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Les Concerts de Monsieur Croche – Deuxième concert Mardi 20 Novembre 2018, à 20 heures 30 SALLE GAVEAU - 45 RUE LA BOÉTIE , 75008 PARIS HENRI BARDA joue CHOPIN Piano Steinway & Sons, Hambourg, de la Maison Régie Piano LOCATION : Salle Gaveau, du lundi au vendredi, de 10 heures à 18 heures et une heure avant le concert, FNAC et points de vente habituels LES CONCERTS DE MONSIEUR CROCHE - MONSIEUR CROCHE & CO. www.concertsdemonsieurcroche.com Tél. + 33 7 69 70 32 51 SAS au capital de 3 000 euros – Siren : 822 950 093 – Siret : 822 950 093 00010 N° TVA Intra : FR 83 822 950 093 – Code NAF : 7022Z - Siège Social : 8 rue Lemercier 75017 PARIS - France PRESSE & RELATIONS PUBLIQUES : JOSÉ PHINE ADJAGBENON 06 32 30 85 66 - josephine@monsieurcroche-

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Les Concerts de Monsieur Croche – Deuxième concertMardi 20 Novembre 2018, à 20 heures 30

SALLE GAVEAU - 45 RUE LA BOÉTIE , 75008 PARIS

HENRI BARDAjoue

CHOPINPiano Steinway & Sons, Hambourg, de la Maison Régie Piano

LOCATION : Salle Gaveau, du lundi au vendredi, de 10 heures à 18 heures et une heure avant le concert, FNAC et points de vente habituels

Sur le site de la Salle Gaveau www.sallegaveau.com - Sur le site www.concertsdemonsieurcroche.com Par téléphone, à la Salle Gaveau : 01 49 53 05 07

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PROGRAMME DU RECITALDU 20 Novembre 2018

Frédéric Chopin ( 1810 - 1849 )Quatre Impromptus

I – Impromptu en la bémol majeur, op. 29 (1837)II - Deuxième Impromptu en fa dièse majeur, op. 36 (1839 )

III - Troisième Impromptu en sol bémol majeur, op. 51 (1842)

IV - Fantaisie-Impromptu, op. posthume 66 (1834 )

Barcarolle ( 1846 ) en fa# majeur op. 60

Sonate n°2 ( 1839 ) en si bémol majeur op. 35

I. Grave - Doppio movimentoII. Scherzo

III. Marche funèbre : Lento IV. Finale : Presto

Entr’acte

Ballade n°1 ( 1831 - 1835 ) en sol mineur Op. 23

Ballade n°4 ( 1842 ) en fa mineur Op. 52

Quatre Mazurkas[ à préciser]

Sonate n°3 en si mineur ( 1844 ) en si mineur Op. 58

I. Allegro maestosoII. Scherzo (molto vivace)

III. LargoIV. Finale. Presto non tanto

Reproduction de l’interview réalisée pour Monsieur Croche

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et publiée sur le site www.concertsdemonsieurcroche.comParis, Juin 2018

‘ Cairo Confidential ‘Un héraut très discret.

Rencontre avec le pianiste Henri Barda

PAR PIERRE BRÉVIGNON

Rendez-vous est pris dans une brasserie de la place du Châtelet, mais il aurait aussi bien pu se dérouler dans la grande salle

lambrissée du Café Riche, au centre du Caire, sous les hauts plafonds où tournent les pales indolentes des ventilateurs.

Difficile de rencontrer Henri Barda, le secret le mieux gardé du piano français, sans s’imaginer dans une scène de roman de

Michael Ondaatje ou de John Le Carré. Même lorsqu’il est présent, il reste insaisissable.

L’artiste est élusif  : de trop rares disques, la plupart primés et épuisés, et une poignée d’apparitions en concert laissent aux

mélomanes un goût de trop peu. Ses années d’apprentissage avec le légendaire Ignaz Tiegerman achèvent de nimber le

personnage d’une aura de mystère.

Au terme de deux heures d’entretien, le voile se sera soulevé – un peu. Si Henri Barda porte haut la mission de faire

entendre la voix - mieux,  la vérité - des compositeurs qu’il aime, il reste à l’image du demi-sourire qui le quitte rarement  :

un héraut très discret. 

Au Café Riche au Caire, aujourd'hui fermé. - Photo : X – DR

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Enfances 

Né au Caire en 1941, Henri Barda a eu plusieurs enfances

entremêlées. Celle d’un enfant né musicien, que ses

parents, musiciens dans l’âme, voyaient avec stupéfaction

jouer du piano avec les deux mains, mélodie et harmonie,

sans avoir jamais rien appris. Celle d’un enfant curieux,

amoureux de la nature qui s’étalait à cette époque dans

une profusion splendide.

