection de surface. Appliquée sur la peau encore humide,

une solution antiseptique (par exemple, chlorhexidine) pour-

ra être utilisée pendant quelques jours (un usage prolongé se-

rait irritant). Un traitement antibiotique local biquotidien

(fusidate de sodium) poursuivi sur 2 à 3 jours améliore nette-

ment le score lésionnel au stade aigu. Il ne doit pas être pour-

suivi indéfiniment pour éviter l’émergence de souches

staphylococciques résistantes ;

– antihistaminiques : donnés seuls, ils sont insuffisants

pour traiter une poussée de DA. À titre d’appoint, ils peuvent

être indiqués pendant quelques jours, surtout pour diminuer

le prurit.

En entretien

Émollients (produits utilisés pour lutter contre la xérose) : en

utilisation quotidienne, d’autant plus que la xérose cutanée

est plus marquée (à éviter lors de la poussée aiguë, car leur to-

lérance est alors médiocre). Les syndets surgraissés seront

préférés aux savons classiques.

Dermocorticoïdes : si nécessaire, applications intermitten-

tes de dermocorticoïdes sur les zones inflammatoires (1 à

3 fois par semaine). Des quantités de l’ordre de 15 à 30 g/mois

de dermocorticoïdes peuvent être utilisées sans effet adverse

systémique ou cutané, y compris chez l’enfant.

Traitements d’exception

La photothérapie par ultraviolets (UV) combinée (UVA

+ UVB) peut être utilisée en traitement d’entretien adjuvant

chez l’adulte et parfois chez des enfants scolarisés (à partir de

7-8 ans) avec de bons résultats thérapeutiques en 6 semaines.

Elle doit être faite dans des cabinets ou des centres dermato-

logiques.

La ciclosporine est parfois utilisée chez l’adulte et plus ra-

rement dans les formes graves de l’enfant avec une bonne

efficacité. Ce médicament peut « faire passer un cap »

quand tout a échoué dans une DA grave, sur une période de

quelques mois seulement, sous surveillance stricte de la

fonction rénale. Elle est utilisée à faibles doses, au maxi-

mum 5 mg/kg/j.

Contrôle des facteurs d’aggravation

Les conseils d’hygiène de vie sont colligés dans le tableau II.

Le patient doit pouvoir mener une vie la plus normale possi-

ble et il n’est pas souhaitable d’imposer des mesures trop con-

traignantes. Chez le nourrisson, la détection précoce et les

mesures de prévention de l’asthme sont une partie importan-

te de l’information. Les vaccinations peuvent être effectuées

sans risque sur une peau non infectée.

Identification et/ou éviction de certains allergènes

On conseillera d’éviter l’exposition aux allergènes les plus

communs chez les patients atteints de formes mineures ou

modérées, sur une base probabiliste et préventive. On réser-

vera une enquête approfondie en milieu spécialisé aux for-

mes graves ou résistant aux traitements conventionnels bien

conduits.

Les séjours climatiques en altitude peuvent constituer une

alternative thérapeutique dans les formes cutanéo-respiratoi-

res graves d’atopie chez l’enfant avec sensibilisation aux aca-

riens, quand la maladie retentit sérieusement sur la scolarité.

Tableau II. – Conseils.

Mesures non spécifiques :

Habillement : éviter les textiles irritants (laine, synthétiques à grossesfibres) ; préférer coton et lin.Éviter l’exposition au tabac.Maintenir une température fraîche dans la chambre à coucher. Ne pastrop se couvrir la nuit.Exercice physique et sports sont à conseiller. Douche et émollients après,en particulier pour la natation (irritation des désinfectants chlorés).Augmenter les applications d’émollients par temps froid et sec.Se méfier des contages herpétiques.Vacciner normalement.

Mesures spécifiques vis-à-vis des allergènes :

Nourrisson : allaitement maternel prolongé, pas de diversificationalimentaire précoce.Éviter l’exposition aux animaux domestiques (chat, chien, cobaye…).Attention aux acariens domestiques, aux moisissures : dépoussiérage(aspiration régulière, éponge humide…), housses de literie antiacariensrecommandées, contrôler l’humidité par une ventilation efficace del’habitation.

7S83

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S79-7S84

Dermatite atopique

Points clés

1. La prévalence de la dermatite atopique est en augmentation constante en Europe.

2. La DA est un des composants de la « maladie atopique » avec la conjonctivite allergique, la rhinite allergique et l’asthme.

3. Le prurit est un symptôme-clé de la DA : il en entretient les lésions.

4. La sécheresse cutanée (xérose) est également un élément majeur de la DA.

5. La topographie caractéristique des lésions de DA varie avec l’âge :

– convexités chez le nourrisson ;

– plis de flexion des membres chez l’enfant plus âgé et l’adulte.

6. Toute aggravation brutale des lésions cutanées de DA doit faire évoquer une infection à staphylocoque ou à herpès virus.

7. Les dermocorticoîdes sont le traitement de référence de la DA.

Fig. 1. Dermatite atopique du nourrisson en poussée. Fig. 2. Dermatite atopique du nourrisson : noter le geste du grattage.

Fig. 3. Dermatite atopique de l’adolescent : excoriation et lichénification du creux poplité.

7S84

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Fig. 4. Dermatite atopique de l’adolescent : érythème et xérose du visage.

Fig. 5. Herpès disséminé (syndrome de Kaposi-Juliusberg) compliquant une dermatite atopique.

7S85

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

Item no 114 : Allergies cutanéomuqueuses chez l’enfant et l’adulte : eczéma de contact

eczéma de contact est une dermatose très fréquente.

Il est dû à une sensibilisation à des molécules non

tolérées ou allergènes, en contact avec la peau. Il

n’est pas une manifestation de l’atopie.

PHYSIOPATHOLOGIE

L’eczéma de contact est dû à une réaction d’hypersensibilité re-

tardée à médiation cellulaire déclenchée par le contact de la peau

avec une substance exogène. L’eczéma de contact évolue en deux

phases : une phase de sensibilisation et une phase de révélation.

Phase de sensibilisation

Le produit sensibilisant exogène est le plus souvent un haptè-

ne, c’est-à-dire une substance de petite taille non immunogè-

ne par elle-même. Elle pénètre dans la peau et s’associe à une

protéine pour former un couple haptène-protéine qui consti-

tue l’allergène. Celui-ci est pris en charge par les cellules den-

dritiques de l’épiderme (cellules de Langerhans). Elles

traversent la membrane basale et migrent à travers le derme

vers la zone paracorticale des ganglions lymphatiques. Pen-

dant cette migration, elles subissent une maturation qui les

rend capable d’activer des lymphocytes T « naïfs ». Ces

lymphocytes T prolifèrent et se différencient alors en lympho-

cytes « mémoires » circulants. Cette première phase est clini-

quement asymptomatique.

Phase de révélation

Elle survient chez un sujet déjà sensibilisé, 24 à 48 h après un

nouveau contact avec l’allergène. Des lymphocytes T mémoire

portent à leur surface des molécules d’adhésion qui favorisent

leur migration vers la peau. Ces lymphocytes reconnaissent

l’allergène présenté par les cellules de Langerhans. Ils

prolifèrent et sécrètent des cytokines (IL1, TNF-a) qui recru-

tent des cellules inflammatoires, puis des cytokines qui

régulent négativement les phénomènes inflammatoires (IL10).

L’eczéma de contact est une hypersensibilité cellulaire retar-

dée de type Th1.

DIAGNOSTIC

Diagnostic positif

FORME TYPIQUE : ECZÉMA AIGU

Le diagnostic d’eczéma aigu est clinique.

Les lésions sont très prurigineuses +++.

Elles réalisent des placards érythémateux à contours

émiettés.

L’eczéma aigu évolue en quatre phases successives, sou-

vent intriquées :

– phase érythémateuse : placard érythémateux ;

– phase vésiculeuse : vésicules remplies de liquide clair,

confluant parfois en bulles (fig. 1) ;

– phase suintante : rupture des vésicules, spontanément ou

après grattage (fig. 2) ;

– phase croûteuse ou desquamative suivie d’une guérison

sans cicatrice.

FORMES CLINIQUES

Formes topographiques

L’eczéma peut prendre un aspect très œdémateux sur le visage,

en particulier sur les paupières, et sur les organes génitaux.

Objectifs pédagogiques

– Diagnostiquer un eczéma de contact chez l’enfant et chez l’adulte.

– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

L’

7S86

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90

Sur les mains et les pieds, l’eczéma aigu se présente sous

forme de vésicules prurigineuses dures enchâssées (aspect

de dysidrose).

Formes chroniques

On distingue :

– l’eczéma lichénifié : le grattage entraîne un épaississe-

ment de la peau qui devient quadrillée et pigmentée (fig. 3) ;

– l’eczéma chronique des paumes et des plantes : dans cet-

te localisation, les lésions sont fréquemment fissuraires et hy-

perkératosiques, entraînant une kératodermie palmo-

plantaire ;

– l’eczéma nummulaire : les lésions sont érythémato-squa-

meuses, en placards arrondis de quelques centimètres de dia-

mètre. Il n’est pas toujours dû à une allergie de contact.

EXAMEN HISTOLOGIQUE

En pratique, la biopsie cutanée est habituellement inutile au

diagnostic.

Elle n’est réalisée qu’en cas de doute diagnostique.

L’examen histologique montre :

– dans l’épiderme :

– une spongiose (œdème dissociant les kératinocytes et

aboutissant à la formation de vésicules intraépidermiques) ;

– une exocytose (infiltrat de cellules mononucléées entre

les kératinocytes) ;

– dans le derme : un œdème et un infiltrat riche en lym-

phocytes à prédominance périvasculaire.

Diagnostic différentiel

DERMATITE D’IRRITATION

Elle est fréquente sur les mains. Elle est secondaire à des

agressions physiques ou chimiques directes, qui ne nécessi-

tent pas l’intervention de mécanismes immunologiques spé-

cifiques d’un allergène. Le tableau I donne les principaux

éléments de diagnostic différentiel entre eczéma de contact et

dermatite d’irritation.

DERMATITE (OU ECZÉMA) ATOPIQUE

La dermatite atopique réalise un tableau très différent par la

topographie des lésions et leur chronicité (voir question derma-tite atopique).

Chez l’adulte, certains eczémas de contact généralisés peu-

vent être difficiles à distinguer d’une dermatite atopique.

DYSIDROSE

La dysidrose (ou eczéma dysidrosique) est un tableau clini-

que caractérisé principalement par des vésicules très prurigi-

neuses des faces latérales des doigts (mains ou pieds), dures

et enchâssées, s’accompagnant parfois de lésions palmo-

plantaires. Les poussées sont souvent estivales. Elle est en gé-

néral idiopathique.

ŒDÈME DU VISAGE

Le diagnostic différentiel doit être fait avec les autres causes

d’œdème aigu du visage.

Érysipèle

Le placard inflammatoire est bien limité, le plus souvent uni-

latéral, parfois recouvert de vésicules ou bulles. Frissons, fiè-

vre et hyperleucocytose l’accompagnent.

Angio-œdème ou œdème de Quincke

C’est un œdème pâle, indolore sans prurit ni fièvre. Il est sou-

vent accompagné de troubles de la déglutition ou respiratoi-

res et d’urticaire.

Zona

Le diagnostic repose sur les douleurs, la présence de vésicules

hémorragiques ou croûteuses et la topographie unilatérale et

segmentaire.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

La recherche de l’allergène responsable est indispensable.

Elle repose sur :

– l’interrogatoire ;

– l’examen clinique ;

– les tests épicutanés (ou patch tests) ;

– la recherche de la pertinence des tests épicutanés.

Interrogatoire

L’interrogatoire est un élément très important de l’enquête

étiologique. Il permet parfois de suspecter un ou plusieurs al-

lergènes et oriente les tests épicutanés. Les éléments impor-

tants à rechercher sont les suivants.

TOPOGRAPHIE INITIALE

Les lésions sont initialement localisées à la zone de contact

avec l’allergène (fig. 4), même si elles ont ensuite tendance à

Tableau I. – Éléments de diagnostic différentiel entre eczéma de contact et dermatite d’irritation.

Eczéma de contact Dermatite d’irritation

Lésions cutanées Bords émiettés Bords netsTopographie Peut déborder la zone

de contact avec l’allergèneLimitée à la zone de contact

Symptomatologie Prurit BrûlureÉpidémiologie Atteint quelques sujets en

contact avec le produitAtteint la majorité des sujets en contactavec le produit

Histologie Spongiose, exocytose Nécrose épidermiqueTests épicutanés Positifs (lésion d’eczéma) Négatifs ou lésion

d’irritation

7S87

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90

Eczéma de contact

diffuser à distance. La topographie initiale des lésions a donc

une grande valeur d’orientation (par exemple lésions initiale-

ment localisées à la zone d’application d’un antiseptique).

CIRCONSTANCES DE DÉCLENCHEMENT

Il faut faire préciser les activités ayant pu conduire à un con-

tact avec un allergène particulier 24 h à quelques jours avant

le début des lésions : jardinage, bricolage, menuiserie, pein-

ture, application d’un cosmétique ou d’un parfum…

CHRONOLOGIE

Il faut préciser l’évolution des lésions au cours du temps, leur

amélioration ou leur aggravation pendant les week-ends, les

vacances ou d’éventuels arrêts de travail.

TRAITEMENTS LOCAUX UTILISÉS

Il faut préciser tous les traitements locaux utilisés avant et

après l’apparition de la dermatose, ainsi que les produits d’hy-

giène, parfums et cosmétiques appliqués.

Examen clinique

Certaines localisations ont une valeur d’orientation :

– un eczéma du lobule des oreilles, du poignet et de l’ombi-

lic fait évoquer une sensibilisation au nickel ;

– un eczéma du visage, des paupières ou du cou oriente

vers une allergie aux cosmétiques, aux vernis à ongles, aux

produits volatiles (parfums, peintures, végétaux…) ;

– un eczéma des pieds oriente vers une allergie à un cons-

tituant des chaussures : chrome du cuir sur le dos du pied,

agents de vulcanisation du caoutchouc sur la plante.

Tests épicutanés ou patch-tests (fig. 5)

Ils sont indispensables pour obtenir un diagnostic de certitu-

de de l’allergène en cause, dont l’éviction est primordiale

(pour autant que ce soit possible).

Ils doivent être orientés par l’interrogatoire et l’examen

clinique.

Ils sont réalisés à distance de la poussée d’eczéma.

Différents allergènes sont appliqués sous occlusion sur le

dos pendant 48 h.

La lecture est faite à 48 h, 15 min après avoir enlevé les

tests.

Une seconde lecture est réalisée à 72-96 h, parfois à

7 jours pour certains allergènes (corticoïdes par exemple).

La lecture est la suivante :

– test négatif : peau normale ;

– test positif : reproduisant la lésion d’eczéma, à distinguer

d’une simple réaction d’irritation :

– + : érythème, papule ;

– ++ : érythème, papule et vésicules ;

– +++ : érythème, papule, nombreuses vésicules confluen-

tes, vésiculo-bulles.

On réalise habituellement :

– la batterie standard européenne, qui comprend les

25 substances les plus fréquemment en cause ;

– des tests avec les produits utilisés par les malades ;

– et éventuellement des batteries spécialisées orientées

(coiffure, cosmétiques, photographie, peintures…).

Pertinence des tests épicutanés :

Le résultat des tests épicutanés doit être confronté aux don-

nées de l’interrogatoire afin de déterminer si les allergènes

identifiés par ces tests sont vraiment les responsables de l’ec-

zéma récent. Ils peuvent seulement témoigner d’une sensi-

bilisation ancienne sans rapport avec les lésions récentes.

Un résultat négatif n’élimine pas formellement une aller-

gie de contact.

Principales causes

Les allergènes en cause sont très variés. Les allergènes les

plus fréquents sont les métaux, en particulier le nickel. La bat-

terie standard européenne des allergènes comprend les aller-

gènes les plus fréquemment en cause dans les pays

européens (tableau II [à titre indicatif]).

Tableau II. – Batterie standard européenne des allergènes.

