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Comprendre la « crise » de l’École par l’Histoire et les neurosciences Gabriel Gandolfo Régulièrement, médias et publications dénoncent la crise de confiance envers notre système éducatif. Peut-on l’expliquer à la lueur de son évolu- tion historique et par l’approche neuroscientifique ? U n sondage par Internet réalisé en juillet 2011 par IPSOS / Logica Business Consulting et publié dans le Hors-Série Marianne/l’Histoire de septembre- octobre 2011 montre que deux Français sur trois ne font plus confiance à l’Ecole : 64 % estiment qu’elle fonctionne mal, 54 % qu’elle ne donne pas le goût d’ap- prendre, 60 % qu’elle ne garantit pas l’égalité des chances, 65 % qu’elle ne prépare pas à la vie professionnelle. Ce n’est pas le premier du genre et il ne fait que faire écho à de nombreux autres constats similaires de la presse et des médias (ainsi de l’article « Halte à la faillite du système scolaire » paru dans Femme actuelle le 27 septembre 2004, ou encore du documentaire intitulé « L’école à bout de souffle » et diffusé le 10 janvier 2012 sur France 5) ou des auteurs de livres (par exemple Marc le Bris en 2004 chez Stock : Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter ! ou Jean-Paul Brighelli en 2005 chez Gawsewitch : La Fabrique du crétin : la mort programmée de l’école). Comment en est-on arrivé à un tel désaveu ? Les neurosciences, notamment cognitives qui étudient entre autres les mécanismes cérébraux et psychologiques de l’apprentissage, peuvent- elles apporter un éclairage nouveau sur l’évolution historique du système éducatif fran- çais et de ses méthodes pédagogiques ? C’est cette piste de réflexion qui est proposée ici. Synopsis de l’évolution historique du système éducatif français Fin du V e et VI e siècles Le réseau d’écoles municipales des Romains en Gaule s’effondre avec l’Empire. An 529 : au concile de Vaison, l’Eglise se substitue à l’Etat défaillant avec la créa- tion dans chaque diocèse d’une école rattachée à la cathédrale (mais cela ne fonc- tionnera surtout qu’au nord de la Loire). Biologie Géologie n° 1-2012 135 Éducation et neurosciences Ü Mots clés : école, éducation nationale, pédagogie, apprentissage, cerveau, histoire, sciences cognitives g Gabriel Gandolfo : Maître de Conférences en neurosciences, formateur dans la préparation aux concours du CAPES et de l’Agrégation, Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire de Neurobiologie et Psychotraumatologie EA 4321, 28 Av. Valrose 06108 Nice Cedex 2

Comprendre la « crise » de l’École par l’Histoire et les ... · Peut-on l’expliquer à la lueur de son évolu- ... Comment en est-on arrivé à un tel désaveu ? Les neurosciences,

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Comprendre la « crise » de l’Écolepar l’Histoire et les neurosciences

Gabriel Gandolfo

Régulièrement, médias et publications dénoncent la crise de confianceenvers notre système éducatif. Peut-on l’expliquer à la lueur de son évolu-tion historique et par l’approche neuroscientifique ?

Un sondage par Internet réalisé en juillet 2011 par IPSOS / Logica BusinessConsulting et publié dans le Hors-Série Marianne/l’Histoire de septembre-octobre 2011 montre que deux Français sur trois ne font plus confiance à

l’Ecole : 64 % estiment qu’elle fonctionne mal, 54 % qu’elle ne donne pas le goût d’ap-prendre, 60 % qu’elle ne garantit pas l’égalité des chances, 65 % qu’elle ne prépare pasà la vie professionnelle. Ce n’est pas le premier du genre et il ne fait que faire écho à denombreux autres constats similaires de la presse et des médias (ainsi de l’article « Halteà la faillite du système scolaire » paru dans Femme actuelle le 27 septembre 2004, ouencore du documentaire intitulé « L’école à bout de souffle » et diffusé le 10 janvier2012 sur France 5) ou des auteurs de livres (par exemple Marc le Bris en 2004 chezStock : Et vos enfants ne sauront pas lire… ni compter ! ou Jean-Paul Brighelli en 2005chez Gawsewitch : La Fabrique du crétin : la mort programmée de l’école). Commenten est-on arrivé à un tel désaveu ? Les neurosciences, notamment cognitives qui étudiententre autres les mécanismes cérébraux et psychologiques de l’apprentissage, peuvent-elles apporter un éclairage nouveau sur l’évolution historique du système éducatif fran-çais et de ses méthodes pédagogiques ? C’est cette piste de réflexion qui est proposée ici.

Synopsis de l’évolution historique du système éducatif françaisFin du Ve et VIe siècles Le réseau d’écoles municipales des Romains en Gaule s’effondre avec l’Empire.

An 529 : au concile de Vaison, l’Eglise se substitue à l’Etat défaillant avec la créa-tion dans chaque diocèse d’une école rattachée à la cathédrale (mais cela ne fonc-tionnera surtout qu’au nord de la Loire).

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Éducation et neurosciences

Ü Mots clés : école, éducation nationale, pédagogie, apprentissage, cerveau, histoire, sciencescognitives

g Gabriel Gandolfo : Maître de Conférences en neurosciences, formateur dans la préparation auxconcours du CAPES et de l’Agrégation, Université de Nice-Sophia Antipolis, Laboratoire deNeurobiologie et Psychotraumatologie EA 4321, 28 Av. Valrose 06108 Nice Cedex 2

VIIe siècle Les monastères s’équipent de bibliothèques et d’ateliers d’apprentissage de la

lecture et de copie de manuscrits.

IXe siècleCharlemagne renforce le réseau existant des écoles formant presque exclusive-

ment clercs et religieux.

XIe et XIIe siècles Le monachisme, plus ascétique, se détourne de l’activité scolaire ; l’école urbai-

ne devient souvent privée (payante) avec des maîtres (laïcs parfois) ayant reçu parl’évêque la licence d’enseigner (licentia docendi).

XIIIe et XIVe siècles Création de plusieurs types d’établissements éducatifs– les petites écoles où officient soit des clercs contrôlés par l’Eglise, soit des

laïcs payés (voire logés) par les municipalités.– les studia des nouveaux ordres religieux (Dominicains, Franciscains, Carmes,

Augustins) dispensant une solide formation littéraire, philosophique et théologique.– les universités, corporations autonomes regroupant maîtres et élèves sachant

lire, écrire et des rudiments de latin. Elles se spécialisent : Paris (la première fondéeen France vers 1205-1210) dans les « arts libéraux » (grammaire latine, logique,philosophie), Montpellier dans la médecine, Orléans et Toulouse dans le droit(canon et civil). Y sont intégrés des collèges (qui s’en sépareront au XVIe siècle) : lecollège de la Sorbonne (fondé en 1257) pour 30 étudiants en théologie ; le collègede Navarre (1305) pour 70 étudiants en grammaire, philosophie et théologie, etc.Les diplômes délivrés, dont le baccalauréat, sont prestigieux et assurent les car-rières libérales (médecins, avocats), celles dans l’Eglise ou au service des princes,concurrençant ainsi les élites nobiliaires. La mobilité scolaire est favorisée.

