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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Droit Commercial
1. Cours du 21 septembre 2012
§1. Introduction
En Europe, le terme de droit commercial est utilisé comme synonyme de droit
des sociétés. Dans les pays anglo-saxons, le droit commercial concerne
plutôt les contrats. Le droit des sociétés ne constitue qu’une partie du droit
commercial (certes la plus importante).
Formellement, il n’y a en suisse aucun code de commerce. En revanche, des
nombreuses dispositions éparses du code des obligations s’appliquent au
droit commercial (intérêts moratoires, calcul des dommages-intérêts en
matière de vente, etc.).
Matériellement, le droit commercial est l’ensemble des règles régissant le
fonctionnement de l’économie (sociétés, contrats, consommateurs, propriété
intellectuelle, droit administratif, etc.). Plus généralement, il s’agit de toutes
les règles adaptées aux relations juridiques multiples. Le droit commercial
s’intéresse ainsi à toutes les relations juridiques qui lient les personnes dans
leurs rapports économiques (le côté individuel et personnel n’est donc pas ou
peu traité). En effet, dans le cadre d’une société, les actionnaires sont
souvent très nombreux. Il ne s’agit alors pas d’étudier individuellement le
comportement juridique de chaque actionnaire mais plutôt les actes de
l’ensemble. La vision est donc plus téléologique, basée sur le but de chaque
acte juridique. Toutes les sociétés doivent s’inscrire au registre du commerce
(registre public assurant la publicité de la société auprès des tiers) selon la
forme qu’elles ont choisie. Il n’existe donc aucune forme par défaut.
Les sources du droit commercial sont assez nombreuses. En premier lieu, le
CO comporte une partie consacrée exclusivement aux sociétés. Ensuite, on
peut citer la loi sur les titres intermédiés (LTI), la loi sur la surveillance des
réviseurs (LSR), la loi sur les fusions (LFus), la loi sur les bourses et les
valeurs mobilières (LBVM) ou encore la loi sur les placements collectifs de
capitaux (LPCC), la LSA, la LCart ou la LCD (droit du marché).
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
En plus de ces lois, la coutume (standards de comptabilité et usages
commerciaux) joue un rôle particulièrement important. En effet, les opérateurs
économiques et les commerçants respectent des règles tacites, qui ont été
développées au fil du temps. Ainsi, les notions de comptabilité s’expliquent
par la pratique et très peu par le code (qui ne mentionne que certains
principes). De même, le droit commercial étant lié au marché, l’autorégulation
est aussi importante, notamment en lien avec le règlement de cotation, édicté
par la bourse et approuvé seulement par la FINMA (autorité fédérale de
surveillance des marchés financiers). Enfin, le droit commercial est lié à
l’interprétation fonctionnelle et objective, adaptée au marché. On peut citer
l’exemple de l’ATF 107 II 419, en relation avec l’achat et la vente de titres.
Les méthodes traditionnelles d’interprétation basée sur la volonté du
législateur ou sur l’historique sont donc moins utiles en droit commercial.
Le point de départ du droit commercial remonte à 1881, année de l’adoption
du CO, qui a ensuite été entièrement révisé en 1936 et partiellement révisé
en 1991 (capital, comptes, actionnaires, minoritaires, organisation du CA). De
même, d’autres révisions mineures ont été faites en 2005 (transparence des
indemnités du CA et de la direction), 2006 et 2008 (nouveau droit de la
société à responsabilité limitée).
Actuellement, il existe certains problèmes liés au capital-actions (notion de
base en perpétuelle évolution), à la comptabilité et à d’autres questions
d’organisations. De même, une révision totale (relativement importante mais
pas autant que la révision de 1991) du droit des sociétés anonymes et du
droit comptable est en cours. Enfin, les formes juridiques sont devenues, avec
la pratique et l’évolution de pratiques économiques, peu claires (distinctions
entre les formes plus floues : mélanges des formes), rendant ainsi compliqués
les choix de formes. Ainsi, les révisions en cours ne seront très probablement
pas les dernières. Certains estiment en effet qu’une nouvelle révision totale
du CO (comme celle de 1936) serait nécessaire pour éviter les contradictions
et donner une nouvelle vue d’ensemble du droit des sociétés et du droit
commercial. La révision actuelle porte notamment sur la structure du capital,
le fonctionnement de l’AG, les rémunérations du management, le droit
comptable et diverses autres adaptations ponctuelles.
IUR III 2012-2013 2
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Pour terminer cette introduction, il convient de mentionner quelques chiffres. Il
y a en Suisse près de 500'000 sociétés de tous les types (Nestlé avec une
valeur boursière de 200 milliards en relation avec le PIB de la Suisse de 500
milliards). On compte ainsi près de 195'000 SA et 133'000 SàRL. Les autres
types de société sont en constante baisse (toujours moins de SNC, de SEC,
de SEC par actions ou de Scoop). Sur les années, depuis 1981 jusqu’en
2011, l’évolution des SA et des SàRL est constante. La SàRL permet assez
facilement d’attribuer un poids aux actionnaires, au contraire de la SA qui ne
permet pas d’accorder cette marge de manœuvre aux sociétaires.
2. Cours du 5 octobre 2012
La société commerciale et les types de société
La notion de société commerciale peut être interprétée sous deux angles :
économique et juridique. Au sens économique, une société commerciale est
une entreprise qui produit divers éléments. Au sens juridique, la notion est
plus formalisée : il s’agit d’une réunion de personnes et d’un apport de capital
(art. 530 CO). Il y a donc réunion de moyens personnels (associés) et de
moyens matériels (apports : argent ou matériel divers) fondée sur une base
contractuelle et en vue d’atteindre un but commun. Les sociétés se
distinguent ensuite par rapport au rôle de l’associé. Plus le type de société
devient compliqué, moins l’associé a d’importance et plus l’organisation joue
un rôle central. On distingue donc les sociétés de personnes des sociétés de
capitaux (en fonction du rôle de l’associé) ainsi que les collectivités des
corporations (en fonction de l’indépendance de l’entité sociale) :
- Dans les sociétés de personnes, les associés sont très importants
(rapports personnels entre les associés). Chacun apporte son matériel
et ses connaissances, ce qui apporte beaucoup de flexibilité (apports
en industrie, art. 531, 557 al. 2 CO). Commercialement, les associés
ont un droit individuel de gestion : chacun a le droit de gérer la société
(art. 535 al. 1, 557 al. 2 CO).
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Pour les sociétés de capitaux, la situation est très différente. Les
rapports sont fonctionnels entre les associés : leur rôle est de fournir
un import (souvent en capital), peu importe leur identité (apport en
capital – actions). De ce fait, l’associé peut être aisément remplacé par
un autre (au contraire des sociétés de personnes). Commercialement,
ces sociétés sont gérées par des organes (contrairement au droit
individuel de gestion). C’est donc un groupe de personnes à l’intérieur
de la société (conseil d’administration) qui s’occupe de la gestion de la
société. L’actionnaire nomme ce conseil mais n’a pas le droit de gérer
lui-même la société. Les SA sont des sociétés de capitaux.
- Les communautés de personnes (collectivités) prévoient la propriété
commune (art. 544 al. 1, 557 al. 2 CO) sur les biens de la société. Il y a
solidarité active et passive entre les associés (art. 544 al. 3, 568 CO).
En général, un changement d’associé entraîne la dissolution de la
société (art. 545 al. 1, 574 al. 1 CO).
- Au contraire, les corporations sont des personnes morales titulaires de
leurs droits et obligations (art. 52 ss CO). Il n’y a donc en principe pas
de responsabilité des associés et ceux-ci sont interchangeables.
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Sociétés
Sans personnalité juridique
Société simple Société en nom collectif
Société commandite
Avec personnalité juridique
Société commandite par actions SàRL
Société anonyme Société coopérative
AssociationRouge = société de capitaux
Vert = sociétés mixtesBleu = sociétés de personnes
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§2. Les fondements de la SA
La notion de SA est précisée à l’art. 620 CO : il s’agit de la société qui se
forme sous une raison sociale, dont le capital-actions est déterminé à
l’avance, divisé en actions, et dont les dettes ne sont garanties que par l’actif
social. Il s’agit donc d’une personne morale : ce ne sont pas les associés qui
forment la SA. S’agissant d’une personne morale, elle est seule titulaire des
droits et des obligations. Il s’agit ainsi d’une corporation. La définition met
également l’accent sur le capital-actions. En outre, la définition fixe les deux
éléments structurels de la SA :
- La structure capitaliste de la société et ses conséquences.
- La structure corporatiste, mais pas la question des rapports entre les
actionnaires et le management.
Le droit des SA règlemente ensuite ces deux éléments de manière détaillée
(capital et ses parts, organisation interne). L’ensemble constitue environ 200
dispositions légales (art. 620-763 CO, titre XXVI du CO). La loi se base donc
sur les deux éléments structurels (affinés) pour fonder les deux catégories de
dispositions légales.
Structure capitaliste
La structure capitaliste mélange réalités économiques et traitement juridique
formaliste. Elle est fondée sur l’apport en argent (biens, sans responsabilité
personnelle ultérieure) durable (pas de droit de sortie mais actions
aliénables). La rémunération des fonds propres (apports) est immédiate (par
participation au bénéfice, dividendes : minime en général) et différée (par
participation à la plus-value des titres). C’est souvent la combinaison entre
dividende et participation différée, résultant de la plus-value de l’action, qui
intéresse les actionnaires (et rapporte le plus). Le problème juridique central
touche donc à la protection du capital. Les schémas de la page suivante
présente le versement des fonds, la perte, le bénéfice et la rémunération.
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
IUR III 2012-2013
Une partie du bénéfice est
distribué aux actionnaires
(rémunération) et une autre
partie est reportée au bilan,
pour constituer une réserve
par exemple.
S’il y a un bénéfice, les actifs
augmentent. Dès lors, il existe
une part supérieure au CA
(zone orange) qui peut
notamment être reversée aux
actionnaires.
En cas de perte, une partie
des actifs disparaissent. Dès
lors, l’ensemble du CA n’est
plus couvert par les actifs.
Evidemment, dans ce genre
de cas, les actionnaires ne
reçoivent rien du tout.
Le CA est le capital-actions.
Les actifs correspondent aux
versements effectués par les
actionnaires : les actifs doivent
correspondre aux CA.
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
3. Cours du 12 octobre 2012
§3. La fondation de la SA
Le système de contrôle des SA (réunion du système de concession, où la
fondation des SA étaient soumis à approbation, et du système d’association,
consacrant une liberté absolue) se fonde sur trois intérêts qui doivent être
conciliés lors de la fondation d’une SA :
- Les intérêts des associés (privés) :
o Réalisation effective de leur volonté : il s’agit de la liberté d’agir
et d’exprimer sa véritable volonté.
o Déclaration et forme authentique (art. 52, 629 CO) : la forme
authentique permet de s’assurer que les associés veulent
effectivement agir d’une manière déterminée.
- Les intérêts des créanciers :
o Réunion et protection du capital : cet intérêt est protégé par la
loi lors du premier jour de la fondation, ensuite de quoi l’argent
est réinvesti pour diverses tâches.
o Publicité statutaire et fondation qualifiée (art. 633 ss CO) : les
créanciers veulent être sûrs que la SA existe véritablement.
- Les intérêts publics :
o Transparence et sécurité juridique (registre du commerce,
art. 640 CO) : il s’agit des intérêts publics classiques.
o Intérêts économiques : la fondation de société permet l’exercice
d’activité économique : le nombre de sociétés est révélateur de
la santé du tissu économique. Ainsi, le temps nécessaire pour
fonder une SA est déterminant, tout comme l’argent nécessaire
à cette procédure.
Le système général de la fondation des SA prévoit trois éléments centraux :
- L’inscription au RdC (art. 640-641 CO) : le RdC permet d’assurer la
transparence, le contrôle de légalité et la publicité des sociétés
(art. 930 ss CO). Il y a un compromis entre réglementation et liberté.
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- L’effet de l’inscription : l’effet principal est l’effet constitutif (titulaire des
droits et des obligations) : la société n’existe pas sans inscription. Cela
permet aux créanciers et aux tiers d’être certains de l’existence de la
société. L’inscription produit également un effet guérisseur en cas de
vice : une fois l’inscription effectuée, la société existe et l’erreur ne doit
pas être supportée par le tiers (l’existence de la société n’est pas
remise en cause par une éventuelle erreur).
- L’exception de l’utilisation abusive de la SA : il s’agit du problème de la
transparence. Il est possible que la société soit utilisée à des fins
abusives. Dans ce cas, la conséquence est que la société est
considérée comme étant transparente et non pas inexistante. La
société continue à exister dans les domaines sans rapport avec l’abus.
Dans la jurisprudence, il est très rare que la transparence soit admise.
La fondation simple (qui s’oppose à la fondation qualifiée, dont nous parlerons
ci-dessous) distingue deux étapes : la préparation et les démarches :
- Le stade préparatoire : il doit exister un ou plusieurs fondateurs, un ou
plusieurs associés, les organes et un accord entre ces personnes
(art. 625, 629 al. 1 CO). Ensuite, il est nécessaire de réunir le capital et
de fixer le genre et la valeur nominale des actions (art. 622 CO). Il faut
aussi fixer le prix d’émission (art. 624), souscrire les actions (art. 630,
les nouveaux actionnaires signent un bulletin de souscription par lequel
ils s’engagent à verser une somme) et libérer le capital (art. 633). Il est
ensuite nécessaire de rédiger les statuts, qui seront publiés au RdC. Il
s’agit des documents écrits fixant l’organisation de la SA (dispositions
fondamentales et nécessaires de la société, art. 626 CO) et assurant
l’autonomie de la société (art. 627 CO). Ils constituent un document
formel dont la teneur est confirmée par les associés (art. 631 CO). La
nature juridique des statuts est mixte. Il s’agit à la fois d’une convention
(principe de la confiance, interprétation bilatérale) et d’un acte normatif
(interprétation objective et unilatérale). La modification des statuts
requiert une décision sociale (art. 647, 698) en la forme authentique
(art. 647 CO). La modification doit ensuite être inscrite au registre du
commerce. Les statuts sont donc relativement rigides.
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Les démarches juridiques (acte de fondation) : l’acte constitutif
demande des participants (art. 625 et 629 al. 1 CO) et le choix d’une
forme (art. 629 al. 1 CO). Cet acte doit contenir la déclaration de
fondation, la décision sur le texte des statuts, la désignation des
organes et les constatations (art. 629 al. 1-2 CO). Enfin, l’ultime étape
est l’inscription au registre du commerce (RdC, art. 640 CO).
Il y a fondation qualifiée dans les différentes situations suivantes :
- L’apport en nature (art. 628 al. 1) : en cas d’apport en nature (apport
autre qu’en argent), plusieurs éléments sont nécessaires :
o La publicité statutaire (art. 628, transparence) :
o Le contrat d’apport (art. 634, rapport avec les tiers) :
o Le rapport des fondateurs (art. 635, constatation) :
o L’attestation de vérification (art. 635a, contrôle) :
- La reprise de biens (art. 628 al. 2) : il s’agit d’apport en nature ultérieur,
par vente après fondation. La reprise de bien est soumise aux mêmes
conditions que l’apport en nature standard.
- La libération par compensation (art. 635) : lors de la transformation
d’une créance en capital-actions par exemple, il y a fondation qualifiée,
par rapport à l’augmentation du capital (art. 652e).
- Les avantages particuliers (art. 628 al. 3) : il y a également fondation
qualifiée lors de la création d’avantages particuliers en faveur de
certains actionnaires (actions privilégiées, art. 656 CO).
Il convient de terminer en parlant des quelques particularités de la fondation
(qualifiée ou standard) de la SA :
- Les vices de fondation : ces vices n’empêchent pas la constitution de
la société (effet guérisseur, art. 643 al. 2). Malgré tout, les vices de
formation doivent être réparés. Le système prévu par la loi est une
action en dissolution, possible dans les trois mois si les intérêts des
créanciers et des actionnaires sont gravement menacés (art. 643 al. 4,
cela est très rare car ceux qui ont la possibilité de soumettre la
question au juge n’ont pas d’intérêt à le faire). Passé ce délai, la
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
fondation de la société est inattaquable, sauf en cas de nullité
(art. 52 al. 3 CC) et ultérieurement (pendant la vie de la société) selon
les règles générales sur les carences dans l’organisation (art. 73 lit. b).
On distingue ainsi les cas de nullité, qui sont extrêmement rares, des
cas de carences ultérieures dans l’organisation de la société :
o La nullité (vraiment exceptionnelle) : les cas de nullité signifient
que le RdC ou l’administration ouvre une action visant à
constater la nullité (relative) de la société. Il s’agit donc de
l’ouverture d’une procédure de dissolution de la société et non
pas d’une constatation de nullité absolue.
o Les carences d’organisation ultérieures : cela vise l’absence
d’organes ou la composition non conforme d’un organe. Dans
ce genre de cas, le juge fixe un délai pour combler le manque
ou l’irrégularité. Si rien n’est fait, le juge peut alors décider de
nommer lui-même l’organe ou un commissaire aux frais de la
société (ou toutes autres mesures de substitution). Si ces
mesures restent inefficaces, il peut enfin introduire une action en
dissolution selon le droit de la faillite. Pour déclencher ce
processus par étape, une requête d’un actionnaire ou d’un
créancier est nécessaire. Si le préposé au RdC remarque
l’irrégularité, la procédure est lancée d’office.
- Les obligations antérieures à l’inscription : le(s) fondateur(s) peu(ven)t
conclure en son/leur nom un contrat pour la société à créer (société
simple, art. 544 al. 3 CO). Une fois la SA créée, les droits et les
obligations lui sont transférées par le biais d’une reprise de dettes. Il
est aussi possible de contracter des obligations avant l’inscription au
nom de la société. Dans ce cas, les fondateurs sont liés mais peuvent
être libérés en cas de reprise de la SA (art. 645 CO)
- Les actions émises avant l’inscription : pour éviter les agissements de
fondateurs malintentionnés, les actions émises avant l’inscription de la
SA sont nulles (dans le cas contraire, il existerait des dettes sans
débiteur). Naturellement, cela est dangereux puisqu’il existe toujours
un risque que des actions achetées soient nulles.
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Jérémy Stauffacher Droit Commercial
4. Cours du 19 octobre 2012
§4. Le capital-actions
Il s’agit de l’élément central de la SA, société fondée sur le capital. On
distingue premièrement trois concepts :
- L’actif social : il s’agit de l’actif brut, correspondant en fait au total du
bilan (ensemble des actifs, y compris les pertes).
- La fortune sociale ou valeur interne : il s’agit de l’actif net,
correspondant à l’actif social duquel on soustrait les dettes.
- Les fonds propres : il s’agit du capital versé par les associés auquel on
ajoute les bénéfices retenus. Les fonds propres apparaissent au bilan
comme capital-actions et réserves.