• Chrome (bichromate de potassium) (ciment, cuir).• Sulfate de néomycine (topiques médicamenteux).• Thiuram Mix (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie immédiate au latex).• Para-phénylènediamine (PPD) (colorants foncés, teintures, tatouageséphémères).• Cobalt (chlorure de cobalt) (ciment, métaux, colorants bleus).• Benzocaïne (anesthésique local).• Formaldéhyde (conservateur).• Colophane (adhésifs, vernis, peintures).• Clioquinol (antiseptique, conservateur).• Baume du Pérou (cosmétiques, topiques médicamenteux, cicatrisants).• N-Isopropyl-N’-phényl paraphénylènediamine (IPPD) (caoutchoucs noirs).• Lanoline (cosmétiques, topiques médicamenteux).• Mercapto Mix (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie immédiate au latex).• Résine Epoxy (résines, colles).• Parabens Mix (conservateurs).• Résine paratertiaire butylphénol formaldéhyde (colle des cuirs).• Fragrance Mix (parfums).• Quaternium 15 (conservateur).• Nickel (sulfate de Nickel) (bijoux fantaisies, objets métalliques).• Kathon CG (chlorométhyl isothiazolinone) (conservateur, cosmétiques).• Mercaptobenzothiazole (caoutchoucs, sans rapport avec l’allergie immédiate au latex).• Lactone Sesquiterpene Mix (plantes « composées » : artichauts, dahlias, chrysanthèmes…).• Primine (primevères).• Pivalate de tixocortol (corticoïdes).• Budésonide (corticoïdes).

7S88

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90

ALLERGÈNES PROFESSIONNELS

Les eczémas de contact de cause professionnelle sont parmi

les plus fréquentes des maladies professionnelles indemnisa-

bles (tableau général 65 des maladies professionnelles). Ils

débutent et prédominent aux mains et s’améliorent pendant

les congés.

Les professions le plus souvent à l’origine d’eczémas pro-

fessionnels sont :

– métiers du bâtiment : sels de chrome (ciment), cobalt

(peinture, émail), résines Epoxy (colle, vernis, peinture), for-

maldéhyde (colle, textile), térébenthine (menuiserie, peintu-

re), caoutchouc (gants, pneus)… ;

– coiffeurs : paraphénylène-diamine (teintures), thioglyco-

late (permanentes), caoutchouc (gants), conservateurs et

agents moussants (shampooings), nickel (instruments)… ;

– professions de santé : antiseptiques, antibiotiques, anti-

inflammatoires non stéroïdiens, phénothiazines, anesthési-

ques locaux, caoutchoucs (gants), acrylates des résines com-

posites (prothésistes)… ;

– horticulteurs : lactones sesquiterpéniques (exemple :

chrysanthèmes), primevères, pesticides, gants…

MÉDICAMENTS TOPIQUES

Les lésions débutent sur la zone d’application mais s’étendent

souvent à distance.

Les topiques les plus fréquemment en cause sont : néomy-

cine, antiseptiques, sparadrap (colophane), topiques antipru-

rigineux, baume du Pérou, AINS…

Les dermocorticoïdes peuvent induire des sensibilisations.

Il faut penser à cette éventualité chez les patients qui appli-

quent de manière régulière des corticoïdes topiques et dont

les lésions sont non améliorées ou aggravées par l’applica-

tion de corticoïdes.

COSMÉTIQUES

Les lésions sont plus fréquentes chez les femmes. Elles pré-

dominent sur le visage.

Les produits responsables sont les parfums, les conserva-

teurs, les excipients, le vernis à ongles, les déodorants, les

shampooings, les laques, le baume du Pérou (rouge à lèvres,

crèmes), le paraphénylènediamine (teintures)…

PRODUITS VESTIMENTAIRES

La topographie orientera vers différentes causes :

– sur le tronc et les plis : colorants textiles ;

– sur les pieds : cuir, colle des chaussures, caoutchouc… ;

– en regard des bijoux fantaisie ou des accessoires (montre,

boucle de ceinture, boutons de jeans) : nickel.

PHOTOALLERGÈNES

Certains allergènes n’induisent un eczéma de contact

qu’après irradiation par les rayons ultraviolets.

Les lésions débutent et prédominent sur les zones pho-

toexposées (visage, oreilles, dos des mains, décolleté…).

De nombreux médicaments topiques peuvent induire des

réactions de photosensibilité (kétoprofène et autres anti-

inflammatoires non stéroïdiens [AINS], phénothiazines).

Certains végétaux peuvent aussi être responsables.

Les photopatch-tests sont des patch-tests suivis d’une irra-

diation par certaines longueurs d’ondes de rayons ultravio-

lets. Ils sont réalisés en cas de suspicion de photoallergie.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

L’éviction de l’allergène est suivie de la guérison sans cicatrice

de l’eczéma en 7 à 15 jours. En l’absence d’éviction, les lésions

passent à la chronicité.

Surinfection

L’impétiginisation des lésions est suspectée devant la présen-

ce de croûtes jaunâtres, parfois associées à des adénopathies

et de la fièvre. Peu fréquente, elle doit être distinguée des

croûtes succédant à la phase suintante.

Érythrodermie

L’érythrodermie est une généralisation des lésions sous forme

d’érythème disséminé prurigineux, squameux ou vésiculeux.

Retentissement socio-professionnel

Le handicap induit par les eczémas de contact chroniques,

professionnels, en particulier des mains, peut être considéra-

ble et conduire à une adaptation du poste de travail ou à une

déclaration de maladie professionnelle indemnisable.

TRAITEMENT

Traitement symptomatique

Il repose sur l’application de dermocorticoïdes de niveau d’ac-

tivité forte à très forte pendant 1 à 2 semaines.

Il n’y a pas de place pour une corticothérapie systémique.

Les antihistaminiques sont inutiles.

En cas d’impétiginisation, une antibiothérapie générale est

nécessaire, sans retarder le traitement par corticoïdes topi-

ques.

Éviction de l’allergène

Elle est indispensable à la guérison car il n’y a pas de possibi-

lité de désensibilisation dans l’eczéma de contact.

L’ubiquité de certains allergènes rend leur éviction difficile

et explique la chronicité de certains eczémas de contact.

7S89

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90

Eczéma de contact

Il est important d’informer les patients sensibilisés et de

leur remettre des listes de produits à éviter.

Lorsque l’éviction de l’allergène est impossible, une pro-

tection vestimentaire peut être nécessaire pour éviter le con-

tact (gants, manches longues, chaussures…).

Les eczémas de cause professionnelle justifient un arrêt de

travail, la réalisation de tests épicutanés et peuvent conduire

à une déclaration en maladie professionnelle indemnisable.

L’activité professionnelle et le poste de travail doivent être

aménagés en collaboration avec le médecin du travail.

Prévention

Elle repose sur l’éviction des contacts avec les substances sen-

sibilisantes par le port de gants, de vêtements de protection

dans les professions à haut risque de sensibilisation de contact.

Points clés

1. L’éviction de l’allergène est une condition indispensable à la guérison.

2. Les eczémas de contact de cause professionnelle sont parmi les plus fréquentes des maladies professionnelles indemnisables.

3. La réalisation des tests épicutanés doit être orientée par l’interrogatoire et l’examen clinique.

4. La pertinence des tests épicutanés positifs doit être discutée.

5. Les allergènes les plus fréquents sont les métaux, en particulier le nickel.

6. En cas de persistance ou d’aggravation des lésions sous traitement, il faut penser à une allergie aux corticoïdes.

7. L’ubiquité de certains allergènes rend leur éviction difficile et rend compte de la chronicité de certains eczémas de contact.

8. Le traitement repose sur l’application de corticoïdes locaux. Il n’y a pas souvent d’indication à une corticothérapie systémique.L’emploi des antihistaminiques, tant locaux que généraux, est inutile.

9. L’information du patient est indispensable pour qu’il parvienne à se protéger de tout contact ultérieur avec l’allergène.

Fig. 1. Eczéma aigu : lésions vésiculo-bulleuses.

Fig. 2. Eczéma aigu : phase suintante.

7S90

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S85-7S90

Fig. 3. Eczéma lichénifié.

Fig. 4. Eczéma de contact à un constituant des chaussures.

Fig. 5. Tests épicutanés.

7S91

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

L

Item no 116 : Dermatoses bulleuses auto-immunes

es dermatoses bulleuses auto-immunes constituent

un groupe hétérogène de maladies à la fois très diver-

ses, peu fréquentes et de pronostic variable, parfois

péjoratif. Elles sont secondaires à des altérations de diffé-

rents constituants de la peau : l’épiderme, la jonction dermo-

épidermique (JDE) ou le derme superficiel. Ces altérations

résultent d’une réaction autoimmune et ont pour consé-

quence clinique la formation de bulles cutanées ou des mu-

queuses externes. La diversité des dermatoses bulleuses

autoimmunes impose une enquête clinique, anatomopatho-

logique et immunopathologique.

PHYSIOPATHOLOGIE

La cohésion de la peau, en particulier de l’épiderme, est assu-

rée par deux systèmes d’adhésion :

– la cohésion de l’épiderme est principalement assurée par

les desmosomes qui permettent l’adhésion des kératinocytes

entre eux ;

– la JDE permet d’assurer une bonne adhésion entre l’épi-

derme et le derme sous-jacent ; c’est une région macromolé-

culaire complexe qui comprend, de la superficie vers la

profondeur : les hémidesmosomes, les filaments d’ancrage,

la lame dense et les fibrilles d’ancrage.

Parmi les dermatoses bulleuses auto-immunes (DBAI), on

distingue, en fonction du site de clivage :

– les DBAI sous-épidermiques, avec perte de l’adhésion

dermo-épidermique par altération d’un composant de la JDE

par des autoanticorps ;

– les DBAI intraépidermiques (groupe des pemphigus) où

la perte de cohésion des kératinocytes (acantholyse) est due à

l’altération des desmosomes par des autoanticorps.

DIAGNOSTIC POSITIF

Clinique

Une bulle est une collection liquidienne superficielle à conte-

nu clair ou sérohématique de plusieurs millimètres de diamè-

tre. Elle peut siéger sur la peau ou les muqueuses (buccale,

génitale…). Il faut savoir également évoquer une dermatose

bulleuse devant une érosion postbulleuse, en particulier sur

les muqueuses, caractéristique par sa forme arrondie et la pré-

sence d’une collerette épithéliale périphérique ou encore de-

vant un vaste décollement épidermique donnant un aspect de

« linge mouillé sur la peau ». Le signe de Nikolsky correspond

à un décollement cutané provoqué par le frottement appuyé

de la peau saine. Il traduit un décollement intraépidermique

(acantholyse) au cours des pemphigus.

Histologie

La bulle peut résulter d’un clivage entre le derme et l’épider-

me (bulle sous-épidermique) ou d’un clivage à l’intérieur de

l’épiderme (bulle intraépidermique). Il existe une assez bon-

ne concordance entre l’aspect clinique d’une bulle récente

(moins de 12 h) et son type histologique :

– en cas de clivage sous-épidermique : la bulle est tendue, à

contenu clair ou parfois hématique ;

– en cas de clivage intraépidermique : la bulle est flasque et

fragile.

Immunopathologie

Le diagnostic positif d’une DBAI repose sur l’examen en im-

munofluorescence directe (IFD) d’une biopsie de peau (ou de

muqueuse externe) péribulleuse qui objective des dépôts

Objectifs pédagogiques

– Diagnostiquer une pemphigoïde bulleuse, un pemphigus.

– Argumenter les principes du traitement et la surveillance au long cours.

7S92

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

d’immunoglobulines G (IgG) et/ou de C3, in vivo, qui peuvent

être localisés :

– le long de la JDE dans les DBAI sous-épidermiques, don-

nant un aspect linéaire ;

– sur la membrane des kératinocytes dans les DBAI intraé-

pidermiques (pemphigus), donnant un aspect en maille de fi-

let (ou en résille) ;

– au sommet des papilles dermiques dans la dermatite her-

pétiforme, d’aspect granuleux.

Il est complété par l’examen du sérum en immunofluores-

cence indirecte (IFI) recherchant la présence d’autoanticorps

circulants antiépiderme (anticorps anti-JDE, anticorps anti-

membrane des kératinocytes).

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

D’une dermatose bulleuse

La bulle doit être distinguée :

– de la vésicule, de plus petite taille (1 à 2 mm de diamètre) ;

– de la pustule dont le contenu est purulent.

Cependant, certaines DBAI (dermatite herpétiforme, pem-

phigoïde bulleuse) s’accompagnent volontiers de vésicules.

Inversement, il peut exister des formes bulleuses de maladies

habituellement non bulleuses. C’est le cas de dermatoses vé-

siculeuses comme l’herpès, le zona ou l’eczéma (formation

de bulles par coalescence de vésicules), ou de vasculites né-

crotico-bulleuses (bulles par nécrose de l’épiderme).

Les érosions postbulleuses doivent être différenciées des

autres érosions ou ulcérations primitives (chancre, aphtes),

notamment sur les muqueuses buccales ou génitales.

D’une maladie bulleuse auto-immune

Les dermatoses bulleuses non auto-immunes seront élimi-

nées sur l’aspect clinique, l’évolution et surtout la négativité

des examens immunopathologiques, essentiellement l’IFD

cutanée.

Chez l’adulte, on élimine :

– une toxidermie bulleuse (érythème pigmenté fixe bulleux,

syndrome de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique

toxique) ; elle se caractérise cliniquement par un début brutal,

une rapidité d’évolution, une fréquence de l’atteinte muqueu-

se et des signes généraux imposant l’hospitalisation en

urgence ; l’interrogatoire recherche la prise récente de médi-

caments inducteurs ;

– une porphyrie cutanée tardive : caractérisée par des bulles

des régions découvertes d’évolution cicatricielle, une fragilité

cutanée, une hyperpigmentation et une hyperpilosité tem-

poro-malaire ; le diagnostic repose sur le taux élevé d’uropor-

phyrines dans les urines ;

– une dermatose bulleuse par agents externes : bulles de

cause physique (« coup de soleil », photophytodermatose ou

« dermite des prés ») ou chimique (dermite caustique, piqû-

res d’insectes, etc.) dont le diagnostic repose sur l’anamnèse.

Chez l’enfant, on élimine :

– une épidermolyse bulleuse héréditaire, due à des mutations

de gènes codant diverses protéines de la JDE ; elle débute gé-

néralement en période néonatale et se caractérise par une fra-

gilité cutanée anormale responsable de bulles siégeant aux

zones de friction ou de traumatisme (extrémités, faces d’exten-

sion des membres) ; le diagnostic repose sur l’aspect clinique,

les antécédents familiaux, l’étude en microscopie électronique

d’une biopsie cutanée et, dans certains cas, l’identification de

la mutation en cause par la biologie moléculaire ;

– une épidermolyse staphylococcique : dermatose bulleuse

aiguë due à l’action d’une toxine sécrétée par certaines sou-

ches de staphylocoques dorés ; elle se caractérise par un décol-

lement épidermique très superficiel (sous-corné) et survient

dans un contexte infectieux ;

– un érythème polymorphe bulleux : caractérisé cliniquement

par des lésions cutanées éruptives en « cocardes » ou

« cibles » à disposition acrale (coudes, genoux, mains, visage),

évoluant spontanément vers la guérison en 2 à 3 semaines ;

les lésions muqueuses bulleuses ou érosives sont fréquentes ;

il est en règle postinfectieux, survenant le plus souvent après

un herpès récurrent.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE

Il repose sur l’interrogatoire, l’aspect clinique et les examens

complémentaires, en particulier immunopathologiques.

Interrogatoire

Il précise :

– la prise de médicaments possiblement inducteurs : D-pé-

nicillamine, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) au

cours des pemphigus, diurétiques épargnant le potassium au

cours de la pemphigoïde bulleuse ;

– les antécédents personnels ou familiaux de maladies

auto-immunes ;

– l’âge de début (pemphigoïde bulleuse touchant habituel-

lement des sujets très âgés) ;

– les signes fonctionnels : prurit (fréquent dans la pemphi-

goïde bulleuse, douleurs locales ;

– les circonstances d’apparition : grossesse pour la pemphi-

goïde gravidique ;

– l’existence d’un terrain débilité devant faire craindre un

retentissement important de la maladie et de son traitement.

Examen clinique

Il précisera :

– l’aspect des bulles (tendues ou flasques) et leur taille ;

7S93

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

Dermatoses bulleuses auto-immunes

– l’existence d’un signe de Nikolsky (évocateur de pemphigus) ;

– l’état de la peau péribulleuse (saine ou érythémateuse) et

les signes cutanés associés ;

– la topographie des lésions par un examen complet de la

peau et de toutes les muqueuses externes (buccale, conjoncti-

vale, génitale) ;

– l’étendue des lésions (bulles, érosions), le nombre moyen

de nouvelles bulles quotidiennes et le degré de surinfection

locale ;

– le retentissement sur l’état général (signes de déshydrata-

tion ou d’infection systémique).

Toute forme étendue ou rapidement évolutive impose une

hospitalisation en service spécialisé.