XVIe et XVIIe siècles Extension du système éducatif– des collèges jésuites (le premier s’ouvre en 1556 en Auvergne) : en 1599, leur

Règle des Etudes (Ratio studiorum) codifie programmes et méthodes et fonde lapédagogie : scolarité avec grammaire, humanités (retour aux textes de l’Antiquité),dialectique et rhétorique (pour développer l’esprit critique), philosophie (qui com-prend alors les sciences, dont les mathématiques) ; abandon des châtiments corpo-rels au profit du titre envié de décurion pour l’élève le plus méritant qui prend pla-ce au côté du maître (ce titre est remis en question chaque mois) ; en fin d’année,

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distribution solennelle des prix et représentations théâtrales pour développer la maî-trise du corps et du langage. C’est ainsi du collège jésuite de La Flèche (fondé en1600) que « sortira » René Descartes.

– des écoles huguenotes : Calvin veut dans chaque communauté réformée lacréation d’une école où le maître devient l’auxiliaire du pasteur. Le théologien pro-testant morave Comenius (Jan Amos Komensky : 1592-1670) invente le premierlivre scolaire illustré : Le monde sensible en images (1653) sera régulièrementréédité jusqu’en… 1845 !

– Saint Pierre-Fourier et Alix Le Clerc fondent en 1597 la congrégation deNotre-Dame destinée à l’instruction des jeunes filles pauvres. Jean-Baptiste de LaSalle fonde à son tour en 1683, l’Institut des Frères des Ecoles chrétiennes pour ins-truire les garçons pauvres.

– Face à une scolarité essentiellement masculine, Mme de Maintenon et LouisXIV fondent en 1686 à Saint-Cyr une maison d’éducation pour jeunes filles noblessans fortune, bientôt imités par des congrégations féminines.

XVIIIe sièclePolémique sur l’extension de l’instruction élémentaire aux classes populaires– ceux qui sont contre : Rousseau (« N’instruisez pas l’enfant du villageois, car

il ne lui convient pas d’être instruit », 1762) et Voltaire (« Il me paraît essentiel qu’ily ait des gueux ignorants », 1766).

– ceux qui sont pour : Diderot (« Instruire une nation, c’est aussi la civiliser »,1775) et Condorcet (« Établir entre les citoyens une égalité de fait… tel doit être lepremier but d’une instruction nationale », 1792). C’est d’ailleurs dans son Rapportsur l’instruction publique (1792) que ce dernier prône un enseignement laïque, gra-tuit, non obligatoire, avec sélection des élèves au mérite et continuité du cursus sco-laire sur 5 degrés : primaire (de 9 à 13 ans), secondaire (de 13 à 16 ans), instituts (de16 à 21 ans), lycées (à partir de 21 ans) et société des sciences (sorte d’académiecouronnant le tout).

XIXe siècle Les lois s’accumulent.

– loi du 10 mai 1806 : sous le nom d’Université impériale, Napoléon crée uncorps exclusivement chargé de l’enseignement et de l’éducation publics, mais enco-re largement confiés à des religieux. Sont aussi créés une administration centralisée,un « conseil supérieur » (future inspection générale), des administrations acadé-miques avec recteurs et inspecteurs, la « collation » (règles de l’attribution des titresuniversitaires), les grades d’enseignants et les trois ordres d’enseignement (primai-re, secondaire et supérieur) : l’Education Nationale venait d’être inventée.

– en 1808 : remise à l’honneur du baccalauréat et de l’agrégation (créée en 1766,

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elle avait été emportée par la tourmente révolutionnaire).– la loi Guizot du 28 juin 1833 institue la liberté de l’enseignement primaire

(ouverture d’écoles privées) et impose dans chaque commune une école primaire degarçons et dans chaque département une école normale primaire (les premièresayant été créées par l’Empire, mais en très petit nombre) pour la formation desmaîtres.

– la loi Pelet du 23 juillet 1836 impose à son tour une école primaire de filles.– l’ordonnance du 22 décembre 1837 officialise la création des salles d’asile

(futures crèches-garderies et maternelles) pour les enfants de 2 à 6 ans (la premièreayant été ouverte en 1826 à Paris par des dames d’œuvres).

– la loi Falloux du 15 mars 1850 reconnaît deux espèces d’écoles primaires etsecondaires : publiques (celles des communes, des départements et de l’Etat) et pri-vées (celles des particuliers et des associations).

– la loi Duruy du 10 avril 1867 organise l’enseignement primaire féminin, encou-rage les cours pour adultes, assure la gratuité de l’accès aux élèves impécunieux.

– la loi du 12 juillet 1875 organise la liberté de l’enseignement supérieur avec lesfacultés libres ouvertes par quiconque est âgé de 25 ans au moins et… sans titre uni-versitaire requis !

– la loi Paul Bert du 9 août 1879 rend les écoles normales de garçons et de fillesobligatoires dans chaque département (elles seront remplacées en 1989 par lesIUFM).

– la loi Camille Sée du 21 décembre 1880 développe l’enseignement secondairepour les jeunes filles (création de collèges et de lycées spécifiques).

– les lois Ferry (de février 1880 à décembre 1882) : laïcisation du Conseil supé-rieur de l’Instruction publique et de l’enseignement supérieur public, avec la sup-pression des jurys mixtes créés en 1875 et formés de laïcs et de clercs ; organisationnationale du certificat d’études pour récompenser les meilleurs élèves de l’écolelaïque (créé en 1834 mais inégalement répandu, ce diplôme sera supprimé définiti-vement par le décret du 28 août 1989) ; création des Écoles normales supérieures(ENS) de jeunes filles et de garçons pour former les professeurs des écoles normalesd’instituteurs ; fondation des écoles manuelles publiques d’apprentissage ; organi-sation des écoles maternelles et des classes enfantines ; l’enseignement primairedevient gratuit pour tous (16 juin 1881), donc obligatoire jusqu’à 13 ans et laïque(28 mars 1882) pour séparer les « croyances » des « connaissances ».

– la loi Goblet du 30 octobre 1886 impose le remplacement progressif de tous les ensei-gnants publics congréganistes par des laïcs, ce qui aboutira à la loi du 7 juillet 1904 lesinterdisant définitivement (ils seront cependant tolérés dans les écoles privées).

XXe siècleLes lois sont de plus en plus nombreuses (la liste n’est pas exhaustive !).

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– la loi Astier du 25 juillet 1919 structure la filière technique (des écoles pra-tiques de commerce et d’industrie fonctionnaient déjà depuis 1887) et sera suivie en1925 par l’institution de la taxe d’apprentissage. Leur objectif était de combattre(déjà !) la crise de l’apprentissage traditionnel par des cours professionnels rendusobligatoires pendant le temps de travail et de former ainsi une élite ouvrière.

