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Collection de l'Art Brut

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Découvrir quelques pages intérieures de "Collection de l'Art Brut" aux éditions Skira-Flammarion.

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Joseph Crépin(Fleury Joseph Crépin) 1875-1948

Les peintures de Joseph Crépin (Fleury JosephCrépin) représentent des architectures oniriquesque l’auteur dit percevoir en rêve. Ses temples etses palais, constitués de formes géométriques,sont agrémentés d’étoiles, de croix, de croissants delune, de tourelles, d’arabesques ou d’éléments végé-taux stylisés. Des visages accompagnés d’un bes-tiaire symbolique, comptant des animaux exotiqueset des oiseaux, se fondent dans ces compositionsgénéralement bipartites. Celles-ci sont forméesd’un plan terrestre fait d’édifices, et d’un plancéleste illustré par des formes sinueuses descen-dant du ciel, qui incarnent des esprits. Adepte duspiritisme, Joseph Crépin nomme certaines de sesproductions « Tableaux merveilleux ». Il dit les réa-liser sous la dictée d’esprits de défunts.Ses peintures sont fondées sur un principe rigou-reux de symétrie. Féru de géométrie, l’auteur com-mence par dessiner des motifs au crayon decouleur qu’il trace à l’aide d’une règle sur des feuillesde cahiers d’écolier quadrillés. Il les recopie ensuitesur des toiles en agrandissant leurs proportions. Ilprivilégie dès lors des coloris francs. Dans la plupartdes cas, la première couche de peinture unie, bros-

sée en aplat, est recouverte d’une constellation depetites touches qui s’apparentent à des goutte-lettes. Cette technique, dont il est le fier inventeur,donne du relief et de la profondeur à l’espace pic-tural tout en dynamisant la composition ; les sujetssemblent ainsi se détacher de l’arrière-plan.Chacune de ses œuvres est signée, contresignée,paraphée, datée et numérotée avec un soin méti-culeux.

Fleury Joseph Crépin (1875-1948) est né à Hénin-Liétard, dans le Pas-de-Calais, en France. Il exerceplusieurs métiers avant d’ouvrir une entreprise deforage, assortie d’une quincaillerie. Il s’adonne aussià la musique, compose pour divers instruments àpiston et dirige une société locale de trompettes.Par la suite, il se marie et devient père de troisenfants. Durant la Première Guerre mondiale, sa villeest presque entièrement détruite par les Allemands.La reconstruction de la région assure la prospéritéde sa petite entreprise. En 1927, sa fille aînée tombemalade et reste recluse dans sa chambre jusqu’à samort. Initié au spiritisme trois ans plus tard, Crépindécouvre et expérimente, dit-il, ses talents de

médium et de guérisseur : il intervient auprès desmalades par l’imposition des mains ou par le souffle.Il traite également à distance, par télépathie. Un jour, alors qu’il retranscrit de la musique, sa mainse met à tracer librement de petits dessins. Quelquesmois après cet événement, en 1939, Crépin, âgé desoixante-quatre ans, réalise ses premières composi-tions picturales. Le «peintre-médium» est convaincuque la fin de la Seconde Guerre mondiale coïncideraavec l’exécution de son trois centième tableau. Sadernière œuvre est datée du 7 mai 1945. L’ensemblede sa production comprend trois cent quarante-cinqhuiles sur toile, ainsi que de nombreux dessins.

01—Composition n° 151, 1941Huile sur toile, 57 × 65 cm

02—Composition n° 6, 1939Huile sur toile, 51 × 33,5 cm

03—Dessin n° 4, 1939Crayon de couleur sur papier, 32 × 24 cm

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Scottie Wilson(Louis Freemann) 1888-1972

L’œuvre graphique de Scottie Wilson (Louis Free-mann) se caractérise par un extrême raffinement etune syntaxe linéaire rigoureuse.L’auteur représente essentiellement des poissons,des oiseaux, des canards, des plantes luxuriantes etdes paysages aquatiques. D’autres sujets figurentà son répertoire iconographique, comme des châ-teaux à tourelles, des constructions imaginaires etdes personnages, notamment des autoportraits.Quels qu’ils soient, les motifs sont constitués de plu-sieurs formes récurrentes – demi-lunes, sphères oulosanges – qui s’emboîtent les unes dans les autres.Les compositions s’organisent en partant du centredu support, de façon symétrique à un axe. Elles sedétachent d’un arrière-plan vierge ou recouvertd’une teinte unie, et sont souvent encadrées d’élé-ments décoratifs ou d’arabesques stylisées.Scottie Wilson dessine le contour de ses sujets ennoir et blanc sur des feuilles de papier, puis il les traiteen hachures, avec des encres de couleurs diffé-rentes, produisant de subtils effets de transparence.Certains motifs sont parfois remplis de petitesgouttelettes d’encre qui évoquent les mailles d’untricot. D’autres sont contenus dans des cerclesque l’auteur trace au compas.

Louis Freemann (1888-1972) est né à Glasgow, enÉcosse. Son père est un Juif russe émigré. L’enfantne suit aucune formation scolaire et reste illettré. Àl’âge de seize ans, le jeune homme s’engage dansl’armée, puis travaille dans des fêtes foraines etdes cirques. Il possède une petite échoppe ambu-lante qu’il promène dans les marchés de Londres.Après une succession de déplacements et un exilforcé en Irlande, il émigre au Canada vers 1928,s’installe à Toronto et devient brocanteur.À l’âge de quarante ans, il commence à dessinerdans son arrière-boutique. Il déménage ensuite àVancouver, consacrant alors tout son temps à sonactivité créatrice.De retour à Londres au début des années 1950, l’au-teur vend ses dessins à bas prix sur les marchés etorganise des expositions de ses travaux dans deslieux insolites : un hall de cinéma, un négoce dés-affecté ou une caravane. Dix ans plus tard, il peintaussi sur des assiettes, suite à une commande del’entreprise Wedgwood pour réaliser un service detable. À la même période, des galeries s’intéressentà son travail et organisent des manifestations deplus grande envergure, mais le créateur en ressentun profond malaise.

