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fJ41Wrt' .... ok là pr.blk:llrkm : U.. y H 'lo .... .-i/M(NvLfr MEDLAPARTfr 1 Comment le Luxembou rg s'est cons truit en trou noir de la finance mondiale PAR MN &SRAEL NmCl.E PUSUE LE MERCREDI t JANVIER 2014 Au coeur de la zone euro, le Luxembourg est aujourd'hui un paradis fi scal qui gè re l es fortunes cachées et l es évasions de capitaux d'une partie du mo nde. La santé de ce petit pays dépend de sa • place fi nancière • . et il y est impossible de cri ti quer la fi nance et ses dérives. Le Grand-Duché vient de lâcher du lest sur le secret bancaire. mais le nouveau gouvernement n'entend pas d évier de la ligne fixée pendant dix-huit ans par Jean-Claude Juncker. De 11 0t re eii V( J sp écial au Luxembo ur g C'est encore un rapport qui épingle le Luxembourg et Je décrit comme un age nt acti f de J'évasion fi scale dans Je monde. Et c 'est encore un rapport qui, comme ses - nombre ux - prédécesseurs, restera sans écho dans ce petit pays fondateur de J' Union européenne, coincé entre France, Allemagne et Belgique. Car au Luxembourg, dans les rues de la ca pitale du Grand- Duché, au milieu des marchés de Noe! des communes disséminées aux alentours, dans les centres de d écision rassemblés dans les bât im e nt s de verr e et de métal du plateau du Kirchberg, ou même au sein de la société Ill() civ il e, le et le rôle exact de l place financièr . qui fai t viv re to ut le pays, sont un s uj et qui ne se discute pas. Un tabou que bien peu se risquent à briser. Le réseau Eurodad ( the European Network on Debt and Developme nt) a fait travailler qui nze ONG européennes pour évaluer l es poli tiques de treize Ét ats en matière de lutte contre les fl ux illicit es de ca pitaux. Publié à la mi-décem bre, ce rapport inti tulé Donner d ' un e ma in , et rep1·e ndr e de J'a utre pointe la r esponsa bilité du Luxembourg, qui dépense pourta nt 1 % de son PIB (soit 310 millions d'euros) dans J'aide au développement. L es motifs sont conn us depuis des années : dans Je système {inancier mondial, r évaporation de milliards d'eur os vers des paradis {i scaux a des i mpacts très négatifs pour les pays en développement ; et Je Luxembourg es t un acteur essentiel de ce système. Ou plutôt sa « place financière », un tenne unanimeme nt repris pour désigner l'ensemble de l'industr ie des services fi nanciers du pays. Au fi eu de défendre le statu quo, l'indus trie fi nancière du Luxembour g doit 1·ecomwltre que nous a vons tm problème mondial très gra ve. et coopérer en se lr ans.fo nuant en wr centre fi nancier moderne el lran. spa relll. qui profite de so n profe.u ionnalisme el de sa crédibilité, pas de son secret », déclare Tove Maria Ryding, la représentante d'Eurodad. L'ONG demande au gouvernement local de confier

Comment le Luxembourg s'est construit en trou noir de la finance mondiale

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par Dan Israel, de Mediapart01012014

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Comment le Luxembourg s'est construit en trou noir de la finance mondiale PAR MN &SRAEL NmCl.E PUSUE LE MERCREDI t JANVIER 2014

Au cœur de la zone euro, le Luxembourg est aujourd'hui un paradis fiscal qui gère les fortunes cachées et les évasions de capitaux d'une partie du monde. La santé de ce petit pays dépend de sa • place financière • . et il y est impossible de critiquer la finance et ses dérives. Le Grand-Duché vient de lâcher du lest sur le secret bancaire. mais le nouveau gouvernement n'entend pas dévier de la ligne fixée pendant dix-huit ans par Jean-Claude Juncker.

De 110tre eiiV(Jyé spécial au Luxembourg

C'est encore un rapport qui épingle le Luxembourg et Je décrit comme un agent actif de J'évasion fiscale dans Je monde. Et c 'est encore un rapport qui, comme ses - nombreux - prédécesseurs, restera sans écho dans ce petit pays fondateur de J' Union européenne, coincé entre France, Allemagne et Belgique. Car au Luxembourg, dans les rues de la capitale du Grand­Duché, au milieu des marchés de Noe! des communes disséminées aux alentours, dans les centres de décision rassemblés dans les bâtiments de verre et de métal du plateau du Kirchberg, ou même au sein de la société

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civile, le poid~ et le rôle exact de la« place financière». qui fai t vivre tout le pays, sont un sujet qui ne se discute pas. Un tabou que bien peu se risquent à briser.

