26
CHRONIQUE DE CARACTRROLOGIE No 3 par Maurice GEX, Lausanne Cette chronique ayant Cte interrompue pendant plusieurs annees, nous tenons zi rappeler nos articles precedents parus dans Dialect ica. Caracftrologie, science ef philosophie, No 11,15.9.1949, p. 219-235, etude gCn6rale destin6e A servir d'introduction aux chroniques. Chronique de caracftrologie No 1 : La morpho-psychologie du Dr Louis Corman, No 13, 15. 3. 1950, p. 68-76. Chronique de caractkrologie No 2 : Caracttrologie puremenf psychologique (P. Girardet, F. Janson, R. Liger), No 18, 15. 6. 1951, p. 213-222. LA CARACTEROLOGIE DE RENE LE SENNE I. BERGER, Gaston 11. BERGER, Gaston 111. BERGER, Gaston IV. BOURJADE, Jean V. BOVARD, Red VI. FORTI, Edgard Traift pratique d'analyse du carac- fkre, (Questionnaire), P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 1, 1950. Questionnaire caracftrologique, P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 1 bis, 1950. Caracftre ef personnalift, P.U.F., coll. a Initiation philosophique o, 1954. Principes de caracftrologie, Editions de La Baconnikre, Neuchitel, coll. (( Etre et Penser )), 1955. La connaissance du caractire ef ses applications ptdagogiques, (Ques- tionnaire), ed. Bourrelier, 1955. L'kmofion, la uolonfe' et le courage, P.U.F., 1952.

CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTRROLOGIE No 3

par Maurice GEX, Lausanne

Cette chronique ayant Cte interrompue pendant plusieurs annees, nous tenons z i rappeler nos articles precedents parus dans Dialect ica.

Caracftrologie, science ef philosophie, No 11,15.9.1949, p. 219-235, etude gCn6rale destin6e A servir d'introduction aux chroniques.

Chronique de caracftrologie N o 1 : La morpho-psychologie du Dr Louis Corman, No 13, 15. 3. 1950, p. 68-76.

Chronique de caractkrologie N o 2 : Caracttrologie puremenf psychologique (P. Girardet, F. Janson, R. Liger), No 18, 15. 6. 1951, p. 213-222.

LA CARACTEROLOGIE DE RENE LE SENNE

I. BERGER, Gaston

11. BERGER, Gaston

111. BERGER, Gaston

IV. BOURJADE, Jean

V. BOVARD, R e d

VI. FORTI, Edgard

T r a i f t pratique d'analyse du carac- fkre, (Questionnaire), P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 1, 1950. Questionnaire caracftrologique, P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 1 bis, 1950. Caracftre ef personnalift, P.U.F., coll. a Initiation philosophique o, 1954. Principes de caracftrologie, Editions de La Baconnikre, Neuchitel, coll. (( Etre et Penser )), 1955. La connaissance du caractire ef ses applications ptdagogiques, (Ques- tionnaire), ed. Bourrelier, 1955. L'kmofion, la uolonfe' et le courage, P.U.F., 1952.

Page 2: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 55

VII. GAILLAT, Roger

VIII. GEX, Maurice

IX. GRIEGER, Paul

X. GRIEGER, Paul

XI. JUDET, Ginette

XII . LE GALL, Andre

XIII . LE GALL, Andre

XIV. LE GALL, Andre

XV. LELEU, Michele

XVI. LE SENNE, Rent!

XVII. LE SENNE, Rene

Analyse caracftrielle des t l tves d’une classe par leur maftre (3 question- naires), P.U.F., coll. (( Caracteres )),

No 5, 1952. Test caracftriel pour un diagnostic rapide (Questionnaire), P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 8, 1953. L’infelligence ef l’e‘ducation intellec- fuelle, investigations caracterolo- giques (Questionnaire), P. U. F., coll. (( Caracteres )), No 3, 1950. L e diagnostic caracftrologique, p r b cis de caractCrologie a l’usage des Cducateurs (2 questionnaires), Ligel ed., Paris, 1952. L a t imid i f t , contribution a l’hy- giene du sentimental (Question- naire), P.U.F., coll. (( Caracteres )),

No 4, 1951. Caracttrologie des enfants el des adolescents a l’usage des parenfs el des tducateurs, P.U.F., coll. (( Carac- teres )), No 2, 1950. Les insuccts scolaires, P.U.F., coll. (( Que sais-je o, No 636, 1954. Psycho- sociologie des enfreprises (Questionnaire), Les Editions so- ciales franqaises, 1956. Les journaux intimes, P.U.F., coll.

T r a i f t de caracftrologie (Question- naire de Heymans et Wiersma), P.U.F., coll. (( Logos )), lre ed. 1945, 4 e ed. 1952. L a desfine‘e personnelle, Flamma- rion, bibliotheque de philosophie scientifique, 1951.

Caracteres k), No 7, 1952.

Page 3: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

56 M. GEX

XVIII. MAISTRIAUX, Robert L’ttude des caracftres, 2e ed., Casterman, Paris - Tournai et Action familiale Bruxelles.

XIX. MAISTRIAUX, Robert Q u e s t i o n n a i r e caracftrologique, 2 e ed., Casterman Paris-Tournai et Action familiale Bruxelles. L e cas Diderof, etude de caracte- rologie litteraire, P.U.F., coll. (c Caracteres v , No 6, 1952. Educafion e f caracftre, P.U.F., Nou- velle encyclopedie pkdagogique, 1953.

XXII. MUCCHIELLI, Roger Caracteres e f visages (Question- naire), P.U.F., coll. (( Caractkres )), No 9, 1954.

XXIII. PANNENBORG, W. A. Ecrivains safiriques, P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 11, 1955.

XXIV. RESTEN, Dr Rene Mtfhode de graphologie, Gallimard, nrf., 1952. (Cet ouvrage tente d’etablir les signes graphologiques correspondant au questionnaire Heymans.)

XXV. RESTEN, Dr RenC Psychologie clinique ef fhtrapeu- tique ( 2 questionnaires), (( Les petits precis o, Maloine, Paris, 1953. L e diagnostic du caracftre (Ques- tionnaire), L’Arche, Paris, 1953.

XXVII. TORRIS, Dr Georges L’acfe mtdical e f le caracftre du malade (Questionnaire), P.U.F., coll. (( Caracteres )), No 10, 1954.

XX. MESNARD, Pierre

XXI. MESNARD, Pierre

XXVI. RESTEN, Dr Rene

Renk Le Senne est mort brusquement en pleine activite le l e r octobre 1954, a la douloureuse consternation de tous ses amis. Ceux qui n’ont pas eu le privilege de connaitre ce profond penseur double d’un homme de cmur ne peuvent se representer a quel degre il possedait le don de faire rendre a chaque Ctre le meilleur de lui-m&me, sollicitant touj ours ses amis et collaborateurs pour qu’ils

Page 4: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 57

travaillent dans le sens mCme de leurs tendances profondes, de leurs aptitudes vkritables. La grande penetration psychologique de cet homme au rayonnement spirituel intense etait A base de gene- rosite et de charite: il est parvenu a faire collaborer a une Oeuvre commune des esprits tres varies auxquels il communiquait son enthousiasme, s’arrangeant toujours pour que des relations amicales s’ktablissent directement entre ses collaborateurs, sans qu’il soit ndcessaire de passer par h i .