Examens complémentaires

L’interrogatoire et l’examen clinique permettent, dans la plu-

part des cas, une bonne orientation diagnostique. Cependant,

le diagnostic de certitude nécessite le recours à des examens

complémentaires :

– biopsie d’une bulle intacte et récente pour examen histo-

pathologique standard ;

– biopsie en peau péribulleuse pour IFD, à congeler immé-

diatement dans de l’azote liquide ou à mettre dans un milieu

de transport spécial ;

– prélèvement sanguin pour recherche d’anticorps antiépi-

derme par IFI ; cet examen permet de rechercher des anti-

corps réagissant avec la JDE (anticorps antimembrane basale)

ou avec la membrane des kératinocytes en précisant leur clas-

se (IgG, IgA) et leur titre ;

– numération-formule sanguine à la recherche d’une éosi-

nophilie (pemphigoïde bulleuse).

Dans certains cas difficiles de DBAI sous-épidermiques,

d’autres examens complémentaires, qui ne sont pas réalisa-

bles en routine, peuvent s’avérer nécessaires :

– immunomicroscopie électronique directe sur biopsie

cutanée ;

– IFI sur peau humaine normale clivée ; cet examen réalisé

sur le sérum du malade permet de localiser les anticorps an-

timembrane basale par rapport au clivage induit par le NaCl

molaire (marquage au toit ou au plancher de la bulle) ;

– immunotransfert (synonyme : immunoblot, Western-

Blot) ; cet examen étudie la réactivité du sérum du patient sur

les protéines extraites de peau normale ; il permet de caracté-

riser les autoanticorps sériques en fonction du poids molécu-

laire des antigènes reconnus ;

– enzyme linked immunoabsorbent assay (ELISA) pour distin-

guer les épitopes-cibles des autoanticorps sériques.

PRINCIPALES MALADIES

DBAI sous-épidermiques

Les DBAI sous-épidermiques sont multiples et sont liées à la

production d’auto-anticorps dirigés contre différentes protéi-

nes de la JDE.

PEMPHIGOÏDE BULLEUSE

C’est la plus fréquente de toutes les DBAI. Elle touche surtout

les sujets âgés (en moyenne : 80 ans).

Signes cliniques

La maladie peut débuter par un prurit généralisé, par des pla-

cards eczématiformes ou urticariens. L’éruption caractéristi-

que est faite de bulles tendues, à contenu clair, souvent de

grande taille, siégant sur base érythémateuse (macules et papu-

les prenant parfois un aspect urticarien) (fig. 1). Le prurit est in-

tense. Les lésions sont symétriques avec une prédilection pour

les faces de flexion et la racine des membres, la face antéro-

interne des cuisses et l’abdomen. L’atteinte muqueuse est rare.

Diagnostic

Il se fait sur les examens suivants :

– numération-formule sanguine : hyperéosinophilie fréquente ;

– histologie standard : bulle sous-épidermique contenant

des éosinophiles, sans acantholyse ni nécrose des kératinocy-

tes, associée à un infiltrat inflammatoire dermique polymor-

phe (fig. 2) ;

– IFD : dépôts linéaires d’IgG et/ou de C3 le long de la

membrane basale de l’épiderme (fig. 3) ;

– IFI standard : anticorps antimembrane basale (IgG) dans

80 p. 100 des cas (titre variable non lié à la sévérité ou à l’éten-

due de la maladie) ;

– IFI sur peau clivée : les anticorps se fixent au toit de la

zone de clivage.

Antigènes-cibles

Par immunotransfert réalisé à partir de protéines épidermi-

ques, les autoanticorps réagissent avec deux protéines de

l’hémidesmosome : AgPB1 (230 kD) et/ou AgPB2 (180 kD).

Évolution et traitement

La PB est une maladie grave, puisque le taux de mortalité à

1 an est de 30 à 40 p. 100. Les malades décèdent principale-

ment de complications infectieuses (septicémies, pneumopa-

thies) ou cardiovasculaires (insuffisance cardiaque, accident

vasculaire cérébral) souvent favorisées par le traitement corti-

coïde et/ou immunosuppresseur.

Le traitement comporte des mesures propres à toute mala-

die bulleuse : bains antiseptiques, hydratation et nutrition

compensant les pertes hydroélectrolytiques et protéiques.

La corticothérapie générale constituait jusqu’à récemment

le traitement de référence (prednisone : 0,5 à 1 mg/kg/j suivi

d’une dégression progressive jusqu’à une dose d’entretien).

Des études récentes montrent qu’une forte corticothérapie

locale utilisant le propionate de clobetasol (crème Dermoval40 g/j) a une efficacité similaire à la corticothérapie générale

et une meilleure tolérance. Les mesures adjuvantes à toute

corticothérapie doivent être associées. Le traitement d’atta-

que est poursuivi une quinzaine de jours après le contrôle de

la maladie. La corticothérapie est ensuite diminuée progres-

sivement par paliers. Le traitement est poursuivi pendant

une durée de 6 à 12 mois.

7S94

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

Les traitements immunosuppresseurs (azathioprine, my-

cophénolate mofétil) sont indiqués en cas de résistance à la

corticothérapie.

La surveillance est essentiellement clinique, portant initia-

lement sur un décompte quotidien du nombre de bulles puis

sur une récidive éventuelle de la maladie. Rappelons l’impor-

tance d’une surveillance de la tolérance du traitement corti-

coïde, la morbidité et la mortalité d’origine iatrogène étant

majeures à cet âge.

PEMPHIGOÏDE GESTATIONIS (SYN. : PEMPHIGOÏDE DE LA GROSSESSE,

PEMPHIGOÏDE GRAVIDIQUE)

C’est une forme très rare de pemphigoïde survenant spécifi-

quement lors de la grossesse ou du post-partum, favorisée par

des modifications transitoires de l’immunité observées dans

ces situations. Elle débute dans le 2e ou 3e trimestre, souvent

à la région périombilicale, et peut récidiver lors de grossesses

ultérieures, parfois de manière plus précoce. Le pronostic fœ-

tal est dominé par le risque de prématurité et par un petit

poids de naissance. Le traitement repose, selon la sévérité, sur

la corticothérapie locale ou générale.

PEMPHIGOÏDE CICATRICIELLE

Cette DBAI touche surtout le sujet âgé et est caractérisée par

l’atteinte élective des muqueuses :

– buccale : gingivite érosive, stomatite bulleuse ou érosive ;

– oculaire : conjonctivite synéchiante avec risque de cécité

par opacification cornéenne (fig. 4) ;

– génitale : vulvite ou balanite bulleuse ou érosive.

L’atteinte cutanée est inconstante (un quart des cas) avec

des érosions chroniques laissant des cicatrices déprimées

prédominant à la tête et au cou.

Diagnostic

L’IFD est analogue à celle de la pemphigoïde bulleuse. Des

anticorps antimembrane basale de l’épiderme sont incons-

tamment détectés par IFI. Par IFI sur peau clivée, ils se fixent

au toit ou au plancher de la bulle. Par immunotransfert, ils

réagissent surtout avec l’AgPB2 (180 kD). L’immunomicros-

copie électronique directe est souvent nécessaire au diagnos-

tic de certitude, montrant des dépôts immuns épais dans la

lamina lucida, débordant sur la lamina densa.

Traitement

Il repose en première intention sur la dapsone (Disulone) à la

dose de 50 à 100 mg/j. En cas d’atteinte oculaire évolutive, le

traitement repose sur l’utilisation de cyclophosphamide

(Endoxan) seul ou associé à une corticothérapie générale.

DERMATITE HERPÉTIFORME

Très rare en France, la dermatite herpétiforme est une mala-

die débutant chez l’adolescent ou l’adulte jeune. Elle évolue

par poussées entrecoupées de rémissions spontanées. Sa phy-

siopathologie est incomplètement comprise. Elle fait interve-

nir une hypersensibilité à la gliadine contenue dans le gluten,

comme la maladie cœliaque qui lui est souvent associée.

Le tableau clinique est dominé par un prurit diffus, long-

temps isolé. Les bulles et/ou vésicules ont une disposition sy-

métrique aux coudes, genoux et fesses et se regroupent en

anneau ou en médaillon.

L’histologie cutanée montre un clivage sous-épidermique

associé à des microabcès du derme papillaire à polynucléai-

res neutrophiles et éosinophiles. L’IFD montre des dépôts

granuleux d’IgA, en mottes, dans les papilles dermiques,

sous la JDE. Des anticorps circulants antiréticuline, antien-

domysium et antigliadine sont souvent retrouvés.

La DH est associée à une entéropathie au gluten, le plus

souvent asymptomatique. Une biopsie du grêle montrerait

une atrophie villositaire caractéristique.

L’évolution de la maladie est chronique, les poussées étant

parfois provoquées par une prise excessive de gluten. Le risque

évolutif majeur mais rarissime est représenté par la survenue

d’un lymphome du grêle. Le traitement repose essentielle-

ment sur le régime sans gluten qui est très contraignant, et sur

la disulone.

DERMATOSE À IgA LINÉAIRE

Son individualisation reste discutée. Elle est définie par des

dépôts linéaires d’IgA sur la membrane basale de l’épiderme

en IFD et un clivage sous-épidermique en histologie. Elle sur-

vient à tout âge, mais en particulier chez l’enfant.

L’aspect clinique est souvent celui d’une pemphigoïde. Les

bulles de grande taille, associées à des vésicules à groupement

arrondi (herpétiforme), prédominent sur la moitié inférieure

du tronc, sur les fesses, sur le périnée et sur les cuisses.

L’examen du sérum en immunotransfert montre une réac-

tivité variable des anticorps contre plusieurs antigènes der-

miques et épidermiques.

Chez l’adulte, il existe des formes d’évolution aiguë indui-

tes par les médicaments (vancomycine).

Le traitement repose sur la disulone. L’évolution est habi-

tuellement favorable en quelques semaines à quelques mois.

ÉPIDERMOLYSE BULLEUSE ACQUISE

Maladie exceptionnelle de l’adulte, elle se caractérise par des

bulles mécaniques en peau saine sur les zones de frottement

et les extrémités laissant des cicatrices atrophiques. Le dia-

gnostic repose sur des examens immunopathologiques so-

phistiqués.

DBAI intraépidermiques (pemphigus)

DÉFINITION, ÉPIDÉMIOLOGIE

Les pemphigus sont des maladies auto-immunes rares qui

touchent la peau et les muqueuses. Les autoanticorps pré-

sents dans les sérums des malades sont dirigés contre des

constituants du desmosome et sont responsables de l’acan-

tholyse et du clivage intraépidermique. On distingue trois

grands types de pemphigus : le pemphigus vulgaire (PV) où

le clivage est suprabasal, les pemphigus superficiels (PS) où

7S95

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

Dermatoses bulleuses auto-immunes

le clivage est sous-corné et le pemphigus paranéoplasique

(PPN), souvent associé à une hémopathie maligne. L’associa-

tion à d’autres maladies auto-immunes est possible : myas-

thénie, lupus érythémateux, maladie de Gougerot-Sjögren,

polyarthrite rhumatoïde, maladie de Basedow, glomérulo-

néphrites.

SIGNES CLINIQUES

Le pemphigus vulgaire débute le plus souvent de façon insi-

dieuse par des lésions muqueuses. L’atteinte buccale (fig. 5),

faite d’érosions douloureuses, traînantes pouvant gêner l’ali-

mentation, est plus fréquente que les atteintes génitale et ocu-

laire. L’atteinte cutanée survient secondairement, plusieurs

semaines ou plusieurs mois après les érosions muqueuses.

Elle se caractérise par des bulles flasques à contenu clair, sié-

geant en peau saine. Les bulles sont fragiles et laissent rapide-

ment place à des érosions postbulleuses cernées par une

collerette épidermique (fig. 6). Il existe un signe de Nikolsky

en peau périlésionnelle, et parfois en peau saine. Des éro-

sions œsophagiennes, vaginales et rectales sont également

possibles. Le pemphigus végétant est une forme clinique ca-

ractérisée par l’évolution végétante des lésions qui se locali-

sent dans les grands plis.

Les pemphigus superficiels regroupent le pemphigus sébor-

rhéique qui est une forme localisée de la maladie et le pemphi-

gus foliacé sporadique ou endémique (fogo selvagem) qui

correspond à une forme disséminée. Dans le pemphigus sébor-

rhéique, les bulles, très fugaces et inconstantes, sont rempla-

cées par des lésions squamo-croûteuses, parfois prurigineuses,

distribuées sur les zones séborrhéiques : thorax, visage, cuir

chevelu, région interscapulaire (fig. 7). Il n’existe habituelle-

ment pas d’atteinte muqueuse. Dans les formes sévères, le ta-

bleau clinique est celui d’une érythrodermie squameuse.

Le pemphigus paranéoplasique est une forme exceptionnelle

de pemphigus associé à différents types de proliférations ma-

lignes, notamment des hémopathies lymphoïdes.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Le diagnostic est confirmé par l’examen histologique d’une

bulle récente (bulle intraépidermique suprabasale dans le

pemphigus vulgaire, clivage dans la couche granuleuse dans

les pemphigus superficiels) avec acantholyse (kératinocytes

détachés) (fig. 8).

L’étude en IFD d’une biopsie de peau péribulleuse montre

des dépôts d’IgG et de C3 sur la membrane des kératinocytes,

prenant un aspect en résille ou en mailles de filet (fig. 9).

L’examen du sérum en IFI montre des anticorps circulants

de classe IgC dirigés contre la surface des kératinocytes, en-

core abusivement appelés « anticorps anti-substance inter-

cellulaire épidermique », dont le titre est corrélé à l’activité de

la maladie.

Les techniques d’immunotransfert et d’ELISA permettent

de déterminer les antigènes reconnus par les autoanticorps

circulants (desmogléine 3 au cours des pemphigus vulgaires,

desmogléine 1 au cours des pemphigus superficiels).

PRONOSTIC, TRAITEMENT

La mortalité se situe actuellement autour de 5 p. 100 et est

principalement due aux complications iatrogènes.

Le traitement d’attaque est destiné à contrôler la maladie.

Le traitement d’entretien à dose progressivement décroissan-

te vise à maintenir la rémission complète, clinique et immu-

nopathologique (disparition des anticorps circulants). Il

repose essentiellement sur la corticothérapie générale à forte

dose : prednisone (1 à 1,5 mg/kg/j). Des traitements immuno-

suppresseurs, par azathioprine, cyclophosphamide ou ciclos-

porine, sont parfois associés à la corticothérapie en cas de

résistance au traitement corticoïde. Les doses de corticoïdes

sont ensuite progressivement diminuées, un traitement de

plusieurs années étant souvent nécessaire. La disulone et les

dermocorticoïdes constituent une alternative thérapeutique

intéressante dans les formes peu étendues et au cours des

pemphigus superficiels.

AUTRES FORMES DE PEMPHIGUS

Les pemphigus médicamenteux sont déclenchés par les médica-

ments contenant un groupe thiolé tels que la D-pénicillamine,

le captopril, la thiopronine, la pyrithioxine mais également

avec d’autres substances (piroxicam, bêtabloquants, phénylbu-

tazone, rifampicine). L’acantholyse peut être secondaire à l’ac-

tion directe du médicament, l’IFD est alors négative et, à l’arrêt

du traitement, l’évolution est favorable. Plus souvent, le médi-

cament ne fait que déclencher un pemphigus auto-immun.

L’IFD montre alors un marquage de type pemphigus et il exis-

te un risque d’autonomisation de la maladie malgré l’arrêt du

traitement, nécessitant le recours à la corticothérapie.

7S96

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

Points clés

1. Le diagnostic des différentes maladies bulleuses auto-immunes repose sur l’examen clinique complété par l’examen histologi-que d’une biopsie cutanée et par la recherche d’anticorps antiépiderme (dirigés contre des protéines de la jonction dermo-épidermique au cours de la pemphigoïde et des jonctions interkératinocytaires au cours du pemphigus).

2. Les anticorps antiépiderme fixés in vivo sont détectés par immunofluorescence directe et les anticorps sériques par immuno-fluorescence indirecte, immunotransfert ou ELISA.

3. Une dermatose bulleuse étendue et/ou rapidement évolutive impose une hospitalisation en service spécialisé.

4. La plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes est la pemphigoïde bulleuse : elle se traduit par un prurit et des lé-sions cutanées à type de grosses bulles tendues ; elle survient chez les sujets âgés et est à l’origine d’une importante mortalité(30 p. 100 après 1 an de traitement) et d’une lourde morbidité principalement d’origine iatrogène.

5. Le pemphigus vulgaire se traduit essentiellement par des érosions muqueuses, en particulier de la muqueuse buccale, à l’origined’une dysphagie.

6. Le traitement des principales maladies bulleuses auto-immunes repose principalement sur la corticothérapie locale ou générale.

Fig. 1. Pemphigoïde bulleuse : bulles tendues sur base érythémateuse (face interne de la cuisse).

Fig. 2. Pemphigoïde bulleuse : biopsie cutanée standard ; bulle sous-épidermique sans acantholyse.

