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N°d’ordre NNT : 2016LYSE2011 THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON Opérée au sein de L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2 École Doctorale : ED 483 Sciences sociales Discipline : Langues, Histoire et civilisations des mondes anciens Soutenue publiquement le 5 février 2016, par : Stefano CORNO Autour de la relation tête- dépendant dans les langues indo-européennes anciennes Typologie et reconstruction Devant le jury composé de : Leonid KULIKOV, Associate professor, Université de Gand, Président Isabelle BOEHM, Professeure des universités, Université Lumière Lyon 2 Daniel PETIT, Professeur des universités, École Normale Supérieure de Paris Sylvain PATRI, Professeur des universités, Université Lumière Lyon 2, Directeur de thèse

École Doctorale - Lumière University Lyon 2theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2016/corno_s/... · N°d’ordre NNT : 2016LYSE2011 THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON

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  • N°d’ordre NNT : 2016LYSE2011

    THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE LYON

    Opérée au sein de

    L’UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2

    École Doctorale : ED 483 Sciences sociales

    Discipline : Langues, Histoire et civilisations des mondes anciens

    Soutenue publiquement le 5 février 2016, par :

    Stefano CORNO

    Autour de la relation tête-

    dépendant dans les langues

    indo-européennes anciennes

    Typologie et reconstruction

    Devant le jury composé de :

    Leonid KULIKOV, Associate professor, Université de Gand, Président

    Isabelle BOEHM, Professeure des universités, Université Lumière Lyon 2

    Daniel PETIT, Professeur des universités, École Normale Supérieure de Paris

    Sylvain PATRI, Professeur des universités, Université Lumière Lyon 2, Directeur de thèse

  • Université Lumière Lyon II

    École doctorale ED 483 Sciences Sociales

    Faculté des Lettres, Sciences du Langage et Arts

    Département des Sciences du Langage

    Laboratoire Histoire et Sources des Mondes Anciens (HiSoMA) UMR 5189

    Autour de la relation tête-dépendant dans les langues indo-européennes anciennes

    Typologie et reconstruction

    par Stefano CORNO

    Thèse de doctorat de Langues, histoire et civilisations des mondes anciens

    Dirigée par M. Sylvain PATRI

    Professeur de Linguistique générale, Université Lyon II

    Présentée et soutenue publiquement le 5 février 2016

    Devant un jury composé de :

    Mme Isabelle BOEHM Professeur de Linguistique et littérature grecques - Université Lumière

    Lyon II

    M. Leonid KULIKOV Assistant Professor - Université de Gand (Belgique)

    M. Sylvain PATRI Professeur de Linguistique générale - Université Lumière Lyon II

    M. Daniel PETIT Professeur de Grammaire et linguistique - École Normale Supérieure de Paris ; Directeur

    d’Études - École Pratique des Hautes Études, IVème section - Paris

  • 2

  • 3

    À ma mère,

    à JM,

    merci pour leurs sourires

    qui réchauffent mon cœur.

  • 4

  • 5

    Résumé

    L’objet de ce travail est d’étudier les mécanismes de co-variation entre la tête d’un

    constituant nominal et son/ses dépendant(s) dans les langues indo-européennes

    anciennes : indo-iranien, grec, italique et anatolien. Une analyse détaillée de la

    morphologie nominale et pronominale au sein de chacun de ces groupes permet de

    dégager les classes d’accord possibles et impossibles pour chacune de ces langues

    et de déterminer le rôle joué par les morphèmes désinentiels dans la co-variation. Dans

    les langues à trois genres, les classes flexionnelles sont plus nombreuses avec une

    information sur le genre portée tantôt par la tête, tantôt par le dépendant, ou parfois

    demeure ambiguë. En revanche, lorsque le dépendant est un pronom, le type

    morphologique en général implique le genre.

    Une attention particulière est accordée aux relations d’accord entre tête et dépendant

    dans les rôles syntaxiques élémentaires : A (agent transitif), P (patient), U (participant

    unique d’une construction intransitive). Le marquage de ces rôles diffère notablement

    entre les noms de genre animé et ceux de genre inanimé. Le marquage des animés

    présente les mêmes caractéristiques dans les quatre groupes, tandis que pour les

    inanimés on observe que l’anatolien a un comportement radicalement distinct : le

    marquage différencié de A et de U montre une capacité limitée des noms inanimés à

    accéder au rôle d’agent, également reflétée dans l’indexation au verbe.

    On estime que l’organisation dont l’anatolien témoigne doit être posée comme

    originelle dans le domaine indo-européen : la contrainte de l’animation est

    déterminante pour accéder au rôle d’agent.

    Mots-clés :

    reconstruction linguistique, évolution linguistique, typologie linguistique, dialectologie,

    morphologie, syntaxe, accord, constituance, marquage tête-dépendant, animation,

    indo-européen, védique, grec, latin, hittite.

  • 6

  • 7

    Abstract

    The purpose of this work is to study co-variation mechanisms between the head of a

    nominal constituent and its dependent(s) in the following ancient Indo-European

    languages: Indo-Iranian, Greek, Italic and Anatolian. By analysing in detail nominal and

    pronominal morphology within each of these groups, we shall determine which

    agreement classes are possible, and which ones are not, and define which role is

    played by desinential morphemes in the co-variation. In languages which distinguish

    three genders, inflectional classes are more numerous and either the head or the

    dependent bear the gender information, or neither, or both. However, when the

    dependent is a pronoun, the gender may be implied by the morphological type.

    We shall particularly focus on the agreement relations between head and dependent

    in core syntactic roles: A (transitive agent), P (patient) and U (unique participant in an

    intransitive construction). The marking of these roles is considerably different

    depending on whether the nouns are animate or inanimate. Animate nouns are marked

    in the same way in the four groups which are under scrutiny, whereas in the case of

    inanimate nouns Anatolian behaves in a drastically different way: the differential

    marking of A and U shows a limited capacity of inanimate nouns to become agents,

    which is also reflected in verbal indexation.

    The organisation shown by Anatolian is postulated as original in the field of Indo-

    European: the constraint of animation is decisive in becoming an agent.

    Key words:

    linguistic reconstruction, linguistic evolution, linguistic typology, dialectology,

    morphology, syntax, agreement, constituency, head-dependent marking, animation,

    Indo-European, Vedic, Greek, Latin, Hittite.

  • 8

  • 9

    Riassunto

    Lo studio ha per oggetto i meccanismi di co-variazione fra la testa di un costituente

    nominale ed il suo (i suoi) dipendente/-i nelle lingue indoeuropee antiche : indo-iranico,

    greco, italico ed anatolico. Un’analisi dettagliata della morfologia nominale e

    pronominale all’interno di ognuno dei suddetti gruppi permette di determinare le classi

    d’accordo possibili o meno per ognuna di queste lingue e di determinare il ruolo svolto

    dai morfemi desinenziali nella co-variazione. Nelle lingue che distinguono tre generi le

    classi flessive sono più numerose e l’informazione di genere è marcata a volte sulla

    testa, a volte sul dipendente, a volte resta ambigua. Invece quando il dipendente è

    pronominale, generalmente il tipo morfologico implica il genere.

    Un’attenzione particolare viene rivolta all’accordo fra testa e dipendente nei ruoli

    sintattici elementari: A (agente transitivo), P (paziente), U (partecipante unico di una

    costruzione intransitiva). La marcatura di questi ruoli è diversa particolarmente fra i

    nomi animati e quelli inanimati: la marcatura degli animati presenta le stesse

    caratteristiche nei quattro gruppi, mentre per gli inanimeati si osserva che il

    comportamento dell’anatolico è radicalmente diverso : la marcatura differenziata di A

    e U mostra una limitata capacità dei verbi inanimati di accedere al ruolo d’agente e ciò

    si riflette ugualmente nell’indicizzazione verbale.

    Si ritiene che l’organizzazione testimoniata dai dati delle lingue anatoliche debba

    essere ipotizzata come la situazione originaria nell’ambito indoeuropeo : il vincolo

    dell’animatezza è determinante per accedere al ruolo d’agente.

