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passer par les détroits japonais, de donner de l’espace stratégique à ses SNLE, de contrer la présence des marines japonaise, coréenne et américaine. Le Pacifique sera l’espace de confrontation princi- pale avec les forces américaines et leurs alliés si elle devait se pro- duire. Il s’agit d’interdire l’accès aux zones «chinoises». Initiale- ment, les stratèges chinois avaient prévu d’interdire l’accès de la pre- mière chaîne d’îles qui va des Ryu- kyu aux Philippines. C’est à pré- sent la seconde ligne qui est prise en compte. Elle va du Japon aux îles Marianne, Guam et Palau. Développer des routes commer- ciales alternatives à Malacca. Le blocage du détroit de Malacca est, pour la Chine, un risque majeur qu’à défaut de pouvoir supprimer, elle veut pouvoir limiter. Pour cela, elle développe des flux continen- taux reliant par des gazoducs et des oléoducs, les zones de produc- tion d’Asie centrale au Xinjiang, une de ses cinq régions autonomes, située à son extrême ouest, qui pos- sède une frontière commune avec huit pays, la Mongolie, la Russie, l’Inde, le Pakistan, le Kirghizistan, le Kazakhstan, l’Afghanistan et le Tadjikistan. Elle cherche égale- ment à faire un corridor énergé- tique maritime et continental en créant ou en modernisant une sé- rie de ports pour en faire des ter- minaux hydrocarbures d’où par- tent des pipelines à travers la Birmanie ou la Thaïlande. La Chine cherche également à mener à bien trois projets mari- times. Le premier consiste à court- circuiter le détroit de Malacca en soutenant le percement d’un ca- nal dans l’isthme de Kra et / ou la construction d’un oléoduc traver- sant la péninsule de Kedah, à Ba- chok, en Malaisie, le Trans Penin- sular Pipeline Project (TPP). Le deuxième projet consiste à ouvrir progressivement la route maritime Arctique vers l’Europe du Nord 2 qui évite ce détroit. Dès le mois d’août 2013, un premier petit cargo chinois 3 l’empruntait. Ce passage Ci-dessus, en ocre, tracé de la route maritime des importations énergétiques de la Chine via le détroit de Malacca. En vert, les nouvelles limites fixées par la Chine pour définir son pré-carré stratégique. Elles sont désormais établies à la hauteur de la seconde chaîne d'îles situées au large de ses côtes. 25 MARINE&OCÉANS N° 243 - AVRIL-MAI-JUIN 2014 Chine Les cinq piliers de la puissance maritime L e premier impératif pour la Chine sur la voie de la puis- sance maritime est d’accroître sa présence en océan Indien. À défaut de pouvoir contrôler di- rectement le détroit de Malacca, elle doit en effet pouvoir interve- nir de part et d’autre de ce qui est, pour elle, une artère vitale (lire en- cadré). Sa présence navale dans un océan Indien qui revêt une im- portance stratégique pour de nom- breux pays, en particulier en rai- son des flux énergétiques qui transitent en provenance du golfe Persique, se heurte cependant à une forte animosité de l’Inde. La Chine a conclu des accords im- portants avec plusieurs pays de la région pour y implanter des ter- minaux de conteneurs ou des ports qu’elle contrôle, et qui sont autant de points d’appui indispensables au soutien de ses bâtiments de guerre et de ses flux marchands 1 . La présence, depuis 2008, de ses forces navales dans cet océan, dans le cadre de la lutte contre la pira- terie, lui permet d’effectuer des ac- tions relevant de la diplomatie na- vale, de contrer l’influence des autres marines en montrant son pavillon et son savoir-faire, et de soutenir les flottes de pêche qui participent à l’approvisionnement du pays en poisson. Acquérir de l’espace stratégique dans le Pacifique. Desserrer l’étau stratégique qui la contraint dans le Pacifique est un second impé- ratif absolu. Outre la nécessité de réparer une injustice historique, cet objectif explique la priorité donnée par le gouvernement chi- nois à la reprise de l’île de Taiwan, qui fait partie de la liste de ses in- térêts vitaux, et l’importance ac- cordée au différend avec le Japon concernant les îles Diaoyu (Sen- kaku pour les Japonais). Il s’agit également pour la Chine d’ouvrir l’accès aux routes arctiques sans Marins du navire hôpital Daishandao (AHH 866). Les besoins croissants de la Chine lui imposent d’être une puissance maritime. * Hugues EUDELINE. Ancien élève de l’École navale (EN 72), Hugues Eudeline est MSc en Management et docteur en Histoire. Consultant international, il se consacre à des recherches sur la géopolitique et la géostratégie de la puissance et de la violence maritimes. Capitaine de vaisseau dans la réserve opé- rationnelle, il est rattaché au Centre d’études stratégiques de la Marine. Il est membre de l’Acadé- mie européenne de géopolitique et membre correspondant de l’Académie Royale de Marine suédoise. CARTE : DR PHOTO : US NAVY L’exportation de ses produits manufacturés, la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques et l’accès à de nouvelles ressources imposent à l’usine du monde d’être une puissance maritime. À charge pour elle de remplir cinq impératifs fondamentaux. Explications. GÉOPOLITIQUE 24 MARINE&OCÉANS N° 243 - AVRIL-MAI-JUIN 2014 Par HUGUES EUDELINE * 1. L’ensemble de ces points d’appui constitue ce qui a été appelé le « collier de Perles » par les Américains. Selon Laurent Amelot, au- teur d’un mémoire de recherche à l’Univer- sité Paris Sorbonne en 2012 sur la présence chinoise dans l’océan Indien, l’expression « théorie du collier de perles » trouve son origine géopolitique dans le rapport « Energy Futures in Asia », un document interne rédigé par la société de consultants Booz Allen & Hamilton pour le compte de l’Office of Net Assessment, une structure du ministère de la Défense américain pilotée par le ministre Donald Rumsfeld en personne. 2. La Chine a une activité diplomatique in- tense en Arctique. En avril 2013, elle a signé un accord de libre-échange avec l’Islande, premier du genre avec un pays européen. Du 14 au 15 mai 2013, elle a été admise en tant qu’observateur au sein du huitième conseil de l’Arctique à Kiruna en Suède. Outre l’intérêt que propose à long terme le passage du Nord-Ouest pour sa navigation commerciale, la Chine voudrait pouvoir ex- ploiter les ressources en hydrocarbures et en métaux stratégiques, dont les terres rares, du Groenland. La Chine mène également des expéditions scientifiques en océan Arc- tique. Elle dispose pour cela du brise-glaces Xue Long et, depuis 2004, d’une installation arctique sur l’île Svalbard, en Norvège. 3. Le 8 août 2013, le Yong Shen, un cargo de 19 000 tonnes et 160 mètres de long, appa- reille de Dalian à destination de Rotterdam. Le « dilemme de Malacca » L a dépendance de la Chine à la liberté de navigation dans le détroit de Malacca par où transitent 85 % de ses importations constitue le centre de gravité de son développement économique, et donc de sa stabilité sociale et politique. Le détroit de Malacca relie l’océan Indien à la mer de Chine méridionale, antichambre de l’océan Pacifique. Long d’environ 900 km, il se poursuit par le détroit de Singapour, au sud de la Cité-État où il n’a que 2,8 km de large. Seuls les navires ayant un ti- rant d’eau inférieur à 20 mètres peuvent l’emprunter, ce qui correspond à un tonnage de port en lourd inférieur à 300000 tonnes. C’est, avec environ 70 000 navires par an, le détroit le plus emprunté au monde. Un navire y passe toutes les huit minutes. Ce chiffre est en augmen- tation permanente en raison des besoins croissants cumulés de la Chine, du Japon, de Taiwan et de la Corée du Sud. Deux autres détroits permettent de le contourner, ce qui rallonge toutefois les routes de fa- çon significative. Le premier est le détroit en eaux profondes de Lom- bock. Le second celui de la Sonde que seuls des navires de moins de 100 000 tonnes de port en lourd peuvent emprunter. Seul 1 % du tra- fic destiné à la Chine transite par ces deux passages. Le détroit de Malacca est contrôlé par la Malaisie, Singapour et l’Indonésie et échappe donc totalement à ses principaux bénéficiaires de la zone Asie-Pacifique. C’est ce constat qu’exprimait l’ancien président chi- nois Hu Jintao, le 23 novembre 2003, lorsque évoquant le «dilemme de Malacca», il précisait les menaces pesant sur le détroit, la pirate- rie, le terrorisme maritime et le risque de fermeture par des puis- sances rivales. Hugues EUDELINE Myanmar Mongolie Kamtchatka Thaïlande Vietnam Papouasie Nouvelle Guinée Cambodge Indonésie Philippines Japon Chine Russie Népal Inde Sri Lanka Pakistan Sumatra Java Oman Yémen Éthiopie Somalie Kénya Tanzanie Soudan Érythrée Djibouti Égypte Iran Qatar Jordanie Turkménistan Azerbaïdjan Géorgie Arménie Ouzbékistan Kirghizie Tadjikistan Kazakhstan Ukraine Irak Israel Koweit Arabie Saoudite Syrie Turquie Afghanistan Corée du Nord Corée du Sud Pékin Tokyo Détroit de la Sonde Détroit de Malacca mer de Chine orientale océan Indien océan Pacifique Isthme de Kra Kedah Hong Kong île de Guam Tianjin Bachok Golfe d'aden mer Rouge mer d'Arabie golfe Persique Région du Xinjiang Malaisie Taïwan Iles Paracels Seconde Chaîne des îles Première Chaîne des îles Iles Spratleys Iles Senkaku Brunei >>

