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Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.) V. DE BUFFR~NIL Laboratoire d'anatomie comparke, Muskum national d'histoire naturelle, 55, rue BufSon, 75005 Paris, France ~qui~e n Formations squelettiques u. Laboratoire d'anatomie comparke. Universitk Paris VII, 2, place Jussieu, 75251 Paris CEDEX 05, France ~qui~e n Formations squelettiques u. Laboratoire dpanatomiecomparke. Universitk Paris VII, 2, place Jussieu, 75251 Paris CEDEX 05, France ET D. SCHOEVAERT Laboratoire d'histologie, embryologic et cytogknktique, Hhpital Kremlin-Bicttre, 78, rue du G1 Leclerc, 942 70 Kremlin-Bicttre, France. R e p le 25 octobre 1985 DE BUFFRBNIL, V., J.-Y. SIRE et D. SCHOEVAERT. 1986. Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Can. J. Zool. 64: 1750-1756. Le poids ainsi que les caracteres structuraux des os (densite, taux de mineralisation, cornpacite de structure) ont etC compares entre un petit delphinide (Delphinusdelphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Le but de cette comparaison etait de mettre en evidence les causes morphologiques de la forte reduction, chez les dauphins, de la masse relative du squelette. L'allegement du squelette des membres thoraciques de ces animaux, par rapport a ceux des lions, est do a la reduction du volume et de la densite des 0s. Dans les regions cephalique et thoracique, la perte de masse du squelette des dauphins n'est due qu'h la diminution du volume osseux. La colonne vertebrale n'a pas subi de modification ponderale ou structurale notables chez les dauphins. Les hypotheses fonctionnelles que suggerent ces rksultats sont discutees en reference aux donnkes connues sur les reactions du squelette des Marnmifkres a des conditions de fonctionnement ou de gravitation anormales. DE BUEFR~NIL, V., J.-Y. SIRE, and D. SCHOEVAERT. 1986. Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Can. J. Zool. 64: 1750-1756. The weight and structural characteristics of bones (density, ash content, and structural compactness) were compared between a small delphinid (Delphinus delphis L.) and a terrestrial mammal (Panthera leo L.). The aim of this comparison was to show the morphological correlates of the steep reduction in skeletal mass, which is a characteristic of dolphins. The lightness of the bones in the thoracic limbs of these animals is due to a reduction of both the volume and the density of bones. In the cephalic and thoracic regions, the loss in mass of the delphinid skeleton is due only to the reduction of bone volume. Dolphin vertebrae show no modification of weight or structure, as compared with those of lions. The functional hypotheses suggested by these results are discussed in relation to aspects of bone pathology indwed by disuse or abnormal gravitational conditions. Introduction Chez les mammifkres terrestres, le poids du squelette (P,) est liC au poids corporel total (P,) par la relation allomktrique P, = 0,06 1 ~ , ' 7 ~ ~ ~ (r = 0,992), ou le coefficient d'allomktrie est significativement supkrieur a 1 (Prange et al. 1979). Le poids relatif du squelette (poids du squelette exprim6 en pourcentage du poids du corps) apparait donc relativement stable chez des animaux de mCme corpulence. Les DelphinidCs n'entrent pas dans la rkgle commune aux Mammifkres, dans la mesure ou, pour un mCme poids corporel , la masse de leur squelette (corrigke par une augmentation de 30% pour compenser l'absence de membres pelviens) ne reprCsente en moyenne que 52% de celle d'un mammifkre terrestre (de BuffrCnil et al. 1985). Les causes de la rCduction du poids relatif du squelette chez les dauphins n'ont pas, jusqu'ici, CtC mises en Cvidence. Elles peuvent, a priori, tenir soit a une diminution de la densit6 du squelette, soit a une rkduction de son volume, soit a la conjugaison de ces deux facteurs. Certaines particularitks structurales susceptibles d'expliquer la rkduction de masse du squelette ont CtC signalkes dans les os 1. Auteur h qui faire parvenir toute correspondance. des palettes natatoires de plusieurs especes de CCtacCs. L'humC- rus et, dans une moindre mesure, le radius de ces animaux sont dCpourvus de corticales compactes et sont entikrement consti- tuCs d'une spongiosa de faible densit6 (Felts et Spurrel 1965, 1966; Tont et al. 1977). Les palettes natatoires ne reprksentent toutefois qu'une fraction minime de l'ensemble du squelette et leur structure ne peut, seule, rendre compte de l'ampleur de la rkduction de la masse squelettique des dauphins. Par ailleurs, le taux de minkralisation du squelette des CCtacCs, Ctabli par l'etude des os des membres thoraciques, est voisin de celui des mammifkres terrestres (Felts et Spurrell 1965, 1966). En l'absence de donnCes prCcises relatives a d'autres rCgions que les membres, l'hypothkse consistant a attribuer l'allkgement du squelette des dauphins a la porositC et a la rCduction de la densit6 des os apparait peu fondCe. La prksente Ctude, en apportant des donnCes quantitatives sur la porositC, la charge minCrale ainsi que la densit6 osseuses de multiples rCgions du squelette de dauphins communs (Delphi- nus delphis L.), a pour but de mettre en Cvidence dans quelle mesure la 1CgkretC relative du squelette de ces animaux dCpend des caractkres structuraux des os, ou est like au volume, global ou rCgional, du squelette. Can. J. Zool. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by Duke University on 10/04/12 For personal use only.

Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinidé (Delphinus delphis L.) et un mammifère terrestre (Panthera leo L.)

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Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.)

V. DE BUFFR~NIL Laboratoire d'anatomie comparke, Muskum national d'histoire naturelle, 55, rue BufSon, 75005 Paris, France

~ q u i ~ e n Formations squelettiques u. Laboratoire d'anatomie comparke. Universitk Paris VII, 2 , place Jussieu, 75251 Paris CEDEX 05, France

~ q u i ~ e n Formations squelettiques u. Laboratoire dpanatomie comparke. Universitk Paris VII, 2 , place Jussieu, 75251 Paris CEDEX 05, France

ET

D. SCHOEVAERT Laboratoire d'histologie, embryologic et cytogknktique, Hhpital Kremlin-Bicttre, 78, rue du G1 Leclerc,

942 70 Kremlin-Bicttre, France. R e p le 25 octobre 1985

DE BUFFRBNIL, V., J.-Y. SIRE et D. SCHOEVAERT. 1986. Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Can. J. Zool. 64: 1750-1756.

Le poids ainsi que les caracteres structuraux des os (densite, taux de mineralisation, cornpacite de structure) ont etC compares entre un petit delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Le but de cette comparaison etait de mettre en evidence les causes morphologiques de la forte reduction, chez les dauphins, de la masse relative du squelette. L'allegement du squelette des membres thoraciques de ces animaux, par rapport a ceux des lions, est do a la reduction du volume et de la densite des 0s. Dans les regions cephalique et thoracique, la perte de masse du squelette des dauphins n'est due qu'h la diminution du volume osseux. La colonne vertebrale n'a pas subi de modification ponderale ou structurale notables chez les dauphins. Les hypotheses fonctionnelles que suggerent ces rksultats sont discutees en reference aux donnkes connues sur les reactions du squelette des Marnmifkres a des conditions de fonctionnement ou de gravitation anormales.

DE BUEFR~NIL, V., J.-Y. SIRE, and D. SCHOEVAERT. 1986. Comparaison de la structure et du volume squelettiques entre un delphinide (Delphinus delphis L.) et un mammifere terrestre (Panthera leo L.). Can. J. Zool. 64: 1750-1756.

The weight and structural characteristics of bones (density, ash content, and structural compactness) were compared between a small delphinid (Delphinus delphis L.) and a terrestrial mammal (Panthera leo L.). The aim of this comparison was to show the morphological correlates of the steep reduction in skeletal mass, which is a characteristic of dolphins. The lightness of the bones in the thoracic limbs of these animals is due to a reduction of both the volume and the density of bones. In the cephalic and thoracic regions, the loss in mass of the delphinid skeleton is due only to the reduction of bone volume. Dolphin vertebrae show no modification of weight or structure, as compared with those of lions. The functional hypotheses suggested by these results are discussed in relation to aspects of bone pathology indwed by disuse or abnormal gravitational conditions.

Introduction Chez les mammifkres terrestres, le poids du squelette (P,) est

liC au poids corporel total (P,) par la relation allomktrique P, = 0,06 1 ~ , ' 7 ~ ~ ~ (r = 0,992), ou le coefficient d'allomktrie est significativement supkrieur a 1 (Prange et al. 1979). Le poids relatif du squelette (poids du squelette exprim6 en pourcentage du poids du corps) apparait donc relativement stable chez des animaux de mCme corpulence.

Les DelphinidCs n'entrent pas dans la rkgle commune aux Mammifkres, dans la mesure ou, pour un mCme poids corporel , la masse de leur squelette (corrigke par une augmentation de 30% pour compenser l'absence de membres pelviens) ne reprCsente en moyenne que 52% de celle d'un mammifkre terrestre (de BuffrCnil et al. 1985). Les causes de la rCduction du poids relatif du squelette chez les dauphins n'ont pas, jusqu'ici, CtC mises en Cvidence. Elles peuvent, a priori, tenir soit a une diminution de la densit6 du squelette, soit a une rkduction de son volume, soit a la conjugaison de ces deux facteurs.

Certaines particularitks structurales susceptibles d'expliquer la rkduction de masse du squelette ont CtC signalkes dans les os

1. Auteur h qui faire parvenir toute correspondance.

des palettes natatoires de plusieurs especes de CCtacCs. L'humC- rus et, dans une moindre mesure, le radius de ces animaux sont dCpourvus de corticales compactes et sont entikrement consti- tuCs d'une spongiosa de faible densit6 (Felts et Spurrel 1965, 1966; Tont et al. 1977). Les palettes natatoires ne reprksentent toutefois qu'une fraction minime de l'ensemble du squelette et leur structure ne peut, seule, rendre compte de l'ampleur de la rkduction de la masse squelettique des dauphins. Par ailleurs, le taux de minkralisation du squelette des CCtacCs, Ctabli par l'etude des os des membres thoraciques, est voisin de celui des mammifkres terrestres (Felts et Spurrell 1965, 1966). En l'absence de donnCes prCcises relatives a d'autres rCgions que les membres, l'hypothkse consistant a attribuer l'allkgement du squelette des dauphins a la porositC et a la rCduction de la densit6 des os apparait peu fondCe.

La prksente Ctude, en apportant des donnCes quantitatives sur la porositC, la charge minCrale ainsi que la densit6 osseuses de multiples rCgions du squelette de dauphins communs (Delphi- nus delphis L.), a pour but de mettre en Cvidence dans quelle mesure la 1CgkretC relative du squelette de ces animaux dCpend des caractkres structuraux des os, ou est like au volume, global ou rCgional, du squelette.