    Parole-chiave:

    ricostruzione linguistica, evoluzione linguistica, tipologia linguistica, dialettologia,

    morfologia, sintassi, accordo, costituenza, marcatura testa-dipendente, animazione,

    indoeuropeo, vedico, greco, latino, ittita.

  • 10

  • 11

    Avant-propos

    Opera natural è ch’om favella;

    ma così o così, natura lascia

    poi fare a voi, secondo ch’abbella1.

    (Dante Alighieri, Paradis, XXVI, 130-132)

    Après un certain nombre d’années passées à étudier la relation tête-dépendant dans

    les langues indo-européennes, il ne m’est pas toujours facile de me remémorer le

    chemin qui m’a conduit à choisir ce domaine de recherche. L’intérêt pour la

    comparaison entre les langues indo-européennes est certes une vieille passion que je

    cultive depuis les cours de glottologia suivis à l’Université de Milan et mes études de

    Sanskrit entre Milan, Berlin et l’École Pratique des Hautes Études de Paris.

    Le sujet choisi offre la possibilité de procéder à une analyse qui réunit morphologie et

    syntaxe : en effet, dans la co-variation entre la tête d’un constituant nominal et ses

    dépendants, l’enjeu est de voir comment ils interagissent dans les stratégies d’accord.

    Le travail que j’effectue dans le cadre de mes activités professionnelles ne m’a pas

    permis de travailler avec autant de continuité que je l’aurais souhaité : les cours

    d’italien en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles, ainsi que la participation,

    pendant quatre ans, aux travaux du jury de l’Agrégation interne d’italien, ont

    inévitablement limité le temps consacré à mon travail de thèse et retardé son

    achèvement.

    Par ailleurs, le travail de recherche lui-même, la méthodologie à utiliser, les choix à

    effectuer ont également constitué des moments de doutes que j’ai pu dépasser grâce

    aux conseils et au soutien de mon directeur de thèse, M. Sylvain Patri, que je souhaite

    remercier ici pour sa disponibilité et pour toutes les heures passées à discuter avec

    moi des questions de dépendance et co-variation.

    Plusieurs personnes autour de moi m’ont soutenu avec leurs encouragements : je

    pense à ma mère, à tous les amis (en Italie, en France ou ailleurs) qui ont contribué

    par leurs mots gentils à ce que ce travail de longue haleine arrive à son terme. Je les

    remercie de tout cœur.

    1 « Que l’homme parle est œuvre naturelle ; / mais qu’il parle de telle ou telle sorte, / Nature s’en remet à vos désirs » (traduction par Marc Scialom).

  • 12

    Je n’oublie pas les collègues du Lycée du Parc de Lyon avec qui j’ai discuté de temps

    en temps de mon travail entre deux cours (parmi eux, ma pensée va à Robert Gamon

    qui nous a quittés récemment), ni mes élèves qui s’amusaient en me voyant arriver en

    cours avec des ouvrages dont les titres étaient à leurs yeux, pour ainsi dire,

    « exotiques ».

    Les réflexions que j’ai pu développer ont mûri aussi grâce aux échanges que j’ai pu

    avoir avec des spécialistes du secteur au cours de séminaires et de colloques

    internationaux qui m’ont maintes fois donné des conseils bibliographiques et des

    suggestions extrêmement utiles. Je remercie tout particulièrement Mmes et MM. Guido

    Borghi (Université de Gênes), Maria Piera Candotti (Université de Lausanne), Eugenio

    Ramón Luján Martinez (Université de Madrid), Silvia Luraghi (Université de Pavie),

    Daniel Petit (ENS/École Pratique des Hautes Études de Paris). Les longues

    conversations avec Alfredo Rizza (Université de Vérone) ont été particulièrement

    bénéfiques. Au sein de l’Université Lyon II, je remercie le laboratoire HiSoMA (UMR

    5189), où j’ai trouvé le meilleur accueil pour mes recherches et un environnement de

    travail stimulant.

    Je remercie du fond du cœur tous les amis qui m’ont aidé avec un professionnalisme

    et un dévouement qui m’a réellement ému, afin de relire mon travail et d’en éliminer

    mes italianismes (toujours aux aguets) : Mmes et MM. Marie-Françoise et Pierre-Jean

    Balzan, Maria Piera Candotti, Christelle Laizé-Gratias, Sofia Moncó Taracena, Jean-

    Michel Pouzol, Damien Prévost, Léa Thalmard, Didier Voïta.

    Enfin, merci à André Fabbri qui a apporté sa touche professionnelle dans la mise en

    forme informatique de cette thèse.

    De toutes les erreurs, les imprécisions et les omissions je suis, évidemment, le seul

    responsable.

    Novembre 2015

  • 13

    Table des matières

    Résumé ..................................................................................................................................... 5

    Abstract ..................................................................................................................................... 7

    Riassunto .................................................................................................................................. 9

    Avant-propos .......................................................................................................................... 11

    Table des matières ................................................................................................................ 13

    1 INTRODUCTION .......................................................................................................... 23

    1.1 Notion de tête et de dépendant ................................................................................. 23

    1.1.1 La structure en constituants ................................................................................ 23

    1.1.2 La notion de tête et de dépendant ....................................................................... 24

    1.1.3 L’accord ............................................................................................................. 27

    1.1.4 La notion de syncrétisme .................................................................................... 28

    1.2 Domaine d’application : les langues indo-européennes ........................................... 30

    1.2.1 Caractère flexionnel ........................................................................................... 31

    1.2.2 Cas directs et cas obliques .................................................................................. 32

    1.2.3 Vocatif ................................................................................................................ 32

    1.2.4 Duel .................................................................................................................... 33

    1.2.5 Les classes de flexion ......................................................................................... 33

    1.2.6 Le genre grammatical ......................................................................................... 34

    1.2.7 Difficulté de segmentation ................................................................................. 35

    1.3 L’analyse tête-dépendant dans les langues indo-européennes ................................. 37

    1.3.1 Méthodologie d’analyse ..................................................................................... 37

    1.3.2 Têtes et dépendants ............................................................................................ 37

    1.3.3 L’ordre des mots dans les langues indo-européennes ........................................ 39

    1.3.4 Un phénomène homogène ? ............................................................................... 39

    1.3.5 Avantages et inconvénients ................................................................................ 39

    2 INDO-IRANIEN ............................................................................................................. 41

    2.1 Introduction .............................................................................................................. 41

  • 14

    2.1.1 Généralités .......................................................................................................... 41

    2.1.2 Védique .............................................................................................................. 42

    2.1.3 Avestique ............................................................................................................ 43

    2.2 Caractères morphosyntaxiques de l’indo-iranien ..................................................... 45

    2.2.1 Genre .................................................................................................................. 45

    2.2.2 Nombre ............................................................................................................... 45

    2.2.3 Cas ...................................................................................................................... 45

    2.2.4 Critères de classement traditionnellement pris en compte ................................. 46

    2.2.5 Critères utilisés ................................................................................................... 47

    2.2.6 Nom et adjectif en indo-iranien .......................................................................... 47

    2.2.6.1 Critères phonologiques ............................................................................... 48

    2.2.6.2 Critères morphologiques ............................................................................. 48

    2.2.7 Code de présentation .......................................................................................... 49

    2.3 Flexion nominale ...................................................................................................... 51

    2.3.1 Classes de flexion ............................................................................................... 52

    2.3.1.1 Classe A ...................................................................................................... 52

    2.3.1.2 Classe B ...................................................................................................... 54

    2.3.1.2.1 La morphologie et l’expression du genre ............................................... 54

    2.3.1.2.2 Bilan ........................................................................................................ 57

    2.3.1.3 Classe C ...................................................................................................... 57

    2.3.1.3.1 Résidus de noms masculins .................................................................... 59

    2.3.1.3.2 Critères segmentaux et suprasegmentaux ............................................... 61

    2.3.1.3.3 Critères morphologiques ......................................................................... 62

    2.3.1.3.4 Synthèse .................................................................................................. 63

    2.3.1.4 Classe D ...................................................................................................... 64

    2.3.1.5 Classe E ....................................................................................................... 67

    2.3.1.6 Classe F ....................................................................................................... 69

