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+ Models ANTHRO-2529; No. of Pages 4 Pour citer cet article : Djindjian, F., Commentaire de l’article de Jean Combier et Guy Jouve : nouvelles recherches sur l’identité culturelle et stylistique de la grotte Chauvet et sur sa datation par la méthode du 14 C. L’Anthropologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.003 Note Commentaire de l’article de Jean Combier et Guy Jouve : nouvelles recherches sur l’identité culturelle et stylistique de la grotte Chauvet et sur sa datation par la méthode du 14 C Commentary on the article by Jean Combier and Guy Jouve: New investigations into the cultural and stylistic identity of the Chauvet Cave and its radiocarbon dating François Djindjian a, * ,b a Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, institut d’art et d’archéologie, 3, rue Michelet, 75006 Paris, France b CNRS UMR 7041 Arscan, MAE, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre cedex, France Cet article signé Jean Combier et Guy Jouve comprend deux parties, la première de la main de J. Combier concerne plus particulièrement une étude stylistique comparative de l’art pariétal de la grotte Chauvet dans son contexte européen et la seconde écrite par Guy Jouve concernant une analyse critique des datations 14 C. L’écriture de l’argumentation crée une lecture gênante car il s’agit plus d’un réquisitoire à charge plutôt que d’une argumentation linéaire ou en thèse/antithèse/synthèse. Cette rédaction entraîne de facto une adhésion ou une répulsion, la thèse proposée entraînant dans le second cas un rejet en bloc malgré la validité d’un certain nombre d’arguments qui contredisent sans équivoque la thèse officielle actuelle. Il faudrait dans un commentaire détaillé, reprendre les phrases ligne à ligne et en discuter l’argumentaire, ce que nous ne pouvons pas faire faute de place. Nous nous limiterons donc à un argumentaire général, cependant insuffisant à nos yeux. Jean Combier a toujours soutenu depuis plus de quarante ans que l’Art pariétal de l’Ardèche était un art solutréen, en attribuant abusivement l’art des grottes sur la présence de niveaux www.em-consulte.com Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’anthropologie xxx (2014) xxxxxx * Correspondance. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] . http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.003 0003-5521/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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Pour citer cet article : Djindjian, F., Commentaire de l’article de Jean Combier et Guy Jouve : nouvellesrecherches sur l’identité culturelle et stylistique de la grotte Chauvet et sur sa datation par la méthode du14C. L’Anthropologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.003

Note

Commentaire de l’article de Jean Combier et GuyJouve : nouvelles recherches sur l’identitéculturelle et stylistique de la grotte Chauvet

et sur sa datation par la méthode du 14C

Commentary on the article by Jean Combier and Guy Jouve:New investigations into the cultural and stylistic identity

of the Chauvet Cave and its radiocarbon dating

François Djindjian a,*,b

a Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, institut d’art et d’archéologie, 3, rue Michelet, 75006 Paris, Franceb CNRS UMR 7041 Arscan, MAE, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre cedex, France

Cet article signé Jean Combier et Guy Jouve comprend deux parties, la première de la main deJ. Combier concerne plus particulièrement une étude stylistique comparative de l’art pariétal dela grotte Chauvet dans son contexte européen et la seconde écrite par Guy Jouve concernant uneanalyse critique des datations 14C.

L’écriture de l’argumentation crée une lecture gênante car il s’agit plus d’un réquisitoire àcharge plutôt que d’une argumentation linéaire ou en thèse/antithèse/synthèse. Cette rédactionentraîne de facto une adhésion ou une répulsion, la thèse proposée entraînant dans le second casun rejet en bloc malgré la validité d’un certain nombre d’arguments qui contredisent sanséquivoque la thèse officielle actuelle. Il faudrait dans un commentaire détaillé, reprendre lesphrases ligne à ligne et en discuter l’argumentaire, ce que nous ne pouvons pas faire faute deplace. Nous nous limiterons donc à un argumentaire général, cependant insuffisant à nos yeux.