Rien de mecanique ni de fig6 dans sa fayon de comprendre la caracterologie : une methode souple qui ne renie pas l’intuition malgre sa precision, un systkme restant toujours ouvert a de nouveaux apports, le but final etant la connaissance de l’individu (idiologie) dans son irreductible singularite, e t la typologie ne constituant qu’une phase, qu’un moyen de cet approche du mystere personnel.

Le onzieme et dernier ouvrage paru (XXIII) dans la collection (( Caracteres )), que R e d Le Senne dirigeait aux Presses Universi- taires de France, a encore beneficid d’une de ses prefaces. Son gendre, le professeur Morot-Sir, qui lui a succ6d6 A la tCte de la collection, prepare actuellement la publication de ses inedits, malheureusement inacheves, touchant aux rapports de la philo- sophie e t de la caracterologie e t a cette idiologie qui h i tenait tellement a ceur .

Le moment est sans doute opportun de faire connaitre l’en- semble, a la fois varie e t coherent, de ces etudes qui se repartissent sur une douzaine d’anndes, car nous disposons dkja d’un recul sufisant.

Bref historique

Le philosophe hollandais Heymans et son compatriote, le psychiatre Wiersma, tous deux professeurs A I’Universitb de Groningue, ont procede a une double enqukte, I’une biographique et l’autre statistique, dont les resultats furent publies de 1908 a 1909. La premiere enquCte consistait a relever dans des biographies les traits de caractere de 110 personnes celebres, tres differentes les unes des autres par la nationalite, la profession, etc. L’enquete

Page 5: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

58 M. CEX

statistique, qui visait primitivement 1’Ctude de l’hkreditk, a Cte conduite en envoyant un questionnaire A trois mille mkdecins hollandais e t allemands, qui devaient repondre par oui ou par non aux questions, en observant les malades qu’ils connaissaient le mieux. 2523 fiches individuelles furent ainsi recueillies.

C’est sur l’analyse statistique des resultats de ces deux enquCtes que fut 6tablie la classification des caracteres dont nous nous occupons: elle repose donc sur une base empirique solide.

R e d Le Senne introduisit en France cette ecole de caractero- logie - dite Ccole de Groningue - en traduisant La psychologie des femmes de Heymans, e t en resumant tout le systeme dans la preface de cet ouvrage l. I1 utilisa la documentation statistique des psychologues hollandais d’une maniere ingenieuse et originale dans L e mensonge et le caracttre 2. Enfin, il developpa cette caracterologie avec un zble inlassable dans les Oeuvres de base XVI et XVII et dirigea activement la collection dont relevent les ouvrages I, 11, VII, VIII, IX, XI, XII, xv, x x , XXII, XXIII, XXVII.

Tous les auteurs des livres que nous analysons dans la presente chronique prennent leur point de depart dans l’ecole de Groningue par souci methodologique de rendre les rksultats comparables en adoptant une terminologie homogene et relativement fixe, afin d’eviter les steriles recommencements )), mais cela ne veut pas dire qu’ils s’infeodent dogmatiquement a cette &ole : au contraire, ils s’eff orcent de rej oindre les autres classifications et de les incorporer A la leur, en maintenant celle-ci (( ouverte o, prCte A s’enrichir et A se modifier si cela est necessaire. Actuellement, ce mouvement caracterologique’ est de beaucoup le plus important en France grice a la fois a sa cohesion doctrinale e t a la souple diversite de ses enquetes.

L e caracttre, l’individualitd, le moi et la destine‘e

Nous avions souligne que les conceptions analysees dans notre deuxieme chronique (Delmas-Boll, F. Janson, R. Liger) afirment

FClix Alcan, 1925. a FClix Alcan, 1930.

Dialeclica No 18, 15. 6. 1951, p. 213-222.

Page 6: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUF: D E CARACTEROLOGIE N O 3 59

energiquement la nature innee et invariable de certains elements fondamentaux du caractere. I1 en va de mCme de la presente ecole: c’est le caractere dans son ensemble qui est defini comme hereditaire. (( Le caractdre [est] l’ensemble des dispositions congk- nitales qui forme le squelette mental d’un homme n (XVI, p. 9). Donc le caractere n’est pas le tout spirituel d’un homme : l’indiui- duafite‘ contient le caractere, plus l’acquis dktermine par les situations et par la reaction du moi a ces situations. Le moi est le centre actif e t libre de I’homme qui ne peut jamais Ctre envisagk comme un objet. (Ajoutons que la personnufife‘ est l’individualite en tant que celle-ci manifeste le choix du moi e t l’acces a la valeur ; l’individualite reste sup le plan empirique, alors que la personnalite releve de la philosophie des valeurs.)

On saisit, d’apres cette breve esquisse, que le caractere ne determine pas fatalement la destinee d’un homme: il determine sans doute les actes de premier jet, mais les actes reflkchis im- pliquent la liberte du moi. On peut dire, comme les astrologues le disent de l’influence astrale : (( le caractere incline, mais ne nkcessite pas o ; il est situe aux confins de l’organique et du mental, il acheve le corps e t conditionne l’esprit. Sa position mediane en fait comme le pivot de la destinee.

R. Le Senne dCfend une conception de l’homme equilibree et nuancke, a egale distance d’un determinisme caractkriel radical e t de la liberte absolue chere aux existentialistes (XVII).

Remarquons que certains caracterologues n’affrment pas l’in- variance absolue du caractere comme le fait Le Senne. Gaston Berger parle d’cc une fixite relative )) et estime que le caractere evolue en fonction de 1’8ge (I, p. 15). Pierre Mesnard precise que (( l’application a la pedagogie montre que le caractere est assez lent a se mettre en place et qu’il peut subir pendant une vingtaine d’annkes des modifications assez importantes )) (XX, p. 43). Pour I’ecole de Le Senne, le caractere reste un elkment relativement fixe et stable sans que tous les auteurs soient aussi (( fixistes )) que le maitre.

Page 7: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

60 M. GEX

Les types-rep2res

Trois facteurs jouent le r6le de proprietes constitutives des divers types de caractere : I’emotivite, l’activite et le retentissement.

Suivant le degre d’trnotiuitt de l’individu, un evenement produit en lui un ebranlement plus ou moins fort qui engendre une liberation d’energie. On distingue les emotifs (E) des non-emotifs (nE) d’apres le rapport A 1’CmotivitC moyenne. L’utilisation de cette energie rencontrera une plus ou moins grande resistance suivant le degre d’acfiuift du sujet : chez l’actif (A) la resistance est faible e t I’energie alimente une action vigoureuse ; chez l’inactif (nA) - c’est-a-dire chez celui qui est moins actif que la moyenne - la resistance trop grande force l’knergie non utilisee a rebrousser chemin et a se depenser dans un circuit intkrieur (modifications viscerales, agitation, angoisse).