– la loi Jean Zay du 9 août 1936 prolonge la scolarité obligatoire de 13 à 14 ans.En mars 1937, ce ministre de « l’Education nationale, des Beaux-arts, de laRecherche, de la Jeunesse et des Sports » (telle était sa fonction !) dépose une loi derefonte de l’enseignement basée sur la coordination (les programmes des différentsdegrés devront être compatibles pour permettre en cours d’études le passage éven-tuel d’une section à une autre : décret du 21 mai 1937) et l’orientation au sein desclasses de « sixième d’observation » ne devant pas dépasser 20 à 25 élèves (aprèsdes classes primaires indifférenciées, l’élève est affecté dans l’une des trois filièresdu deuxième degré : enseignement « primaire supérieur » après l’obtention du cer-tificat d’études ; enseignement secondaire ; filière technique). Les instructions de1938, en vue de « développer le sens social » de l’enfant qui doit « devenir l’artisande sa propre éducation », préconisent des « loisirs dirigés » le samedi après-midi(visite de musées, de monuments, d’usines ; se rendre à la campagne, aux spec-tacles…). Ce vaste projet de loi, qui se heurtera à la réticence du Parlement (et nesera donc partiellement traduit dans les faits qu’en 1945), jetait aussi les bases duCNRS, de l’ENA, du Musée de l’Homme et… du Festival de Cannes.

– les lois Marie-Barangé des 21 et 28 septembre 1951 installent le principe desubvention par l’Etat du privé (obtention de bourses d’Etat à la fois pour les élèvesdu public et du privé), entraînant ainsi la création du CNAL (Comité national d’ac-tion laïque) qui s’y oppose. La loi Debré du 31 décembre 1959 instaurera alors uncompromis avec un « contrat simple », peu contraignant mais peu avantageuxfinancièrement, et un « contrat d’association » (de loin le plus adopté) où l’Etatfinance les frais de fonctionnement et de salaires des enseignants des établissementsprivés en échange de leur contrôle. La dernière tentative d’ « harmonisation » desdeux types d’écoles par la loi Savary de 1984 échouera devant la fronde de l’ensei-gnement privé (24 juin 1984). Cet échec d’un grand « service public unifié et laïquede l’Education nationale » aboutira notamment à la querelle autour du voile isla-mique : en octobre 1989, trois élèves sont exclues d’un collège public de Creil ; lacirculaire Jospin du 12 décembre 1989 n’apportant aucune réponse claire (à chaqueétablissement de la trouver !), les conflits vont se multiplier malgré la circulaireBayrou de septembre 1994 excluant « l’éclatement de la nation en communautésséparées » ; la loi du 15 mars 2004, sorte de garde-fou symbolique pour la laïcité,interdira enfin « le port de signes religieux ou de tenues par lesquels les élèvesmanifestent ostensiblement leur appartenance religieuse », ce qui visera aussi bienle voile islamique que la kippa ou une croix de dimension excessive.

– le plan Langevin-Wallon (1947) et les réformes de De Gaulle (de 1959 à 1963)réorganisent l’enseignement pour lutter contre les inégalités sociales que l’écolereproduit, avec notamment la formation de tous les maîtres à la pédagogie et la créa-tion du Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), du Brevet d’éducation profes-sionnelle (BEP) et d’un baccalauréat technique : c’est le début de la « démocratisa-

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tion de la sélection ». La réforme Berthoin (ordonnance du 6 janvier 1959) rend lascolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et un cycle d’observation de deux ans (sixièmeet cinquième) commun à tous dans ses programmes est mis en place ainsi que lescollèges d’enseignement général (CEG) ; la réforme Fouchet-Capelle (décret du 3août 1963) crée les collèges d’enseignement secondaire (CES) et les collèges d’en-seignement technique (CET). La réforme Haby (loi du 11 juillet 1975) instaure enfinpar fusion le collège unique. Mais face au constat d’échec de ce dernier, AlainSavary (circulaire du 1er juillet 1981) instituera les zones d’éducation prioritaires(ZEP), rompant ainsi avec le principe républicain de l’égalité distributive, pour desrésultats pour le moins… inégaux ! On mettra alors en place les réseaux d’aide spé-cialisées aux élèves en difficulté (Rased) par la circulaire du 9 avril 1990 (abrogéeet remplacée par celle du 30 avril 2002, puis celle du 17 juillet 2009 !). La circulai-re Royal du 31 octobre 1997 créera ensuite les réseaux d’éducation prioritaire(REP) avec un dispositif dit ambition réussite qui se propose de faire face aux diffi-cultés scolaires au moyen de Contrats Ambition Réussite (CAR) et de Contratsd’Objectifs Scolaires (COS). On ne cessera ainsi de réformer le collège : du « collè-ge démocratique » (rapport Legrand de décembre 1982) en passant par le « collègeunique mais pas uniforme » (circulaire Bayrou du 8 novembre 1993) jusqu’au « col-lège de l’an 2000 » (réforme Royal du 25 mai 1999) et au « collège républicain »(rapport Joutard du 7 mars 2001 et loi d’orientation Lang du 5 avril 2001), tantôt onmodifiera l’organisation du Brevet des collèges (décret Chevènement du 6 sep-tembre 1985) et on créera les lycées professionnels (loi-programme Chevènementdu 23 décembre 1985) pour relever le niveau de qualification de la main d’œuvre,avec pour objectif 80% d’une classe d’âge atteignant le niveau du bac (loi Jospind’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989), ce qui aura pour effet d’accentuerla croissance des effectifs au collège et au lycée, tantôt on élaborera un « socle com-mun de connaissances » (texte de cadrage Ferry du 16 mars 1995) et on mettra enplace la « bivalence » des professeurs (rapport Fauroux du 20 juin 1996), tantôt onréaffirmera le principe de l’hétérogénéité des classes tout en refusant une orientationprécoce (rapport Dubet du 18 mai 1999) ou on introduira en quatrième « à titreexpérimental » des travaux croisés interdisciplinaires (communication Lang du 5septembre 2000)…

Début du XXIe siècleOn se contentera de citer :

– les réformes et dispositifs pédagogiques : abandon définitif de la méthode glo-bale (qui n’était déjà plus guère utilisée dans les faits) et retour aux méthodes sylla-biques et alphabétiques (circulaire du 3 janvier 2006 et arrêté ministériel du 30 mars2006) ; le « socle commun de connaissances et de compétences » (décret De Robiendu 11 juillet 2006) ; le livret personnel de compétences (décret De Robien du 14 mai2007 et circulaire de mise en œuvre du 18 juin 2010) ; les stages de remise à niveau(note de service Darcos du 1er février 2008) ; le dispositif d’évaluation des acquisdes élèves de CM1 et CM2 (note de service du 13 juillet 2009), etc ;

– la loi Pécresse du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des uni-

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versités (ou loi LRU) instaure l’autonomie dans les domaines budgétaires et de ges-tion des ressources humaines ;

– la réforme Darcos du lycée sur la « nouvelle seconde » (21 octobre 2008) estreportée devant la fronde des lycéens ;

– la circulaire du 7 juillet 2010 institue le programme CLAIR (Collèges etLycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite), qui deviendra en 2011 le pro-gramme ECLAIR (rajouter Ecoles pour E) dont l’objectif est surtout de faire faceaux difficultés « en matière de climat scolaire et de violence » ;