    2.3.1.7 Classe G ...................................................................................................... 70

    2.3.1.8 Classe H ...................................................................................................... 71

    2.3.1.9 Bilan ............................................................................................................ 72

    2.3.1.9.1 Répartition des genres grammaticaux dans les classes de flexion .......... 72

    2.3.1.9.2 Discrimination des cas directs dans les trois genres ............................... 74

    2.3.2 Désinences employées ........................................................................................ 75

    2.3.2.1 Classe A (masculins) - classe F (neutres) ................................................... 75

    2.3.2.2 Classe B (masculins/féminins) - classe G (neutres) .................................... 76

    2.3.2.3 Classe D (masculins/féminins) - classe G (neutres).................................... 77

    2.3.3 Védique et avestique .......................................................................................... 78

  • 15

    2.3.4 Tableau récapitulatif des désinences nominales ................................................. 81

    2.3.4.1 Observations ............................................................................................... 83

    2.3.4.1.1 Expression du genre grammatical ........................................................... 83

    2.3.4.1.2 Particularités de la classe B .................................................................... 83

    2.3.4.1.3 Marques casuelles valables pour tous les types flexionnels ................... 83

    2.3.4.1.4 Polysémie des désinences ....................................................................... 84

    2.4 Flexion des adjectifs ................................................................................................. 86

    2.4.1 Observations générales ....................................................................................... 86

    2.4.2 Type 1. ................................................................................................................ 87

    2.4.3 Type 2. ................................................................................................................ 89

    2.4.3.1 Distribution des genres ............................................................................... 89

    2.4.3.1.1 Nominatif singulier ................................................................................. 90

    2.4.3.1.2 Accusatif pluriel ..................................................................................... 90

    2.4.3.1.3 Instrumental singulier et génitif pluriel .................................................. 91

    2.4.4 Type 3. ................................................................................................................ 92

    2.4.5 Type 4 ................................................................................................................. 94

    2.4.6 Bilan ................................................................................................................... 95

    2.4.6.1 Cas directs ................................................................................................... 95

    2.4.6.1.1 Spécification des désinences................................................................... 95

    2.4.6.1.2 Accusatif pluriel ..................................................................................... 96

    2.4.6.2 Cas obliques ................................................................................................ 96

    2.4.7 Classes flexionnelles ayant vocation à fléchir des adjectifs ............................... 97

    2.5 Flexion pronominale ................................................................................................ 98

    2.5.1 Caractéristiques générales de la déclinaison pronominale ................................. 98

    2.5.2 Répartition du genre ........................................................................................... 99

    2.5.3 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 100

    2.5.3.1 ayám, iyám, idám ...................................................................................... 100

    2.5.3.2 asaú, adás ................................................................................................. 100

    2.5.3.3 sás, sā ́, tád ................................................................................................. 102

    2.5.3.4 Analyse des données ................................................................................. 103

    2.5.3.5 Autres démonstratifs ................................................................................. 105

    2.5.3.6 Désinences du neutre singulier ................................................................. 105

    2.5.4 Bilan ................................................................................................................. 106

    2.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 107

    2.6.1 Considérations générales .................................................................................. 107

    2.6.2 Nom et pronom dans les langues indo-européennes ........................................ 108

    2.6.3 Les classes d’accord ......................................................................................... 108

  • 16

    2.6.4 Occurrences ...................................................................................................... 110

    2.6.4.1 Classe B .................................................................................................... 110

    2.6.4.2 Classe E ..................................................................................................... 111

    2.6.4.3 Cas ambigus .............................................................................................. 113

    2.6.4.4 Discordance en genre ................................................................................ 114

    2.6.4.5 Discordance en nombre ............................................................................. 116

    2.6.4.6 Discordances dans l’accord avec le prédicat............................................. 116

    2.6.5 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 117

    2.6.5.1 Rôles syntaxiques ...................................................................................... 117

    2.6.5.2 Le sandhi ................................................................................................... 119

    2.6.5.3 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 119

    2.6.5.4 Catégorie des dépendants .......................................................................... 121

    2.6.5.5 L’accord tête-dépendant ............................................................................ 122

    2.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 129

    2.7.1 Observations sur les classes d’accord .............................................................. 129

    2.7.2 Distribution des désinences .............................................................................. 130

    2.7.3 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 131

    2.7.3.1 Cas directs ................................................................................................. 131

    2.7.3.2 Cas obliques : des comportements très différents ..................................... 132

    2.7.3.3 Instrumental et locatif ............................................................................... 133

    3 GREC ............................................................................................................................ 135

    3.1 Introduction ............................................................................................................ 135

    3.1.1 Généralités ........................................................................................................ 135

    3.1.2 Les dialectes et leurs attestations...................................................................... 135

    3.1.3 Différences dialectales ..................................................................................... 136

    3.1.4 Le mycénien. Atouts et limites ......................................................................... 137

    3.1.5 La koiné ............................................................................................................ 137

    3.1.6 Choix de textes littéraires anciennement attestés ............................................. 138

    3.2 Caractères morphosyntaxiques du grec .................................................................. 140

    3.2.1 Le genre ............................................................................................................ 140

    3.2.2 Le nombre ........................................................................................................ 140

    3.2.3 Le cas ................................................................................................................ 140

    3.2.4 Code de présentation ........................................................................................ 141

    3.3 Flexion nominale .................................................................................................... 142

    3.3.1 Introduction ...................................................................................................... 142

    3.3.1.1 Architecture flexionnelle des masculins et des féminins .......................... 143

  • 17

    3.3.1.2 Architecture flexionnelle des neutres ........................................................ 143

    3.3.2 Classe A ............................................................................................................ 144

    3.3.3 Classe B ............................................................................................................ 146

    3.3.3.1 L’alternance thématique ............................................................................ 148

    3.3.3.2 Thèmes en voyelle .................................................................................... 149

    3.3.3.3 Thèmes en diphtongue .............................................................................. 150

    3.3.4 Classe C ............................................................................................................ 151

    3.3.4.1 Thèmes en -ā- ........................................................................................... 151

    3.3.4.2 Thèmes en -ă- ........................................................................................... 152

    3.3.4.3 Les données du mycénien dans l’analyse d’I. Hajnal ............................... 154

    3.3.5 Classe D ............................................................................................................ 155

    3.3.6 Classe E ............................................................................................................ 156

    3.3.7 Relation entre classes de flexion et genre ........................................................ 158

    3.3.8 Résidus de cas disparus .................................................................................... 158

    3.3.9 La désinence -phi .............................................................................................. 159

    3.3.10 Autres structures flexionnelles ......................................................................... 159

    3.3.10.1 Homophonie génitif singulier-accusatif pluriel ........................................ 159

    3.3.10.2 Homophonie nominatif singulier - accusatif pluriel ................................. 160

    3.3.11 Fluctuation dans les genres .............................................................................. 161

    3.3.12 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 162

    3.3.13 Observations ..................................................................................................... 164

    3.3.14 Problèmes de segmentation .............................................................................. 166

    3.3.15 Polysémie des désinences ................................................................................. 167

    3.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 169

    3.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 170

    3.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 171

    3.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 171

    3.4.4 Type 4 ............................................................................................................... 173

    3.4.5 Type 5 ............................................................................................................... 174

    3.4.6 Type 6 ............................................................................................................... 175

    3.4.7 Observations ..................................................................................................... 177

    3.4.7.1 La formation du féminin ........................................................................... 177

    3.4.7.2 Emplois du neutre ..................................................................................... 177

    3.4.7.3 Cas d΄homophonie .................................................................................... 178

    3.4.7.4 Une classe de flexion typiquement adjectivale ......................................... 179

    3.4.7.5 L’expression du genre ............................................................................... 180

    3.5 Flexion pronominale .............................................................................................. 183

  • 18

    3.5.1 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 183

    3.5.1.1 Flexion ...................................................................................................... 184

    3.5.1.2 Fonctions ................................................................................................... 186

    3.5.2 Pronom relatif ................................................................................................... 187

    3.5.3 Pronoms interrogatif et indéfini ....................................................................... 187

    3.5.4 Bilan ................................................................................................................. 188

