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Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

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Page 1: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital

Humain Général et Subvention Optimale à la

Formation

Pascal Belan ∗ Arnaud Chéron †

10 octobre 2009

Résumé

Ce papier étudie les caractéristiques d'un système optimal de sub-

vention à la formation continue générale. L'étude s'e�ectue dans un

modèle frictionnel du marché du travail avec dépréciation du capital

humain pendant les périodes de chômage et possibilité pour les en-

treprises d'investir dans le capital humain transférable des nouveaux

travailleurs embauchés. Le modèle nous permet d'identi�er deux types

d'externalités, sources de sous-optimalité, mais dont les signes des cor-

rélations avec le taux dépréciation du capital humain di�èrent. Nous

montrons ainsi que, même si le taux de dépréciation pendant les épi-

sodes de chômage augmente, il n'est pas nécessairement optimal d'ac-

croître le taux de subvention à la formation.

∗THEMA, Université de Cergy-Pontoise. Adresse : THEMA, Université de Cergy-Pontoise, 33 boulevard du Port, 95011 Cergy-Pontoise Cedex, France. Tél. : 33(0)1 3425 22 59. Email : [email protected]†GAINS-TEPP, Université du Maine et EDHEC. Adresse : GAINS, Université du

Maine, Avenue O. Messiaen, 72085 Le Mans Cedex 9, France. Tél. : 33(0)2 43 83 3659. Email : [email protected]

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Introduction

En France, des ressources conséquentes sont dirigées vers la formationcontinue : l'ensemble des dépenses avoisinaient 26 milliards d'euros en 2005,soit 1.5% du PIB. L'e�ort consacré à la formation des adultes français (tauxde participation, et nombre d'heures sur l'ensemble de la vie active) se situeau-dessus de la moyenne Européenne et de celle des pays de l'OCDE (Eu-rostat [2008]), en particulier devant l'Italie, l'Allemagne, ou les Etats-Unis,mais derrière le Danemark.

Depuis la loi du 16 juillet 1971, les entreprises ont obligation de formerleurs salariés ou de payer pour l'e�ort général de formation. Cette politiqueconsistant à �former ou payer� impose aux entreprises de consacrer un pour-centage donné de leur masse salariale à la formation continue (1.6% pourles entreprises de plus de 10 salariés, depuis 2005). Depuis la loi Fillon de2004, des comptes individuels de formation complètent ce dispositif donnantà chaque salarié la possibilité d'accumuler des heures de formation (20 heureschaque année, à liquider avant 6 ans). 1 Qu'en est-il de l'e�cacité de ce dis-positif et des dépenses engendrées ?

L'analyse des rendements de la formation a fait l'objet de nombreusesétudes. Il s'agit d'examiner l'impact de l'accès à la formation sur les salaireset les mobilités sur le marché du travail (promotion, transitions chômage-emploi et emploi-chômage) ; Crépon, Ferraci et Fougère [2008] et Chéron,Rouland et Wol� [2009] étudient cette question dans le cas français. Globa-lement, il apparaît que les rendements mesurés sont faibles, voire contrastés.Le rapport de Cahuc et Zylberberg [2006] fait ainsi état de défaillances dansle système de formation professionnelle français, à plusieurs niveaux : �Lesystème français de formation professionnelle est inéquitable pour au moinstrois raisons. Tout d'abord, il pro�te surtout aux salariés les mieux formés etles mieux payés au départ, dont les formations sont �nancées par des salariésmoins bien payés qu'eux. Ensuite, il o�re peu de véritable perspective depromotion sociale. En�n, il ne permet pas aux chômeurs les plus éloignés del'emploi de suivre des formations longues et coûteuses, qui seules pourraientfavoriser leur retour vers un emploi stable.� Selon Cahuc et Zylberberg, cecirend nécessaire une réforme du système de formation professionnelle avecnotamment l'abandon de l'obligation de �former ou payer� remplacée par unsystème de subventions.

1. En juin 2008, les Droits individuels à la formation (DIF) ainsi accumulés sont deve-nus transférables lorsque le salarié change d'entreprise. La liquidation doit cependant sefaire avec l'accord du nouvel employeur et dans les deux années qui suivent le départ del'entreprise où les droits ont été accumulés.

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Ce papier propose un cadre théorique destiné à examiner la nature dessubventions qu'il serait souhaitable de mettre en place. L'objectif est de pro-poser des fondements théoriques à un système optimal de subventions, etd'en examiner les propriétés. Notre étude prend en compte une dimensionessentielle du marché du travail, la dépréciation du capital humain, dont l'in-teraction avec les institutions du marché du travail est apparu comme centraldans l'explication du chômage en Europe. Ljunqgvist et Sargent [1998,2007]ont en e�et souligné que l'augmentation de la fréquence de dépréciation ducapital humain pendant les périodes de chômage (quali�ée de �turbulence�)combinée à la générosité du système d'indemnisation chômage et à la forteprotection des emplois permet de rendre compte du niveau élevé du chômageen Europe depuis le début des années 1980.

Dans ce contexte, quelle place doit-on accorder aux subventions de la for-mation professionnelle ? Vers qui doit-on diriger ces subventions ? L'existenced'une plus grande turbulence économique justi�e-t-elle de renforcer l'ampleurdes subventions ? Ce papier souhaite proposer des éléments de réponse à cesdi�érentes questions.

D'un point de vue théorique, ce travail s'inscrit dans la lignée de travauxmenés depuis Becker [1964] sur l'analyse de l'optimalité des investissementsen formation. 2 Les contributions d'Acemoglu [1997], d'Acemoglu et Pischke[1998,1999a, 1999b] et d'Acemoglu et Shimer [1999] ont conduit à largementrevoir cette conception �Beckerienne� (voir Leuven [2005] pour une revueexhaustive de la littérature). D'un point de vue positif, il peut être dans l'in-térêt des entreprises de �nancer au moins en partie la formation en capitalhumain général transférable des travailleurs. Du fait d'un avantage informa-tionnel ou de son pouvoir de négociation, l'entreprise conserve en e�et unepartie du béné�ce marginal de la formation. D'un point de vue normatif, il enrésulte structurellement un sous-investissement en formation des entreprises,car une partie des gains de la formation revient aux futurs employeurs dusalarié, gains qui ne sont pas pris en compte dans les calculs des deux par-ties aujourd'hui (employeur actuel et salarié). En conséquence, il peut êtreoptimal de subventionner la formation.