Le degre de refenfissement des representations est eleve chez les (( secondaires v (S) qui restent longtemps sous l’influence du passe et songent a l’avenir ; il est faible chez les (( primaires )) (P) qui vivent dans le present et se renouvellent avec lui. Le secondaire est volontiers rancunier, le primaire ingrat et volage.

Suivant que ces trois facteurs sont forts ou faibles, nous avons huit combinaisons possibles qui sont les types-reperes de la classi- fication de l’kcole de Groningue. Ces types n’existent pas A l’etat pur dans la realite: ils forment un systeme de reference qui aide A situer l’inkpuisable variete concrete des humains.

E . n A . P

E.nA.S

- Le nerueuz est l’homme des emotions, sa mobilite affective est grande (Byron).

- Le senfimenfal est l’homme de la conscience de soi, de la rumination mentale, de l’introversion (Amiel).

- Le cole‘rique est l’homme de l’action brusquee et entrainante (Danton).

- Le passionne‘ est l’homme du pouvoir, autoritaire e t organisateur (Napoleon l er) .

- Le sanguin est l’homme du sens pratique e t des relations mondaines (Bacon).

E . A . P

E.A.S

n E . A . P

Page 8: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 61

n E . A . S

n E . nA . P

nl3.nA.S

- Le flegmatique est l’homme de l’ordre, de la loi,

- L’amorphe est l’homme de la jouissance organique

- L’apathique est l’homme de l’indiffkrence et des

de la rkgularite (Kant).

e t du gaspillage (Louis XV).

habitudes (Louis XVI).

Le Trai fd de Le Senne (XVI) dkcrit minutieusement ces types, leur subdivision en familles, la maniere de tirer parti de leurs qualites e t de pallier leurs defauts, le tout etant illustre e t anime par d’abondantes refkrences historiques.

Le, contenu de ce T r a i f t est resume d’une maniere remarquable dans les cent premieres pages de L a destinde personnelle (XVI I).

Les facfeurs suppldmentaires

Gaston Berger remarque que des 6tres tres differents se rkclament d’un m6me type, ainsi Pascal et Mussolini sont des passionnes ( I , p. 51). I1 convient tout d’abord de connaftre quels sont chez un sujet donne les facteurs dominants e t quels sont les subordonnes. Cotons les facteurs de 1 a 9, 5 &ant la moyenne. Un passionne 966 ressemblera par exemple davantage a un nerveux 744 qu’h un autre passion& 669, car il a ceci de commun avec le nerveux que 1’i.motivitk I’emporte sur les autres facteurs : leur profil psycholo- gique a meme allure. Le 669 sera beaucoup plus rkflkchi, moins impulsif que les deux autres, a cause de son grand retentissement.

Ensuite, il convient de tenir le plus grand compte des facteurs supplementaires (c’est-a-dire qui ne sont pas constitutifs des types), car ce sont surtout eux qui differencient les individus appartenant au meme type (outre la question des facteurs dominants dont nous venons de parler). Voici les facteurs supplementaires proposes par Gaston Berger (I, p. 51-109).

La largeur d u champ de conscience avait dkja 6te envisagee par Heymans. L’homme a champ ktroit est raide, prkcis, hypnotise par des idkes fixes; celui A champ large est souple, ami de Ia nuance et du flou. Baudelaire est un etroit, Verlaine un large.

Page 9: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

62 M. GEX

La polaritt Mars-Venus, sans doute inspirke par l’astrologie, indique les moyens utilises par les hommes pour influencer les autres: Mars utilise la contrainte et Venus la seduction. Les pokmistes-nes sont des Mars, alors que les Venus detestent la lutte (cette polarite ne correspond pas exactement A celle des sexes: il y a des femmes Mars, des hommes Venus).

L’kmotivite e t l’activite sont des facteurs Cnergetiques de puissance ; le retentissement, la largeur du champ de conscience et la polarite determinent le style de vie.

Gaston Berger ajoute encore quatre facteurs de tendances : l’aoidift , ou volonte d’Ctre le plus possible, d’accaparer puis de conserver ; les inttrits sensoriels, nkcessaires a tout artiste - mais qui ne suffisent pas a faire un artiste ; la tendresse ou besoin d’aimer ; la passion intellecfuelle qui caracterise M. Teste de Paul Valery.

L’auteur prbfere analyser le caractere au moyen des neuf facteurs que nous venons de passer en revue - plutdt que de recourir aux types-reperes - ce qui aboutit a un profil psycholo- gique.

Nous pensons que les deux methodes peuvent se justifier e t doivent se completer: la typologie est conforme a nos tendances spontanbes d’esprit e t elle est utile pour la caracterologie signa- letique qui donne un diagnostic sommaire e t rapide, exact en gros ; la methode des facteurs permet de pousser plus loin l’analyse et de la nuancer - d’autant plus que la liste des facteurs supplbmen- taires reste ouverte.

Le Senne a egalement utilise des facteurs supplbmentaires : la largeur d u champ de conscience, I’intelligence analytique et enfin I’opposition tres profonde parce que refletant la situation meta- physique de l’homme dans le monde : egocentrisme-allocentrisme (XVI, p. 118, No 43 - XVII, p. 53, No 20. E.). L’egocentrique se congoit comme centre du monde, alors que l’allocentrique place son centre de gravite hors de lui, lui-mCme n’etant qu’une partie du monde: nous retrouvons une conception analogue A celles de Paul Haberlin e t de Renee Liger dont nous avons parle dans notre deuxikme chronique l. La polarite Mars-Venus exprime une forme

Dialecfica, No 18, 15. 6. 1951, p. 221-222.

Page 10: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 63

de cette opposition. u I1 faudrait, pour depister l’egocentrisme et l’allocentrisme dans leurs plus subtiles expressions, reconnaitre e t analyser une 9 une les dialectiques intellectuelles par lesquelles l’un et l’autre tournent les evenements et les actes dans le sens de l’idolitrie de soi ou dans le devouement a quelque chose d’autre que soi o (XVII, p. 55).

La volontd et le caractere ( V I )

On lie manquera pas de remarquer que la volonte n’intervient ni dans les facteurs fondamentaux, ni dans les facteurs supple- mentaires, car (( actif )) et (( volontaire )) ne sont nullement syno- nymes. A la fin du XIXe siecle, les classifications de Fouillee, de Levy et de Malapert envisageaient le type volontaire e t ses combi- naisons avec d’autres types. Cependant, cette lacune a ete comblee d’une manikre ingenieuse, au sein de l’ecole de Le Senne, par Edgard Forti (VI). Celui-ci a recours a la notion de reprise uolon- faire qui retablit chez le sujet l’emprise de la volontk sur la spon- taneite. Cette reprise volontaire modifie la physionomie d’un type. Ainsi Julien Sore1 est un colerique avec reprise volontaire E .A. P (rv), car il domine son affectivite beaucoup mieux que n’y parvient un colerique ordinaire, ce qui engendre une reaction plus eficace qui se rapproche de celle d’un passionne. L’E .A. P (rv) possede a la fois les qualites d’un A . P et d’un A .S : il joint a la mobilite du premier la capacitC d’organisation A longue CchCance du second. Son pere spirituel Stendhal, ainsi que Racine, Chateaubriand et Flaubert repondent a la mCme formule. (Le Senne classe Stendhal et Chateaubriand parmi les nerveux, Racine et Flaubert parmi les passionnks.) Barres est un E . n A . P (rv) qui s’est contraint volon- tairement a une vie militante qui contraste avec son esthdtisme foncier. Ajoutons que E. Forti estime que la psychologie indivi- duelle d’Alfred Adler, qui a donne une position centrale a l’affir- mation du moi, e t a insiste sur les efforts de compensation aux complexes d’inferiorite, complete heureusement la caracterologie de Le Senne.