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La valeur des resultats obtenus chez les dauphins, pour la resolution de ce probleme, ne peut &re extraite que d'une comparaison (portant sur des os identiques traites selon les mgmes methodes) avec un mammifere terrestre suppose repre- senter correctement ce groupe. Le lion (Panthera leo L.) a ete retenu pour cette comparaison en fonction de quatre criteres essentiels :

(i) Le poids corporel moyen des lions (100-200 kg) est assez proche de celui des dauphins communs, ce qui evite que la comparaison structurale des os de ces deux especes ne soit directement influencee par l'allometrie majorante de la crois- sance du squelette par rapport a celle du corps.

(ii) Les lions ne presentent pas de specialisation morphologi- que poussee aboutissant a des atrophies ou des hypertrophies osseuses notables. En outre, leur morphologie generale evoque grossierement celle des mesonichides carnivores (voir la recon- stitution du squelette de Mesonyx obtusidens dans Piveteau 1961), groupe a partir duquel les Cetaces sont supposes s'gtre differencies (Gingerich et al. 1983; Barnes et al. 1985).

(iii) Les lions presentent un mode de locomotion strictement terrestre et quadrupede.

(iv) Dans le tableau comparatif de la densite des os longs des Mammiferes presente par Wall (1983), les lions occupent une position moyenne, avec une densite humerale de 1,29.

Materiel et methodes chanti ill on biologique

L'Cchantillon biologique comprend cinq dauphins communs (Del- phinus delphis L.) provenant des collections du MusCe ockanographi- que de la Rochelle et deux lions (Panthera leo L.) appartenant aux collections du MusCum national d'histoire naturelle de Paris. Tous ces sp6cimens sont des miles dont le squelette ne montre aucune anomalie externe de type pathologique.

Les dauphins ont CtC trouvCs CchouCs sur les c8tes fran~aises. Aprks autopsie, leur squelette a CtC prCparC par mackration dans l'eau, au MusCe ocCanographique de la Rochelle. L'ige de ces individus, dCterminC par le comptage des marques de croissance squelettiques (MCS) dans l'os mandibulaire et la dentine, s'kchelonne de 11 a 22 MCS (cf. de BuffrCnil et Collet 1983). Dans la mesure oh la maturitC somatique apparait vers I'ige de 11 MCS chez les dauphins de 1'Atlantique nord-est (de BuffrCnil et al. 1985), ces animaux peuvent Ctre considCrCs cornme des adultes. Le poids corporel moyen de ces dauphins est de 126,950 kg. 11 n'a pas pu Ctre dCterminC par la pesCe directe des corps lors de leur dkcouverte, mais a CtC calculC 2 partir du poids mo en des squelettes (4,175 kg), 2 l'aide de 1'Cquation P, = 0,674 P, d:743 ( r = 0,895; P, et P, sont exprimes en grammes) Ctablie par de BuffrCnil et al. (1985) pour les dauphins communs de 1'Atlantique nord-est.

Les deux lions sont morts en captivitk a la mCnagerie du Jardin des plantes et au Parc zoologique de Paris. Selon 1'Ctat de leur denture, ces spCcimens sont des prC-adultes ou de jeunes adultes d'un ige CvaluC entre 4 et 6 ans. Comme pour les dauphins, le poids corporel moyen des lions (1 11,349 kg) a CtC calculC a partir du poids moyen des squelettes (8,880 kg) par 1'Cquation proposCe par Prange et al. (1979) pour les marnmiferes terrestres : P, = 0,061 P, '.09' ( r = 0,992; P, et P, sont exprimCs en kilogrammes). L'erreur standard de cette formule (0,154) a CtC appliquCe pour corriger une sous-estimation possible du poids corporel. La valeur, apparemment assez faible, du poids corporel des lions ainsi que la ICgitimitC, dans le cadre de cette Ctude, du calcul de ce poids a I'aide d'une formule 21 valeur gCnCrale parmi les mammifkres terrestres sont discutCes en dCtail au chapitre Discussion.

Traitement des e'chantillons osseux Chaque squelette a CtC, en un premier temps, pesC in toto (21 1 g prks)

pour le calcul du poids corporel. En un second temps, il a CtC dissociC en 10 parties correspondant 21 chacun des os des membres thoraciques (humCrus, radius, ulna, os de la main), aux omoplates, au sternum, aux

cdtes, A la colonne vertkbrale, au calvarium et a la mandibule. Ces parties ont CtC pesCes skparkment et, pour chacune d'elles, la moyenne (Pi) des poids obtenus chez les individus de mCme esp&ce a CtC prise en compte (tabl. I).

Sur chaque squelette, 18 paires de prClkvements ont CtC effectuCes, soit sous la forme de tronCons de 10 mm de large (0s longs), soit sous la forme de rectangles de 10 x 20 mm (0s plats). La moitiC de ces Cchantillons a permis de determiner la charge rninCrale des 0s; l'autre moitiC a servi aux Ctudes histomorphomCtriques. Dans les os longs des membres (humCrus, radius, ulna, phalange), ainsi que dans les c8tes et le sternum, les tron~ons proviennent du milieu de la diaphyse. Les prClkvements mandibulaires ont CtC rCalisCs dans le tiers rostra1 de la mandibule; ceux du calvarium, dans la rCgion moyenne du maxillaire et dans l'exoccipital droit (maxillaire et pariCtal pour les lions). Les prClkvements d'omoplate proviennent de la marge caudale (margo caudalis) de cet 0s. Enfin, chez les dauphins, les prklkvements vertkbraux concernent l'atlas, la 7" dorsale, la 10" lombaire et les 11" et 24" caudales. Des vertkbres de mCme rang ont CtC utilisCes chez les lions. Pour chaque vertkbre, deux paires de prClkvements ont CtC effectuCes : l'une par le tron~onnage total du centrum dans le plan sagittal mkdian, l'autre par le tronConnage d'une apophyse transverse.