    3.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 190

    3.6.1 Définition des classes d’accord ........................................................................ 190

    3.6.2 Discordances .................................................................................................... 193

    3.6.2.1 Discordances en genre .............................................................................. 194

    3.6.2.1.1 Concret/abstrait ..................................................................................... 194

    3.6.2.1.2 Constituants coordonnés ....................................................................... 195

    3.6.2.1.3 L’accord des adjectifs en -ú-................................................................. 197

    3.6.2.1.4 Au-delà du constituant nominal ............................................................ 200

    3.6.2.2 Discordances en nombre ........................................................................... 201

    3.6.2.2.1 Duel vs. pluriel ..................................................................................... 201

    3.6.2.2.2 Une tendance dans la formation du collectif ........................................ 201

    3.6.2.3 Discordances en cas .................................................................................. 203

    3.6.3 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 204

    3.6.3.1 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 204

    3.6.3.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 206

    3.6.3.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 207

    3.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 211

    3.7.1 Observations sur les accords tête-dépendant .................................................... 211

    3.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 212

    4 ITALIQUE .................................................................................................................... 215

    4.1 Introduction ............................................................................................................ 215

    4.1.1 Généralités ........................................................................................................ 215

    4.1.2 Le latin .............................................................................................................. 216

    4.1.3 L’osque ............................................................................................................. 217

    4.1.4 L’ombrien ......................................................................................................... 218

    4.2 Caractères morphosyntaxiques de l’italique .......................................................... 219

    4.2.1 Genre ................................................................................................................ 219

    4.2.2 Nombre ............................................................................................................. 220

    4.2.3 Cas .................................................................................................................... 220

    4.2.4 Considérations sur le système casuel de l’italique ........................................... 221

  • 19

    4.2.5 Code de présentation ........................................................................................ 222

    4.3 Flexion nominale .................................................................................................... 223

    4.3.1 Classes de flexion ............................................................................................. 223

    4.3.2 Classe A ............................................................................................................ 224

    4.3.3 Classe B ............................................................................................................ 228

    4.3.4 Classe C ............................................................................................................ 232

    4.3.5 Classe D ............................................................................................................ 237

    4.3.6 Classe E ............................................................................................................ 239

    4.3.7 Classe F ............................................................................................................ 241

    4.3.8 Classe G ............................................................................................................ 245

    4.3.9 Classe H ............................................................................................................ 246

    4.3.10 Observations ..................................................................................................... 247

    4.3.11 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 250

    4.3.12 Observations ..................................................................................................... 252

    4.3.12.1 Différenciation animé/inanimé ................................................................. 252

    4.3.12.2 Cas circonstanciels .................................................................................... 252

    4.3.12.3 Pluriel ........................................................................................................ 254

    4.3.12.4 Stratégies de différenciation du genre ....................................................... 254

    4.3.12.5 Fluctuation dans les genres ....................................................................... 255

    4.3.12.6 Polysémie des désinences ......................................................................... 256

    4.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 258

    4.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 259

    4.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 260

    4.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 262

    4.4.4 Type 4 ............................................................................................................... 263

    4.4.5 Observations ..................................................................................................... 264

    4.4.6 Bilan ................................................................................................................. 265

    4.5 Flexion pronominale .............................................................................................. 266

    4.5.1 Pronoms démonstratifs ..................................................................................... 267

    4.5.1.1 Le pronom anaphorique is, ea, id .............................................................. 267

    4.5.1.2 Pronoms déictiques ................................................................................... 271

    4.5.1.3 L’emploi des pronoms anaphoriques ........................................................ 272

    4.5.1.4 Pronom interrogatif/indéfini ..................................................................... 274

    4.5.1.5 Pronom relatif ........................................................................................... 278

    4.5.2 Bilan ................................................................................................................. 279

    4.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 281

    4.6.1 Introduction ...................................................................................................... 281

  • 20

    4.6.2 Marquage sur la tête ou sur le dépendant ......................................................... 283

    4.6.3 Discordances en nombre .................................................................................. 285

    4.6.3.1 Concordance selon le sens ........................................................................ 285

    4.6.3.2 Neutre pluriel ............................................................................................ 286

    4.6.4 Discordance en genre ....................................................................................... 287

    4.6.4.1 Concordance selon le sens ........................................................................ 287

    4.6.4.2 Constituants coordonnés ........................................................................... 287

    4.6.5 Discordances en cas.......................................................................................... 289

    4.6.6 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 290

    4.6.6.1 Catégories des têtes nominales ................................................................. 290

    4.6.6.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 291

    4.6.6.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 292

    4.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 296

    4.7.1 Observations sur les accords tête-dépendant .................................................... 296

    4.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 297

    4.7.3 Cas directs ........................................................................................................ 298

    4.7.4 Cas obliques ..................................................................................................... 298

    5 ANATOLIEN ................................................................................................................ 301

    5.1 Introduction ............................................................................................................ 301

    5.1.1 Généralités ........................................................................................................ 301

    5.1.2 Hittite ................................................................................................................ 302

    5.1.3 Louvite ............................................................................................................. 303

    5.1.4 Autres langues .................................................................................................. 303

    5.1.5 La branche anatolienne au sein des langues indo-européennes ....................... 304

    5.2 Caractères morphosyntaxiques de l’anatolien ........................................................ 305

    5.2.1 Nombre ............................................................................................................. 305

    5.2.2 Genre ................................................................................................................ 305

    5.2.3 Cas .................................................................................................................... 309

    5.2.3.1 Problèmes d’interprétation casuelle .......................................................... 309

    5.2.3.2 Hypothèse dérivationnelle......................................................................... 310

    5.2.3.3 Ergativité ................................................................................................... 312

    5.2.3.4 Ablatif ....................................................................................................... 313

    5.2.3.5 Bilan .......................................................................................................... 314

    5.3 Flexion nominale .................................................................................................... 316

    5.3.1 Classes de flexion ............................................................................................. 316

    5.3.2 Classe A ............................................................................................................ 317

  • 21

    5.3.3 Classe B ............................................................................................................ 318

    5.3.3.1 La désinence /-anz/.................................................................................... 319

    5.3.3.2 Marques de pluriel aux cas directs ............................................................ 320

    5.3.3.3 Indexation au verbe ................................................................................... 321

    5.3.4 Tableau comparatif des désinences nominales ................................................. 324

    5.3.5 Hypothèses sur les graphies -a(n)ts / -a(n)z(a) ................................................. 325

    5.3.6 Observations : ................................................................................................... 326

    5.3.6.1 Marquages casuels .................................................................................... 326

    5.3.6.2 Polysémie des désinences ......................................................................... 328

    5.4 Flexion des adjectifs ............................................................................................... 330

    5.4.1 Type 1 ............................................................................................................... 331

    5.4.2 Type 2 ............................................................................................................... 332

    5.4.3 Type 3 ............................................................................................................... 333

    5.4.4 Observations : ................................................................................................... 333

    5.5 Flexion pronominales ............................................................................................. 335

    5.5.1 Pronoms déictiques et anaphoriques ................................................................ 335

    5.5.1.1 Formes fortes ............................................................................................ 335

    5.5.1.2 Clitiques .................................................................................................... 338

    5.5.2 Pronom relatif-interrogatif ............................................................................... 340

    5.5.3 Bilan ................................................................................................................. 342

    5.6 Classes d’accord ..................................................................................................... 344

    5.6.1 Considérations générales .................................................................................. 344

    5.6.2 Classes d’accord ............................................................................................... 345

    5.6.3 Accord des substantifs montrant -a(n)za dans le rôle d’agent transitif ............ 347

    5.6.3.1 Conséquences sur l’hypothèse dérivationnelle ......................................... 347

    5.6.3.2 Conséquences sur l’hypothèse ergative .................................................... 348

    5.6.3.3 Conséquences sur l’hypothèse ablativale .................................................. 349

    5.6.4 Discordances .................................................................................................... 349