"Chine, les cinq piliers de la puissance maritime"

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par Hugues Eudeline

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Page 1: "Chine, les cinq piliers de la puissance maritime"

passer par les détroits japonais, dedonner de l’espace stratégique àses SNLE, de contrer la présencedes marines japonaise, coréenneet américaine. Le Pacifique seral’espace de confrontation princi-pale avec les forces américaines etleurs alliés si elle devait se pro-duire. Il s’agit d’interdire l’accèsaux zones «chinoises». Initiale-ment, les stratèges chinois avaientprévu d’interdire l’accès de la pre-mière chaîne d’îles qui va des Ryu-kyu aux Philippines. C’est à pré-sent la seconde ligne qui est priseen compte. Elle va du Japon auxîles Marianne, Guam et Palau.Développer des routes commer-

ciales alternatives à Malacca. Leblocage du détroit de Malacca est,pour la Chine, un risque majeurqu’à défaut de pouvoir supprimer,elle veut pouvoir limiter. Pour cela,elle développe des flux continen-taux reliant par des gazoducs etdes oléoducs, les zones de produc-tion d’Asie centrale au Xinjiang,une de ses cinq régions autonomes,située à son extrême ouest, qui pos-sède une frontière commune avechuit pays, la Mongolie, la Russie,l’Inde, le Pakistan, le Kirghizistan,

le Kazakhstan, l’Afghanistan et leTadjikistan. Elle cherche égale-ment à faire un corridor énergé-tique maritime et continental encréant ou en modernisant une sé-rie de ports pour en faire des ter-minaux hydrocarbures d’où par-tent des pipelines à travers laBirmanie ou la Thaïlande.

La Chine cherche également àmener à bien trois projets mari-times. Le premier consiste à court-circuiter le détroit de Malacca ensoutenant le percement d’un ca-

nal dans l’isthme de Kra et / ou laconstruction d’un oléoduc traver-sant la péninsule de Kedah, à Ba-chok, en Malaisie, le Trans Penin-sular Pipeline Project (TPP). Ledeuxième projet consiste à ouvrirprogressivement la route maritimeArctique vers l’Europe du Nord2

qui évite ce détroit. Dès le moisd’août 2013, un premier petit cargochinois3 l’empruntait. Ce passage

Ci-dessus, en ocre,tracé de la routemaritime desimportationsénergétiques de la Chine via le détroitde Malacca. En vert, lesnouvelles limitesfixées par la Chinepour définirson pré-carréstratégique. Elles sontdésormais établiesà la hauteur de la secondechaîne d'îlessituées au largede ses côtes.

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ChineLes cinq piliersde la puissance maritime

Le premier impératif pour laChine sur la voie de la puis-sance maritime est d’accroître

sa présence en océan Indien. Àdéfaut de pouvoir contrôler di-rectement le détroit de Malacca,elle doit en effet pouvoir interve-nir de part et d’autre de ce qui est,pour elle, une artère vitale (lire en-cadré). Sa présence navale dansun océan Indien qui revêt une im-portance stratégique pour de nom-breux pays, en particulier en rai-son des flux énergétiques quitransitent en provenance du golfePersique, se heurte cependant àune forte animosité de l’Inde. LaChine a conclu des accords im-portants avec plusieurs pays de larégion pour y implanter des ter-minaux de conteneurs ou des ports

qu’elle contrôle, et qui sont autantde points d’appui indispensablesau soutien de ses bâtiments deguerre et de ses flux marchands1.La présence, depuis 2008, de sesforces navales dans cet océan, dansle cadre de la lutte contre la pira-terie, lui permet d’effectuer des ac-tions relevant de la diplomatie na-vale, de contrer l’influence desautres marines en montrant sonpavillon et son savoir-faire, et de

soutenir les flottes de pêche quiparticipent à l’approvisionnementdu pays en poisson.Acquérir de l’espace stratégique

dans le Pacifique. Desserrer l’étaustratégique qui la contraint dansle Pacifique est un second impé-ratif absolu. Outre la nécessité deréparer une injustice historique,cet objectif explique la prioritédonnée par le gouvernement chi-nois à la reprise de l’île de Taiwan,qui fait partie de la liste de ses in-térêts vitaux, et l’importance ac-cordée au différend avec le Japonconcernant les îles Diaoyu (Sen-kaku pour les Japonais). Il s’agitégalement pour la Chine d’ouvrirl’accès aux routes arctiques sans

Marins du navire hôpital Daishandao (AHH 866). Les besoins croissants

de la Chine lui imposent d’être une puissance maritime.

* Hugues EUDELINE. Ancien élève de l’École navale (EN 72), Hugues Eudeline est MSc en Managementet docteur en Histoire. Consultant international, il se consacre à des recherches sur la géopolitique etla géostratégie de la puissance et de la violence maritimes. Capitaine de vaisseau dans la réserve opé-rationnelle, il est rattaché au Centre d’études stratégiques de la Marine. Il est membre de l’Acadé-mie européenne de géopolitique et membre correspondant de l’Académie Royale de Marine suédoise.

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L’exportation de ses produits manufacturés, la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques et l’accès à de nouvelles ressources imposent à l’usine du monde d’être une puissance maritime. À charge pour elle de remplir cinq impératifs fondamentaux. Explications.

