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GODARD Marion Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 11 mai 2004, Association AC et autres Elle était possible en matière pénale, en matière législative et maintenant possible depuis cet arrêt de la juridiction administrative. On parle bien de la rétroactivité modulée sous certaines conditions. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat est soumis à une affaire très délicate. En effet, le Ministre des affaires sociales avait pris deux arrêtés afin de ratifier une convention concernant le retour à l’emploi des chômeurs ainsi que leurs indemnisations. Diverses associations regroupant des chômeurs et demandeurs d’emploi, forment un recours pour excès de pouvoir contre les deux arrêtés ministérielles au motif que les conséquences seraient catastrophiques pour les demandeurs à l’embauche. Le Conseil d’Etat, après l’examen des arrêtés, a vu les graves irrégularités qui les entachés. Néanmoins, le Conseil d’Etat était face à un dilemme important, puisqu’en effet une annulation pour excès de pouvoir entraine une nullité absolue, ce qui veut dire que les actes sont réputés comme n’ayant jamais existé et il remettre les parties comme elles étaient avant les actes. Le juge administratif va déclarer les arrêtés illégaux mais il va moduler les effets de sa décision dans le temps afin de laisser le temps au Gouvernement de trouver une solution pour que les chômeurs ne soient pas léser. C’est un arrêt de principe puisque c’est la première fois qu’un juge administratif diffère sa décision au vue des motifs qu’elle impliquerait. Ici le motif était de ne pas mettre l’assurance chômage à terre. C’est ainsi qu’il nous faut se demander si le juge administratif peut user d’un point de vue subjectif du recours pour excès de pouvoir afin d’apprécier la portée dans le temps de ses décisions ? Afin de palier à cette question, il faudra étudier la remise en cause du principe de rétroactivité lors de l’annulation d’une décision (I) pour enfin s’attarder les apports de la modulation dans le temps des décisions (II). I : La remise en cause du principe de rétroactivité lors de l’annulation d’une décision : Il faudra tout d’abord s’intéresser à la réaffirmation par le juge administratif du principe de rétroactivité (A) pour enfin s’arrêter sur l’exception à ce principe apporté par cette jurisprudence (B) A. La réaffirmation par le juge administratif du principe de rétroactivité : En l’espèce, « l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ». Ici le juge administratif réaffirme le fondement de l’annulation d’un acte. En effet, il est réputé n’être jamais intervenu ainsi les parties devront être remises comme avant l’acte administratif annulé. Ce postulat existe depuis un arrêt Rodière datant du 26 décembre 1925 par le Conseil d’Etat. Ainsi l’annulation est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée, elle vaut erga omnes. C’est pourquoi l’acte est réputé comme n’être jamais intervenu pour tous. C’est ainsi ici que le Conseil d’Etat se borne tout d’abord à rappeler cette jurisprudence ROdière.

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GODARD Marion

Commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 11 mai 2004, Association AC et autres

Elle était possible en matière pénale, en matière législative et maintenant possible depuis cet arrêt de la juridiction administrative. On parle bien de la rétroactivité modulée sous certaines conditions.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat est soumis à une affaire très délicate. En effet, le Ministre des affaires sociales avait pris deux arrêtés afin de ratifier une convention concernant le retour à l’emploi des chômeurs ainsi que leurs indemnisations. Diverses associations regroupant des chômeurs et demandeurs d’emploi, forment un recours pour excès de pouvoir contre les deux arrêtés ministérielles au motif que les conséquences seraient catastrophiques pour les demandeurs à l’embauche. Le Conseil d’Etat, après l’examen des arrêtés, a vu les graves irrégularités qui les entachés. Néanmoins, le Conseil d’Etat était face à un dilemme important, puisqu’en effet une annulation pour excès de pouvoir entraine une nullité absolue, ce qui veut dire que les actes sont réputés comme n’ayant jamais existé et il remettre les parties comme elles étaient avant les actes. Le juge administratif va déclarer les arrêtés illégaux mais il va moduler les effets de sa décision dans le temps afin de laisser le temps au Gouvernement de trouver une solution pour que les chômeurs ne soient pas léser. C’est un arrêt de principe puisque c’est la première fois qu’un juge administratif diffère sa décision au vue des motifs qu’elle impliquerait. Ici le motif était de ne pas mettre l’assurance chômage à terre. C’est ainsi qu’il nous faut se demander si le juge administratif peut user d’un point de vue subjectif du recours pour excès de pouvoir afin d’apprécier la portée dans le temps de ses décisions ? Afin de palier à cette question, il faudra étudier la remise en cause du principe de rétroactivité lors de l’annulation d’une décision (I) pour enfin s’attarder les apports de la modulation dans le temps des décisions (II).