« Un mois par an, les eaux du Nil devenaient rouges et

recouvraient champs et jardins. Cette crue millénaire à

jamais disparue m’a laissé au cœur l’empreinte de la

plus grande beauté que j’aie pu contempler. Les

Pyramides se voyaient de partout. La ville avec respect

se tenait encore loin d’elles.  Les autos, encore peu

nombreuses côtoyaient les calèches noires, menées par

un cheval patient et débonnaire, que l’on prenait en

guise de taxi après avoir marchandé. En ce temps

lointain, on n’était pas pressé, et l’odeur du candide

crottin lâché gaiement par l’animal était largement

préférable à ce que nous respirons aujourd’hui. » Enfin,

celle d’un enfant déraciné, arraché par la violence de

l’Histoire à la terre qui l’avait vu naître et grandir jusqu’à

l’âge de seize ans.

La crise du canal de Suez précipite le destin de la famille

Barda, contrainte de quitter l’Égypte pour la France.

« Dans l’avion qui nous menait en exil, tandis que nous

survolions les festons illuminés des plages d’Alexandrie,

ma mère et moi avons éclaté en sanglots.» 

Henri Barda, enfant - Photo : X - DR

La Musique

Plus que son oreille absolue  (« Elle ne fait pas le

musicien, pas plus que distinguer le bleu du rouge ne

conduit à une vocation de peintre »), Henri Barda

considère que sa grande chance est d’avoir la conscience

et la mémoire des intervalles. Elle lui permet de jouer et

d’improviser dans tous les tons et de transposer sans

effort les œuvres qu’il travaille ou qu’il a seulement

entendues sans passer par la partition.

«  Une grande proportion de la population identifie une

musique comme gaie ou triste, mais la musique recèle de

par les intervalles qui séparent les notes et forment

mélodies et harmonies l’éventail des sentiments humains,

même ceux que l’on n’a pas encore éprouvés ni nommés. 

Si l’on est capable de transposer ces harmonies dans

tous les autres tons, c’est bien que ces sentiments existent

dans les intervalles, et non exclusivement dans les notes

de la tonalité originale. Encore que la tonalité apporte

une couleur. »

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Cette familiarité avec les intervalles vient de loin : à en

croire le pianiste, c’est pelotonné dans la chambre

d’échos du ventre de sa mère qu’il a fait connaissance

avec la musique . « N’est-ce pas là ce qu’on appelle la

langue maternelle ? Ma mère chantait merveilleusement

sans y attacher d’importance; mon père jouait du piano,

principalement une petite douzaine de ses compositions

sur lesquelles il revenait en boucle, très belles,

italianisantes à la manière de Chopin, sur lesquelles il

expérimentait de menus changements pour

immanquablement revenir à la version initiale. Le radio

était allumée en permanence, et je suis certain que mon

amour de Piaf ou de Trenet, des tangos argentins et de la

musique grecque date d’avant ma naissance. Le second

concerto de Rachmaninov passait au moins, je le jure,

une fois par jour, certains passages me faisaient pleurer. 

Rachmaninov n’a pas son égal pour parler de la

nostalgie de l’enfance perdue, et c’est un mystère bien

paradoxal qu’un enfant puisse déjà s’en rendre compte.

La musique n’a pas été pour moi une langue apprise.

Voyant mon père jouer du piano, J'ai dû me dire «

Aaaah, c’est ça ! » en identifiant le piano droit comme

l’instrument qui produisait ces sons tintinnabulants et

caverneux. La légende familiale veut que, longeant le

clavier dès que j’ai pu me tenir debout, j’ai égrené une à

une en montant et en descendant les notes de la gamme

chromatique et qu'au bout de quelques montées et

descentes, disait mon père, «  j’avais compris ».

L’essentiel de tout ce qui m’a été utile, je le savais déjà à

trois ans.  J’ai retrouvé une photo de moi assis au

clavier en barboteuse qui témoigne de cette époque-là;

je jouais pour être aimé, pas pour me faire admirer. »

Ignaz Tiegerman - Photo : X – DR

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Éducation musicale 

Pour les parents du petit Henri, qui a maintenant six ans,

la meilleure école s’impose: ce sera le conservatoire

fondé par Ignaz Tiegerman, pianiste polonais installé en

Égypte, élève de Theodor Leschetitsky et Ignaz

Friedman. En écoutant l’enfant jouer de mémoire le

thème principal du Lac des Cygnes, Tiegerman, amusé,

décide de le confier à sa meilleure pédagogue, Sela

Menaszes.