    5.6.4.1 Discordance en genre ................................................................................ 349

    5.6.4.2 Discordance en nombre ............................................................................. 349

    5.6.4.3 Discordance en cas .................................................................................... 351

    5.6.5 Distribution des morphèmes désinentiels dans les cas syntaxiques ................. 352

    5.6.5.1 Catégorie des têtes nominales ................................................................... 352

    5.6.5.2 Catégorie des dépendants .......................................................................... 353

    5.6.5.3 L’accord entre tête et dépendant ............................................................... 354

    5.7 Récapitulatif ........................................................................................................... 357

    5.7.1 Observations sur les classes d’accord .............................................................. 357

  • 22

    5.7.2 Tendance au syncrétisme.................................................................................. 358

    6 CONCLUSION ............................................................................................................. 361

    6.1 Généralités .............................................................................................................. 361

    6.2 Morphologie de l’adjectif ....................................................................................... 361

    6.3 Morphologie pronominale ...................................................................................... 363

    6.4 Les classes d’accord : comparaison des résultats ................................................... 365

    6.5 Distribution des marques désinentielles dans les arguments syntaxiques .............. 370

    6.6 Marquage du nominatif .......................................................................................... 373

    6.7 Hypothèses de reconstruction ................................................................................. 375

    6.7.1 Morphologie de type accusatif ......................................................................... 376

    6.7.2 La position de l’anatolien ................................................................................. 377

    6.7.3 L’absence de féminin ....................................................................................... 377

    6.7.4 L’organisation UP ≠ A ..................................................................................... 378

    6.8 Bilan ....................................................................................................................... 380

    Bibliographie ......................................................................................................................... 383

  • 23

    1 INTRODUCTION

    1.1 Notion de tête et de dépendant

    1.1.1 La structure en constituants

    Un constituant regroupe des mots qui fonctionnent comme un seul bloc à un niveau

    de la structure. La nécessité de regrouper ainsi les mots naît du fait que des énoncés

    peuvent devenir ambigus, non parce qu’ils contiennent des mots ambigus, mais parce

    qu’ils donnent lieu à plusieurs interprétations possibles. C’est le cas du syntagme the

    tall bishop’s hat, discuté par Kroeger [2005 : 27] qui peut être interprété de deux façons

    différentes, comme on le voit dans l’exemple (1) :

    (1) a. The [tall bishop]’s hat

    b. The tall [bishop’s hat]

    Cela montre que les mots se regroupent en constituants, tant au niveau du syntagme

    qu’au niveau phrastique, et que ces regroupements permettent de déterminer le sens

    du syntagme ou de la phrase. La question qui se pose maintenant est de comprendre

    comment l’on identifie les constituants. Creissels [2006 : I, 19] observe qu’en français

    la possibilité de placer un groupe de mots en position non canonique dans une

    construction clivée permet de reconnaître comme constituants ces groupes de mots.

    C’est ce qu’il arrive dans les exemples (2b) et (2c), et non dans (2d) et (2e) :

    (2) a. Jean a parlé [de son projet de thèse] [au directeur du département]

    b. C’est [de son projet de thèse] que Jean a parlé […] [au directeur du département]

    c. C’est [au directeur du département] que Jean a parlé […] [de son projet de thèse]

    d. *C’est [au directeur] que Jean a parlé de son projet de thèse […] du département

    e. *C’est [de son projet] que Jean a parlé […] de thèse au directeur du département

    Selon les types de mots qu’ils comprennent, on reconnait plusieurs types de

    constituants, à savoir :

  • 24

    1) constituant nominal : formé d’un nom et d’un déterminant, d’un adjectif, d’un pronom ;

    2) constituant adpositionnel : formé d’une adposition et de l’objet de l’adposition ;

    3) constituant phrastique : formé d’un verbe et de ses compléments.

    1.1.2 La notion de tête et de dépendant

    À l’intérieur d’un constituant, la tête est l’élément qui impose ses propriétés

    syntaxiques aux autres éléments qui composent le constituant et sont appelés ses

    dépendants. Les dépendants adoptent les propriétés de la tête. En français, par

    exemple, les déterminants, démonstratifs et adjectifs inclus dans un même constituant

    reflètent, en principe (les formes invariables mises à part) des propriétés imposées par

    le nom avec lequel ils sont en relation :

    Tabl. 1

    Tête Dépendant Exemples

    nom déterminants le / ce repas

    la / une chambre

    nom démonstratif ce repas

    cette chambre

    nom adjectif repas froid

    chambre froide

    nom possessif son repas

    sa chambre

    La relation tête-dépendant est la conséquence du fait que les propriétés d’un

    constituant nominal dépendent d’un terme et d’un seul, quel que soit le nombre de

    termes formant ce constituant, par exemple repas dans le très mauvais repas froid de

    la fin de journée à la campagne.

    Autrement dit, la tête est le terme dont dépendent les propriétés syntaxique du

    constituant considéré dans son ensemble. Les dépendants sont, négativement, les

    termes qui font partie d’un constituant sans imposer à ce constituant quelque propriété

    syntaxique que ce soit.

    Cette relation fonctionne de façon homogène à l’intérieur du constituant nominal, mais

    cela n’implique pas qu’elle s’adapte également bien au niveau de la proposition. En

    effet, dans les langues indo-européennes il est souvent difficile dire quel élément, sujet

    ou verbe, est la tête d’un constituant phrastique car le verbe indexe les propriétés du

  • 25

    sujet (le chat dort / les chats dorment), mais il impose également à son objet des

    propriétés de marquage spécifique (en russe, košk-a spit « le chat dort », et Ivan videl

    košk-u « Ivan a vu un chat »).

    Nous limiterons la présente étude à l’analyse du rapport tête dépendant à l’interieur du

    constituant nominal, donc essentiellement au rapport de dépendance qui lie un adjectif

    ou un pronom démonstratif, interrogatif ou indéfini au substantif, qui constitue la tête

    du syntagme nominal.

    (Les exemples cités, ainsi que le tabl. 1, sont tirés des fiches de syntaxe des MM. Patri

    et Martinie).

    Comme Nichols [1986 : 56 sqq.] le met en évidence, la relation syntaxique qui s’établit

    entre une tête et un dépendant est signalée par le marquage de l’un ou de l’autre

    élément du constituant.

    A priori, il y a quatre possibilités :

    1) marquage zéro ;

    2) marquage de tête (head-marking) ;

    3) marquage de dépendant (dependent marking) ;

    4) double marquage.

    Le marquage zéro est fréquent dans les langues qui sont dépourvues de morphologie

    flexionnelle : dans ce type, les termes du constituant sont simplement juxtaposés, sans

    qu’aucun terme ne soit explicitement marqué (cf. (3)). La relation syntaxique est définie

    le plus souvent par l’ordre des mots :

    (3) Asmat (trans-néo-guinéen, asmat-kamaro. Indonésie)

    no cém

    1S maison

    « Ma maison ».

    Les exemples (4) et (5) présentent respectivement des cas de marquages de tête et

    de dépendant. Nous avons suivi l’exemple de Nichols et avons indiqué la tête par un

    exposant T et la marque de dépendance par un exposant M :

  • 26

    (4) a. Tadjik Hků̊h-Mi baland

    b. Persan Hkûh-Me boländ

    montagne haut

    « haute montagne »

    (5) Italien (indo-européen, roman)

    a. Mil Tbambino piccol-Mo

    DÉT.SGM enfant.SGM petit.SGM

    « Le petit garçon »

    b. Mla Tbambina piccol-Ma

    DÉT.SGF enfant.SGF petit.SGF

    « La petite fille »

    Il est également possible que le marquage soit redondant, sur la tête et sur le

    dépendant, comme dans l’exemple (6) :

    (6) Turc (altaïque)

    ev-Min Tkapi̶-Msi̶

    maison-GÉN porte-3sg

    « La porte de la maison »

    Dans certaines langues, plusieurs types de marquage peuvent coexister dans

    différents contextes syntaxiques (marquage scindé, split-marking). Dans les langues

    bantoues telles que le tonga, par exemple, on observe aussi bien des marquages de

    têtes que de dépendants, selon qu’on a affaire respectivement à des têtes verbales ou

    non verbales.