Le réseau Eurodad (the European Network on Debt and Development) a fai t travailler quinze ONG européennes pour évaluer les politiques de treize États en matière de lutte contre les flux illicites de capitaux. Publié à la mi-décem bre, ce rapport intitulé Donner d 'une main, et rep1·endre de J'autre pointe la responsabilité du Luxembourg, qui dépense pourtant 1 % de son PIB (soit 310 millions d'euros) dans J'aide au développement.

Les motifs sont connus depuis des années : dans Je système {inancier mondial, r évaporation de milliards d'euros vers des paradis {iscaux a des impacts très négatifs pour les pays en développement ; et Je Luxembourg est un acteur essentiel de ce système. Ou plutôt sa « place financière », un tenne unanimement repris pour désigner l 'ensemble de l' industrie des services financiers du pays.

• Au fieu de défendre le statu quo, l'industrie financière du Luxembourg doit 1·ecomwltre que nous avons tm problème mondial très grave. et coopérer en se lrans.fonuant en wr centre financier moderne el lran.sparelll. qui profite de son profe.u ionnalisme el de sa crédibilité, pas de son secret » , déclare Tove Maria Ryding, la représentante d'Eurodad. L'ONG demande au gouvernement local de confier

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MED lAI' ART fr 2

une analyse d' impact à un organisme indépendant pour vérifier les effets réels de son action sur les pays en développement.

Contrairement à d'autres acteurs luttant pour la transparence et la fin du secret {iscaJ, le réseau Eurodad a pris bien soin de ne pas qualifier Je pays de paradis {iscaJ, un terme qui braque aussitôt les autorités du pays et empêche toute discussion. Et pourtant, le rapport n'a suscité aucune réaction publique et aucun échange. Fin décembre, l'opinion pubJique luxembo urgeoise s'indignait bien plus volontiers du j ugement très clément d'un automobiliste qui, pour avoir tué un jeune de 17 ans en décembre 2012, écopait en tout et pour tout de 2 000 euros d'amende e t d'un retrait de permis avec sursis.

Tout aussi significatif, aucune ONG luxembourgeoise ne signe Je rapport d'Eurodad, même si Je Cercle de coopération, qui réunit la petite centaine d'associations existant dans Je pays, a accepté d' y apposer son logo et de publier J'étude sur son site. Pourtant, dans ce pays riche en donateurs et encore très marqué par la charité chrétienne, plusieurs associations sont très actives dans Je secteur de l'aide au développement.

([lire_aussi]l

« Id . la place financière pèse dans les mentalités. et on la défend sans réfléchir, témoig ne Mike Mathias, qui a travaillé une vingtaine d'années dans Je secteur associatif et animé Je Cercle de coopér<ttion pendant huit ans. C 'est très clair dans le discours ambiant: ce qui est bon pour lll place financière est bon pour le p<1ys. » Ce socio-économiste . assistant parlementaire des Verts luxembourgeois depuis trois ans, est un fin observateur du rôle et du poids des services {inanciers sur Je territoire. Et sa vision n'est guère optimiste :

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• Très peu de gens osent élever la voix pour critiquer l'impact de cette politique sur le ptlys. Il n'y tl pas de courage politique face au poids tlu lobby fintmder. »

Mike ~hlhi~ 0 />.1.

Un poids écrasant. Dans ce pays de 525 000 habitants, Je secteur {inancier pèse 12 % de J'emploi, un quart du PIB, et presque un tiers des recettes {iscales ! Le Luxembourg compte 144 banques sur son tout petit territoire. Il est Je second marché mondial des fonds communs de placement (derrière les États-Unis), et Je second lieu de domiciliation des hedge fimds au monde. Il abrite Je plus gros marché de captives de réassurance d'Europe. Et il est surtout Je premier pays de la zone euro dans Je domaine de la gestion de fortune, avec 300 milliards d'euros d'actifs sous gestion. Soit la moitié de ce que gèrent les banques suisses.

Les habitants sont bien conscients que c'est cene industrie qui leur permet de toucher des salaires souvent deux à trois fois supérieurs à ceux de leurs voisins français et allemands, à poste et qualification égaux. • La finance, c 'est la richesse tlu {Jll)'S, ce sont les emplois. On en p<~rle peu e1ttre nous. il y a une méconnaisstmce de la réalité des activités des fùumders dtms Je {Jll)'S. Et on n • en parle pliS m Lf

jounralistes ! » témoigne un militant, sous Je sceau de J'anonymat (voir notre Boîte noire). ll n'est pas le seul à ne pas vouloir se dévoiler en pleine lumière. Aucune association n' a accepté d'apparaître of{iciellement dans notre article. «Depuis 2009. avec t-'augmentation

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de la pression internationale sur les 11aradis fiscaw:, on pelll parler en se cachant un peu moius, mais c 'est toujours tm tabou, explique un adhérent Ce n • est 11as de l'ordre de la discussion publique, même dans les milie tLf progressistes. Il est considéré que la critique de la finance fera inévitablement baisser Jtotre niveau de vie. Etumufaire revenir celll aus en arrière, quand Jtous étions tous ouvâers ou cultivateurs de lJOTmnes de terre. »

• C'est comme être contre le pétrole en Arab ie saoudite ! •

011\'id Waglln", po'lrlc~t..t. p111i Df'i U.l:. 0 0.1.

