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Emmanuelle Raimbault le 10/04/2013 L1 AES G5 Commentaire de texte Sujet : Les six livres de la République, Livre V, chapitre II par Jean Bodin (1583) Jean Bodin (1529-1596) est un penseur de la renaissance influencé par la scolastique médiévale et l'humanisme de son temps. Il a effectué plusieurs travaux notamment sur le droit romain et la théologie, mais aujourd'hui, il est connu pour avoir été l'un des premier économiste à théoriser la monnaie et l'inflation (avec le Théorie quantitative de la monnaie). Dans son œuvre « Les six livres de la République » il développe un autre concept qui le rend célèbre : la souveraineté de l'état. Cet ouvrage théorise ce qu'est la bonne gouvernance de l'état, qui, chez Bodin, est un état très fort, source de stabilité et de paix sociale, gardien de la richesse que sont les hommes (selon Bodin « Il n'est de richesse que d'hommes »). Cette œuvre est d'ailleurs initiée en 1576, soit quatre ans après l'épisode la Saint-Barthélémy, dans une certaine instabilité sociale. Dans l'extrait que nous allons étudier ici, il interroge les risques de l'inégalité parmi les citoyens, mais remet aussi en question l'égalité imposée parmi les hommes. L'enjeu ici, est d'évaluer en quoi l'égalité ou l'inégalité influence l'importance de l’État, la confiance et la stabilité qu'il inspire à ses citoyens, de façon à déterminer quel est le mode idéal de gouvernance au niveau de l'allocation des richesses, permettant de conserver voire de renforcer le rôle de l’État. Jean Bodin débute son analyse en reprenant ce que les penseurs antiques (Platon) et contemporains (Thomas More) avaient conclu avant lui sur les conséquences sociales et politiques des inégalités entre les citoyens. La pauvreté et la richesse créent un clivage au sein de la population, et sont sources d'insatisfaction du peuple. Les pauvres sont astreints à des conditions matérielles inconfortables et irritantes, les riches aspirent à toujours plus de luxe, ressentant du mépris pour les misérables. Ces écarts au niveau des conditions de vie viennent séparer les hommes, et le fait que les citoyens constatent ces différences vient attiser encore plus de haine. L'ensemble des citoyens vivants dans la pauvreté commencent à éprouver une certaine jalousie envers les privilégiés, les considérant comme manquant d'éthique et de dignité. Les riches de leurs côtés, se veulent différents des moins riches et se tiennent à l'écart de la plèbe. L'exemple de la République tentée par Platon est révélateur : le projet est abandonné car les citoyens qui détiennent le plus de bien refusent de collaborer.

CommentairedetexteBodin1-04-2013

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  • Emmanuelle Raimbault le 10/04/2013L1 AES G5

    Commentaire de texteSujet : Les six livres de la Rpublique, Livre V, chapitre II par Jean Bodin (1583)

    Jean Bodin (1529-1596) est un penseur de la renaissance influenc par la scolastique

    mdivale et l'humanisme de son temps. Il a effectu plusieurs travaux notamment sur le droit

    romain et la thologie, mais aujourd'hui, il est connu pour avoir t l'un des premier conomiste

    thoriser la monnaie et l'inflation (avec le Thorie quantitative de la monnaie). Dans son uvre

    Les six livres de la Rpublique il dveloppe un autre concept qui le rend clbre : la

    souverainet de l'tat.

    Cet ouvrage thorise ce qu'est la bonne gouvernance de l'tat, qui, chez Bodin, est un tat trs

    fort, source de stabilit et de paix sociale, gardien de la richesse que sont les hommes (selon

    Bodin Il n'est de richesse que d'hommes ). Cette uvre est d'ailleurs initie en 1576, soit

    quatre ans aprs l'pisode la Saint-Barthlmy, dans une certaine instabilit sociale.

    Dans l'extrait que nous allons tudier ici, il interroge les risques de l'ingalit parmi les

    citoyens, mais remet aussi en question l'galit impose parmi les hommes.

    L'enjeu ici, est d'valuer en quoi l'galit ou l'ingalit influence l'importance de ltat, la

    confiance et la stabilit qu'il inspire ses citoyens, de faon dterminer quel est le mode idal

    de gouvernance au niveau de l'allocation des richesses, permettant de conserver voire de

    renforcer le rle de ltat.

    Jean Bodin dbute son analyse en reprenant ce que les penseurs antiques (Platon) et

    contemporains (Thomas More) avaient conclu avant lui sur les consquences sociales et

    politiques des ingalits entre les citoyens.

    La pauvret et la richesse crent un clivage au sein de la population, et sont sources

    d'insatisfaction du peuple. Les pauvres sont astreints des conditions matrielles inconfortables

    et irritantes, les riches aspirent toujours plus de luxe, ressentant du mpris pour les misrables.