Le capital-actions est un montant déterminé à l’avance (art. 620 al. 1), arrêté
dans les statuts (art. 626 ch. 3 CO) et dans le RdC (art. 641 ch. 1) et qui n’est
modifiable que sur décision de la société (art. 626 ch. 3 et 647 CO). Pour une
SA, le CA doit valoir au minimum 100'000 francs (art. 621 CO), montant qui
doit comprendre une certaine part libérée (20% du CA mais 50'000 francs au
minimum, art. 632).
La fonction du CA dépend de cette notion ambivalente : concept juridique fixe
et notion économique fluctuante. Le capital-actions permet en effet de créer
un montant de blocage fixe et arrêté dans les statuts (principe de la fixité qui
sert à mettre en évidence les pertes ou les bénéfices) qui permet de bloquer
les versements en cas de pertes (ce n’est que lorsque les actifs dépassent le
CA qu’il est possible de procéder à des versements), d’obliger à constituer
des réserves (pour garantir le CA) et de définir les pertes qualifiées
(comparaison entre les actifs et le CA). Le but est donc la protection des
créanciers par capitalisation minimale (art. 621 et 632 CO : la loi n’assure
qu’une capitalisation minimale initiale, à la fondation de la SA : après, il est
impossible d’exclure les pertes). Néanmoins, cette protection est uniquement
juridique et non pas économique : le droit ne garantit pas aux créanciers le
IUR III 2012-2013 12
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
caractère permanent du CA, il oblige la transparence. La société n’a par
contre naturellement pas le droit de faire de versements aux actionnaires si la
situation de la SA ne le permet. Juridiquement parlant, la loi parle plus
particulièrement de deux éléments. En effet, l’intangibilité du capital-actions
entraîne les trois différents éléments suivants :
- Le principe du non-remboursement (art. 680 CO) : ce principe veut que
les actionnaires n’ont pas droit au remboursement de ce qu’ils ont
versé. Si ce principe n’existait pas, la SA devrait forcément rembourser
l’actionnaire qui décide de quitter la société et perdrait du CA.
L’actionnaire n’a donc pas de droit à quitter la SA en demandant le
remboursement. Il peut par contre vendre son titre.
- De manière négative, l’intangibilité du CA signifie qu’il n’est possible de
verser des dividendes qu’en cas de bénéfice résultant du bilan ou
grâce à des réserves libres (art. 675 al. 2 CO). De même, il est interdit
de verser des intérêts (art. 675 al. 1). Si malgré tout la société verse un
dividende de manière indue, l’actionnaire serait obligé de restituer cet
argent (art. 678 al. 1 : action en remboursement).
- De manière positive, on peut affirmer que le capital-actions est à la
disposition des créanciers uniquement. La conservation du capital-
actions est donc créée en faveur des créanciers et à l’encontre des
actionnaires (art. 626 ch. 3 et 620 al. 1 CO).
On se pose la question des actions propres : la SA peut-elle acquérir ses
propres actions et donc être son propre actionnaire (problème cyclique). Dans
ce genre de cas, trois problèmes se posent :
- Problème logique lié au statut d’actionnaire de la SA.
- Problème social par rapport au droit de vote.
- Problème patrimonial par rapport à la valeur attribuée à chaque action
(fortune sociale de la SA se confond avec les actions).
Pour résoudre les problèmes, une limite a été fixée à 10 et 20% selon les cas.
L’acquisition est ainsi en principe possible mais dans une certaine mesure,
seulement si elle dispose de fonds librement disponibles (art. 659 al. 1 : dans
le cas contraire, on assisterait à un remboursement indirect des actionnaires,
IUR III 2012-2013 13
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
ce qui est interdit). En outre, le droit de vote est suspendu en ce qui concerne
les actions possédées. De plus, une réserve légale doit être créée pour
compenser la valeur relative des actions possédées par la SA dans les actifs
(art. 659a al. 2 : il est également possible de déduire les actions dans le CA).
Enfin, la SA doit parfois ré-aliéner les actions achetées dans certains cas
(dépassement de la limite, art. 659 al. 2).
Il s’agit à présent de parler des réserves. Pour Nestlé par exemple, les
réserves représentent près de 400 fois le CA : elles sont ainsi souvent
beaucoup plus importantes que le CA. Une réserve est un montant fixe
déterminée juridiquement, par décision sociale (art. 674 al. 1), en plus du CA,
et qui est constituée normalement sur la base du résultat du dernier exercice.
Comme le CA, la réserve n’est pas de l’argent, elle signifie simplement que
les actifs doivent à l’avenir couvrir une somme supplémentaire. La réserve ne
produit donc pas ses effets dès sa création : il s’agit d’une décision de couvrir
un montant d’actif supplémentaire (mesure de prudence). Autrement dit, ce
n’est pas de l’argent mis de côté mais un projet de couverture (utilisation du
bénéfice pour constituer une réserve). Il existe trois types de réserve :
- Les réserves légales (art. 671, 671a, 671b CO) : les réserves légales
sont obligatoires. Actuellement, on en distingue deux types principaux :
o La réserve générale sur bénéfice est constituée principalement
par une rétention obligatoire du bénéfice et permet uniquement
d’éponger des pertes (l’art. 671 décrit l’alimentation obligatoire).
o La réserve générale sur apports, qui peut aussi être constituée
par versements des actionnaires (par agio).
Une révision du CO (qui entrera certainement en vigueur d’ici 2-3 ans)
en cours modifiera et clarifiera les types de réserves (réserves issues
du bénéfice, art. 672 révCO, et réserves du capital, art. 671 révCO, les
deux ne pouvant servir qu’à la couverture des pertes).
- Les réserves statutaires (art. 672 et 673 CO) : il s’agit de réserves
prévues par les statuts : extension de la réserve légale, réserves
supplémentaires selon la volonté des actionnaires, réserve
d’alimentation ou réserves à des fins de prévoyance.
IUR III 2012-2013 14
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Les réserves extraordinaires (art. 674 CO) : réserves diverses.
5. Cours du 26 octobre 2012
Le capital-actions : suite
L’art. 725 précise que « s’il ressort du dernier bilan annuel que la moitié du
capital-actions et des réserves légales n’est plus couverte, le conseil
d’administration convoque immédiatement une assemblée générale et lui
propose des mesures d’assainissement ». Cela signifie que si la perte atteint
la moitié du CA et des réserves latentes, la couverture n’est plus
suffisamment assurée. Précisons qu’il faut tenir compte des actifs utilisés
pour couvrir les fonds étrangers, actifs qui ne sont dès lors pas disponibles
pour couvrir le CA et les réserves légales. Il est en effet logique que les dettes
doivent être remboursées prioritairement (les créanciers ont un droit à être
payer : on utilise donc la fortune nette pour couvrir le CA et les réserves). Du
point de vue comptable, on utilise parfois la perte pour mesurer la situation : si
la perte est supérieure à la moitié du CA et des réserves, il a alors très
certainement perte de capital (ou sous-bilan). Economiquement toutefois, la
conception juridique de l’art. 725 CO est plus correcte (vision sous l’angle de
la couverture minimale nécessaire : vision positive). Il s’agit d’une situation de
perte importante : découvert qualifié du capital (fonds propres légaux : CA et
réserves légales, art. 671-671b CO, déterminés selon le dernier bilan
ordinaire). Dans ce genre de cas, il existe deux mesures (conséquences) :
- Information immédiate des actionnaires : une notification est faite quant
à la situation économique inquiétante de la société. Ce sont en effet
eux qui sont le plus menacés (les créanciers sont couverts).
- Prudence accrue : la perte de capital est un signal d’alarme montrant
qu’il est nécessaire d’agir au plus vite. Il ne s’agit donc pas d’une
situation d’urgence mais d’une mesure de prévention.
Dans les cas graves, on parle de surendettement, il ne s’agit alors plus
seulement d’une alerte. En cas de surendettement, l’ensemble des fonds
propres sont perdus : de ce fait, les dettes ne sont plus (entièrement)
IUR III 2012-2013 15
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
couvertes (les créanciers n’ont plus de garantie). Naturellement, dans ce
genre de cas, le CA et les réserves ne sont, par nature, plus couverts
également. Les actionnaires ont alors perdu l’ensemble de leur
investissement et il ne reste plus assez pour rembourser tous les créanciers.
Le surendettement doit être établi sur la base d’un bilan ad hoc dressé par le
CdA, bilan qui doit ensuite être vérifié par un réviseur agréé (même si la
société n’est pas soumise à révision, art. 725 al. 3 CO). Le bilan peut être
fondé sur les valeurs d’exploitation (valeur au moment où la société ne
connaît aucun problème financier) ou sur les valeurs de liquidation (valeur au
moment où la société est en difficulté). Cette distinction entre valeurs de
liquidation et valeurs d’exploitation dépend de la façon dont la société
fonctionne (en lien avec les actifs immobilisés et les actifs circulants).
Ainsi, les actifs d’une compagnie aérienne (avions notamment) auront une
valeur différente selon la santé financière de la société : si la société est
encore en exploitation, les avions auront une valeur importante ; par contre, si
les avions doivent être maintenus au sol, leur valeur va fortement diminuer.
La loi permet d’utiliser les deux valeurs pour calculer les actifs, mais la valeur
d’exploitation n’est disponible que si la société est effectivement encore
exploitée. Il faut ainsi calculer chacune des deux valeurs pour choisir la
meilleure « solution » (souvent, la valeur d’exploitation est supérieure à la
valeur de liquidation). Dans ce genre de cas, les conséquences sont :
- L’information du juge, avec les deux bilans vérifiés (art. 725 al. 2).
- L’ouverture de la procédure de faillite (art. 725a al. 1).
- L’accord éventuel d’un sursis, sur demande motivée du CdA ou d’un
créancier et seulement dans les cas où un assainissement paraît
possible en fonction des circonstances économiques.
- Diverses mesures conservatoires (art. 725a al. 2).
o Le juge peut instituer un commissaire (art. 731b al. 1 ch. 2).
o Il peut aussi limiter les pouvoirs du CdA ou encore publier
diverses informations sur l’ajournement de la faille notamment
(art. 725a al. 3 CO).
IUR III 2012-2013 16
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Un projet de révision actuel ajoutera le risque d’insolvabilité (plus possible de
payer les dettes) comme second critère d’alerte. Le CdA devra donc dresser
un plan de trésorerie (cash flow : liste d’entrées et de sorties), soit un
inventaire des versements et des paiements attendus durant les 12 prochains
mois. Si l’insolvabilité est confirmée, le CdA doit alors convoquer une AG
extraordinaire et proposer rapidement des mesures d’assainissement. La
situation est donc un peu moins grave que celle du surendettement et servira
de mesure d’alerte pour prévenir les risques majeurs.
Il convient enfin de parler de post-position (art. 725 al. 2 CO) : la disposition
prévoit que des créanciers peuvent renoncer à être payés afin de réduire la
part des pertes pour que le reste de l’actif puisse encore couvrir les créances
restantes. Les créanciers qui acceptent la post-position s’assimilent donc aux
actionnaires. Par cette manœuvre, les fonds étrangers déterminants peuvent
être couverts par les actifs à disposition. Cela pourrait ainsi notamment être le
cas des créanciers actionnaires, proches de la société, estimant que la
société pourrait se relever. De même, certains créanciers peuvent estimer
que la société a un fort potentiel mais est mal gérée : ils proposent alors de
post-poser contre un renouvèlement du CdA.
De manière générale, la post-position est acceptée si les créanciers estiment
qu’à l’avenir ils pourront être désintéressés. Il s’agit donc d’un accord du
créancier de subordonner sa créance au paiement de tous les autres
créanciers en cas de faillite et de ne plus en exiger le paiement. Les
conditions de la post-position sont les suivantes :
- La déclaration de post-position est inconditionnelle et irrévocable.
- Le créancier renonçant doit être solvable.
- Enfin, elle doit être effectuée par le CdA de la SA renonçant
(naturellement dans les cas où le renonçant est une SA).
Si les conditions sont remplies, la créance disparaît du bilan déterminant,
mais bien entendu pas de la comptabilité : la créance existe toujours mais le
créancier s’engage à ne pas la faire exécuter. La post-position est donc fondé
sur l’espoir (voire sur la confiance) et est donc surtout utilisée dans les petites
sociétés (notamment parce que le post-posant connaît la société).
IUR III 2012-2013 17
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
6. Cours du 9 novembre 2012
§5. L’augmentation du CA
Le CdA détermine les besoins financiers et le mode de financement, par
recours à de (nouveaux) fonds étrangers ou par recours à de (nouveaux)
fonds propres. Le financement par fonds propres est possible seulement par
augmentation du capital-actions (« capital fixe »). De plus, une décision de
l’AG devient nécessaire, sur proposition du CdA. Il existe différentes sortes
d’augmentation du CA : ordinaire, autorisée et conditionnelle :
- Augmentation ordinaire (art. 650 CO) : l’augmentation ordinaire
nécessite, logiquement, l’augmentation du CA (décision prise par l’AG).
Dès lors, il est nécessaire d’apporter de nouveaux actifs (circulants)
pour couvrir le CA. Les nouveaux actionnaires ont apporté de l’argent
supplémentaire. Il s’agit en principe d’une décision prise par les
actionnaires en AG qui doit ensuite être exécutée par le CdA dans les
trois mois (art. 650 al. 1-3). La décision de l’AG doit fixer 4 éléments :
o Le montant nominal de l’augmentation (ch. 1).
o Le genre et le nombre d’actions à émettre (ch. 2).
o Le prix d’émission et le début du dividende (ch. 3).
o La libération et la nature des apports (ch. 4-5).
Naturellement, il faut respecter la forme requise (art. 650 al. 2) ainsi
que les majorités prévues aux art. 703 et 704 CO (cas normal : une
majorité simple suffit). Le CdA doit procéder à diverses démarches :
o Réunir les souscriptions (art. 652, 652a).
o Assurer et constater la libération des apports (art. 652c).
o Faire le rapport d’augmentation (art. 652e).
o Arrêter le prix d’émission (art. 650 al. 2 ch. 3).
Une fois cela fait, le CdA modifie les statuts (art. 652g) et fait inscrire le
nouveau CA au registre du commerce (art. 652h). Il y a donc décision
de l’AG, démarches du CdA puis décision finale de constatation du
IUR III 2012-2013 18
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
CdA. Il faut encore préciser quelques notions relatives au prix
d’émission. En pratique, il s’agit de l’élément le plus important. Il est
tout d’abord interdit d’émettre les actions en dessous du pair (art. 624).
Cela signifie qu’il n’est possible de fixer qu’un prix qui soit au minimum
égal à la valeur nominale (au pair) ou supérieur (prime, agio). En règle
générale, le prix est fixé au dessus du pair (prime ou agio).
- Augmentation autorisée (art. 651 CO) : elle permet au CdA de réagir
aux modifications de la situation économique. Il s’agit d’une
augmentation fondée (variante) sur l’augmentation ordinaire : l’AG ne
décide pas d’une augmentation mais autorisé l’augmentation (transfert
du pouvoir vers le CdA). La loi la limite (pour maintenir un équilibre
entre AG et CdA) à 50% du CA et à deux ans (art. 651 al. 1). Ainsi, si
le CdA n’a pas agit dans les deux ans, la compétence retourne auprès
de l’AG, qui peut alors renouveler l’autorisation (pouvoir restreint du
CdA). De plus, la décision de l’AG doit être prise à la majorité qualifiée
(art. 704). La décision d’augmentation est donc prise par le CdA, qui
juge selon son appréciation en vertu du pouvoir délégué par l’AG. Il y a
donc en premier une décision de principe de l’AG (art. 651), puis une
décision effective du CdA d’augmenter le CA et enfin l’exécution
ordinaire par le CdA (réunion des souscriptions, publication d’un
prospectus, détermination des apports, rapport d’augmentation,
vérification et modification des statuts et inscription au RdC).
- Particularités de l’augmentation ordinaire et autorisée : en plus de
l’augmentation par apports (libérations simples ou qualifiées selon les
art. 650 al. 2 ch. 4, 5-9 CO) selon les dispositions liées à la fondation
des sociétés (art. 652c CO), on distingue deux types d’augmentation :
o Augmentation par fonds propres (art. 652d) : il s’agit alors de
convertir la réserve en CA. On ne modifie donc que le passif du
bilan : il n’y a pas d’apport d’argent. L’intérêt de cette
augmentation est de vendre de nouvelles actions.
o Augmentation par compensation (art. 652c) : encore une fois, on
travaille avec le passifs : les fonds étrangers sont alors convertis
en CA. Là encore, l’actif ne semble pas : il y a augmentation
IUR III 2012-2013 19
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
sans apport de moyens : les fonds étrangers sont incorporés au
CA. Ainsi, une banque qui a accordé un crédit à la société
renonce à être rembourser et est d’accord de convertir sa
créance en actions (compensation de créances : l’apport en
argent a déjà été effectué sous forme de prêt). Dans une
situation de crise, cela peut être d’un grand avantage car les
intérêts de la dette sont dès lors supprimés. La banque peut
également avoir un intérêt : si elle considère qu’il sera
impossible d’être remboursée, elle peut décider d’entrer au CdA
(actionnaire) pour mieux gérer la société à l’avenir.
Enfin, il convient de parler du droit préférentiel de souscription
(art. 652b al. 1). Ce droit permet aux actionnaires de participer eux-
mêmes à l’augmentation pour éviter la modification des parts. Ainsi,
chaque actionnaire dispose d’un droit de préemption pour acheter les
nouvelles actions émises. Il a droit au maintien de sa position (vote et
dividende) proportionnellement à sa part. Il est en outre possible de
vendre ces droits. Pour l’exercer, l’actionnaire doit libérer les apports
lors de la souscription de nouveaux titres (art. 652b al. 1 et 653c al. 1).
De plus, précisons qu’il est possible de limiter, voire de supprimer
totalement le droit de souscription (art. 704 al. 1 ch. 4 et 652b al. 2), à
condition de respecter l’égalité de traitement (une suppression partielle
pour certains actionnaires est impossible) ou en cas de justes motifs.
Les conditions formelles sont la majorité qualifiée, premièrement, mais
aussi l’exigence d’une décision prise par l’AG en cas d’augmentation
(art. 652b al. 2 CO). Pour chaque augmentation du CA, la décision de
suppression du droit de souscription doit être prise : il est impossible
de décider de manière générale et abstraite de supprimer le droit de
souscription (la renonciation définitive est donc impossible) : un vote
doit être organisé pour chaque renonciation.
- Augmentation conditionnelle (art. 653 CO) : il s’agit de garantir
l’augmentation pour l’exercice des droits de conversion ou d’option
promis et ce sans décision supplémentaire de la décision (la volonté
est déterminante). Les conditions juridiques sont précisées à l’art. 653.
Cette augmentation consiste à convertir des fonds étrangers en CA.
IUR III 2012-2013 20
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Précisons que les personnes qui déclenchent l’augmentation sont les
créanciers et non pas la société. Le déroulement est le suivant :
o Une base statutaire est créée sur une décision de l’AG. Il est
nécessaire de déterminer les bases de calcul du prix d’émission
et de conversion des options, au sens de l’art. 653b al 2 CO.
o Une décision d’exécution du CdA est ensuite nécessaire.