David Wagner, le porte-parole du parti d 'exu·ême gauche Déi Lénk (La Gauche), décrit ces réactions comme typiques d'une « melllalité d 'anciens lJatcvres » : « Nous vivons depuis vingt ans une opuleuce jamais comme. mais nous sommes conscients que c • est trèsfragile et les geus OllllJeur de 1o111 perdre.•le parti de David Wagner, qui pèse enu·e 5 et 10% des voix, est le seuJ à critiquer explic itement le fonctionnement de J'industrie financière. «1\1ais Jtous devons marc/ter sur des œufs, explique~t~il . C 'est comme être contre le pétrole eu Arabie saoudite! Nous essayons de dévelolJPer un plau de sortie sur plusieurs années. comme OlllJeut en envisager tm pour sortir du nucléaire en France.»

Des années, il en faudrait au pays pour se sonir de J' emprise de la finance, tant elle s' est rapidement ancrée sur son territoire. Certes, Je statut de hoJding, qui pennet à des groupes internationaux de gérer

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Jeurs filiales depuis le Grand~Duc.hé en étant exonérés de presque tous les impôts, date de 1929 (il a été supprimé en 1 998), mais j usque dans les années 1960, le Luxembourg était avant tout l lll pays de sidérurgie, dont ArcelorMiual est aujourd' hui J'héritier. L' impressionnant siège du groupe est d'ailleurs toujours à Luxembourg, où il occupe tout un pâté de maisons.

L'explosion du centre financier date de 1963, année où le pays a autorisé J'émission et l'utilisation d'Eurobonds, ce type d'obligations émises dans la devise de Jeur c.hoix par des grandes entreprises qui souhaitent se dégager des contraintes, ou des obligations légales, liées à leur monnaie nationale. C'est notamment ce que raconte en détail le journaliste et écrivain Nicolas Shaxson, auteur d' un brillant livre sur les paradis fiscaux. Dans les années 1970, la sidérurgie est en crise, puis en déclin rapide. Le Grand­Duché se tourne alors vers la finance comme nouveau pourvoyeur de richesse nationale. Avec succès. Les lois ménageant l' accueil Je plus chaleureux possible aux multinationales se muJt.iplient. Le secret bancaire devient une valeur garantie par la loi en 1981. Attirer les fonds d' investissement et les hedge ftmds à coup d'exemptions fiscales, devient une priorité. Pour toute la gamme des services de la finance offshore, la régulation est peu à peu conçue pour ên·e la plus légère possible. Et cela fonctionne.

Selon Je rapport séna torial françai~ sur le rôle des banques dans J' évasion fïscale (dom 1Wus par/ia11s

ici), le Luxembourg est le tro isième centre offshore à attirer Je plus de capitaux, juste derrière les îles Caïmans et l'Irlande. Le Comité catholique conu·e la faim et pour le développement, CCFD· Terre solidaire, a, lui, étabU que la plupart des 50 plus grandes entreprises européennes ont installé des fi liales au Luxembourg (qui compte à peine moins de ces fi liales que la Chine).

Le n1aga:tine Alterllafil'ts éc011ômiques invite quant à lui à s' intéresser à un éclairant indicateur : J'écart entre le produit intérieur bmt par habitant, c'est~à­

dire la richesse qui est censée avoir été produite dans un pays, et le revenu national brut par habitant.

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Au Luxembourg, J'écan est de plus d' un quan : un quan de la richesse censément produite ne revient pas aux habitants. « Le soupçon est alors très fort que cette production de richesse soit en réalité lt~rgemeltl jkti\1e et ne relève que tles je lu tl'écrilllres tlestinb à loctlliser des profits tltms lm paradis j;scal», analyse le magazine.

Dans son réc.e.nt livre,Ltl Richesse cac/rée tles JWtimu. J'économiste Gabriel Zucman a justement établi que le tiers des 1800 milliards d ' argent caché en Suisse est investi dans des fonds de placement hébergés au Luxembourg, et masqué par des sociétés-écrans. Car l' opacité joue elle aussi à plein. Le pays, nous a-t-()n expliqué officiellement, est d'ailleurs incapable de mesurer exactement quelle est la pan d'argent suisse investi dans ses fonds, «puisqu'il s'agit là tl'infonuations à \'aleur commerciale évitlellle, tlétenue par les gestionnaires tles fonds ». Le Luxembourg est classé deuxième, entre la Suisse et Hong Kong, dans J' index 2013 de J'opacité financière établi par le Tax j ustice network, que nous avons largement détaillé.