Page 11: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

64 M. GEX

L’intelligence ef le caracttre ( I X , X, X I I I , X V I I I )

Le caracterologue belge Robert Maistriaux a distingue les intelligences synfhitiques ou giniralisanfes des intelligences analy- fiques ou parficularisantes (XVIII, p. 55) . Les premieres cherchent partout l’unite e t l’universalitk, les causes profondes qui rendent compte d’un grand nombre de faits. Les secondes sont attirees par le concret, le pratique, l’utile immkdiat ; elles excellent dans l’execution d’une tache qui demande de ]’attention aux dktails, de la minutie.

L’idee originale de Maistriaux, qui oriente toute sa caract& rologie, est que l’intelligence est une proprietk fondamentale qui commande les trois facteurs constitutifs des caracteres, (( en ce sens qu’elle assure leur orientation vers des modalites diverses e t essentielles )) (XVIII, p. 97). Aussi I’auteur parle-t-il de (( caracteres gknkralisants R et de (( caracteres particularisants B : la modalite de leur kmotivite, de leur activite et de leur retentissement est differente.

Paul GriCger distingue I’infelligence inuesfie, c’est-a-dire modifiee e t orientee d’une manikre particulikre par le caractere dans lequel elle s’insere, de I’intelligence nue. Un homme est plus ou moins intelligent (intelligence nue), mais cette intelligence est speciflee qualitativement suivant qu’elle appartient a un flegmatique, a un nerveux, etc. (intelligence investie).

L’auteur distingue trois types d’intelligences investies : l o L’intelligence systirnatisafrice qui cherche l’un sous le

multiple, l’identique sous le different. Elle est favorisee par le groupement AS (passionnks et flegmatiques). Andre Le Gall la nomme intelligence uerbo-conceptuelle ou fhe‘orique, dans un excellent petit ouvrage de la collection (( Que sais-je? o (XIII, p. 18-22). Nous pensons que nous rejoignons ici les classiques d’0stwald : Newton, Gauss, etc.l.

20 L’intelligence giniralisante qui extrapole pour formuler des lois ; elle est polysystkmatisatrice, alors que la premiere est unisyste- matisatrice. Le groupement AP la favorise (coleriques et sanguins).

Dialectica, No 1 1 , 15. 9. 1949, p. 228.

Page 12: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE N O 3 65

Le Gall la qualifie d’intelligence imaginatiue, travaillant sur des symboles sensibles.

Les romanfiques d’Ostwald leur correspondent : Kepler, Davy, etc. 30 L’intelligence particularisante qui recueille des faits e t des

idees isolkes, est inferieure a la moyenne pour unifier et extrapoler. Tous les autres groupements peuvent lui correspondre (senti- mentaux, nerveux, apathiques, amorphes). Le Gall l’appelle intelligence concrlfe-infuifiue, elle porte directement sur des objets, des mouvements l.

Le type de caractere le mieux outille pour la pensbe abstraite, objective et systematique, est le flegmatique (Leibniz, Kant, Hamelin, Bergson).

L’auteur a mene une importante enqu6te avec questionnaire e t analyse de dissertations philosophiques dans le Proche-Orient (college de Beyrouth) qui confirme en grande partie l’enqukte d’Heymans. Sa conclusion est la suivante : l’homme conserve toute sa vie le m6me type d’intelligence, mais grice a l’action du milieu, de l’exercice, son efficacitk peut se dkvelopper. Donc l’influence de l’kducation, du milieu, est nettement circonscrite.

Pour Th6odule Ribot, l’intelligence devait &re exclue de la classification des caracteres, tandis que pour Fouillee, elle devait y 6tre Ctroitement incorporke. Les etudes rkcentes montrent la solidarite des deux fonctions.

Pour Robert Maistriaux, c’est l’intelligence qui oriente l’en- semble du caractere, alors que pour Paul GriCger, c’est le caractere qui (( investit )) I’intelligence, qui lui donne sa modalit6 de fonction- nement.

La morpho-psychologie et le caractire ( X X I I )

Si la caracterologie de Le Senne s’est constituee sans le moindre souci d’etablir des correspondances morphologiques, etant par principe une typologie purement psychologique, ce probleme ne devait pas tarder a se poser d’une maniere aigue. Les ouvrages VII

1 Les intelligences systCmatisatrices et g6nCralisantes de CriCger semblent correspondre aux caracthres gCn6ralisants de Maistriaux, et les particula- risants des deux auteurs naturellement s’identiflent.

5

Page 13: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

66 M. GEX

et XI1 esquissent deja le portrait physique de certains types et le Precis XXV les donne succinctement tous.

La tentation Ctait forte de confronter systematiquement la morpho-psychologie du Dr Corman avec la caracterologie de Le Senne, deux mkthodes radicalement diff Crentes mais egalement poussees d’anthropologie differentielle. C’est un disciple du Dr Corman, Roger Mucchielli, qui a opere cette confrontation avec une grande ingeniosite (XXII). La caracterologie repensee a la lumibre de l’opposition dilatbretracte a permis a l’auteur de renouveler la signification des differents facteurs en y apportant une unite remarquable. Nous avons 18 un exemple de la fecondite que peut presenter le rapprochement de deux methodes concourant au mCme but par des moyens differents.

L’opposition fondamentale est celle de la plasticit6 - sejoncti- vite, qui correspond morphologiquement a celle de la dilatation- retraction : elle retentit sur tous les facteurs (sauf l’Cmotivit6 et l’activitk) qui chacun l’exprime A sa maniere. Ainsi, u l’igurd du reel, nous avons les oppositions : primarite-secondaritk, largeur- etroitesse (du champ de conscience), concret-abstrait (orientation de l’intelligence). A l’igard d’autrui: conciliation (effet Venus) - opposition (effet Mars), sociabilite (effet Jupiter) - inadaptation (effet Saturne), tendresse-froideur affective. A Z’dggard cie soi .- avidite ou expansion du moi-non avidite ou refus de l’expansion du moi, desir de sensations-indifference aux sensations. Les premiers termes de chaque couple expriment la plasticite ou ouverture au donne, les seconds, la sejonctivite, c’est-a-dire l’isolement, la skparation, la rupture de contact avec le donne. Si l’on divise traditionnellement le visage en trois etages superposes, 1’Ctage superieur exprime l’attitude a l’egard du reel, l’ktage moyen, celle a l’egard d’autrui, enfin l’etage inferieur celle a 1’Cgard de soi. Un nombre variant de 0 a 10 exprime l’intensite correspondant a chacune des oppositions. Si l’on ajoute le degre d’kmotivite et d’activitk, la formule d’un individu se reduit a 8 nombres.