Fig. 3. Pemphigoïde bulleuse : immunofluorescence directe cutanée ; dépôts linéaires d’IgG le long de la membrane basale de l’épiderme.

Fig. 4. Pemphigoïde cicatricielle : synéchies conjonctivales.

7S97

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S91-7S97

Dermatoses bulleuses auto-immunes

Fig. 5. Pemphigus vulgaire : érosions (postbulleuses) gingivales.

Fig. 6. Pemphigus vulgaire : érosions et croûtes cutanées présternales.

Fig. 7. Pemphigus superficiel : lésions érythémato-squameuses à bordure figurée.

Fig. 8. Pemphigus vulgaire : biopsie cutanée standard ; bulle intraépidermique par décollement suprabasal avec acantholyse.

Fig. 9. Pemphigus vulgaire : immunofluorescence directe cutanée ; dépôts interkératinocytaires d’IgG.

7S98

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

P

Item no 117 : Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

rototype des maladies auto-immunes non spécifi-

ques d’organe, le lupus érythémateux disséminé ou

lupus érythémateux systémique (LES) est une con-

nectivite fréquente et d’expression clinique très variable, ca-

ractérisée par la production d’anticorps antinucléaires et

particulièrement d’anticorps anti-ADN natif. Il peut être as-

socié à la présence d’un anticorps antiphospholipides (APL)

et à son corollaire clinique, le syndrome des anticorps anti-

phospholipides (SAPL) caractérisé par des thromboses réci-

divantes.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le LES survient dans 85 p. 100 des cas chez la femme, géné-

ralement en période d’activité génitale. La prévalence (15 à

50 cas pour 100 000) est plus élevée chez les sujets noirs.

PATHOGÉNIE

Le lupus résulte vraisemblablement d’interactions entre des

gènes de susceptibilité et des facteurs d’environnement. Cette

interaction a pour conséquence une réponse immune anor-

male comportant une hyperréactivité lymphocytaire T et B,

qui n’est pas réprimée par les circuits habituels d’immunoré-

gulation, et la production d’anticorps en particulier d’anti-

corps antinucléaires et d’anticorps anti-ADN.

Les arguments en faveur d’une prédisposition génétique

de la maladie sont : la fréquence accrue de la maladie chez les

jumeaux monozygotes et l’atteinte d’un membre de la fa-

mille dans 10 p. 100 des cas. Plusieurs gènes sont probable-

ment impliqués. Les quelques marqueurs mis en évidence

ont peu d’intérêt pratique à l’exception de déficits en fraction

du complément (C4 essentiellement).

Les facteurs d’environnement qui déclenchent une

poussée de la maladie sont, pour la plupart, inconnus à

l’exception des rayons ultraviolets B (280-320 nm). Bien

que de nombreux médicaments puissent induire une ma-

ladie apparentée au lupus, des différences cliniques et im-

munologiques existent entre le lupus induit et le lupus

spontané. L’appartenance au sexe féminin est un facteur

de susceptibilité évident puisque la prévalence chez les

femmes en âge de procréer est 7 à 9 fois supérieure à la

prévalence chez les hommes, tandis que le sex-ratio est de

3 femmes pour 1 homme au cours des périodes pré- et

postménopausiques.

DIAGNOSTIC

Symptomatologie clinique

En raison du polymorphisme de l’affection, la description

d’une forme typique est impossible. Les principales manifes-

tations seront décrites en indiquant leur fréquence. Les at-

teintes viscérales, qui peuvent toutes révéler la maladie,

s’associent lors des poussées à des signes généraux : fièvre,

asthénie, amaigrissement.

MANIFESTATIONS DERMATOLOGIQUES

De nombreuses manifestations dermatologiques sont obser-

vées au cours du lupus érythémateux systémique (LES). Elles

peuvent être schématiquement classées en trois groupes : les

lésions lupiques (histologie évocatrice de lupus), les lésions

vasculaires et les autres manifestations.

Lésions cutanées spécifiques du lupus

Les lésions lupiques principalement observées au cours du

LES sont des lésions de lupus érythémateux aigu. Les lésions

de lupus subaigu ou chronique sont plus rares. Ces différents

Objectif pédagogique

– Diagnostiquer un lupus érythémateux disséminé et un syndrome des antiphospholipides.

7S99

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

types de lupus cutané peuvent être associés chez un même

malade. Ils diffèrent par leur aspect clinique, histologique et

leur évolution.

• Aspects cliniques

Les aspects cliniques sont présentés dans le tableau I.

Lupus érythémateux aigu. Les lésions de lupus érythéma-

teux aigu sont caractérisées cliniquement par un aspect

érythémateux, plus ou moins œdémateux ou squameux, plus

rarement papuleux (fig. 1, 2).

Dans la forme localisée, les lésions sont situées principale-

ment sur les joues et le nez en vespertilio ou en loup, respec-

tant relativement les sillons nasogéniens et les paupières,

s’étendant souvent sur le front, le cou, dans la zone du décol-

leté avec une bordure émiettée.

Dans la forme diffuse, les lésions prédominent générale-

ment sur les zones photoexposées réalisant une éruption

morbilliforme, papuleuse, eczématiforme ou bulleuse. Sur

le dos des mains, les lésions lupiques atteignent surtout les

zones interarticulaires.

Les lésions muqueuses du lupus aigu sont érosives, prin-

cipalement buccales (fig. 3).

Le diagnostic différentiel se pose avec la rosacée qui com-

porte des télangiectasies et des pustules, avec une dermatite

séborrhéïque, localisée principalement dans les plis nasogé-

niens, avec une dermatomyosite prédominant au visage, sur

les paupières supérieures, de couleur lilacée avec un œdème

généralement plus important et aux mains, sur les zones ar-

ticulaires. Les formes disséminées peuvent parfois faire évo-

quer un eczéma ou une éruption virale.

Lupus cutané subaigu. Des lésions de lupus cutané su-

baigu sont observées dans 7 à 21 p. 100 des LES, notamment

en présence d’anticorps anti-Ro/SSA. Cliniquement, le lu-

pus cutané subaigu se manifeste initialement par des lésions

maculeuses érythémateuses ou papuleuses évoluant soit vers

des lésions annulaires, soit vers un aspect psoriasiforme

(fig. 4). Les lésions annulaires ont des contours polycycliques

à bordure érythémato-squameuse. Les lésions psoriasifor-

mes sont papulo-squameuses. Quel que soit leur aspect, les

lésions prédominent sur les zones photoexposées de la moi-

tié supérieure du corps. Ils peuvent être induits par certains

médicaments (thiazidiques, inhibiteurs calciques).

Le diagnostic peut hésiter avec une dermatophytie, un

érythème polymorphe, un psoriasis, un pityriasis rosé de

Gibert ou un vitiligo dans les formes dépigmentées.

Lupus érythémateux discoïde. Les lésions cutanées de type

lupus érythémateux discoïde sont observées dans 15 à

25 p. 100 des LES. Beaucoup plus fréquemment, elles sont

isolées, sans aucune manifestation viscérale. En l’absence

d’anomalies biologiques franches, la probabilité que des lé-

sions de lupus érythémateux discoïde annoncent la survenue

d’un LES est très faible. Il s’agit de plaques bien limitées as-

sociant trois lésions élémentaires : érythème, surtout net en

bordure, parcouru de fines télangiectasies, squames épaisses

s’enfonçant en clou dans les orifices folliculaires et atrophie

cicatricielle (fig. 5). Les lésions souvent multiples et symétri-

ques prédominent au visage prenant parfois une disposition

en aile de papillon. L’atteinte des oreilles est classique de

même que celle du cuir chevelu (fig. 6).

Autres aspects. D’autres aspects sont plus rarement obser-

vés au cours du LES :

– le lupus tumidus se manifestant par un placard infiltré

non squameux ;

– le lupus à type d’engelures des extrémités ;

– la panniculite lupique débutant par des nodules et lais-

sant une atrophie cicatricielle sur les bras et les cuisses.

• Aspects histopathologiques

L’examen anatomopatholoqique d’une lésion cutanée lupique

révèle des lésions épidermiques et dermiques : hyperkérato-

se, atrophie épidermique, dégénérescence des kératinocytes

basaux, épaississement de la membrane basale, œdème et in-

filtrat lymphocytaire dermique. Les lésions sont plus mar-

quées dans les formes discoïdes, parfois minimes dans les

autres variantes.

L’étude en immunofluorescence directe d’une lésion lu-

pique met en évidence des dépôts granuleux (par opposi-

tion aux dépôts linéaires des dermatoses bulleuses auto-

immunes) d’immunoglobulines (lgG, A ou M) et/ou de

complément (C1q, C3) à la jonction dermo-épidermique

dans 90 p. 100 des cas de lupus aigu et chronique et dans

60 p. 100 des cas de lupus subaigu. Cette bande lupique est

présente en peau saine dans 30 p. 100 des cas de LES.

• Aspects évolutifs

Les lésions de lupus érythémateux aigu ont une évolution pa-

rallèle à celle des poussées systémiques, disparaissant avec el-

les sans cicatrice. Les lésions de lupus subaigu ont une

évolution souvent dissociée des autres manifestations systé-

miques, disparaissant le plus souvent sans cicatrice avec par-

fois une hypochromie séquellaire. Les lésions de lupus

discoïde ont une évolution chronique et cicatricielle sans pa-

rallélisme avec les poussées viscérales.

Lésions cutanées vasculaires

• Phénomène de Raynaud

Un phénomène de Raynaud est présent chez 15 à 45 p. 100

des malades et peut précéder de longue date l’apparition du

Tableau I. – Signes principaux des lésions cutanées lupiques du lupus systémique.

Lupus érythémateux aigu Érythème en vespertilio, en « loup »Lésions érosives muqueuses

Lupus érythémateux subaigu Lésions annulaires disséminéesLésions psoriasiformes disséminéesPhotosensibilité

Lupus érythémateux discoïde Lésion érythémato-squameusesÉvolution atrophiante, dyschromique, cicatricielle

7S100

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

LES. Il ne justifie que rarement un traitement spécifique.

L’apparition d’une nécrose digitale doit faire suspecter une

thrombose ou une vasculite associée.

• Érythème palmaire et télangiectasies périunguéales

Livédo. Le livédo est significativement associé au cours du lu-

pus à la présence d’anticorps antiphospholipides, à l’atteinte

cardiaque et aux manifestations vasculaires ischémiques cé-

rébrales. Ce livédo est habituellement diffus, à mailles fines

non fermées, formant des cercles incomplets (livédo racemo-

sa ou ramifié), localisé sur les membres et le tronc. Les biop-

sies cutanées ont un intérêt limité.

Purpura. Les lésions de purpura peuvent témoigner d’une

vasculite ou de lésions thrombotiques. Plus les lésions sont

nécrotiques, plus le risque qu’il s’agisse de phénomène ou de

thrombose est important (justifiant la recherche d’anticorps

antiphospholipides).

Ulcère de jambe. Des ulcères de jambes sont observés chez

3 p. 100 environ des malades ayant un LES. Ils sont rarement

secondaires à une atteinte des troncs profonds mise en évi-

dence par les examens doppler artériel et veineux. Habituelle-

ment, il s’agit d’ulcères superficiels en rapport avec une

vasculite ou plus souvent une thrombose cutanée (anticorps

antiphospholipides).

Vasculite urticarienne. Les lésions d’urticaire, notées dans

4 à 13 p. 100 des cas des grandes séries de LES, correspondent

histologiquement à une vasculite leucocytoclasique des vais-

seaux superficiels dermiques et sont généralement associées

à une baisse du complément.

Autres lésions vasculaires. On peut aussi observer un érythè-

me palmaire, des télangiectasies periunguéales et des hémor-

ragies en flammèches sous-unguéales.

Autres manifestations

• Alopécie diffuse

Une chute diffuse des cheveux, inconstante, est contemporai-

ne des poussées de LES.

• Lésions bulleuses

Elles sont exceptionnelles toujours associées à un lupus sys-

témique et caractérisées par des dépôts linéaires immuns lo-

calisés sur la jonction dermo-épidermique.

MANIFESTATIONS RHUMATOLOGIQUES

Souvent inaugurales, elles sont presque constantes et figu-

rent volontiers au premier plan du tableau clinique qu’il

s’agisse d’arthromyalgies ou plus souvent d’arthrites vraies

(75 p. 100). Ces arthrites peuvent évoluer sur un mode

variable :

– oligo- ou polyarthrite aiguë fébrile, bilatérale et symé-

trique ;

– arthrite subaiguë ;

– plus rarement arthrite chronique.

Les articulations les plus fréquemment atteintes sont les

métacarpo-phalangiennes, les interphalangiennes proxima-

les, le carpe, les genoux et les chevilles. Les déformations des

mains sont rares et alors réductibles (rhumatisme de Jac-

coud). Les radios ne montrent pas de destruction ostéocar-

tilagineuse, à la différence de la polyarthrite rhumatoïde.

Plus rarement, on peut observer des ténosynovites ou des

arthrites septiques. Les ruptures tendineuses et les ostéoné-

croses aseptiques sont favorisées par la corticothérapie.

MANIFESTATIONS RÉNALES

Elles ont une importance pronostique majeure. Leur fréquen-

ce est comprise entre 35 et 55 p. 100 (plus élevée si l’on se fon-

de sur les données de biopsies rénales systématiques).

L’atteinte rénale survient en règle dans les premières années

d’évolution. Une surveillance régulière s’impose cependant.

La ponction-biopsie rénale (PBR) est indiquée en cas de pro-

téinurie supérieure à 0,5 g/24 h.

L’étude histologique montre des lésions principalement

glomérulaires, mais aussi tubulo-interstitielles et parfois vas-

culaires qui coexistent fréquemment sur une même biopsie.

On distingue les lésions actives susceptibles de régresser

sous traitement, et les lésions inactives irréversibles, faisant

chacune l’objet d’un indice quantitatif. L’Organisation mon-

diale de la santé (OMS) reconnaît six classes :

– glomérule normal en microscopie optique et immuno-

fluorescence (classe I) ; cet aspect est rare ;

– glomérulonéphrite mésangiale pure (classe II) de pro-

nostic favorable ;

– glomérolunéphrite segmentaire et focale (classe III) avec

des lésions nécrotiques et prolifératives d’une partie des capil-

laires de moins de 50 p. 100 des glomérules. Les dépôts im-

muns sont présents en quantité modérée, dans les capillaires

de nombreux glomérules. La traduction biologique se limite

souvent à une protéinurie modérée. L’évolution ultérieure

vers une forme diffuse n’est pas exceptionnelle ;

– gllomérulonéphrite proliférative diffuse (classe IV) ;

c’est la forme la plus fréquente et la plus grave. La majorité

des glomérules sont touchés à des degrés divers : nécrose,

proli-fération des cellules mésangiales et endothéliales, dé-

pôts endomembraneux responsables du classique aspect en

« boucle de fil de fer » des capillaires. La prolifération épithé-

liale, donnant naissance à des croissants extracapillaires, est

un signe de gravité. L’immunofluorescence révèle des dé-

pôts granuleux d’IgG, IgM, IgA, ou de complément. Cette at-

teinte proliférative diffuse se traduit par une protéinurie

franche, et souvent par un syndrome néphrotique impur as-

sociant hématurie microscopique, HTA et insuffisance

rénale ;

– glomérulonéphrite extramembraneuse (classe V) ; la

paroi des capillaires glomérulaires est épaissie de façon

7S101

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

diffuse et régulière par des dépôts immuns. Quand les lé-

sions prolifératives sont absentes ou modestes, le tableau

clinique est généralement celui d’un syndrome néphrotique

avec hématurie microscopique, sans HTA ni insuffisance

rénale ;

– sclérose glomérulaire (classe VI), dont l’autonomie est

discutée.

Quand la néphropathie lupique aboutit, malgré le traite-

ment, à une insuffisance rénale terminale, l’évolutivité du lu-

pus tend à diminuer. Les taux de survie en hémodialyse sont

satisfaisants, les récidives de néphropathie lupique après

transplantation, exceptionnelles.

MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES

Elles concernent essentiellement le système nerveux central

et revêtent une signification souvent péjorative. Leur expres-

sion clinique est très variable (30-60 p. 100) :

– crise comitiale généralisée ou focalisée, pouvant précéder

les autres manifestations de plusieurs années, et posant alors

le problème diagnostique d’un lupus induit par les anticomi-

tiaux. La recherche d’un APL est la règle ;

– accidents vasculaires cérébraux surtout ischémiques, vo-

lontiers corrélés également à la présence d’un APL ;

– neuropathies crâniennes ;

– méningite lymphocytaire aseptique, qui ne peut être

attribuée à la maladie lupique qu’après avoir éliminé une

surinfection opportuniste, notamment tuberculeuse ou

mycotique ;

– plus rarement, atteinte médullaire et chorée ;

– les migraines, fréquentes et parfois richement accompa-

gnées, ne doivent pas être confondues avec une manifestation

organique.