A cet égard, une première contribution de notre papier est d'examiner lerôle de la dépréciation du capital humain dans un cadre à la Acemoglu etPischke où le marché du travail est frictionnel et où les agents hétérogènes

2. Becker [1964] introduit la distinction entre capital humain spéci�que et capital hu-main général (transférable). Sur un marché du travail concurrentiel, le capital humaingénéral doit être �nancé par le salarié ; en e�et, avec un salaire égal à la productivitémarginale, le béné�ce marginal de la formation reviendra au salarié dans l'emploi actuelet les emplois futurs.

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sont caractérisés par une productivité que des investissements en formation,transférables et �nancés par l'entreprise, sont susceptibles d'accroître. Cesinvestissements peuvent se déprécier durant les épisodes de chômage subispar les travailleurs. Notre objectif est alors de revisiter l'analyse de la sous-optimalité des investissements en formation en identi�ant le rôle de la tur-bulence dans la dé�nition des subventions optimales.

Nos principaux résultats indiquent tout d'abord qu'il n'est pas nécessaire-ment optimal de subventionner les personnes les moins productives. De plus,il apparaît que, même si les individus qui n'ont pas accès à la formation fontl'objet d'une durée de chômage supérieure, et que la dépréciation du capitalhumain est source d'accroissement du chômage, il peut néanmoins s'avéreroptimal de réduire les subventions à la formation en situation de plus grandeturbulence.

La première section de ce papier présente le modèle théorique et identi�eles e�ets de la dépréciation du capital humain sur les choix de formation etle chômage. La deuxième section analyse le système de subvention optimaleet examine ses propriétés. Une troisième section développe di�érentes ex-tensions du cadre proposé a�n d'étudier la robustesse des résultats obtenus,notamment vis à vis du mode de �xation des salaires.

1 Le modèle

1.1 Environnement et �ux sur le marché du travail

Nous considérons un modèle d'appariement en temps continu. Les �rmessont toutes identiques et proposent chacune un emploi. Les travailleurs sontdi�érenciés par leur aptitude a, distribuée sur l'intervalle [a, a] selon la den-sité f (a). L'aptitude détermine également le niveau de productivité dansl'emploi.

Les entreprises peuvent choisir d'o�rir une formation à leur travailleurpour mettre ses connaissances à jour. Le coût de formation γF est �xe et à lacharge de l'entreprise 3. La formation permet d'augmenter la productivité dutravailleur de a à (1+∆)a, avec ∆ > 0. Pour le travailleur, elle constitue uneamélioration de son capital humain général ; le surcroît de productivité esttransférable dans tout emploi futur. Pour simpli�er l'analyse, nous supposonsque l'expérience accumulée dans un emploi ne permet pas aux travailleursd'accroître son niveau d'aptitude. Soit l'individu a dispose de connaissances

3. Comme les salaires sont négociés, peu importe qui paye le coût de formation, dumoins tant qu'aucune des deux parties ne peut revenir sur le résultat de la négociation(absence de hold-up). Nous reviendrons sur la question du hold-up dans la Section 3.1.

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à jour, ce qui accroît sa productivité d'un montant ∆a, soit il a connu uneforme d'obsolescence de son capital humain, auquel cas sa productivité resteau niveau a. L'obsolescence du capital humain survient dans les périodesde chômage avec probabilité instantanée π. Elle résulte du phénomène deturbulence décrit par Ljungqvist et Sargent [1998] qui consiste en une des-truction substantielle du capital humain après la perte d'emploi (Jacobson& al. [1993], Farber [1997,2005]).

A ce stade, la politique de formation des entreprises consiste simplementà déterminer un seuil d'aptitude a à partir duquel elles choisissent de formerun travailleur nouvellement recruté dans l'éventualité où ses connaissancesne seraient plus à jour. 4 Il s'ensuit que tout chômeur appartient à l'une destrois catégories suivantes : (1) type 0 : individus dont l'aptitude est insu�-sante pour qu'une entreprise juge rentable de les former (a ≤ a) ; (2) type 1 :individus su�samment aptes pour être formés (a ≥ a), mais n'ayant jamaisété formé ou dont les connaissances sont devenues obsolètes ; (3) type 2 : in-dividus su�samment aptes pour être formés (a ≥ a) dont les connaissancessont toujours à jour. A l'état stationnaire, les chômeurs de type 1 sont né-cessairement des individus dont les connaissances sont devenues obsolètes aucours de la dernière période de chômage.

Les taux d'arrivée d'o�res d'emploi sont exogènes et di�érenciés selon queles individus sont su�samment aptes pour être formés ou non :

p(a) =

{p0 si a ≤ ap si a > a

avec p0 ≤ p. 5

Les emplois ont tous le même taux de destruction δ. On note respective-ment les niveaux d'emploi et de chômage de la population d'aptitude a pare (a) et u (a). Comme, à l'état stationnaire, le �ux instantané d'individus en-trant dans le chômage δ (f (a)− u (a)) doit être égal au �ux sortant, p0u (a),pour a ≤ a, et pu (a), pour a > a, on obtient

u(a) = f(a)×{ δ

δ+p0si a ≤ a

δδ+p

si a > a

4. Le cas où l'entreprise décide également d'une intensité de formation est examinédans la section 3.3.

5. Belan et Chéron (2009) proposent une analyse avec taux d'arrivée endogènes fonctionde l'aptitude a. Ils supposent que les entreprises peuvent orienter leur recherche vers unniveau donné d'aptitude, mais sans pouvoir distinguer ex-ante les chômeurs qui ont leursconnaissances à jour (type 2) des autres (type 1). En particulier, ils montrent que le seuild'aptitude a est un point de discontinuité de la fonction de taux d'arrivée p (a) justi�antl'hypothèse p0 < p.