L’auteur applique ses principes a l’analyse de Musset, de 1Voir notre chronique de caractkrologie No 1, Dialectica No 13.

15. 3. 1950, p. 68-76.

Page 14: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 67

Baudelaire, de Murat, de Balzac, de Talleyrand, de Herbert Spencer et de La Fontaine.

Ajoutons que des correlations sont Ctablies avec les typologies d’Hippocrate, de Paracelse, de Pende, de Kretschmer, de Sheldon, de Jung et de la caracterologie planetaire. Nous nous trouvons, avec Roger Mucchielli, devant la tentative la plus complete d’unifier tous les systemes d’anthropologie differentielle. L’avenir dira si certaines de ces correlations sont a reviser.

La mtlhode en caracttrologie. Applicafion a I’dfude de la t imidift ( X I )

La methode est developpee dans XVI, pages 26-44; XVII, pages 28-32; XVI I I, pages 15-37 ; XXI I, pages 9-31 ; IX, pages 52-66. Nous en avons nous-m0me parle d’une maniere tres generale et sans nous limiter a I’ecole de Groningue, dans le numero 1 1 de Dialecfica, 15 septembre 1949, pages 225-228.

Nous desirons la montrer A l’aeuvre dans un cas particulier en nous referant a l’excellente monographie de Ginette Judet sur la timidite (XI).

Nous retrouvons naturellement le rythme ternaire de toute science experimentale : observer, conjecturer puis deduire A partir des hypotheses pour verifier, mais avec des traits speciaux a la caracterologie, ce qui ne peut manquer d’interesser l’epistemologue.

Une comparaison sommaire des traits du caractere sentimental (qui est le plus vulnerable, le plus introversif, le plus port6 a la rumination mentale, a la sauvagerie, a l’attitude bourrue qui est une compensation au complexe d’inferiorite) et de la description de la timidite conduit a formuler l’hypothese: le caractere senti- mental est le centre de diffusion caracterologique de la timidit6 - ce qui revient A dire que ce caractere contient plus de timides que tous les autres. Les resultats de l’enquete conduisent a la verifi- cation de cette hypothese e t permettent la formulation d’une nouvelle hypothese qui est la theorie m0me de la timidite. Lorsqu’un individu agit normalement, il s’oublie lui-meme dans l’execution de l’acte, laquelle absorbe toute son attention, ce qui est necessaire pour une adaptation efficace a la situation donn6e. (( La timidite est l’interposition, au cows d’un acte, entre son inauguration et son

Page 15: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

68 M. GEX

achevement, de la pensee du moi, agent de cet acte, en tan t que susceptible d’&tre affect& a l’occasion de cet acte, par un jugement dkpreciatif )) (XI, p. 112). E n d’autres termes, le timide voit brusquement son attitude extravertie chang6e en introversion, pendant l’accomplissement de l’acte, ce qui interrompt ou trouble fikheusement celui-ci. Cette nouvelle hypothese est l’objet d’une double verification dont les fils se m6lent inextricablement : veri- fication dialectique et experimentale.

L’introduction de la dialectique montre assez que la caracte- rologie ne se resigne pas a &tre une science purement descriptive, mais qu’elle a l’ambition d’&tre explicative et rationnelle dans une certaine mesure. Ginette Judet procede a la deduction des traits essentiels de la timidite a partir du caractere sentimental. L’indi- vidu sentimental vise la paix interieure, e t la timidit6 est une reaction de protection pour sauvegarder son intimiti., une (( fuite en lui-meme )) devant les dificultes de l’action. Enfin, il y a veri- fication experimentale avec recours a un questionnaire etabli par Le Senne et consultation de biographies.

Le point qui interessera particulierement les kpistemologues est le suivant : lorsqu’on forge des hypothkses, puis lorsqu’on en deduit des conskquences pour les verifier, l’intuition psychologique qui consiste a se mettre a la place d’un caractere pour deviner par sympathie sa faqon d’agir ou de parler, est necessaire. Donc, la caracterologie, telle que la comprend 1’Ecole que nous examinons, n’est nullement une science objective du comportement, mais elle fait appel a l’intuition et A l’introspection : par ce cdtk elle touche quelque peu h l’art e t suppose l’identitk fonciere de la psycht humaine sous la diversit6 de ses manifestations. Tout caractere concret est doue d’une certaine elasticite qui lui permet - avec plus ou moins d’aisance sans doute - momentanement et pour faire une experience mentale, de sortir de lui-m&me afin d’imaginer le comportement d’un caractere totalement different du sien.

(( Que ce soit possible, personne ne peut en douter car, sans la communaute de cette Clasticite interieure, il n’y aurait ni de thkiitre, ni de roman, ni de sympathie pour autrui, ni enfin de societe o (XVI, p. 38). Cette communaute de l’elasticitk interieure fonde l’objectiviti. de la caracterologie.

Page 16: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE C A R A C T ~ R O L O G I E NO 3 69

Les quesfionnaires de caracfirologie ( I , I I , v, VII, VIII, IX, x, XI, XIV, XVI, XIX, XXII, x x v ,

XXVI, XXVII)

A c6te des biographies des grands hommes et d’autobiographies comme les journaux intimes, les questionnaires, qui permettent des enquetes statistiques etendues, sont les instruments favoris des caracterologues pour recueillir des documents. Les rkponses aux questionnaires mettent en evidence les correlations existant entre les divers traits de caractere afin de degager les types naturels. Actuellement ces questionnaires sont aussi nombreux que varies. Les plus anciens sont les XVI, XIX, I et 11.

Si les questionnaires ont aide a fonder la caracterologie d’Heymans-Le Senne, bien adaptes a cette caracterologie, ils permettent par la suite de l’appliquer d’une maniere commode aux individus.

Deux reproches sont communement adresses aux questionnaires (ou aux tests semblables, procedant par enumeration de traits de caractere a choisir). D’abord la question de la sincerite toujours douteuse du sujet qui repond au questionnaire ; mkme si celui-ci desire &tre honnCte dans ses rhponses, il peut lui arriver de manquer inconsciemmenf de sincerite. Ensuite, l’introspection a laquelle il faut avoir recours pour repondre a certaines questions presente de grandes difficult&, d’ailleurs inkgales suivant le type de caractere que l’on possede.

Nous pensons que le resultat obtenu par l’application d’un questionnaire unique reste douteux et qu’une verification par recoupement s’impose. C’est ce qui nous a conduit B Ctablir notre test de contre-epreuve (VIII , X, XXV, XXVI).