Jean Combier a toujours soutenu depuis plus de quarante ans que l’Art pariétal de l’Ardècheétait un art solutréen, en attribuant abusivement l’art des grottes sur la présence de niveaux

www.em-consulte.com

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

L’anthropologie xxx (2014) xxx–xxx

* Correspondance.Adresses e-mail : [email protected], [email protected].

http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.0030003-5521/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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archéologiques solutréens plus nombreux en entrée de grottes, en abri ou en sites de plein aird’Ardèche. Pourtant, il y a aussi du Moustérien, de l’Aurignacien, du Gravettien, du Solutréen, etdu Magdalénien en Ardèche, dont J. Combier minimise l’importance.

En contradiction avec ce point de vue, j’ai soutenu (colloque de Preuilly sur Claise de 2007,qui vient juste d’être publié (Djindjian, 2013)), que l’essentiel de l’art pariétal de l’Ardèche étaitGravettien (notamment la grotte du Figuier, la grotte Huchard, la grotte Sombre, la grotte Chabot,la grotte d’Oulen) laissant au seul Solutréen et de façon hypothétique, une partie des figurationsde la grotte d’Ebbou (le reste étant du Magdalénien supérieur) et de la grotte de la tête du Lion(qui pourrait tout aussi bien être attribuée au Gravettien). Ma position est d’ailleurs plus prochedes attributions proposées par l’abbé Breuil ou A. Leroi-Gourhan que de celles de J. Combier.

Dans des travaux récents (Djindjian, 2004a, b, 2009, 2010–11), j’ai montré que lesiconocénoses de l’Aurignacien et du Gravettien ne pouvaient être distinguées l’une de l’autre.Mais également, qu’il existait une iconocénose atlantique différente d’une iconocénosecontinentale observable aussi bien dans l’art pariétal que dans l’art mobilier. L’iconocénose de lagrotte Chauvet appartient à cette dernière caractérisée par plus de 60 % de mammouths,rhinocéros, ours, félins, que l’on retrouve à Arcy-sur-Cure comme dans l’art mobilier d’Europecentrale (Allemagne méridionale, Autriche, Moravie) et d’Europe orientale. D’où maproposition, que les peintres de la grotte Chauvet soient arrivés en descendant la vallée du Rhône.

L’iconocénose de la grotte Chauvet n’est en aucune façon solutréenne, celle-ci étantcaractérisée par une association cheval, aurochs, cerf-biche, bouquetin, d’origine méditerrané-enne.

La citation d’une phrase de mon article (Djindjian, 2010) signifie simplement quel’iconocénose de la grotte Chauvet peut être attribuée aussi bien à l’Aurignacien qu’au Gravettienou donc aux deux. Elle a été détournée à tort pour lui faire dire que j’attribuais la grotte Chauvetau Gravettien. Seules donc la validation de datations 14C et la stratigraphie des superpositionspeuvent en décider.

D’une façon générale, l’argumentation de J. Combier apparaît spécieuse dans la mesure où ilparle toujours de « Gravettien-Solutréen », ce qui signifie Solutréen pour Jean Combier maisGravettien pour Guy Jouve. L’accord des deux auteurs pourrait donc apparaître ici plusopportuniste que réelle.

Enfin, J. Combier semble vouloir revenir à la primauté du Style dans l’attribution des œuvrespariétales. Nous faisons partie de ceux qui ne le suivent pas sur ce terrain, considérant que l’étudecomparative du style est utile après que l’attribution chronologique ait été validée sur desdonnées fiables externes. Mais seulement après ! Cela l’amène à revenir sur l’un des apportsmajeurs des études sur l’art préhistorique de ces dernières années, c’est-à-dire la remise en causedu modèle stylistique et évolutionniste de l’art pariétal d’A. Leroi-Gourhan, et à minimiser l’artaurignacien au-delà même de ce que les Delluc ont proposé et qui est contredit par lesexceptionnelles découvertes de l’art mobilier aurignacien de la haute vallée du Danube.