Les troubles psychiques sont fréquents (20 p. 100) et peu-

vent comporter un risque suicidaire : troubles de l’humeur

(dépression, accès maniaque), syndrome confusionnel, bouf-

fée délirante aiguë. Ces troubles peuvent relever de mécanis-

mes extrêmement divers (neuro-lupus, complication du

traitement corticoïde).

L’IRM est utile dans l’évaluation du neuro-lupus (infarctus

cérébraux, hypersignaux de la substance blanche).

MANIFESTATIONS CARDIAQUES

Elles peuvent toucher les trois tuniques :

– les péricardites (30 p. 100), parfois révélatrices, sont fré-

quemment latentes et découvertes lors d’une échographie

systématique. Leur corticosensibilité est spectaculaire ;

– l’atteinte myocardique spécifique du lupus se traduit par

une insuffisance cardiaque congestive et des troubles du ryth-

me ou de la conduction ;

– l’endocardite de Libman-Sacks est reconnue grâce à

l’échographie. Elle est souvent associée au SAPL. Anatomi-

quement, les lésions (épaississement valvulaire, végétations

de petite taille) prédominent sur les valves du cœur gauche.

Cette endocardite expose à diverses complications : dégrada-

tion hémodynamique, greffe oslérienne, thromboses valvu-

laires source d’embolies artérielle ;

– enfin les cas d’insuffisance coronarienne sont générale-

ment secondaires à l’athérome précoce (favorisé par la corti-

cothérapie prolongée) et/ou à un SAPL.

MANIFESTATIONS VASCULAIRES

– L’hypertension artérielle, dont la fréquence est diversement

appréciée (20 à 60 p. 100 selon les critères retenus), est sou-

vent présente en cas de glomérulopathie grave et/ou de corti-

cothérapie.

– Une vasculite est fréquemment retrouvée anatomique-

ment au niveau de la peau, des reins ou du système nerveux

central, allant de la classique angéite leucocytoclasique

à des lésions indiscernables de celles de la périartérite

noueuse.

– Quand le LES s’accompagne d’anticorps antiphospholi-

pides, les thromboses veineuses ou artérielles sont particu-

lièrement fréquentes. Elles surviennent sur un vaisseau

indemne d’inflammation pariétale. Les thromboses veineu-

ses touchent tous les territoires, dont la veine cave, les veines

rénales et les sinus cérébraux. Le risque embolique est élevé.

Les artères de petit, moyen et gros calibre peuvent être con-

cernées (AVC, nécroses cutanées).

MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES

– Les pleurésies lupiques (30 p. 100), uni- ou bilatérales, ex-

sudatives et lymphocytaires, parfois cliniquement latentes,

sont corticosensibles.

– Les atteintes pulmonaires (15 p. 100) sont diverses. Leur

traduction clinique est inconstante : toux, hémoptysie, dysp-

née, parfois anomalies auscultatoires.

– Radiologiquement, l’aspect le plus fréquent est celui d’in-

filtrats bilatéraux non systématisés migrateurs et récidivants

ou d’atélectasies en bandes. La survenue d’une pneumopa-

thie au cours d’un LES traité doit faire avant tout rechercher

une étiologie infectieuse, notamment tuberculeuse.

– L’hypertension artérielle pulmonaire est rare.

MANIFESTATIONS DIVERSES

– Les adénopathies, surtout périphériques, sont fréquentes,

la splénomégalie plus rare.

– Les douleurs abdominales sont souvent secondaires à la

toxicité gastro-duodénale des anti-inflammatoires. Les pan-

créatites et les perforations intestinales liées à une vasculari-

te mésentérique sont de pronostic sévère.

– Une hépatomégalie modérée est fréquemment consta-

tée. L’association avec une hépatite auto-immune de type I

est plus rare.

– Les atteintes oculaires correspondent à des entités

variées : rétinite dysorique fréquente mais aspécifique, névri-

te optique, thrombose des vaisseaux rétiniens.

– L’association à un syndrome de Gougerot-Sjögren est

souvent retrouvée si on la recherche systématiquement.

7S102

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Signes biologiques

ANOMALIES DES PROTÉINES DE L’INFLAMMATION

Les poussées lupiques sont généralement accompagnées

d’un syndrome inflammatoire net : élévation de la vitesse de

sédimentation (VS), hyperfibrinémie, hyperalpha2-globuliné-

mie. La protéine C réactive reste peu élevée, sauf en cas d’in-

fection concomitante.

MANIFESTATIONS HÉMATOLOGIQUES

Elles portent sur les trois lignées :

– une anémie, le plus souvent inflammatoire, est présente

lors des poussées. Une anémie hémolytique auto-immune à

test de Coombs IgG-complément, parfois révélatrice, est ren-

contrée dans 5 à 10 p. 100 des cas. Les autres causes d’anémie

(insuffisance rénale, érythro-blastopénie, microangiopathie

thrombotique…) sont plus rares ;

– la leucopénie modérée, habituelle lors des poussées,

résulte d’une lymphopénie (surtout T) et parfois d’une

neutropénie ;

– une thrombopénie périphérique est présente dans 10 à

20 p. 100 des cas. Elle est parfois responsable d’un syndrome

hémorragique cutanéo-muqueux, plus rarement viscéral. Elle

peut précéder de plusieurs années les autres manifestations

de la maladie ou s’inscrire dans le cadre d’un SAPL ;

– les troubles de l’hémostase sont dominés par la présence

d’un anticorps antiprothrombinase (15 à 35 p. 100 des cas),

aussi appelé anticoagulant circulant de type lupique. Il est dé-

pisté in vitro par un allongement du temps de céphaline acti-

vée non corrigé par l’adjonction de plasma témoin. In vivo,

l’antitprothrombinase n’est pas responsable d’hémorragies

mais au contraire s’associe à une incidence accrue de throm-

boses artérielles et/ou veineuses dans le cadre du SAPL.

ANOMALIES SÉROLOGIQUES

Les autoanticorps, de spécificité variée, sont dominés par les

facteurs antinucléaires (FAN).

L’immunofluorescence indirecte sur cellules Hep2 est une

méthode globale de dépistage des FAN très sensible

(95 p. 100 environ), mais peu spécifique : elle est souvent po-

sitive dans d’autres connectivites, dans certaines hépatopa-

thies et hémopathies lymphoïdes, et même, à un titre faible,

chez 2 à 4 p. 100 des sujets sains, surtout après 60 ans.

Au cours du LES, divers aspects de fluorescence, parfois

associés, peuvent être rencontrés :

– homogène : le plus fréquent, évocateur si le titre est supé-

rieur à 1/500 ;

– périphérique : plus rare, mais plus spécifique ;

– moucheté : lié à la présence d’anticorps dirigés contre un

ou plusieurs antigènes nucléaires solubles. Cet aspect s’ob-

serve aussi dans d’autres connectivités ;

– nucléolaire : rare dans le LES, plus fréquent dans la sclé-

rodermie.

La présence de FAN ne constitue qu’un test d’orientation,

et il est indispensable de préciser leur spécificité. La recher-

che d’anticorps anti-ADN natif par le test radioimmunologi-

que de Farr, immunofluorescence sur Crithidia luciliae ou

test ELISA, est un examen moins sensible (50 à 80 p. 100)

que l’étude des FAN, mais beaucoup plus spécifique du

LES. En outre, le taux d’anticorps anti-ADN natif est bien

corrélé à l’existence d’une atteinte rénale grave et à l’évolu-

tivité du LES. Les anticorps spécifiques d’antigènes nucléai-

res solubles (anticorps anti-ENA) sont détectés et identifiés

par une réaction différente méthodes (immunoprécipita-

tion, immunoblot, ELISA). On en distingue divers types, par-

fois associés :

– les anticorps anti-Sm sont peu fréquents (20 p. 100),

mais très spécifiques du LES ;

– les anticorps anti-SSA (ou Ro), dirigés contre des antigè-

nes à la fois nucléaires et cytoplasmiques, sont présents au

cours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif et du LES,

du lupus subaigu et du lupus néonatal. Les anticorps anti-SSB

(ou La) sont plus rares ;

– les anticorps anti-RNP sont constants dans les connectivi-

tes mixtes et dans 30 p. 100 des LES.

– à côté des FAN, divers types d’autoanticorps non spécifi-

ques d’organe sont présents : anticorps antiphospholipides,

facteur rhumatoïde, anticorps antihématies (test de Coombs)

et antiplaquettes.

L’hypocomplémentémie, fréquente au cours du LES, peut

relever de deux mécanismes :

– une consommation du complément (CH50 ; C3 ; C4) ;

cette hypocomplémentémie est souvent associée à l’existence

d’une atteinte rénale ;

– un déficit génétique de l’une des fractions du complé-

ment (C4, parfois C2), non réversible sous traitement.

Formes cliniques

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES (SAPL)

Le terme d’anticorps antiphospholipides désigne plusieurs ty-

pes principaux d’anticorps de spécificité voisine dirigés con-

tre des protéines associées aux phospholipides :

– antiprothrombinase (ou anticoagulant circulant de type

lupique), dépisté in vitro par des tests de coagulation (allonge-

ment du temps de céphaline activée) ;

– anticorps anticardiolipine recherché par un test immuno-

logique ELISA, également responsable de la positivité disso-

ciée de la sérologie syphilitique (VDRL positif, TPHA et

immunofluorescence négatifs). La b-2-glycoprotéine I est un

cofacteur associé à la cardiolipine contre lequel sont dirigés

des anticorps potentiellement thrombogènes.

Les anticorps antiphospholipides sont observés lors de cer-

taines infections (notamment infection par le VIH), de can-

cers ou au cours de l’insuffisance rénale, mais ils sont alors

rarement à l’origine de thromboses. Au cours du LES, la pré-

sence de ces anticorps, souvent associés, s’accompagne d’un

risque accru de complications thrombotiques veineuses et/ou

artérielles siégeant dans les territoires les plus divers. Il s’agit en

particulier d’accidents ischémiques cérébraux et d’avortements

spontanés précoces secondaires à des thromboses placentaires.

7S103

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

D’autres manifestations sont également classiques dans ce

contexte : valvulopathies (endocardite de Libman-Sacks), livé-

do, hémolyse et/ou thrombopénie périphérique auto-immu-

nes. Le mécanisme des complications thrombotiques, encore

mal compris, fait appel à l’interaction des anticorps antiphos-

pholipides avec l’endothélium vasculaire et les plaquettes. Au

cours du SAPL, les thromboses relèvent donc d’un mécanisme

différent de celui des vasculites lupiques au cours desquelles

l’inflammation pariétale est l’élément primordial.

Le SAPL est défini par l’association de manifestations clini-

ques (thromboses ou avortements répétés) et biologiques

(présence d’anticorps antiphospholipides à titre significatif

et confirmée par deux recherches espacées d’au moins

6 semaines). Il peut aussi s’observer au cours de connectivites

non lupiques et de néoplasies. Enfin, le SAPL survient parfois

en dehors de tout autre cadre pathologique : on parle alors de

syndrome primaire des antiphospholipides. Toutefois, avec le

temps, certains de ces patients évoluent vers un lupus.

FORMES INTRIQUÉES OU ASSOCIÉES

La coexistence d’un LES et d’un syndrome de Gougerot-

Sjögren est fréquente. L’association simultanée ou successive

d’un LES et d’une autre connectivite soulève parfois de diffi-

ciles problèmes nosologiques. Ainsi le syndrome de Sharp,

ou connectivite mixte, comprend un tableau initial associant

un syndrome de Raynaud, des doigts boudinés, une polyarth-

rite non destructrice, des myalgies et un titre élevé de facteurs

antinucléaires donnant une fluorescence de type moucheté,

dirigés contre l’U1 RNP. Avec le temps, cette symptomatolo-

gie bénigne demeure inchangée chez certains patients alors

que chez d’autres apparaissent les manifestations spécifiques

d’une connectivite définie : lupus, sclérodermie, polyarthrite

rhumatoïde ou dermatomyosite.

GROSSESSE

Le risque de poussée lupique grave chez la mère est impor-

tant si la maladie est évolutive au début de la grossesse, s’il

existe une néphropathie et/ou une HTA préalables, et si le

traitement corticoïde est interrompu par erreur. À l’inverse, la

grossesse n’est pas déconseillée si le lupus est en rémission

depuis plus de 6 mois, avec une fonction rénale normale.

Les risques pour le fœtus sont divers. La présence chez la

mère d’anticorps antiphospholipides expose au risque

d’avortements spontanés. Après un premier avortement, la

probabilité de mener spontanément une grossesse à terme

est très réduite, mais les traitements sont souvent efficaces.

Le lupus néonatal (bloc auriculoventriculaire complet, érup-

tion cutanée néonatale de type annulaire transitoire) est lié à

la présence chez la mère d’anticorps anti-SSA, mais ce type

de complications fœtales est rare. Enfin, les risques de pré-

maturité, de souffrance fœtale et de mortinatalité sont accrus

chez les enfants de mère lupique.

LUPUS INDUITS

Ils sont secondaires à l’administration prolongée de certains mé-

dicaments, essentiellement ionazide (INH), D-pénicillamine,

chloropromazine, certains anticonvulsivants, b-bloqueurs,

minocycline, interferon a et anti-TNF. Les œstroprogestatifs

constituent un cas particulier. En effet, s’ils sont souvent res-

ponsables de poussées lupiques, ils ne semblent pas suscep-

tibles de déclencher un authentique lupus.

Les lupus induits surviennent généralement à un âge plus

tardif que celui du lupus spontané et la prédominance fémi-

nine est beaucoup moins marquée. Le tableau clinique est

dominé par des signes généraux d’importance variable et des

manifestations rhumatologiques, pleuropulmonaires et/ou

péricardiques. Les atteintes cutanées, rénales et neurologi-

ques sont exceptionnelles. Leur profil biologique est parti-

culier : le taux très élevé des FAN, souvent supérieur à 1/2 000,

contraste avec l’absence habituelle d’anticorps anti-ADN na-

tif et d’hypocomplémentémie ; les anticorps antihistones

sont très fréquemment présents. L’arrêt du médicament in-

ducteur suffit généralement à faire régresser les manifesta-

tions cliniques en quelques semaines. Une courte cortico-

thérapie est cependant parfois utile. Les anomalies biologi-

ques sont nettement plus longues à disparaître.

DIAGNOSTIC POSITIF

Le diagnostic de LES repose sur un faisceau d’arguments cli-

niques et biologiques. L’American Rheumatism Association

a publié en 1982 une liste révisée en 1997 de 11 critères, un

nombre minimum de 4 étant exigé pour retenir le diagnostic

de LES avec une sensibilité et une spécificité de 96 p. 100

(tableau II). L’intérêt de ces critères est essentiellement d’or-

dre collectif, leur valeur diagnostique n’étant pas absolue à

l’échelon individuel.

Tableau II. – Critères de classification du LES de l’ARA.

1. Rash malaire2. Lupus discoïde3. Photosensibilité4. Ulcérations orales ou nasopharyngées5. Arthrite non érosive touchant au moins deux articulations périphériques6. Pleurésie ou péricardite7. Protéinurie > 0,5 g/j ou cylindrurie8. Convulsions ou psychose9. Anémie hémolytiqueouLeucopénie < 4 000/mL constatée à deux reprisesLymphopénie < 1 500/mL constatée à deux reprisesThrombopénie < 100 000/mL en l’absence de médicaments cytopéniants10. Anticorps anti-ADN natif ou Anticorps anti-Sm Sérologie syphilitique dissociée constatée à deux reprises en 6 mois, ouanticoagulant circulant de type lupique ou anticorps anticardiolipine(IgG ou IgM)11. Titre anormal de facteurs antinucléaires en l’absence de médicaments inducteurs.

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I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

ÉVOLUTION ET PRONOSTIC

La maladie lupique évolue par poussées successives entrecou-

pées de périodes de rémission de durée et de qualité très va-

riables. On oppose schématiquement des formes bénignes

principalement cutanéo-articulaires et des formes graves as-

sociant diverses atteintes viscérales.

La surveillance biologique du LES comporte les examens

biologiques usuels, la recherche régulière d’une protéinurie,

des dosages répétés des anticorps anti-ADN natif et du complé-

ment (CH 50, C3, C4) (en l’absence de déficit constitutionnel).

Le pronostic du LES s’est considérablement amélioré de-

puis 30 ans, notamment en raison du diagnostic des formes

frustes et des progrès thérapeutiques. Le taux de survie à

10 ans est d’environ 90 p. 100.