Un type quelconque, le sentimental par exemple, peut se definir de deux mani6res. Par les facteurs constitutifs d’abord : le sentimental est un E . nA. S ; et ensuite par un ensemble de traits formant le portrait du type : le sentimental est vulnerable, indecis, replie sur lui-meme, etc. Or, tous les questionnaires etablissent le type par l’intermediaire des facteurs. Notre test, par contre, determine le type uniquement en se fondant sur les traits, sans passer par les facteurs, e t peut de ce fait servir de contre-epreuve

Page 17: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

70 M. GEX

aux questionnaires A facteurs. Nous estimons que si ces deux mkthodes differentes conduisent au mCme type pour un individu donne, le resultat a beaucoup de chance d’Ctre exact.

Notre test a servi de contre-kpreuve aux questionnaires Berger (I, 11) e t Maistriaux (XIX), pour un total de 104 sujets. Nous avons trouvC environ 43 yo de correlations bonnes, 29 yo de moyennes et 28% de mauvaises (VIII, p. 49). Le Dr Rene Resten a imagine un test projectif de choix, analogue au Szondi, mais ou des echan- tillons d’6criture des diffkrents types remplacent les photographies d’aliCnCs. I1 a confront6 les rksultats de notre test avec ceux de son test de projection graphique, avec ceux d’une determination morphologique du type et enfin avec ceux d’une determination graphologique directe. I1 a trouvk en moyenne 45% de bonnes correlations, 38% de moyennes et 17% de mauvaises, rksultats comparables aux ndtres (XXVI, p. 64).

Si l’usage du questionnaire par le sujet lui-m&me laisse toujours a desirer, nous pensons qu’il convient de considerer un question- naire, ou test analogue, plutdt comme une grille de dichiffrement des caractires, ce qui suppose l’usage de moyens indirects evitant les ecueils du manque de sincerite et des dificultes de I’introspection. Des Cpreuves veritables, au sens habitue1 du mot test en psycho- technique, pourraient determiner si le sujet posskde ou non tel trait de caractkre. L’etude du comportement aurait egalement sa place ici. Nous avons applique notre grille a cinq savants: Linne, Monge, Arago, Gibbs et Carrel, en utilisant des biographies.

L a philosophie et le caracttre ( X V I , X V I I )

Chaque type de caractkre saisit en philosophie un aspect de la realit6 totale. Nous avons resume ces vues de Le Senne exposees dans son Trait6 (XVI, p. 585-586) l.

Voici comment l’auteur rksume son propos dans La destinie personnelle : (( Succkdant nkcessairement a la caracfirologie, pour cette raison que la destinke personnelle commence au sein du

Dialecticn, No 11, 15. 9. 18.19, p. 232-233.

Page 18: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 71

caractere et ne peut en devenir independante, la problimatigue, A laquelle nous allons consacrer la deuxieme partie de cet ouvrage, doit nous conduire a l’aziologie, ou theorie des valeurs qui est essentiellement l’etude de la relation entre tel moi e t telle valeur, e t par elle entre tel moi e t la valeur souveraine, qui seule peut lui apporter le salut D (XVII, p. 105). Cet ouvrage est absolument unique, A notre connaissance, comme presentant une 6troite synthese entre la caracterologie e t une philosophie des valeurs. Nous recommandons tout specialement aux philosophes de mkditer (( l’antinomie essentielle A toute recherche mentale )), celle de l’exigence de I’Un (ou de la determination) opposee a l’exigence de 1’ Infini (au-dela de toute determination).

( (La largeur de la conscience fait aimer I’indeterminisme, le vague des contours, le sentiment de l’inadkquation du conceptuel au reel ; l’etroitesse, en conceptualisant l’expkrience, ahoutit Q discrkditer l’indetermination des (( qualitks occultes D en faveur des (( idees claires et distinctes o. Intellectualisme et intuitionisme mani- festent la predilection pour une des deux exigences sur l’autre ))

(XVII, p. 108). Nous signalerons en guise de complement, dans une prochaine

chronique, l’inedit de Le Senne sur la philosophie et la caracte- rologie des qu’il aura paru.

La littirature et le caractkre (XV, XVI, XX, X X I I I )

La caracterologie est certainement destinee a renouveler l’histoire litteraire en lui apportant des lumibres inedites. Tout historien de la littkrature la pratique empiriquement : pourquoi des lors ne pas en user methodiquement e t scientifiquement? Affaire de routine, de mison6isme, sans doute.

R e d Le Senne a fourni un modele en analysant dans son Traite (XVI, p. 587-636) le sentimental a champ de conscience etroit qu’ktait le poete Alfred de Vigny, dont toute l’ceuvre vise a ktablir (( une communion artistique et morale des autres avec lui-meme dans la poPsie entendue comme la manifestation pure et

Page 19: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

72 M. GEX

noble de son Ame D (p. 635). La poesie philosophique est le mode d’expression favori des sentimentaux.

Michele Leleu a procede A une analyse comparative de nom- breux journaux intimes (XV), d’ou ressortent les consequences suivantes.

Les vrais journaux intimes oh s’kpanchent les sentiments du scripteur sont le fait des sentimentaux (Alfred de Vigny, Amiel, C. F. Ramuz, C. Du Bos, Julien Green) et ce sont eux Cgalement qui tiennent le plus volontiers un journal. Les autres types de caractkre en ecrivent parfois, mais a mesure qu’ils sont plus actifs et plus primaires, leur journal perd de son intimite.

Lorsque les sanguins, diametralement opposes aux senti- mentaux, tiennent un Q journal )), celui-ci n’a plus rien d’intime : il consigne des faits precis, voyages, evenements (Colette, A. France).

Dans son etude sur Le cas Diderof (XX), Pierre Mesnard envisage le XVIIIe siecle franqais comme faisant la releve du sikcle de Louis XIV ou siecle des grands passionnes, grace aux actifs primaires, les sanguins et les coleriques. Les sanguins (Voltaire, d’Alembert) par leur intelligence analytique et critique dissocient les constructions compactes des passionnes du X V I P siecle sur le terrain religieux et politique. Les coleriques (Diderot) au contraire reclament une libre expansion de l’affectivite, non contr61Ce par la secondarite. Pour un Voltaire l’enthousiasme est une maladie, les enthousiastes sont des fanatiques, des energumenes dangereux, alors que Diderot, en Cmotif primaire, fait l’eloge de l’enthousiasme. L’auteur donne des formules pour exprimer l’enthousiasme et la sensibilite tel que ce terme etait compris au XVIIIe sickle.

Quand l’affaire de 1’Encyclopedie tourne mal, les non-Cole- riques - les sanguins Voltaire et d’ Alembert, le sentimental Rousseau - comme des rats, quittent le navire. Mais l’enthou- siasme vigoureux de Diderot tient tCte a la tempCte et conduira A lui seul la barque de 1’Encyclopedie a bon port, deployant une energie, une activite et un optimisme inimaginables.