– les réformes du CAPES (rapport Pochard de 2008, mesures transitoires 2009et 2010) sur le concours et le recrutement, celles en 2008 sur ceux des psychologuesscolaires, en 2010 sur le concours de médecine et l’école de kinésithérapie, etc. sontprises dans un climat général de contestation…Quel constat peut-on faire de cet aperçu historique ? Il y a eu à l’évidence une

inflation des lois, notamment au cours de ces dernières décennies ! Or, à force desatisfaire aux egos ministériels ou à la pression exercée par les éditeurs de livresscolaires, à force, par idéologie ou par économie, de trop vouloir réformer un systè-me qui, tout compte fait, avait réussi à former correctement des générations depotaches, à force d’empiler sans cesse des lois sans savoir trancher entre le possibleet le souhaitable, lequel relève le plus souvent de l’utopie de conviction (démocrati-sation, égalité des chances…), à force, par culture du résultat, de fixer pour objectifla réussite pour le plus grand nombre, ce qui entraîne par effet mécanique une mas-sification des cursus et une dévalorisation des diplômes (le cas du baccalauréat est àce titre exemplaire), tout cela a fini par devenir contre-productif : le dysfonctionne-ment du système éducatif, le malaise des enseignants et la perte de crédit auprès del’opinion publique étaient ainsi assurés. En outre, un étrange glissement sémantiques’est opéré par la substitution progressive du mot de réforme à celui de loi pourdevenir en fait un cache-misère masquant les décrues budgétaires, dévaluant lesprojets pédagogiques et décourageant les vocations.

Apprendre à apprendre : l’apport des neurosciencesTout d’abord, apprendre nécessite de mémoriser. La mémoire est constituée par

plusieurs types de registres mémoriels qui, par succession, association et coopéra-tion, forment le processus global de mémorisation (voir Biologie-Géologie, 2-2008,p. 105 à 109). Francis Eustache et Béatrice Desgranges (2010) ont d’ailleurs propo-sé le modèle MNESIS montrant l’organisation et l’aspect constructif et dynamiquede ces différents registres. Les mémoires perceptives, issues des informations sen-sorielles arrivant au cerveau, donnent, par le processus de sémantisation, la mémoi-re sémantique et, par celui de reviviscence, la mémoire épisodique. Un tampon épi-sodique (buffer en anglais), assimilable à la conscience de soi (la conscienceprésentant de multiples facettes : voir Biologie-Géologie, 3-2004, p. 538, doc. 16),permet alors de relier ces dernières à la mémoire de travail, aboutissement desapprentissages procéduraux (perceptivo-verbal, perceptivo-moteur et cognitif). Le

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passage de la mémoire à court terme à une mémoire à long terme, autrement dit la« consolidation mnésique », nécessite des modifications durables de l’activité desneurones : cette « plasticité synaptique » (voir Biologie-Géologie, 2-2005, p. 296 à299) est donc essentielle à l’apprentissage car elle permet de conserver la « trace »d’une information apprise dans un réseau de neurones. Encoder, stocker pour récu-pérer des informations provoquent ainsi des modifications de la structure cérébrale,lesquelles conduisent à l’amélioration de nos performances. Si les souvenirs senso-riels sont les premiers à disparaître alors que les informations sémantiques, doncporteuses de sens, résistent plus longtemps, c’est parce que tout dépend du contextede l’encodage. Par exemple, si vous n’exercez pas la profession de « nez » chez unparfumeur, il vous sera difficile de retenir une nouvelle fragrance, ce qui n’empê-chera pas une odeur « chargée émotionnellement » d’avoir un fort pouvoir évoca-teur : c’est la fameuse madeleine de Proust (voir Biologie-Géologie, 2-2008,p. 103). Le contexte émotionnel de l’encodage est donc d’une importance cardinaledans le processus de mémorisation, car la perception sensorielle revêt toujours undouble aspect : affectif et cognitif (voir Biologie-Géologie, 3-2004, p.530). Selon lacharge affective qu’elle porte, l’information pourra être mémorisée ou pas. Demême, une information déjà encodée et stockée pourra être évoquée ou pas (c’est le« refoulement » si cher aux psychanalystes). Les émotions sont liées au systèmelimbique du cerveau qui opère ainsi une sorte de filtrage des informations devantêtre engrammées ou récupérées en leur conférant une signification particulière.Autrement dit, c’est plus l’aspect qualitatif que quantitatif qui compte, ce que subo-dorait déjà Montaigne dans le chapitre XXV (Livre I) de ses Essais (1580-95) etintitulé De l’institution des enfants quand il écrivait: « ie vouldrois aussi qu’on feustsoingneux de luy choisir un conducteur qui eust plustost la teste bien faicte que bienpleine ». Cette tête bien faite plutôt que bien pleine est une expression qui fera flo-rès, à la nuance près qu’elle ne s’adressait pas à l’origine à l’élève mais à « celui quiconduit les enfants », c’est-à-dire, étymologiquement parlant, au pédagogue. Les émotions limbiques sont par essence inconscientes, mais on peut dire, avec

Antonio Damasio (2010), que la conscience naît des émotions dès lors que le cortexcérébral les perçoit et les transforme en sentiments. Ces derniers sont donc des pro-cessus cognitifs avec changement de l’humeur, de l’état mental qui accompagnel’émotion correspondante (par exemple le sentiment de supériorité et le mépris ou lesentiment de responsabilité et le regret). A côté des émotions basiques (peur, colère,tristesse, dégoût et plaisir), il en existe donc de très haut niveau comme l’esthétique,l’éthique, l’empathie, la conformité sociale et l’estime de soi. Cette dernière, quiforge la personnalité au cours de l’enfance, correspond aux sentiments de compé-tence et d’ignorance, lesquels influent sur la cognition. Des expériences menées en2004 dans l’académie d’Aix-Marseille sur des collégiens sont à cet égard révéla-trices. Le but était de mémoriser une figure géométrique sans signification particu-lière pour la reproduire sous forme graphique. L’expérimentateur annonçait, selonles classes, une épreuve soit de géométrie soit de dessin. Au test annoncé commeétant de géométrie, les élèves ayant un niveau faible dans cette discipline faisaientmoins bien que ceux qui y excellaient, ce qui n’est pas surprenant. En revanche, autest annoncé comme étant de dessin, les performances furent similaires quel que soitle niveau de l’élève en géométrie. Cela montre que l’échec préalable dans les