Gabriel Zucman estime qu' aucun pays n'est allé aussi loin dans« la commercialisation de Stl souvemineté», en laissant les entreprises négocier les taxes et les règles auxquelles elles sont soumises. Très sévère, il va j usqu• à évoquer une exclusion du Luxembourg de l'Union européenne, Je réduisant à « une pltltefonue hors sol pour l'industrie f inancière monditlle ». Et iJ est certain qu' un tour d ' horizon des scandales et autres entourloupe.s fiscales dans lesquels le Luxembourg est cité, donne vite Je tournis. Une simple plongée dans les archives de Mediapan offre un aperçu vertigineux du rôle que Je pays s' est forgé au cœur de J'Europe: un

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trou noir de la mondialisation. très accueiiJant pour les riches Européens et les entreprises résolues à esquiver contraintes légales ou impôts de tous ordres.

(À(It 10Ut, l&M>.'I').-de~ t n1bltmt$ du l.uxtn•bnutg, n&M>.'I'):.:,;a ~ cotJlc du dû._ ar;aM..diiCill. M;~il; celle de b C,b<f,e d.t:i(l.)9:1fws~- «) A/.

1. Le trou noir de la finance mondiale

Les exemptions fiscales et un ensemble de règles fort accommodantes permettent aux multinationales qui y installent leur centre financier ou leur quartier général de ne payer quasiment aucun impôt, comme nous J'avons démontré concernant ArcelorMittal. D' autreS jouent des filiales luxembourgeoises pour rémunérer discrètement les dirigeants de leur entreprise, sans en avertir Je fisc. C'est ce qu' a mis en place pendant des années, et à plusieurs reprises, Wendel, ex-géant de la sidérurgie converti en fonds de placement, sous la supervision de l'ancien patron du Medef, Ernest-Antoine Seillière, avant de se faire pincer .

On peut aussi utiliser ces filiales en guise de paravent. comme l' illustrent à merveille notre enquête sur la face cachée du groupe Bolloré et sa myriade de fil iales, ou Je récit du racbat du Printemps par le Qatar au groupe Pinault, via plusieurs groupements financiers du Grand-Duché. Selon Pier re Condamin­Gerbier , l' ancien salarié de la banque Rey!, témoin clé de J'affaire Cahuzac, l' homme d'affaires Alexandre Allard a lui aussi usé et abusé de la filière luxembourgeoise pour masquer Je montant réel de sa fortune. qui s'élève à plusieurs centaines de millions d 'euros.

Il est encore possible de jouer sur la réglementation financière assez souple concernant les placements financiers. Ce qu' avait bien compris Bernard Madoff: c' est à partir d' une Sicav luxembourgeoise. Luxalpha. que l' instigateur de l' escroquerie à 65 milliards de

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dollars a arrosé toute l'Europe de gains bidon. Nous avons longu ement expliqué en quoi Luxalpha n' était pas conforme à la réglementation de presque toute l'Europe . .. sauf du Luxembourg, et pourquoi les autorités de contrôle locales ont négligé de s ' interroger sur ce fonds de placement pourri.

Le pays est par ailleurs bien connu des politiques français ou de leurs proches. Au cœur de l' affaire Karachi, on trouve ainsi Heine, la société-écran montée au Luxembourg a vec l'aval de Nicolas Sarkozy, selon la police grand-ducale, pour abriter les commissions occultes de la vente au Pakistan des sous· marins du contrat Agosta. Et ils sont nombreux à être soupçonnés d'avoir utilisé le Luxembourg comme un coffre-fort, d 'Alexandre Guérinl, frère de Jean-Noël Guérini, sénateur et président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, à la maire de Puteaux Joëlle Ceccaldl-Reynaud, en passant par l' entourage d ' un maire UMP de l'Essonne.

Face à ce paysage pour Je moins problématique, l'OCDE n' affiche pas d'opinion aussi tranchée que oelle de Zucman. Mais fin novembre, Je club des pays riches, qui supervise le Forum mondial sur la fiscalité, a néanmoins porté un coup très rude au Grand-Duché, en Je classant parmi les territoires • 11011

confonues » à ses règles de transparence financière. Après une analyse soignée, il a été conclu que l' État, qui a pourtant pris toutes les mesures législatives pour rendre possible l' échange d' informations fiscales, ne jouait pas le jeu. Lorsque d' autres pays, dont la France au premier chef, demandent des informations sur leurs contribuables soupçonnés de cacher de l' argent au fisc, en général, les réponses arrivent, mais tellement vagues qu' elles sont à peine exploitables.