Les Cchantillons destines B Ctablir la charge minCrale des os ont CtC dCshydratCs dans trois bains progressifs d'kthanol, puis dCgraissCs dans deux bains d'acktone de 24 h chacun. Aprks un sCjour de 96 h dans une Ctuve a 120°C, les fragments d'os ont CtC pesCs et calcinCs a la tempkrature de 800°C durant 10 h, puis les cendres ont CtC pesCes. Les mesures ont CtC effectukes a 0,1 mg prks. Le taux de minkralisation est donnC par le poids des cendres exprim6 en pourcentage du poids de l'os avant incinkration (tabl. 2).

Les donnCes morphomCtriques recueillies pour chaque os concernent sa densit6 (Di) et le degrC de compacitC de sa structure interne. Ces donnCes ont CtC obtenues 2 partir de deux coupes contigues, l'une de 1 mrn d'kpaisseur, l'autre de 250 Fm, op6rCes sur chaque prklkvement. La surface de ces deux coupes est supposCe Ctre identique. Les coupes de 1 mm d'Cpaisseur ont CtC pesCes (2 0 , l mg prks) aprks un skjour de 48 h 21 1'Ctuve (90°C). Les coupes de 250 Fm ont CtC radiographikes sur film A haute rksolution Kodak DR-54, dans un gCnCrateur de rayons X du type Faxitron (Philips). Les paramktres d'exposition, identiques pour toutes les coupes, Ctaient de 25 kV pendant 30 s, a la distance de 35 cm. Les radiographies ont CtC CtudiCes au moyen d'un analyseur d'image Quantimet 720 (Cambridge Instrument) dans le but d'Ctablir :

(i) La surface totale des coupes : cette surface a permis le calcul du volume global (volume de l'enveloppe convexe) des coupes de 1 mm d'kpaisseur, ainsi que de leur densit6 par la division de leur poids par leur volume.

(ii) La surface osseuse en pourcentage de la surface totale : ce pourcentage constitue un indice de compacitC structurale des os et exprime le volume relatif de la matikre osseuse dans le volume global d'une pikce squelettique donnCe. Le rkglage de l'analyseur d'images (au seuil 18) a CtC choisi de manikre a Climiner les dCtails de moyenne densit6 optique liCs a 1'Cpaisseur des coupes (250 Fm). L'influence de cette dernikre sur l'analyse des images radiographiques est donc con- sidCrCe ici comme nkgligeable.

Dans la suite de ce travail, les valeurs retenues pour la charge minCrale, la densit6 et la compacitk de structure des Cchantillons reprksentent la moyenne des valeurs obtenues pour chaque espkce.

Resultats Poids relatif du squelette

Le poids relatif moyen du squelette ((P,/P,) x 100) est de 3,28% chez les dauphins et de 7,97% chez les lions. Cependant, les dauphins etant depourvus de membres pelviens, une c~mparaison plus significative du poids relatif de leur squelette avec celui des lions sera obtenue en faisant abstraction des membres pelviens de ces derniers'. Selon les donnees de Davis (1962), le poids de ces membres chez un lion m6le represente 16,79% du poids corporel total. Apres deduction de ce pourcentage, le poids corporel moyen des lions passe de

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TABLEAU 1 . Poids partiels (Pi), poids relatifs (RPi) et poids partiels standards (SPi) des rCgions du squelette chez les lions (L) et les dauphins (D)

Lion Dauphin

Pi RPi SPi Pi RPi SPi (kg) (% de Ps) (kg) (kg) (% de Ps) (kg) SPi(D)/SPi(L) Di(D)/Di(L) Cause de SPi(D)/SPi(L)< 1

Humerus Radius Ulna Main (phalange) Omoplates Sternum CBtes Calvdum Mandibule Colonne vertebrale

Centrum Aphophyse

Volume et structure Volume et structure Volume Volume et structure Volume Volume Volume Volume Volume

NOTA: D,, densite des 0s; NS, difference non significative "SPi(D)/SP,(L) = I .

TABLEAU 2. Moyenne et Ccart type pour la compacitt (% os), la densit6 globale et le taux de mintralisation (%) de tous les os Ctudits chez les cinq dauphins et les deux lions de I'tchantillon

Dauphin Lion

CompacitC Densite Mineralisation CompacitC Densitt Mineralisation

Moyenne u Moyenne u Moyenne u Moyenne u Moyenne u Moyenne u

HumCrus Radius Ulna Phalange Omoplate Sternum CBtes Maxillaire Occipital Mandibule Cervicale, centrum Dorsale, apophyse Dorsale, centrum Lombaire, apophyse Lombaire, centrum Caudale (1 1 e), apophyse Caudale (1 1 '), centrum Caudale (24e), centrum