Concernant la seconde partie, je voudrais d’abord rappeler que j’ai été le premier à dénoncerdans le congrès Archéologie et 14C de Lyon de 1998 (Djindjian, 1999), que la non-élimination despollutions de carbone plus récents (et plus exceptionnellement de carbones plus anciens) était untrès grave problème et qu’il devait obliger les laboratoires de datations à recruter de bonschimistes pour améliorer les protocoles de préparation des échantillons et d’élimination descarbones parasites. J’avais alors déclaré que 80 % des datations du Paléolithique supérieurdevaient être rejetées, ce qui avait provoqué la joie des journalistes du Monde qui tenaient unscoop et l’ire des laboratoires de datations (y compris Oxford !) qui soutenaient qu’il s’agissaitd’un problème de calibration (!) et non de pollution.

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Pour citer cet article : Djindjian, F., Commentaire de l’article de Jean Combier et Guy Jouve : nouvellesrecherches sur l’identité culturelle et stylistique de la grotte Chauvet et sur sa datation par la méthode du14C. L’Anthropologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.003

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Je ne suis donc pas surpris que la question soit posée ici. Mais au-delà de la querelle entrelaboratoires (Gif/sur/Yvette et Oxford), il serait bon de laisser la parole aux spécialistes deslaboratoires du 14C, physiciens et chimistes (et à ma connaissance ni G. Jouve, ni H. Valladas, niP. Pettitt, ni P. Bahn ne le sont) qui ne se sont pas suffisamment exprimés sur ce sujet.

Les points de vue qui s’opposent, doutent pour les uns de l’ancienneté des dates considérantqu’elles sont vieillies par des pollutions, et pour les autres, doutent de la jeunesse de certainesdates, considérant qu’elles sont rajeunies par des pollutions. Les uns rejettent les dates tropanciennes tandis que les autres rejettent les dates trop jeunes. Puis le style vient s’en mêler et laconfusion l’emporte.

Certaines dates obtenues sur les dessins au charbon de bois (si elles n’ont pas été rajeunies parpollution) et sur les mouchages de torche semblent montrer indiscutablement le passage desGravettiens dans la grotte. En conséquence, il est probable qu’une partie de l’Art pariétal soitdatée du Gravettien.

La première question est donc de savoir si une partie est aurignacienne, si certaines datesanciennes peuvent être validées ou si tout l’art est Gravettien, position de G. Jouve à partir de lamise en doute systématique de toutes les dates aurignaciennes et de la prise en considération desdates gravettiennes.

La seconde question est de savoir quelle est la date exacte des figures peintes à l’estompe qui sontpostérieures aux figures noires tracées au charbon de bois, et qui ont été datées de l’Aurignacien.Sont-elles Solutréennes comme le suggèrent les deux auteurs ? Elles ne le sont ni par le style, ni parl’iconocénose. Si elles sont postérieures à des dessins acceptés comme gravettiens, elles peuventêtre aussi gravettiennes (comme à Pech-Merle où nous avons des figurations gravettiennes de styletrès différent, la frise noire et le panneau des chevaux ponctués). Enfin, les géologues travaillant surla grotte Chauvet considèrent que l’effondrement de la falaise a eu lieu vers 22 000 ans BP fermantl’entrée de la grotte à toute visite postérieure, y compris les Solutréens.

Il n’y a pas d’autre moyen de résoudre la question qu’en travaillant sur la stratigraphie dessuperpositions et sur de nouvelles datations. Il serait alors bon pour respecter la neutralité dudébat scientifique de confier à une nouvelle équipe scientifique et de nouveaux laboratoires dedatation (il n’y a pas de contrat à vie) le soin de résoudre le problème posé.