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Pour a ≥ a, le chômage u (a) est composé d'individus de type 1 et de type 2 :u (a) = u1 (a) +u2 (a), for a ≥ a. A l'état stationnaire, le �ux entrant dans lechômage de type 1, πu2 (a), est égal au �ux sortant, pu1(a), ce qui implique

u1(a) = f(a)× δ

δ + p× π

π + p, u2(a) = f(a)× δ

δ + p× p

π + p

En�n, le taux de chômage dans la population entière u =∫ aau(a)da est

u =δ

δ + p+ F (a)

δ(p− p0)

(δ + p)(δ + p0)(1)

où F est la fonction de répartition associée à f . Le chômage augmente avecla fraction d'individus insu�samment aptes pour être formés F (a). Commenous le verrons dans la suite, la turbulence, qui se manifeste par une plusgrande probabilité de perdre du capital humain en période de chômage, aurapour conséquence d'augmenter le seuil de formation a et par voie de consé-quence, le chômage.

1.2 Comportements

1.2.1 Décision de formation des entreprises

La valeur d'un emploi pourvu dépend de l'aptitude du travailleur recrutéet de son type. Notons cette valeur Ji(a), i ∈ {0, 1, 2}. Si l'employé est detype 0 (a ≤ a), la production instantanée est a. S'il est de type 1 ou 2 (a ≥ a),le fait d'être formé augmentera sa productivité et la production instantanéedevient (1 + ∆) a. Les équations de Bellman correspondantes s'écrivent

rJ0(a) = a− w0(a)− δJ0(a)

rJi(a) = (1 + ∆)a− wi(a)− δJi(a), i ∈ {1, 2}

où r est le taux d'intérêt, et wi (a), i ∈ {0, 1, 2}, le taux de salaire dans lesemplois de type i.

La politique de formation des entreprises consiste simplement à détermi-ner le seuil d'aptitude a à partir duquel il devient pro�table de former untravailleur nouvellement recruté. Cette aptitude critique est dé�nie par

J1(a) = J0(a) + γF

qui équivaut à∆a

r + δ=w1(a)− w0(a)

r + δ+ γF (2)

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La condition (2) indique que l'entreprise forme le travailleur si et seulementsi l'espérance de la somme actualisée des gains de productivité couvre ledi�érentiel de salaire et le coût �xe de formation. Comme nous supposonsque l'e�cacité de la formation ∆a augmente avec l'aptitude du travailleur, ilest possible que les individus les moins aptes ne soient jamais formés.

1.2.2 Négociation sur les salaires

La négociation des salaires selon le critère de Nash généralisé est unehypothèse aujourd'hui largement débattue. Les travaux de Shimer [2005] etHall et Milgrom [2008] ont notamment mis à mal la pertinence empiriquede ce mode de négociation. En e�et, selon Shimer (2005), le modèle d'ap-pariement standard n'explique pas la volatilité observée du ratio du nombred'emplois vacants au nombre de chômeurs. Est critiquée la rigidité dyna-mique insu�sante du salaire négocié selon le critère de Nash généralisé. Pourcette raison, nous adoptons ici une autre forme de négociation, résultat d'unjeu stratégique alternatif introduit par Hall et Milgrom [2008] 6.

La production domestique en cas de chômage (notée b) est supposée ho-mogène quelle que soit l'aptitude de l'individu et inférieure à la productionmarchande des individus (b ≤ a).

Les valeurs respectives de l'emploi et du chômage sont notées Ei (a) etUi(a), i ∈ {0, 1, 2}. Pour les individus de faible aptitude (a ≤ a), les équationsde Bellman à l'état stationnaire s'écrivent

rU0 (a) = b+ p0 (E0 (a)− U0 (a)) (3)

rE0 (a) = w0 (a)− δ (E0 (a)− U0 (a)) (4)

Pour les individus d'aptitude a ≥ a, les équations de Bellman deviennent

rU1 (a) = b+ p (E1 (a)− U1 (a)) (5)

rU2 (a) = b+ p (E2 (a)− U2 (a))− π (U2 (a)− U1 (a)) (6)

rE1 (a) = w1 (a)− δ (E1 (a)− U2 (a)) (7)

rE2 (a) = w2 (a)− δ (E2 (a)− U2 (a)) (8)

Tout individu de type 1 ou 2 qui perd son emploi devient chômeur de type 2puisqu'il conserve le béné�ce de sa formation. Néanmoins, ses connaissancespeuvent devenir obsolètes avec une probabilité instantanée π, ce qui en feraitun chômeur de type 1.

6. Voir Belan et Chéron [2009] pour une analyse avec une négociation standard à laNash dans un cadre théorique équivalent à celui développé ici. Les principaux résultatsapparaissent robustes à l'hypothèse de négociation retenue.

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La principale di�érence entre l'hypothèse de négociation à la Nash etle concept de négociation stratégique réside dans le point de menace. Nousconsidérons qu'au cours du processus de négociation, le point de menace destravailleurs n'est pas la valeur du chômage mais une valeur d'attente Di,i ∈ {0, 1, 2}, qui satisfait

rDi (a) = b+ δ (Ui (a)−Di (a)) (9)

Pour les travailleurs de type 1, nous supposons que la négociation a lieu avantla formation de l'individu. Dès lors, si la négociation échoue, le travailleurredevient chômeur de type 1.

Les salaires sont solutions des règles de partage suivantes

βJ0 (a) = (1− β) (E0 (a)−D0 (a)) (10)

β (J1 (a)− γF ) = (1− β) (E1 (a)−D1 (a)) (11)

βJ2 (a) = (1− β) (E2 (a)−D2 (a)) (12)

ce qui conduit aux salaires négociés suivants

w0(a) = βa+ (1− β)b (13)

w1 (a) = β [(1 + ∆)a− (r + δ) γF ] + (1− β) [b− δ (U2 (a)− U1 (a))](14)

w2 (a) = β (1 + ∆) a+ (1− β) b (15)

avec

U2 (a)− U1 (a) =β (r + δ) p

r + π (r + δ) + βpδγF

On retrouve le résultat habituel selon lequel les salaires sont une moyennepondérée de la production (nette d'un éventuel coût de formation) et dusalaire de réservation du type de travailleur considéré. Pour les individus detype 1, le salaire de réservation est égal à la production domestique b auquelest retranché un terme proportionnel au gain qu'il y a pour un chômeurd'avoir ses connaissances à jour, U2 (a) − U1 (a). Les chômeurs de type 1anticipent le gain d'avoir été formé en cas de nouvelle perte d'emploi ; ilsprennent donc en compte le di�érentiel d'utilité du chômage pondéré par letaux de séparation δ (équation (14)), ce qui réduit leur salaire de réservation.On observe ainsi qu'une période de chômage marquée par une perte de capitalhumain général réduit les perspectives de salaires au moment de la reprised'emploi : w1(a) < w2(a).