    Le marquage sur la tête et/ou sur le dépendant n’est pas la seule stratégie employée

    par les langues pour codifier les fonctions syntaxiques : nous avons vu que certaines

    langues s’appuient simplement sur l’ordre des mots (pour cette stratégie et d’autres

    encore, cf. Andrews [20072 : I 141 sqq.]). Mais, ce système peut fonctionner seulement

    lorsque la langue en question possède un ordre des mots rigide et est plus fréquent

    en absence de morphologie flexionnelle. Or ce n’est pas le cas des langues indo-

    européennes anciennes, qui sont caractérisées par une morphologie nominale très

    riche et par un ordre des mots dans la phrase très libre.

  • 27

    Le sujet des notions de tête et de dépendant a fait l’objet de plusieurs interprétations

    parfois discordantes. Par exemple, le courant chomskyen a longtemps estimé que les

    noms étaient les têtes de leurs déterminants avant de renverser complètement les

    termes de cette analyse, à la suite de S. Abney, The English Noun Phrase in its

    Sentential Aspect. Ph. D. Thesis, MIT 1987. Nous précisons que la notion utilisée dans

    ce travail n’a rien à voir avec l’acception qu’elle a acquis dans ces courants de la

    grammaire générative.

    1.1.3 L’accord

    L’accord entre un nom et ses dépendants consiste « en ce que plusieurs mots parmi

    ceux qui entrent dans la formation du constituant nominal varient conjointement pour

    exprimer des caractéristiques grammaticales ou sémantiques du constituant nominal

    ou de son référent (nombre, cas, genre) » (Creissels [2007 : I 24]). Le concept de co-

    variance est central, comme le souligne aussi Corbett [2006a : 4] en disant qu’il n’est

    pas suffisant que deux termes aient des propriétés en commun ; encore faut-il que ce

    partage soit systématique, ce qui se produit lorsqu’un élément varie en même temps

    que l’autre.

    Creissels précise qu’une construction où il y a accord se caractérise par le fait que les

    termes concernés ne doivent pas avoir deux spécifications différentes du même trait

    et oppose des combinaisons bien formées comme [l’enfant]SG [viendra]SG et [les

    enfants]PL [viendront]PL à *[l’enfant]SG [viendront]PL ou *[les enfants]PL [viendra]SG, qui

    sont impossibles. Sur les situations canoniques d’accord dans les langues indo-

    européennes, cf. aussi Blake [20012 : 7].

    Dans certains cas, l’accord n’est pas canonique, comme on le voit dans l’exemple (7) :

    (7) a. The committee has decided.

    b. The committee have decided.

    Les deux propositions en (7) sont correctes, mais l’une présente un accord syntaxique

    (au singulier, (7a)), l’autre un accord sémantique (au pluriel, (7b)). Corbett [1991 : 225

  • 28

    sq.] et [2006a : 206 sq.] observe que cette oscillation ne se produit pas avec tous les

    types de dépendants : par exemple, dans le cas de l’adjectif épithète seul l’accord

    syntaxique est possible. Ces considérations le conduisent à formuler une hiérarchie

    de l’accord qui se présente de la façon suivante :

    épithète > prédicat > pronom relatif > pronom personnel.

    En se déplaçant vers la droite dans cette hiérarchie, la probabilité de rencontrer des

    accords sémantiques augmente.

    1.1.4 La notion de syncrétisme

    Étant donné que nous avons affaire à des langues flexionnelles, il est nécessaire

    d’aborder une notion que nous rencontrerons à plusieurs reprises dans notre analyse

    et qui a donné lieu dans la littérature scientifique à des interprétations différentes, à

    savoir celle de « syncrétisme ».

    On parle de syncrétisme casuel lorsque dans un paradigme on remarque une fusion

    entre deux ou plusieurs cas grammaticaux. Les raisons ou les conditions qui

    conduisent ces cas à fusionner sont différentes et produisent des interprétations

    différentes de ce phénomène.

    Luraghi [1996 : 42 sq.] privilégie une interprétation diachronique : la condition

    nécessaire pour parler de syncrétisme n’est pas qu’il y ait une identité formelle entre

    deux mots-formes, mais le plan fonctionnel est prioritaire : il faut qu’entre les formes

    qui syncrétisent il y ait une « synonymie suffisante » qui peut être d’ordre sémantique

    ou d’ordre syntaxique. C’est l’acception que ce terme assume le plus souvent dans les

    études indo-européennes, comme en témoigne Petit [2007 : 325 sq.] : « le syncrétisme

    proprement dit, c’est-à-dire la confusion complète de deux ou de plusieurs cas, n’est

    pas toujours clairement distingué de phénomènes d’extension plus étroite, tels que la

    confusion ponctuelle de deux ou plusieurs cas à l’intérieur d’un paradigme isolé, alors

    que ces cas s’opposent encore visiblement dans d’autres paradigmes. À la suite de

    différents auteurs, on peut regrouper ces phénomènes de neutralisation partielle sous

    le nom de « sous-spécification » (en anglais underspecification) et réserver le terme

    de « syncrétisme » pour désigner une neutralisation générale, aboutissant à la

    disparition complète d’un cas […] Le syncrétisme est essentiellement de nature

  • 29

    diachronique, tandis que la sous-spécification résulte d’une configuration

    synchronique ». Cf. également le schéma des syncrétismes des cas indo-européens

    en grec et en latin proposé par Maier-Brügger [1985 : 271].

    En revanche, Baerman, Brown & Corbett [2005 : 2] définissent le syncrétisme comme

    « a failure to make a morphosyntactically relevant distinction ». Leur point de vue se

    concentre sur une analyse synchronique des données linguistiques, dans l’objectif de

    repérer les circonstances dans lesquelles certaines distinctions dans un système

    flexionnelles sont neutralisées. En suivant ce point de vue, c’est le plan phonologique

    qui est prioritaire.

    Dans notre travail, nous allons analyser la structure morphologique nominale dans

    certaines branches de la famille indo-européenne. Nous aborderons l’analyse

    morphologique sous un aspect essentiellement synchronique. Dans chaque chapitre,

    nous avons mis en évidence comme syncrétiques les désinences qui ne se laissent

    pas interpréter comme spécifiques d’un seul rôle syntaxique :

    cumul de plusieurs relations grammaticales ;

    cumul de plusieurs rôles sémantiques ;

    simple homophonie.

  • 30

    1.2 Domaine d’application : les

    langues indo-européennes

    Cette étude a pour domaine de recherche les langues indo-européennes. Il s’agit de

    la famille linguistique la plus étudiée et la mieux connue, la plus diffusée dans le monde

    et celle pour laquelle on dispose de la plus grande quantité de matériel, même en

    diachronie.

    En effet, nous disposons d’attestations de langues indo-européennes depuis des

    époques fort lointaines jusqu’à nos jours. Avec le temps, les idiomes se sont

    différenciés, mais pas au point de ne plus être reconnaissables comme appartenant à

    la famille linguistique indo-européenne. Cf. Meillet [1937 : 382] : « Le détail des

    changements diffère d’un idiome à l’autre. Mais les changements se sont, dans une

    large mesure, opérés en un même sens, si bien que, après de longs siècles

    d’isolement absolu, les langues de la famille indo-européenne se trouvent avoir modifié

    d’une manière sensiblement pareille le type de la période d’unité ».

    Nous nous occuperons plus particulièrement des langues anciennes, ce qui entraîne

    une série de contraintes qui seront détaillées plus loin. La quantité d’attestation et la

    diversité dont chaque langue fait état sont trop importantes pour pouvoir rendre compte

    de tous les groupes faisant partie de cette famille. Un choix a donc dû être opéré afin

    de restreindre le corpus. Notre choix a été d’étudier les langues les plus anciennement

    attestées, en nous limitant à celle qui sont attestées avant notre ère. Quatre groupes

    feront l’objet de l’analyse :

    l’indo-iranien, dont les attestations sont très difficiles à dater ; on estime que les

    premiers témoignages remontent à la fin du IIème millénaire dans le Pendjab et dans le

    nord-est de l’Inde actuelle ;

    le grec qui, attesté d’abord autour du XIVème siècle avant J.-C. sous la forme du

    mycénien, assure une continuité d’attestation entre le VIIIème siècle et nos jours ;

    le groupe italique, attesté à partir du VIème siècle dans la péninsule italienne et qui

    comprend la langue de Rome ;

    l’anatolien, le groupe qui a délivré les plus anciens témoignages d’une langue indo-

    européenne (à partir du XVIIème siècle avant J.-C.), mais qui s’est éteint avant l’ère

    chrétienne.