Un juriste hollandais, qui fut 6troitement lib avec Heymans, le Dr W. A. Pannenborg, vient de donner en traduction franqaise un remarquable petit ouvrage sur Ecriuains safiriques (XXIII). L’auteur avait deja publie de nombreux travaux de caracterologie

Page 20: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE No 3 73

sur les criminels incendiaires, les musiciens, les peintres, les sculp- teurs et les artistes en general. La presente etude est la contre- partie de l’ouvrage d’un compatriote, C. Hazewinkel, intitule Contribution a k i psychologie des humorisies. Pannenborg resume dons son livre les resultats de ce dernier ouvrage pour les confronter avec les siens propres. Tout d’abord l’humour est defini comme une raillerie bienveillante, (( le sentiment du risible sur fond de sym- pathie )) ; la satire, par contre, est une raillerie outrageante, haineuse, dure, sans charite, (( le sentiment du risible sur fond d’antipathie )). Alors que les humoristes aiment les hommes et la vie en gbneral, les satiriques sont domines par un Cgoi‘sme feroce. Sur un ensemble de 27 kcrivains, Pannenborg distingue deux groupes de satiriques : les schizothymes (Byron, Gogol, Heine), qui sont formes surtout de nerveux tendus, crispes sur eux-memes, dont l’hyperemotivite exagere l’etroitesse du champ de conscience ; enfin les satiriques a type sanguin dominant (L’Aretin, Machiavel, Montesquieu, Voltaire), bien plus actifs que les precedents et a champ de cons- cience plus large. Beaucoup plus ouverts sur la realite exterieure que les premiers, les satiriques sanguins sont cependant tout aussi Ggoi’stes que les nerveux, et aussi malveillants.

D a m une etude preckdente sur les auteurs de tragedies, resumee dons l’ouvrage sur les satiriques, Pannenborg avait distingue deux types tres differents d’auteurs tragiques : les introvertis (passionnks- sentimentaux : Euripide, Schiller, Ibsen) e t les extravertis (colk- riques : Sophocle, Dumas pkre, Victor Hugo). a Le point central de toute tragedie se situe dans la representation d’une grande douleur D (XXIII , p. 04). Les introvertis decrivent leurs propres souffrances, les extravertis sont mus par la compassion pour la douleur d’autrui. Les tragedies du premier groupe sont en general plus saisissantes, plus profondement ressenties que celles du second groupe. Elles sont egalement plus coherentes, mieux charpentees.

Un renouvellement coinplet de l’histoire litteraire grAce A l’application systematique de la caracterologie est sans doute en bonne voie de realisation.

Page 21: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

74 M. GEX

La pidagogie et le caracttre ( I V , v, V I I , IX, X, X I , X I I , X I I I , X X I )

Andre Le Gall, inspecteur general de 1’Instruction publique, a largement developpk les applications de la caracterologie a l’edu- cation, en montrant de quelle faqon il convient de traiter chaque type de caractere pour lui aider a lutter contre ses deficiences et pour tirer le meilleur parti de ses qualites. Son ouvrage (XII) abonde en analyses de cas concrets. La caracterologie doit, selon lui, Ctre la science rectrice de toutes les autres disciplines qui concourent a la connaissance de l’homme : la psychologie entre autres. (( La psychotechnique est dans son Ctat prbent une caractd- rologie incompltte et bdtarde parce qu’il lui manque une table expresse de references )) (XII, p. 13). La classification des types- reperes constitue cette table de references. Par exemple, le test de Rorschach doit, pour notre auteur, Ctre utilise dans le cadre d’une typologie qui en contrdle l’interpretation. D’une faqon gknerale, la reference a la caracterologie permettra d’orienter e t de nuancer les tests.

Cet ouvrage est agreablement resume dans les Insuccts scolaires (XIII), avec prise en consideration des formes d’intelligence.

Pierre Mesnard a trait6 la mCme matiere dans une skrie de spirituelles causeries a la radio (XXI).

Roger Gaillat nous offre une tres consciencieuse etude de 37 Cleves Ages de 9 a 11 ans avec expose complet de sa mkthode (application d’un triple questionnaire) et recourt egalement a la graphologie et a la morpho-psychologie (VII). Le tableau des aptitudes et des inaptitudes des divers types caractkriels (VI I, p. 152) verifie les resultats obtenus avec des Cleves plus Ages par Paul Grikger (IX, p. 81-82; X, p. 185-189). Andre Le Gall a compare ces rksultats (XIII, p. 48-50 et 65).

Jean Bourjade, dans une conference deja ancienne (1932) intitulee Plaidoyer pour la pddagogie d u caracttre (IV, p. 210-235) avait fait une foule de remarques judicieuses sur la faqon de placer les diffkrents types en classe, et sur la meilleure maniere d’utiliser leurs comp6tences en vue d’un travail harmonieux.

La grosse difficult6, lorsqu’on se trouve devant des enfants, est

Page 22: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 75

de diagnostiquer leur caractere au moyen d’un questionnaire sufi- samment simple et accessible a des intelligences enfantines. Un excellent petit ouvrage, dil a un instituteur franqais, Rene Bovard (V), rCsoud heureusement ce problbme : nous le recommandons chaleureusement.

I1 semble que la pedagogie caractdrielle a pris un bon depart : de toutes les applications caracterologiques, c’est sans doute la plus urgente, aussi beneficie-t-elle deja d’excellentes etudes variees e t soigneusement mises au point.

L a me‘decine et le caractlre ( X X V , X X V I I )

Depuis Hippocrate, innombrables sont les etudes de morpho- psychologie medicale, e t la psychanalyse est a l’ordre du jour. Mais les mkdecins se mkfient d’une caracterologie a la fois purement psychologique e t sans fondement psychiatrique comme celle de Le Senne, aussi seuls, jusqu’a maintenant, les DrB Resten e t Torris se sont-ils penches sur elle du point de vue professionnel.

Le petit precis du Dr Rene Resten (XXV) est parfaitement apte a initier aux elements de la caracterologie les medecins presses : des correlations morphologiques leur facilitent la tlche, e t des klements de psyclianalyse retablissent la perspective pathologique qui leur est chere.

L’ouvrage du Dr Georges Torris (XXVII) est une belle reussite dont la lecture est a recommander a tous les medecins e t a tous leurs clients ... autant dire A tout le monde!

Remarquons tout de suite que le medecin est privilegie dans l’analyse caractkrielle, non seulement parce que l’habitude du diagnostic fait de lui un bon observateur, mais parce que les malades se montrent A lui dans leur vkrite : la crainte de la maladie les plaqant dans un etat de transparence caractkrielle.

L’auteur decrit soigneusement le comportement de chaque type de malade devant le medecin et devant la maladie, ainsi que les maladies qui sont les plus frkquentes.

(( Les sentimentaux intkressent au premier chef le mkdecin parce qu’ils sont l’espece d’hommes e t de femmes laquelle il a le

Page 23: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

76 M. GEX

plus affaire. B Plein de deference a l’egard du medecin, le sentimental est cependant un client tres dificile a satisfaire, qui enregistre impitoyablement toutes ses defaillances.

L’absence d’originalite des flegmatiques est ce qui frappe le mkdecin : ce sont eux dont il n’y a rien a dire ! Rarement malades, faciles a soigner.

Le nerveux, impatient, recourt volontiers aux charlatans e t ne consent, pas plus que le colerique et le sanguin, a se soumettre a un traitement suivi e t un peu long. Le medecin doit se premunir vis-a-vis de l’exces de familiarit6 des colkriques qui tourne parfois a l’insolence. I1 doit debrouiller peniblement les recits confus des amorphes e t des apathiques.