I : La remise en cause du principe de rétroactivité lors de l’annulation d’une décision :

Il faudra tout d’abord s’intéresser à la réaffirmation par le juge administratif du principe de rétroactivité (A) pour enfin s’arrêter sur l’exception à ce principe apporté par cette jurisprudence (B)

A. La réaffirmation par le juge administratif du principe de rétroactivité :

En l’espèce, « l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ». Ici le juge administratif réaffirme le fondement de l’annulation d’un acte. En effet, il est réputé n’être jamais intervenu ainsi les parties devront être remises comme avant l’acte administratif annulé. Ce postulat existe depuis un arrêt Rodière datant du 26 décembre 1925 par le Conseil d’Etat. Ainsi l’annulation est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée, elle vaut erga omnes. C’est pourquoi l’acte est réputé comme n’être jamais intervenu pour tous. C’est ainsi ici que le Conseil d’Etat se borne tout d’abord à rappeler cette jurisprudence ROdière. Mais depuis l’arrêt Huglo de l’assemblée Plénière du Conseil d’Etat du 2 juillet 1982, il existe le privilège du préalable. C’est-à-dire que les recours n’ont pas d’effet suspensif sur les actes attaqués. Ainsi l’acte est appliqué en attendant la décision du juge administratif. C’est ainsi qu’un problème fort se dégage de ses deux jurisprudences : d’un côté une décision administrative est réputée régulière tant qu’un juge n’a pas dit le contraire et de l’autre lorsque le juge annule un acte, il est réputé comme non intervenu avec toutes les conséquences que cela entraine. Mais entre les deux, le temps qui s’est écoulé peut être long, ainsi les effets de l’acte ont déjà été appliqués. C’est ainsi que le situation va être difficile à remettre en état avant la prise de l’acte illégal en question.

B. L’exception de ce principe apportée par cette jurisprudence :

En l’espèce, « toutefois, s’il apparait que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif (…) une limitation dans le temps des effets de l’annulation » . C’est ainsi que l’Assemblée Plénière reconnait un nouveau principe. C’est un grand principe innovateur puisqu’il va permettre au juge administratif de moduler les effets de ses décisions dans le temps et cela discrétionnairement. En effet, le Conseil d’Etat poursuit en disposant que « qu’il (le juge administratif) lui revient d’apprécier en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses ». Deux idées sont donc énoncées : il existe des conditions et c’est à titre exceptionnel que le juge peut déroger au principe de rétroactivité : en d’autres termes il faut que le mobile soit vraiment important. Le juge administratif

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doit prendre en compte « les conséquences de la rétroactivité de l’annulation » et aussi « les inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de l’annulation ».

Dans la pratique, on peut dire qu’il exerce la théorie du bilan qu’il a dégagé depuis l’arrêt Ville nouvelle Est du 28 mai 1971. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat pour la première fois avait examiné les mesures proposées, ici la création d’une nouvelle ville non loin de Lille, et les violations que ces mesures entrainent qui était l’expropriation de plus de 250 constructions de maisons alors que les permis de construire étaient obtenus. Dans le cas de l’espèce on peut dire qu’il applique le même système : il va contrôler les violations de justiciables qui est le remboursement des sommes perçus par l’assurance chômage et de l’autre les actes attaqués. La différence entre ces deux cas, c’est qu’ici la situation est réelle et ce n’est pas un projet. Le Conseil d’Etat constate cela « qu’eu égard à l’intérêt qui s’attaque à la continuité du versement des allocations et du recouvrement des cotisations, à laquelle une annulation rétroactive (…) porterait une atteinte manifestement excessive ». et que tout cela « suffit à caractériser une situation de nature à justifier que le juge fasse usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets de cette annulation ». Mais quelles sont ces effets ? Et bien le juge administratif l’énonce, il fait puisque le juge considère les effets comme définitifs pour l’acte de 2001, et pour la convention attaqu » de 2004, le juge indique que son annulation prendra lieu à partir du 1er juillet 2004. N’est-ce pas ici de nouvelles visions du recours pour excès de pouvoir ?