Lorsque la décision est prise, il faut déterminer le prix
d’émission et les conditions de la conversion.
o Enfin, la dernière étape est l’exécution de l’augmentation par
l’exercice des droits de conversion ou d’option par les
créanciers (ayants droit, art. 653e CO). C’est donc bien le tiers
(créanciers en l’occurrence) qui augmente le CA de la SA.
o Des démarches du CdA sont tout de même nécessaires : il faut
constater l’augmentation (art. 653g) sur la base d’une attestation
de vérification (art. 653f). Il est également important d’inscrire le
nouveau CA au RdC (art. 653h) et d’épurer les statuts (art.
653i). Dès lors, l’augmentation est effective : elle est opérée par
un tiers et le CdA se contente de la constater.
7. Cours du 16 novembre 2012
§6. La diminution du CA
La réduction du CA est souvent associée à une situation économique
négative (au contraire de l’augmentation). La réduction du CA sert à
compenser des pertes. Il est aussi possible de diminuer le CA pour réduire
l’activité de la SA (dissolution partielle). Il s’agit d’un définancement (par le
biais d’un rachat d’actions, buy back, ou d’une compression du CA, leverage)
souvent motivé par des raisons fiscales. Le rapport entre le CA et les fonds
étrangers déterminent également la valeur des actions. La réduction doit être
décidée par les l’AG (modification du CA). Les intérêts premiers à préserver
sont les intérêts des créanciers, qui pourraient être les premiers touchés. On
distingue trois types de réduction :
IUR III 2012-2013 21
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- La réduction avec versement (art. 732 al. 1) : il y a alors suppression
d’une partie des actifs circulant (restitution des actifs, remboursement)
et logiquement diminution du CA : le bilan est dès lors plus court.
- La réduction sans versement (art. 735) : dans ce type de cas, le CA est
diminué en fonction de la perte. Ce sont donc les actifs « perdus » qui
sont donc soustraits du CA (il n’y a donc aucun versement).
- La réduction suivie d’injection de nouveaux moyens (art. 732 al. 1) : il
s’agit d’un assainissement économique : la réduction est aussitôt suivie
d’une augmentation par l’apport de nouveaux moyens. Il y a donc
réduction avec versement (et donc CA diminué) puis augmentation du
CA avec apport de moyens nouveaux : au final, le montant du CA ne
change pas dans l’opération.
En outre, la réduction peut être constitutive (forme de base, art. 732 ss) ou
déclarative (forme simplifiée, art. 735 CO) :
- La réduction constitutive (assimilée à la réduction avec versement) : il
s’agit d’une décision de l’AG de réduire le CA inscrit dans les statuts
(art. 732 al. 1 CO). On réduit également le nombre d’action
(art. 732 al. 3) ou leurs valeurs (limites de l’art. 622 al. 3). Comme
l’augmentation, la réduction est exécutée par le CdA. Il y a alors un
nouveau CA inscrit au RdC et le montant libéré est versé aux
actionnaires concernés. La procédure est la suivante :
o Le CdA avise les créanciers et les désintéresse si nécessaire
(ou fournit les garanties nécessaires ; art. 733 CO).
o La réduction est décidée par l’AG et inscrite au RdC.
o Un rapport de révision attestant que les créances sont
entièrement couvertes est ensuite nécessaire (art. 732 al. 2) afin
de protéger les créanciers (acte authentique de constatation
accompagné d’un rapport de révision, art. 734 CO).
- La réduction déclarative (assimilée à la réduction sans versement,
art. 735 CO) : la réduction est effectuée jusqu’à concurrence de la
perte. Les créanciers ne sont dès lors pas mis en danger : les actifs ne
sont pas touchés (aucun versement aux actionnaires : la société
IUR III 2012-2013 22
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
conserve la même richesse). Il s’agit donc d’une mesure permettant
l’assainissement du bilan en temps difficile. Les conditions d’une telle
réduction sont donc l’existence d’une perte (excédent passif). De
même, comme on l’a dit, la réduction est limitée à la perte. Il y a alors
assainissement du bilan (raccourcissement) et suppression de la perte.
Les tiers n’étant pas touchés (forme de réparation interne), la
procédure est dès lors assez simple : le rapport des réviseurs suffit
(art. 732 al. 2) : il faut être sûr que la réduction respecte les limites de
la perte (sans quoi la procédure est plus compliquée). Il n’est pas
nécessaire d’aviser les créanciers (art. 735 CO ; voir cas n° 6).
- La réduction avec augmentation simultanée (art. 732 al. 1) : en cas de
bilan déficitaire, il est possible de refinancer totalement la société.
Juridiquement, cela se traduit par une diminution directement suivie
d’une augmentation. La réduction a donc une durée extrêmement
courte et n’est même jamais effective. Les étapes des art. 732 ss CO
ne s’appliquent pas (ou dans une moindre mesure). La réduction est
invisible : les anciennes actions disparaissent mais réapparaissent
aussitôt. Les anciens actifs restent mais la perte est remplacée par de
nouveaux moyens. Il y a donc assainissement de bilan mais également
apport de nouveaux moyens (contrairement à la réduction déclarative).
Souvent, le CA est réduit à zéro pour ensuite être totalement
reconstitué. La décision de réduction étant directement effacée par
l’augmentation, la portée juridique de la réduction est minime :
o L’AG prend une décision de réduction, ce qui supprime les
actions existantes et les droits des actionnaires (art. 732a al. 1).
o L’augmentation ordinaire suit directement la réduction et recrée
le CA tel qu’il était avant. Les anciens actionnaires disposent
directement d’un droit de souscription préférentiel inconditionnel
en cas de réduction à zéro (art. 732a al. 2). Parfois, la situation
est encore plus simple, une seule décision de réaugmentation
était prise à l’unanimité (sans processus de réduction). Si un
actionnaire décide de ne pas exercer son droit de souscription, il
IUR III 2012-2013 23
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
devra quitter la société. Cela peut paraître étonnant mais ce
genre de manœuvres rares permet d’éviter la faillite.
8. Cours du 23 novembre 2012
§7. Les comptes
Nous allons parler des principes de la comptabilité. Le but de ces règles est
de donner un aperçu aussi sûr que possible du patrimoine de la société
(bilan, art. 662a al. 1) ainsi que de ses résultats obtenus (compte). Il s’agit
donc d’un système d’information qui profite aux actionnaires (art. 660, 725),
d’un instrument de gestion utile aux dirigeants (art. 716a al. 1 ch. 3) et d’un
mécanisme d’information général pour les tiers, investisseurs et créanciers
(art. 697h al. 1-2 et 725 al. 2). Actuellement, les règles de comptabilité de la
SA sont contenues aux art. 662-670 CO et de manière générale aux art. 957
à 963 CO (portée pratique limitée). Dans le domaine de la comptabilité, les
usages commerciaux sont particulièrement importants. En outre, la révision
de 2011 propose de nouvelles règles générales (art. 957-963c CO) qui
remplaceront les art. 662-670 CO et qui s’appliqueront à toutes les sociétés
commerciales, peu importe leurs formes. Il existe en outre deux types de
règles : les règles de présentation des comptes et les principes comptables :
- Les règles de présentation des comptes : il s’agit de règles formelles
servant à uniformiser les informations entre les sociétés. Il est en effet
nécessaire de faire figurer certains éléments afin de produire un bilan
suffisamment précis, mais pas trop. Certains documents et certaines
structures de documents sont donc prescrits. Sont nécessaires le
rapport de gestion (art 662 al. 1), les comptes annuels (bilan, compte
de profits et de pertes) et les annexes (art. 662 al. 2). Les règles sur la
structure précisent le niveau de précision exigée (art. 663-663b) :
o Structure du bilan (art. 663a CO) :
Actifs : il s’agit de la colonne de gauche :
Actifs circulants : liquidités, créances sur vente,
stock et autres créances diverses (caisse).
IUR III 2012-2013 24
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Actifs immobilisés : il s’agit du patrimoine financier,
immobilier ou corporel (atelier, machine et autres).
Perte : soustraction entre passifs et actifs.
Passifs : il s’agit de la colonne de droite :
Fonds étrangers : dettes sur achat, autres dettes à
court terme, dettes à long terme, provision.
Fonds propres : autres réserves statutaires et
diverses, réserves légales et capital-actions.
Bénéfice éventuel réalisé.
o Structure du compte de profits et de pertes (art. 663 CO) : les
principes sont les mêmes : à gauche sont listées les charges
(exploitation – hors exploitation – exceptionnelles – bénéfice) et
les produits sont listés à droite (exploitation – hors exploitation –
exceptionnels – perte). La structure est donc la même.
o Structure des annexes (art. 663b ch. 1-11 CO) : les annexes
contiennent des informations explicatives concernant divers
éléments (valeurs d’assurance, participations, réserves latentes,
réévaluation) et des informations supplémentaires diverses
(cautionnements, garanties, gages, actions propres,
augmentations autorisées, conditionnelles, leasing, prévoyance,
obligations et actionnaires importants). L’art. 663bbis prévoit
ensuite des précisions liées aux indications supplémentaires.
- Les principes comptables : les principes comptables rappellent quels
sont les documents comptables (art. 662) et quelle est leur structure
(art. 663 ss CO). En outre, on dénombre trois types de principes :
o Les principes comptables généraux (art. 662a al. 2) : il s’agit de
la transparence, de la prudence et de la continuation
(continuité). La transparence exige de fournir des informations
complètes pour la période concernée (intégralité). Ces
informations doivent de plus être claires (clarté : pas de
compensations abusives) et essentielles (niveau de détail
prescrit : suffisamment précis, mais pas trop). La prudence
exige de prendre en compte dans les calculs la valeur la plus
IUR III 2012-2013 25
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
basse et de constituer des réserves (principe de l’imparité). Il
s’agit donc de mettre en œuvre et de concrétiser les principes
régissant l’établissement régulier des comptes (art. 662a al. 1).
o Les principes d’évaluation : le bilan répertorie les biens qui ont
une valeur pour la SA et les évalue selon certains principes
d’évaluation. Ainsi, les biens doivent avoir une valeur réalisable.
Il doit donc s’agir d’un bien matériel, immatériel (biens de
propriété intellectuelle) mais normalement pas de know-how ou
de good-will (bonne volonté), sauf en ce qui concerne les frais
d’organisation (art. 664). Pour concrétiser le principe de
prudence, on applique notamment les deux principes suivants
en matière d’évaluation des biens :
Principe du coût historique : il s’agit du coût au moment
où le bien a été acquis ou produit. Il est nécessaire de
maintenir ce coût de base. Cela vaut pour l’actif
immobilisé. De ce fait, si un immeuble a été acheté pour
un million, le bilan mentionnera toujours ce million de
base, sans tenir compte de l’augmentation des prix. Il y a
donc sous-évaluation de l’immeuble. Cela est
partiellement compensé par la valeur d’assurance
mentionnée dans l’annexe (on peut dès lors comparer la
différence). En outre, les amortissements nécessaires
peuvent être déduits du calcul final.
Principe de la valeur la plus basse : pour l’actif circulant
et les stocks, si la valeur du bien est plus basse que le
coût historique, il faut abaisser l’évaluation des stocks à
la nouvelle valeur de vente (art. 666-667 CO).
En outre, à côté de ces deux principes, il existe un certain
nombre de mécanisme de correctifs d’évaluation. L’art. 669
prévoit une liste des correctifs. Il s’agit d’une adaptation
(réduction) de la valeur d’un actif ou d’une insertion d’un passif
pour tenir compte d’un risque. Il existe trois sortes de correctifs :
IUR III 2012-2013 26
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Amortissements : pertes de valeur dues à l’utilisation de
l’actif au facteur temps (surtout actifs immobilisés).
Corrections de valeur : pertes de valeur dues à d’autres
facteurs (pour les actifs immobilisés et circulants).
Provisions : pour les risques et les charges.
Des correctifs sont obligatoires s’ils sont nécessaires pour
respecter les principes du commerce (principes de prudence
concrétisés par les art. 669 al. 1 CO, 662b al. 2 ch. 3,). Ils sont
autorisés s’ils sont faits à des fins de remplacement (selon les
art. 669 al. 2). Les fins de remplacement font allusion aux coûts
de remplacement qu’occasionnera le remplacement du bien en
question : il s’agit en fait de garantir l’amortissement.
o Les réserves latentes : l’art. 669 al. 3 concerne les réserves
latentes. Il s’agit en fait d’autres amortissements, corrections de
valeur et provisions (non-nécessaires et non-utiles à des fins de
remplacement), soumis au respect de 3 conditions larges :
L’admissibilité du but : le but peut être très large
(prospérité de l’entreprise ou durabilité des dividendes).
L’égalité des actionnaires (art. 669 al. 3) : la constitution
de réserves latentes ne doit pas léser les actionnaires.
Le caractère non-cotée de la société : les sociétés cotées
en bourse ne peuvent constituer de réserves latentes.
o Les conséquences de la constitution de réserve latente sont
importantes, à l’interne comme à l’externe :
Dès leur existence et à l’interne, une double comptabilité
doit être créée, l’une avec les réserves, l’autre sans. Il
faut donc informer l’organe de révision sur leur
constitution (art. 669) pour permettre un contrôle des
conditions de constitution des réserves latentes.
A l’externe, il faut informer les actionnaires en cas de
dissolution qualifiée (art. 663b ch. 8) des réserves. Les
réserves latentes sont différentes des réserves ouvertes.
En effet, cette dernière est visible au bilan, au contraire
IUR III 2012-2013 27
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
de la réserve latente, absente du bilan. Le CdA sait
qu’elle existe mais les actionnaires n’en ont pas
connaissance (réserves cachées, latentes donc).
9. Cours du 30 novembre 2012
§8. Les actions et autres valeurs mobilières
Quand on parle de l’action comme titre, on fait allusion au support physique.
L’action est un faisceau de droits dans une dénomination légale (droit-valeur)
mais elle peut également être un titre. C’est le contexte qui permet de savoir à
quelle définition de l’action on s’intéresse. Ce fait que les actions soient les
porteurs du faisceau de droits permet le transfert des actions.
Ainsi, l’action peut premièrement être considérée comme un support
physique. Traditionnellement, ce titre est un papier-valeur et donc un support
corporel content un écrit (une chose mobilière soumise aux règles des droits
réels). De ce fait, le transfert d’une action nécessite une opération de cession
comme celle utilisée en matière de droits réels. Le droit en lui-même est un
droit corporatif. La particularité du papier-valeur est le lien étroit (art. 965 CO)
entre le droit et le titre (comme le billet de banque) : la présentation du titre
est nécessaire pour faire valoir le droit (en lien avec les problèmes de
caducité des titres pour éviter les doubles titres). Le papier-valeur a donc une
fonction de légitimation de son porteur (clause au porteur) ou de légitimation
nominale (clause nominale). Comme on l’a dit, les actions peuvent être au
porteur (titre au porteur, art. 689a al. 2 et 978) ou nominative (titre à ordre,
art. 689a al. 1 et 684 al. 2). Les papiers-valeurs existent pour faciliter les
transactions afin de maximiser les avantages des actionnaires : plus la
cession est aisée, plus l’achat sera facile. La transformation des actions
fonctionne selon l’art. 622 al. 3 CO. En outre, la société n’est pas obligée
d’émettre des actions sous forme de titres (actions non émises). Il s’agit alors
de quotes-parts pures, de simples créances de l’associé contre la société.
IUR III 2012-2013 28
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Deuxièmement, l’action peut être considérée comme un droit-valeur. La
naissance de ce concept est le résultat d’un mécanisme appelé
dématérialisation des actions. En effet, les banques ont commencé à
considérer que les très nombreux titres encombraient leurs coffres. De plus,
les transferts de titres étaient forcément risqués. Dès lors, tous les titres ont
été stockés en un seul endroit, dans un dépôt collectif. Aujourd’hui, c’est une
réglementation légale qui s’occupe des principes des papiers-valeurs (LTI).
La dématérialisation était donc à l’origine un dépôt collectif mis sur pied par la
pratique (les banques). Ce sont les art. 973a à 973c qui gère la transposition
des papiers-valeurs aux droits-valeurs. Aujourd’hui, les titres sont
physiquement conservés et gérés par un dépositaire de titres, sur mandat de
la banque ou de la société émettrice (dépôt collectif). Le transfert des titres
déposés se fait alors par inscription aux comptes de dépôt concernés, en
principe sur la base de cession en blanc. L’existence du titre est dès lors
purement scripturale du titre, sous forme d’une inscription au crédit d’un
compte de titre, conformément à la loi sur les titres intermédiés (les rares
papiers encore existants n’ont dès lors plus aucune importance : les principes
des papiers-valeurs sont transposés aux droits-valeurs). Les droits-valeurs
ont donc été créés par la LTI (loi qui gère également les quelques papiers-
valeurs en dépôts collectifs qui subsistent). Les droits valeurs constituent des
obligations particulières simulant les papiers-valeurs (art. 973c CO). Dès lors,
l’actionnaire ne conserve qu’un droit théorique à la remise du titre (à ses frais
et seulement si les statuts le prévoient, art. 627 ch. 14 CO).
Il convient de parler des actions à privilèges : il existe des privilèges sociaux
(droit de vote) et des privilèges patrimoniaux. Les premiers sont une
institution extrêmement fréquents qui résultent de la combinaison de deux
types de clauses dans les statuts. Les actions confèrent des privilèges
sociaux (art. 693 al. 1) si le vote fonctionne sur la base du principe une voix
par titre, sans égard à la valeur nominale. Ainsi, si une société a 100’000 de
CA, elle peut émettre 9 actions à 10'000 et 10 actions à 100. Dès lors, selon
le principe une voix par titre, les personnes ayant acheté leurs actions à 100
auront la même voix que ceux qui ont acheté leurs actions à 10'000, tout en
ayant dépensé beaucoup moins. La valeur nominale des titres est donc
IUR III 2012-2013 29
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
différente mais le vote dépend du titre et non pas de la valeur nominale. Les
conditions de création de telles actions sont au nombre de deux :
- Une base statutaire (art. 693 al. 1, 704 al. 1 ch. 2 CO).
- Des actions nominatives, entièrement libérées (art. 693 al. 2).
En outre, les privilèges sont limités par le rapport de levier maximal de 1 : 10
(art. 693 al. 2). En effet, dans la SA, le pouvoir d’influence de droit de vote
devrait être proportionnel au risque pris. Dès lors, on ne devrait pas pouvoir
prendre des décisions risquées et en faire subir les désavantages à autrui.
Les privilèges en matière de droit de vote sont donc limités. De plus, les
privilèges ne valent pas pour certains droits de contrôle (art. 693 al. 3), dont
les droits liés à la révision. Enfin, l’abolition des privilèges est possible mais
non règlementée (rarement utilisée en pratique).
Les deuxièmes types d’actions privilégiées octroient un avantage patrimonial
(art. 656 al. 1, 661 CO). Elles sont privilégiées par rapport aux actions
ordinaires : il s’agit de droits aux dividendes préférentiels (pendant une
certaine durée ou durablement). Là encore, une base statutaire est
nécessaire (art. 654 al. 1). En outre, leur abolition nécessite la majorité de
l’AG mais également de l’AG particulière des actionnaires concernés par les
privilèges (art. 654 al. 2-3). Par contre, une majorité qualifiée n’est pas
nécessaire (majorité simple).