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épreuves de géométrie avait entraîné une perte de l’estime de soi amenant l’élève àadopter des conduites associées à une baisse de motivation scolaire. Or, la motiva-tion est, avec l’attention et l’inhibition, l’un des trois piliers de l’apprentissage.On peut définir la motivation comme le processus permettant aux récompenses

espérées de guider le comportement. Longtemps, sous l’influence de l’école améri-caine du behaviorisme (voir Biologie-Géologie, 1-2011, p.141 à 145) et de l’expéri-mentation animale avec ses conditionnements à « renforcement positif » (à valeurde récompense) ou « négatif » (à valeur punitive), on a cru que la récompenseconsistait surtout dans la satisfaction de besoins physiologiques primaires comme lafaim ou la soif et la punition à infliger une sanction en général douloureuse qu’il fal-lait dès lors chercher à éviter. En clair, on pouvait faire apprendre par la crainte oule plaisir, puisque la récompense donne aussi du plaisir, même chez un animal quel’on conditionne. Si le plaisir que l’on peut retirer d’une expérience forme un puis-sant moteur pour aller plus avant, autrement dit forge le désir d’apprendre qui faitappel à une démarche volontaire – et le philosophe hollandais Baruch Spinoza(1632-1677) l’avait fort bien compris quand il disait qu’on ne désire pas ce qu’onveut mais qu’on veut ce qu’on désire -, par contre la peur de la punition peut engen-drer un blocage de l’apprentissage et un repli sur soi (voir Biologie-Géologie, 3-2007, p. 500, doc. 3). Semblable blocage peut survenir également au moment de larécupération des informations si l’on n’arrive pas à maîtriser ses émotions, qu’on selaisse « déborder » par elles et qu’elles vont jouer sur le système cérébral d’inhibi-tion de l’action : en milieu scolaire et estudiantin, la crainte non contrôlée de malfaire, la peur d’une sanction, l’angoisse excessive du jugement d’autrui (communé-ment appelée le trac) peuvent ainsi aboutir au « syndrome de la page blanche » àl’écrit et au bégaiement voire au mutisme (« plus rien ne sort ! ») à l’oral. Si les deuxméthodes à renforcement positif ou négatif sont en théorie équivalentes en termesd’efficacité, on est tout de même assuré avec la première d’éviter ainsi tout risquede perturbations dont la seconde n’est pas exempte. C’est sans doute la raison pourlaquelle les Jésuites ont été les premiers à abandonner les châtiments corporels auprofit d’une méthode éducative avec récompenses à la clef (voir le synopsis histo-rique). Est-ce à dire qu’il faille pour autant renoncer à toute sanction justifiée ?Certes point, car il en va de l’autorité de l’enseignant et du respect dû à son encontreainsi que de l’acquisition des valeurs morales (discrétion, sincérité, honnêteté,loyauté, obéissance, respect, politesse…), lesquelles sont affaire d’éducation etimplique aussi et surtout le milieu familial de l’élève. C’est ainsi que dans sonroman pédagogique Emile ou De l’éducation (1762), si Jean-Jacques Rousseau prô-nait une « éducation négative » favorisant le développement spontané (contre lesvices des influences sociales) et celui des sens en laissant agir la nature (éducationpar les choses plutôt que par les livres), s’il avait aboli les punitions, il remplaçaitnéanmoins ces dernières par des sanctions naturelles : par exemple, si Emile casseun carreau de la fenêtre de sa chambre, on ne le gronde pas mais… il aura froid !Aujourd’hui, autorité et respect ont tendance à être souvent remis en cause, maiscette question relève plus du domaine de la sociologie que des neurosciences, carcelles qui s’intéressent à la morale sont encore bien balbutiantes (Journet, 2011). Enfait, ce problème sociétal n’est pas vraiment récent puisque Platon, déjà, avertissaitdans La République : « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire leurs enfants

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(…). Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter ;lorsque les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus rien au-des-sus d’eux, alors, c’est le début de la tyrannie ».Chez l’Homme, la valeur positive de la récompense peut s’étendre à des satis-

factions beaucoup moins primaires, comme la reconnaissance sociale ou le senti-ment d’avoir agi selon ses valeurs morales. Le neuropsychologue MathiasPessiglione (2007) a montré, grâce à l’imagerie cérébrale, le rôle des ganglions dela base (un ensemble de noyaux situés au centre du cerveau) dans le rôle joué par desrécompenses financières au cours d’un apprentissage moteur : ils sont capables dedétecter l’importance de la récompense en jeu et de modifier les aires corticalesmotrices, orientant ainsi le comportement. Comme ces noyaux n’appartiennent pasau système cérébral conscient, cela montre que la motivation peut être subliminale,ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait (Kouider et Dehaene, 2007) qu’il existedeux étapes dans la perception : l’une est non consciente et se limite à des caracté-ristiques élémentaires (forme, taille, couleur par exemple) mais peut comprendreaussi des aspects sémantiques ; l’autre est consciente et concerne principalementl’élaboration des stratégies. La complexité et l’efficacité d’un tel processus biolo-gique avec une représentation cérébrale implicite et explicite se dévoilent notam-ment dans la vision, qui ne mobilise pas moins de la moitié de notre cerveau en lienavec nos fonctions cognitives, mnésiques et émotionnelles (Marendaz, 2009). Lesbons points, les félicitations, les encouragements sous la forme de remise officiellede prix d’excellence et d’accessits ont ainsi toujours favorisé la motivation et l’ap-prentissage à l’école.Le neurobiologiste Jean-Philippe Lachaux (2011) a montré que l’attention ne

pouvait être focalisée que sur un seul objectif. Des mots lus ainsi sans attentionn’activent pas les zones cérébrales du langage (voir Biologie-Géologie, 1-2011,p.122 à 124) et ne seront pas retenus. Mais, c’est surtout le cortex préfrontal (unezone du lobe frontal du cerveau) qui est responsable du contrôle de l’attention : sondysfonctionnement induit d’ailleurs le trouble déficitaire de l’attention (ou TDA),avec un patient dans l’incapacité de se concentrer sur une tâche précise et hautementdistractible. L’attention se trouve en permanence sous la double contrainte desforces distrayantes de l’environnement et de l’habitude et des forces stabilisantes dusystème d’exécution qui dépend de l’efficacité du cortex préfrontal. Quand lecontrôle de ce dernier se relâche sous l’effet d’un déséquilibre des neuromédiateursinduit par la fatigue ou le stress, les automatismes reprennent le dessus et noussommes alors susceptibles d’une plus grande distraction. Se concentrer, être atten-tif, nécessite un effort qui va impliquer d’autres régions cérébrales (cortex temporal,amygdale, etc.) pour construire une représentation personnalisée de niveau cognitifsupérieur. Cet effort de concentration, le cerveau ne peut l’accomplir qu’à un niveauoptimal de vigilance, qui définit un état de conscience claire de soi et du mondeextérieur, permettant une activité mentale bien contrôlée et des conduites comporte-mentales adaptées (voir Biologie-Géologie, 3-2004, p.539, doc. 14). Une telleconcentration peut difficilement être maintenue très longtemps : 45 minutes enmoyenne. Quand on pense à la durée des cours en général ! C’est pour cela que l’as-pect éventuellement ludique d’une leçon, qui favorise et prolonge l’état de concen-