L’analyse des causes de mortalité montre, outre la respon-

sabilité propre de la maladie, la part croissante des infections

notamment opportunistes, de l’athérome accéléré et des néo-

plasies, soulignant les risques liés à l’utilisation prolongée

des corticoïdes et des immunosuppresseurs.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Règles générales

La prise en charge se fixe plusieurs objectifs.

À COURT TERME

Assurer le confort quotidien, préserver les fonctions vitales

dans les poussées graves.

À MOYEN TERME

S’opposer à l’évolution prévisible des atteintes viscérales, pré-

venir les poussées, empêcher les récidives thrombotiques,

préserver l’insertion socioprofessionnelle.

À LONG TERME

Guérir la maladie et limiter les effets délétères différés des

traitements. L’éducation souligne les risques de l’arrêt intem-

pestif du traitement et la nécessité d’éviter l’exposition solaire

(utilisation d’un écran d’indice de protection élevé). L’emploi

d’une méthode contraceptive autre que les œstroprogestatifs

doit être proposé.

Principales modalités thérapeutiques

L’intensité de la thérapeutique est adaptée à la gravité de la

maladie.

Les lupus quiescents ne justifient qu’une simple sur-

veillance.

Le traitement des formes mineures cutanéo-articulaires re-

pose sur l’aspirine (2 à 4 g/j), les anti-inflammatoires non

stéroïdiens (AINS) et les antimalariques de synthèse.

Le mode d’action des antimalariques de synthèse est mal

connu, mais leur efficacité est démontrée. L’hydroxychloro-

quine (Plaquenil) est généralement employée à la dose de

400 mg/j. L’efficacité est jugée après 3 mois. Une surveillance

ophtalmologique annuelle (vision des couleurs, échelle

d’Amsler) permet de rechercher d’éventuels signes de toxicité

rétinienne, qui imposent l’arrêt du traitement. Les autres ef-

fets secondaires sont plus rares (neuromyopathie, agranulocy-

tose, bloc auriculoventriculaire). La persistance de symptômes

articulaires peut légitimer une corticothérapie inférieure à

10 mg/j de prednisone. À l’inverse, une atteinte cutanée résis-

tante aux antimalariques ne constitue pas une indication à la

corticothérapie, mais justifie le recours à d’autres thérapeuti-

ques (thalidomide…).

Le traitement des formes viscérales repose sur la cortico-

thérapie.

La prednisone (Cortancyl) est le corticoïde de référence.

Schématiquement, la posologie employée est de 1 mg/kg/j

dans les formes graves (glomérulonéphrite proliférative dif-

fuse, anémie hémolytique) et de 0,5 mg/kg/j dans les sérites.

Certains effets secondaires de la corticothérapie doivent

être prévenus. En particulier, le rôle de la corticothérapie dans

l’accélération de l’athérogenèse impose de prendre en compte

ses diverses composantes (HTA, diabète, dyslipidémie, taba-

gisme…). Une diététique excluant le sodium et restreignant

les apports glucidiques est donc conseillée, généralement as-

sociée à une supplémentation potassique. L’utilisation des

anti-H2 et des inhibiteurs de la pompe à protons a réduit les

complications digestives, surtout présentes en cas d’associa-

tion aux AINS. Au plan osseux, l’ostéoporose est atténuée par

l’adjonction quotidienne de vitamine D et de calcium associés

éventuellement aux diphosphonates. Les risques infectieux

sont considérablement majorés par la corticothérapie à fortes

doses, ce qui justifie le dépistage et le traitement systématique

des foyers infectieux latents.

En pratique, la corticothérapie d’attaque est prescrite pour

une durée de 4 à 6 semaines. La dégression progressive se fait

par diminution de 10 p. 100 de la dose antérieure, tous les 10 à

15 jours. Le sevrage, lorsqu’il est décidé, doit être précédé de

l’exploration de l’axe hypothalamo-hypohyso-surrénalien.

L’administration de fortes doses de corticoïdes par voie vei-

neuse est employée dans le traitement des poussées graves,

notamment rénales et neurologiques. Cette technique dite

des « bolus » consiste en l’injection quotidienne de 1 g de

méthylprednisolone (Solumédrol IV) en 60 min pendant

3 jours consécutifs, relayée par une corticothérapie orale.

L’emploi des traitements immunosuppresseurs dans la

maladie lupique ne se conçoit qu’avec discernement. Leurs

risques (infections à court terme, stérilité, oncogenèse possi-

ble à long terme) en font limiter l’indication aux formes vis-

cérales graves ou corticodépendantes.

Divers agents sont utilisés dans les schémas traditionnels :

cyclosphosphamide (Endoxan) à la dose de 2 à 3 mg/kg/j,

azathioprine (Imurel) à la dose de 2 à 4 mg/ kg/j. Outre leurs

risques communs, le cyclophosphamide expose plus particu-

lièrement aux cystopathies et aux cancers vésicaux. Les indi-

7S105

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

cations de l’administration intraveineuse discontinue de

cyclophosphamide (initialement tous les mois pendant

6 mois puis tous les trimestres pendant 2 ans) diminuent au

profit du mycophénolate mofetil.

Cas particuliers

THROMBOPÉNIE PÉRIPHÉRIQUE

Les thrombopénies périphériques sévères résistant à la corti-

cothérapie peuvent conduire à la splénectomie précédée

d’une vaccination antipneumococcique. Les perfusions de

fortes doses d’immunoglobulines sont souvent efficaces à

court terme. Elles sont employées en cas de thrombopénie

grave, et dans la préparation d’une splénectomie.

SYNDROME DES ANTIPHOSPHOLIPIDES

Le traitement du SAPL vient compléter le traitement du LES

auquel il s’associe. Les thromboses récentes justifient une hé-

parinisation initiale suivie d’un relais par les antivitamine K.

La prévention des récidives repose sur une anticoagulation

par antivitamine K (international normalized ratio [INR] à 3 en

cas de thrombose artérielle).

La prévention des récidives de pertes fœtales fait appel à

l’héparine sous-cutanée associée à l’aspirine. En l’absence

d’antécédents thrombotiques, l’aspirine est généralement

proposée au titre de la prévention primaire.

GROSSESSE

Les risques de poussée lupique, particulièrement nets dans le

dernier trimestre de la grossesse et le post-partum, justifient

pour certains une majoration du traitement dont les modali-

tés sont discutées. Les antimalariques de synthèse peuvent

être poursuivis pendant la grossesse.

CONTRACEPTION

La grossesse n’étant acceptable que dans certaines conditions,

une contraception efficace est indispensable. Les œstropro-

gestatifs sont formellement contre-indiqués. Le stérilet est gé-

néralement récusé chez les patientes traitées par

corticothérapie en raison de ses risques infectieux et parce

que son efficacité est moindre. La contraception repose donc

essentiellement sur les norstéroïdes à faibles doses (ou micro-

pilules progestatives), l’acétate de chlormadinone (Luteran)ou l’acétate de cyprotérone (Androcur).

Points clés

1. Le LES est très hétérogène dans sa présentation clinique.

2 Les manifestations dermatologiques sont d’une grande aide diagnostique.

3. Les signes cutanés « spécifiques » sont presque toujours déclenchés ou aggravés par l’exposition solaire.

4 Les variantes de lupus discoïde (le plus souvent) et de lupus cutané subaigu (dans la moitié des cas) peuvent rester isolées oupaucisymptomatiques sans évoluer vers un LES.

5. Les signes cutanés « spécifiques » sont en régle très sensibles aux antipaludéens de synthèse et à la photoprotection.

6 Les signes cutanés vasculaires (en particulier livédo, purpura, ulcère) sont souvent associés à un syndrome des antiphospholipides.

7 Les atteintes rénales sévères et les manifestations neurologiques dominent le pronostic.

8. La présence d’anticorps anti-ADN natif est l’élément clé du diagnostic biologique.

9. Le traitement doit être adapté à la gravité de la maladie.

7S106

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Fig. 1. Lupus érythémateux systémique à début aigu : érythème en vespertilio duvisage.

Fig. 2. Lupus érythémateux systémique : érythème du dos des mains respectant les articulations.

Fig. 3. Lupus érythémateux systémique : érosions buccales.

Fig. 4. Lupus érythémateux subaigu : lésions annulaires.

7S107

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S98-7S107

Lupus érythémateux disséminé. Syndrome des antiphospholipides

Fig. 5. Lupus érythémateux discoïde : lésions érythémato-squameuses etatrophiques.

Fig. 6. Lupus érythémateux discoïde : localisations typiques (oreille, tempe,pommette).

7S108

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

L

Item no 123 : Psoriasis

e psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse

de cause inconnue, d’évolution chronique, qui atteint

environ 2 p. 100 de la population.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le psoriasis est caractérisé par un trouble de l’homéostasie

épidermique (hyperprolifération et troubles de la différencia-

tion kératinocytaire), ainsi que par des phénomènes inflam-

matoires dermoépidermiques complexes.

Mécanismes lésionnels

Le renouvellement accéléré de l’épiderme peut être induit par

des facteurs de prolifération extrakératinocytaires ou peut ré-

sulter d’anomalies intrinsèques du kératinocyte.

FACTEURS EXTRAKÉRATINOCYTAIRES

Ils pourraient être produits par les polynucléaires neutrophi-

les (qui migrent dans la couche cornée et participent aux si-

gnes histologiques du psoriasis et sécrètent des protéases), ou

par les lymphocytes CD4 qui, après activation par des antigè-

nes classiques ou des superantigènes activés, produiraient di-

verses cytokines stimulant le turn-over des kératinocytes.

L’hypothèse d’une activation des lymphocytes T ferait rappro-

cher le psoriasis des maladies auto-immunes et expliquerait

la grande efficacité thérapeutique de la ciclosporine dans le

psoriasis.

FACTEURS INTRAKÉRATINOCYTAIRES

Différentes anomalies de transduction de la membrane au

noyau ont été décrites dans le psoriasis (voie de la protéine

kinase A, C, des nucléotides cycliques…). On constate une aug-

mentation de l’expression de différents récepteurs à l’epidermalgrowth factor (EGF), diverses anomalies des molécules d’ad-

hésion, une perturbation de divers facteurs de croissance et

de différentiation des kératinocytes (transforming growthfactor [TGF]a, IL6…) et diverses anomalies des gènes impli-

qués dans la réponse à la vitamine D et à la vitamine A

qui participent à la prolifération et à la différentiation épi-

dermique.

Facteurs étiologiques

Des facteurs d’environnement (stress, climat, infection,

traumatisme…) permettraient l’expression du psoriasis

chez des sujets génétiquement prédisposés. L’alcool et le

tabac sont des facteurs de gravité et de résistance thérapeu-

tique.

PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE

La prédisposition génétique est attestée par des cas familiaux

(30 p. 100 des cas) et la survenue fréquente de la dermatose

chez les jumeaux monozygotes. Lorsque l’affection débute

dans l’enfance, elle est fréquemment liée aux antigènes d’his-

tocompatibilité, en particulier HLA Cw6 et DR7. Les gènes de

prédisposition sont multiples et localisés sur différents chro-

mosomes.

FACTEURS INFECTIEUX

Ils sont attestés par le début de certains psoriasis de l’enfant à

la suite d’épisodes infectieux rhinopharyngés, ces derniers

pouvant également aggraver des psoriasis déjà connus. Le

rôle d’antigènes bactériens ou des superantigènes dans la sti-

mulation des lymphocytes T est discuté. La survenue ou l’ag-

gravation d’un psoriasis au cours du SIDA fait aussi discuter

l’implication d’agents viraux dans la maladie.

MÉDICAMENTS

Certains peuvent induire ou aggraver le psoriasis, en particu-

lier les sels de lithium, les bêtabloqueurs, les inhibiteurs de

l’enzyme de conversion de l’angiotensine, l’interféron a, les

antipaludéens de synthèse.

Objectifs pédagogiques

– Diagnostiquer un psoriasis.

– Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

7S109

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114

Psoriasis

FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

Le rôle des chocs émotifs et des traumatismes affectifs dans

le déclenchement de la maladie ou la survenue des poussées

est classique. Les stress psychologiques agiraient par l’inter-

médiaire d’une sécrétion accrue de neuromédiateurs et d’hor-

mones surrénaliennes.

DIAGNOSTIC

Forme commune de psoriasis

LÉSION ÉLÉMENTAIRE

Il s’agit d’une tache érythémato-squameuse bien limitée, ar-

rondie, ovalaire ou polycyclique (fig. 1). La couche squameuse

superficielle blanchâtre peut être très épaisse ou au contraire

partiellement décapée par le traitement laissant apparaître

l’érythème sous-jacent. Le plus souvent, ces éléments sont

multiples et symétriques, parfois diffus.

La taille des lésions est variable : psoriasis en points, en

gouttes, nummulaires (éléments arrondis de 1 à plusieurs

centimètres de diamètre), ou en plaques.

Le diagnostic est avant tout clinique. L’examen anatomo-

pathologique est rarement utile. Lorsqu’il est réalisé, il mon-

tre une hyperkératose avec parakératose et une acanthose de

l’épiderme liée à une prolifération excessive des kératinocy-

tes. En outre, l’épiderme est le siège de microabcès à polynu-

cléaires (microabcès de Munro-Sabouraud). Dans le derme

existe un infiltrat à lymphocytes T-CD4 et un grand dévelop-

pement capillaire avec allongement des papilles dermiques.

LOCALISATIONS HABITUELLES

Les localisations habituelles, très caractéristiques de l’affec-

tion, sont surtout les zones exposées aux frottements : coudes

(et bord cubital de l’avant-bras), genoux, région lombo-sacrée

(fig. 2), cuir chevelu, ongles.

Formes cliniques

TOPOGRAPHIQUES

Psoriasis du cuir chevelu

Classiquement non alopéciant, il peut réaliser des plaques cir-

conscrites, de taille variable, arrondies, bien limitées, couvertes

de larges squames traversées par les cheveux ou bien former

une véritable carapace recouvrant la totalité du cuir chevelu

(fig. 3). La localisation occipitale est fréquente. Dans la région

antérieure, à la lisière du cuir chevelu, les lésions sont souvent

très inflammatoires et réalisent une couronne séborrhéique.

Psoriasis unguéal

Il peut prendre l’aspect de dépressions ponctuées cupulifor-

mes (ongles en « dé à coudre ») ou réaliser une onycholyse

avec décollement distal et zone proximale de couleur cuivrée

(fig. 4). On peut aussi avoir une hyperkératose sous-unguéale,

une paronychie, une perte de transparence de l’ongle et des

zones leuconychiques.

Autres localisations plus rares

• Psoriasis inversé

On le retrouve dans les plis, en particulier interfessier, axillai-

res, sous-mammaires et ombilical (fig. 5).

• Psoriasis palmoplantaire

Il peut réaliser une kératodermie en îlots ou diffuse (fig. 6).

• Psoriasis du gland

Le psoriasis respecte les muqueuses, à l’exception du gland

avec des taches érythémateuses non squameuses.

• Psoriasis du visage

Rare, il peut prendre l’aspect d’une dermatite séborrhéique

(sébopsoriasis). Les localisations à la conque et au conduit

auditif externe sont classiques.

Formes graves

PSORIASIS ÉRYTHRODERMIQUE (VOIR CHAPITRE : ÉRYTHRODERMIE)

Il s’agit d’un psoriasis généralisé à plus de 90 p. 100 des té-

guments, dont les lésions sont le siège d’une desquamation

abondante (fig. 7). L’érythrodermie peut être provoquée par

des traitements généraux (corticothérapie) ; elle peut se com-

pliquer de surinfections, de troubles de la thermorégulation

et d’anomalies hydroélectrolytiques et doit entraîner l’hospi-

talisation du malade.

PSORIASIS ARTHROPATHIQUE

Il se rencontre chez environ 20 p. 100 des malades psoriasi-

ques et peut réaliser divers tableaux cliniques :

– oligo- ou mono-arthrite ;

– polyarthrite psoriasique voisine de la polyarthrite rhuma-

toïde avec cependant atteinte des articulations interphalan-

giennes distales et réaction de Waaler-Rose négative ;

– rhumatisme psoriasique axial comportant une atteinte

vertébrale et sacroiliaque, voisine de la spondylarthrite anky-

losante, mais dont l’association avec l’antigène HL-AB27 est

moins forte (fig. 8).

PSORIASIS PUSTULEUX

Il peut apparaître d’emblée ou sur un psoriasis déjà connu et

peut être déclenché par divers médicaments. Il faut distinguer :

– le psoriasis pustuleux localisé palmoplantaire : se mani-

feste par des pustules jaunâtres évoluant par poussées (fig. 9).

Le handicap fonctionnel (difficultés du travail manuel et de la

marche) est souvent important ;

– le psoriasis pustuleux généralisé (dit de von Zumbusch) :

débute brutalement avec altération de l’état général, fièvre et

placards rouge vif qui se couvrent de pustules superficielles

7S110

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114

pouvant confluer en larges nappes essentiellement localisées

sur le tronc. L’évolution est parfois grave, pouvant mettre en

jeu le pronostic vital.