Par ailleurs, le gain d'utilité lié au fait d'être un chômeur dont les connais-sances sont à jour augmente avec le pouvoir de négociation des travailleurs βet diminue avec le taux de dépréciation du capital humain π. Ce dernier e�et

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traduit le fait qu'une plus grande turbulence réduit l'avantage comparatifdes travailleurs de type 2. L'e�et du pouvoir de négociation doit quant à luise lire comme une �meilleure� internalisation du coût de formation par lestravailleurs lors de la négociation des salaires (équation (14)).

1.3 Formation et turbulence

A l'état stationnaire, l'équilibre du marché du travail est caractérisé parun seuil d'aptitude a au-dessus duquel les individus seront formés dès l'em-bauche s'ils ont connu une détérioration de leur capital humain au cours dela période de chômage. Notre objectif est principalement d'analyser l'e�et dela turbulence sur le seuil a. Nous commençons par supposer que les contratssont non-renégociables.

Proposition 1. En l'absence de hold-up, le seuil d'aptitude a d'équilibre àpartir duquel les entreprises décident de former leurs travailleurs véri�e

∆a =r + π (r + δ)

r + π (r + δ) + βpδ(r + δ) γF (16)

Démonstration. En substituant w0(a) et w1(a) dans (2) par leurs expressions(13) et (14), on obtient la caractérisation de a donnée ci-dessus.

Corollaire 1. Pour r → 0, le seuil d'aptitude a est tel que

∆a = γFδπ

π + βp(17)

Notons tout d'abord que si ∆a < γFδπ

π+βpalors a > a et certains tra-

vailleurs n'ont pas accès à la formation. Ceci survient si le coût de formation,γF , est su�samment élevé. Plus précisément, pour β = 0, la condition de-vient simplement γF > ∆a

δ, i.e. si le coût de formation est plus grand que

le gain minimal de productivité sur la durée espérée d'emploi, alors certainschômeurs sont exclus de la formation. Pour β > 0, les travailleurs de type1, qui internalisent les bienfaits de la formation actuelle en gains salariauxsupérieurs dans le futur (w2(a) > w1(a)), sont prêts à accepter un salaire rela-tivement plus faible ; ceci tend à augmenter le support des aptitudes éligibles.Plus β est grand, plus la part des travailleurs éligibles augmente.

Propriété 1. La part des chômeurs formés (le taux de chômage) décroît(croît) avec la turbulence.

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Démonstration. D'après la Proposition 1, il vient immédiatement que a croîtavec π. De plus, l'équation (1) implique que u est positivement lié à la fractiondes travailleurs, (1 − F (a)), qui ont accès à la formation, ce qui conclut lapreuve.

L'e�et de la turbulence sur la politique de formation des entreprises ré-sulte de son incidence sur le di�érentiel de salaires w1(a) − w0(a) (d'aprèsl'équation (2)). Une plus grande turbulence (augmentation de π) réduit legain relatif qu'un chômeur attribue au fait d'avoir des connaissances à jourplutôt qu'obsolètes (U2 (a) − U1 (a)). Le salaire de réservation des individusde type 1 s'en trouve donc revalorisé, ce qui tend à augmenter le di�érentielde salaire w1(a) − w0(a) et augmente le seuil minimal d'aptitude pour êtreformé a. En d'autres termes, la turbulence décourage les entreprises dans leure�ort de formation en augmentant le point de menace des individus de type1 lorsqu'ils négocient leur salaire. Dès lors, la part des travailleurs qui n'ontpas accès à la formation augmente. Comme ils ont aussi une probabilité desortie du chômage plus faible, le taux de chômage total augmente.

2 Subventionner la formation

La turbulence accroît donc le chômage en réduisant l'e�ort de formationdes entreprises. Dans la présente section, nous montrons qu'une subventionde la formation permet de contrecarrer ce phénomène et de décentraliserl'optimum de premier rang. Nous analysons également comment le système desubvention est a�ecté par une augmentation (permanente) de la turbulence,modélisée comme une augmentation de la probabilité instantanée π de pertede capital humain pendant les périodes de chômage.

2.1 Formation optimale

Nous nous plaçons dans le cas r → 0, et examinons les situations d'étatsstationnaires. Le problème du plani�cateur consiste à maximiser la produc-tion stationnaire nette des coûts de formation en choisissant le seuil d'ap-titude optimal à partir duquel les individus nouvellement embauchés serontformés. Le problème s'écrit donc :

maxa?

∫ a?

a

a(f(a)− u (a))da+ (1 + ∆)

∫ a

a?

a(f(a)− u (a))da

+b

∫ a

a

u (a) da− γFp∫ a

a?

u1 (a) da

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où les niveaux de chômage sont obtenus à partir des équilibres de �ux à l'étatstationnaire :

u(a) = f(a)×{ δ

δ+p0si a ≤ a?

δδ+p

si a > a?, u1 (a) = f (a)

δ + p

)(π

π + p

)pour a > a?

(18)

Proposition 2. Le seuil d'aptitude optimal à partir duquel les individusdoivent être formés est caractérisé par (pour r → 0)

∆a? = γFδπ

π + p− (a? − b)δ

p

(p− p0

δ + p0

)< ∆a (19)

Nous nous intéressons ici aux cas où le seuil optimal a? est supérieur à a.Sans quoi, l'optimum serait a? = a. Autrement dit, il est optimal de ne pas

former tous les individus si ∆a < γFδππ+p− (a − b) δ

p

(p−p0δ+p0

). Cette condition

sera satisfaite pour un coût de formation su�samment élevé par rapport auseuil minimal d'aptitude.

Propriété 2. Le seuil d'aptitude optimal a? croît avec la turbulence.

L'augmentation de la turbulence réduit le rendement social espéré de laformation ce qui conduit le plani�cateur à diminuer la part des travailleursformés.

Mais, quelque soit le niveau de turbulence, le seuil d'aptitude optimal dé-�ni par l'équation (19) est toujours plus faible que le seuil d'équilibre (équa-tion (16)). Il existe deux raisons à cela, correspondant à deux externalitésdi�érentes. Pour isoler chacune de ces externalités, nous considérons les deuxcas extrêmes suivants : (i) p = p0 et (ii) p > p0 = 0.