  • 31

    L’analyse comparée des données qui émergent dans chaque langue contribue à

    reconstruire la forme originelle qui peut être supposée comme étant à l’origine de

    toutes les formes historiquement attestées (non une protolangue réellement parlée par

    un peuple défini et déterminé, mais une reconstruction scientifique).

    1.2.1 Caractère flexionnel

    Un des caractères communs à toutes les langues indo-européennes est d’avoir une

    morphologie flexionnelle très riche, aussi bien en ce qui concerne le nom que le verbe.

    L’analyse comparée de la morphologie nominale conduit à constituer un système

    flexionnel constitué de huit cas : nominatif, vocatif, accusatif, instrumental, datif, ablatif,

    génitif, locatif.

    Ce système a évolué de façon différente dans les langues de la famille indo-

    européenne : Kulikov [2006 : 40] et [2011 : 455] montre que certaines d’entre elles ont

    réduit, voire perdu le nombre des cas grammaticaux distingués dans la flexion

    (germanique, italique/roman, celtique, albanais, grec), d’autres ont acquis de

    nouveaux cas, souvent grâce à des phénomènes de contact (langues néo-indiennes,

    tokharien), pour d’autres le nombre de cas distingués dans le paradigme nominal est

    supposé rester stable (arménien, slave, lituanien, même si ce dernier a perdu certains

    cas originels de la flexion indo-européenne et a enrichi sa flexion de nouvelles

    distinctions casuelles).

    Le nom qui est attribué à un cas grammatical dans une langue est parfois une simple

    étiquette qui ne permet pas toujours de comprendre quel est le rôle sémantique

    couvert par le mot-forme concerné. Cela est vrai notamment lorsqu’un cas se retrouve,

    par syncrétisme, à exprimer deux rôles sémantiques ou plus. Comme Fox [1995 : 94

    sqq.] le signale, on peut mettre en parallèle le sanskrit padí, le grec podí et le latin

    pede et reconstruire un suffixe *-i, mais il n’est pas facile de déterminer le rôle originaire

    de cette désinence, parce qu’en sanskrit elle est considérée comme une marque de

    locatif, en grec elle est appelée « datif » et en latin « ablatif ». Il faut donc traiter avec

    précaution ces étiquettes car ce qui est appelé « datif » dans une langue ne

    correspond pas forcément à ce qu’on appelle « datif » dans une autre langue.

  • 32

    1.2.2 Cas directs et cas obliques

    Mis à part le nom qui définit le rôle propre à chaque cas, nous utiliserons la

    terminologie suivante pour définir les cas grammaticaux de l’indo-européen :

    cas directs : nominatif, accusatif et vocatif (les deux premiers sont appelés aussi cas

    nucléaires ou cas syntaxiques ; s’agissant du vocatif, se référer au § 1.2.4) ;

    cas obliques : génitif, datif, instrumental, ablatif, locatif, qui traduisent des rapports

    indirects avec le prédicat (cf. Alosi e Pagliani [1985 : 17]).

    Ce choix terminologique est repris de la pratique traditionnelle de l’enseignement des

    langues classiques, notamment en Italie. D’autres traditions réservent le terme cas

    direct au seul nominatif. Le nominatif et l’accusatif sont aussi appelés cas nucléaires

    (en anglais core cases) car ils expriment les relations les plus étroites entre le nom et

    le verbe (ils s’opposent ainsi aux cas périphériques). Le terme cas syntaxique ne

    s’applique pas seulement au nominatif et à l’accusatif, mais dans certaines

    circonstance aussi au génitif et au datif : l’emploi de ce terme engendrerait donc une

    certaine conclusion.

    Enfin, instrumental, ablatif et locatif peuvent être aussi définis comme cas locaux (cf.

    Blake [20012 : 33]).

    1.2.3 Vocatif

    Les descriptions traditionnelles des langues classiques citent toujours le vocatif parmi

    les cas grammaticaux qui forment le paradigme nominal. Mais en réalité il s’agit d’un

    cas à part car il n’apparaît jamais intégré dans un contexte syntaxique, il ne peut pas

    être dépendant dans une construction (cf. Blake [20012 : 8]). Nous ne considérerons

    donc pas le vocatif comme un cas à part entière et ne l’inclurons pas dans notre

    analyse.

  • 33

    1.2.4 Duel

    Certaines langues indo-européennes distinguent trois nombres : singulier, duel,

    pluriel, tandis que d’autres ne semblent pas connaître le duel, ou n’en gardent que

    quelques reliquats. Corbett [2000 : 38] établit une hiérarchie du nombre :

    singulier > pluriel > duel > triel

    Il rappelle aussi l’universel n° 34 de Greenberg : « No language has a trial number

    unless it has a dual. No language has a dual unless it has a plural ». Dans les langues

    indo-européennes, le duel n’est pas conservé partout et là où il existe encore il

    neutralise plusieurs oppositions : en védique, le duel a une forme syncrétique pour le

    nominatif et l’accusatif, une pour l’instrumental, le datif et l’ablatif, une pour le génitif et

    le locatif.

    Il a été décidé de ne pas prendre en compte le duel qui n’est présent que dans une

    minorité de langues indo-européennes, où d’ailleurs son emploi est assez limité, et n’a

    donc pas de signification discriminante dans une perspective comparatiste.

    1.2.5 Les classes de flexion

    Tous les mots ne se fléchissent pas de la même façon. Ainsi, il existe plusieurs

    désinences pour exprimer le nominatif (singulier comme pluriel), l’accusatif et tous les

    autres cas. Comme le soulignent Bickel et Nichols [2007 : III 203], les classes

    flexionnelles peuvent différer l’une de l’autre soit pour la voyelle thématique, soit pour

    la désinence elle-même. Une classe de flexion (ou classe flexionnelle) est un

    paradigme dans lequel tous les noms sélectionnent la même désinence. Cf. Corbett

    [2006b : 1] : « The point is that we can define it, we can recognize it if we fin dit, and it

    givesus a measure of canonicity according to which we can calibrate the instances of

    inflectional morphology we find ».

    Comme nous le verrons au cas par cas, il se peut qu’une classe de flexion comprenne

    des mots appartenant à un seul genre grammatical ou plusieurs : de même, un genre

    grammatical peut correspondre à plusieurs classes flexionnelles (cf. Brown [2011 :

    489] et aussi Corbett [1991 : 34-50]).

  • 34

    Selon les traditions, les grammairiens ont souvent proposé de regrouper les différentes

    classes flexionnelles selon des critères phonologiques : en grec et en italique on parle

    de première déclinaison, deuxième déclinaison, etc., dans d’autres langues, comme

    l’indo-iranien les regroupe selon le dernier phonème du thème nominal.

    Dans l’introduction à l’indo-iranien, nous préciserons notre critère de définition des

    classes flexionnelles dans ce travail.

    1.2.6 Le genre grammatical

    Les noms des langues que nous allons étudier peuvent appartenir à trois genres

    grammaticaux (deux pour l’anatolien). Le genre est la traduction d’un mécanisme de

    catégorisation nominale qui se manifeste :

    par un phénomène d’accord (à savoir le fait qu’un nom impose ses propriétés

    morphosyntaxiques à un dépendant);

    et/ou dans la morphologie.

    La partition de l’ensemble des lexèmes nominaux d’une langue entre plusuieurs

    genres fait que certains noms prennent un morphème, tandis que d’autres prennent

    un autre morphème.

    La notion de genre grammatical se base sur un rapport purement syntaxique, qui ne

    tient pas compte de la sémantique du référent. En d’autres mots, un nom est masculin,

    ou féminin, ou neutre parce qu’il sélectionne un dépendant respectivement masculin,

    féminin ou neutre et non pas à cause du sexe du référent. Ledo-Lemos [2003 : 5 sq.]

    signale que « grammatical gender only exists if a determined type of agreement

    exists ».