GÉOPOLITIQUE

24MARINE&OCÉANS N° 243 - AVRIL-MAI-JUIN 2014

Par HUGUES EUDELINE*

1. L’ensemble de ces points d’appui constituece qui a été appelé le « collier de Perles » parles Américains. Selon Laurent Amelot, au-teur d’un mémoire de recherche à l’Univer-sité Paris Sorbonne en 2012 sur la présencechinoise dans l’océan Indien, l’expression« théorie du collier de perles » trouve sonorigine géopolitique dans le rapport « EnergyFutures in Asia », un document interne rédigépar la société de consultants Booz Allen &Hamilton pour le compte de l’Office of NetAssessment, une structure du ministère dela Défense américain pilotée par le ministreDonald Rumsfeld en personne.2. La Chine a une activité diplomatique in-tense en Arctique. En avril 2013, elle a signéun accord de libre-échange avec l’Islande,premier du genre avec un pays européen.Du 14 au 15 mai 2013, elle a été admise entant qu’observateur au sein du huitièmeconseil de l’Arctique à Kiruna en Suède.Outre l’intérêt que propose à long terme lepassage du Nord-Ouest pour sa navigationcommerciale, la Chine voudrait pouvoir ex-ploiter les ressources en hydrocarbures eten métaux stratégiques, dont les terres rares,du Groenland. La Chine mène égalementdes expéditions scientifiques en océan Arc-tique. Elle dispose pour cela du brise-glacesXue Long et, depuis 2004, d’une installationarctique sur l’île Svalbard, en Norvège.3. Le 8 août 2013, le Yong Shen, un cargo de19 000 tonnes et 160 mètres de long, appa-reille de Dalian à destination de Rotterdam.

Le « dilemme de Malacca »

La dépendance de la Chine à la liberté de navigation dans le détroitde Malacca par où transitent 85 % de ses importations constitue le

centre de gravité de son développement économique, et donc de sastabilité sociale et politique. Le détroit de Malacca relie l’océan Indienà la mer de Chine méridionale, antichambre de l’océan Pacifique. Longd’environ 900 km, il se poursuit par le détroit de Singapour, au sud dela Cité-État où il n’a que 2,8 km de large. Seuls les navires ayant un ti-rant d’eau inférieur à 20 mètres peuvent l’emprunter, ce qui correspondà un tonnage de port en lourd inférieur à 300 000 tonnes. C’est, avecenviron 70 000 navires par an, le détroit le plus emprunté au monde.Un navire y passe toutes les huit minutes. Ce chiffre est en augmen-tation permanente en raison des besoins croissants cumulés de laChine, du Japon, de Taiwan et de la Corée du Sud. Deux autres détroitspermettent de le contourner, ce qui rallonge toutefois les routes de fa-çon significative. Le premier est le détroit en eaux profondes de Lom-bock. Le second celui de la Sonde que seuls des navires de moins de100 000 tonnes de port en lourd peuvent emprunter. Seul 1 % du tra-fic destiné à la Chine transite par ces deux passages. Le détroit deMalacca est contrôlé par la Malaisie, Singapour et l’Indonésie etéchappe donc totalement à ses principaux bénéficiaires de la zoneAsie-Pacifique. C’est ce constat qu’exprimait l’ancien président chi-nois Hu Jintao, le 23 novembre 2003, lorsque évoquant le «dilemmede Malacca», il précisait les menaces pesant sur le détroit, la pirate-rie, le terrorisme maritime et le risque de fermeture par des puis-sances rivales. Hugues EUDELINE

Myanmar

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mer de Chineorientale

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SecondeChaîne des îles

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du tonnage proprement dit, la ma-rine chinoise serait la quatrième dumonde avec un peu plus de 400000tonnes de navires de combat. Ceschiffres doivent cependant êtrenuancés, car la flotte chinoise estpour de nombreuses années encoreessentiellement une force côtière,exception faite de quelques unitésplus importantes. Mais cette marineaffiche de plus en plus des ambi-

tions océaniques, notamment enmer de Chine où se trouvent les fa-meux archipels des Spratley et desParacels revendiqués par plusieurspays riverains de cette mer.» En2012, avec 919 280 tonnes, elle oc-cupait le troisième rang mondialet était en passe de détrôner laRussie. Plus circonspect, BernardPrézelin écrivait alors que lerythme élevé des constructions

neuves démontrait « s’il en étaitencore besoin la volonté impérieusedes dirigeants chinois de faire deleur pays une grande puissance na-vale. Ils ont bien pris conscienced’une part de l’importance des voiesde communication maritimes pourla bonne marche de leur économie,d’autre part de la raréfaction à ve-nir des ressources énergétiques ter-restres et donc de la nécessité d’al-ler les chercher dorénavant au fonddes mers où elles se trouvent enquantité » (lire encadré).

La Marine de guerre chinoisecompte 255 000 hommes dont25 000 dans l’aéronavale, 28 000dans la défense côtière et 8 000dans le corps des fusiliers marins.Elle dispose, à ce jour, d’un porte-avions admis au service actif en2012.

Pour accélérer la mise au pointdu système d’armes, une plate-forme d’essais a été construite àterre, au centre d’expérimentationnavale de Wuhan. Elle permetd’entraîner les pilotes à l’appon-tage et au décollage. Les avionsutilisés sont les intercepteurs J 15,copie chinoise du Su 33 russe. Leporte-avions a été admis au ser-vice actif le 25 septembre 2012avec pour port base Qingdao. Ilsemblerait que des accords de for-mation aient été établis avec unautre membre des BRICS, le Bré-sil, qui met en œuvre l’ancienporte-avions français Foch. La

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du nord-est qui n’est accessiblequ’en été permet de relier Tianjin,située à 120 km de Pékin à l’em-bouchure du fleuve Hai He, le plusgrand fleuve de Chine septentrio-nale, à Rotterdam en trente-troisjours au lieu de quarante-huit jourspar la voie traditionnelle. Cepen-dant, même si le réchauffementclimatique se poursuivait au ryth -me actuel, il ne pourrait pas êtreutilisé couramment avant unevingtaine d’années.

Pour terminer, et bien que ce nesoit pas la route maritime la plusutilisée par la Chine, tant s’en faut,un projet de creusement d’un ca-nal au Nicaragua vient d’être an-noncé4. Concurrent de celui de Pa-nama, il est proposé par uneentreprise de Hong Kong enéchange d’une concession d’ex-

ploitation de cinquante ans. (…)Bien que le gouvernement chinoisne soit pas directement partie pre-nante dans cette affaire, il est peuvraisemblable qu’il n’en soit pasl’acteur principal en sous-main. Sice projet était mené à bien, il seraitune preuve de plus de la volontéde concurrencer les États-Unis quiavaient terminé le creusement ducanal de Panama.Construire une marine de guerre

équilibrée et puissante. La Chinea besoin de disposer d’une marinede guerre équilibrée 5 et puissantesur laquelle elle puisse s’appuyer,ainsi que de forces de garde-côtesnombreuses et diversifiées. Riched’une histoire multimillénaire à la-quelle elle attache beaucoup d’im-portance et où elle puise toujoursses éléments de réflexion, elle tire

les leçons de son passé maritimepour éviter de répéter des erreursde méthodologie qui lui ont coûtécher en ne lui permettant pas des’opposer à des adversaires, tousvenus de la mer au XIXe siècle. Sises excédents commerciaux luipermettent de dégager des res-sources financières importantes,elle sait qu’une flotte pour être ef-ficace demande du temps pour dé-velopper des doctrines d’emploiadaptées à ses objectifs et beau-coup d’entraînement pour que lesdifférents moyens opérationnelsapprennent à coopérer.