II : Les apports de la modulation dans le temps des décisions administratives :

Il faudra se détacher dans un premier temps la priorité du juge concernant la portée de ses décisions (A) et pour voir la nouvelle idéologie du recours pour excès de pouvoir (B)

A. La priorité du juge concernant la portée de ses décisions :

La principale raison pour qu’il fasse cela est « les inconvénients que présenterait au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectifs (…) ». Le principe de légalité en matière administrative est la soumission des actes administratifs à un certain nombre de règles. Cela s’est construit à travers le 20eme siècle. En effet, l’acte administratif est subordonné à des normes supérieures telles le respect de la Constitution et autres principes dégagés par le Conseil constitutionnel. C’est ainsi qu’il lui fait respecter ce principe et ainsi annuler les actes illégaux et d’un autre le droit au recours effectif.le recours est le droit pour un justiciable de voir son affaire porter devant les autorités nationales. C’est pourquoi le juge administratif soucieux de la portée de ces décisions énonce, lorsqu’il use de son pouvoir de modulation dans le temps, que les affaires en cours déjà engagés en raison de l’acte qui va disparaitre ne vont pas être annulé parce que l’acte aura disparu et le juge administratif l’énonce « sous réserve des droits des personnes qui ont engagé une action contentieuse à la date de la présente décision ». C’est ainsi que le juge va consacrer la sécurité juridique pour les justiciables et cela peut être dans une vision d’application au courant européen. En effet l’article 13 de la Convention Européenne garantit le droit à un recours effectif. Les grands gagnants sont les justiciables, puisqu’en effet, ici on permet de ne pas mettre à pied l’assurance chômage et les cotisations sont sauvées et aussi éviter un vide juridique qui aurait été néfaste pour tous et le juge administratif privilégie l’intérêt général à la portée de ses décisions. Il est aussi soucieux de la portée de ses décisions puisque le juge administratif module dans le temps sa décision pour laisser « au ministre chargé du travail ou, à défaut, au premier ministre de prendre les dispositions nécessaires à cette continuité, de n’en prononcer l’annulation qu’à compter du 1er juillet 2004 ».

B. La nouvelle idéologie du recours pour excès de pouvoir :

Cette jurisprudence n’est pas critiquable puisqu’elle apporte un tas de garantis au justiciable, le juge est plus soucieux de ses décisions et de leurs portées. Mais qu’en est-il pour le recours pour excès de pouvoir. En effet ici son fondement est un peu remis en cause. Le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux par lequel toute personne intéressée peut demander au juge administratif d’annuler, en raison de son irrégularité, une décision émanant d’une autorité administrative. Et comme on l’a vu cette solution vaut rétroactivement comme si l’acte n’avait jamais existé et cela pour tous. En modulant les effets dans le temps et les effets pour les justiciables, le juge administratif modifie encore la notion du recours pour excès de pouvoir. On peut se demander si la prédiction de la doctrine suit à l’arrêt Boussuge du 29 novembre 1912 se concrétise. Dans cet arrêt de 1912, Le conseil d’Etat consacrait l’ouverture de la tierce opposition contre les jugements d’annulation d’une décision administrative dès lors que certaines conditions soient remplies. Maurice Hauriou avait défini alors que le recours pour excès de pouvoir allait en déclinant et finir par ne plus exister, et il a déduit celui depuis l’arrêt Cadot du 13 décembre 1889. Il affirme que la subjectivisation du recours pour excès de pouvoir va entrainer sa fin et qu’il va s’effacer devant le recours de pleine juridiction. Ceci est un autre débat, mais dans l’arrêt de l’espèce du 11 mai 2004 on peut voir que le juge administratif adopte un point de vue subjectif comme il l’existe en droit pénal ( les circonstances de l’infraction) et en droit civil comme la jurisprudence en a fait notamment usage. Le point de vue subjectif est donc de prendre en considération les mobiles afin d’avoir une décision reflétant

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ces mobiles et ainsi ne plus se borner à la version objective. Ici, la vision objective aurait été d’appliquer la définition let d’annuler les actes pour tous rétroactivement. C’est ainsi qu’on est en bon droit de se demander de l’avenir du recours pour excès de pouvoir.