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L E S A R P E N T E U R S D E R Ê V E S 1 E X T R A I T

Chimère captive - Les Arpenteurs de rêves 1, par Mathieu Rivero

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http://www.moutons-electriques.fr/livre-263 Étudiante fraîchement débarquée à Lyon, Céleste regrette le climat d’outre-mer et la vie avec son père. Les choses commencent à changer quand elle découvre qu’elle peut naviguer dans les rêves des autres et les modifier, comme ses colocataires Mano et Val. Mano a posté des petites annonces dans l’espoir d’arrondir ses fins de mois, et modifie les songes sur commande. Céleste fait la rencontre d’un scientifique qui aimerait étudier les arpenteurs de rêves. Ne lui faisant pas confiance, elle continue d’explorer ses pouvoirs jusqu’au jour où elle rencontre un rêveur pas comme les autres, qui lui apprend à travailler la matière des songes. Mais dans la vraie vie, Céleste n’est plus qu’une belle au bois dormant. Mano et Val parviendront-ils à la réveiller ? http://www.moutons-electriques.fr/livre-263

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L E S A R P E N T E U R S D E R Ê V E S • 1

E X T R A I T

Trois éditeurs, ActuSF, Mnémos et Les Moutons électriques,

réunis dans le collectif “Les Indés de l’imaginaire”, lancent NAOS,

le label dédié aux littératures de l’imaginaire.

Parce que l’imaginaire est un joyau, parce que la fantasy,

le fantastique et l’anticipation irriguent tous les loisirs des adolescents…

est le début d’une saga pour adolescent(e) et jeune adulte, dans la veine des romans Gone (Michael Grant, Pocket Jeunesse), La Passe-miroir (Christelle

Dalbot, Gallimard Jeunesse) ou encore de la série Miss Peregrine et les enfants de particuliers (Ransom Biggs, Bayard Jeunesse).

Étudiante fraîchement débarquée à Lyon, Céleste regrette le climat d’outre-mer et la vie avec son père. Les choses commencent à changer quand elle découvre qu’elle peut naviguer dans les rêves des autres et les modifier, comme ses colocataires Mano et Val. Mano a posté des petites annonces dans l’espoir d’arrondir ses fins de mois, et modifie les songes sur commande. Céleste fait la rencontre d’un

scientifique qui aimerait étudier les arpenteurs de rêves. Ne lui faisant pas confiance, elle continue d’explorer ses pouvoirs

jusqu’au jour où elle rencontre un rêveur pas comme les autres, qui lui apprend à travailler la matière des songes. Mais dans la vraie vie, Céleste n’est plus qu’une belle au bois dormant. Mano et Val

parviendront-ils à la réveiller ?

LE POUVOIR DES RÊVES ! Entrez dans la trilogie « Les Arpenteurs de rêves  » avec Chimère Captive, le premier roman « jeune adulte » 

des Moutons électriques sous le label Naos. Une superbe fantasy urbaine, lumineuse et magique.

Parution fin août 2016 - ISBN : 978-2-36183-280-3 - Distribution Harmonia Mundi Livre

Bien avant les images et les couleursLa source du chant s’imagine

À bouche ferméeComme une chimère captive

Anne Hébert

19 – Keo

Une boule dans mon ventre. Entre Mano, Val et Cé-leste, que suis-je ? Pas grand-chose. Ils sont spéciaux, en profitent, et moi… je regarde, impuissant. Je suis Keo le type 100 % normal, 100 % ennui, 100 % moldu. Je constate : ils s’amusent bien, dans leurs rêves. Il pourrait presque s’agir d’une blague, si seulement ils étaient du genre à faire des farces. J’appelle Neela ; je ne sais plus pourquoi j’ai son numéro. Céleste a dû le rentrer en mémoire un jour où elle bidouillait mon téléphone. J’écoute les sonneries, un peu angoissé de savoir comment elle va réagir.

Lorsque Neela décroche, je prétends vouloir faire un cadeau oc-culte à sa sœur. Un peu surprise, elle me donne une adresse de maga-sin d’antiquités magiques. Je remonte jusqu’à la gare Saint-Paul, me plonge dans le dédale de rues piétonnes de la vieille ville. Au détour d’une traboule difficile à trouver m’attend une petite échoppe qui ne paie pas de mine.

Lorsque je pousse la porte, une cloche tintinnabule pour signaler mon entrée. Un vieux bonhomme en chemise de flanelle traverse le magasin à ma rencontre. Il a la tête irrégulière, un peu carrée si ce n’est une bosse sur le front, et me lorgne derrière des bésicles jaunies. Les meubles, dignes d’un antiquaire, sont recouverts de boîtes en tout genre : coffrets ouvragés, bocaux, casiers à champagne, quand ce ne sont carrément pas des cartons.

« Bon, alors, vous venez pour quoi ?— On m’a dit que vous aviez besoin d’un aide.— Et qui vous a renseigné, jeune homme, je vous le demande ?— Juste une sorcière. Neela, de son petit nom, cabotiné-je.

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— Oh. Je vois. Et qu’est-ce que je peux pour vous, dites-moi ?— Je voudrais de la magie.— Des sapèques ? Ça peut s’arranger. Vous allez commencer par

m’attraper le plumeau et la chamoisine et me faire la poussière dans tout ce bazar. »

Qu’est-ce que quelques recherches sur Internet ne résolvent pas, je me le demande bien. En recoupant quelques sites – dont, incidem-ment, celui de la SOL –, je me suis aperçu que l’on pouvait acheter de la magie sous forme solide. Des pièces, autrefois fabriquées par les fées si j’en crois le web, trouées en leur centre. Chacune d’entre elles pouvait être utilisée pour monnayer un sort, pour tricher avec le réel. Dire que j’espère devenir un magicien de pacotille avec ça…

Et voilà que je fais la poussière de tout le magasin, éternuant deux fois par meuble. Une fois que j’ai fini, mon nouveau patron, Maximi-lien, me demande de trier un bocal de clous et de vis. Puis de détruire les cartons de l’arrière-boutique pour les recycler. Puis d’étiqueter le mobilier selon son système de comptabilité. Et Maximilien m’an-nonce que ma journée est terminée depuis quinze minutes, surpris que je sois encore là. À vrai dire, je n’ai pas regardé ma montre.