Lord Kitchener aurait dit qu’ilfallait soixante-dix ans pour consti-tuer une marine de premier rang.En 1949, la Marine de la Répu-blique populaire de Chine étaitpresque inexistante. La prioritéétait donnée aux forces terrestres.Trente ans plus tard, en 1982, JeanLabayle-Couhat, l’auteur de l’ou-vrage de référence Flottes de com-bat, notait que la Marine chinoiseétait une marine de défense cô-tière et qu’elle le resterait encorelongtemps. Il soulignait cependantle lancement de son premierSNLE l’année précédente. En1992, elle était au 10e rang des ma-rines mondiales.

En 1996, Bernard Prézelin écri-vait en exergue de son édition1994 : «Si l’on ne tenait compte que

Le 11 septembre 2013, le cargo Yong Shengde l’armement chinois Cosco a rallié Rotterdam depuis le port Chinois de Dalian au terme d’un voyage de 33 jours au lieu de 48 jours, via le canal de Suez.

La Marine chinoise

s’est dotée de capacités

amphibies. Ici, trois LPD

type 071 (Yuzhao-classe).

GÉOPOLITIQUE CHINE,LES 5 PILIERS DE LA PUSSANCE MARITIME

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4. Nicaragua : le Congrès approuve laconcession d’un futur canal interocéanique– 14 juin 2013 – www.marine-oceans.com.5. Une marine de guerre est dite équilibréelorsqu’elle comprend toutes les compo-santes nécessaires pour mener les diffé-rents types d’opérations en mer ou à par-tir de la mer, offensives et défensives. Ils’agit de groupes d’actions aéronavalespermettant d’effectuer de la projection depuissance, de forces sous-marines d’at-taques, d’une composante de dissuasionnucléaire, de moyens logistiques adaptés àsa taille, de forces de guerre des mines, demoyens de débarquement de forces, deforces spéciales pour l’action en mer, d’uneaéronautique navale composée d’avionsde patrouille maritime, d’hélicoptères adap-tés aux différents types de lutte et logis-tiques, d’avions de guet aérien, de chas-seurs et d’avions d’assaut, etc.

À la conquête des fonds marins

Outre les ressources énergétiques qu’elle veut pouvoir exploiter lelong de ses côtes et en mer de Chine méridionale bien que celles-

ci soient souvent situées dans des zones contestées par ses voisins,la Chine lorgne aussi vers les ressources halieutiques, mais égale-ment génétiques dont l’exploitation est au cœur des biotechnologieset pourrait avoir des répercussions considérables dans le domainemédical et cosmétique (…). Pour toutes ces raisons, elle a entamé unprogramme d’exploration des océans et a, en particulier, mis en ser-vice en 2010 le petit sous-marin d’exploration en eaux profondes Jiao-long pouvant plonger à 7 000 mètres et, en 2013, le submersible au-tonome inhabité (UUV) Qianlong-1 capable d’atteindre 6 000 mètres.Le 17 décembre 2013, M. Hu Zhen de la China Shipbuilding IndustryCorporation, chargé du développement technologique du programme

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Le Jiaolong, capable de plonger à 7 000 mètres, illustre les ambitions de la Chine dans l’exploration et demain, l’exploitation des océans.

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de submersibles au ministère des Sciences et Technologies, annon-çait le lancement d’un programme de nouveau submersible habitécapable de plonger à 4 500 mètres de profondeur et de mener des re-cherches scientifiques sur la plupart des fonds marins de la planète(…). Seuls 5 % des océans ont été explorés de manière systématiqueet 750 000 espèces resteraient à découvrir (…). La Chine, qui a pris lamesure de cet eldorado que constituent les fonds marins et sait leurimportance pour son avenir, entend bien, là encore, y imprimer samarque. En 2011, le Jiaolong a symboliquement planté le drapeau na-tional au fond de la mer de Chine méridionale. Hugues EUDELINE

À lire : «La Chine enregistre des records de plongée et nourrit des am-bitions dans l’exploration des profondeurs marines», sur www.lemonde.fr

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Page 3: "Chine, les cinq piliers de la puissance maritime"

veaux défis et nouvelles missions »,les décrit précisément pour ce quiconcerne l’outre mer : « assurer lesmissions de réaction d’urgence etde sauvetage, la protection des na-vires marchands à la mer, l’éva-cuation des ressortissants chinoiset contribuer à la sûreté des intérêtschinois à l’étranger ».

Imitant en cela les États-Unisqui disposent de deux navires-hô-pitaux, la Chine s’est égalementdotée d’une unité de ce type,l’Arche de Paix, qui effectue, surles différents continents, des mis-sions d’aide médicale, appelées« Missions harmonieuses ». La

première s’est déroulée du 31 aoûtau 15 novembre 2010. Elle aconduit le navire principalementen Afrique, dans le golfe d’Aden,à Djibouti, au Kenya, en Tanzanie,aux Seychelles et au Bangladesh.La deuxième, du 16 septembre au30 décembre 2011, s’est dérouléedans les eaux américaines, à Cuba,à la Jamaïque, à Trinidad et To-bago et au Costa Rica. Le 11 juin2013, l’Arche de Paix a réalisé unetroisième mission dans huit paysd’Asie et dans le golfe d’Aden. Ils’agit bien là de missions de re-présentation, de diplomatie na-vale. Pourtant, l’image favorableque ces missions donnaient de laChine a été largement écornéequand celle-ci a retenu son aideaux Philippines après que le paysait été frappé, le 8 novembre 2013,par le cyclone de catégorie 5Haiyan. Ayant avec les Philippinesun différend maritime particuliè-rement conflictuel, la Chine n’adébloqué, dans un premier temps,qu’une somme de 200 000 dollarsquand les États-Unis envoyaientsur place une cinquantaine de bâ-

timents et d’aéronefs. Après biendes tergiversations, ce n’est que le20 novembre que Pékin décidad’envoyer l’Arche de Paix et deporter le montant de son aide à1,6 million de dollars. Un acte dansle droit fil de ses ambitions pourdevenir une nouvelle puissancemaritime du XXIe siècle. ■

Ci-dessus,le navire écolechinois Zheng He,310 membresd’équipage dont110 stagiairesde l’École navalede Dalian,en escaleà Papeete entrele 2 et le 6 août2012.

Ci-dessous,le navire-hôpitalchinois, Archede Paix, en escaleà La Havane(Cuba), le 23octobre 2011.

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Chine a annoncé la constructionde deux autres porte-avions deconception nationale.

Dans le domaine de la lutte sousla mer, la Marine chinoise souffrede retards et a des difficultés à pro-duire des sous-marins silencieux,ce qui ne lui permet pas encore dedisposer d’une véritable capacitéde frappe nucléaire en second.Pourtant, elle progresse lentementmais sûrement, à son rythme, danstous les domaines, n’hésitant pasmême à innover en développantun système anti porte-avions ori-ginal basé sur l’utilisation de mis-siles balistiques6. Les forces sous-marines chinoises stratégiques sontconstituées de trois sous-marinsnucléaires lanceurs d’engins etd’un sous-marin classique lanceurd’engins qui sert probablement àla mise au point des missiles. Lesforces sous-marines d’attaquecomprennent six SNA et 56 sous-marins classiques. La Chine aconstruit une nouvelle base pro-tégée pour ses sous-marins nu-cléaires dans l’île d’Hainan, seulendroit permettant un accès ra-pide aux grands fonds de la merde Chine méridionale ce qui luidonne une raison supplémentaire,s’il en fallait, de contrôler cette mer.Sauf rupture géopolitique et/ouéconomique qui pourrait la priverdes ressources nécessaires à l’ac-complissement de cet objectif (lireencadré), la Chine parviendra à sedoter d’une grande marine, sans

garantie toutefois de la voir se his-ser à la hauteur de celle des États-Unis son principal rival.Développer une diplomatie na-

vale. Pendant des décennies, laMarine chinoise est restée confi-née dans ses eaux. En quelques an-nées, elle a relancé une diplomatienavale nécessaire à l’affirmationde son statut de puissance mari-time. La première escale effectuéepar un de ses bâtiments de guerredans un port étranger a eu lieu en1985. Puis en décembre 2008 ellea, pour la première fois, envoyéune flottille de trois bâtiments enocéan Indien pour participer à lalutte contre la piraterie. Lorsquele 16 février 2013 une nouvelleforce navale appareille de Qinhaivers l’océan Indien, elle part pourla 14e mission de ce type. Elle estcomposée de deux frégates et d’unpétrolier ravitailleur7, preuve s’ilen fallait de l’évolution des capa-cités logistiques de cette marinequi a appris à durer. À cette date,la marine chinoise a déjà escorté

5 046 navires et en a secouru ouassisté plus de cinquante.