Il est peu de dire que cette notation sévère a été mal reçue dans le pays, habitué à être Je bon élève de la construction européenne et de la rigueur budgétaire. «Cela illu.stre w1 des gros problèmes du pays, assure un journaliste local : il exi.ste w1 écart signij;catif entre les discours officiels et la réalité .» • Nous allons tout faire tJour satisfaire aux cdtères de l'OCDE et C(Jrriger ce qui doit l'être, affinne de son côté Nicolas Macke!, le dirigeant de Luxembourg for

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finance, J'agence de promotion de la place, créée en partenariat par l' industrie financière et l'État. Mais il y a lm achamemelll coll/re le LuxemiNJUrg. Notre pays prés elite des qualités tout à fai t différemes de celles que Je monde politico·médiatique, .surtout français, présellte à longueur d 'articles.»

À entendre les représentants de la finance luxembourgeoise, tout comme les responsables politiques, leur succès se fonde avant tout sur une grande stabilité politique et sociale, sur un cadre réglementaire « moderne C(mstamment adapté aux évolutions des marchés», et sur la compétence de ses salariés. • Pour w1 entrepreneur qui a des intérêts dans plusieurs pays, l'agence de Umoges de la BNP e.st moins pertinente que J'agence de Luxembourg, qui a développé une extJertise mu/ti·tJay!i, assure Mac.kel. Ici, JWUS avons tout, à commencer par la pratique des langues. » Le français, J'allemand et le luxembourgeois sont en effet les langues officielles du pays, et l' anglais est parlé couramment sur la place.

Sut k pb-di iGr<:llb«J. LI "'b Î$.olld: b 6n-.:t nu..elllbft •~ 1~ dl to."1tut. C 0.1.

• Le Luxembourg est dans une .situation particulière : nos clients ne som tJas luxembourgeois. Nous exportons des services financiers, comme les A/Jemands exportent de!i voitures et les Français du vin », rappelle pour sa part Jean-Jacques Rommes, le président de l'Association des banques et banquiers (ABBL). Selon lui, cette réussite créerait des jalousies très fortes. D'après le représentant des banquiers, c' est la France qui a multiplié les demandes d' information fiscale et qui a décrit à l'OCDE les renseignements obtenus comme peu convaincants. « La France nous a dénoncé et mailllenallf e/le se réjouit du résultat. Bien sûr, tndsque cela sert ses imérêts. »

2. Le pays a abandonné le secret bancaire

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Nicolas Mackcl ct Jean-Jacques Rommes, comme tous ceux qu'ils représentent, balayent avec indignation l'image de pamdis fiscal qui colle au Grand-Duché. Certes, en 2009. il a été brièvement inscrit sur la liste noire du G20. Mais il a bien vite décidé de se régulariser poor rentrer dans le rang. Et à en croire nombre de représentants officiels. tout a changé en quatre ans. Point d'orgue de ceuc nouvelle politique : l' unnonœ, en murs 2013, par le ministre des fmances Luc Frieden. que soo pays sc plierait

à partir du l" janvier 2015 à l'échange automatique d' informations sur les intérêts de l'épargne avec tous les pays de l' Union européenne. Une pratique qui est en place depuis 2005, mais dont le Luxembourg et l'Autriche a\'llient obtenu d '<tre exemptl's. contre des versements d 'argent aux pays concernés.

Et c' est effectivement une révolution. l'échange automatique ~t:tnt considéré comme la métll(Xie la plus drastique contre l' évasion fiscale : chaque pays s'engage à livrer à ses homologues, une fois par an, des informations bancaires concernant les comptes ouve ru sur son sol par leurs contribuables. C'est la fin effective du secret bancaire. déjà actée en avril par l'acc.ord luxembourgeois de signer avec les États.­Unis l' accord Fatca Voté en 2010 et imposé partout dans le monde par le géant américain échaudé par les révélations sur la façon dont UBS organisait la fraude fiscale sur son territoire. Fmca devrait entrer en vigueur druts les mois qui viennent. Le texte impose aux banques l'échange automatique d'informations pour toutes les données concernant k s résidents américains. Pour enfonce•· le clou, le Luxembourg a également signé en mai Lq convention multilatérale de l'OCDE sur la coopération ftscalc. s' engageant d~ facto à répondre à toutes les demandes d'une grosse soixantaine de pays. U a également annoncé qu'il adopterait d~s sn mise en pl:tce le nouveau standard d'échange automatique promu par l'OCDE ... •Nous , 'auaclwns aucun espoir quel qu'il soit quaiJI art maintien tlu secret bancaire. C'est fini. C'est

....