2.1.1 Externalité de "poaching"

Propriété 3. Soient p0 = p et r → 0, le seuil de formation optimal devient

∆a? = γFδπ

π + p(20)

dont on déduit a > a? si β < 1.

Le mécanisme qui conduit ici les entreprises à sous-investir dans la for-mation est en fait similaire à celui mis en évidence par Acemoglu [1997],caractérisant une "poaching externality" (externalité liée au débauchage).Le fait de former un travailleur n'augmente pas seulement la productivitédans l'emploi actuel. Les futurs employeurs pourront également béné�cier

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de cette formation si pendant la période de chômage entre deux emplois, letravailleur ne connaît pas de destruction de son capital humain. Ainsi, aumoment du choix de formation, les entreprises n'internalisent pas la totalitédu gain social lié à la formation. Contrairement à l'employeur qui le forme,le travailleur est en mesure d'internaliser une partie des gains futurs, unepartie seulement car, sous l'hypothèse β < 1, il ne recevra qu'une fractiondes surplus générés par la formation. Le reste reviendra à un employeur futuravec lequel il est impossible de contracter aujourd'hui. Les équations (17) et(20) montrent d'ailleurs clairement que lorsque β tend vers 1, le seuil optimala? et le seuil d'équilibre a tendent à devenir égaux.

2.1.2 Externalité de "chômage"

Propriété 4. Soient p0 = 0 et r → 0, le seuil d'aptitude optimal satisfait

∆a? = γFδπ

π + p− (a? − b) (21)

dont on déduit a > a?, ∀β ∈ [0, 1]

Le cas particulier p0 = 0 met en évidence une externalité supplémentairequi apparaît dès que p0 est strictement inférieur à p, i.e. dès que la probabi-lité de contact des individus insu�samment aptes pour être formés devientplus faible que celle des travailleurs d'aptitude plus élevée. Les entreprisesn'internalisent pas l'impact de la formation sur le taux de chômage. Quandp0 = 0, refuser l'accès à la formation aux individus de faible aptitude conduità les exclure de l'emploi ; la perte sociale s'élève donc à a− b. Les entreprisesne tiennent pas compte de cette perte contrairement au plani�cateur. Dèslors, il est clair que l'externalité liée à l'incidence macroéconomique sur lechômage des décisions individuelles de formation sera d'autant plus forte quela di�érence entre la production dans l'entreprise, au niveau du seuil de for-mation, et la production domestique est élevée i.e. le coût social augmenteavec a− b.

Dans les situations où la probabilité de contact des travailleurs de type0 est strictement positive (0 < p0 < p), les entreprises n'internalisent pas lefait qu'en refusant l'accès à la formation aux individus de faible aptitude, ilsresteront au chômage en moyenne plus longtemps, ce qui accroît le chômageglobal et réduit la production par rapport à son niveau optimal.

Propriété 5. Pour tout p0 ≤ p, le chômage d'équilibre est plus grand qu'àl'optimum.

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Démonstration. La propriété est immédiate en remarquant que a? < a et qued'après l'équation (1) il existe une relation positive entre le taux de chômageu et le seuil de formation a.

Autrement dit, comme les entreprises ne forment pas su�samment detravailleurs, un trop grand nombre d'individus se retrouvent avec un faibletaux de sortie du chômage.

2.2 Turbulence et subvention optimale

Nous nous intéressons à présent à la politique optimale en matière de sub-vention de la formation. Notre objectif est d'étudier comment la turbulencea�ecte le taux de subvention. Une plus grande turbulence conduira-t-elle àaugmenter ou réduire le taux de subvention ? Nous verrons qu'il existe en faitdeux e�ets contraires de la turbulence sur la subvention qui correspondentchacun à une des deux externalités vues précédemment.

Le gouvernement subventionne la formation au moment de la création del'emploi, en �nançant une fraction s du coût �xe γF . Une taxe forfaitaire Tpayée par les entreprises sur chaque emploi permet d'équilibre le budget 7.Dès lors, pour équilibrer le budget de l'Etat on a

T = sγFp∫ aau2(a)da∫ a

a(1− u(a))da

(22)

La subvention permet de réduire le seuil d'aptitude d'équilibre a. En suppo-sant r = 0, le seuil a est caractérisé par

∆a =πδ

π + βpγF (1− s) (23)

Il existe un taux de subvention s? optimal permettant de décentraliser l'op-timum de premier rang, i.e. tel que a = a?, et garantir un taux de chômageoptimal. Les équations (19) et (23) impliquent en e�et

s∗ =(1− β) p

π + p+

δp

(p−p0δ+p0

)∆ + δ

p

(p−p0δ+p0

) [π + βp

π + p− ∆b

δγF

(π + βp

π

)](24)

Les deux externalités vues précédemment a�ectent di�éremment le niveaudu taux de subvention.

7. Nous envisageons la question de taxes distordantes dans le Section 3.2.

13

Page 14: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

2.2.1 Subventions et externalité de poaching

Proposition 3. Soit r → 0 et p0 = p, le taux de subvention optimal est telque

s? = (1− β)

(p

π + p

)et décroît avec la turbulence.

Il est optimal de subventionner la formation dès que β < 1. En outre,quand la turbulence est forte, l'externalité de "poaching" diminue. En e�et,le béné�ce pour les futurs employeurs d'une formation dans l'emploi actuelest plus fréquemment perdu au cours des périodes de chômage. Au fur et àmesure que la turbulence augmente, les rendements privés et sociaux de laformation tendent vers une même valeur, ce qui réduit l'externalité identi�éepar Acemoglu et le taux de subvention. Lorsque π → ∞, l'individu forméperd tout béné�ce lié à la formation dès qu'il perd son emploi ; le capitalhumain devient spéci�que à l'emploi courant. Dans ce cas, à l'équilibre, leseuil d'aptitude pour la formation et le taux de chômage correspondent àleurs valeurs optimales. La subvention optimale devient nulle.

Du point de vue de l'externalité de poaching, il est donc optimal de moinssubventionner lorsque la turbulence augmente.