Moyenne, centrums Moyenne, apophyses

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11 1,349 2 92,654 kg. En excluant le squelette appendiculaire TABLEAU 3. Seuil de signification des diffkrences observkes entre les pelvien (bassin et os des rnembres : 2,490 kg, soit 28,04% de dauphins (D) et les lions (L) pour la compacitk, la densitk et le taUX de

P,), le squelette des lions pkse en moyenne 6,390 kg. Le poids rninkralisation des os (test t de Student) relatif moyen du squelette de ces animaux est, aprks correction, de 6,89%. Compacitk Densit6 MinCralisation

Poids partiels des squelettes Pour chaque espkce, le poids moyen des 10 rCgions squeletti-

ques examinCes est prCsentC dans le tableau 1. Afin de permettre une comparaison de ces poids en valeur absolue, ceux-ci ont Cgalement CtC exprimks sous la forme de << poids partiels standards >> (SPi; tabl. 1) valables pour des dauphins et des lions dont le poids corporel (P, corrigC pour les lions) est ramen6 ii 100 kg. Pour les dauphins, les SPi ont CtC calculCs en considkrant (i) le poids relatif des diverses rCgions du squelette (RP, = (Pi/Ps) x 100) et (ii) le poids du squelette d'un animal de 100 kg calculC a l'aide de la formule de de BuffrCnil et al. (1985) : Ps = 0,674 x 100 0 0 0 ~ 9 ~ ~ ~ = 3496 g, soit 3,496 kg. Les poids partiels standard reprksentent l'application des RPi a la nouvelle valeur de Ps (SPi (3,496/100) x RPi). Une prockdure semblable a CtC utilisCe pour le calcul des SPi des lions. Toutefois, pour obtenir le poids squelettique d'un lion de 100 kg dCpourvu de membres pelviens, le poids du squelette entier a CtC calculC a l'aide de la formule de Prange et al. (1979) pour un animal de 120,180 kg (poids qui, diminuC de 16,79%, donne 100 kg). Le poids relatif du squelette appendiculaire pelvien (28,04% de P,) a ensuite CtC retranchC du poids du squelette entier. Le poids squelettique ainsi corrigC est de 6,945 kg.

Pour chaque rCgion squelettique, le rapport des poids partiels standard des deux espkces, SPi(D)/SPi(L) (tabl. 1) montre que toutes les rCgions du squelette sont plus lourdes chez les lions, a l'exception de la colonne vertCbrale dont le poids est sensible- ment identique dans les deux espkces (rapport des SPi = 1,082). Les Ccarts les plus marquCs concernent le squelette appendicu- laire (humCrus, radius, ulna, mains, omoplates) dont le poids est, selon les os, environ 5 a 15 fois plus rCduit chez les dauphins. La mandibule de ces animaux pkse environ le tiers de celle des lions (rapport des SPi = 0,370); le calvarium, la moitiC (rapport des SPi = 0,479) et les c6tes, ainsi que le sternum, environ les deux tiers (rapport des SPi = 0,746 et 0,646, respectivement).

Taux de mine'ralisation des os La valeur moyenne, par espkce, du taux de minkralisation des

18 prklkvements est prCsentCe au tableau 2. De nombreux os montrent une diffkrence significative de charge minCrale (test t de Student) entre les deux espkces, et celle-ci est toujours a l'avantage des dauphins (tabl. 3). Seul I'humCrus est ICgkrement plus minCralisC chez les lions (seuil de 95%). Tout le squelette axial, du neurocriine aux premikres vertkbres caudales , ainsi que le squelette thoracique (sternum et c6tes) sont significative- ment plus minCralisCs chez les dauphins (seuil de 99%). Le squelette appendiculaire (a l'exception de I'humCrus) et les mfichoires presentent un taux de minkralisation Cquivalent d'une espkce a l'autre.

Compacite' structurale des os Les donnCes comparatives sur la compacitC structurale des os

(tabl. 3) montrent des differences rkparties de manikrc com- plexe entre les lions et les dauphins. En regle gCnCrale, les centrums vertCbraux des lions ont une structure nettement plus compacte que ceux des dauphins au seuil de 99%. L'indice de compacitC moyen de tous les centrums est de 46,03% chez les lions, contre 3 1,80% chez les dauphins (tabl. 2). Cependant, les

Humkrus Radius Ulna Phalange Omoplate Sternum CBtes Maxillaire Occipital Mandibule Cervicale, centrum Dorsale , apophy se Dorsale, centrum Lombaire, apophyse Lombaire, centrum Caudale (1 le), apophyse Caudale (1 le), centrum Caudale (24"), centrum

Moyenne, centrums Moyenne, apophyses

NOTA: NS, difference non significative. *Diffkrence significative au seuil de 95%. **Diffkrence significative au seuil de 99%.

apophyses ne montrent pas de diffkrence significative. L'humC- rus, le radius et les phalanges, ainsi que les maxillaires, sont plus compacts chez les lions (seuil de 99%), ii l'inverse de l'ulna, du sternum, des c6tes et du neurocrfine. Les autres regions du squelette (omoplates et mandibule) ont la meme compacitC structurale chez les deux espkces.

Densite' osseuse Dans le squelette des palettes natatoires des dauphins, les os

de l'avant-bras se distinguent par une densit6 nettement plus ClevCe que celle des phalanges et de l'humkrus (tabl. 2). Ce contraste entre les os des membres thoraciques n'apparait pas chez les lions dont le squelette appendiculaire est, par ailleurs, plus dense que celui des dauphins (exception faite de l'ulna; tabl. 2). La tendance inverse s'observe dans le thorax, les c6tes et le sternum Ctant plus denses chez les dauphins. Parmi les os du crfine, la mandibule est de meme densit6 dans les deux espkces, alors que la densit6 du neurocriine est plus ClevCe chez les dauphins, et celle des maxillaires, plus ClevCe chez les lions (tabl. 3).