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tration, n’est pas à négliger. C’est pour cela aussi que la répétition, le rabâchage, loind’être des défauts, sont indispensables à une bonne mémorisation et qu’il est essen-tiel d’en étaler les périodes dans le temps : l’apprentissage distribué (avec des tempsde repos séparant les redites d’informations ou les relectures des cours) est ainsiplus efficace qu’un apprentissage massé (sans temps de repos), ce dernier ne per-mettant pas de restructurer ses connaissances surtout quand il y a une grande quan-tité d’informations à mémoriser (Rawson et Kintsch, 2005). On mesure ici toute ladifficulté à mettre en œuvre sur un plan pratique l’emploi du temps idéal. On pour-rait croire alors qu’augmenter artificiellement (par des psychostimulants) le niveaude vigilance favoriserait l’attention et l’apprentissage : rien n’est plus faux, car c’estla contre-performance assurée (voir Biologie-Géologie, 2-2003, p. 369, doc. 7). Aulieu de recourir à un dopage intellectuel bien aléatoire, mieux vaut encore étudieravec régularité, en respectant une bonne hygiène de vie et surtout son sommeil noc-turne, le rôle du sommeil paradoxal dans la mémorisation étant bien connu (voirBiologie-Géologie, 2-2008, p. 109-110). Mais cela dépend surtout des… parentsd’élève !Focaliser son attention revient à écarter tout objectif qui pourrait parasiter la

tâche du moment. Autrement dit, l’inhibition est tout aussi importante dans le cadrede l’apprentissage. Le psychologue et ancien instituteur suisse Jean Piaget (1896-1980) a montré que le développement intellectuel de l’enfant passe par différentsstades cognitifs (voir Biologie-Géologie, 4-2006, p. 748-49 et 752 pour les réfé-rences concernant cet auteur), au cours desquels il adopte des stratégies cognitivespropres à chaque âge : si, pour un âge donné, il utilise une stratégie correspondant àun autre âge mais qu’il préfère, cela peut conduire l’élève à des réponses erronées.Il lui faut donc apprendre à inhiber la stratégie inadéquate pour utiliser celle qui serala plus idoine. L’imagerie cérébrale a permis de mettre en évidence une reconfigu-ration cérébrale (émergence d’un nouveau réseau pariétal et préfrontal dans leszones des fonctions exécutives) chez les enfants opérant un changement adéquat destratégie (Houdé et al., 2011). En clair, il faudrait idéalement des classes avec desélèves de niveau intellectuel équivalent et non pas des classes d’âge : la possibilitéde redoublement, surtout mal vécue par les parents d’élève, offrait peu ou prou unetelle opportunité. Mais si être motivé et attentif, désirer apprendre avec une farouche volonté sont

des conditions nécessaires aux études, elles ne sont néanmoins pas suffisantes si onne tient pas compte de l’environnement socioculturel de l’élève. Il ne pourra guèreprofiter des quelques heures enseignées à l’école si, en dehors de celle-ci, il seretrouve plongé dans un milieu familial ou environnemental intellectuellement etculturellement défavorisé. On pourra toujours objecter l’existence plus ou moinsincertaine de la TV ou d’Internet, mais est-ce que les parents savent vraiment ce queregardent leurs enfants ? Est-ce qu’ils leur demandent par exemple de commenterun livre qu’ils ont lu afin de parfaire leur formation culturelle ? Les citations, sansdoute choquantes aux yeux de certains lecteurs, de Voltaire et de Rousseau, desparangons des Lumières qu’on peut difficilement soupçonner d’antihumanisme, etqui ont été données dans le synopsis historique, l’ont justement été à dessein. Etc’est bien là que réside l’utopie de la « démocratisation de la sélection » ou de

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« l’égalité des chances ». Bien entendu, il y a toujours eu des « élèves issus demilieu défavorisé » pour faire d’excellentes études (et en 32 ans de carrière j’en aiconnu plusieurs qui ont accédé aux études supérieures et ne peux que m’en réjouir!), mais de là à vouloir généraliser cet accès au point d’imposer un quota d’élèvesissus de ZEP aux grandes écoles, au point par exemple de supprimer les épreuves deculture générale pour le concours d’entrée à Sciences-Po afin d’en abaisser leniveau, non seulement c’est témoigner d’un certain mépris envers ces élèves qu’onconforte ainsi dans un sentiment de conformité sociale et une piètre estime de soi(voir plus haut), mais en plus ce genre de « discrimination positive » n’a jamais rienapporté quant à leur taux effectif de réussite à intégrer les grandes écoles : selonl’Observatoire des inégalités (www.inegalites.fr), la part des enfants d’ouvriers estde 2,9% pour l’ENA, de 4,5% pour Sciences-Po et de seulement… 0,51% pourHEC ! Ce qui ne bouleverse pas l’ « endogamie » des formations éducatives desclasses dirigeantes, malgré un désir affiché d’ « ouverture ». Comment peut-ond’ailleurs reprocher au système éducatif de ne pas être égalitaire dans une sociétéqui a historiquement toujours été profondément inégalitaire ? Au demeurant, depuisl’Utopie ou Traité de la meilleure forme de gouvernement (1516) de Thomas More,avec ses castes de literati et de syphograntes, jusqu’au Meilleur des mondes (1932)d’Aldous Huxley où « la population optimale est sur le modèle de l’iceberg : huitneuvièmes au-dessous de la ligne de flottaison, un neuvième au-dessus », l’oligar-chie de classe a toujours existé. Quant à l’abbaye humaniste de Thélème queRabelais décrivit dans La vie très horrificque du grand Gargantua, père dePantagruel (1534), elle demeure largement dans le domaine de l’idéal utopique.Prétendre que l’école doit cesser de reproduire les inégalités sociales n’a donc aucunsens quand de nombreux champs disciplinaires des neurosciences et des scienceshumaines, s’appuyant notamment sur les empreintes génomiques et la mémétique(voir Biologie-Géologie, 2-2008, p.126-127) s’accordent tous sur l’importance car-dinale du milieu ! Le milieu familial a ainsi une influence considérable dans le déve-loppement ontologique de l’enfant (voir Biologie-Géologie, 4-2006, p. 742 à 751).La famille constituait déjà le meilleur milieu éducatif pour le pédagogue suisseJohann Heinrich Pestalozzi (1746-1827), qui, sous l’influence des thèses rous-seauistes, avait fondé une école différenciant les classes sociales et tenant comptedes différents rythmes d’acquisition de chaque enfant, ce qui est aujourd’hui trèsdifficile à mettre en œuvre dans notre système éducatif formateur et… formaté !En ce qui concerne maintenant les acquis fondamentaux que sont la lecture,

l’écriture et le calcul, sujets de préoccupation du ministère de l’Education nationalequi dénonce régulièrement le taux d’élèves ne sachant pas les maîtriser au sortir del’école primaire, tout repose en fait sur la spécialisation fonctionnelle des hémi-sphères cérébraux et une différence dans le traitement de l’information (voirBiologie-Géologie, 3-2004, p.535, doc. 11). L’hémisphère gauche (cerveau digital)traite l’information de manière analytique en la décomposant en ses élémentsconstitutifs dont il analyse successivement les relations (exactement comme lorsquel’élève doit faire une analyse de texte en disant quel est le sujet, le verbe, le com-plément d’objet, etc.). Il est le support d’un raisonnement déductif, lent et hiérar-chisé permettant le langage oral et écrit, la réflexion, la logique et le calcul.L’hémisphère droit (cerveau analogique) traite l’information dans sa globalité sans