2.2.2 Subventions et externalité de chômage

Proposition 4. Soit r → 0, p0 = 0 et β = 1, le taux de subvention optimaldevient

s? =1

∆ + 1

[1− ∆b

δγF

(π + p

π

)]et croît avec la turbulence.

En supposant β = 1, on s'a�ranchit de l'externalité �à la Acemoglu�.On se concentre donc sur l'externalité liée à l'incidence macroéconomiquedes décisions individuelles de formation sur le chômage. A l'équilibre, uneplus grande turbulence a pour e�et d'augmenter le seuil d'aptitude pour laformation. La perte sociale en termes de production a− b s'accroît. Le plani-�cateur en tient compte dans le calcul du seuil optimal, mais les entreprisesn'internalisent pas ce phénomène 8. L'écart entre seuil optimal et seuil d'équi-libre grandit donc avec la turbulence. En conséquence, le taux de subventionoptimal augmente.

8. Rappelons que, si p0 = p, le taux de chômage u ne dépend plus de a. Une plus grandeturbulence n'a alors aucune incidence sur le chômage.

14

Page 15: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Figure 1 � Turbulence et taux de subvention optimale

0p

p

0

*

<ds( )minπΦ

minπ

( )πΦ

π

0<πd

0

*

>πd

ds

Il est n'est donc pas évident qu'une plus grande turbulence conduise àaccroître la subvention pour la formation. L'e�et net de la turbulence surle taux de subvention est ambigu et dépend de l'importance relative desdeux externalités. La Figure 1 nous donne une représentation, dans le plan(π, p0), des zones où le signe de ds∗

dπest positif et négatif. La fonction Φ décrit

l'ensemble des valeurs de π et p0 pour lequelles ds∗

dπ= 0 9. Au dessus de la

courbe Φ, une augmentation de la turbulence aura un e�et négatif sur letaux de subvention ce qui signi�e que l'externalité à la Acemoglu est l'e�etdominant. A contrario, en dessous de la courbe Φ, l'externalité de chômagedomine, ce qui conduit à un e�et positif de la turbulence sur le taux desubvention. Dès lors :

� Pour des valeurs de p0 comprises entre 0 et Φ(πmin

), une situation avec

faible turbulence appelera une augmentation de la subvention lorsquela turbulence s'accroît (l'externalité de chômage domine). L'e�et seraen revanche inversé pour des valeurs élevées de la turbulence.

9. L'expression et l'étude de la fonction Φ sont données en Annexe. On suppose a = b.La condition π ≥ πmin assure que a∗ et a sont plus grands que b. La Figure 1 est e�ectuéesous l'hypothèse Φ

(πmin

)> 0, ce qui équivaut à (1− β) ∆2b < βδγF . Dans le cas contraire,

ds∗

dπ < 0, pour toute valeur de π ≥ πmin.

15

Page 16: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

� Pour des valeurs de p0 comprises entre Φ(πmin

)et p, une plus grande

turbulence se traduira toujours par une baisse de s∗.

3 Robustesse et Extensions

L'objectif de cette section est double. D'une part, il s'agit d'examiner larobustesse des résultats obtenus vis à vis du processus de négociation, enlevant l'hypothèse implicite d'engagement contractuel crédible. D'autre part,cette section vise à généraliser nos résultats en tenant compte de la possibilitéde �nancement du système de subvention par des taxes distordantes et d'unedécision de formation incluant une variable de choix d'intensité.

3.1 Hold-up et subvention optimale

La solution du jeu de négociation présenté précédemment implique queles travailleurs recrutés avec des connaissances à jour (type 2) ont à l'équi-libre un salaire plus élevé que ceux que les entreprises choisissent de for-mer (type 1), i.e. w1(a) < w2(a). Les individus de type 1, une fois for-més, ont donc tout intérêt à demander une renégociation du salaire tenantcompte de leur nouveau statut. En l'absence d'engagement contractuel cré-dible, comme ceux envisagés par Malcomson [1997], un problème de hold-upapparaît. 10 S'il est impossible d'empêcher toute renégociation des contratssalariaux, le salaire des individus de type 1 est le produit d'une négociationqui a lieu une fois l'individu formé. La règle de partage du surplus pour lestravailleurs de type 1 n'intègre donc plus le coût de formation ; elle s'écrit

βJ1 (a) = (1− β)(E1 (a)− D1 (a)

)où D1 est la valeur de l'attente qui sa-

tisfaitrD1 (a) = b+ δ

(U2 (a)− D1 (a)

).

Comme la négociation est à présent postérieure à la formation, le travailleurdeviendra chômeur de type 2 en cas d'échec de la négociation. Dès lors, leprocessus de négociation des salaires conduit à

w1 (a) = w2 (a) = β (1 + ∆) a+ (1− β) b ≡ wh (a) (25)

où wh (a) est le salaire obtenu par tous les travailleurs d'aptitude a ≥ a.

10. Acemoglu et Shimer (1999) ont déjà souligné ce point dans un contexte où les entre-prises investissent en capital physique. Chéron (2005) considère également le cas de coûtsde formation.

16

Page 17: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Le caractère incomplet du contrat constitue donc également une sourced'ine�cacité, qui joue un rôle important dans la caractérisation de la poli-tique optimale de formation. Il apparaît notamment que l'e�et de la turbu-lence sur la subvention ne présente plus aucune ambiguité. Pour le voir, nousconsidérons le cas où l'externalité de chômage serait la plus forte, i.e. p0 = 0.

Proposition 5. Soit r → 0 et p0 = 0. Avec subvention, en l'absence d'enga-gement contractuel, le seuil d'aptitude à l'équilibre devient ∆ah = δ

1−β (1− s) γF .Le taux de subvention optimal est

s?? = 1− (1− β)∆

∆ + 1

π + p+

b

δγF

)> s? (26)

et décroît avec π.

Démonstration. Le résultat découle immédiatement de l'expression de ah etde l'équation (19).

On constate tout d'abord que le phénomène de hold-up introduit une nou-velle source d'ine�cacité qui accroît le taux optimal de subvention. En outre,ce dernier est, sans ambiguïté, décroissant avec probabilité π de dépréciationdu capital humain pendant les épisodes de chômage. En e�et, le seuil optimalde formation décroît avec cette probabilité, mais le seuil choisi par les en-treprises est quant à lui indépendant de π. L'optimum se rapproche donc dela situation d'équilibre à mesure que π augmente. Ce phénomène s'expliquede la façon suivante. Le salaire d'équilibre avec possibilité de hold-up estle même que l'individu ait ses connaissance à jour ou non. Il n'existe doncplus de coût lié à l'obsolescence du capital humain pendant un épisode dechômage. Dès lors, les salaires et la part de la population formée deviennentindépendants de la probabilité de dépréciation du capital humain.