En rkgle gCnCrale, la densit6 des apophyses vertebrales est trks supkrieure a celle des centrums (tabl. 2). Aucune diffkrence significative n'apparait entre les lions et les dauphins pour la region crfiniale du rachis (vertkbres cervicales et dorsales), ainsi que pour le centrum des vertkbres lombaires (tabl. 4). Les apophyses transverses des lombaires et des premieres caudales ont une densit6 supCrieure chez les dauphins, contrairement aux dernikres vertkbres caudales qui sont plus denses chez les lions. ConsidCrks dans leur ensemble, sans distinction rCgionale , les centrums vertCbraux ont la meme densit6 chez les deux espkces, alors que les apophyses sont plus denses chez les dauphins.

Les donnCes du tableau 3 rkvelent que les diffkrences de densit6 entre lions et dauphins correspondent apparemment, pour un meme os, a la combinaison des diffkrences de compacitC structurale et de minkralisation. Cependant, les rksultats concernant la colonne vertkbrale suggkrent que les

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TABLEAU 4. Correspondance logique des caractkres ponderaux et structuraux des os pour expliquer les differences des poids standards des parties du squelette entre les dauphins (D) et les lions (L)

Di(D) > 1 ou Di(D) = Di(L) Moindre volume osseux local chez les dauphins que Di(L) chez les lions

Di(D) - SPi(D) Allkgement structural de l'os des dauphins et

Di(L) s p i ( ~ ) m2me volume osseux local que chez les lions

SPi(D) Di(D) Di(D) SPi(D) Allkgement structural de 1'0s des dauphins et <1-<1 - < -

SPi(L) Dl(L) Di(L) s p i ( ~ ) volume osseux local plus grand que chez les lions

Di(D) SPi(D) Allkgement structural de 1'0s des dauphins et > - Di(L) s p i ( ~ ) volume osseux local inferieur B celui des lions

modalites de cette combinaison peuvent Ctre complexes : l'exchs de minkralisation des centrums des dauphins semble compenser leur dCfaut de compacitC et assurer soit une equivalence des densites avec les lions (cas de la region criniale de la colonne vertebrale et des verthbres lombaires), soit une densite osseuse superieure (cas du centrum des premihres caudales). La densite osseuse apparait donc ici comme un paramhtre composite, integrant a la fois la compacitC de structure des os et leur charge minerale.

Causes morphologiques de la rkduction des poids partiels du squelette des dauphins

Les densites regionales du squelette des dauphins ont CtC c o m p k s a celles des lions par le rapport Di(D)/Di(L) (tabl. I). Dans tous les cas ou le poids standard d'un territoire squelet- tique est plus faible chez les dauphins que chez les lions (SPi(D)/SPi(L) < l) , la comparaison des rapports SPi(D)/ SPi(L) et Di(D)/Di(L) permet de cerner les causes essentielles de la reduction locale du poids squelettique des dauphins. Le raisonnement suivant (schCmatisC au tabl. 4) peut 2tre applique :

(i) Si Di(D)/Di(L) > 1, ou si Di(D) et Di(L) ne sont pas significativement differents, la valeur du rapport SPi(D)/SPi(L) s'explique uniquement par la reduction du volume osseux local des dauphins.

(ii) Si Di(D)/Di(L) < 1, l'allhgement structural de 1'0s (moindre densite) explique en partie ou en totalit6 la valeur du rapport des poids standard. Dans cette eventualite, trois cas theoriques peuvent 2tre distinguks :

(1) Si Di(D)/Di(L) = SPi(D)/SPi(L), seul l'allhgement structural de 1'0s explique la valeur du rapport des poids standard, le volume regional du squelette Ctant Cgal chez les deux esphces.

(2) Si Di(D)/Di(L) < SPi(D)/SPi(L), seul l'allhgernent structural de l'os intervient, mais le volume local du squelette est plus important chez les daupins sans toutefois compenser la diffkrence de densit6 .

(3) Si Di(D)/Di(L) > SPi(D)/SPi(L) , l'allhgement structural intervient ainsi que le volume regional du squelette qui est plus faible chez les dauphins.

Selon ce raisonnement, il apparait que la 1eghretC relative de I'humCrus, du radius et de la main des dauphins est due a la fois a la rkduction du volume de ces os et a l'allhgement de leur structure interne. Par contre, la 1Cghrete relative de l'ulna, des omoplates, du sternum, des cbtes, du calvarium et de la mandibule des dauphins n'est due qu'a la reduction de leur volume, l'os des dauphins Ctant alors de densit6 identique ou superieure a celui des lions.