« Je la considère comme ma mère musicale. Quant à

Tiegerman, je l’ai côtoyé presque tous les jours pendant

des années. Ce n’étaient pas des cours à proprement

parler, mais on apprend des choses d’un grand artiste

rien qu’en le regardant vivre et bouger au clavier. Il

m’appelait dans le secrétariat où travaillait ma mère

pour me jouer des pièces, souvent du Chopin. Il adorait

Chopin, qu’il interprétait de façon très fluide, presque

liquide, sans

afféterie ni emphase. Le rubato était là, jamais

ostentatoire. Peu à peu, il en est venu à me faire

travailler lui-même. La dernière année, alors que notre

départ se profilait, il m’a donné une bonne vingtaine de

leçons. Je l’ai revu quelques années plus tard à Kitzbühel

dans le Tyrol autrichien, où il disposait d’un chalet l’été,

joyeuses retrouvailles au cours desquelles nous n’avons

guère quitté le piano. »

Dans les bagages d’exil de la famille Barda, une lettre de

recommandation de Tiegerman pour Lazare-Lévy,

célèbre pédagogue. Ce dernier prendra sous son aile le

jeune garçon dès son arrivée à Paris. Leur relation sera

immédiatement lumineuse et chaleureuse, et le restera

jusqu’à sa disparition en 1964.

Lazare Levy - Photo : X – DR

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« Ma famille a fait escale pendant un an dans un

pavillon à Houilles dans la banlieue parisienne avec

trois autres familles parentes et alliées. Dans chaque

recoin un lit, un entassement dont je conserve un

souvenir ému. Première année en France, premier hiver

enneigé. Puis le groupe s’est dispersé et ma famille a

emménagé au 12 rue Blanche dans le

9e arrondissement. »

Après une longue privation, au cours de laquelle il ne

pouvait travailler que quelques heures par semaine, ici ou

là, Henri peut enfin disposer d’un piano. « Avec Lazare-

Lévy, j’ai  travaillé très sérieusement les Préludes et

Fugues de Bach, les cycles de variations de Brahms,

celles de Fauré, plusieurs sonates de Beethoven, etc. Il

m’a présenté au Conservatoire dans la classe de Joseph

Benvenuti, où j’ai été admis à la troisième tentative.

Encore une merveilleuse rencontre, bien trop brève car

on m’a donné mon Premier Prix au bout de seulement

deux ans. C’est ce grand Monsieur et grand musicien qui

m’a offert mon premier récital public, le 2 décembre

1964, dans la belle salle de l’Ancien Conservatoire, où

avaient lieu les concours de Prix de toutes les disciplines.

Mon programme débutait par deux chorals de Bach-

Busoni, puis les Scènes d’Enfants de Schumann, suivies

de la Sonate Funèbre de Chopin et de la Sonate

n°7 de Prokofiev. Ce programme reflète naïvement ma

fascination déjà ancienne et passionnée pour Horowitz,

car mon père avait acheté quand j’avais huit ou dix ans

des 78 tours de lui qui m’avaient proprement ébahi. »

1964. À Kitzbühel en Autriche : Stefan Askenase, Tiegerman, Barda

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Trois génies

Une bourse va bientôt lui permettre d’approcher l’objet

de sa dévotion. Traversant l’Atlantique, Henri Barda

devient étudiant à la prestigieuse Juilliard School de New

York, où, quatre ans durant, il suit l’enseignement de

Beveridge Webster, un élève de Nadia Boulanger,

parfaitement francophone et spécialiste de Ravel.

L’Amérique vit alors son âge d’or musical et Vladimir

Horowitz brille à son firmament. « Dire que je

l’admirais, le mot est faible. C’était mon phare. Par

timidité et trop de respect je ne suis jamais allé sonner à

sa porte à la 94e rue. Je n’ai pas osé et je le regrette. J’ai

seulement assisté à plusieurs de ses récitals à Carnegie

Hall, la première fois en faisant la queue trois jours et

trois nuits. Horowitz avait tout pour lui: la

sensibilité,  l’imagination, la fantaisie, le feu et la

tendresse, des moyens colossaux, une oreille fabuleuse.

Son génie était éblouissant, bouleversant, éclaboussant.

