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Notes de lecture 645 Bien que la graphologie jette ses plus beaux feux avec particle fameux de Gabriel de Tarde, rendant compte dans la Revue philosophique d’octobre 1897 de la quatrieme reedition du livre de Crepieux-Janin, L’kcriture et le Caractbe, les d&illusions ne vont pas tarder. Les lois Ferry sur l’education et la redefinition des pedagogies d’apprentissage qu’elle suscite n’apportent qu’un court repit au declin de l’hegemonie graphique. Le deve- loppement de la stenographic et de la machine a Ccrire confere a l’ecriture manuscrite une nouvelle valeur et la lib&e du voyeurisme. u Fin d’un regard >j, conclut Philippe Art&es dans son dernier chapitre, voulant comprendre les travaux de la revue L’Endphale (Regis, le futur initiateur de la psy- chanalyse en France mais aussi d’autres psychiatres, 1906-1913) comme une entreprise participant SC a la reconciliation de l’ceuvre des malades mentaux avec l’ceuvre de la culture >>. Apres s’etre saisi de l’ecriture pour operer un partage entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le normal et le pathologique, la medecine se serait enfin interrogee sur <( la dimen- sion creatrice >>. M. Mathieu Le Sexe m&e le monde. Paris : Calmann-Levy ; 1999.208 p. Colette Chiland s’attaque ici a un fondement du conflit humain : le sexe. Reconnaitre qu’il mbne le monde ne doit pas faire oublier les paroles de nos patients en therapie : c’est l’amour qui est la grande affaire de la vie. Ou plutot la difficile concordance des deux. Comme elle sait le faire, l’auteur presente ici un ouvrage de vulgarisation dans le meilleur sens du terme : elle met a portee de l’homme cultive un savoir difficile, car contradictoire, acquis dans ses longues an&es de pratique psychanalytique mais toujours argument6 par une importante bibliographie. Dans ce travail, le q( sexe x designe a la fois la sexualite, les relations sexuelles et l’iden- tit6 sexuee. Les etres humains lib&es de l’cestrus ne sont plus entibrement soumis au rythme animal de la fecondite. Mais cette relative independance face a la biologie se paye dune prison de la representation (individuelle et collective). << La sexualite humaine est toujours une psychosexualite >>, rappelle l’auteur, de la sa grandeur et ses vicissitudes, de la son lien fondamental a la difference sexuelle. Decouverte fondatrice pour l’enfant, mais Cgalement traumatique. Cette difference a pour constante d’etre consideree comme inega- lite et inferiorite aux depens du feminin et interiorisee par celle-ci. Colette Chiland montre comment le choix sexuel et le choix amoureux ne vont pas de soi ; comment le denigre- ment de l’autre sexe conduit a la perversion. Car la quete Crotique ne va pas saris ambi- valence et saris haine. Dans un langage toujours accessible, mais jamais simpliste, l’auteur expose comment l’amour est a la fois l?ros, Philia et Agape, et comment la deliaison des trois ne peut ouvrir que sur le sexe et jamais sur l’amour. M. SantiagoDelefosse

Chiland C, ,Le Sexe mène le monde (1999) Calmann-Lévy,Paris 208

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Page 1: Chiland C, ,Le Sexe mène le monde (1999) Calmann-Lévy,Paris 208

Notes de lecture 645

Bien que la graphologie jette ses plus beaux feux avec particle fameux de Gabriel de Tarde, rendant compte dans la Revue philosophique d’octobre 1897 de la quatrieme reedition du livre de Crepieux-Janin, L’kcriture et le Caractbe, les d&illusions ne vont pas tarder. Les lois Ferry sur l’education et la redefinition des pedagogies d’apprentissage qu’elle suscite n’apportent qu’un court repit au declin de l’hegemonie graphique. Le deve- loppement de la stenographic et de la machine a Ccrire confere a l’ecriture manuscrite une nouvelle valeur et la lib&e du voyeurisme.

u Fin d’un regard >j, conclut Philippe Art&es dans son dernier chapitre, voulant comprendre les travaux de la revue L’Endphale (Regis, le futur initiateur de la psy- chanalyse en France mais aussi d’autres psychiatres, 1906-1913) comme une entreprise participant SC a la reconciliation de l’ceuvre des malades mentaux avec l’ceuvre de la culture >>.

Apres s’etre saisi de l’ecriture pour operer un partage entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le normal et le pathologique, la medecine se serait enfin interrogee sur <( la dimen- sion creatrice >>.

M. Mathieu

Le Sexe m&e le monde. Paris : Calmann-Levy ; 1999.208 p.

Colette Chiland s’attaque ici a un fondement du conflit humain : le sexe. Reconnaitre qu’il mbne le monde ne doit pas faire oublier les paroles de nos patients en therapie : c’est l’amour qui est la grande affaire de la vie. Ou plutot la difficile concordance des deux. Comme elle sait le faire, l’auteur presente ici un ouvrage de vulgarisation dans le meilleur sens du terme : elle met a portee de l’homme cultive un savoir difficile, car contradictoire, acquis dans ses longues an&es de pratique psychanalytique mais toujours argument6 par une importante bibliographie.

Dans ce travail, le q( sexe x designe a la fois la sexualite, les relations sexuelles et l’iden- tit6 sexuee. Les etres humains lib&es de l’cestrus ne sont plus entibrement soumis au rythme animal de la fecondite. Mais cette relative independance face a la biologie se paye dune prison de la representation (individuelle et collective). << La sexualite humaine est toujours une psychosexualite >>, rappelle l’auteur, de la sa grandeur et ses vicissitudes, de la son lien fondamental a la difference sexuelle. Decouverte fondatrice pour l’enfant, mais Cgalement traumatique. Cette difference a pour constante d’etre consideree comme inega- lite et inferiorite aux depens du feminin et interiorisee par celle-ci. Colette Chiland montre comment le choix sexuel et le choix amoureux ne vont pas de soi ; comment le denigre- ment de l’autre sexe conduit a la perversion. Car la quete Crotique ne va pas saris ambi- valence et saris haine. Dans un langage toujours accessible, mais jamais simpliste, l’auteur expose comment l’amour est a la fois l?ros, Philia et Agape, et comment la deliaison des trois ne peut ouvrir que sur le sexe et jamais sur l’amour.

M. Santiago Delefosse