Il convient à présent de parler des autres valeurs mobilières (bons de
participation et bons de jouissance). Les bons de participation sont une
création de la pratique : avant d’être intégrés dans la loi, les sociétés
dénaturaient le concept de bons de jouissance. Il s’agit de parts du capital-
participation émises contre apport mais ne conférant pas de droit de vote. Il
s’agit donc d’un droit payant ne conférant aucun droit de vote (art. 656a). Les
apports de bon de participation constituent donc un capital-participation
supplémentaire, en général intégré dans le CA (art. 656b al. 3). Le CP
correspond au maximum au double du CA (art. 656b al. 1), afin de limiter la
perte d’influence des actions. Au niveau des droits patrimoniaux, un
participant est à égalité avec un actionnaire (droit normal au dividende et au
droit préférentiel de souscription, art. 656f al. 1 : leur étendue est déterminée
IUR III 2012-2013 30
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
au minimum par le standard des actionnaires les moins favorisés). Par contre,
au niveau du droit de vote, le participant n’a que des droits limités. Ils ont ainsi
droit à une information minimale (art. 656d) mais pas de droit de vote. Ils
disposent par contre de l’action en annulation de l’AG et de l’action en
responsabilité (art. 656a al. 2). En outre, les bons de participation permettre à
leurs titulaires de s’opposer à une réduction des droits sociaux (comme en
matière d’actions privilégiées). Les principes de la double majorité et de
l’assemblée spéciale s’appliquent aussi (art. 656f al. 4). Les bons de
jouissance, quant à eux (à l’origine des bons de participation), confèrent
certains droits au bénéfice ou à la souscription d’actions nouvelles. Les bons
de jouissance ne sont pas émis contre apport mais en faveur de personnes
liées à la société (personnes particulièrement méritantes, art. 657 al. 1-2). Les
droits conférés sont décrits dans les statuts (art. 657 al. 1). Dans le tutorat,
nous avons vu un cas d’actions privilégiées (5% supplémentaire). La société
aurait aussi pu décider d’émettre ce privilège par le biais d’un bon de
jouissance. Dès lors, action et bon sont séparés et le titulaire peut vendre le
bon de jouissance tout en conservant l’action. En outre, les éventuels
acquéreurs de la société doivent être au courant de l’existence des bons de
jouissance (principe de transparence). En effet, les bons de jouissance ont
une influence sur le capital, quand bien même ils ne constituent pas une part
de ce capital (art. 657 al. 3 CO). Il n’y a donc aucun capital-jouissance.
Pour terminer, il est nécessaire de parler des actions cotées en bourse. L’effet
de la cotation est de permettre la vente immédiate et inconditionnelle des
actions. Pour être cotée en bourse, la société doit avoir un historique
suffisamment important (confiance) et disposer d’un certain nombre d’actions
disponibles. Dès lors, l’actionnaire pourra quitter dès qu’il le souhaite la
société (entrée et sortie facilité). La bourse doit admettre la société qui
respecte les conditions cadre (art. 8 LBVM) : la société doit donc fournir
différentes informations (caractéristiques des actions : négociabilité, nombre,
genre, et de la société : durabilité, CA, forme juridique, comptabilité). Il existe
ensuite des obligations de transparence pour la société et les actionnaires
tout au long de la cotation en bourse (principe de corporate governance :
code et obligations SWX). L’une des conditions de la cotation est la
IUR III 2012-2013 31
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
disponibilité des actions : si la société se réserve la possibilité d’accepter ou
de ne pas accepter les nouveaux actionnaires, il sera impossible de l’inscrire
à la bourse (qui ne prévoit aucun contrôle des actionnaires).
10. Cours du 7 décembre 2012
§9. Les actions nominatives liées
Contrairement aux actions cotées en bourse, ces actions ne sont pas
librement transmissibles. De manière générale, le problème de la
transmissibilité des actions est la consécration du conflit entre les intérêts des
actionnaires et de la société. Les premiers aimeraient pouvoir vendre leur
participation en tout temps alors que la seconde préfère garder un certain
contrôle de son actionnariat. Or, la société est contrôlée à travers les votes
des actionnaires, qui supportent dès lors le risque patrimonial de leur
investissement. Ainsi, la soumission du transfert à l’agrément de la société
peut conduire à une scission entre contrôle et risque : l’actionnaire dispose
alors de l’action et des droits patrimoniaux mais il n’a aucun droit de vote.
Cela intervient lorsqu’un actionnaire vend son action à une personne non
acceptée par la société : l’ancien actionnaire conserve son droit de vote mais
perd son action. Cette solution est problématique : en principe, celui qui prend
le risque financier devrait disposer en contrepartie d’un droit de vote. En
principe, le transfert d’un papier-valeur ou d’un droit-valeur est totalement
libre (art. 967 CO, 973c CO), mais les statuts peuvent prévoir de soumettre le
transfert à l’approbation de la société par une clause d’agrément (art. 685a). Il
faut dès lors voir comment ces clauses d’agrément sont concrétisées :
- Pour les actions cotées (sociétés publiques, art. 685d-685g CO) : la
clause d’agrément est une société de pourcentage (pour Nestlé : 1%)
qui n’entrave le fonctionnement des marchés financiers mais permet
tout de même de maintenir un actionnariat dispersé (pas de
concentration). Il faut alors distinguer plusieurs étapes :
IUR III 2012-2013 32
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
o L’aliénation du titre est annoncée à la société par la banque de
l’aliénateur (art. 685e). Dès lors, la banque est obligée
d’annoncer la vente à la société mais pas l’identité de
l’acquéreur. Les droits passent à l’acquéreur du fait du transfert
(art. 685f al. 1) mais celui-ci ne peut exercer ses droits sociaux
(art. 685f al. 2). Le nouvel actionnaire devient donc actionnaire.
o L’acquisition du titre n’est pas annoncée par la banque : la loi ne
veut en effet pas obliger la banque de l’acheteur à s’annoncer.
L’acquéreur fait la demande de reconnaissance, s’il le souhaite,
pour pouvoir exercer les droits sociaux. Cette demande conduit
à l’inscription au registre des actionnaires sans droit de vote
(registre provisoire, art. 685f al. 3). Précisons que cette
démarche n’est pas obligatoire (bien que fréquente).
o L’approbation par la société (décision d’agrément) : il faut dès
lors distinguer selon que la société approuve ou désapprouve :
Approuve l’agrément : l’actionnaire est alors inscrit au
registre des actionnaire, ce qui lui procure l’exercice du
droit de vote (art. 685f). En outre, l’approbation est
présumée accordée après 20 jours (art. 685g CO).
Désapprouve l’agrément : l’actionnaire reste inscrit au
registre provisoire et dispose de tous les droits
patrimoniaux mais ne peut pas voter. On accepte donc la
scission durable pour l’actionnaire qui décide d’acheter
au-delà du pourcentage par exemple.
En outre, il faut préciser que les actions cotées peuvent être vendues
hors bourse, le schéma est alors le suivant (deux étapes) :
o L’aliénation du titre : l’aliénation est alors un fait purement privé
(vente personnelle), connu ni des banques ni de la bourse, sauf
pour les cas importants (art. 20 LBVM). L’acquéreur ne doit (et
ne peut) être annoncé par une banque et le fait est alors en
principe inconnu de la société (problème des fantômes). La
transaction en tant que telle est totalement sans effet par
rapport à la société (ignorance : art. 685f al. 1 2ème phrase).
IUR III 2012-2013 33
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
o L’acquisition du titre : la transaction sera annoncée par
l’acquéreur par une demande de reconnaissance. C’est à ce
moment là que les droits passent à l’acquéreur (différence avec
les actions vendues en bourse), mais là encore les droits
sociaux ne peuvent être exercés. L’acquéreur est inscrit au
registre provisoire en attendant l’approbation de la société,
comme pour la vente des actions cotées au sein de la bourse.
Le problème est que certain actionnaire ne s’annonce parfois pas : dès
lors on dénombre trois types d’actionnaires dans les sociétés :
o Les actionnaires inscrits normalement : il s’agit des actionnaires
normaux inscrits sur la liste normale (avec droit de vote) ou sans
droit de vote (registre provisoire des actionnaires).
o Les actionnaires fantômes : on sait alors qu’un actionnaire a
vendu son action, mais on ne sait pas à qui : on sait donc que la
case est vide, mais on n’ignore qui est le nouvel acquéreur.
o Les actionnaires fantômes qualifiés : il s’agit des cas d’aliénation
hors bourse ignorée par la société. L’ancien actionnaire reste
inscrit dans le registre, alors même qu’il a vendu son action à
une nouvelle personne. Dès lors, la société ignore même qu’une
case est vide et qu’un actionnaire a donc changé. Cette
situation est donc assez désagréable pour la société. On peut
imaginer que cela pose problème pour les dividendes. Or, les
dividendes ne sont pas versés aux actionnaires mais aux
banques. La société ne peut donc demander aux banques de
reverser les dividendes qu’aux actionnaires qui se sont
annoncés : le système des actions en dépôt a donc rendu
impossible le fait de retenir les dividendes pour les actionnaires
qui ne se sont pas annoncés comme il l’aurait dû.
Le projet de révision prévoit que les principes actuels seront maintenus
mais que le transfert des titres selon la LTI sera déterminant pour les
actions cotées. De ce fait, il y aura un peu moins d’actionnaires
fantômes qualifiés. En effet, la révision prévoit le transfert immédiat et
l’obligation d’annoncer par la banque pour les actions transférées selon
IUR III 2012-2013 34
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
la LTI. Dès lors, la distinction entre transfert en bourse et hors bourse
tomberait et serait remplacée par le nouveau système.
- Pour les actions non cotées (sociétés privées, art. 685b-685c) : la
clause d’agrément est une clause de juste motifs qui sert à protéger les
actionnaires minoritaires. Pour les actions cotées, le seul intérêt
vraiment reconnu est de conserver un actionnariat dispersé. Tous les
autres motifs, liés aux concurrents ou aux relations, n’ont aucun poids.
Pour les actions non cotées, au contraire, il existe de nombreux
intérêts pouvant justifier les clauses d’agrément. Ainsi, les motifs de
refus sont au centre des préoccupations en matière de clauses
d’agrément pour les actions non cotées. Il faut naturellement une base
statutaire prévoyant la dérogation à la libre transmissibilité (art. 684).
De plus, les motifs de refus doivent être prévus dans les statuts : ils
doivent être en lien avec le but social (art. 685b al. 2 : but de la société)
ou avec l’indépendance économique de la société (art. 685b al. 2 :
maintien de l’orientation de la société, exclusion des concurrents ou
clauses de pourcentage élevées). La mise en œuvre est la suivante :
o L’aliénation des titres : la transaction est une aliénation
conventionnelle par l’actionnaire. En outre, il n’est plus
nécessaire de garantir le bon fonctionnement de la bourse. Dès
lors, les droits de l’actionnaire ne sont pas transférés (art. 685c,
au contraire de la bourse, dont le fonctionnement nécessite le
transfert immédiat). Il n’y a ainsi aucune scission entre droits
sociaux et droits patrimoniaux : la vente est fictive (effets).
o L’annonce de la transaction à la société : l’acquéreur annonce
l’achat et demande l’approbation. Si celle-ci est donnée,
l’ensemble des droits passe à l’acquéreur à ce moment-là.
o Approbation par la société : tous les droits passent à l’acquéreur
au moment de la communication de la décision d’accepter
(réputée accordée après 3 mois, art. 685c al. 3). Si la société
refuse, elle le fait par une décision expresse qui indique les
justes motifs invoqués (décision motivée au sens de l’art. 685b
al. 2 CO). L’actionnaire peut ensuite attaquer la décision et
IUR III 2012-2013 35
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
demander au juge l’inscription. Pour éviter les discussions sur
les justes motifs, la société peut prévoir un refus contre
paiement (le refus est moins strict). Pour l’actionnaire minoritaire
souhaitant quitter la société, cela est satisfaisant. Par contre, la
société perd de l’argent : elle fait une offre de reprise contre
paiement à la valeur réelle (clause échappatoire).
Naturellement, la société peut reprendre les actions pour son
compte (art. 659 al 2, avec la limite des 20%) ou pour un autre
actionnaire. Cette clause nécessite une base statutaire, au
moins pour la dérogation au principe de la libre transmissibilité
prévu à l’art. 684 al. 1 et en principe aussi pour instaurer la
possibilité de refuser sans motifs (art. 685b al. 1 CO).
On voit donc que le système est plus simple (et assez fréquent) pour
les sociétés non cotées, avec toutefois le problème des justes motifs
servant à fonder le refus. Le refus peut en effet être contrôlé par le juge
si les motifs ne sont pas suffisants pour le fonder.
Pour terminer, il convient de parler des régimes spéciaux (les restrictions
légales et les cas particuliers). Les restrictions légales concernent les actions
partiellement libérées et la nationalité. Pour les actions partiellement libérées,
le transfert équivaut forcément à un changement de débiteur, nécessitant
l’approbation du créancier (art. 685 CO).
La nationalité peut également poser des problèmes. En effet, il existe une
exigence de preuve du caractère suisse, sur la base des statuts, pour les
sociétés publiques. Le caractère suisse peut jouer un rôle dans certaines
sociétés, notamment en matière de législation bancaire ou d’acquisition des
immeubles par des personnes étrangères.
Les deux cas particuliers sont les rapports de fiducie et les transferts non
conventionnels. On ne veut pas de cas de représentation ou de concertation
abusive (art. 685d al. 2) ou de convention de reprise des actions. On
demande donc une déclaration de non-fiducie : la société peut demander que
chacun annonce agir pour lui-même. S’il s’avère un jour qu’un actionnaire a
agi pour autrui, la société peut décider de ne pas tenir compte de ce vote
IUR III 2012-2013 36
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
(et même radier la personne du registre des actionnaires). Il n’existe donc
plus aucun intérêt à agir sous couvert d’une autre personne.
Pour les actions cotées en bourse, les limitations d’acquisition ne s’appliquent
pas du tout. Pour les actions non cotées, le refus pour justes motifs n’existe
pas : seul le refus contre paiement est possible.
11. Cours du 13 décembre 2012
§10. Obligations et droits des actionnaires
Les obligations des actionnaires sont très peu nombreuses : ils doivent
simplement verser le prix d’émission selon la promesse de souscription
(art. 632 et 652 CO) par un versement initial (art. 632, 683, 693 CO) ou des
versements ultérieurs (art. 634a), sous peine de mise en demeure (demeure
simple au sens de l’art. 104 : intérêts moratoires au sens de 681 al. 1, et
demeure qualifié selon 107 : déchéance après trois appels au sens de
681 al. 2 et 682). En principe, il n’existe aucune autre obligation (art. 680 al.
1). Exceptionnellement, des obligations peuvent exister dans les sociétés
publiques. En outre, des engagements contractuels (volontaires) sont
logiquement possibles, envers les tiers (garantie ou cautionnement), envers la
SA (contrat de travail) ou envers d’autres actionnaires (conventions
d’actionnaires). Les conventions d’actionnaires sont des obligations en vertu
du droit commun (contrat innommé). L’objet est l’exercice du droit de vote et
de droits de préemption, déterminé librement (art. 19 al. 2), sous réserve des
statuts. Ce genre de convention n’a d’effet qu’entre actionnaires et des
renforcements contractuels sont possibles (peine conventionnelle ou dépôt
d’actions envisageables).
Les droits des actionnaires sont plus nombreux. D’une manière générale, les
droits sont liés à deux principes généraux (les actionnaires ont droit au
respect de ces deux principes) : l’interdiction générale de l’abus de droit et le
IUR III 2012-2013 37
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
principe de l’égalité. On estime qu’il y a abus de droit lorsqu’une décision de
la majorité conforme à la loi conduit à un résultat injuste, soit parce que le but
est abusif, soit parce le moyen est abusif. Le principe de l’égalité est une
obligation générale du CdA (art. 706 al. 1 ch. 3 et 717 al. 2) qui se concrétise
souvent par la proportionnalité en faveur des minorités (protection spécifique
des minorités, art. 736 ch. 4), en cas de violations répétées du CdA (les
minorités peuvent aller jusqu’à la dissolution de la société dans les cas les
plus graves). Nous reviendrons sur ce point lorsque nous parlerons de la
liquidation de la société.
Les droits patrimoniaux sont les suivants : droit au dividende et au produit de
liquidation (calculé proportionnellement aux actions détenues selon
l’investissement effectif, art. 661 al. 1 : on participe à raison du montant libéré
et non à raison de la valeur nominale), droit préférentiel de souscription, droit
de vendre les titres (art. 685a ss CO), droits statutaires (s’ils existent : actions
privilégiées et autres). En outre, il convient de parler de l’action en restitution.
Le droit au dividende et aux tantièmes dépend du bénéfice résultant du bilan
(art. 660 al. 1 et 675) et de l’alimentation des réserves (art. 671). Il existe une
obligation de restitution des dividendes ou autres part (art. 678 al. 1) perçues
indûment (sans bénéfice ou en disproportion évidente avec la contre-
prestation, art. 678 al. 2) ou de mauvaise foi. L’action en restitution
(art. 678 al. 3 et 4) peut être exercée par la société ou par les actionnaire
(action en paiement à la société). En principe, c’est donc le CdA qui agit
« contre lui-même » (ce qui est donc très peu vraisemblable et qui n’arrive en
pratique jamais). De ce fait, on autorise l’actionnaire à agir à la place du CdA,
ce qui peut procurer un avantage général. Tout de même, l’avantage est
assez minime par rapport au risque (frais d’avocats et éventuelles
indemnisations en cas d’échec). L’actionnaire qui aurait donc un intérêt à agir
court donc un risque énorme pour un avantage mineur et diffus.
A côté de ces droits patrimoniaux, il existe un certain nombre de droits
sociaux : droit de participation, droit de sortie et droit à l‘information. Le droit
de participation intègre le droit de participer à l’AG, le droit de vote
proportionnel et différentes modalités (représentation et autre). Concernant
plus précisément le droit de vote, on peut classifier ce droit en trois volets :
IUR III 2012-2013 38
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Le droit de vote (décision) : on rappelle que le vote dépend en principe
des valeurs nominales des actions (art. 692, et exceptionnellement
selon le nombre d’actions détenues, art. 693 CO).
- Le droit de participer à l’AG (expression) : il s’agit du droit de
convoquer une AG et de mettre un point à l’ordre du jour (art. 699 al. 3)
et du droit de faire des propositions (art. 700 al. 3)
- Le droit de contrôle (protection) : il s’agit du droit d’agir en justice et
éventuellement d’être représenté dans le CdA (art. 709).
Le droit de sortie n’est pas un droit absolu de quitter la SA (sauf en cas de
dissolution) mais un droit de vendre ses titres (sauf en cas d’actions
nominatives liées). Le droit à l’information peut être de divers degrés :
- Le droit à l’information spontanée :
o Les documents comptables qui doivent être fournis
spontanément aux actionnaires (art. 696 CO) et, le cas échéant,
aux créanciers et au public (en vertu de l’art. 697h al. 2).
o Les informations à fournir selon le droit boursier, conformément
au règlement de cotation et selon les normes comptables
applicables (directive SIX, corporate governance).