En lui survivait tout l’héritage des grands musiciens

russes qui étaient encore vivants quand il est né. »

Vladimir Horowitz - Photo X - DR

Dans les couloirs de la Juilliard, Henri Barda croise un

autre génie musical : le compositeur français Olivier

Greif. « Il était plus jeune que moi de neuf ans. Son

talent de compositeur était injustement éclipsé dans sa

jeunesse par sa réputation de déchiffreur phénoménal. Je

l’avais croisé presque enfant au Conservatoire,   je

l’avais entendu à l’ancienne salle Berlioz au cours d’une

audition de la classe de Lucette Descaves. Il avait joué

les Variations sur un thème de Haendel de Brahms avec

une conviction stupéfiante. Je l’avais revu à la Juilliard

School, où, non content d’être disait-on l’assistant de

Luciano Berio, il était devenu je ne sais comment un

familier de Warhol et de Dali.

Plus tard, à Paris, il m’a proposé de jouer avec lui

son Tombeau de Ravel à quatre mains, une fantaisie

étourdissante dans le style du jazz avec une énorme

fugue. Il m’a ensuite confié la création de sa Sonate dans

le goût ancien puis,   avec lui et la soprano Evelyne

Brunner, de la Petite Cantate de chambre, une

commande d’Antoine Livio pour le programme de Noël

de la radio de Lausanne. C’est un spiritual d’une

élévation extraordinaire sur le psaume The Lord is my

Shepherd,  un chef -d’œuvre  absolu.

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CD Archives INA, la "Petite Cantate de chambre"

Il avait vingt-cinq ans. Sa musique ne relevait pas

seulement d’un savoir-faire consommé, qui faisait appel

à de la polymodalité et à des mélismes obsessionnels qui

semblaient venir de la musique noire-américaine, mais

comme seuls les génies savent le faire, il avait ce don de

capter quelque chose qui parle à tous mais auquel bien

peu de gens ont accès, comme s’il puisait des merveilles

inconnues au fond d’un grand lac noir pour les offrir à

ceux qui ne savent pas pêcher. Sa foi en son talent de

compositeur était totale. Il est malheureusement mort

subitement à cinquante ans. J’ai eu la tâche

bouleversante de jouer à deux reprises après sa

disparition son extraordinaire cycle Les Chants de

l’Âme avec sa créatrice la soprano anglaise Jennifer

Smith. Il laisse une œuvre gigantesque, dont une grande

partie n’a pas encore été déchiffrée, et que l’Association

Greif s’active à publier. »

Au hasard des circonstances, l’Amérique va offrir, sans

qu’il s’en doute encore, un terrain de jeu inattendu à

Henri Barda. En 1969, lors de sa dernière année à la

Juilliard School, il assiste, en compagnie de son ami

Georges Pludermacher, de passage, à une représentation

de Dances at a Gathering,  le ballet de Jerome Robbins

sur des pièces de Chopin qui venait d’être créé.

Expérience  bouleversante. « J’en ai pleuré d’émotion.

Certains passages étaient extraordinaires de coïncidence

entre la musique, le scénario et les gestes. » Vingt ans

plus tard, le ballet doit être créé à l’Opéra de Paris et

Robbins ouvre des auditions pour recruter son pianiste.

Henri Barda s’y présente sans y croire vraiment. Le

Maître lui fait jouer des Nocturnes de Chopin, le visage

fermé. « Parfois, il m’arrêtait : « Là il faut que ce soit

plus lent, parce que nous faisons ça et ça », et il

dansait ». Sans un sourire, il finit par lâcher: « Ok. We’ll

work ». C’est le début d’une collaboration orageuse, qui

durera dix ans. 

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Jerome Robbins - Photo X – DR

« Robbins était un homme très exigeant, qui menait la vie

dure à tous ses interprètes. Je ne fis pas exception, bien

au contraire. Il me tortura à plaisir. Habitué à ses

esclaves du New York City Ballet Robbins entendait

m’imposer une musique très droite et très simple sur

laquelle les danseurs seraient en sécurité. Il me disait: «

Les applaudissements ne sont pas pour vous ! »  Mais au

fil des mois de répétitions, j’ai pu recouvrer plus de

liberté, et comme je jouais par cœur, j’avais la possibilité

de varier ma manière de jouer selon ce qui se passait sur

la scène, glissant au bon moment la note sous le

chausson du danseur avec une pelle à pizzas. C’était le

grand luxe. À mesure que la première approchait, le

Maître devenait de plus en plus hystérique, permutant les

danseurs, ajoutant des répétitions… Quelques heures

avant la générale de Dances, il parlait de me remplacer !