L’unicité des deux formes de psoriasis pustuleux est

histologique : présence d’une pustule spongiforme, multilo-

culaire et aseptique, ce qui la différencie des pustules d’origi-

ne infectieuse.

PSORIASIS DE L’ENFANT

Le psoriasis du nourrisson est souvent localisé à la zone des

langes (« napkin psoriasis ») (fig. 10). Le psoriasis de l’enfant

est souvent aigu, en gouttes, et peut succéder à une infection

rhinopharyngée streptococcique. Le visage est plus souvent

atteint que chez l’adulte.

PSORIASIS ET INFECTION PAR LE VIH

Au cours de l’infection par le VIH, le psoriasis est souvent

plus grave et réfractaire aux thérapeutiques conventionnelles.

Il peut prendre l’aspect d’un psoriasis classique, pustuleux ou

érythrodermique et peut être difficile à distinguer d’une der-

matite séborrhéique profuse.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Dans la forme classique

DIAGNOSTIC SE POSANT AVEC DE NOMBREUSES DERMATOSES

ÉRYTHÉMATO-SQUAMEUSES

Pityriasis rosé de Gibert

Il associe des taches rosées finement squameuses et des mé-

daillons de plus grande surface, arrondis ou ovalaires dont le

centre plus clair paraît en voie de guérison. L’éruption reste

presque toujours limitée au tronc et à la racine des membres.

L’évolution spontanée vers la guérison en 6 à 8 semaines per-

met de trancher les cas litigieux.

Dermatite séborrhéique

Habituellement localisée au visage (plis nasogéniens), au cuir

chevelu et à la région médiothoracique, elle est de diagnostic

plus délicat. La présence de lésions psoriasiques à distance

aide au diagnostic.

Dermatite atopique

Elle est bien différente dans sa topographie (visage et plis), ses

associations (rhinite allergique, asthme) et ses examens biolo-

giques (augmentation des IgE).

DANS LES FORMES PARTICULIÈRES

Psoriasis des plis

Il pose le problème des intertrigos d’origine bactérienne ou

mycosique.

Psoriasis palmoplantaire

Il fait partie des kératodermies palmoplantaires de causes di-

verses (génétiques, acquises).

Érythrodermie psoriasique

Elle doit être distinguée des autres érythrodermies (toxider-

mies, lymphomes, eczéma).

Psoriasis pustuleux généralisé

Il pose le problème de certaines toxidermies pustuleuses

(pustulose exanthématique aiguë généralisée).

Rhumatisme psoriasique

Il est difficile à différencier de la polyarthrite rhumatoïde et de

la spondylarthrite ankylosante s’il n’est pas associé à des lé-

sions cutanées clairement identifiées comme psoriasiques.

ÉVOLUTION. COMPLICATIONS

La maladie débute le plus souvent chez l’adolescent et l’adulte

jeune. Ces psoriasis de début précoce sont plus souvent fami-

liaux, associés aux antigènes d’histocompatibilité et graves

contrairement aux psoriasis qui débutent plus tardivement.

L’évolution est chronique et se fait par poussées entrecou-

pées de rémissions pendant lesquelles les lésions sont mini-

mes. Ces rémissions sont plus fréquentes en été en raison de

l’effet bénéfique des rayons ultraviolets. Les poussées, sou-

vent imprévisibles, sont parfois déclenchées par des facteurs

psychologiques, des médicaments ou/et des infections ORL.

Les traumatismes cutanés (griffures, vaccinations, chirur-

gie) peuvent être le siège d’une efflorescence de lésions psoria-

siques (phénomène de Koebner). La surinfection (bactérienne

rare, plus fréquente [plis] par Candida albicans) peut entretenir

ou aggraver les lésions.

L’eczématisation (survenue d’un suintement, d’un prurit

intense) peut être expliquée par une mauvaise tolérance à

certains traitements locaux (rechercher une sensibilisation à

un topique médicamenteux).

Même en dehors des formes graves (érythrodermies, rhu-

matisme et formes pustuleuses) le psoriasis est une maladie

qui peut altérer profondément la qualité de vie lorsque les lé-

sions sont affichantes ou gênantes pour un travail manuel.

La gravité de ce retentissement est souvent sous-estimée par

le médecin.

À noter enfin que :

– dans les psoriasis habituels, l’état général n’est pas altéré ;

– le psoriasis n’est pas contagieux ;

– le prurit est présent lors des poussées dans 30 à 60 p. 100

des cas.

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Règles générales

– Nécessité d’une bonne relation médecin-malade.

– Faire comprendre que les traitements actuels n’entraî-

nent pas la guérison définitive de l’affection, mais permet-

7S111

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114

Psoriasis

tent la disparition transitoire plus ou moins complète des

lésions.

– Prise en compte impérative, dans le choix thérapeutique,

non seulement de la gravité et de l’étendue des lésions mais

aussi du retentissement sur la qualité de vie, du préjudice

fonctionnel, esthétique, professionnel, relationnel, du reten-

tissement psychologique de la maladie et du désir de rémis-

sion du malade.

– Prise en compte des effets secondaires potentiels à court

et à long terme des traitements et introduction de la notion

d’un « capital thérapeutique » à gérer sur du long terme (in-

formation du patient).

– Nécessité d’un soutien (ou d’une prise en charge) psy-

chologique.

– Psoriasis très limités et/ou psychologiquement bien ac-

ceptés par les malades ne nécessitant pas un traitement.

– Ne pas oublier que les traitements majeurs ont des effets

secondaires importants et ne doivent être utilisés que dans

un faible pourcentage de cas graves.

Traitements locaux

Ils sont surtout représentés par les dermocorticoïdes et les

analogues de la vitamine D3.

DERMOCORTICOÏDES

Ils sont surtout utilisés en pommade (lésions sèches). Les crè-

mes sont réservées aux plis et les lotions au cuir chevelu.

Leurs effets secondaires sont nombreux et il est conseillé d’ef-

fectuer des traitements de durée limitée et de contrôler les

quantités utilisées (nombre de tubes).

Règles d’utilisation (voir module 11 : Prescription et sur-

veillance des anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéro-

ïdiens : traitement dermocorticoïde) :

– en dehors des lésions du visage, utiliser dans le psoriasis

au moins un dermocorticoïde de classe II ;

– une seule application par jour suffisante dans la plupart

des cas (effet « réservoir » de la couche cornée) ;

– optimisation de l’efficacité par l’occlusion (pénétration

accrue) ;

– association possible avec les autres traitements du

psoriasis.

ANALOGUES DE LA VITAMINE D3

Ils comprennent :

– le calcipotriol (Daivonex) ; (Silkis) ;

– le tacalcitol (Apsor).

Conduite du traitement :

– 2 applications par jour (calcipotriol), 1 application/j

(tacalcitol) ;

– association possible avec les dermocorticoïdes ;

– ne pas dépasser 100 g de topique par semaine.

Par rapport aux dermocorticoïdes :

– activité globalement comparable, mais plus lente ;

– pas d’effet secondaire atrophiant ;

– irritation cutanée surtout sur le visage et dans les plis.

AUTRES TRAITEMENTS TOPIQUES

Bains et émollients

Ils sont utiles pour décaper les lésions et soulager le prurit.

Acide salicylique

C’est une molécule dont l’effet kératolytique peut être utile,

utilisée dans un excipient gras (vaseline), pour décaper des lé-

sions très squameuses en préalable à tout autre traitement lo-

cal ou avant une PUVAthérapie :

– contre-indiquée chez l’enfant (risque d’intoxication

salicylée) ;

– ne pas dépasser la concentration de 10 p. 100 (20 p. 100

en cas d’utilisation très limitée [paumes, plantes]).

Tazarotène (Zorac)

Rétinoïde topique dont l’utilisation est réservée à des psoria-

sis très limités (< à 10 p. 100 de la surface corporelle) ;

– un effet irritant peut être observé ;

– contre-indiqué en cas de grossesse.

Photothérapie

Les différentes photothérapies sont :

– PUVA thérapie : association d’un psoralène photosensi-

bilisant (8-méthoxy-psoralène [Méladinine] ou 5-méthoxy-

psoralène [Psoraderm]) et d’une irradiation UVA. Vingt séan-

ces en moyenne à raison de 3 séances par semaine sont

nécessaires ;

– photothérapie UVB à spectre étroit (TL-01) ne nécessitant

pas la prise de psoralène préalable. Efficacité comparable à la

PUVAthérapie. Vingt séances en moyenne à raison de

3 séances par semaine sont nécessaires.

Précautions :

– contre-indication en cas d’antécédent de cancer cutané ;

– nécessite un compte minutieux de la dose cumulée

délivrée ;

– nécessite une surveillance prolongée du tégument des pa-

tients traités (carcinomes tardifs) ;

– est contre-indiquée chez la femme enceinte ;

– nécessite la protection des organes génitaux externes ;

– nécessite un examen ophtalmologique préalable (contre-

indication en cas de cataracte).

Effets secondaires :

– à court terme, les risques sont essentiellement un érythè-

me plus ou moins intense (surdosage, prise concomitante de

médicaments photosensibilisants (contre-indiqués) ;

– à long terme, les UV sont responsables d’un vieillisse-

ment prématuré du tégument et favorisent surtout la surve-

nue de cancers cutanés (carcinomes, mélanomes).

Résultats : rémission dans environ 80 p. 100 des cas après

20 à 30 séances, comparable pour les deux méthodes.

7S112

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114

Traitements généraux

RÉTINOÏDES PAR VOIE GÉNÉRALE (DÉRIVÉS DE SYNTHÈSE

DE LA VITAMINE A : ACITRÉTINE OU SORIATANE)

Modalités d’utilisation : administration par voie orale, en une

prise quotidienne.

Effets secondaires : habituellement bénins et dose-

dépendants :

– cliniques : chéilite, sécheresse cutanéo-muqueuse, des-

quamation, chute capillaire, prurit ;

– biologiques : hyperlipidémies, élévations des transamina-

ses, rendant nécessaire une surveillance régulière de ces pa-

ramètres sous traitement.

Contre-indications :

– grossesse, allaitement, femme en âge de procréer n’ayant

pas de moyen de contraception efficace, anomalies du bilan

hépatique, du bilan lipidique ;

– le risque tératogène implique, chez toute femme en pé-

riode d’activité génitale, la réalisation d’un test de grossesse

avant traitement, et l’utilisation d’une contraception fiable dé-

butée avant le traitement, poursuivie pendant toute la durée

du traitement et pendant 2 ans après son arrêt.

MÉTHOTREXATE (NOVATREX, MÉTHOTREXATE)

Posologie : doses faibles en administration hebdomadaire

soit en une injection IM unique, soit par voie orale.

Surveillance biologique mensuelle stricte :

– hématologique : NFS (risque de cytopénie, de macro-

cytose) ;

– hépatique : transaminases ;

– pulmonaire (risque de fibrose) ;

– dans le cadre de la surveillance d’un traitement au long

cours par méthotrexate, une ponction-biopsie hépatique sera

discutée au cas par cas et en fonction des doses cumulatives

reçues et des autres facteurs de risque (alcool, médicaments

associés), le traitement pouvant favoriser le développement

d’une fibrose hépatique.

Les nombreuses interactions médicamenteuses impli-

quent :

– compte tenu de ses nombreux effets secondaires poten-

tiels, ce traitement doit être considéré comme une thérapeuti-

que d’exception, réservée à l’adulte, pour des formes cutanées

et/ou articulaires sévères, évolutives et résistantes aux théra-

peutiques plus classiques ;

– contre-indications : anomalies de l’hémogramme, du bi-

lan hépatique, insuffisance rénale, existence d’une infection

évolutive, antécédents néoplasiques, éthylisme chronique.

CICLOSPORINE (NÉORAL)

Posologie : posologies faibles (au maximum : 5 mg/kg/j) ; ad-

ministration par voie orale.

Effets secondaires :

– néphrotoxicité d’autant plus fréquente que le traitement

est prolongé ;

–HTA ;

– à plus long terme : rôle favorisant dans la survenue de

lymphomes ou de carcinomes.

Surveillance mensuelle impérative :

– pression artérielle (PA) ;

– créatininémie.

La ciclosporine est contre-indiquée en cas d’hypertension

artérielle (HTA) incontrôlée, d’insuffisance rénale, d’antécé-

dent de néoplasie, d’infection chronique. Comme le métho-

trexate, la ciclosporine est un traitement d’exception, destiné

à « passer un cap difficile » pendant une durée limitée (mois),

et ne peut constituer un traitement de fond de durée indéfinie

compte tenu de ses effets secondaires.

Indications

Elles dépendent :

– de la gravité du psoriasis ;

– du retentissement sur la qualité de vie du patient ;

– des contre-indications éventuelles ;

– des antécédents du patient.

FORMES HABITUELLES : TRAITEMENT LOCAL SUFFISANT

Cela concerne les formes en plaques (même à sites multi-

ples), peu étendues.

FORMES GRAVES : TRAITEMENT PLUS AGRESSIF

Pour les formes très étendues : photothérapie et/ou rétinoï-

des ou méthotrexate ou ciclosporine.

Pour les formes cliniques particulières :

– psoriasis pustuleux : acitrétine ;

– kératodermie palmo-plantaire invalidante : acitrétine ;

– rhumatisme psoriasique invalidant : méthotrexate ou ci-

closporine.

Le traitement sera prescrit en milieu spécialisé et veillant

au respect des contreindications, des règles d’utilisation et

des modalités de surveillance.

Quelle que soit l’option thérapeutique choisie, la prise en

compte du retentissement psychologique doit être mise en

œuvre tout au long du suivi.

7S113

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S108-7S114

Psoriasis

Points clés

1. Le psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse chronique fréquente.

2. Les localisations sont le plus souvent très caractéristiques : coudes, genoux, région lombo-sacrée, cuir chevelu, ongles.

3. Il existe des formes graves : érythrodermie, rhumatisme psoriasique, psoriasis pustuleux.

4. Le but du traitement est symptomatique : soulager le patient et ramener la dermatose à un niveau lésionnel acceptable au long cours.

5. Le traitement est le plus souvent uniquement local.

6. La photothérapie est très efficace dans les formes étendues de psoriasis.

7. Les traitements généraux, utilisés exceptionnellement, doivent faire l’objet d’une surveillance précise et rigoureuse.

8. La prescription d’acitrétine chez la femme nécessite l’adhésion à des règles strictes de contraception.

Fig. 1. Psoriasis : lésions érythémato-squameuses caractéristiques.

Fig. 2. Psoriasis : localisation caractéristique au niveau des coudes et de la région lombaire.

Fig. 3. Psoriasis du cuir chevelu.

Fig. 4. Psoriasis unguéal avec dépressions cupuliformes et discrète onycholyse.

7S114

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S71-7S78

Fig. 5. Psoriasis inversé.

Fig. 6. Kératodermie palmaire diffuse psoriasique.

Fig. 7. Érythrodermie psoriasique.

Fig. 8. Rhumatisme psoriasique périphérique.

Fig. 9. Psoriasis pustuleux palmaire.

Fig. 10. Psoriasis du nourrisson.

7S115

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S115-7S117I. Modules transdisciplinaires

Module 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

L

Item no 124 : Sarcoïdose

a sarcoïdose, ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann,

est une affection systémique granulomateuse d’étiolo-

gie inconnue caractérisée par la formation de granulo-

mes épithélioïdes. Les principales localisations sont pulmo-

naires médiastinales, cutanées, oculaires, ganglionnaires et

hépato-spléniques. Les manifestations cutanées sont présen-

tes dans 25 p. 100 des cas. Elles sont fréquemment observées

au début de la maladie. Elles peuvent résumer le tableau.

Outre leur intérêt clinique, elles représentent un site de biop-

sie aisément accessible. On distingue les manifestations cuta-

nées non spécifiques – absence d’infiltrat granulomateux – et

les atteintes cutanées spécifiques ou sarcoïdes cutanées.

SIGNES CUTANÉS NON SPÉCIFIQUES

Érythème noueux

Principale manifestation cutanée non spécifique, l’érythème

noueux est inaugural dans 10 p. 100 des cas. La sarcoïdose

constitue la première cause d’érythème noueux chez l’adulte

en France.

CLINIQUE

L’érythème noueux n’a pas de particularité permettant de le

distinguer d’un érythème noueux d’autre cause. Il s’agit de

nouures fermes, douloureuses, d’apparition aiguë, siégeant le

plus souvent dans les régions prétibiales et aux genoux, par-

fois aux mollets, aux cuisses, aux fesses et plus rarement aux

membres supérieurs. Leur nombre varie de 4 à 12 et leur

taille de 1 à 3 cm.