Lorsque je sors du magasin, la lumière commence à être moins violente. Ce serait le moment parfait pour inviter Céleste à boire une bière sur les quais.

20 – Céleste

J’ai réussi à éviter Val le plus possible, nous ne nous sommes croisés qu’une fois en quelques jours, à la sortie de la salle de bains. Un regard courroucé pour lui, honteux pour moi. Aucune autre forme de communication.

Je m’endors et me forge un rêve qui correspond à mes envies. Me voilà dans ma crique préférée de Port-au-Riche, avec mes amis de là-bas. Seulement des enveloppes vides, des corps qui se meuvent et qui parlent comme mes amis, mais qui sont faits de brume. Nous dansons autour d’un feu, rions, grillons des poissons pêchés dans l’après-midi, buvons de la piña colada maison. Le goût d’ananas, de coco et de rhum épicé me rend heureuse.

Je suis chez moi. Pas à Lyon.Le bruit familier de l’océan rythme les secondes, certains de mes

amis partent faire un volley.Alors j’enfouis mes pieds dans le sable, je prends mon temps pour

apprécier l’endroit. Au coin de mon regard, une silhouette à la fois connue et étrangère se tient droite, dans l’eau jusqu’à mi-cuisse.

Mano.Sauf que je ne l’ai pas commandé dans mon rêve, ou alors il fait

partie de la catégorie « amis » et est apparu spontanément. Il a un regard, lui, au contraire de tous les autres : c’est le vrai Mano, qui dort et qui est sorti de la brume. Sans un signe, je détourne la tête, comme si le match de volley qui se déroule en face de moi me paraissait plus intéressant. Il sort de l’eau, ruisselant, et vient s’ac-croupir devant moi.

« Bonsoir.

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— Je ne sais pas si j’ai envie de parler, je grogne.— Ça ne m’empêche pas de voir si tu vas bien.— J’ai parlé avec ma sœur. Je sais que c’est elle qui t’a demandé de

faire ça, et qu’elle ignorait que nous étions colocataires, qu’elle ne t’a pas dit mon nom, ni le sien. Pas d’inquiétude. Je ne t’en veux pas.

— Elle n’était pas au courant, pour tes pouvoirs oniriques ?— Non. Ma mère ne lui a rien dit, car elle respecte ma vie privée,

et je ne la vois pas assez souvent pour lui parler de ce genre de trucs. Et quand bien même je voudrais, elle ne fait que parler d’elle.

— Il faudra bien que tu le lui dises, un jour, » conclut Mano, lapidaire.

Il me tend la main, m’aide à me relever ; je secoue le sable épais de mes jambes et nous tournons le dos au match de volley, aux grillades de poisson et au saladier de piña colada. Je lui emboîte le pas.

« On est bons ? Pas de souci entre nous ?— Non, non. Une fois remise du choc, ça va. »Il s’enquiert de ma mère, de mon moral. Je lui livre mes senti-

ments sur la chose en omettant l’incident avec Val. Nous contour-nons le bord de la crique. Nous arrivons aux limites de mon sou-venir ; il me faut recréer l’environnement. Ma mémoire travaille un instant, pendant lequel mon rêve s’assombrit. Puis apparaît l’autre côté, une plage générique, avec des palmiers et des guérites pour vacanciers. Une poignée de coureurs font leur footing dans la lumière déclinante du jour, mais l’étendue de sable est presque entièrement vide.

Après quelques minutes de marche silencieuse, Mano éjecte des mots plus vite qu’à l’accoutumée :

« Tu veux venir dans le grand songe avec moi ? Je crois que j’ai trou-vé un nouvel angle d’attaque.

— Comment ça, un nouvel angle ?— Pour trouver des lieux. En fait, l’idée vient de Val. »Je grimace et il prend ça pour une invitation à continuer :« Il essaie de se dépasser, de peindre ses cauchemars. Il n’y arrive pas,

mais du coup, je me suis intéressé aux lieux qu’il a tenté de décrire. Ce sont des ambiances particulières. Presque tout est naturel. On n’y

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trouve quasiment pas de vestiges humains. Comme si l’homme en était absent. Je pense que le grand songe se fonde sur des sensations primitives, des choses que l’on peut appliquer à tout le monde.

— Et ? je demande, un peu sceptique.— Si l’on explore la sensation, on trouvera le lieu qui lui est associé,

non ?— Ça vaut le coup d’essayer. Je suis avec toi, même si je risque de

t’aboyer à la figure.— Pas de problème. Ma mère a un chihuahua et je l’ai assez dressé

pour savoir comment te gérer. »Je prends un air mi-offusqué, mi-amusé avant de lui coller un coup

de poing dans l’épaule. Je ne sais pas si je lui ai déjà pardonné, mais je n’ai pas envie de rester dans mon coin à me morfondre. Le cancer de Mam me cause assez de souci comme ça.

Il tend la main, déchire le décor comme un rêve de coton. Derrière, la brume informe nous attend. Nous fuyons Port-au-Riche, un re-gret passe à peine dans mon esprit, un peu comme une étoile filante : il me brûle, amer, avant de retourner au néant.

Parution fin août 2016

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