;,b·irabl~. commente Jeun-Jacques Rommes. C~lui qui n·a pas compn's, ça lU! pas.ftra pas lt!J' deux pr()chaines mmées. )tl

Quel impact pour cette révolution copernicienne '! En novembre, Statec. l'office national des statistiques. a évalué le manque à gagner dans les années à venir aux alentours de l% du Pl B nalionaJ, avec un impact négatif toumant autour de 5% de la rentabilité de la place fmancière. Officiellement, quelque 2000 emplois pourraient être menacés. D'autres sont bien plus pessimistes. En avril, un avocat ftscaliste réputé s'allendait à voir disparaitre la moitié des banques du pays, au motif que «la plus grande rxu1ie de la c:lient~le des banque.'t lw:embourgeoise.o; a de l'crrgem

non déc/ari•.

Le gouvernement veut imiter la Belgique

En pnvé, un haut responsable luxembourgeois, qui évolue depuis plus de vingt atls duns les sphères financières, ne sc cache pas derrière son petit doigt. ./1 est clair que le secret fiscal a ltmgtemps éti •llilisi comm~ argwnt-m commercial pour alli rer la clitrrtllt!

1wu risidenu~t rcconnaît·il. Ntm.t avons toujours exploité les opportunités qui nous som offertes. 1wus somm~J dans une logique de marchi. Et vu notre fN!Iitt- taille. nous 11 ·a,·oJJs pas lt- cho ix si nous ,·ou/ons 11ous diwlopfH'r.• Cc spécialiste s'attend à ce que •la tempêtew emporte environ le quart des actifs gérés par la place. - Mais même si 50 btmques tlewlient disparaître. ce 11t serait pas w1 rl.,que systémique•.

anticipe-t-il.

Car au Luxembourg. la • gestion pri,•ée • de capitaux n 'est pas le nerf de la guerre. Elle représente environ 20% des revenus de l'industrie financière, bien loin de la gestion des fonds de placement ct de l'assurance­vic. qui constituent le cœur de la mac.hioe. Et c'est peut-être pour cette raison qu'après un grand pa< en direction de la transparence sur les revenus des comptes bancaires simples, le pays bloque à nouveau lorsqu· il s'agit d'élargir le champ des données qui seront bientôt échangées (edit altitude ambigui sua /'objet du second ••alet de nolrt ttJquête) .

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« Les [Nrits épargnants. comme fe tlenti.ste belge, qui est consuuumellf cité en exemple chez nous. tous ces gens qui bénéficiaient tfun système simple et traité tle façon presque ùulustrieUe~ quittent fe pays, car fe secret bancaire les concerne tm premier chef. convient Mike Mathias. des Verts. Mais les banques savaient tlepuis plus de dix ans que cela arrivemit. Elfes se sont préparées.» Ainsi, le Luxembourg a légiféré il y a un an sur J'acth1té de • family <>!flee • . réservant à des professionnels réglementés œ ue gestion de la fortune et de la vie privée des plus fortunés de la planète, en espérant les attirer toujours plus. Une loi autorisant la création de fondations privées, penneuant de masquer l' identité du béné ficiaire final, est aussi en discussion. De même. un port franc est en cours de construction près de l' aéroport, comme Je racontait Der Spiegel. Pensé pour concurrencer celui de Genève, il devrait prochainement abriter quantités d'œuvres d'art~ en toute opacité et sans que les fiscs européens puissent savoir ce qu' il cache.

Enfin~ pour continuer à attirer les entreprises (une ptllitique à laquelle sera consacré le troisième volet tle notre enquête)~ Je tout nouveau gouvernement envisage d' importer de Belgique Je concept d'« intérêts notionnels ,., : lorsqu' une entreprise se finance par ses fonds propres, elle peut déduire fiscalement un montant équivalent à ce que lui aurait coûté un prêt bancaire! Une prime aux plus riches, que le premier ministre Xavier Beuel, assennenté le 4 décembre., n' exclut pas de mettre en plaœ, comme il le confinne dans une inten 1ew au mensuel paper Jam. Et ce alors même que la Belgique est dans Je collimateur de la Commission européenne sur ce sujet précis . . .

3. Mélange des genres

Autant dire que le nouveau gouvernement ne semble pas vouloir quitter la ligne de ses prédécesseurs. Et pourtant, les dernières élections, Je 20 octobre, auraient pu provoquer un tremblement de terre. Convoqués après le départ anticipé de l'indéboulonnable Jean-Claude Juncker, englué dans une affaire d'espionnage, les électeurs ont porté au pouvoir une coalition du parti libéral (dont Bettel est le

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leader), des socialistes (déjà au pouvoir dans plusieurs gouvernements précédents) et des Verts . Poussé vers la sortie, Juncker aura été à la tête du gouvernement depuis 1995, après avoir été ministre des finances pendant six ans. Quant à son parti, Je CSV, « chrétien social "'• il a dirigé le pays sans interruption depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, honnis une parenthèse de 1974 à 1979.