(( Tous les caracteres presentent des avantages et des incon- venients. L’erreur a ne pas faire est de confondre le diagnostic caractkriel e t le jugement de valeur. Chaque medecin a, au con- traire, inter& a commencer par diagnostiquer son propre caractere e t a comprendre (...) qu’il ne doit pas servir de norme ideale a ses jugements. (...) I1 comprendra surtout, en rendant sa psychologie de plus en plus comprehensive, les besoins de ses clients, qui ne sont pas forckment ceux qu’il aurait s’il se trouvait a leur place, e t pourra mieux les satisfaire o (XXVII, p. 364).

Compliments ef conclusions

Les traites d’ensemble sur la caracterologie sont les ouvrages I, X, XVI, le dernier etant le plus complet e t le plus detaille.

Signalons rapidement ce qui n’a pu entrer dans les rubriques precedentes.

Le Dr Rene Resten a donne une mkthode graphologique accordee a la typologie de Le Senne (XXIV). Les signes graphiques de la timidit6 ont ete donnes dans XI, page 201, sous la plume d’Emile Caille.

Grice a Andre Le Gall, la caracterologie est entree tout recem- ment dans la Psycho-sociologie des entreprises (XIV). L’auteur critique la psychologie sociale amkricaine actuelle, ainsi que la psychotechnique classique, qui a le tort d’emietter la personnalite.

Page 24: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOGIE NO 3 77

I1 propose un questionnaire tres simple, de 45 questions pour un total de 5 facteurs, afin de replacer l’examen psychotechnique dans le cadre d’une etude generale de la personnalite.

(( L’avenir projetterait sur nous moins de canes d’ombre, a cat8 des plages de lumiere, si, toutes les fois qu’un progres de nos techniques s’accomplit ou se prefigure, nous nous posions la question de son exploitation en faveur de l’homme, - cette fin supreme, qu’il faut, par paradoxe, rappeler sans cesse a l’homme )) (XIV, p. 248).

Gaston Berger a esquissk une caractkrologie des peintres e t une etude des situations dramatiques au thCBtre dans un charmant petit volume d’initiation (111), qui fait desirer des etudes plus etendues dans ces directions.

Souhaitons egalement qu’un juriste ou un avocat nous donne sans tarder le digne pendant de l’ouvrage du Dr Torris.

Notre chronique etait deja redigee quand a paru, a titre posthume, sous la plume de Renk Le Senne, un admirable article de vingt pages de mise au point comme complement au tome VIII de 1’Encyclopedie Franqaise, La vie mentale, sous le titre : La caractirologie (Cahiers d’actualite e t de synthese de 1’Encyclopedie Franqaise). Le maitre de la caractkrologie a prkcise la methode de cette science en la comparant judicieusement a celle du diagnostic mkdical e t en insistant sur la convergence des resultats comme critere d’objectivitk. R e d Le Senne nuance la classification clas- sique des caracteres de deux manieres : en introduisant tout d’abord la largeur du champ de conscience pour 6tablir le type, ce qui donne seize types fondamentaux, chaque type classique se trouvant ainsi dkdoublk, puis ensuite en introduisant les valeurs moyennes (mi) dans l’intensitk des facteurs : ainsi entre les sentimentaux E . nA . S et les passionnes E . A . S, se situent les mkditatifs E . miA. S, etc.

L’anthropologie clifferentielle analyse l’etre humain suivant trois Ctages : l’ktage fondamental ou caractere, l’etage interme- diaire ou individualite (apports de la psychanalyse), l’etage superieur ou personnalite (viske de valeur). Une precieuse biblio- graphie couronne l’article. * * *

Page 25: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

78 M. GEX

Le succks mkme de la caracterologie de Le Senne devait h i attirer des critiques. Elles partent surtout des tendances psychia- triques utilisant des methodes cliniques, qui sont plus familieres aux milieux medicaux que les methodes statistiques. Nous ne pouvons mieux faire, en guise de reponse, que de renvoyer a l’ouvrage de Bourjade (IV). L’auteur a procede a un classement constructif et a une analyse critique penetrante des caracterologies de Klages, de Jung, de Kretschmer, de Bleuler, de Minkowski, de Boven e t des Jeansch, et il conclut : (( L a psychiatrie ne sauraif sumre a toutes les tdches de la caracftrologie (...) quels que soient les services inestimables que la psychiatrie a rendus et ne cessera de rendre a la systematique psychologique, une chose est certaine, c’est que l’axe de toufe caracftrologie est d a m la caracttrologie psycho- logique. D (IV, p. 176-177). En toute connaissance de cause, Jean Bourjade declare la caractkrologie de Heymans (( la plus parfaite qui soit, veritable systeme nature1 des diversites psychiques. o

Par de la toutes les critiques theoriques que l’on peut lui adresser, un fait demeure. La caracterologie de Heymans-Le Senne reqoit d’abondantes confirmations intuitives chaque fois que l’on tente de l’appliquer autour de soi d’une maniere empirique et spontanee, dans la vie de tous les jours. Tous ceux qui l’ont pra- tiquee ont fait cette rassurante experience : simple et pratique, elle est valable (( en premiere approximation o. Citons la judicieuse remarque d’Emmanuel Mounier : (( Nous avons avec cette technique un bon instrument de travail, qui provisoirement se montre fecond a l’usage, que l’avenir peut-ktre rendra caduc. I1 permet l’etalon- nage d’une gamme sensible de transitions, e t presente l’avantage d’une notation mathkmatique precise. S’il s’use, au moins aura-t-il ete un instrument utile des decouvertes qui le devaloriseront )) l.

Nous avons la I’esprit mCme d’une pensee dialectique, toujours ouverte, telle que la definit l’idontisme.

(IV, p. 74).

1 Traitd du caracttre, p. 27-28.

Page 26: CHRONIQUE DE CARECTÉROLOGIE NO 3

CHRONIQUE DE CARACTEROLOCIE NO 3 79

Rdsumd

RenC Le Senne a largement rbpandu en France 1’6cole de caractCrologie des hollandais Heymans et Wiersma, qui fut dhs lors complCtCe et appro- fondie grace A un travail d’Cquipe.

Cette caractkrologie purement psychologique - c’est-&-dire sans attaches avec la morphologie et la psychiatrie - compose les types de caracthe au moyen de trois facteurs de base, l’CmotivitC, I’activitC et le retentissement, ce qui permet d’assigner A chaque type une formule analogue A celle d’un corps chimique compost!. Des facteurs supplkmentaires per- mettent de nuancer chacun des huit types ainsi d6flnis.

Des Ctudes trbs variCes dans les domaines de la pkdagogie, de I’histoire IittCraire, de I’histoire des sciences, de l’histoire de la philosophie, de la mCdecine et de la psycho-sociologie des entreprises manifestent la fCconditC et la souplesse de cette mCthode d’analyse du caracthe, qui reste ouverte pour accueillir tous les complkments qui se rCv6lent judicieux et pour &re confrontbe avec les autres typologies.