- Le droit à l’information sur demande : il peut s’agir d’une information à
fournir dans l’AG directement (art. 697 al. 1) ou par consultation
(exceptionnellement, art. 697 al. 3). Il y a donc soit demande de
l’actionnaire pendant l’AG, soit demande préalable à l’AG, par écrit. Ce
droit vise les informations qui sont nécessaires à l’exercice des droits
des actionnaires et qui ne sont pas protégées par le secret d’affaire. Si
l’on a affaire à une information nécessaire mais protégée, on pondère
les intérêts en présence. En outre, pour permettre de satisfaire tout de
même, un contrôle a été créé (décrit ci-dessous).
Le contrôle spécial permet de concilier les intérêts des actionnaires
(information) et de la société (secret d’affaire). On passe par un tiers qui
communique une conclusion sans en préciser les détails. Le but est double :
- Satisfaire le droit à l’information des actionnaires.
- Sauvegarder les secrets d’affaires de la société.
IUR III 2012-2013 39
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Les conditions de sa mise en œuvre sont les suivantes :
- Demande d’information sur un fait déterminé.
- Information nécessaire à l’exercice des droits de l’actionnaire.
- 10% des votes ou 2 millions de valeurs nominales (art. 697b al. 1).
- Violation de la loi ou des statuts et préjudice pour les actionnaires.
Le déroulement est décrit précisément dans la loi :
- Demande normale sur la base de l’art. 697 CO ou, subsidiairement,
demande formelle du contrôle spécial (art. 697a al. 1).
- Vote du contrôle spécial par l’AG ou imposé par le juge (art. 697b).
- Nomination de l’expert par le juge (art. 697a al. 2 et c al. 2).
- Contrôle et rapport de l’expert au juge (art. 697e CO).
- Vérification et communication par le juge au CdA (art. 697e al. 2 CO).
- Information par le CdA durant l’AG (art. 697f CO).
12. Cours du 22 février 2013
§11. L’assemblée générale
L’organisation de la SA dépend des organes : la SA est une personne morale
qui nécessite des organes pour exprimer sa volonté. Les fonctions générales
des organes sont donc la formation de la volonté, la gestion (achat de
matériaux, et autres tâches de gestion), la surveillance (de l’AG notamment,
discussion en lien avec la corporate governance), la représentation
(conclusion de contrat avec l’extérieur) et le contrôle (notamment le contrôle
des comptes par l’organe de révision). Il existe ensuite deux types d’organes :
les organes légaux et les organes statutaires (pour la SA) :
- Les organes légaux : ces organes prévus par la loi peuvent être :
o Des organes légaux ordinaires : il s’agit du CdA (au sens formel,
les personnes élues par l’AG pour gérer la société, et matériel,
IUR III 2012-2013 40
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
les personnes qui effectivement remplissent les fonctions du
CdA, sans forcément avoir été élu pour le faire), de l’AG et de
l’organe de révision (tâche de contrôle sur les comptes).
o Des organes légaux extraordinaires : il s’agit des liquidateurs
(art. 740 CO : en cas de société en difficulté, c’est le CdA ou les
liquidateurs qui peuvent se charger de la dissolution) et du
commissaire ou curateur (art. 731b al. 1 ch. 2 et 725a al. 2 CO :
dans des situations de surendettements notamment).
- Les organes statutaires : ce sont les organes facultatives, prévus par
les statuts. Il peut s’agir de comité(s) du CdA (comité de rémunération,
responsable des différents salaires et bonus, comité de nomination,
chargé de rechercher des candidats pour entrer au CdA ou comité
d’audit ou de contrôle, compétent pour analyser les bilans) ou de
directions. L’organe de direction (CEO) est facultatif et sert à gérer
quotidiennement la société. En somme, le CdA prend les décisions
stratégiques et délègue la direction de la société à cet organe.
Les fonctions des organes de la SA sont différentes pour chaque organe.
L’AG permet de former la volonté de la volonté (par le biais des statuts) et
d’élire (et révoquer) les autres organes. Le CdA s’occupe de la gestion
stratégique et opérationnelle (dans un système moniste, en l’absence d’un
organe facultatif de direction, art. 716 et 716a CO). En cas de système
dualiste (système légal en Allemagne), le CdA gère la stratégie de la société
alors que la gestion opérationnelle est confiée à la direction. En plus de gérer
la société, le CdA a également une fonction de représentation (art. 718 CO).
L’organe de révision, enfin, contrôle la comptabilité (art. 727 ss CO) et
exécute éventuellement d’autres tâches de contrôle diverses. Les relations
entre l’AG et le CdA peuvent être analysées de trois manières :
- Omnipotence : l’AG est l’organe suprême (système australien).
- Parité : chaque organe dispose de compétences intransmissibles et
inaliénables (art. 698 CO). Ce système suppose donc une énumération
légale des compétences propres à l’AG et au CdA. Le système suisse
fonctionne sur cette base, avec tout de même une présomption.
IUR III 2012-2013 41
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- Prédominance ou priorité : il s’agit du système suisse : le CdA a la
prédominance sur l’AG (art. 716 CO). Chaque organe a, de par la loi,
la charge d’exécuter certaines tâches. Dans le cas où rien n’est précisé
dans la loi et que la compétence n’a pas été attribuée à l’un ou l’autre
organe dans les statuts, on part du principe que la tâche incombe au
CdA, et non à l’AG. Il y a donc une présomption de compétence envers
le CdA (prédominance du CdA sur l’AG).
Lorsqu’on parle de relations AG-CdA, il est nécessaire de parler de corporate
governance. Dans les grandes sociétés, une séparation se fait entre le
pouvoir et le contrôle : le CdA prend le pouvoir (propriété) et les actionnaires
n’ont plus véritablement le contrôle (actionnariat trop dispersé par exemple).
La corporate governance s’intéresse à cette scission entre le pouvoir de
gestion et le pouvoir de contrôle (théorie de l’agence). Cette séparation entre
les principals (actionnaires) et les agents (dirigeants) entraîne des coûts pour
la société : coûts de surveillance (monitoring costs), ressources dépensées
par les dirigeants pour mettre les actionnaires en confiance ou encore perte
résiduelle due entre le résultat de l’action des actionnaires et l’utilité des
dirigeants (residual loss). La corporate governance vise à trouver une solution
pour minimiser ces coûts dus à la structure scindée de la société. Ainsi, il est
nécessaire de favoriser une gestion incitant les dirigeants (agents) à répondre
exclusivement aux intérêts des actionnaires (principals) par des mesures
organisationnelles. Généralement, en favorisant les intérêts des actionnaires
(shareholders), on favorise les intérêts des autres parties (stakeholders).
Pratiquement, un code de gouvernement d’entreprise a été développé (code
of the best pratice, Économiesuisse) pour favoriser l’exercice des droits des
actionnaires, améliorer l’organisation et le fonctionnement du CdA et définir
l’équilibre entre contrôle et gestion. Pour les sociétés cotées, des directives
de la SIX mettent en œuvre ces principes (comply or explain).
L’AG (des actionnaires) est la réunion des actionnaires exerçant le pouvoir
suprême de la SA (art. 698 al. 1 CO). Il peut s’agir de réunions ordinaires ou
extraordinaires (art. 699 al. 2-3 CO : assemblées extraordinaires selon les
IUR III 2012-2013 42
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
circonstances : modifications des statuts, engagement d’un nouveau membre
du CdA et autres) ou d’assemblées universelles (art. 701 CO : cas très
particuliers sans respect des règles de convocation). Les compétences sont
listées à l’art. 698 CO. Les art. 699 ss CO précisent quelles sont les règles de
convocation concernant l’auteur, le délai, la forme ou la portée : un délai de
20 jours avant l’AG doit être respecté, un ordre du jour doit être fourni et c’est,
en principe, le CdA qui se charge de convoquer les actionnaires. La forme de
la convocation dépend des types d’actions (au porteur ou nominatives). Pour
les actions au porteur, l’actionnariat n’est pas connu : une publication dans la
feuille officielle suisse est nécessaire. Par contre, il suffit d’envoyer une
convocation personnelle à chacun des actionnaires titulaires d’actions
nominatives. L’art. 700 al. 2-4 CO précise qu’un ordre du jour et définit le
contenu de ce dernier. Les pouvoirs de la société sont des pouvoirs légaux
(art. 698 al. 1) et inaliénables (art. 698 al. 2 CO) et concernent la structure de
la société (statuts), la désignation des organes, l’approbation des comptes,
l’utilisation du bénéfice et la décharge des membres du CdA. Ensuite, la SA
peut ajouter des pouvoirs statutaires, liés par exemple à l’élection du
président du CdA (art. 712 al. 2 CO) ou à la représentation des minorités.
Naturellement, ces pouvoirs statutaires doivent respecter les pouvoirs légaux
et inaliénables du CdA (prédominance, art. 716a CO). Concernant les
délibérations et les votes, les personnes ayant droit de participer sont les
possesseurs d’actions au porteur (art. 689a al. 2), les titulaires d’actions
nominatives dûment inscrits (art. 689a al. 1) et les membres du CdA, avec
droit de proposition (art. 702a CO). L’AG est un lieu d’information et de
communication : elle doit être gerée avec équité et efficacité. L’exclusion du
droit de vote peut être décidée en cas de conflits d’intérêts (art. 695 CO) ou
pour les actions propres de la société (art. 659a al. 1 CO).
Le déroulement de l’AG doit assurer un constat fidèle de la volonté des
actionnaires. La loi prévoit un déroulement entre présents, sans phase
préparatoire mais le déroulement entre absents avec des moyens de
communication adéquats n’est pas exclu (système des proxy fights : système
américain avec représentants). Les assemblées par vidéoconférence posent
passablement de problèmes juridiques (valeur des décisions) mais il semble
IUR III 2012-2013 43
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
que cela soit nécessaire pour garantir une présence maximale aux AG.
L’organisation incombe au CdA (procès verbal notamment) qui doit prendre
les mesures nécessaires pour vérifier le droit de participer des actionnaire et
surtout l’expression du droit de vote (art. 689a et 690-695, 702 al. 1 et 691
CO). Le vote à la majorité simple nécessaire la majorité des actionnaires
représentés (art. 703). La majorité qualifiée (ou double majorité des 2/3, art.
704 al 1 CO) est nécessaire pour certaines décisions prévues par la loi (ou
pour certaines décisions prévues dans les statuts).
La représentation des actionnaires est en principe possible (art. 689 al. 1),
sauf limitations statutaires (art. 689 al. 2 CO). Naturellement en cas de
représentation par un organe (art. 689c CO), il y a risque de conflits d’intérêts
(un projet de suppression de cette représentation est en cours). De même, en
cas de représentation par un dépositaire (banques ou instituts inscrits au
registre des actions), la transparence est nécessaire. Le contrôle des
décisions de l’AG sera vu plus précisément au tutorat.
13. Cours du 1 mars 2013
§12. Le conseil d’administration
Comme on l’a dit la dernière fois, le système suisse est fondé sur la parité
entre AG et CdA, avec prédominance (priorité) du CdA. Il y a ainsi un
équilibre entre les deux organes, qui disposent de compétentes propres et
inaliénables. La priorité est concrétisée par une présomption de compétence
en faveur du CdA (organe prédominant). Les trois tâches usuelles du CdA
sont la gestion (art. 716 al 2), la haute direction (art. 716a) et la surveillance
(art. 716a ch. 3 et 5 CO). Il doit donc effectuer les affaires courantes (investir,
engager, produire et vendre : gestion). Il est également charger de fixer les
buts, de définir les moyens à disposition, d’assurer l’équilibre entre les
moyens et les engagements et d’instruire la direction (haute direction). Enfin,
il doit assurer l’information et contrôler l’exécution des tâches.
IUR III 2012-2013 44
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Parmi ces trois tâches, seules la haute direction et la surveillance sont des
compétences inaliénables (la gestion pouvant être déléguée). Selon l’art.
716a al. 1 CO, en matière de haute direction, le CdA doit donc, dans tous les
cas, s’occuper de la direction stratégique (ch. 1), de l’organisation (ch. 2), de
la désignation des personnes chargées de la gestion (ch. 4), des rapports
avec l’AG (ch. 6) et de la notification du juge en cas de surendettement (ch.
7). De même, le CdA a l’obligation d’assurer la surveillance (art. 716b al. 1
CO) en fixant les principes comptables et le plan financier (ch. 3) et en
contrôlant les personnes chargées de la gestion (ch. 5).
Dès lors, la compétence de gestion n’est pas inaliénable. Comme on l’a déjà
vu (au tutorat notamment), la tâche de gestion peut être déléguée à un
organe de direction ou à certains membres du CdA (art. 716 al. 1 CO). Si un
organe de direction existe, il y a alors séparation des pouvoirs, créant un
système dualiste (CdA et direction), contrairement au système moniste où les
trois tâches usuelles du CdA sont réunies. Dans le système moniste (légal), le
CdA gère les affaires de la société, la dirige et la surveille (gestion au sens
large, art. 716 al. 2 CO) : la présomption générale de compétence s’applique
pleinement (art. 716 al. 1). Au contraire, dans le système dualiste (séparation
d’organe, régime statutaire), il y a délégation de la gestion à une direction ou
à certains membres du CdA. Pour cela, une autorisation statutaire (art. 716b :
et donc à l’origine un vote de l’AG pour adopter la disposition statutaire) et un
règlement d’organisation sont nécessaire (art. 716b al. 2 ; conditions
formelles). Matériellement, le CdA doit continuer à exercer ses compétences
inaliénables (art. 716a) et en commun (art. 716b al. 3 CO).
Concernant l’organisation interne, le CdA se constitue lui-même (art. 715a).
Le CdA désigne donc son prédisent (art. 712 al. 1, sauf choix de l’AG, selon
l’art. 712 al. 2 CO), siège aussi souvent que nécessaire (art. 717 al. 1 : devoir
de diligence par rapport à la bonne exécution des tâches du CdA) sur
convocation du président, spontanément ou sur demande d’un des membres
(art. 715). Normalement, les décisions sont prises à la majorité des voix
émises (art. 713 CO). Le CdA dispose d’un droit aux informations en séance
et hors séance (art. 715a) : chaque membre du CdA (et chaque comité
constitué au sein du CdA) a le droit d’obtenir des renseignements sur toutes
IUR III 2012-2013 45
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les affaires de la société (rôle du président). Précisons que le régime légal,
plutôt bref, est complété par le CCG (Corporate Governance, aux art. 9-27).
Pour être administrateurs (membres du CdA), il faut remplir un certain nombre
de conditions personnelles et matérielles. Ainsi, il doit s’agir d’une personne
physique avec exercice des droits civils, ayant un domicile suisse et
appartenant à une catégorie d’actionnaire (art. 709 al. 1) ou à un groupe
protégé par les statuts (art. 709 al. 2 CO). La condition du domicile est assez
souple : il suffit qu’un membre de la direction et du CdA dispose d’un domicile
en Suisse, pour des questions de responsabilité et de for juridique. Lorsqu’il y
a plusieurs catégories d’action, un représentant de chaque catégorie doit être
présent au CdA. De même, un groupe minoritaire d’actionnaires peut être
protégé par les statuts : il est possible de fixer dans les statuts une garantie
de représentation (groupe représentant 10% des actions par exemple).
Matériellement, la personne doit avoir les différentes capacités nécessaires
(compétences) et une grande disponibilité (temps). Le devoir de diligence
découlant des fonctions d’administrateur est objectif : le fait d’être peu
compétent voire incompétent n’est donc pas une excuse pour se libérer de sa
responsabilité. De même, le cumul des mandats n’est pas forcément
conseillé, toujours en lien avec la responsabilité encourue.
D’après la doctrine majoritaire, le contrat liant les administrateurs avec la
société est un contrat innommé, majoritairement décrit dans la loi (on l’appelle
contrat de mandat mais cela est erroné : il ne s’agit pas d’un mandat à
proprement parlé). Il s’agit donc d’un rapport juridique sui generis avec des
aspects organiques (droit des sociétés) et des aspects personnels, liés au
mandat et au contrat de travail. Le mandat débute avec la désignation par
l’AG (art. 698 al. 2 ch. 2) et acceptation. Une inscription au RdC suit ensuite,
pour officialiser l’élection. Le mandat prend fin par démission, par écoulement
du temps (3 ans au sens de l’art. 710 al. 1) ou sur révocation. Au niveau
interne, l’effet est immédiat. Par contre, l’effet externe (représentation) ne se
produit qu’une fois la radiation au RdC effectuée (art. 938b CO). Les
obligations des administrateurs sont réunies en droit devoir :
IUR III 2012-2013 46
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
- Devoir de diligence objectif (art. 717 al. 1 CO) : ce devoir est déterminé
par les circonstances et la tâche (nature et but de la société).
- Devoir de fidélité (art. 717) : l’administrateur doit favoriser les intérêts
de la société, garantir la transparence des rémunérations (sociétés
cotées, art. 663b) et rembourser les prestations indues (art. 678).
- Devoir d’égalité de traitement des actionnaires (art. 717 al. 2 CO).
Concernant la représentation, il faut distinguer la représentation par actes
juridiques de la représentation par actes délictuels. Concernant la première, le
principe est que le CdA engage la SA (organe externe) en agissant en son
nom (art. 55 CC) dans le cadre du but social (art. 718a al. 1 CO).
Les conditions sont celles de l’art. 55 al. 1 CC : la représentation peut être
individuelle (art. 718 al. 1 : pour un membre du CdA) ou, sur la base d’une
décision du CdA inscrite au RdC (art. 718a al. 2), collective (signature
collective). Dans ce cas, la représentation peut concerner plusieurs membres
du CdA et / ou plusieurs membres de la direction. Il est possible d’exclure la
représentation de certains membres du CdA ou de la direction en l’inscrivant
au RdC (document officiel qui fait foi). Pour ce qui est des actes délictuels,
l’art. 722 CO prévoit la responsabilité pour les actes commis par un organe
(formel ou matériel) dans l’exercice de ses fonctions et selon les conditions
générales de la RC (dommage, acte illicite, faute et lien de causalité). S’il y a
représentation, la société répond en plus de l’auteur : il est alors possible
d’attaquer la société et l’auteur à titre individuel (responsabilité solidaire).
Naturellement, les situations de représentation peuvent provoquer des conflits
d’intérêts. Ainsi, les contrats avec soi-même (conclure avec soi-même) et la
représentation double (représentation des deux parties d’un contrat) sont
soumis à des conditions strictes : il faut un acte passé en la forme écrite
(art. 718b), l’absence de risque pour la personne représentée ou l’accord de
la société représentée (exprimé par d’autres représentants ou par ratification
de l’organe interne compétent). De manière générale, il est nécessaire de
conclure aux conditions du marché (dealing at arm’s length). On peut ensuite
distinguer diverses autres formes de représentations (art. 721 CO) :
- Les fondés de procuration (art. 458-461 CO) : ils disposent de pouvoirs
de représentation étendu et peuvent agir comme le chef de maison (au
IUR III 2012-2013 47
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sens de l’art. 458 al. 1 CO). La constitution de la procuration nécessite
une MdV de la SA (art. 458 al. 1-2) qui doit être inscrite au RdC (la
validité de la procuration ne dépend pas de l’inscription, art. 458 al. 2).