Juncker ne devrait cependant pas être trop contrarié par son successeur. Benet a nommé au ministère des finances Pierre Grarnegna, lui aussi membre du parti libéral, et jusqu' alors directeur général de la chambre de commerœ de Luxembourg. Pas vraiment un ennemi de la libre entreprise. Et pour son premier discours~ lors du raout annue.l organisé par les assureurs luxembourgeois, Grarnegna a tout fait pour r assurer le milieu financier, promettant notamment • beaucoup tle continuité, pas seulement tians les mots. mais tians les faits ».

S11r mediapanJr. 1111 objet graphique t'SI di.«JK»Iible d t:er e11droil.

L'occasion de vérifier une fois de plus qu' une des particularités du pays, selon un argumentaire élaboré par J'association des banquiers~ est «<'accès faci le aux décideursfi, et la « paperasserie limitée • . .. Interrogez sur ce point un responsable luxembourgeois et il vous renverra à la figure l' exemple français, que Mediapart n' est pourtant pas Je dernie.r à critique.r . ... Au Luxembourg, tout fe mo1ule se connaît. c 'e.st vrai. C 'est Wl microcosme à peine plus grand que Je milieu parisien .1:- ironise ainsi Jean-Jacques Rommes.

Dans Les Éclws,en j anvier 2013, un associé du cabinet d' audit Deloitte estimait tout de mê-me que si «en France~ c'e.st Ill hawe administration qui élabore les réglementations, tw Luxembourg, c'est fa profe.u ion e/fe-même qui suggère les textes». En octobre dernier, Ja nomination par J'ancien ministre des finances Luc Frieden de sa conseillère, Sarah Khabirpour, à la commission de surveillance du secteur financier, avait aussi fait hausser les sourcils jusqu'au Financial Times. Mais à la même période, c' est un autr e mélange des genres qui a fait tousser dans les rangs des partis politiques : lors des négociations pour la

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fonnation du nouveau gouvernement., la délégation du parti libéral accueillait Je dirigeant luxembourgeois du cabinet d' audit Ernst & Youg, Alain Kinsch .. .

• Les Luxembourgeois ont un certain mépris pour la banque •

Cene interpénétration des mondes financiers et politiques explique aussi le consensus national sur la question de l' industrie financière. Car au besoin, les aven issements peuvent se faire. explicites. C'est ce qui est arrivé, J'été 2009, au Cercle de coopération des ONG à propos du rapport sur J'évasion fiscale commandé au journaliste et économiste allemand Rainer Falk.

L'étude, dlsporlible en allemand et dont Je résumé en français est ici, établissait, pour la première fois aussi explicitement.. que la gestion de fortune au Luxembourg faisait perdre aux pays en développement plus de cinq fois la somme dépensée par Je Grand-Duché pour J'aide au développement. Elle rappelait aussi, noir sur blanc, que le pays offrait J'environnement idéal pour J'évasion fiscale des multinationales. Un point de vue qui n' a apparemment pas droit de cité au Luxembourg : Je 29 juillet 2009, à la Chambre des députés , lors de la déclaration de politique générale de son nouveau gouvernement, Juncker s'en est pris avec de.s mots très durs à J'étude, la qualifiant de« primitive et prinwire», l'accusant de nuire à l ' image du pays: en reprenant notamment des arguments de l' ABBL.

Diverses pressions ont conduit Je Cercle à retirer l'étude de son site internet. «Après cet épisode, l'llssociation Etika llVllit monJé un tlébat intitulé .. (Ne) Parlons (pas)tl'argelll qui fâche". Cette illle1pellt1tion vaut toujours pour aujourd'hui • : juge Jean·Sébastien Zipper!, membre de plusieurs ONG, dont Attac, et observateur attentif des que.stions financières . .. Le plus ironique dans cene affaire est que Jean­Claude Juncker, de l' avis général, n' était pas un

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fervent admirateur de la place financière. «l uncker 11 'tlinu! pas forcément ce monde, concède ainsi David \Vagner du parti Déi Lénk. Son père élllit ouvrier . ... yntlica/iste chrétien, et il est à l'image de nombreux Luxembourgeois nés avant /'explosion de !tl place fùumâère. Ils n'aiment pas trop le bling bling et ont u11 certain mépris pour !tl lxmque.»

C'est une position paradoxale dans un pays qui vit de la banque . ., Cette tlyntunique fùumcière jt1it notre richesse, oui, mais l'afflux de capitaux pose twssi de sérieux p1·ob/èmes. comme/' augmenllltion sans fin des loyers. tempère Mike Mathias. Et souvenez· vous que 700.4 de la population active n 'est pas de natimwlité luxembourgeoise.» En effet.. chaque jour: environ 150000 frontaliers (dont 80000 Français, comme nous le relations id ) viennent travailler chez leur voisin plus riche. À peu près autant d'étrangers résident et travaillent sur place. Quant aux Luxembourgeois réellement actifs dans leur pays. ils sont une grande majorité à être employés de la fonction publique, ces emplois leur étant réservés.