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01—Crystal Gazers, entre 1950 et 1951Encre sur papier, 43 × 38,5 cm

02—Sans titre, entre 1938 et 1940Encre sur papier, 50 × 27 cm

03—Thinking about Houses, 1950Encre et aquarelle sur papier, 57 × 38 cm 03

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Adolf Wölfli est l’auteur d’une œuvre colossale,constituée de vingt-cinq mille pages, réunissantdes domaines aussi divers que le dessin, la musique,la philosophie, la littérature, les mathématiques etla géographie. Dans le même temps, il se voue àl’écriture, à l’expression graphique, ainsi qu’à lacréation de partitions musicales.Ses dessins sur feuilles volantes sont réalisés entre1917 et 1927 essentiellement. Wölfli crée alors desœuvres complexes, qu’il enrichit parfois de collageset de découpages. La plupart d’entre elles contien-nent également des partitions qui relèvent d’unsolfège inventé, et que plusieurs musiciens contem-porains ont tenté de décrypter.Des architectures fantastiques, des plans de villes,des notes de musique, des écrits rédigés en allemandet des formes géométriques aux couleurs vives, quis’articulent dans des encadrements orthogonaux,se côtoient au cœur de cette production monu-mentale. Wölfli dessine en outre des visages dontles yeux sont systématiquement cernés d’unmasque. Il fait preuve d’une grande maîtrise de lacomposition, où la rigueur architectonique s’allie àune inventivité débridée. À partir de 1916, il signe sestravaux « St. Adolf II ».Dans ses textes, l’auteur se réapproprie le langagecommun, qu’il développe et transforme en une voixpersonnelle : il transgresse les règles orthographiques,fait usage de dialectes, joue avec les sonorités des

mots et fait des associations successives. Sonpremier texte, qui date de 1895, année où il estinterné dans un hôpital psychiatrique, est autobio-graphique, tout comme le suivant, rédigé en 1908.Mais après quelques lignes, ce dernier se trans-forme en une autofiction qui raconte l’enfancemajestueuse de Doufi (diminutif d’Adolf), son alterego, un héros qui quitte la Suisse avec sa famillepour s’installer en Amérique. L’ouvrage, de troiscents pages, contient aussi des descriptions, desinventaires, des poèmes, des calculs et des com-positions musicales. Le tout est accompagné denombreux dessins. Wölfli écrira par la suite quatreautres textes, entre 1912 et 1930.Il puise son inspiration notamment dans un atlas etdans des livres qu’il trouve à l’hôpital. Pour sesdessins, il emploie des feuilles de papier et descrayons de couleur fournis par l’établissement,jusqu’à n’utiliser plus que la mine entre ses ongles.

Adolf Wölfli (1864-1930) est né à Bowil, dans le can-ton de Berne, en Suisse. Il est issu d’une famille indi-gente de sept enfants. Son père, tailleur de pierre,quitte le domicile conjugal en 1870. Sa mère assurealors la subsistance de la famille en travaillantcomme blanchisseuse. Mais elle décède trois ansplus tard. Orphelin à l’âge de huit ans, le garçon tra-vaille comme domestique, chevrier et valet deferme dans différentes familles paysannes. Victime

de maltraitance, il mène une existence misérable etconnaît quelques ruptures amoureuses dues à sacondition sociale. Durant cette période, bien qu’ilfréquente l’école de manière irrégulière, il apprendà lire et à écrire. Il travaille également commemanœuvre dans les cantons de Berne et de Neuchâtel. Il effectue son service militaire en 1883,avant d’être arrêté sept ans plus tard pour attentatà la pudeur, et condamné à deux ans de prison. Àsa sortie, il est à nouveau employé comme manœu-vre et vit dans un isolement total. Il récidive et estinterné en 1895, à trente et un ans, à la Waldau,hôpital psychiatrique près de Berne, où il est déclaréschizophrène. Il y demeure jusqu’à sa mort.L’auteur commence à élaborer sa mythologie per-sonnelle dès son arrivée dans l’établissement, tra-vaillant sans relâche du matin au soir. Il entamed’abord son œuvre littéraire, puis, quatre ans après,sa production graphique. Mais les premiers dessinsconservés datent de 1904 seulement.De nature agitée, Wölfli retrouve son calme quandon lui donne du tabac à chiquer et des crayons decouleur. Le Dr Walter Morgenthaler, médecin-chefde la Waldau, s’avise de la qualité de sa création etlui consacre une monographie en 1921, intitulée EinGeisteskranker als Künstler (Un aliéné artiste), pre-mier ouvrage monographique portant sur un patientdésigné par son nom au complet.

Adolf Wölfli1864-1930

01—Couronne d’épines de Rosalie en forme de cœur, 1922Mine de plomb et crayon de couleur sur papier, 50,5 × 67 cm

02—Saint Adolf portant des lunettes entre les deux villes géantes Niess et Mia, 1924Mine de plomb et crayon de couleur sur papier, 51 × 68 cm

03—La Sainte Trinité dans la ville géante de Chant-Saint-Adolf, 1922Mine de plomb et crayon de couleur sur papier, 51 × 51 cm

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