Il faut enfin s’interroger sur les raisons qui font que la grotte Chauvet soit en permanencel’objet de polémiques et de scandales, qui concernent aussi bien les inventeurs, les propriétaires,les conservateurs et les chercheurs. Jean Clottes n’est certainement pas totalement innocent dansce contexte. Après son premier diagnostic erroné publié dans la postface du premier volumepublié des inventeurs sur la grotte Chauvet (que J. Combier cite malicieusement), puis à sa volte-face suite à la publication des datations 14C, il est clair que J. Clottes maîtrise mal les difficultésde l’art pariétal et de sa datation. Son obstination et celle de ses successeurs malgré les difficultéssoulevées ici et là, trahit bien cette faiblesse, alors que la Science moderne peut résoudre laquestion sans polémique et en y intégrant tous les acteurs. Sans doute aussi le fait que les travauxscientifiques aient été confiés dans le cadre d’un Appel d’Offres public à un maître d’¨uvre quin’était autre que le maître d’Ouvrage et le donneur d’ordres ! Mais le Ministère de la Culture nenous donne-t-il pas régulièrement les manifestations de son particularisme ?

Références

Djindjian, F., 1999. Datations 14C du Paléolithique Supérieur Européen : Bilan et perspectives. 38 Congrès International14C et Archéologie. Lyon, avril 1998. Mémoire de la Société Préhistorique Française no 26 et supplément revued’Archéométrie, 171–179.

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Pour citer cet article : Djindjian, F., Commentaire de l’article de Jean Combier et Guy Jouve : nouvellesrecherches sur l’identité culturelle et stylistique de la grotte Chauvet et sur sa datation par la méthode du14C. L’Anthropologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.03.003

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Djindjian, F., 2004a. L’Art paléolithique dans son système culturel. I. Chronologie, « Styles » et « Cultures ». XIV8Congrès International UISPP, Liège septembre 2001. In: Lejeune, M., Welté, A.C. (Eds.), L’Art du Paléolithiquesupérieur, 107. ERAUL, Liège, pp. 249–259.

Djindjian, F., 2004b. L’Art paléolithique dans son système culturel. II. De la variabilité des bestiaires représentés dans l’artpariétal et mobilier paléolithique. Colloque « La Spiritualité », Liège décembre 2003. ERAUL 106, Liège127–152.

Djindjian, F., 2009. L’art pariétal et l’art mobilier pour l’identification des territoires de peuplement dans le Paléolithiquesupérieur européen : l’approche par les bestiaires. In: Djindjian, F., Oosterbeek, L. (Eds.), Espaces symboliques dansl’art préhistorique. Actes du XV8 Congrès UISPP, Lisbonne, 4–9 septembre 2006, Session C28, vol. 40. BAR Intern.Series, no 1999. pp. 3–20.

Djindjian, F., 2010. Territoires aurignaciens en Europe occidentale : faciès industriels et manifestations artistiques.Colloque 2–4 juin 2005 : Université de Toulouse-le-Mirail : Art rupestre et communications : espaces symboliques etterritoires culturels. Préhistoire, Art et Sociétés. Revue de la société préhistorique Ariège Pyrénées LXIII-2008, 17–

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Congrès IFRAO, Tarascon-sur-Ariège, septembre 2010. In: Clottes dir., J. (Ed.), L’art préhistorique dans le monde.Préhistoire, Art et Sociétés, tome LXV-LXVI. p. 1807–16, pp. 312–313.

Djindjian, F., 2013. L’apport des données de l’art solutréen dans les problématiques de circulations des chasseurscueilleurs au maximum glaciaire en Europe occidentale. Colloque international « Le Solutréen, 40 ans après Smith,1966 » Preuilly-sur-Claise, 29–31 octobre 2007 (In « Le Solutréen 40 ans après Smith, 1966 ». 47˚ supplément à larevue archéologique du centre de la France. ARCHEA-FERACF, Tours, p.275–296).

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