Elle ne se limite pas à l’océanIndien. En février 2011, au mo-ment où commencent les opéra-tions de l’Otan contre la Libye, Pé-kin entreprend d’évacuer les35 860 Chinois qui s’y trouvent etdépêche en Méditerranée orien-tale la frégate lance-missiles Xuz-hou pour protéger cette opérationd’évacuation outre-mer. C’est unenouvelle Première dans l’histoirede la Marine de la République po-pulaire de Chine. Autre symbole,du 16 avril au 29 septembre 2012,le bâtiment école Zheng He fait,dans le cadre d’une campagned’instruction, une circumnaviga-tion comptant quatorze escales dereprésentation.

La Chine a de fait clairementpris en compte l’importance des« opérations militaires autres quela guerre8 ». Le Livre blanc 2013de l’Armée populaire de libéra-tion (APL), dans son chapitre un,intitulé « Nouvelles situations, nou-

GÉOPOLITIQUE CHINE,LES 5 PILIERS DE LA PUSSANCE MARITIME

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6. Ce missile DF 21-D, surnommé « tueurde porte-avions » est un missile balistiquede portée intermédiaire d’une portée de 1 000à 3 000 km. Des informations récentes (jan-vier 2014) de source américaine font étatd’un véhicule hypersonique destiné à contrerle système antimissile que les États-Unis etleurs alliés mettent en place à partir de croi-seurs Aegis. Une fois la phase balistique ter-minée, une navette hypersonique propulse-rait la tête militaire vers son objectif, ce qui,outre le fait de fausser les calculs d’inter-ception, allongerait significativement la por-tée de l’arme.7. Un pétrolier ravitailleur garantit l’auto-nomie des bâtiments en gazole, carburéac-teur, eau douce, vivre, munitions. Il effectuedes allers-retours dans le point d’appuis (basenavale d’un pays allié ou avec lequel existentdes accords de défense) le plus proche pourcompléter ses approvisionnements.8. En anglais Military Operations otherthan War (MOOTW).

Menaces sur l’avenir

Selon un long et passionnant article de Béatrice Mathieu intitulé«Les six périls qui menacent la Chine », paru en juillet 2013 sur

www.lexpansion.lexpress.fr, la Chine communiste de 2013 est le paysle plus inégalitaire de la planète. Les 10 % les plus riches concentrentplus de 52 % des revenus. Quant aux salaires des ménages urbains,ils étaient trois fois supérieurs à ceux des ruraux en 2012, contre unrapport de 1 à 2 en 2002. Pour Yves Zlotowski, directeur des étudeséconomiques de la Coface cité dans ce même article, «au sein desmégapoles, les inégalités entre les citoyens officiels et les migrants,privés de tous les avantages sociaux accordés dans le système duhukou [enregistrement et contrôle de la population], deviennent ex-plosives ». Si les manifestations sont sévèrement réprimées par lepouvoir, la contestation grandit. À Shenzhen, cœur du miracle éco-nomique, on dénombre aujourd’hui une grève chaque jour.

Sans compter la menace générée par les dettes chinoises souli-gnée par le financier Georges Soros et rapportée par Béatrice Ma-thieu dans ce même article. « En avril 2013, écrit-elle, lors du sommetéconomique de Boao, sur l’île d’Hainan, Georges Soros a prédit augéant asiatique une crise de la dette comparable à celle qui a balayéla Grèce. Officiellement, la dette publique chinoise atteint 17 % duproduit intérieur brut. C’est sans compter les monceaux de dettescontractées indirectement par les collectivités locales auprès desgrandes banques d’État, pour orchestrer les différents plans de re-lance depuis 2008. Leur dette atteindrait aujourd’hui presque 36 %de la richesse nationale, et pourrait rapidement monter à 60 %. » Dequoi obérer la construction de la puissance maritime chinoise…Source : www.lexpansion.lexpress.com

À lire : «Les six périls qui menacent la Chine», sur www.lexpansion.lex-press.fr

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L’acte de naissancedes porte-avions chinois

En mars 1996, suite à un déploiement de forcede la Chine populaire dans le détroit de Taïwan

laissant croire à des préparatifs d’invasion de laRépublique de Chine (Taiwan), les États-Unis dé-ploient en Asie deux groupes aéronavals axés au-tour des porte-avions USS Independence et USSNimitz. Ce message explicite de soutien à Taïwanmet fin à la démonstration de force de Pékin quin’est pas en position de combattre une menacede ce niveau. Cette intervention, qui rappelle celledes porte-avions américains pendant la guerre deCorée, a définitivement convaincu la Chine de sedoter de porte-avions malgré les difficultés de miseen œuvre que représentent ces bâtiments de com-bat extrêmement complexes. Hugues EUDELINE

Page 4: "Chine, les cinq piliers de la puissance maritime"

pas de ce type d’alliés. C’est sansdoute une des raisons pour les-quelles elle copie systématique-ment son adversaire de référence,la Marine des États-Unis d’Amé-rique.

Cela ne lui permet cependantpas de comparer l’efficacité tech-nique et tactique de ses unités.C’est, en particulier, le cas dansle domaine des sous-marins ou laMarine chinoise a du mal àconstituer une force au standardoccidental. C’est une des raisonspour laquelle elle tente de déve-lopper des systèmes d’armes in-novants capables de remettre encause la supériorité américaine,tel le missile balistique anti porte-avions DF-21D qui auraient uneportée de 1 500 km et des têtesmanœuvrantes. La Marine chi-noise dispose aujourd’hui d’uneflotte nombreuse et en croissancepermanente, à vocation plutôt ré-gionale.Se contenter d’un potentiel de

nuisance suffisant. Il est encoredifficile d’évaluer la qualité de seséquipements et de ses systèmesd’armes. Les capacités de son in-dustrie maritime civile de hautetechnologie permettent de douterque ceux-ci puissent concurren-cer rapidement ceux de l’US Navy.À l’échéance 2050, tout est pos-sible. Il est cependant fort peu pro-bable que la Chine connaisse aussilongtemps une croissance écono-mique lui permettant de pour-suivre l’effort financier nécessaire.Plutôt que de vouloir dépasser enpuissance la Marine américaine,il est plus probable qu’elle secontentera d’un potentiel de nui-sances suffisant pour que ses ad-versaires évitent de contrecarrerses objectifs, comme cela se pro-duit actuellement en mer de Chineméridionale dont elle a, de facto,pris le contrôle. Quant à la Ma-rine des États-Unis, elle resteratechnologiquement très évoluéeet suffisamment nombreuse pourdisposer des moyens nécessairesà sa politique mondiale de libreéchange dont bénéficie la Chineen premier lieu. ■

Ningbo, Chine, novembre 2012. Le secrétaire à la Marine des États-Unis, Ray Mabus, en visite à bord de la frégate Xu Zhou (FFG 539) de la classe Jiangkai II. « Il est fort peu probable que la Chine connaisse aussi longtemps une croissance économique lui permettant de poursuivrel’effort financiernécessaire pour concurrencer l’US Navy. »Hugues EUDELINE

31MARINE&OCÉANS N° 243 - AVRIL-MAI-JUIN 2014

Les ambitions mesuréesde la Marine chinoise

Selon certains analystes in-diens, la Chine pourrait éga-ler les États-Unis en termes

de budget de la défense à la findes années 2030 et au plan opé-rationnel en 2050. Est-ce crédible ?