Discussion Mode de calcul des poids somatiques

La reconstitution du poids corporel des lions a l'aide d'une

formule allometrique valable pour l'ensemble des mammiferes terrestres peut constituer, a priori , une source d 'imprCcision . Dans le cas concret des animaux 6tudiCs ici, le poids corporel de 11 1,349 kg calculC par la formule de Prange et al. (1979) apparait faible, compare au poids moyen de 175,9 kg attribuC par Meinertzhagen (1 938) a 14 lions sauvages miles. Ce poids est cependant assez proche de celui d'un lion captif miile de 3 a 4 ans (109,3 kg) pesC par Davis (1 962). Un Clement supplCmen- taire permet de contrbler la validit6 du poids corporel attribuC aux deux lions de cette etude. Le poids-de l'enciphale de l'un des spCcimens (no 1926-282 dans les registres du Laboratoire d'anatomie comparee du Museum national d'histoire naturelle) est connu avec precision (226 g). Ce poids encephalique est trhs voisin de celui du lion pesC par Davis (225 g). Chez les deux animaux, le poids relatif de l'encephale est, respectivement, de 0,206% (spCcimen de Davis) et de 0,203% (specimen no 1926-282). La quasi identit6 de ces valeurs tend a confirmer l'exactitude du poids corporel calculC par la formule de Prange et al. (1979) et souligne, en outre, la precision de cette dernihre. L'utilisation d'une telle formule apparait , par ailleurs, inCvitable dans le cadre de ce travail. L'un des aspects essentiels des resultats obtenus ici se fonde en effet sur la comparaison du poids des diffkrentes parties du squelette de lions et de dauphins dont le poids corporel est ramen6 a la stricte CgalitC (poids standard des parties du squelette). Dans la mesure oh le poids du squelette des vertCbrCs terrestres , comme celui des dauphins, n'est pas lie au poids du corps par un rapport arithmetique simple, mais par une fonction puissance, le recours a des formules allomCtriques pour le calcul des poids squelettiques standard apparait impkratif. L'utilisation de la formule de Prange et al. prksente en outre l'avantage de fournir une evaluation moyenne, valable statistiquement, du poids relatif du squelette et des poids partiels de cet organe, chez un mammifhre terrestre quelconque (et non seulement chez Panthera leo) de poids corporel de 100 kg. Cette generalisation renforce la portCe et la signification biologique de la comparaison effectuee avec les dauphins.

Donne'es comparatives Les caracthres structuraux des os chez d'autres esphces de

CCtacCs que le dauphin commun ne sont connus que par les etudes de Felts et Spurre11 ( 1965, 1966) concernant I'humCrus et le radius du rorqual commun (Balaenoptera physalus), du dlouga (Delphinapterus leucas) et du globicCphale noir (Glo- bicephala melaena). Le taux de minkralisation moyen de 1'humCrus chez ces trois esphces (66%) est trhs proche de celui du dauphin commun (65,92%). Par contre, le radius de ce dernier semble moins mineralis6 (62,73% contre 64-68%). La densite humCrale du dauphin commun (0,62) se situe entre celles du belouga (0,69) et du rorqual (0,52). De m2me, la densite du radius du dauphin commun (0,82) est intermediaire

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entre celles du globicCphale (0,75) et du bClouga ( 1,12- 1,20). L'ensemble de ces donnCes suggere que, hormis la minkralisa- tion du radius, les caracteres structuraux des os de Delphinus delphis occupent une position moyenne parmi les cCtacCs, et que cette espece est, de ce fait, reprksentative de l'ordre auquel elle appanient. Comme on l'a vu dans l'introduction, le tableau comparatif de la densit6 des os longs prCsentC par Wall (1983) permet d'appliquer une conclusion similaire au lion envisagC parmi l'ensemble des mammiferes terrestres.

Conside'rations fonctionnelles La rkduction de la compacitC structurale (et, par conskquent,

de la densitC) des os des CCtacCs, qui passe pour un caractere typique de ce groupe (Felts et Spurrell 1965, 1966; Rhodin et al. 1981), ne concerne en fait que les os des battoirs, a l'exception de l'ulna. Le reste du squelette des dauphins n'a pas subit de modification structurale susceptible de rCduire sa densitC. La forte diffkrence entre le poids relatif moyen du squelette des dauphins (3,28%) et celui des lions (6,94% apres Climination des membres pelviens) semble plutdt rCsulter de la rkgression plus ou moins prononcke du volume squelettique dans toutes les parties du corps autres que la colonne vertkbrale. Cette rkduction volumique est, a priori, attribuable a la diminution de la longueur des os (cas Cvident des os des battoirs) et a celle de leur Cpaisseur. Pilleri et al. (1982) ont montrk, chez plusieurs espkces de DelphinidCs, la prCsence de fenstres (ou lacunes) de grande dimension perforant les os du criine dans les rCgions occipitale, pariCtale et basicranienne. Ces lacunes sont dues a l'arrst spontanC de 1'ostCogenkse. Elles ne refletent aucune pathologie et ne rkpondent, apparemment, a aucune nCcessitC physiologique ou biomkcanique. Les rCsultats de la prCsente Ctude suggerent que l'existence de ces lacunes criiniennes peut constituer l'expression extrsme d'une tendance globale a la rkduction du volume des os, concrCtisCe, dans le cas des os plats, par une diminution d'kpaisseur.

Cette tendance semble toutefois toucher de maniere inkgale les diverses rCgions du squelette. Le squelette appendiculaire thoracique (palettes et omoplates) subit la plus forte rkgression, alors que la colonne vertkbrale n'est pas atteinte. Cette constatation suggere que le degrk de rkduction du volume osseux est en rapport avec le rdle fonctionnel et le travail mCcanique effectuk localement par le squelette. Les palettes natatoires des Cktacks sont amusculaires au-dessous de l'articu- iation scapulo-humkrale et ne produisent que des mouvements d'adduction, d'abduction et de rotation limiJCs. Leur flexibilitk est essentiellement passive (Felts 1966). A l'inverse, le r61e mkcanique de la colonne vertkbrale dans la locomotion des dauphins est considkrable, les vertkbres subissant les contrain- tes de tension, torsion et compression engendrkes par l'action des muscles moteurs de la queue qui s'inskrent sur elles (Slijper 1962).