3.2 Taxes distordantes

Nous nous interrogeons maintenant sur les modalités de �nancement dusystème de subvention optimale proposé. Jusqu'à présent nous avons consi-déré que l'Etat était en mesure de prélever un impôt forfaitaire sur l'ensembledes employés. Il est par exemple possible d'enrichir ce système de �nancementen considérant que le gouvernement dispose de deux prélèvements, potentiel-lement indexé sur le type d'emploi i : on note Ti une taxe forfaitaire et ti unetaxe proportionnelle au salaire.

17

Page 18: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Considérons tout d'abord t1 = t2 = t et T1 = T2 = T , en focalisant l'at-tention sur une politique consistant à taxer di�éremment les emplois pourvuspar des travailleurs qui n'ont jamais accès à la formation (T0 6= T et t0 6= t).

Les valeurs d'emplois occupés et les règles de partage sont modi�ées dela façon suivante (pour r → 0) :

δJ0(a) = a− T0 − w0(a)(1 + t0) (27)

δJi(a) = (1 + ∆)a− T − wi(a)(1 + t) i ∈ {1, 2} (28)

βJ0 (a) = (1− β) (E0 (a)−D0 (a)) (1 + t0) (29)

β (J1 (a)− γF (1− s)) = (1− β) (E1 (a)−D1 (a)) (1 + t) (30)

βJ2 (a) = (1− β) (E2 (a)−D2 (a)) (1 + t) (31)

L'équilibre avec politiques �scales est caractérisé par un seuil d'aptitude pourla formation qui satisfait (cf Annexe)

∆a = T − T0 + b(t− t0) +πδ

π + βpγF (1− s) (32)

� Si les taxes sont homogènes sur tous les emplois (T0 = T et t0 = t),le seuil d'aptitude a ne dépend pas des taxes. En e�et, l'écart de coûtsalarial ((1+ t)wi(a)+T , i ∈ {0, 2}) entre les emplois de type 1 et ceuxde type 0 ne dépend alors plus des taxes.

� Plaçons nous à présent dans la situation où les individus n'ayant jamaisaccès à la formation (a < a) ne participent pas à son �nancement, i.e.T0 = t0 = 0. Supposons en outre T1,2 = T et t1,2 = 0. On obtient alors

∆a = T +πδ

π + βpγF (1− s) (33)

T =πδ

π + psγF (34)

Pour p0 = p, il vient immédiatement que la subvention optimale devracouvrir la totalité du coût de formation : pour s? = 1 on déduit ∆a =∆a?.

Di�érentes con�gurations de �nancement sont bien entendu envisageables.Toutefois, les scenarii envisagés mettent en évidence que le �nancement desaides à la formation par les seules personnes qui en béné�cient nécessitentd'accroître le taux de subvention a�n de recouvrer l'e�cacité.

3.3 Choix de l'intensité de la formation

Il est également possible d'étendre notre analyse en considérant que l'en-treprise décide de l'intensité de la formation d'un travailleur d'aptitude a.

18

Page 19: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Supposons pour cela que le coût de formation se décompose en un coût �xeγ et un coût variable dépendant du facteur ∆, i.e. γF = γ+c(∆), avec c′ > 0.On suppose que les rendements de la formation sont décroissants (c′′ ≥ 0).On introduit deux taux de subvention, s0 pour le coût �xe γ et s∆ pour lecoût variable c(∆). Les valeurs des emplois pourvus s'écrivent donc

J0(a) =a− w0(a)− T

r + δ(35)

J1(a) = max∆

{a (1 + ∆)− w1(a)− T

r + δ− [γ(1− s0) + c(∆)(1− s∆)]

}(36)

J2(a) =a− w2(a)− T

r + δ(37)

Les décisions des entreprises sont maintenant caractérisées par un seuil d'ap-titude a et une intensité de formation ∆(a) pour chaque niveau d'aptitudea.

L'intensité choisie par l'entreprise maximise la valeur d'un emploi pourvuJ1(a) ; elle est caractérisée par la condition du premier ordre obtenue dansl'annexe C après calcul des salaires issus de la négociation :(

r + δ − δβp

r + π + βp

)(1− s∆)c′(∆) = a (38)

La convexité de la fonction de coût (c′′ ≥ 0) implique que l'intensité deformation (i) croît avec l'aptitude a, (ii) décroît avec la turbulence π, et (iii)croît avec le terme βp. Le résultat (ii) provient du fait que la valeur relatived'une connaissance à jour pour le chômeur est plus faible, ce qui conduit àun salaire de réservation plus grand pour les individus de type 1.

Le seuil d'aptitude à partir duquel les entreprises o�rent une formationune formation à leurs employés égalise les valeurs des emplois de type 0 etde type 1 :

J0(a) = J?1 (a), (39)

où J?1 (a) est la valeur de l'emploi de type 1 pour l'intensité de formationoptimale.

Proposition 6. Supposons c(∆) = ∆2

2et r → 0. La politique de formation

des entreprises est dé�nie par le couple(a, ∆(a)

)solution de

a =

(δπ

π + βp

)√2γ (1− s0) (1 + s∆)

∆(a) =a

1− s∆

(π + βp

δπ

)

19

Page 20: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Démonstration. La caractérisation de ∆(a) se déduit immédiation de la condi-tion du premier ordre des entreprises (38). L'expression du seuil de formationa se déduit de (39) en utilisant les expressions des valeurs des emplois (35)et (36), des salaires négociés (donnés dans l'annexe C) et de l'intensité opti-male.

Sans coût �xe (γ = 0), tous les travailleurs auraient accès à la formation(a = 0), même si l'intensité augmentait de façon continue de a

(π+βpδπ

a(π+βpδπ

).

Proposition 7. Supposons c(∆) = ∆2

2et r → 0. Si p = p0, le système de

subvention optimal véri�e

s?0 = s?∆ = (1− β)p

π + p> 0

Démonstration. Le résultat s'obtient en confrontant la caractérisation del'équilibre (Proposition 6) et celle de l'optimum (annexe C).