Il est difficile de prévoir l’aveniraussi longtemps à l’avance. La po-litique de défense que mène legouvernement chinois depuis unedizaine d’années montre unecontinuité de l’action vers cet ob-jectif. Le budget de la défense chi-noise ne cesse de croître à unrythme supérieur (12,2 % en 2014)à celui déjà important de l’écono-mie (7,5 % en 2013). Il ne repré-senterait que le quart, environ, decelui des forces armées améri-caines, mais le chiffre réel pour-rait être supérieur à celui qui estannoncé, et pour être précis, il fau-drait y ajouter, au moins en partie,le budget de la Deuxième Arméechargée des missiles. Cette année,pour la première fois dans l’his-toire du pays, les dépenses d’équi-

pement de la Marine et de l’ar-mée de l’Air chinoise seront su-périeures à ceux de l’armée deTerre, ce qui montre que la réali-sation est en accord avec la vo-lonté politique. Est-ce suffisant ?

Faire une marine est un pro-cessus long et complexe, qui de-mande des ressources humaineset budgétaires importantes. Faireune marine efficace demande, enoutre, qu’elle soit équilibrée dansses composantes (projection depuissance, projection de forces, lo-gistique, lutte contre les mines,lutte sous la mer et au-dessus de lasurface…), entraînée au niveauindividuel, par services, en équi-page… Il faut aussi que tous lesbâtiments sachent coopérer de fa-çon complémentaire et coordon-née dans les conditions difficilesdu combat. Selon certains experts,il faudrait vingt ans pour rendreopérationnel un groupe aérona-val doté de bâtiments et d’avionsde qualité.Se mesurer à des alliés suffisam-

ment fiables. Une marine ne s’ac-quiert pas sur étagères comme l’ontmis en évidence les échecs succes-sifs des flottes chinoises face auxFrançais et aux Japonais au XIXe

siècle (lire encadré). Autant que desbâtiments et des avions de qualitéen nombres suffisants, il lui faut ac-quérir un savoir-faire qui demandeune organisation rigoureuse de lapréparation et de l’analyse du re-tour d’expérience. Pour pouvoirévaluer sans se tromper ses capa-cités militaires, il lui faut aussi pou-voir se mesurer à des alliés suffi-samment f iables, pour quel’échange d’informations ne soitpas biaisé par la protection du se-cret, mais également efficaces dansles différents domaines de lutte.

La Chine qui est une île, au sensgéopolitique du terme, ne dispose

* Hugues EUDELINE. Ancien élève de l’École navale (EN 72), Hugues Eudeline est MSc en Managementet docteur en histoire. Consultant international, il se consacre à des recherches sur la géopolitiqueet la géostratégie de la puissance et de la violence maritimes. Capitaine de vaisseau dans la réserve opé-rationnelle, il est rattaché au Centre d’études stratégiques de la Marine. Il est membre de l’Académieeuropéenne de géopolitique et membre correspondant de l’académie Royale de Marine suédoise.

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La Marine chinoisepeut-elle rattraperla Marine américaineet si oui, à quelleéchéance, ou ne restera-t-elle plutôt qu’une forceà haut potentielde nuisance ? Analyse.

GÉOPOLITIQUE

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Les enseignementsde l’histoire

Au XIXe siècle, refermée sur elle-même, la Chine n’est pas préparéeà une confrontation avec les puissances industrialisées. Minée par

d’incessantes révoltes qui privent son trésor du revenu des impôts etfont beaucoup plus de victimes que les guerres avec les étrangers1,elle subit l’humiliation du démembrement d’une partie de son terri-toire par les Occidentaux et les Japonais2. Sur mer, la Marine chinoisesubit une série de défaites écrasantes. Les premières sont la consé-quence du contentieux franco-chinois à propos de la suzeraineté surl’Annam. L’amiral Courbet qui commande les forces en Indochineanéantit l’escadre chinoise – 4 petits croiseurs, 2 avisos, 3 des 5 ca-nonnières, 7 canots à vapeur porte-torpilles et 11 jonques de guerre –le 23 août 1884 à Fou Tchéou, sur la rivière Min. Le 2 octobre 1884, ilprend le port de Kelung à Taïwan et, le 16 février 1885, il parachève savictoire en détruisant avec des canots à moteur portant une torpilleau bout d’une hampe, une frégate et une corvette à Sheï-Poo. Quelquesannées plus tard, le Japon écrase une flotte chinoise, une premièrefois, en 1894, à la bataille navale de Yalu, puis en 1895 en prenant labase navale Qing de Weihaiwei. La Chine disposait alors d’une flotteneuve, moderne, théoriquement plus puissante. Ces défaites sont enparticulier dues à la corruption et au manque de préparation, des pro-blèmes récurrents en Chine. Pour le gouvernement actuel qui a pris en

Par HUGUES EUDELINE*

Combat naval de Fou-Tchéou, 23 août 1884. La Chine du XXIe siècle tente de tirer les leçons de son histoire maritime (peinture de Vignaud, XIXe siècle).

compte les leçons de cette histoire maritime, ces défaites successivessont, entre autres, le résultat d’une infériorité tactique, d’un comman-dement inadapté, d’un manque d’entraînement et de problèmes lo-gistiques. Il ressort que l’argent ne suffit pas, qu’une marine ne s’im-provise pas. Elle est le fruit d’un long processus de maturation, deprise en compte de l’expérience et de la pratique intensive de la mer.

Hugues EUDELINE

1. S. C. M. Paine. The Sino-Japanese War of 1894-1895 (Cambridge University Press, 2003,pages 25-26).2. Le sac du Palais d’Eté (Yuanming Yuan) par les troupes anglaises et françaises le 6 oc-tobre 1860, pendant la deuxième guerre de l’opium est considéré en Chine comme le sym-bole de l’agression étrangère et de l’humiliation. Cet ouvrage extraordinaire qui s’étendaitsur 350 ha au nord-ouest de Pékin recelait d’inestimables trésors. Un groupe de négociateursbritanniques et leurs petites escortes sont arrêtés pendant les pourparlers. Emprisonnés,une vingtaine de soldats britanniques français et indiens sont torturés et tués dans des condi-tions épouvantables. En représailles, Lord Eglin, le commandant des troupes, ordonne ladestruction du Palais d’Été. Victor Hugo, horrifié, s’en fait l’écho dans la lettre au capitai -ne Butler. Un second sac, opéré en 1900 par l’armée alliée, parachève les destructions.