Le retrait est ensuite possible à tout moment (art. 34 al. 2 CO) mais
une inscription du retrait est nécessaire au RdC (art. 461 CO). Les
pouvoirs comprennent tous les actes couverts par le but de l’entreprise
(les actes tendant à la dissolution ne sont pas compris par exemple).
De même, des limitations de pouvoirs sont possibles et doivent être
inscrites au RdC (limites en fonction des objets, des succursales ou
encore en fonction des personnes qui peuvent représenter).
- Les mandataires commerciaux (art. 462 CO) : les mandataires n’ont
que des pouvoirs de représentation limités (art. 462 CO). L’étendue est
alors déterminée par les circonstances (mandataire général ou
spécial). La constitution du mandat peut être expresse ou par actes
concluants (généralement lié à la position de l’employé).
L’étendue des pouvoirs de fondés de procuration ou des mandataires
commerciaux dépend de la loi (sauf mauvaise foi des tiers). Il faut bien
distinguer ces deux types de représentation spéciale de la représentation par
les organes. En effet, fondés de procuration et mandataires commerciaux
n’ont que des pouvoirs limités et aucune responsabilité délictuelle (basée sur
l’art. 55 al. 2 CO). Il est également nécessaire de préciser leur représentation
en lien avec la responsabilité de l’employeur, qui dépend avant tout d’un
rapport de subordination (et qui est indépendante des pouvoirs de
représentation). L’employeur répond donc de l’activité délictuelle de ses
auxiliaires (avec preuves libératoires, art. 55 CO).
14. Cours du 8 mars 2013
§13. L’organe de révision
L’organe de révision s’occupe de plusieurs tâches diverses :
IUR III 2012-2013 48
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- La vérification des comptes : cela concerne 3 éléments : l’état financier
du rapport annuel (art. 958 al. 2 CO) et de l’annexe (art. 959c CO) ainsi
que la tenue de la comptabilité (art. 959 à 960e CO). L’organe peut
également vérifier les propositions d’emploi du bénéfice résultat du
bilan notamment (art. 671-673, 674-675 et 677 CO).
- Le rapport des réviseurs : ce rapport s’adresse aux actionnaires (AG),
avec d’éventuelles recommandations au CdA.
Les réviseurs sont indépendants vis-à-vis de la SA, même s’ils ont accès aux
informations internes ainsi qu’aux secrets d’affaires (pour fonder leurs
rapports). Cela permet de rassurer les actionnaires, car ils peuvent se fier au
rapport de l’organe sur les comptes, reflet de la santé de l’entreprise.
Dans le nouveau droit, on trouve les obligations de révisions (art. 727-727a),
les exigences professionnelles des réviseurs (art. 727b-727c CO), le contrôle
ordinaire (art. 728-728c CO), le contrôle restreint (art. 729-729c CO) et des
dispositions communes (art. 730-731a CO). Il y a également une surveillance
de droit public fixée dans une loi spéciale séparée (LSR). L’organe de révision
est une notion comprenant d’une part l’organe de la SA et, d’autre part, tous
les réviseurs. Les prestations en matière de révision comprennent le contrôle
de la comptabilité au sens large et la production du rapport soumis aux
actionnaires lors de l’AG (activité de contrôle). Les acteurs sont les réviseurs
agréés (art. 5 s. LSR), les experts-réviseurs agréés (art. 4 et 6 LSR) et les
entreprises de révision soumises à la surveillance de l’État (art. 7 ss LSR).
L’autorité de surveillance tient un registre comprenant tous les
(experts)réviseurs disponibles. Il existe en outre deux sortes de révisions :
- Le contrôle ordinaire : il concerne les sociétés publiques et les groupes
de sociétés (sociétés cotées en bourse, débitrices d’emprunts par
obligations émises (art. 727 al. 1 ch. 1 CO), les filiales importantes
(20% de l’actif : art. 727 al. 1 ch. 2 CO), les sociétés mère des groupes
(art. 727 al. 1 ch. 3, 663e CO). Il concerne aussi les sociétés d’une
certaine importance économique (art. 727 al. 1 ch. 2 CO). Enfin, il
s’applique également pour les autres sociétés (art. 727 al. 2 et 3 CO)
par choix volontaire, selon « opting up » (art. 727 al. 3 CO : lorsque
IUR III 2012-2013 49
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cela figure dans les statuts ou que cela a été décidé à l’AG) ou à la
requête d’une minorité de 10% des actionnaires (art. 727 al. 2 CO).
L’attestation est positive : l’organe de révision doit présenter un rapport
qui présente tous les éléments de comptabilité comme sains (si c’est
effectivement le cas). Il existe plusieurs exigences professionnelles
pour la réalisation d’un contrôle ordinaire : pour les sociétés publiques
(art. 727b al. 1 CO), l’organe de révision doit être constitué d’experts-
réviseurs agréés et doit constituer une entreprise de révision soumise
à la surveillance de l’État (contrôle ordinaire qualifié). Pour le contrôle
ordinaire des sociétés d’une certaines importances économiques (art.
727b al. 2), l’organe de révision doit également être constitué
d’experts : réviseurs agréés, mais sans surveillance de l’État.
- Le contrôle restreint (« review ») : il concerne toutes les autres sociétés
anonymes qui ne tombent pas sous le joug du contrôle ordinaire (art.
727a al. 1 CO), c’est-à-dire toutes celles qui ne sont ni publique, ni
économiquement importantes, ni soumises au contrôle ordinaire selon
l’art. 727 al. 2 ou 3 CO. Il s’agit donc d’un contrôle subsidiaire vis-à-vis
du contrôle ordinaire. L’attestation est négative ; l’organe de révision
doit dire qu’il n’a rien détecté de négatif dans la gestion de l’entreprise,
sans présenter les points positifs. Les exigences professionnelles (art.
727c CO) sont moins élevées que pour le contrôle ordinaire (réviseurs
agréés sans contrôle de d’État).
Dans le cadre de la renonciation à l’organe de révision ainsi que de la
modification (ou adapation) de ce même organe, on distingue entre quatre
types d’opting, rassemblés en deux groupes qui s’opposent :
- L’opting in and up (adaptation de la révision).
- L’opting out and down (renonciation à la révision).
L’opting out complet correspond à une absence de contrôle. Cela ne peut se
faire que pour les micro-entreprises (art. 727a al. 2 CO) sur décision unanime
de l’AG (art. 727a al. 2 CO) ou selon les statuts originaires, ou encore selon
une décision par voie de circulaire (l’unanimité est présumée, après
proposition écrite du CA (art. 727a al. 3 et 5 CO). Il existe tout de même des
IUR III 2012-2013 50
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sauvegardes au bénéfice des actionnaires pour se protéger contre ce
système. En cas de doute sur les comptes, il existe un droit de véto individuel
de l’actionnaire (art. 727a al. 4 CO) ainsi qu’un droit de véto éclairé.
L’opting down ou contrôle libre correspond au contrôle effectué par une
personne qui n’est ni réviseur agrée, ni expert-réviseur agrée. Les conditions
sont les mêmes que pour l’opting out. Le problème est que le RdC doit
refuser l’inscription de l’organe de révision qui ne remplit pas les conditions
légales, donc, au final, l’organe reste inexistant et on en reste dans le cadre
de l’opting out (il y a donc absence total d’organe de contrôle).
La première conséquence de l’opting out est évidemment qu’il n’y aura pas de
contrôle des comptes de la SA ou que les contrôles seront effectuées par des
réviseurs profanes, indépendants ou non. Par contre, même s’il y a eu
renonciation à l’organe de révision, les tâches spéciales qui lui sont
normalement échues sont maintenues, c’est-à-dire que la SA devra engager
des réviseurs agréés pour les effectuer le cas échéant (pour les
augmentations du capital et pour l’attestation du bilan de surendettement).
Les tâches effectives de l’organe de révision sont réparties en trois groupes :
les tâches de contrôle, les tâches de rapport et les tâches d’avis. Pour chacun
des trois types de tâches, il faut distinguer selon que l’on se trouve dans un
cas de contrôle ordinaire ou de contrôle restreint. Ainsi, pour les tâches de
contrôle (pour les deux autres types), on effectue la distinction suivante :
- Dans le contrôle ordinaire (art. 728a CO), l’organe de révision doit
vérifier la conformité avec la loi, avec les statuts et avec le cadre de
référence (règles comptables) choisi. Il doit également vérifier la
conformité des propositions du CA, prévoir l’existence d’un système de
contrôle interne (art. 19 CCG) et procéder à un examen compte tenu
du système de contrôle interne. Bien entendu, le contrôle interne ne
concerne pas la gestion qui incombe au CA : il ne fait que contrôler si
le système de gestion mis en place marche et ne donne pas de
conseils sur l’opportunité des décisions prises.
IUR III 2012-2013 51
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- Dans le contrôle restreint (art. 729a CO), il doit uniquement produire
une attestation négative de la santé de la SA, ainsi qu’un contrôle
général avec pointages (vérifications détaillées appropriées).
Dans les tâches de rapport, il faut là encore distinguer selon que l’organe de
révision effectue un contrôle ordinaire ou un contrôle restreint :
- Dans le contrôle ordinaire (art. 728b CO), un rapport détaillé doit être
présenté au CA avec un rapport succinct ou résumé à l’intention de
l’AG. Le rapport doit notamment comprendre l’avis de l’organe de
révision sur la révision et des recommandations. Il comprend
également des indications sur les qualifications des réviseurs.
- Dans le contrôle restreint (art. 729b CO), un rapport succinct est
présenté à l’AG seulement. Il doit également comprendre un avis sur la
révision effectuée, mais sans recommandation. Le caractère de la
révision et les activités portant atteinte à l’indépendance doivent
également y être indiqués, s’il y a lieu de le faire naturellement.
Dans les tâches d’avis et de conseils, il faut également distinguer selon que
l’organe de révision effectue un contrôle ordinaire ou un contrôle restreint :
- Dans le contrôle ordinaire (art. 728c CO), l’OR doit aviser le CA des
violations de la loi, des statuts et du règlement d’organisation qu’il a
constatées. Il doit également en aviser l’AG en cas d’absence de
réaction du CA. Il doit d’ailleurs le faire immédiatement en cas de
violations graves des statuts, de la loi ou du règlement. En outre, il doit
informer le juge en cas de surendettement manifeste de la SA.
- Dans le contrôle restreint (art. 729c CO), la seule obligation est
d’aviser le juge en cas de surendettement manifeste de la SA
Pour qu’il y ait un contrôle efficace, il faut que l’organe de révision soit
indépendant dans les faits, comme dans l’apparence, que ce soit dans le
cadre du contrôle ordinaire ou du contrôle restreint. Dans le contrôle
ordinaire, la concrétisation du principe de l’indépendance est détaillée dans la
loi (art. 728 al. 2 ch. 1 à 7 CO ; art. 11 LSR). Il y a notamment interdiction de
fournir d’autres prestations que celles prévues par la loi et interdiction de
IUR III 2012-2013 52
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dépendre économiquement de la SA (danger d’agir dans le sens du CdA pour
obtenir un contrat plus avantageux). Il y a enfin rotation obligatoire de l’organe
de révision après 7 ans. Dans le contrôle restreint, par contre, il n’y a pas de
concrétisation légale explicite (collaboration admise). La nomination des
réviseurs est décidée par l’AG (art. 730, 698 al. 1 ch. 2) ou par le juge en cas
de carence dans l’organisation (art. 731b al. 1 ch. 2) et doit être publiée au
RdC. La durée du mandat correspond de 1 à 3 exercices comptables et la
réélection est possible, dans le respect du délai de rotation légale de 7 ans.
La fin du mandat intervient après la fin du dernier exercice comptable, par
révocation de l’AG ou par le juge, pour de justes motifs ou sur demande de la
société. Les réviseurs peuvent également résilier le mandat eux-mêmes.
15. Cours du 15 mars 2013
§14. La responsabilité des organes
Il n’y a pas de responsabilité des actionnaires : la responsabilité concerne
donc le CdA et l’organe de révision. La responsabilité est l’obligation de
réparer un préjudice subi par un tiers (société, actionnaires ou créanciers).
Les personnes responsables sont les tous les organes de la SA, au sens
formel (art. 54 al. 1 CC : administrateur, liquidateur, réviseur) et au sens
matériel (art. 55 CC), ainsi que les fondateurs (avant la création des organes,
art. 753 CO). Le droit de la SA prévoit un régime de responsabilité particulier
(il faut distinguer la responsabilité de la société pour actes illicites de la
responsabilité des organes, dont nous traitons aujourd’hui). Précisons qu’il
existe dans le droit de la SàRL (art. 827) et de la Scoop (art. 916 ss CO) un
renvoi aux règles de la SA en matière de responsabilité.
La responsabilité des organes de la SA est un cas d’application des art. 41 ss
puisqu’elle constitue une lex specialis du régime ordinaire. Elle couvre tous
les actes envisageables : gestion, fondation, augmentation ou révision.
De même, la responsabilité étudiée ici (des organes) est proche de la
responsabilité des art. 97 ss CO. En effet, les actes visés peuvent aussi violer
des obligations contractuelles. Dès lors, la société (mais pas les autres
IUR III 2012-2013 53
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victimes) peut se fonder sur les deux chefs de responsabilité. Les conditions
de la responsabilité des organes de la SA sont générales :
- Un préjudice : il faut un dommage de la société, des actionnaires ou
des créanciers (il s’agit alors d’un cas de faillite de la société).
- Un lien de causalité : le préjudice doit être subi du fait des actes des
organes en cause (lien de causalité naturelle et adéquate).
- Un acte illicite : l’illicéité peut résulter des différents types d’actes :
actes d’administration (art. 754 : art 716 ss ; art. 752 : art. 650 ss CO),
actes de révision (art. 755 : art. 727 ss CO) ou actes de fondation
(art. 753 : art. 629 ss CO). Il faut donc déterminer le type d’actes.
- Une faute : selon la définition générale, il peut s’agir d’un acte commis
intentionnellement ou par négligence (correspond à l’illicéité).
Le chapitre sur la responsabilité des organes est organisé de la manière
suivante : art. 752-755 CO, régimes particuliers ; art. 756-758 CO, dommage
subi par la société à faire valoir par les actionnaires et par les créanciers ;
art. 759-760 CO, modalités et art. 78 ss LB, régime pour les banques. Il s’agit
à présent de préciser les devoirs des administrateurs puis des réviseurs :
- Responsabilité des administrateurs : il existe tout d’abord 3 devoirs :
o Le devoir de fidélité (art. 717 al. 1 CO : en lien avec l’art. 754) : il
s’agit de favoriser les intérêts de la société et de rembourser les
prestations si celles-ci ont été perçues indument (art. 678 CO).
o Le devoir de diligence (art. 717 al. 1 CO) : il s’agit d’un critère de
diligence objective (pas de prise en compte des circonstances
personnelles de l’administrateur ou du gestionnaire) déterminé
par la tâche, selon la nature et le but de la société en cause.
o Le devoir général de respecter l’égalité de traitement entre les
actionnaires (art. 717 al. 2) : cela concerne les rapports entre
actionnaires minoritaires et actionnaires majoritaires.
L’étendue de la responsabilité dépend du type de responsabilités :
o Une responsabilité normale est prévue pour tout manquement
des obligations (art. 717 CO) dans la haute direction et la
surveillance (art. 716a CO) et dans la gestion (art. 716 al. 2).
IUR III 2012-2013 54
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
o Une responsabilité limitée est prévue en cas de délégation licite
(art. 716b CO) de la gestion dans la haute direction et la
surveillance pour tous les manquements des obligations et dans
la gestion de la société si les trois curae n’ont pas été respectés
(art. 754 al. 2 CO : choix, instruction et formation).
La faute (art. 754 al. 1 CO) peut être commise intentionnellement ou
par négligence et est appréciée selon la tâche. La violation d’une
obligation de diligence doit au moins inclure une négligence. Précisons
que la notion de faute coïncide pratiquement avec l’illicéité. Une
décharge (art. 758 CO) est possible par renonciation de rechercher les
administrateurs en justice ou par une décision de la société, prise par
l’AG (art. 698 ch. 5) à la majorité simple art. 703) et avec les
récusations nécessaires (art. 695). Elle lie alors pour les faits révélés.
Les critères d’appréciation se fondent principalement sur le respect des
obligations de diligence objectives (faute objectivisée). Il n’y a donc pas
de responsabilité pour la réalisation du risque commercial. Au final, il
faut que les actes de gestion soient faits raisonnablement, dans
l’intérêt de la société, sur la base d’informations suffisantes et en
l’absence de tout conflit d’intérêt possible (business judgement rule).
Le dommage correspond à la perte subie par la société, par les
actionnaires en raison de la moins-value de leur investissement ou par
les créanciers du fait du non-paiement de leurs créances (découvert
dans la faillite). En pratique, la portion de la perte se trouve agrandie
en raison de l’ouverture tardive de la faillite (art. 725 CO). Même si la
réparation du gain manqué est possible, elle n’est reste pas moins
largement théorique : il est en effet très difficile d’estimer le gain qui
aurait pu être réalisé. Comme on l’a dit, les organes responsables sont
les personnes chargées d’assumer les activités nécessaires au
fonctionnement de la société (art. 54 al 1 CC, organes formels) :
o Les membres du CA (art. 707 et 938b CO).
o Les membres de la direction (art. 754 al. 1 CO).
o Les liquidateurs de la société (art. 740 CO).
IUR III 2012-2013 55
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
De même, les organes au sens matériel ou organes de fait au sens de
l’art. 55 CC répondent également (organes sans fonction formelle
d’organe mais ayant un rôle de dirigeant de fait). En cas de groupe de
sociétés, le fondement de la responsabilité doit être recherché au sein
de la société mère (organes formels et organes de fait). Il faut en effet
remonter à l’origine du problème pour corriger ses répercussions. Dès
lors, les actes illicites engagent la responsabilité de l’organe mais
également celle de la société mère (directement ou indirectement).
- Responsabilité des réviseurs : dans les rapports avec les actionnaires
(art. 755 CO), ils doivent examiner les comptes selon les informations
auxquelles ils ont droit et selon l’organisation déterminée. Dans les
rapports avec les tiers, leurs devoirs englobent l’image donnée aux
investisseurs (art. 755 CO). Les critères sont triples (art. 728 ss CO) :
manquements dans les obligations de diligence, inactivité malgré
surendettement manifeste ou manque d’indépendance.