Chaque nouure régresse spontanément en 2 à 3 semaines

en passant par les stades de biligénie. L’atteinte inflammatoi-

re périarticulaire des deux chevilles est très évocatrice. Les

poussées peuvent se succéder pendant 2 à 3 mois. Chez une

femme jeune, il conduit à rechercher les signes du syndrome

de Löfgren :

– fièvre, quelquefois associée à une pharyngite ;

– polyarthralgies migratrices (pouvant précéder l’éruption) ;

– de façon plus inconstante, uvéite aiguë ;

– adénopathies intrathoraciques. La radiographie thoraci-

que permet de visualiser des adénopathies hilaires et mé-

diastinales, bilatérales et symétriques, non compressives,

distribuées le long de l’arbre trachéo-bronchique. L’examen to-

modensitométrique, plus sensible, est indiqué dans certaines

formes atypiques ;

– négativité de l’intradermoréaction à la tuberculine.

ÉVOLUTION

Elle est spontanément favorable. Le traitement symptomati-

que associe des antalgiques ou des anti-inflammatoires non

stéroïdiens et le repos.

SIGNES CUTANÉS SPÉCIFIQUES DE LA SARCOÏDOSE

Clinique

Les sarcoïdes cutanées ont des caractères communs :

– consistance ferme, non œdémateuse, non inflammatoire

des lésions ;

– couleur variant du jaune au violet ;

– absence de signes fonctionnels, tels que douleurs ou prurit ;

– absence de topographie élective, même si l’atteinte faciale

est prédominante (50 p. 100 des cas) ;

– évolution chronique sur des mois ou des années ;

– aspect « lupoïde » à la vitropression, qui fait disparaître

l’érythème et fait apparaître des grains jaunâtres, couleur ge-

lée de coings qui correspondent aux infiltrats granulomateux ;

– histologie granulomateuse épithélioïde : nodules de cel-

lules épithélioïdes, arrondis, bien circonscrits, entourés d’une

étroite couronne lymphocytaire, sans nécrose. La mise en cul-

ture à la recherche de divers agents microbiologiques est

constamment négative.

Mais elles présentent un grand polymorphisme dont les

aspects les plus représentatifs sont :

– les lésions maculo-papuleuses, discrètement infiltrées,

dont la teinte varie du rouge brun au pourpre, de taille infé-

rieure au centimètre. Les localisations cervico-faciales sont les

plus fréquentes (palpébrales et/ou périorbitaires, sillons na-

Objectif pédagogique

– Diagnostiquer une sarcoïdose.

7S116

I. Modules transdisciplinaires Ann Dermatol Venereol2005;132:7S115-7S117

sogéniens). Une disposition annulaire est parfois observée

(fig. 1). Elles sont plutôt l’apanage des formes aiguës ;

– les plaques arrondies ou ovalaires, de teinte brun-rouge,

indurées, siégeant au niveau du visage, du cuir chevelu (alo-

pécie cicatricielle), des épaules, des fesses et du dos ;

– le lupus pernio, très évocateur de la sarcoïdose. Il réalise

des placards indurés, luisants, de couleur bleu-violacé, indolo-

res, au niveau du nez, des joues, des lèvres et des oreilles. Il si-

gne une forme chronique et fibrosante de la maladie,

comportant en particulier une atteinte nasopharyngée (parfois

destructrice), laryngée, respiratoire oculaire (uvéite) et osseuse ;

– les nodules : sarcoïdes à petits nodules de 1 à 3 mm

(visage ; faces d’extension des membres) ou à gros nodules de

5 à 10 mm (visage préférentiellement) (fig. 1 et 2). Au niveau

de l’angle interne de l’œil ou de la face latérale du nez, l’an-

giolupoïde est constitué d’un ou deux nodules pouvant attein-

dre une taille de 1 à 2 cm, de teinte érythémato-violine et

télangiectasique ;

– l’infiltration érythémateuse des anciennes cicatrices ou

des tatouages (« sarcoïdose sur cicatrice ») constitue un mode

de découverte très original d’une sarcoïdose souvent évolutive

sur le plan viscéral.

Diagnostic

En présence d’une granulomatose cutanée sarcoïdosique, le

diagnostic de sarcoïdose repose sur deux types d’arguments :

– un tableau clinique évocateur ou très évocateur : le syn-

drome de Löfgren, l’angiolupoïde, le lupus pernio, les sarcoï-

des sur cicatrices, les lésions annulaires faciales s’inscrivent

dans ce contexte, de même que l’association ou la succession

de diverses formes symptomatiques. La recherche d’une lo-

calisation viscérale est la règle : médiastino-pulmonaire

(imagerie TDM, profil cytologique du liquide broncho-alvéo-

laire [LBA]), ophtalmologi que (uvéite), cardi a q ue , neurol

ogique, gangli onnaire périphérique, hépatique. L’élévation

nette du taux de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et

les anomalies du métabolisme calcique sont également

recherchées ;

– l’exclusion d’une autre pathologie granulomateuse qu’el-

le soit infectieuse (tuberculose, lèpre, leshmaniose, infections

fongiques), liée à des corps étrangers, inflammatoire (rosa-

cée, granulome annulaire), systémique (maladies de Crohn et

de Wegener), maligne (lymphomes), immunitaire (déficit

commun variable), iatrogène (interféron + ribavirine…).

Pronostic

L’angiolupoïde, les gros nodules et le lupus pernio sont des

marqueurs péjoratifs (extension et/ou évolutivité). Le pronos-

tic global est lié aux localisations viscérales.

Évolution et traitement

ÉVOLUTION

L’évolution des sarcoïdes cutanées est extrêmement lente et

peut durer plusieurs années. Elles peuvent disparaître spon-

tanément, mais sont en règle peu sensibles au traitement. Le

plus souvent, elles ne constituent qu’une gêne esthétique,

particulièrement les formes à gros nodules et infiltrantes.

TRAITEMENT

Le traitement de référence des formes cutanées graves ou

étendues est la corticothérapie générale.

Si la corticothérapie générale n’est pas indiquée, de nom-

breux autres traitements sont proposés avec des résultats

variables : les antipaludéens de synthèse, le méthotrexate, la

minocycline, l’allopurinol, le thalidomide. L’ère des anti-

TNF-a est ouverte.

Un traitement local peut être envisagé pour certaines for-

mes infiltrantes : corticoïdes sous occlusion ou intralésion-

nels, laser (lupus pernio).

En pratique

Trois circonstances bien distinctes peuvent amener à discuter

le diagnostic de sarcoïdose cutanée :

– érythème noueux chez une femme jeune ou lésions ma-

culo-papuleuses et nodulaires fixes, violacées, jaunâtres à la

vitropression ;

– examen anatomoclinique de lésions cutanées lors de

l’évaluation d’une sarcoïdose connue ;

– examen histopathologique d’une lésion cutanée clinique-

ment non identifiée.

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Ann Dermatol Venereol2005;132:7S115-7S117

Sarcoïdose

Points clés

1. Les signes cutanés sont présents dans un quart des cas de sarcoïdose.

2. L’erythème noueux est un syndrome inaugural fréquent histologiquement non spécifique.

3. La sarcoïdose est la principale cause d’érythème noueux en France.

4. Les sarcoïdes cutanées spécifiques peuvent être la seule manifestation de la maladie.

5. Les sarcoïdes cutanées ont comme point commun l’aspect jaunâtre « lupoïde » à la vitropression.

6. Les lésions cutanées constituent un site privilégié de biopsie.

7. L’aspect histologique du granulome sarcoïdosique n’est pas spécifique.

8. Le pronostic de la sarcoïdose n’est pas lié aux signes cutanés.

9. Il n’y a pas de traitement spécifique du syndrome cutané.

Fig. 1. Sarcoïdose cutanée : petits nodules sur plaque érythémateuse.

Fig. 2. Sarcoïdose cutanée à gros nodules.

Fig. 3. Sarcoïdose cutanée à type de nodule hypodermique (avec atteinte osseuse associée).

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Ann Dermatol Venereol2005;132:7S118-7S119

Item no 127 : Transplantation d’organes : complications cutanées

a pratique de greffes d’organes de plus en plus divers,

ainsi que la survie de ces malades se sont largement ac-

crues au cours des 25 dernières années, notamment

grâce à la mise sur le marché de multiples immunosuppres-

seurs. Il en résulte que de nombreux médecins, tant spécialis-

tes que généralistes, peuvent être amenés à prendre en charge

transitoirement ou au long cours des individus greffés. Au fur

et à mesure que l’expérience de la greffe s’est poursuivie, la

reconnaissance des complications cutanées pouvant se déve-

lopper après greffe s’est développée. Il s’agit essentiellement

de tumeurs malignes cutanées et d’infections. La connaissan-

ce et la prévention de ces complications sont essentielles pour

réduire la morbi-mortalité chez les personnes transplantées.

La surveillance cutanée régulière systématique de ces mala-

des est donc maintenant une pratique recommandée.

TUMEURS CUTANÉES

En raison de l’immunosuppression prolongée, les populations

greffées présentent un surrisque de développer des tumeurs

malignes de la peau. Ces tumeurs peuvent être de divers

types : il s’agit essentiellement de carcinomes épidermoïdes,

de carcinomes basocellulaires ou de maladie de Kaposi. Les

autres tumeurs cutanées (mélanome, etc.) sont plus rares.

Carcinomes cutanés

Ce problème concerne l’ensemble des greffés. Le degré de ris-

que de voir se développer un carcinome dépend de plusieurs

facteurs ; âge au moment de la greffe, type de peau (phototype),

exposition au soleil, degré d’immunosuppression. Il est en

moyenne de 65 à 250 fois plus élevé chez des transplantés que

dans la population contrôle. Le délai moyen de survenue de ces

carcinomes est de 7 ans et, en outre, 50 à 70 p. 100 des sujets

auront un cancer après 20 ans de transplantation, ce qui illustre

l’importance de ce problème. Il s’agit de carcinomes épidermoï-

des (dits spinocellulaires [CSC]) et basocellulaires (CBC). Néan-

moins, chez les greffés, et à la différence des populations non

immunodéprimées, ce sont les CSC qui dominent largement.

Il faut insister sur plusieurs points :

– les lésions de carcinome siègent essentiellement sur les

parties découvertes exposées au soleil (mains, avant-bras, dé-

colleté, visage) ;

– les lésions de carcinome, si elles peuvent être tout à fait

typiques cliniquement, sont malheureusement sur ce terrain

fréquemment trompeuses, prenant parfois des aspects de lé-

sions lisses ou régulières. Il faut donc, au moindre doute, ef-

fectuer des biopsies, notamment en cas de lésions résistant

aux traitements destructeurs simples ;

– les lésions sont souvent multiples et, en outre, sont très

fréquemment associées à des lésions prénéoplasiques telles

que des kératoses actiniques, ainsi qu’à des verrues (vulgaires

ou planes).

Ces carcinomes sont classiquement plus agressifs que

chez les sujets immunocompétents avec un taux de métasta-

ses et de récidives non négligeable (de l’ordre de 8 et

12 p. 100 respectivement). Cela souligne l’importance de la

prévention et de la prise en charge précoce (cf. infra). Les mé-

canismes qui sont à l’origine de cette fréquence élevée de car-

cinome sont multiples et sont dus à l’immunosuppression

thérapeutique. Il s’agit en particulier de mutations induites

par les ultraviolets (mal réparées sous immunosuppresseurs

et concernant par exemple la protéine p53) et d’infections par

des virus du papillome (PVH), notamment de type oncogène

(mais pas exclusivement).

Maladie de Kaposi (MK)

Anciennement appelée « sarcome » de Kaposi, elle est carac-

térisée par des lésions cutanées ou viscérales comportant une

prolifération de cellules fusiformes et de vaisseaux dermiques

ayant tendance à la croissance et à l’envahissement. La MK est

probablement de nature plus hyperplasique que néoplasique.

Depuis, quelques années, il a été montré que cette proliféra-

tion tumorale était induite par le virus herpes virus 8

(HHV8), virus qui peut être soit latent, soit réactivé par l’im-

muno-suppression. L’épidémiologie de ce virus n’est pas ubi-

Objectif pédagogique

– Dépister et prévenir les complications cutanées des transplantations.

I. Modules transdisciplinairesModule 8 : Immunopathologie, réaction inflammatoire

L

7S119

Ann Dermatol Venereol2005;132:7S118-7S119

Transplantation d’organes : complications cutanées

quitaire et il est retrouvé à des prévalences plus élevées dans

le bassin méditerranéen, l’Afrique, l’Italie du Sud. C’est donc

dans ces populations que le risque de développer une MK est

le plus élevée. À titre d’exemple, la fréquence de MK après

greffe rénale est de 0,45 p. 100 en Île-de-France, de 2,4 p. 100

en Israël et de 4 p. 100 en Arabie Saoudite. Les lésions appa-

raissent plus rapidement que pour les carcinomes, de l’ordre

de 1 à 2 ans après greffe. Elles se caractérisent par des nodules

ou des plaques infiltrées, bleutées, parfois angiokératosiques.

La maladie peut concerner, outre la peau, de nombreux tis-

sus, notamment respiratoire et digestif.

Autres tumeurs

Le surrisque de mélanome (MM) après transplantation varie

de 1,3 à 4,5 en fonction des pays et du phototype des individus.

Le délai moyen de survenue de MM est de 5 ans post-trans-

plantation. Au vu de la gravité de cette tumeur, il est fonda-

mental que les malades soient examinés avant (afin de

rechercher toute lésion débutante ou nævus atypique à ris-

que) et régulièrement après greffe.

Les autres tumeurs observées sont le kératoacanthome,

proche du CSC, le carcinome neuroendocrine, tumeur mali-

gne grave développée aux dépens des cellules de Merkel cu-

tanées, et les lymphomes cutanés qui sont plus rares.

COMPLICATIONS CUTANÉES INFECTIEUSES

Il peut s’agir d’infections banales ou liées à des germes oppor-

tunistes.

Verrues

Les verrues sont induites par les virus du papillome (PVH).

Les PVH sont des virus à ADN, très répandus, pouvant être

oncogènes, capables d’infecter la peau et les muqueuses. Les

verrues peuvent avoir plusieurs aspects, notamment les ver-

rues vulgaires, les verrues en mosaïque des plantes des pieds,

ou les verrues planes, notamment aux membres. Néanmoins,

les verrues peuvent, chez les sujets greffés, ressembler à des

lésions précancéreuses (kératoses actiniques), avec lesquelles

elles peuvent d’ailleurs s’intriquer en raison de la transforma-

tion possible de certaines lésions dues au PVH.

Les verrues des greffés sont extrêmement fréquentes : le

nombre moyen de lésions kératosiques (verrues et kératoses)

est de l’ordre d’une quarantaine 5 ans après la greffe. Leur

prise en charge est difficile, les lésions étant rebelles aux mo-

dalités habituelles.

Infections à virus herpès

Cinquante pour cent des greffés d’organe séropositifs d’orga-

ne développent dans les mois qui suivent la greffe des infec-

tions à HSV. Ces lésions sont sur ce terrain plus souvent

sévères et étendues. Une prophylaxie initiale est donc propo-

sée par certains, sauf en greffe hépatique où le risque est

moindre.

Dix à 15 p. 100 des greffés d’organe développent dans les

années qui suivent une varicelle ou un zona. Le traitement

est indispensable, avec de l’aciclovir, par voie veineuse, adap-

tée à la fonction rénale.

Infections opportunistes

En raison de l’immunosuppression, une très grande diversi-

té de micro-organismes, notamment des organismes oppor-

tunistes, peut être responsable d’infections cutanées. Il peut

s’agir de bactéries (Nocardia…), de levures (Cryptococcus…)

ou de champignons filamenteux (Aspergillus…). Les lésions

cutanées résultantes sont d’allure peu spécifique avec des lé-

sions collectées (abcès, pustules), des nodules superficiels

ou profonds, voire des tableaux d’érysipèle, d’ulcérations

chroniques. La règle est donc la biopsie avec prélèvements

multiples pour examen histologique avec colorations spécia-

les, examens directs et culture tant en bactériologie qu’en pa-

rasitologie.

Points clés

1. La principale préoccupation est la prévention et repose sur :

– l’examen cutané systématique des greffés avant et régulièrement après transplantation : une fois par an en l’absence de compli-cations, plus souvent par ailleurs, notamment en cas de lésions cancéreuses ;

– la photoprotection qui doit être décrite, explicitée largement et surveillée en raison des risques de carcinome induits par les UV ;

– la prise en charge précoce des lésions précancéreuses et tumorales.

2. Par ailleurs, les carcinomes et les lésions infectieuses étant de sémiologie souvent trompeuse, des biopsies doivent être effec-tuées au moindre doute.