Dans la mesure oh, sous I'effet de la pousske d' Archimkde, le squelette des dauphins n'a pas de rdle porteur, la rkduction im- portante de la masse osseuse dans les territoires mkcaniquement moins actifs que la colonne vertkbrale kvoque le cas plus gknCral des rCactions pathologiques du squelette des Mammifkres aux conditions de fonctionnement ou de gravitation anormales. Chez les mammifkres terrestres, une immobilisation totale et prdongCe (sujets alitks ou portions du corps immobilis6es par un pliitre) provoque une perte de masse osseuse atteignant jusqu'a 50% et caractkriske par la rkduction de l'kpaisseur des travCes et des corticales, sans modification notable de leur charge minkrale (ostkoporose d'immobilisation : Minaire et al. 1975, Uhthoff et Jaworski 1978). L'ostkoporose d'immobiiisa-

tion semble due a l'augmentation sClective de la rksorption osseuse, sous-pkriostique chez les jeunes (Uhthoff et Jaworski 1978), endostkale chez les spCcimens plus iigks (Jaworski et al. 1980). Les sCjours prolongCs en apesanteur ont Cgalement pour effet de rCduire la masse osseuse en bloquant l'ostkogenese sous-pkriostique, sans modifier l'ostColyse endostkale (Morey et Baylink 1978). La perte de masse osseuse des dauphins pourrait ainsi stre interprktke comme une rkaction d'accomoda- tion individuelle a la vie aquatique, et non comme un Ctat constitutif du squelette.

Cette hypothese semble toutefois se heurter a trois objections essentielles :

(i) Les donnCes de Felts et Spurrell(1965, 1966) montrent que les particularitks structurales des palettes natatoires des CCtacCs (porositk, absence de corticales et faible densitC) sont manifestes des le stade foetal et demeurent inchangkes par la suite. Elles semblent donc dtterminCes gCnCtiquement et non comme une rkaction, apparaissant au cours de la vie post-natale, a un mode particulier de fonctionnement .

(ii) Dans les Ctats d'ostkoporose rkactionnelle des Mammi- Eres, la perte de substance osseuse est principalement engendrk par la rksorption. Or, jusqu'ici, celle-ci n'a Ctk mise en Cvidence que dans des territoires tres restreints du squelette des CCtacCs (p. ex., la mandibule; cf. de BuffrCnil et Collet 1983) et ne semble pas exister ailleurs (selon les observations de Felts et Spurrell1965, 1966). Des donnCes complkmentaires demeurent cependant nkcessaires pour dkterminer l'existence et l'ampleur de la rksorption osseuse dans l'ensemble du squelette des CCtacCs.

(iii) Le groupe des SirCniens, lui aussi totalement adapt6 a la vie marine, ne prCsente pas d'allegement du squelette, mais au contraire un alourdissement considkrable (pachyostose : Nopcsa 1923, Fawcett 1942, Wall 1983). La rCduction de la masse squelettique chez les mammiferes marins n'apparait donc pas comme une consCquence univoque et inkvitable de la vie en milieu aquatique, mais plutdt cornrne une << option >> adaptative particuliere, mise en place au cours de 1'Cvolution des CCtacCs (cf. Felts 1966). La tendance a l'allegement du squelette ne semble d'ailleurs pas originale a cet ordre. Elle se manifeste Cgalement chez plusieurs groupes de reptiles marins fossiles et actuels (tortues, ichtyosaures, notosaures, crocodiles thalatto- suchiens) dont les os des membres sont dkpourvus de corticales compactes et entikrement constituks de tissu spongieux (cf. de Ricqlks 1977). La signification fonctionnelle d'une telle adapta- tion demeure inconnue. 11 semble clair, toutefois, que pour une meme puissance musculaire, l'allkgement du squelette, en rCduisant la masse du corps, augmente les performances motrices des animaux dans l'eau et , tout particulikrement , leurs capacitCs d'accklkration (voir sur ce point Webb et Skadsen 1979).

Remerciements Nous tenons a remercier Monsieur le professeur A. Pompidou,

directeur du Laboratoire d'anatomo-pathologie du Centre hospi- talier universitaire St-Vincent-de-Paul (Paris), pour nous avoir laissC toute libertC de travail, dans son laboratoire, sur l'analy- seur d'images Quantimet 720. Monsieur R. Duguy, conserva- teur de MusCe ockanographique de La Rochelle, ainsi que Mademoiselle A. Colleb, conservatrice-adjointe, ont bien voulu mettre a notre disposition les magnifiques collections ostkologi- ques de dauphins qu'ils ont constitukes; qu'ils trouvent ici l'expression de notre reconnaissance. Enfin, nos remerciements s'adressent aussi a Messieurs J.-P. Gasc et D. Robineau (Museum national d'histoire naturelle, Paris) ainsi qu'a Mon-

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sieur le professeur A. de Ricqlks (UniversitC Paris VII) qui ant JAWORSKI, F. G., M. LISKOVA-KIAR et H. K. UHTHOFF. 1980. Effect attentivement relu et cor r ig~ notre rnanuscrit et nous ant fait of long-term immobilization on the pattern of bone loss in older

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