16. Cours du 22 mars 2013
§15. L’action en responsabilité
Le dommage est en principe subi par la société du fait des agissements d’un
organe en violation du droit des SA (art. 753-755 CO). Ce dommage intervient
auprès de la société (dommage direct) qui est appauvrie et se répercute en
même temps sur tous les actionnaires (baisse de la valeur de l’action qui
constitue une dommage réfléchi). Les créanciers, par contre, ne sont touchés
que si la société ne peut plus honorer ses engagements (après la faillite ;
distinction ente les art. 756 et 757 CO). Il convient maintenant de distinguer
trois types de dommages donnant lieu à des modalités différentes :
- Le dommage de la société (art. 756 ss CO) peut faire l’objet d’une
action intentée par la société elle-même (même si cela est rare : la
société refuse d’intenter action contre elle-même), par les actionnaires
ou par des créanciers (légitimation lorsque la société est en faillite).
- Un dommage individuel et direct des actionnaires est envisageable (il
faut alors bien le distinguer du dommage réfléchi de l’actionnaire). Il
IUR III 2012-2013 56
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
s’agit de cas où c’est le patrimoine de l’actionnaire qui est touché. Il
peut ainsi s’agir d’une violation du droit préférentiel de souscription. De
même, si des versements injustifiés sont faits à d’autres actionnaires,
l’actionnaire lésé peut agir pour son propre intérêt.
- Enfin, il existe également des cas de dommage individuel direct des
créanciers, qui peuvent aussi être touchés individuellement.
Il convient tout d’abord de préciser la qualité pour agir et la qualité pour
défendre pour chacun des trois cas de dommage. Pour le dommage subi par
la société qui n’est pas en faillite, c’est tout d’abord la société qui a la
compétence pour intenter l’action (par le biais du CA ou d’un tiers neutre élu
par l’AG) (art. 756 CO). Elle peut également être intentée par des actionnaires
pendant l’existence de la SA (société « in bonis ») (art. 756 CO). La qualité
pour défendre appartient à l’organe responsable du dommage. Lorsque c’est
un ou des actionnaire(s) qui intente(nt) l’action, le remboursement éventuel se
fera à la société, pas auxdits actionnaires.
En cas de faillite, les créanciers sociaux ont également le droit d’intenter une
telle action, bien qu’ils doivent le faire en premier lieu par l’intermédiaire de
l’administration de la faillite (art. 757 al. 1 CO). Pour les petits cas de faillite,
c’est l’office des faillites qui s’en chargera alors que pour les plus grands cas,
il s’agira d’administrations de faillite spécialement mises en place. Si
l’administration de la faillite renoncer à exercer ses droits, les créanciers
peuvent intenter l’action d’eux-mêmes (art. 757 al. 2 CO ; art. 260 LP). Si un
créancier intente par lui-même l’action et qu’il gagne à être remboursé, sa
créance sera remboursée en priorité sur celles des autres. Lorsque le
créancier intente l’action dans le cadre d’une société en faillite, il agit pour la
communauté des créanciers et non pour lui-même, bien qu’il ait un droit
préférentiel quant au remboursement (il prend des risques s’il succombe
néanmoins). Cela signifie que l’organe attaqué ne peut opposer les
exceptions qu’il avait personnellement à l’encontre dudit créancier
(compensation par exemple) ; li ne peut qu’opposer les exceptions qu’il a
envers la communauté entière des créanciers.
IUR III 2012-2013 57
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
En ce qui concerne le dommage direct de l’actionnaire, on distingue entre le
dommage de la société (réfléchi) et le dommage des actionnaires (direct). Ce
dernier dommage est causé spécifiquement et individuellement à
l’actionnaire, c’est le cas, par exemple, d’une violation du droit préférentiel de
souscription ou de versements injustifiés à d’autres actionnaires. L’action
relative à ce dommage est intentée par les actionnaires concernés selon les
modalités générales et pas selon l’art. 756-758 CO (en cas de dommage subi
par la société). La qualité pour défendre appartient évidemment à l’organe
responsable, par contre le remboursement échoit directement à l’actionnaire
demandeur, pas à la société (qui n’a pas subi de dommage).
Pour le dommage du créancier, on retient, en principe, le dommage subi par
tous les créanciers du fait de la faillite de la SA (dommage indirect).
Exceptionnellement, un dommage peut toucher individuellement le créancier
concerné (dommage direct). Après l’ouverture de la faillite, il y un appel aux
créanciers suivi de deux assemblées de ceux-ci avant que la communauté ne
prenne une décision d’intenter ou non une action. Il faut alors procéder à
quelques distinctions selon la nature de la disposition violée :
- En cas de dommage indirect : il y a alors violation d’une disposition
protégeant (également) la société (protection double), p. ex : art. 725 et
725a CO ; ATF 122 III 176 ; 127 III 374 ; 131 III 640.
- En cas de dommage direct : il y a violation d’une disposition protégeant
exclusivement le créancier (art. 41 CO ; culpa in contrahendo : rare).
Le dommage individuel du créancier peut être imaginable (jamais concrétisé
dans la jurisprudence) en cas de dommage causé par l’administration, par
exemple pour avoir sollicité un crédit sur la base de faux documents
comptables. Il est également possible en cas de dommage causé par l’organe
de révision, par exemple pour avoir fourni à tort l’attestation de révision.
L’action est intentée directement par le créancier concerné selon les
modalités générales, pas selon l’art. 756-758 CO. Stoffel se demande si une
telle distinction est vraiment justifiée ; en effet, les cas pratiques relatifs au
dommage direct subi par un créancier étant très rares.
IUR III 2012-2013 58
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
Les conditions pour agir et les effets ayant été précisés, il convient de parler
de la solidarité. Le principe de la solidarité veut que le dommage soit causé
« ensemble » (art. 50 al. 1 CO). L’art. 759 CO déroge à ce principe par une
limitation de l’étendue de la responsabilité :
- Premièrement la responsabilité est étendue à ce qui peut être imputé
en personne au responsable (pas plus que ce qu’il paierait seul).
- Deuxièmement, la responsabilité s’applique au vu des circonstances et
en raison de sa faute (groupes de responsables).
Il y a une responsabilité par « paliers » : on ne peut actionner chaque
responsable en remboursement que jusqu’à concurrence du degré de sa
faute. La nouvelle réforme en cours prévoie une limitation de la responsabilité
de l’OR à concurrence du montant à raison duquel il serait tenu de répondre à
la suite d’un recours (action récursoire) (art. 759 al. 1bis projet CO). Une autre
idée qui a été abandonnée dans l’avant-projet fut celle d’introduire une
disposition limitant la responsabilité solidaire de l’OR à un montant maximum
lorsque ce dernier n’avait commis qu’une faute légère.
La prescription s’élève à 5 ans (art. 760 CO) ; elle déroge donc au régime
général de l’art. 127 CO (qui prévoit 10 ans). Le for se trouve au siège de la
société (art. 40 CPC). Les frais pour l’action des actionnaires sont traités à
l’art. 107 CPC (anciennement art. 756 al. 2 CO). Le problème est que la
nouvelle législation ne permet plus de mettre à la charge de la société une
partie des frais si elle n’est pas partie à l’action. C’est pour cela qu’un
art. 107bis CPC fut introduit dans le contre-projet indirect de l’initiative Minder.
17. Cours du 12 avril 2013
§16. Fin, fusion, scission et transformation de la SA
La dissolution peut être comprise dans un sens étroit (fin de l’existence
juridique de la SA, art. 746 CO) ou procédural (décision qui déclenche la
IUR III 2012-2013 59
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
procédure de liquidation, art. 736-751 CO). La dissolution constitue pour la
SA la fin de son existence et pour les actionnaires le résultat ultime de leur
investissement (bénéfice ou surendettement : positif ou négatif : il y a donc
deux variantes : soit il y a assez d’actifs pour dédommager les créanciers, soit
il y a surendettement et ce n’est plus le CO qui s’applique mais la LP, car il y
a procédure de faillite). La décision de dissolution peut être prise par l’AG
(cas normal, principe : prise à la majorité qualifiée), imposée par le juge (sur
demande, des actionnaires minoritaires notamment) ou encore ordonnée par
le juge pour des raisons objectives (faillite, carences d’organisation au sens
des art. 731b al. 1 ch. 3 CO). La décision de dissolution déclenche alors la
procédure (ordinaire) de liquidation (art. 739-747 CO : en cas de bénéfice) ou
une procédure de liquidation forcée (en cas de faillite, surendettement, selon
les règles de la LP). On distingue donc deux types de dissolution :
- La dissolution ordinaire : il s’agit du cas normal où les actifs sont
suffisants pour permettre de désintéresser les créanciers :
o Dissolution volontaire : il s’agit d’une décision pour des causes
statutaires (art. 736 al. 1), soit parce que la société a atteint le
but qu’elle s’était fixée, soit par l’écoulement du temps, ou d’une
décision de la société, réservée impérativement à l’AG (au sens
des art. 736 al. 2 et 698 al. 6 CO), prise à la majorité qualifiée
(art. 704 al. 1 ch. 8) en la forme authentique et révocable (sous
réserve des intérêts des créanciers, ATF 123 III 473 : révocation
possible jusqu’à la répartition des actifs entre actionnaires).
o Dissolution imposée : il y a alors dissolution pour justes motifs
(art. 736 al. 4), sur demande de 10% des actionnaires pour des
motifs objectifs et sérieux (comportement abusif de la majorité
des actionnaires). Cette voie est subsidiaire et n’est ouverte que
s’il n’existe plus aucun autre moyen de protection ou un autre
remède disponible (art. 736 al. 4 CO : ultima ratio). Une telle
dissolution conduit à une dissolution ordinaire ou à une autre
dissolution adaptée aux circonstances (au cas par cas).
La procédure de la dissolution ordinaire a pour effet de modifier le but
de la société (liquider les actifs et les répartir : art. 738). La décision de
IUR III 2012-2013 60
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
dissolution limite également les compétences du CdA (actes en lien
avec la dissolution : art. 718a al. 1 : le CdA devient un liquidateur, au
sens de l’art. 739 al. 2 CO). Il est possible que le CdA soit remplacé
par des liquidateurs ad hoc (art. 740 al. 1). Enfin, la décision doit être
inscrite au RdC (publicité nécessaire : SA en liq : art. 739 al. 1 CO). Le
déroulement de la liquidation se fait en plusieurs étapes :
o Bilan de liquidation (art. 742 al. 1) : les liquidateurs dressent un
bilan de liquidation lors de leur entrée en fonction officielle. Une
telle étape permet de déterminer quelle procédure doit être
appliquée (dissolution ordinaire ou par la voie de la faillite).
o Liquidation des affaires courantes (art. 743) : une fois le bilan
effectué, il faut procéder à la liquidation des affaires en cours.
o Appel aux créanciers (art. 742 al. 2 ou 744) : cet appel permet
de connaître l’identité de tous les créanciers de la société.
o Répartition de l’actif (art. 745) : on commence par rembourser
les dettes (priorité des créanciers) et l’excèdent est ensuite
réparti entre les créanciers selon le prorata de leur participation.
o Radiation au RdC (art. 746) : à la fin de la procédure, la société
en liquidation est radiée du RdC (extinction de la raison sociale).
- Dissolution par la faillite : il s’agit alors du cas où les actifs de la société
ne permettent pas de payer l’ensemble de dettes : il y a donc faillite :
o Ouverture sur demande d’un créancier : la faillite est ouverte par
le juge de la faillite (art. 171 LP), suite à une procédure de
poursuite (commandement de payer ou mainlevée). Il s’agit du
cas standard où la société ne paye pas un créancier (procédure
préalable : réquisition de poursuite puis procédure différente
selon qu’il y a inscription au RdC ou non : faillite ou saisie).
o Ouverture sur demande de la société : il y a alors annonce de
surendettement (art. 725 al. 2 CO) et ouverture de la faillite par
le juge (ou ajournement s’il y a lieu, art. 725a CO).
Au bout de la procédure de liquidation forcée, la faillite conduit
également à la dissolution de la société (art. 736 al. 3 CO). La faillite
est donc une procédure de liquidation qui aboutit à la dissolution (le
IUR III 2012-2013 61
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
résultat est donc le même qu’en cas de dissolution ordinaire). La
différence réside dans l’obligation de créer un ordre de paiement pour
répartir les actifs, insuffisants pour rembourser ou payer tout le monde
(en premier viennent les créanciers gagistes puis certains travailleurs).
Dans notre cas, la cause principale de faillite est l’existence de
carences dans l’organisation de la société (au sens de l’art. 731b CO).
Le juge fixe un délai pour rétablir l’ordre : si celui-ci n’est pas respecté,
il y a dissolution (juge) sur demande d’un actionnaire, d’un créancier ou
du préposé du RdC. Ainsi, même si la situation financière de la société
ne pose pas de problème, c’est la procédure de faillite qui sera
ordonnée (indépendamment de la situation de la société en raison du
manque d’organe). Il y a carences d’organisation en cas d’absence
d’un organe ou en cas de composition non conforme d’un organe. On
peut également citer d’autres causes de faillite : absence d’actifs et
d’activités (art. 938a CO), absence de domicile au siège ou encore
vices de fondation (art. 643 al. 3-4 : délai de trois mois). La procédure
de faillite est une procédure d’exécution forcée en faveur de tous les
créanciers (appel aux créanciers), pour toutes les créances, portant sur
tous les biens du débiteur (exécutée par l’office des faillites). C’est le
juge qui prononce l’ouverture de la faillite (effets de la faillite).
Enfin, il convient de parler de la fusion, de la scission et de la transformation
de la SA. Ces trois types d’opérations dépendent de la LFus (remplaçant les
art. 748-750 CO). La LFus gère donc la fusion, la scission, la transformation
des sociétés et la transfert de patrimoines (pas de partie générale : chaque
forme est régie par un chapitre particulier, ce qui conduit à des répétitions). Il
s’agit des cas où la société est modifiée sans toutefois qu’il n’y ait liquidation
(il y a dissolution). La fusion concerne deux entreprises qui se regroupent
pour former une nouvelle entité. La scission est le cas inverse : une entité se
scinde en deux nouvelles. Enfin, la transformation concerne le changement
de la forme juridique (SA, Sàrl). Toutes les décisions de modification
entraînent la fin de la forme juridique la fin de la forme juridique existante
(liquidation) mais pas la dissolution de l’existence juridique, ni une liquidation
de la substance économique. On distingue la fusion par absorption (société A
IUR III 2012-2013 62
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
intégrée dans la société B : exemple de la fusion entre Henniez et Nestlé) ou
par combinaison (société A et société B fusionnent et forment société C :
fusion ayant donné naissance à Novartis ou entre UBS et SBS). La procédure
se fait en trois étapes : phase préparatoire (contrat entre entités concernées,
rapport, vérification et consultation des travailleurs), procédure de décision
(décision sociale et inscription au RdC) et enfin phase subséquente
(information des créanciers et actions) : art. 12-25 et 105-108 LFus.
18. Cours du 19 avril 2013
§18. Le registre du commerce
Le RdC répond à un besoin d’information au public sur les partenaires
commerciaux. Auparavant, il avait plutôt une fonction de contrôle pour l’État.
Le RdC est un registre public (art. 930 CO) contenant un des informations sur
l’identification des commerçants (individuels) et des sociétés commerciales en
Suisse, sur leurs régimes de responsabilité et sur le mode de représentation.
Le Registre du commerce est réglementé par les art. 927-943 CO et par
l’Ordonnance sur le registre du Commerce (ORC, révision totale). Le registre
du commerce a trois fonctions : publicité, constitutive et rattachement :
- Fonction générale de publicité : il s’agit d’assurer la sécurité de droit
dans l’intérêt des tiers et dans l’intérêt de la personne inscrite. En
outre, la société qui publie le nom des personnes inscrites le fait aussi
dans son propre intérêt, car cela la protège (validité des signatures).
- Fonction constitutive pour les sociétés, en lien avec la sécurité de droit
et le contrôle (limité) des inscriptions, dans l’intérêt public.
- Fonction de rattachement : l’inscription au RdC détermine certaines
règles sur la comptabilité commerciale (art. 957 ss CO), sur les raisons
sociales (art. 944 ss) et sur la représentation commerciale (art. 458 ss).
En outre, le RdC régit le mode de l’exécution forcée (art. 39 LP). Il est
mentionné en droit des contrats (art. 104 al. 3, 190 ou 215 CO).
IUR III 2012-2013 63
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
D’autres systèmes juridiques ont des codes de commerce. En Suisse, nous
avons donc plutôt quelques règles qui s’appliquent au commerçant par des
normes de rattachement. Le RdC s’organise par différents moyens :
- Les offices cantonaux (art. 927 CO) : l’organisation cantonale est
territoriale (siège des opérateurs) avec une autorité de surveillance.
- L’Office fédéral du registre du commerce (OFRC) tient le registre
central des inscriptions (art. 13 ORC) et exerce la haute surveillance
(art. 5 ORC), tâche qui est devenue plus importante avec la révision.
- La publicité (art. 931 CO) est assurée par la Feuille officielle suisse du
commerce (FOSC), qui publie ce qui se passe jour après jour. Il est
également possible d’obtenir des extraits du RdC (art. 11-12 ORC).
Enfin, il est aussi possible d’utiliser Internet (système informatique
central de l’Office général du commerce, art 14 ORC : Zefix).
Les inscriptions au RdC sont obligatoires (art. 941 CO) pour les entreprises
individuelles (art. 934 al. 1 et 36-39 ORC), les sociétés commerciales ainsi
que leurs succursales (art. 935 ; effet constitutif : art. 640 ou 779 CO). Par
contre, elles sont facultatives pour les associations (art. 934 al. 2 CO en lien
avec l’art 61 al. 1 CC) et pour les autres informations « si l’intérêt public
justifie de les rendre opposables aux tiers » (art. 30 ORC). Ainsi, cela signifie
qu’on ne peut pas inscrire des informations non prévues : on ne peut pas
informer les actionnaires par le RdC si cela n’est pas prévu.
Les entreprises au sens de l’art. 2 lit. b ORC ont une activité économique
exercée en vue d’obtenir un revenu régulier. Cette activité économique doit
être organisée durablement et de façon indépendante. Dès lors, sont des
entreprises (tenues de s’inscrire) les sociétés commerciales (liste exhaustive
à l’art. 2 lit. a) et leurs éventuelles succursales (art. 935, 2 lit. 2 ch. 14 ORC),
les instituts de droit public (art. 2 lit. a ch. 13 ORC : institutions étatiques qui
exercent une activité économique : Swisscom, CFF, piscine ou autre théâtre),
les entreprises individuelles (personnes physiques) réalisant un chiffre
d’affaire de plus de 100’000 (art. 934 al. 1 CO et art. 36 al. 1 ORC).