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* David WEBER, University of Abertay, HEC management, Institut des hautes étudesde Défense nationale (IHEDN), s’intéresse depuis de très nombreuses années auxaspects géostratégiques de l’accès aux énergies et aux ressources naturelles.Son parcours professionnel l’a fait voyager autour du monde et son expériencede près de 20 ans à la direction de grands groupes industriels et de création desociétés innovantes lui donne une expertise reconnue sur des questions complexesliées aux problématiques d’approvisionnements stratégiques. Il est l’auteur deTerres rares, avenir industriel et future richesse de l’Europe ?, publié aux Éditionsdu Net. En savoir + : www.terresrares.fr

GÉO-ÉCONOMIE

mondiale en 2013 et un peu moinsde la moitié des réserves mon-diales. Les États-Unis, l’Australie,l’Inde et la Malaisie sont aujour-d’hui les seuls pays produisant unpeu de terres rares bien que plusde quatre cents projets d’explo-ration soient identifiés au niveaumondial. Les projets les plus avan-cés, laissant augurer une exploi-tation rentable, sont développésau Groenland, en Australie, auxÉtats-Unis et en Mongolie.Un besoin estimé à 200000 ton -

nes d’ici trois ans. Ces métaux sontindispensables aux industries high-tech, environnementales et de dé-fense du XXIe siècle car leurs prin-cipales propriétés (aimantation,supra-conduction, catalyse, ampli-fication de couleur ou encore ab-sorption du son), sont pour ainsidire sans équivalent. Du smart-phone à l’éolienne, en passant parles missiles, les moteurs de voitureou la simple pierre à briquet, lesterres rares sont omniprésentes etle seront encore bien davantagedans les années à venir. Le besoinen terres rares est estimé à près de200 000 tonnes d’ici trois ans, à ladouble condition qu’aucun substi-tut crédible ne soit trouvé et quel’économie chinoise continue àcroître d’au minimum 8 % par an…

Le revers de ces métaux est liéà leurs conditions d’exploitation etde transformation. L’environne-ment et les populations paient eneffet un tribut insupportable à leurextraction : paysages défigurés,propagation de fines poussièresde métaux radioactifs, pollutiondes sols et des cours d’eau par lespuissants solvants et acides quientrent dans l’étape de lixiviation,procédé permettant de séparer leminerai. Un des enjeux majeursde l’industrie des terres rares ré-side ainsi dans sa capacité à dé-velopper de nouveaux procédésde séparation métallurgique sanshypothéquer ni le rendement, niles règles environnementales, surl’ensemble du cycle de produc-tion, de la mine au produit final.

La Chine, le plus grand pro-ducteur mondial, a récemment été

Ci-dessous,le site de Mountain Pass aux États-Unis (Californie) exploité par le groupe minier Molycorp. Fermé en 1998, il a été rouvert en 2010.

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Haro sur le monopole chinois

Les terres rares sont un sujetdont le grand public a prisconscience avec l’émergence

en 2011, du différend en mer deChine entre le Japon et la Chine àpropos des îles Senkaku, revendi-

quées par les deux puissances etactuellement sous administrationnippone. De provocations en in-cidents maritimes, le ton est montéet Pékin a mis sous embargo l’ex-portation de ses terres rares versle pays du soleil levant, provo-quant une panique des industriels

nippons dont les usines ont dus’arrêter, faute de composants fa-briqués à partir de ces fameusesterres rares (lire encadré page 35).

Ces terres ne sont en fait pasrares du tout puisque, pour cer-taines d’entre elles, leur présencedans l’écorce terrestre est sensi-blement égale à celle d’autres mé-taux mieux connus comme lecuivre. Leur rareté provient de lacombinaison de deux facteursprincipaux : une substitution trèsdifficile et une production trèsconcentrée géographiquement. LaChine représente encore, à elleseule, 87 % des plus ou moins135 000 tonnes de la production PH

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L’Organisation mondiale du commerce (OMC), saisie par les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, a désavoué la Chine, fin mars 2014, pour ses quotasen matière d’exportation de terres rares, un éventail de dix-sept métauxindispensables à l’industrie du XXIe siècle. La France pourrait trouver son indépendancedans ce domaine dans les profondeurs de son immense espace maritime. Explications.

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Par DAVID WEBER*

Les grandes dates de l’histoiredes terres rares

1787 Carl Axel Arrhenius découvre la première terre rare dans lamine d’Ytterby près de Stockolm (Suède), un minéral noir in-connu qui prendra le nom d’Ytterbium.

1885 Carl Auer, baron de Welsbach, chimiste autrichien, met au pointle manchon à incandescence à partir de nitrate de cerium. C’estla première utilisation d’une terre rare.

1972 Les scientifiques chinois mettent au point des techniques d’ex-traction par fusion et des techniques d’affinage des terres rares.La mine de Bayan Obo (Mongolie intérieure) devient progres-sivement le plus grand site d’extraction de terres rares au monde.

1998 Les États-Unis ferment leur dernière mine de terres rares, àMountain Pass (Californie), en raison d’importations chinoisesbon marché et d’un incident au terme duquel des centaines demilliers de litres d’eau radioactive se sont déversés dans la na-ture.

2006 Les exportations chinoises de terres rares atteignent un som-met (57 400 tonnes) en raison du boom des ordinateurs por-tables, des téléviseurs à écran plat, des smartphones, et de laforte croissance des technologies vertes (véhicules électriques,énergie éolienne).

2010 Devant l’accroissement de la demande en terres rares, le groupeminier Molycorps est autorisé à relancer la production sur lesite américain de Mountain Pass.

2011 Ouverture en Australie de la mine de Mount Weld (Australieoccidentale), le plus grand gisement de terres rares hors deChine exploité par la société australienne Lynas Corp avec pourobjectif l’extraction de 20 000 tonnes par an.

2012 Les États-Unis, l’Union européenne et le Japon portent plainte,en mars, contre la Chine pour ses quotas d’exportation de terresrares qui léseraient les pays importateurs et seraient contrairesaux règles internationales.

2013 en octobre, le gouvernement groenlandais lève à une voix demajorité l’interdiction qui pesait sur l’extraction de terres rares.Selon les compagnies minières, le Groenland abriterait l’un desplus grands gisements de terres rares hors de Chine.

2020 Selon les experts, la consommation mondiale de terres rarespourrait atteindre les 240 000 tonnes d’ici 2020 en raison de laforte demande en éoliennes, voitures électriques et appareilsélectroniques grand public qui contiennent tous des terres rarescontre 107 000 tonnes en 2006 et 120 000 tonnes en 2012.

Source : www.future.arte.TV

Très bons dossier et documentaire sur le sujet des terres rares.

Terres rares

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Page 6: "Chine, les cinq piliers de la puissance maritime"

née, en 2011, dans la zone écono-mique exclusive japonaise.

Les missions d’évaluation me-nées ces dernières années côtéfrançais par l’Ifremer dans le cadredu programme Remima (REs-sources MInerales MArines), no-tamment dans la zone de Wallis-et-Futuna, semblent prometteuses.

pelons-le, les terres rares) sont en-core au stade du prototype maisne semblent pas constituer unfrein majeur. La France disposede tous les moyens techniquespour réussir, et vue l’étendue deson domaine maritime, la res-source est très certainement dis-ponible sur quelques zones trèsciblées. L’inconnue majeure résidedans les conséquences de cette ex-ploitation sur l’environnementsous-marin et dans la volonté po-litique française et/ou européennede s’y lancer de façon volontaristeet ambitieuse. Chiche? ■

35MARINE&OCÉANS N° 243 - AVRIL-MAI-JUIN 2014

désavouée par l’OMC – saisie parl’Europe, les États-Unis et le Ja-pon – pour sa politique de quotasà l’exportation de terres rares. Elles’abritait derrière le paravent en-vironnemental pour justifierl’étranglement du marché et la fer-meture sur son territoire de plusd’une centaine de mines. Si l’ar-gument écologique est en partiejustifié, il dissimule une autre réa-lité plus inavouable. Ayant cons -taté que ses clients avaient prisconscience de leur dépendance àson égard et (ré)-activaient leurspropres filières de production, laChine a décidé de tout faire pourconserver la maîtrise d’un marchéaujourd’hui encore monopolis-tique mais qui sera demain oligo-polistique. La réorganisation de lafilière autour de quelques grandsacteurs, la fermeture de mines illé-gales qui contribuaient, pour unepart sensible, à des exportationsofficieuses à prix cassés, la poli-tique de constitution de stocks stra-tégiques ainsi que la création d’unebourse chinoise de cotation desterres rares indiquent sa ferme vo-lonté de contrôler ce qui apparaîtcomme étant plus qu’une simplefamille de métaux, un des élémentsde son soft power.