Mais j’étais bien là pour la générale, qui l’a rassuré. On

peut la voir, par miracle, sur Youtube.  Quelques

danseurs du New York City Ballet présents dans la salle

lui ayant dit qu’ils n’avaient jamais vu une

représentation pareille, Robbins s’est calmé. Quelque

orageuse qu'ait pu être notre relation de travail,  qui ne

s’est jamais radoucie, j’ai trouvé passionnant de voir

Robbins au travail. Aucun professeur de piano ne fait

reprendre une seule mesure autant de fois qu’il est

nécessaire pour la rendre facile et parfaite. (Je mets à

part ma merveilleuse Madeleine Giraudeau, l’assistante

de mon professeur Joseph Benvenuti au Conservatoire.

Elle savait enseigner à travailler).

Mon rôle avec le ballet était d’être fiable, et

de   baliser la piste d’atterrissage pour que la grâce

puisse descendre et s’y installer. J’ai ainsi créé un à un,

puis tous à la fois, l’intégralité des ballets de Robbins sur

Chopin au Palais Garnier. J’ai même été le seul à les

avoir tous joués, et par cœur, en un seul programme, à

Garnier et à l’étranger, ce qui équivaut à un énorme

récital Chopin. Le seul ballet In the Night  m’a emmené

au Japon, à Moscou, au Brésil, à Hanoï, à Hong-Kong, à

Shanghai, à Barcelone, à New York… Chaque soirée

était différente.  Parfois, je jouais presque comme je le

souhaitais, parfois pas, mais le spectacle restait beau, et

le triomphe était quand-même régulièrement au rendez-

vous. »

Faire carrière

Pendant les dix années que dure l’expérience Robbins, la

carrière de soliste d’Henri Barda accuse une certaine

stagnation. « Ç’aurait été agréable d’avoir une carrière

plus ample, de jouer de nombreuses fois le même

programme,  J’ai le tort de toujours vouloir attendre

d’être prêt, de ne jamais considérer que ce que je fais est

assez bien… »  Conséquence de ces excès de précaution :

peu de concerts. Au Japon, - terre d’élection inattendue, il

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se rend une ou deux fois par an. Il s’y est fait de vrais

amis et semble avoir rencontré un public qui lui est

fidèle.

Disques : 1981, 2008

Son capital discographique est modeste : les

trois Sonates de Chopin (Calliope), fameusement

célébrées à la « Tribune des Critiques » d’Armand

Panigel comme à Varsovie, un récital violon-piano Liszt

avec Jean-Jacques Kantorow primé à Budapest (Arion),

la musique de chambre de Ravel (Calliope), des œuvres

d’Olivier Greif (INA, Triton, Saphir), un live in

Tokyo sorti en 2008 et plébiscité par la presse hexagonale

(Sisyphe). S’y ajoutent quelques vinyles (les trios pour

cor de Brahms et Ligeti, les sonates pour violon et piano

de Saint-Saëns, un Kreisleriana en souffrance) et une

poignée d’enregistrements jamais parus. Il paraît qu’il

n’y est pas toujours pour rien.

« Je ne me fais pas enregistrer chaque fois que je joue

quelque part. Et pourtant, j'adore enregistrer parce que

le disque a une durée de vie plus longue que celle de la

vie humaine.  Et puis, être en studio, faire le montage,

c’est la meilleure façon pour moi d’être moi-même,

d’obtenir un résultat très libre en prélevant ou en

insérant tel ou tel passage, même infime. »         

La grâce  

Que ce soit sur scène ou au disque, Henri Barda cultive

ce que les Italiens nomment sprezzatura et que

Baldassare Castiglione, dans son  Livre du

courtisan (1528), définissait ainsi : « Une certaine

nonchalance qui cache l’artifice et fait apparaître ce

qu’on fait comme venu sans peine et quasiment sans y

penser. »

« Mon but c’est qu’on ne sente jamais les coutures. Je

me reconnais dans ce conseil de Louis Jouvet. « Il ne

faut pas respirer entre les phrases.»   En musique, c’est

la même chose. Il faut enchaîner, et respirer ailleurs. 