La procédure d’inscription est normalement déclenchée par une réquisition
d’inscrire (art. 15 ORC) ou exceptionnellement selon une inscription d’office
IUR III 2012-2013 64
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
(art. 152-157 ORC ; carences d’organisation : modifications inscrites dans le
RdC : démission de l’OR par exemple ; art. 941a CO et 154 ORC). Une fois la
procédure déclenchée (mise en œuvre), l’office cantonal contrôle la validité
de la demande d’inscription. Il s’agit du seul moyen de contrôle prévu par
l’Ordonnance. Si l’inscription est admise, la demande est transmise à l’OFRC
(art. 31 ss ORC) qui peut encore refuser son approbation (provisoirement ou
définitivement). Concernant le contrôle, le principe général veut que le RdC
informe mais ne contrôle pas, sauf illégalité ou inexactitude manifeste. Il y a
un contrôle formel (art. 940 al. 1 et 28 ORC) par rapport à l’admissibilité de
l’inscription (forme, signature et autres, art. 16 ss ORC). Ensuite, le contrôle
de la légalité (art. 940 al. 2) suppose que le contenu ne soit pas contraire aux
dispositions légales impératives (art. 26 et 28 ORC), que ce soit dans l’intérêt
des tiers ou du public. Enfin, il est également nécessaire que l’inscription soit
vraie (contrôle de la véracité, art. 26 ORC) : elle doit donc correspondre à la
réalité et ne pas induire les tiers en erreur (si besoin elle doit être adaptée :
art. 937-939 CO et 27 ORC). En résumé, il y a donc d’abord contrôle du
préposé de l’admissibilité de l’inscription (art. 940 al. 1 et 28 ORC : forme et
signature de la réquisition et des pièces justificatives) effectué par l’office
cantonal compétent (art. 26-30 ORC) suivi d’un contrôle de la légalité et de la
véracité de l’inscription, effectué par l’OFRC (art. 31 ss ORC), qui dispose
d’un droit de recours (art. 5 al. 2 lit. e ORC).
La décision d’inscrire ou non est sujette à recours de droit administratif, à la
fois contre les décisions des offices cantonaux (art. 4 al. 3 ORC) et contre les
décisions de l’OFRC (art. 33 al. 4 : décisions sur le caractère distinct d’une
raison sociale par rapport à une autre). Il est également possible de saisir, ou
de faire saisir le juge civil sur opposition de tiers avant l’inscription (ce qui
donne lieu à un blocage du registre qui permet d’attaquer une décision de
l’assemblée générale, et de l’empêcher d’entrer en force) ou dirigée contre
une inscription existante. Précisons que l’OFRC dispose d’un droit de recours
au TAF et au TF en vertu de l’art. 5 al. 2 lit. e ORC. Aujourd’hui, le registre du
commerce n’est plus un registre de contrôle. Il est principalement là pour
informer et il est appartient aux commerçants et aux tiers d’en tirer les
IUR III 2012-2013 65
Jérémy Stauffacher Droit Commercial
conséquences nécessaires, sur la base de l’information donnée. La seule
exception est celle de l’illégalité et de l’inexactitude manifeste. Les effets des
inscriptions au RdC sont de plusieurs types : déclaratif, constitutif et autre :
- Effet déclaratif : un effet de publicité : l’inscription rend public un fait et
le rend opposable aux tiers, qui doivent le connaître (art. 932 al. 2 CO).
- Effet constitutif : il s’agit de l’effet constitutif proprement dit selon les
art. 643 al. 1 ou 779 al. 1 CO. Il y a effet de validation (effet guérisseur)
pour certaines inscriptions non conformes à loi (art. 643 al. 3 CO).
On distingue ensuite la publicité formelle de la publicité matérielle :
- La publicité formelle est celle qui détermine le moment à partir duquel
une information devient opposable aux tiers. Les effets déclaratifs et
constitutifs aboutissent à une publicité formelle. Le lendemain de
l’inscription au registre du commerce, les tiers sont censés être au
courant de l’information inscrite. Cela requiert donc :
o L’accessibilité générale et inconditionnelle (art. 930) au registre
principal et au registre journalier (art. 10 ORC) : dès le moment
où elle est donnée, les tiers doivent connaître l’information.
o L’accès aux réquisitions et aux pièces justificatives (statuts, acte
constitutif, rapports d’augmentation et autres documents requis),
possible par la consultation et la remise d’extraits (art. 11 ORC)
ou encore par voie électronique (art. 12 ss ORC).
- La publicité matérielle (foi publique) concerne la véracité et les risques.
Il s’agit de déterminer qui supporte le risque d’une inscription fausse.
L’art. 933 (topique) donne 2 règles : l’inscription publiée est opposable
aux tiers et à son auteur (art. 933 al. 1-2 CO). La foi publique a deux
effets : un effet négatif (inscription complète) et un effet positif (vraie) :
o Effet négatif : cet effet concerne à la fois l’auteur et les tiers.
L’inscription étant présumée complète les tiers sont censés la
connaître (présomption irréfragable en faveur de son auteur,
art. 933 al. 1). De ce fait, cela signifie qu’un fait non inscrit est
réputé inconnu. Découlant de l’art. 933 al. 2, cette présomption,
au contraire de celle de l’art. 933 al. 1 CO peut être renversée.
IUR III 2012-2013 66
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o Effet positif : l’inscription étant présumée exacte, il y a un effet
positif selon des dispositions expresses (art. 642 al. 2 ou 608).
19. Cours du 26 avril 2013
§19. La raison de commerce
La raison de commerce est inscrite dans le registre du commerce. Les tiers
sont donc censés connaître la raison de commerce d’une société. On
respecte deux principes : celui de la liberté de la raison sociale (on peut
choisir le nom), et celui de la rigidité (comme un nom de famille, qui informe
sur la société). Aujourd’hui, le principe de la liberté a le dessus sur la rigidité.
L’art. 944 pose d’abord le principe de la liberté, avec un élément de rigidité.
La raison de commerce est une désignation distinctive dans les rapports
commerciaux d’une société commerciale (on parle alors de « raison sociale »)
ou d’un commerçant individuel (on parle alors de « raison individuelle »). Il y a
quelques délimitations en relation avec un certain nombre d’éléments : le nom
de famille (qui est donné, et non pas choisi) par l’art. 29 CC ; la marque qui
est proche de la raison sociale mais qui est un signe utilisé pour un produit
(peut parfois être identique à la raison sociale) ; l’enseigne qui est un terme
sans portée juridique pour qualifier une particularité de la raison sociale.
La raison sociale a une triple fonction, qu’il convient de préciser : information
(publicité au sens transparence), individualisation et réclame (publicité au
sens commercial). Chacune de ces 3 fonctions entraînent divers éléments :
- La fonction d’information ou de publicité concerne l’identité du chef
d’entreprise ou de la société, la responsabilité et le domaine d’activité.
- La fonction d’individualisation concerne la branche et non le rayon.
- La fonction de réclame concerne l’attrait publicitaire.
La raison de commerce est formée de plusieurs éléments. Exemple de raison
sociale : Editions Staempfli et Cie SA Berne. La base, l’élément distinctif, est
Staempfli. Il y a des adjonctions qui sont obligatoires qui relatent de la forme
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de la société : et Cie SA. Ces deux premiers éléments sont des éléments
essentiels. Il y a ensuite des adjonctions facultatives, qui fournissent des
informations supplémentaires au tiers (sur l’activité ou encore le lieu) :
Editions et Berne. Les principes se trouvent donc à l’art. 944 CO. Les
composantes essentielles (art. 945 et 947) et obligatoires sont les éléments
caractérisant la raison et les adjonctions obligatoires pour la forme juridique
(art. 947 et 950) ou la succursale (art. 952), et pour une société en liquidation
(art. 737), en faillite (art. 136 LP et 939 CO), ou en sursis (art. 725a al. 3). Les
composantes faibles et facultatives sont des désignations descriptives qui
peuvent être ajoutées dans les limites des principes généraux (vérité, respect
des intérêts publics et originalité : art. 944 CO) :
- La véracité : les informations doivent être conformes à la réalité, à la
forme juridique et aux qualités de l’entreprise (c’est un élément rigide)
- La sauvegarde des intérêts publics : il faut donner une indication vraie
de la provenance (surtout si l’État est en cause, art. 944 al. 1-2).
- L’originalité : il faut donner caractère suffisamment distinctif (pour le
public moyen) : la raison ne doit pas induire en erreur (art. 944 al. 1).
Il y a beaucoup de rigidité pour les entreprises individuelles puisqu’elles
doivent utiliser leur nom de famille (art. 945 al. 1 CO) avec une adjonction,
facultative (art. 945 al. 3 CO). L’élément de famille reste important pour les
sociétés de personnes (art. 947-948), mais on doit faire une adjonction
(obligatoire) en indiquant le rapport de société. Pour les personnes morales,
la liberté de la raison sociale prend le dessus : on peut ainsi avoir une
désignation fantaisiste ou une désignation liée au nom (art. 950), et on peut
ajouter un élément distinctif au niveau national (art. 951 al. 2 CO) : la liberté
est donc complète, mais avec la seule restriction que l’on doit indiquer le type
de société qu’on utilise (l’abréviation SA, SàRL ou autres).
Une fois qu’on a choisi un nom, il y a une obligation de l’utiliser. C’est une
obligation générale d’utiliser la raison telle qu‘elle est inscrite au registre du
commerce (complète et inchangée : art. 954a al.1 CO et art. 326ter CP), avec
éventuellement le numéro d’identification. Cela est inaltérable dans les
communications écrites (correspondance ou factures) et les communications
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publicitaires ou électronique. L’utilisation de logos, abréviations, enseignes
reste admissible (art. 954a al. 2), mais de façon complémentaire seulement
(éléments secondaires au niveau juridique).
Pour terminer, il convient de parler de la protection de la raison de commerce.
La protection de la raison de commerce ressemble à la protection de la
personne, mais avec un droit à l’usage exclusif, qui est un droit subjectif
absolu, opposable à tous (art. 956 al. 1), et qui est donc une interdiction faite
aux autres sociétés d’utiliser le nom, sous peine de devoir des dommages-
intérêts (art. 956 al. 2). Il y a aussi une protection des noms de personnes
utilisés : la nouvelle dénomination doit notamment être complétée par une
adjonction distinctive (art. 946 al. 1 CO et 951 al. 1 CO). Il y a également une
protection des autres désignations : le noyau (soit les composantes qui
fondent les caractéristiques de la raison sociale) de la nouvelle désignation
doit se distinguer clairement de celle qui existe (art. 951 al. 2). Toutefois, pour
que la raison de commerce soit protégée, il faut que la raison sociale soit
inscrite au RdC (art. 956 CO).
Un contrôle d’office est fait par le préposé (art. 955 CO et 14 ORC). L’ayant-
droit peut donc s’opposer à la raison de commerce (art. 162 ORC). Il y a une
action en cessation et en réparation des dommages-intérêts (art. 956 al. 2).
En cas d’intention d’induire en erreur, l’ayant droit peut déposer une plainte
pénale sur la base de l’art. 326ter CP).
Il y a une limitation de la protection dans l’étendue géographique mais pas
dans l’étendue par rapport à la branche. L’étendue géographique est limitée
au lieu d’inscription pour les entreprises individuelles et les sociétés de
personnes (art. 946 al. 1 et 951 al. 1 CO), et au territoire suisse pour les
autres sociétés, notamment les SA et Sàrl (art. 951 al. 2). La raison de
commerce peut être protégée par le droit de la concurrence déloyale contre
celui qui fait naître une situation de confusion. Il y a donc une interdiction
générale d’agissements déloyaux propres à faire naître une confusion. On
applique également le droit de la concurrence déloyale si, pour une raison de
forme, le droit de la raison sociale ne suffit plus : on en fera donc une
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application cumulative si nécessaire (ce qui est rare), ou une application
subsidiaire, pour les raisons non inscrites (difficile).
20. Cours du 3 mai 2013
§17. Les sociétés de personnes et la SàRL
Les sociétés de personnes sont des réunions de personnes, des sociétés
fondées sur la société simple, au sens de l’art. 530 CO. Les sociétés en nom
collectif (SNC) renvoient aux dispositions de la société simple. Une société de
personnes est donc une collaboration entre personnes déterminées (pas de
liberté d’entrée et de sortie : il y a un caractère personnel) où chaque associé
doit faire un apport (art. 531 CO) en industrie, en biens et / ou en argent : la
société de personnes se différencie donc de la société anonyme où l’on ne
procède qu’à des apports en argent (majoritaire en fait). On peut donc fonder
une SNC sans investissement en argent (au contraire d’une SA). Il y a un
droit individuel de gestion et une responsabilité personnelle illimitée. Les
personnes déterminées sont toutes chefs : ce sont les fondateurs. Il n’y a
donc pas de différence entre l’AG et le CdA, puisque tous peuvent gérer la
société. Il y a donc aussi un risque que tous répondent même si un seul
engage la société en signant pour les autres (sociétés risquées).
Les sociétés en nom collectif (art. 552 al. 1) et les sociétés en commandite
(art. 594 al. 1) sont très semblables sur de nombreux points :
- La société en nom collectif est une société simple avec aspects
commerciaux (art. 557 al. 2 CO), avec une raison sociale (art. 562 CO)
et avec une comptabilité séparée (art. 558 CO). La SNC a donc une
quasi-personnalité juridique : ainsi, la société apparaît sous son propre
nom (raison sociale propre), qui n’est pas celui des fondateurs.
- La société en commandite est une variante de la SNC (art. 698 al. 2),
avec certains associés qui n’ont qu’une responsabilité personnelle
limitée : ce sont les commanditaires. On distingue donc les fonctions
entre les associés. Un commanditaire peut, par exemple, être un
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parent ou une personne qui ne connaît pas la branche, mais qui peut
augmenter le capital. La SEC peut donc se faire inscrire au registre du
commerce, mais avec une personne en commandite pour une part.
Les apports sont réglés aux art. 557, 598 et 531 CO. Il peut s’agit d’un apport
en industrie, en argent ou en créances (art. 531), en nature (art. 531 al. 3), en
propriété, en jouissance et en crédit pour le commanditaire (art. 569 et 608).
Avec les sociétés anonymes, les apports en industrie ou en créances ne sont
pas possibles, sauf si le capital-actions n’est pas entièrement libéré et que les
apports en nature viennent compléter le CA (art. 628 CO).
La responsabilité est une responsabilité solidaire et personnelle des associés
qui sont indéfiniment responsables (art. 568 al.1), avec une responsabilité
limitée pour les commanditaires (art. 610). Les associés sont à égalité sur le
plan interne, ce qui entraîne trois conséquences principales : il existe tout
d’abord un droit individuel de gestion et de représentation (art. 557 al. 2 et
563 CO), sauf pour le commanditaire ; il existe également une obligation de
fidélité (prohibition de concurrence stricte : art. 561 et 598 al. 2), qui consiste
principalement dans le respect des buts de la société ; enfin, il n’y a pas de
transfert de la qualité d’associé : la sortie d’un associé aboutit à la dissolution
de la société, sauf exception (art. 574 et 545 CO : il y a résiliation à cause de
l’aspect personne : le manque d’associé entraîne la fin de la société). Sur le
plan externe, les associés sont responsables solidairement.
Les sociétés de personnes (SNC et SEC) ayant été examinées (on constate
qu’elles sont très différentes des SA), il convient à présent d’analyser les
SàRL. C’est n’est plus une société de personnes, mais pas encore une
société anonyme : c’est un mélange. Elle a un capital limité et le caractère
personnel empêche la SàRL d’entrer en bourse (refus de la bourse). Malgré
tout, la SàRL se rapproche plus de la SA que des sociétés de personne. Ce
sont les art. 772-827 CO qui traitent de la SàRL (société mixte SNC – SA). Il
s’agit d’une société d’associés personnels (SNC) avec un capital social (SA).
Les éléments constitutifs sont listés à l’art. 772 CO :
- Il faut tout d’abord un ou plusieurs associés (art. 775 CO).
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- Un capital social d’au moins 20'000 au début (art. 781 CO), libéré
entièrement (art. 773), et protégé (art. 782-783, 793 al. 2 et 820 CO).
- Une révision selon l’importance, comme pour la SA (art. 818 CO).
- Les dettes ne sont couvertes que par les actifs de la société (art. 783).
- Certaines obligations personnelles des associés (fidélité notamment).
Les associés sont des personnes physiques ou morales (art. 775 CO),
inscrites au RdC (art. 791 CO : raisons de transparence). Cela marque une
différence avec la SA : dans les SA, on ne sait pas qui constitue la société.
Les associés ont un droit de sortie : c’est une sortie volontaire sur base
statutaire (art. 882 al. 2 CO). Le départ est toujours possible pour de justes
motifs, sur décision du juge (art. 882 al. 1 CO). Le transfert de la qualité
d’associé est possible par cession des parts (art. 785 CO). Cette cession se
fait par écrit et le transfert requiert en outre l’approbation des autres associés
(qui peuvent refuser sans motifs, art. 786 al. 1, sauf exceptions statutaires).
Il s’agit à présent de voir les obligations et droits des associés dans la SàRL.
Dans la société anonyme, la seule obligation des actionnaires est de faire un
apport. Dans la SàRL, les obligations des associés sont : verser le prix
d’émission (art. 793 al. 1), respecter l’obligation de fidélité (art. 803), respecter
d’autres obligations accessoires (base statutaire : art. 796) et enfin effectuer
des versements supplémentaires en cas de perte du CA (art. 795a CO). Dans
la SàRL, les droits des associés sont divisés en deux catégories (SA) :
- Les droits sociaux : ces droits comprennent le droit de vote nominal,
selon la valeur des parts (art. 806 al. 1) ou privilégié selon le nombre
de parts (art 806 al. 2-3), un droit de véto déterminé (art. 807), un droit
étendu à l’information (art. 802 CO) et un droit portant sur l’annulation
des décisions de l’assemblée (art. 808c CO : renvoi à la SA).
- Les droits patrimoniaux : ces droits sont proportionnels à la valeur
nominale des parts pour les dividendes (art. 798) et pour la liquidation
(art 826), sauf en cas de privilèges patrimoniaux (art. 799 CO) ou de
versements supplémentaires effectués (art. 798 et 826 CO).
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Le système de la SàRL est un système souple, qui donne la possibilité
d’introduire des gérants et une direction. Ils deviennent alors associés.
L’organisation de la SàRL résulte des droits et des obligations des associés :
- L’assemblée des associés (art. 804) est le seul organe de la SàRL. Il
est géré comme une SNC, et la majorité simple (art. 808 CO) est
nécessaire (majorité qualifiée pour les décisions importantes).
- Les gérants (art. 809 ss CO) peuvent être associés, mais ce ne sont
pas des organes. Ils exercent le droit de gestion qui confère un droit
collectif de gestion pour les personnes physiques (art. 809) et un droit
individuel de représentation (art. 814 et 817 CO). Les obligations des
gérants sont la diligence, la fidélité et l’égalité (art. 812 ss et 827 CO).
- Les attributions des gérants sont des attributions inaliénables, comme
en droit des SA (art. 810 CO), mais avec la possibilité de consulter
l’assemblée des associés (art. 811 CO), ce qui n’est pas le cas de la
SA. On permet notamment aux gérants de nommer une direction.
On constate donc que la SA est une société plus rigide, avec des organes
fixes (AG, CdA et organe de révision). La SàRL n’est soumise à aucune
obligation structurelle : seule l’assemblée des associés est obligatoire. De
plus, il peut exister des rattachements personnels dans la SàRL (au contraire
de la SA), ce qui est au final positif pour les clients de telles sociétés.
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