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décomposition préalable (traitement holistique). Il est le support d’un raisonnementinductif, rapide et intuitif très utile dans la mémoire spatiale (identification et locali-sation des formes, des objets et des personnes) et émotionnelle (coloration affectivedes expériences vécues, expression non verbale de l’état de son humeur, empathie,intonation de la voix) jouant ainsi sur la créativité, l’imagination, la fantaisie, etc.Bien sûr, les deux hémisphères coopèrent pour satisfaire à des conduites comporte-mentales adaptées. L’étude du développement ontologique de l’enfant montrequ’entre l’âge de 1 et 3 ans celui-ci accède, par son hémisphère droit, à un mode depensée affectif et irrationnel : ne maîtrisant pas encore bien le langage, il mémorisesurtout des émotions. Ce n’est qu’à partir au moins de 3 ans que l’apport culturelvient se greffer sur l’hémisphère gauche. L’enfant intellectuellement précoce, naguè-re dit surdoué, présente un fonctionnement cérébral plus axé sur son hémisphèredroit, donc plus orienté sur le traitement analogique de l’information et le mode intui-tif de pensée : à l’heure du collège, quand les autres élèves sont confrontés au rai-sonnement déductif, il se sent alors dépassé par un mode de pensée qui ne lui est pascoutumier et peut se retrouver paradoxalement en situation d’échec scolaire.La psycholinguistique et la psychologie développementale ont montré que l’ap-

prentissage de la lecture se déroule en trois phases : la première, qui est dite logo-graphique ou pré-alphabétique, permet la reconnaissance d’un mot sur ses seulsindices visuels ; la deuxième, dite alphabétique, réside dans la prise de conscienceprogressive par stimulation audiovisuelle (par exemple la forme de la lettre A et leson associé) de la correspondance entre les sons de la langue parlée (phonèmes) etleur transcription graphique (graphèmes) ; la troisième phase, orthographique, per-met enfin à l’enfant de se fabriquer un lexique personnel par une procédure photo-graphique (il photographie, il reconnaît et il comprend). Les deux hémisphères céré-braux sont sollicités dans la lecture de mots à mémoriser : les indices graphiques(typographie, forme, longueur) relevant d’une perception spatiale sont traités parl’hémisphère droit, de même que le codage phonologique qui assure la traduction dumot lu en une séquence de sons correspondants, ce qui explique que l’apprentissageconjoint de la musique peut avoir un effet favorisant sur le traitement des aspectstemporels du langage et sur la remédiation de la dyslexie ; les indices linguistiques(signification, catégorie grammaticale) sont traités par l’hémisphère gauche et, plusspécialement, par le cortex occipital où des réseaux de neurones initialement dédiésà la reconnaissance au cours de la petite enfance des visages et des objets se conver-tissent dans la reconnaissance des mots dès lors que la lecture, en tant que nouvelleactivité, entre en compétition avec les activités plus anciennes de reconnaissance(Dehaene, 2007). Cette zone occipitale projette dans le cortex auditif de l’hémi-sphère gauche où s’effectue le traitement de la parole : le lien entre lecture et paro-le deviendra ainsi si fort que l’apprentissage de la lecture modifiera même le langa-ge parlé. La conscience phonologique, qui se réfère à la bonne maîtrise des sons dulangage, est d’ailleurs l’un des principaux critères de prédiction de l’apprentissagede la lecture. C’est pourquoi la lecture à haute voix constitue une étape indispen-sable. Mais l’hémisphère droit garde tout son aspect émotionnel : l’imagerie médi-cale a ainsi permis de montrer l’activation dominante de l’hémisphère gauche à lalecture d’un texte administratif officiel, décomposable en phrases et mots porteursd’informations, mais celle de l’hémisphère droit quand on lit un poème, qui n’est

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pas destiné à décrire ou à expliquer mais plutôt à susciter des sentiments, desimpressions, des images. La mise en relation de la phonie et de la graphie d’un mot,qui repose donc sur le couplage entre des unités visuelles et leurs correspondantsphonologiques, couplage dont l’automatisation va d’ailleurs assurer la vitesse d’ap-prentissage, cette mise en relation, donc, va permettre l’apprentissage de l’écriturequi est multimodal, c’est-à-dire qu’il fait intervenir plusieurs modalités sensoriellesdans l’association entre la forme du mot et le son correspondant. Edouard Gentaz(2009) a demandé à des enfants de grande section de maternelle à suivre des doigtsle contour d’une lettre en relief (constituant le graphème) à apprendre afin d’enidentifier la forme et le son correspondant (phonème) : après quelques semaines decet apprentissage visuo-haptique (qui lie la vision et le toucher), les élèves lisentdeux fois plus de mots que ceux ayant appris de manière classique par la seulevision du mot et le son qui lui correspond. Le toucher renforcerait donc l’associationforme-son autrement dit les connexions cérébrales entre les représentations ortho-graphiques et phonologiques des lettres. La dyslexie, qui concerne près de 10% dela population française, est une difficulté à identifier les mots écrits, à discriminerles phonèmes et à les transcrire par l’écriture. La cause peut être un déficit visuo-attentionnel, un trouble phonologique ou sensori-moteur avec atteinte des aires dulangage de l’hémisphère gauche ou un dysfonctionnement du cervelet, une structu-re impliquée dans le contrôle des mouvements et la coordination motrice. Se posealors la question de l’efficacité de l’apprentissage numérique à l’heure où Etat etcollectivités territoriales misent sur les nouvelles technologies. Lecture sur écran(Baccino, 2004) et écriture sur clavier (Longcamp et al. 2005) modifient nos façonsd’apprendre à lire et à écrire et pas toujours dans le sens souhaité. La lecture clas-sique, grâce à un codage spatial, permet de mémoriser où se trouve un mot ou unephrase et de le retrouver au besoin, alors que la lecture sur écran avec un texte qu’onpeut faire défiler et la profusion des liens hypertextes peut conduire à une situationde désorientation cognitive dans laquelle le lecteur s’égare dans l’architecture glo-bale du document au point de perdre… l’objectif de sa lecture ! Quant à l’écritureavec un clavier, elle entraîne une mémorisation des caractères bien moins perfor-mante que l’écriture manuscrite. L’usage du clavier reste bien sûr recommandé auxélèves qui, pour des raisons diverses, ont des difficultés à effectuer les mouvementsfins et précis imposés par l’écriture manuscrite.Le sens du toucher, par le biais de la manipulation, intervient aussi dans l’ap-

prentissage du calcul. L’intuition numérique est universelle puisqu’on la retrouvechez les Indiens Mundurucus, une ethnie d’Amazonie sans aucun enseignement demathématiques (Izard et al., 2011). Le sens du nombre ferait aussi partie des prin-cipes généraux du nouveau-né qui vit dans l’abstraction tant que son acuité visuelleet auditive reste limitée. Cette faculté reposerait sur des bases cognitives « issuesd’intuitions fondamentales de l’espace, du temps et du nombre, et que nous avonshéritées d’un lointain passé où elles jouaient un rôle essentiel à notre survie » pré-cise Stanislas Dehaene (2010), qui admet l’existence de « neurones des nombres »qu’il situe dans le cortex préfrontal et le sillon intrapariétal, et dont une anomaliedans leur développement (pour des raisons génétiques ou environnementales) pro-voque une dyscalculie (mauvaise perception des nombres et des quantités), untrouble souvent négligé (il concernerait 5% de la population française) et associé à