., Lt1 finance. ce n 'est pas comme la sidéntrgie. où nous tlvions tous zm frère, lill père ou un onde. confirme le Luxembourgeois familier du milieu financier déjà cité. L'ùuégration sociale ne s'est pas faite. Nous avons besoin d 'eux, nous recomulissons leur importtmce, mais nous n 't1imons pas betmcoup les banquiers. :. D'autant que l'affiux financier n' a pas empêché les inégalités de se creuser: comme le résume cet e.xceUe.nl rapport de la chambre des salariés, qui recense 10% de travailleurs pauvres et souligne que J'écart de richesse entre les 5% les plus pauvres et les 5% Je plus riches a presque doublé de 1985 à 2010.

4. La complicité de la France et de J'Allemagne

Finalement, s' accordent tous les acteurs et observateurs rencontrés au Luxembourg. leur pays n' aurait pas pu développer ses activités sans la complicité, au moins tacite. de ses grands voisins. Pour Je militant Jean-Sébastien Zippert, • le Luxembourg est juste un rouage». .,JJ est évident que Je Luxembourg tmvai/Je beaucoup à rester tlttrtzctif pour les acteurs du monde f inancier, et même qu'il entretient l'tuubiguné sur l 'avenir. Mais il est tout

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aussi évidelll que son po.ntlonnemeltt profite GlL\'

industriels français et mo: particuliers allemands», signale Mike Mathias.

L'économiste vert explique que dans les années 1960, les banques allemandes ont • découvert • Je Luxembourg: alors que la régulation commençait à devenir importante dans leur pays el qu'elles cherchaient à se développer, elles ont vi te compris qu' avec sa poignée de banques, à l'époque, Je pays n'avait pas encore établi de règles strictes dans de nombreux secteurs pointus. •:Un territoire genuanoplwne. proche de l'Allemagne, oii l'accès aux dirigealtts n'était fXlS trop compliqué du fa it de sa petire taille, c'était paifait, résume Mathias. Aujourd'hui encore~ les banques allemandes sollf majmitaires. »

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Sur les quelque 140 banques recensées aujourd' hui, seules 5 sont luxembourgeoises. Selon Je décompte de la commission de surveillance du secteur financier, 39 sont allemandes, 14 françaises et J I belges. D'apres Je CCFD-Terre solidaire, le Luxembourg est la première destination off.•hore pour les actifs gérés par les banques françaises, et 18% des profits du groupe Deutsche Bank proviennent de quatre filiales luxembourgeoises.

Sur place, la BNP, fusionnée en 2008 avec la Banque générale du Luxembourg (BGL), est, avec ses 4000 salariés, le second employeur du pays, derrière ArcelorMiual. Autre exemple, Je Crédit communal de

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Belgique, J'ancêtre de Dexia, s' est lancé dès 1990 dans la gestion de fortune au Luxembourg . alors qu' il s' agissait d ' un établissement public, dont les communes belges étaient actionnaires. «le dis souvem qu'il n'y a pas de place financiè re lztwmbourgeoise~ mais qu'il y a une place financière au Utw mbourg, dit David Wagner. Et la nuance est de raille.»

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Dans les milieux dirigeants. on ne se prive pa.~ de fustiger l' hypocrisie de la France et de l'Allemagne sur ces dossiers. Dernier exemple, Je rapport publié en toute discrétion par J'OCDE sur la façon dont ses 34 membres luttent contre la fraude fiscale et Je blanchiment. Certes, Je Luxembourg est classé dans les cinq derniers pour la mise en œ.uvre des recommandations du Groupe d'action financière (Gafi), l' instance qui coordonne la lutte internationale contre les « flux illicites ». Mais la France et

J'Allemagne sont à peine mieux placées, en 22' et 24' positions. Chacun a de quoi balayer devant sa porte, et Je Grand-Duché continuera de fai re passer Je message par tous les canaux disponibles.

Boite rtoire Ce reportage est Je premier volet d'une série sur le Luxembourg et sa place dans l'industrie financière mondiale. Nous explorerons la façon dont la place financière pèse sur les mentalités au Grand-Duché, puis comment le Luxembourg mène les négociations internationales sur le secret bancaire. Nous verrons

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enfin que la politique prioritaire du pays est de continuer à attirer Jes entreprises. à coups de lois sur mesure et de fiscalité au rabais.

J'ai recueilli tous les témoignages lors de mon déplacement au Luxembourg, les 19 et 20 décembre. De nombreux interlocuteurs. membres

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d'ONG, représentants du gouvernement ou salariés d'entreprise, ont demandé à garder l'anonymat. Un grand merci au journaJiste Nicolas Shaxson et au CCFD-Terre solidaire, qui m'ont aidé à ouvrir certaines portes.

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