    Les noms peuvent être assignés à un genre selon des critères sémantiques ou selon

    une combinaison entre critères sémantiques et critères formels (Corbett [1991 : 68]).

    Les catégories qui s’accordent en foction du genre sont les suivantes :

    adjectifs ;

    pronoms délocutifs et relatif/interrogatif ;

    formes non finies du verbe (participes) ;

    déterminants (dans les langues qui en ont).

  • 35

    1.2.7 Difficulté de segmentation

    Une difficulté que l’on rencontre souvent dans l’analyse morphologique des langues

    flexionnelles est celle de séparer les morphèmes dans chaque mot-forme. Ces

    morphèmes sont bien séparés dans une langue agglutinante comme le hongrois, où

    chaque morphème porte une seule information et tous les morphèmes sont

    juxtaposés, cf. l’exemple (8) dans lequel on distingue les morphèmes -t d’accusatif et

    -k de pluriel :

    (8) Hongrois (finno-ougrien)

    gyümölcs-ø « le fruit », nominatif singulier

    gyümölcs-öt accusatif singulier

    gyümölcs-ök nominatif pluriel

    gyümölcs-ök-et accusatif pluriel

    Dans une langue flexionnelle, en revanche, une désinence amalgame plusieurs

    informations :

    (9) Grec (indo-européen)

    ánthrōp-os « l’homme » nominatif singulier

    ánthrōp-on accusatif singulier

    ánthrōp-oi nominatif pluriel

    anthrṓp-ōṣ accusatif pluriel

    La désinence -on de ánthrōpon réunit l’information de cas (accusatif) et de nombre

    (singulier). La même chose est valable pour la désinence -ous d’accusatif pluriel. Mais

    un autre problème se pose dans la segmentation du mot : en effet -o- est ici la voyelle

    thématique et ne fait pas partie de la désinence ; elle est plutôt une « extension du

    thème » (Bickel-Nichols [20072 : III 203]). De plus, elle n’est pas toujours séparable de

    la désinence, ce qui rend la segmentation de morphèmes plutôt compliquée. Nous

    avons essayé, là où cela était possible, de séparer les voyelles thématiques des

  • 36

    désinences casuelles, en gardant à l’esprit que les deux analyses peuvent être

    soutenues (voir plus en détail, § 3.3.14).

  • 37

    1.3 L’analyse tête-dépendant dans

    les langues indo-européennes

    1.3.1 Méthodologie d’analyse

    Pour chaque langue considérée, nous analyserons de façon détaillée les classes

    flexionnelles de chacune d’entre elles.

    Nous regrouperons les flexions des langues qui seront examinées selon un critère

    morphologique, à savoir selon les oppositions qui se manifestent entre les mots-

    formes de chaque paradigme : cette méthode permet de mettre en évidence comment

    les mots se différencient les uns par rapport aux autres et de décrire l’architecture qui

    résulte de leur flexion. Cette classification présente l’intérêt de se fonder uniquement

    sur le rôle syntaxique du mot-forme. De plus, elle met au centre le sens même de cas

    grammatical qui n’est qu’une manifestation syntaxique de l’emploi du nom dans un

    contexte donné.

    Il est indispensable que les classes flexionnelles soient pleinement comparables entre

    elles (Corbett [2009 : 3]) : c’est pourquoi des comparaisons sont possibles seulement

    à l’intérieur d’une langue car, comme nous l’avons dit plus haut, les langues

    considérées ont des structures casuelles différentes aussi bien du point de vue formel

    que fonctionnel.

    La partie consacrée à l’analyse purement morphologique est très importante pour

    chaque langue étudiée. Nous précisons que cela n’est pas fait dans un objectif

    purement descriptif mais pour jeter des bases solides afin d’étudier le fonctionnement

    morphosyntaxique qui détermine la définition de l’accord dans le syntagme nominal.

    1.3.2 Têtes et dépendants

    L’analyse des substantifs fournit les types de têtes nominales qui dominent les

    relations syntaxiques à l’intérieur du constituant nominal. Parmi les mots qui peuvent

    fonctionner comme dépendants, nous avons analysé les adjectifs et les pronoms.

    Adrados [1985 : 34] cite Kuryłowicz en soulignant qu’adjectifs et pronoms jouent un

  • 38

    rôle primordial dans la formation du genre grammatical : en effet, le genre grammatical

    est défini par le type de sélection que la tête d’un constituant nominal opère dans le

    choix des dépendants.

    Il faut préciser que, si la morphologie de l’adjectif est de type nominal, les pronoms ont

    des désinences et des types flexionnels différents de ceux que l’on vient d’analyser. Il

    faut préciser qu’avec la morphologie pronominale, on se situe sur un terrain beaucoup

    moins clair et moins normalisé que celui de la morphologie nominale.

    À l’intérieur de la classe des pronoms, il faut opérer une première distinction entre ceux

    qui ne distinguent pas le genre, comme les pronoms personnels et les pronoms

    possessifs, et ceux qui distinguent les genres (appelés justement par les grammairiens

    allemands geschlechtige Pronomina), comme les démonstratifs, les interrogatifs, les

    indéfinis.

    Les pronoms compris dans la première catégorie ne présentent pas d’intérêt pour

    l’étude des paramètres d’accord à l’intérieur des syntagmes nominaux car parmi les

    éléments qui entrent en jeu dans la définition de l’accord, celui du genre en est

    définitivement exclu. De plus, les seuls pronoms qui sont susceptibles de fonctionner

    comme dépendants de syntagmes nominaux sont les pronoms démonstratifs,

    interrogatifs et indéfinis. Ces types de pronoms font état d’un fonctionnement

    syntaxique semblable à celui des adjectifs.

    Nous prendrons en considération, pour chaque langue examinée, les pronoms

    démonstratifs (déictiques et anaphoriques), ainsi que les relatifs et les

    interrogatifs/indéfinis.

    Nous avons omis de nous pencher aussi sur les pronoms possessifs car leur structure

    est très variable dans les différentes langues indo-européennes, allant de formes

    fléchies du pronom personnel à des formes entièrement adjectivales. De plus, le

    rapport de dépendance qui lie possédant et possédé implique des enjeux différents de

    ceux qui concernent les règles de dépendance du constituant nominal et mérite donc

    d’être traitée séparément. Les mêmes considérations sont valables pour le pronom

    réfléchi, dont la formation est assez variée dans les langues indo-européennes,

    comme en témoigne Petit [2001 : 17 sqq.].

  • 39

    1.3.3 L’ordre des mots dans les langues indo-

    européennes

    L’ordre des mots est extrêmement libre, donc les termes qui forment les constituants

    nominaux ne sont souvent pas contigus. On peut trouver deux explications à cela :

    nous avons souvent affaire à une langue poétique, où l’ordre des mots dans la phrase

    est soumis à des contraintes métriques ;

    les langues indo-européennes ont une morphologie flexionnelle assez développée à

    laquelle est confiée la tâche de gérer l’accord.

    Dans une telle situation, le marquage tête-dépendant est indispensable pour

    déterminer le sens du syntagme.

    1.3.4 Un phénomène homogène ?

    Nichols [1986 : 89] insiste sur le fait que, dans les langues indo-européennes, le

    marquage des dépendants représentait une propriété particulièrement homogène :

    « Indo-European has retained its basic type-dependent-marked with subject inflection

    on verbs, […] for some 6,000 years, with only a recent trend toward head-marked

    clauses in the pronominal clisis of the Romance languages (a process which occurs

    only after most of the morphology has been lost) ». À travers l’étude des conditions de

    l’accord entre tête et dépendant en indo-iranien, grec, italique et anatolien, nous allons

    observer si cette homogénéité est réellement respectée partout et si elle intervient

    partout dans les mêmes circonstances.

    1.3.5 Avantages et inconvénients

    Travailler sur une famille linguistique comme l’indo-européenne signifie avoir à

    disposition une quantité énorme de matériel, aussi bien en ce qui concerne sa diffusion

    géographique que son aspect diachronique.

  • 40

    En revanche, des inconvénients se présentent également. Le premier problème est

    commun à tou