Cette proposition illustre que le sous-investissement en formation est su-périeur pour les travailleurs les plus aptes, ce qui conduit à l'instauration deplus grandes subventions les concernant.

4 Conclusion

L'objet de cet article était d'étudier les propriétés d'un système de sub-vention optimal dans un contexte où la dépréciation de capital humain géné-ral pendant des épisodes de chômage est source d'accroissement du chômagemacroéconomique.

S'il n'est pas souhaitable de subventionner tous les emplois, il apparaîten e�et que les subventions se justi�ent dans une perspective d'optimalitéde premier rang. Les entreprises sous investissent en formation parce qu'ellesn'internalisent pas les rendements de cette formation, pour les autres entre-prises, mais aussi sur les durées de chômage induites pour les travailleurs encas de destruction d'emploi. Pour autant, notre étude souligne qu'une plusgrande turbulence économique, se traduisant par des dépréciations de capitalhumain plus fréquentes, ne justi�e pas nécessairement d'augmenter l'e�ortcollectif de subventions. Nous avons montré qu'il pouvait être souhaitabled'accroître le taux de subvention de la formation dans un contexte où lesindividus non formés (avec des connaissances obsolètes) font véritablementl'objet de durées de chômage plus importantes.

20

Page 21: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

Ce travail devrait être approfondi dans plusieurs directions. On noteraen particulier la prise en compte de la possibilité pour les travailleurs deprogresser dans la distribution des aptitudes, ce qui permettrait de proposerune approche dynamique des subventions à la formation, complémentaire àla présente étude.

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Page 22: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

A E�et de la turbulence sur la subvention op-

timale

On suppose a = b. On s'intéresse aux situations où a∗ > b, ce qui équivautà

δπ

π + pγF > ∆b

et dé�nit une borne inférieure sur la probabilité de perte de capital humain :π ≥ πmin. On peut remarquer que π ≥ πmin implique a ≥ b.

En dérivant l'expression de la subvention optimale

s∗ =(1− β) p

π + p+

δp

(p−p0δ+p0

)∆ + δ

p

(p−p0δ+p0

) [π + βp

π + p− ∆b

δγF

(π + βp

π

)]par rapport à π,on obtient que ds∗

dπ> 0 équivaut à

p0 < Φ (π) ≡ p+ δ

1 + (1−β)pβ

(ππ+p

)2γF

b

− δ

où Φ décroît de p à −δ, lorsque π croît de 0 à +∞. On remarque égalementque

Φ(πmin

)> 0⇐⇒ (1− β) ∆2b < βδγF

Dès lors� Si Φ

(πmin

)< 0 : alors ds∗

dπ< 0, pour π ≥ πmin et 0 ≤ p0 ≤ p.

� Si Φ(πmin

)> 0 :

1. Si Φ(πmin

)< p0 ≤ p : alors ds∗

dπ< 0

2. Si 0 ≤ p0 < Φ(πmin

): alors ds∗

dπest positive pour de faibles valeurs

de π et devient positive au delà d'un seuil dé�nit par la fonctionΦ.

B Equilibre avec taxes

Les équations de salaires deviennent

w0(a) = β

(a− T0

1 + t0

)+ (1− β)b

w2(a) = β

[(1 + ∆)a− T

1 + t

]+ (1− β)b

w1(a) = β

[(1 + ∆)a− T − δγF (1− s)

1 + t

]+ (1− β) (b− δ (U2 − U1))

22

Page 23: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

avec U2 − U1 = βpπ+βp

γF

1+t. Le seuil de productivité est solution de

J1(a) = J0(a) + γF (1− s)

avec J1(a) et J0(a) dé�nies par les équations (27) et (28). On en déduit

∆a = (1 + t)w1(a)− (1 + t0)w0(a) + δγF (1− s) + T − T0

qui, combiné avec les équations de salaires conduit à l'équation (32).

C Intensité endogène de la formation

C.1 Salaires

Soit ∆(a), l'intensité optimale de la formation pour un individu d'aptitudea. Soit J?1 (a), la valeur associée de l'emploi. Le processus de déterminationdes salaires conduit aux règles suivantes :

βJ0 (a) = (1− β) (E0 (a)−D0 (a))

βJ?1 (a) = (1− β) (E1 (a)−D1 (a))

βJ2 (a) = (1− β) (E2 (a)−D2 (a))

où les valeurs des emplois Ei et les valeurs d'attente Di satisfont les équations(3) à (9). On en déduit les équations de salaires en utilisant les equations (35),(36) et (37) :

w0(a) = β (a− T ) + (1− β)b

w1 (a) = β{(

1 + ∆(a))a− T − (r + δ)

[γ(1− s0) + c(∆(a))(1− s∆)

]}+ (1− β)

[b− δβp

r + π + βp

[γ(1− s0) + c(∆(a))(1− s∆)

]]w2 (a) = β

[(1 + ∆(a)

)a− T

]+ (1− β) b

C.2 Intensité de formation

En substituant l'expression de w1(a) dans J1(a) (équation (36)), on ob-tient que l'intensité optimale de formation ∆(a) maximise

(1 + ∆)a− T − b− [γ(1− s0) + c(∆)(1− s∆)]

[r + δ − δβp

r + π + βp

]par rapport à ∆. La condition du premier ordre s'écrit(

r + δ − δβp

r + π + βp

)(1− s∆)c′(∆) = a

23

Page 24: Chômage d'Equilibre, Dépréciation du Capital Humain

C.3 Politique optimale de formation

La politique de formation optimale (a?,∆?(a)) est solution de

maxa?, ∆?(a)

∫ a?

a

[a(f(a)− u (a)) + bu (a)] da

+

∫ a

a?

[(1 + ∆ (a)) a(f(a)− u (a)) + bu (a)] da

−p∫ a

a?

(γF + c (∆ (a)))u1 (a) da

où u (a) et u1 (a) sont données par (18). Les conditions d'optimalité im-pliquent

∆?(a?)a? =

(δπ

π + p

)(γ + c (∆? (a?)))− (a? − b)

[1− p0

δ + p0

δ + p

p

]c′ (∆?(a)) = a

(π + p

δπ

)

24

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