    Ces carts au niveau des conditions de vie viennent sparer les hommes, et le fait que les

    citoyens constatent ces diffrences vient attiser encore plus de haine.

    L'ensemble des citoyens vivants dans la pauvret commencent prouver une certaine jalousie

    envers les privilgis, les considrant comme manquant d'thique et de dignit.

    Les riches de leurs cts, se veulent diffrents des moins riches et se tiennent l'cart de la plbe.

    L'exemple de la Rpublique tente par Platon est rvlateur : le projet est abandonn car les

    citoyens qui dtiennent le plus de bien refusent de collaborer.

  • Cependant, les effets nfastes des ingalits ne se limitent pas aux diffrences et aux

    sentiments hostiles qui divisent le peuple, ces diffrences dans l'allocation des biens et le climat

    d'exaspration qu'elles suscitent peuvent tre la cause d'un effondrement de ltat et d'une chute

    de l'lite dirigeante par la rvolte populaire.

    Ainsi, l'ingalit matrielle des citoyens tant identifie depuis l'antiquit comme source de

    haine et d'instabilit sociale, Jean Bodin revient sur les diffrentes solutions qui furent appliqus

    au fil de l'Histoire par diffrents dirigeants, comme l'annulation gnrale des dettes et des

    hritages, pour apaiser les rvoltes et troubles financiers gnraliss.

    Mais tout comme l'ingalit, cette galit artificielle cre par les tats comporte ses propres

    dsavantages, et au mme titre, menace la stabilit et la lgitimit de ltat.

    Bodin fait un parallle entre les conventions sociales qui rgentent les activits financires

    telles que les prts, les dettes et les contrats et celles sur lesquelles se basent la Rpublique, le

    pouvoir : ces deux aspects la vie sociale se base sur la foi, la confiance que l'on fait l'autre, en

    vertu de l'honntet qu'on lui prte.

    Ainsi, si l'tat et l'conomie sont deux systmes comparables bass sur la confiance en

    l'thique de l'autre, intervenir sur la situation financires des citoyens de faon aussi brutale cre

    une perte de foi dans les institutions, qui dteint ncessairement sur ltat : si le patrimoine du

    citoyen (dettes ou crances) peut disparatre du jour eu lendemain, pourquoi les choses seraient-

    elles diffrentes pour ltat ?

    En plus de constituer un danger pour l'intgrit de ltat et de son statut, Bodin dmontre

    comment la restauration de l'galit provoque par les tats ne peut rsoudre les problmes

    financiers des citoyens de faon durables. En effet, si le peuple est conscient qu'en cas de crise,

    ltat est prt oublier tous les comptes et changes en cours, faisant repartir tous les citoyens

    galit, il se crera ds lors une attente de ce processus dans les consciences. Ce qui au final, ne

    sert pas forcment les citoyens les plus pauvres, mais seulement les plus malhonnte, si l'on se

    rfre une pratique financire releve et explique par Bodin : certains citoyens prvoient

    qu'une situation de crise obligeant l'tat redistribuer les biens quitablement est sur le point

    d'arriver, ds lors ils dcident d'emprunter le plus possible, ainsi ils amassent des biens, tout en

    comptant sur l'annulation gnrale de leurs dettes pour ne rien avoir rembourser.

    Dans un autre ordre d'ide, la suppression des hritages peut galement s'avrer tre un

    facteur aggravant la pauvret, les citoyens les plus dmunis n'ayant aucun moyen d'accumuler et

    de transmettre la richesse dans le temps, car mme si cette mesure a pour but de relancer les

    citoyens sur un pied d'galit, cela rduit nant les efforts de certains pour acqurir un meilleur

    statut. Donc finalement, l'insatisfaction reste une potentialit, et le risque de menace que cela

  • constitue pse galement ltat.

    Finalement, ce que dnonce Bodin dans ces mesures prises par ltat, ce n'est absolument

    pas l'interventionnisme (car on sait qu'il souhaite un tat puissant), mais la perte des valeurs lies

    la confiance dans la stabilit du systme, et l'mergence de comportements conomiques

    cycliques, non plus dicts par la volont d'accumuler de la richesse et la confiance dans les autres

    acteurs de lconomie, mais par une volont dlibr des moins honntes de crer des situations

    de crises pour tirer profits des mesures galitaire de l'tat.

    A travers ce texte, en abordant tour tour les dangers respectifs que reprsentent deux

    situations conomiques, Jean Bodin dessine en creux un idal o ltat serait le rgulateur de

    l'conomie, proposant des mesures plus modres permettrait de rduire progressivement les

    ingalits, tout en respectant les notions de proprit et en encourageant l'accumulation raisonne

    de la richesse, et o la paix sociale serait de mise.

    Son analyse apparat curieusement comme tant d'actualit, l'heure de la mondialisation

    sauvages, des mesures anti-crise, la souverainet des tats tant de moins en moins vidente sous

    le joug des institutions financires...