Face à ce défi chinois, les grandespuissances industrialisées dispo-sent d’atouts différents. Dans uncontexte où le prix des terres rarespeut varier du jour au lendemainavec un facteur 20, la capacité etle temps nécessaire à sécuriser unefilière d’approvisionnement plusou moins « nationale » sont, pourelles, des éléments clés de leur in-dépendance stratégique.

Les États-Unis ont relancé, dé-but 2010, en Californie, la produc-tion sur le site de Mountain Pass,fermé en 1998, avec pour objectifde finaliser la construction d’uneunité de séparation, maillon clé duprocessus de production, dans lecadre d’un projet opportunémentbaptisé Phoenix. La société ex-ploitante, Molycorp, soutenue parle gouvernement fédéral améri-cain échaudé de devoir comman-der… en Chine les composants de

commande de ses missiles, a choisiune stratégie d’intégration verti-cale, « de la mine à l’aimant ».

Le Japon ne dispose pas, poursa part, de ressource terrestre éco-nomiquement exploitable mais leseaux de sa zone économique ex-clusive pourraient con tenir desboues à forte teneur en terres rares,notamment celles dites lourdes, lesplus critiques à ce jour car lesmoins présentes en quantité et lesplus demandées par l’industrie.

Entre politique de stockage, par-tenariats internationaux via desprises de participation (en Inde,au Canada, en Afrique…) et pros-pection tous azimuts, le Japon faitfeu de tout bois pour sécuriserl’approvisionnement de ce rouageessentiel de son économie, sus-ceptible, s’il venait à en manquer,d’impacter 40 % de son activitéindustrielle et de lui coûter plu-sieurs point de PIB.

L’Union européenne, de soncôté, a placé les terres rares sur saliste de « métaux critiques » laissanttoutefois chaque État mem brelibre de mener sa propre politiqueen la matière. L’Allemagne, à l’ins-tar du Japon, multiplie les parte-nariats (notamment avec la Mon-golie). La France fait de même avecle Kazakhstan dans le cadre d’unpartenariat stratégique sur lesterres rares et les métaux rares si-gné en septembre 2011. Elle sou-tient également la reprise d’une ac-tivité minière à travers la nouvelle

Compagnie nationale des mines deFrance, annoncée en février 2014par M. Arnaud Montebourg, quiaura la possibilité d’investir dansdes sociétés et des projets d’ex-ploration en France (en métropoleet outre mer) et à l’étranger. «Cette nouvelle compagnie minière,confie le ministre, avec laquellenous rechercherons notamment dulithium, métal fondamental pourles batteries des véhicules élec-triques, contribuera à protéger nosintérêts nationaux. »Missions françaises d’évaluation

prometteuses. Mais la France de-vrait aussi pouvoir compter surson domaine maritime, le secondplus vaste au monde, sur lequel lesoleil ne se couche jamais. Outrele bloc qui lui a été attribué parl’Autorité internationale des fondsmarins en zone Clarion-Clipper-ton, au centre de l’océan Pacifique,pour l’exploration des champs denodules polymétalliques (quicontiennent peu de terres raresmais surtout du manganèse et dufer), ses fonds marins pourraienten effet lui réserver de bonnes sur-prises concernant les « métaux cri-tiques » : terres rares, platinoïdes,cobalt, etc. Surtout si l’on se ré-fère aux 80 milliards de tonnes deterres rares qui reposeraient aufond du Pacifique selon les calculsréalisés par les équipes du pro-fesseur Yasuhiro Kato, de l’Uni-versité de Tokyo, à l’issue d’unevaste campagne d’exploration me-

Page de droite :la France a bon espoir de pouvoir un jour exploiter des gisements de « métaux critiques »(Cobalt, terres rares…) dans les profondeurs de son domaine maritime grâce aux travauxd’explorationmenés par l’Ifremer.

Le Parc éolien en mer de Sheringham Shoal, au large du comté de Norfolk, au Royaume-Uni. Les alternateurs des éoliennes à forte puissance contiennent jusqu’à600kg de néodyme dont l’utilisation accroîtconsidérablement les capacités électromagnétiquesdes aimants.

GÉO-ÉCONOMIE TERRES RARES

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L'Europium, utilisé, entre autres, pour les lasersou les réacteurs nucléaires.

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Lanthane : comme d’autres terres rares il est utilisé pour desalliages magnétiques, dans des composés supraconducteurs,comme composant des phosphores des tubes cathodiques,comme « dopant » dans les cristaux pour lasers, comme composéfluorescent étudié pour les marquages anti-fraude.Cérium : utilisé comme colorant du verre, dans les phosphorespour tubes cathodiques et également pour améliorer l’absorp-tion des rayons X par la dalle des mêmes tubes.Praséodyme : utilisé en pierres à briquet, colorant, aimants, am-plificateur optique.Néodyme : utilisé dans les tubes cathodiques, entre dans la com-position des photophores rouges; en électronique : composi-tion isolante pour les condensateurs « céramique »; accroît les ca-pacités électromagnétiques des aimants utilisés pour lesalternateurs des éoliennes.Prométhium : composés luminescents.Samarium : des condensateurs céramiques utilisent un diélec-trique à base d’oxydes de lanthane, de néodyme ou de samarium.Europium : lasers, réacteurs nucléaires, éclairage, géochimie,phosphores rouges des tubes cathodiques.Gadolinium : substance phosphorescente dans des tubes ca-thodiques.Terbium : substance phosphorescente pour tubes cathodiques :activateur des photophores verts pour tubes cathodiques.Dysprosium : dans les minidisques, on utilise comme matériaud’enregistrement un alliage d’un métal ferromagnétique (fer, co-balt, nickel) avec des terres rares (terbium, gadolinium et dys-prosium).Holmium : laser, teinture du verre, magnétisme, composé su-praconducteur.

Erbium : les amplificateurs optiques à base de fibres dopées er-bium sont devenus un élément standard des réseaux de télé-communications optiques longue distance.Thulium : source de rayonnement, composant pour micro-onde,source de chaleur.Ytterbium : aciers inoxydables, ion actif pour cristaux laser.Lutécium : émetteur de rayonnement β (béta).Scandium : éclairage, marqueur, alliages d’aluminium.Yttrium : photophores rouges des tubes cathodiques, laser YAG,alliages supraconducteurs, briques réfractaires, piles à com-bustible, aimants.

Source : www.geowiki.fr

Utilisation des terres rares

Si c’est un fait avéré pour le co-balt, les terres rares ne devraientpas être en reste. Certaines zonesd’exploration, comme leurs résul-tats, sont d’ailleurs gardés jalou-sement secrets, à dessein.

Les techniques d’extraction engrande profondeur de « métauxcritiques » (dont font partie, rap-