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d’autres troubles cognitifs (problèmes d’orientation dans l’espace entre autres).Chez les Mundurucus, tout comme chez l’enfant de moins de 5 ans, il existe uneconception du nombre fondée sur des quantités approximatives (« il y a moins ouplus d’objets dans telle ou telle boîte ») et pas encore exactes. Les concepts géomé-triques élémentaires, présents également chez les Mundurucus, ne sont appréhendéspar l’enfant que vers l’âge de 6 ou 7 ans. La première étape de l’apprentissage sco-laire consiste donc à faire correspondre des quantités précises à des codes symbo-liques représentant les nombres et qui sont variables : mots de la langue française(un, deux, trois, quatre…), chiffres arabes (1, 2, 3, 4…) ou chiffres romains (I, II, III,IV…). Cet apprentissage (en cours préparatoire) est facilité par des manipulationsde petites quantités d’objets (par exemple des billes) qui permettent à la fois de voiret de sentir tactilement ces quantités. L’élève remplacera ensuite les objets par sesdoigts et ce ne sera que progressivement qu’il utilisera les symboles pour parvenirau même résultat. L’apprentissage par cœur des tables de multiplication demeure lastratégie la plus efficace pour résoudre rapidement des opérations de calcul mentalcomme s’il opérait sur de vraies quantités dans le monde réel. En ce qui concerne les méthodes d’apprentissage, s’il en a été une qui fut vili-

pendée c’est bien la méthode globale (dite parfois analytique puis idéo-visuelle dansles années 1980). Décrite à l’origine par un précepteur français du nom de NicolasAdam dans La vraie manière d’apprendre une langue quelconque, vivante ou mor-te, par le moyen de la langue française (1787), elle sera développée par le péda-gogue, médecin et psychologue belge Ovide Decroly (1871-1932) pour aider lesenfants en difficulté d’apprentissage. Le principe est d’apprendre les mots et lesphrases en entier, comme des images, et non par le code de l’écrit : c’est une recon-naissance purement photographique qui ne sollicite ainsi que l’hémisphère droit ducerveau, celui des émotions primaires ; l’hémisphère gauche, donc les capacitésd’analyse et de logique, ne sont impliqués que secondairement, souvent à l’initiati-ve exclusive de l’élève, dans un travail de décodage sémantique par la correspon-dance systématique entre phonèmes et graphèmes. Cette méthode est effectivementadaptée pour les enfants sourds ou pour ceux qui apprennent une langue idéogra-phique comme… le chinois ! L’erreur a été de vouloir la généraliser, StanislasDehaene (2007) montrant qu’elle est carrément incompatible avec l’architecturenaturelle de notre cerveau. La méthode mixte ou semi-globale, qui tente de combi-ner les « avantages » de cette dernière avec ceux des méthodes classiques, a été aus-si violemment critiquée, ses détracteurs l’accusant même de provoquer dyslexie etdysorthographie (voir La Fabrique du crétin par Jean-Paul Brighelli, cité en intro-duction).On est donc revenu aux méthodes traditionnelles. La méthode syllabique (ou

synthétique), qui repose sur les propriétés phonétiques de l’alphabet et favorise ledéveloppement de la conscience phonologique, remonte à la Grèce antique puisqueSocrate la préconisait déjà dans le Ménon et le Théétète. Elle peut être à entréealphabétique (c’est le fameux b-a.ba) et part de la reconnaissance des graphèmes, oubien à entrée phonique, prenant pour point de départ les phonèmes qu’on met enrelation avec les graphèmes et qu’on repère ensuite dans les mots et enfin dans lesphrases.

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Certes, de nombreux pédagogues ont imaginé bien d’autres méthodes, qui sontcentrées soit sur l’élève (puérocentrisme), comme la pédagogie coopérative deCélestin Freinet (1896-1966), le fondateur de l’école qui porte son nom à Vence(Alpes-Maritimes), soit sur les moyens techniques (technocentrisme) avec surtoutl’école américaine du behaviorisme et l’enseignement programmé de BurrhusFrederic Skinner (1904-1990), soit encore sur la communauté sociale (sociocentris-me) avec la pédagogie marxiste (ou soviétique) d’Anton Makarenko (1888-1939).Certains vont tout axer sur la gestion mentale dans une sorte de pédagogie de laréussite avec Antoine de la Garanderie (1920-2010), d’autres sur la pédagogie degroupe avec John Dewey (1859-1952) aux Etats-Unis et Roger Cousinet (1881-1973) en France et leurs techniques d’apprentissage comme le remue-méninges(brain-storming) ou la discussion (panel), voire, plus récemment, sur une pédagogiePNL (Programmation Neuro-Linguistique) qui insiste sur le contrôle kinesthésiqueet cinq outils mentaux (comprendre, mémoriser, réfléchir, prononcer et transférer).La liste est loin d’être exhaustive.Si malaise il y a donc dans notre système éducatif, il ne faudrait pas oublier

cependant qu’il s’inscrit dans un contexte plus large de défiance généralisée quin’épargne aucun grand secteur d’activité de la société et qui a même miné les basesdu mythe du progrès (voir Biologie-Géologie, 2-2011, p. 162 à 165). Dans unesociété redevenue adoratrice du Veau d’Or comme du temps de Moïse, il est bienévident que l’idéologie qu’elle véhicule désormais (glorification de l’argent, réussi-te à tout prix, mise en concurrence de tout un chacun, tyrannie de la performance etde la productivité, culture du résultat) est incompatible avec les valeurs morales cen-sées être transmises par le corps enseignant, lequel ne peut être que discrédité auxyeux de certains qui veulent « consommer » du savoir scolaire comme on se rendraitau grand marché faire ses emplettes… Perte de l’idéal, marchandisation du monde,dérive de l’école républicaine, Charles Péguy s’en alarmait déjà dans son pamphletsur L’Argent (1913), dans lequel, par ailleurs, il forgea une expression qui allaitavoir de l’avenir : « nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs(…) jeunes hussards de la République ». Il s’était inspiré des élèves-maîtres del’école normale d’Orléans qui portait en ce temps un uniforme noir à liseré violet,cherchant à opposer ainsi la qualité des instituteurs aux compromissions des« beaux maîtres de la Sorbonne ». Les hussards noirs de la République formèrentalors les troupes d’une véritable armée républicaine menant un combat acharné pourimposer une école publique et laïque. Puissent leurs modernes descendants affron-ter avec autant de farouche détermination un idéal républicain aujourd’hui bien per-verti !

Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; ellessont des crises de la vie ; (…) quand une société ne peut pas enseigner, c’estqu’elle ne peut pas s’enseigner, c’est qu’elle a honte ; c’est qu’elle a peur des’enseigner elle-même. (…) Une société qui ne s’enseigne pas est une sociétéqui ne s’aime pas, qui ne s’estime pas ; et tel est précisément le cas de lasociété moderne.

Charles Péguy (Pour la rentrée, 1904)

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BibliographieSur l’approche historique

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