Envelopper les idées successives dans un film invisible

qui efface les traces du travail. Les morceaux de

bravoure doivent faire partie du tout. Le seul pianiste

que j’ai regardé jouer de près jusqu’à mes seize ans était

Tiegerman, qui n’était pas un faiseur d’effets. » 

Lorsque tous les éléments se combinent et que les

planètes s’alignent, le concert devient un pur moment de

plénitude. Comme ce soir du 11 février 1982, où les

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Page 13: concertsdemonsieurcroche.com · Web viewS’y ajoutent quelques vinyles (les trios pour cor de Brahms et Ligeti, les sonates pour violon et piano de Saint-Saëns, un Kreisleriana

spectateurs de Pleyel assistent à un Concerto n°1 de

Rachmaninov touché par la grâce.

« Vous l’avez entendu ? C’est pas mal, hein ? Ma chance

c’est que le chef initialement prévu a été remplacé le

jour-même par un génie, Jacek Kasprzyk , que je ne

connaissais pas et qui a ainsi fait ses débuts à Paris. La

qualité de l’écrin qu’il m’a offert, une véritable

symphonie avec piano, m’a certainement aidé à me

lâcher. Je savais que c’était retransmis en direct à la

radio, J’ai donc pu le réentendre Il y a des choses

vraiment très émouvantes là-dedans… C’était un de mes

meilleurs concerts mais pendant que je jouais, je ne

savais pas que c’était aussi bien. J’essayais juste de

sauver ma peau. Finalement c’est quand je ne suis plus

maître de toutes mes décisions que j’ai la chance

d’approcher quelque chose d’indicible, qu’on ne peut ni

décrire ni enseigner. Quelque chose vous tombe dessus,

comme le phare d’une soucoupe volante. On est comme

forcé d’être libre..... Et puis il y a la qualité du silence.

C’est extraordinaire. »

Transmettre

C’est aussi à travers ses élèves que l’art d’Henri Barda

trouve à s’exprimer. En quelque quarante ans, il est passé

du conservatoire de Villeneuve-Saint-Georges où il

enseigne en rentrant des États-Unis (fraîchement diplômé

de la Juilliard School avec une distinction

exceptionnelle), à l’École Normale après avoir tenu une

classe pendant douze ans au CNSM de Paris. Il participe

aussi à des stages d’été aux Arcs, à Vittel, à Biarritz, à

Nancy, il donne des masterclasses au Japon, en Italie, en

Belgique,  participe à l’Académie de musique française

fondée autour de Jean-Philippe Collard. Il s’émerveille

des talents singuliers de la jeune génération : un virtuose

japonais qui lui a joué le « Scarbo » du Gaspard de la

nuit de Ravel « comme personne » («  Mais je lui ai

quand-même donné un conseil qui lui permettra de le

jouer encore mieux, quelque chose que j’ai vu dans la

structure d’un passage mais qui lui avait échappé. Je l’ai

aussi prévenu que cela m’avait valu une tendinite de la

main gauche qui a mis des années à disparaître ! »), le

fantasque Roumain Daniel Ciobanu et la Coréenne Hyun-

Jeung Lim.

En concert au Japon - Photo : X – DR

« On me demande parfois pourquoi j’aime jouer plutôt

avec des tempi allants. Je dis que c’est plus poli, si c’est

tout aussi beau, de faire perdre moins de temps aux

auditeurs. Et j’ajoute parfois : Mon élève Hyun-Jeung

Lim, elle est encore bien plus polie que moi. Elle est hy-

per polie ! » La jeune virtuose quant à elle loue chez son

professeur « son oreille unique, qui lui permet de saisir

la relation intrinsèque et intime qui relie les notes entre

elles, la musicalité dans la distance entre une note et une

autre » et « ce souci qui est le sien de ne pas toucher aux

ADN musicaux innés en chacun » Et de conclure, comme

en écho à Henri Barda parlant d’Horowitz: « C’est un

phare. » 

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La quête

« Je ne suis pas en quête de perfection mais de

vérité. Pour cela, il faut traquer et enlever tout ce qui

n’est pas vrai. Comme expliquait le cinéaste Stanley

Donen très sérieusement : « Si on veut sculpter un lapin,

il faut prendre un bloc de marbre, un ciseau et un

marteau, et enlever tout ce qui n’est pas un lapin. »   

Si je ne suis pas sûr de savoir ce que je veux à la note

près, le moyen d’y arriver est d’éliminer impitoyablement

tout ce que je sais que je ne veux pas.  Je suis passionné

par le texte et je veux l’approcher de façon naturelle,

instinctive. Je vois Chopin en train de composer avec un

crayon et une feuille.  Il va probablement

écrire crescendo. Je le vois réfléchir, son crayon dans sa

bouche. Je m’interpose; Je veux arriver avant que la

mine touche le papier. Je veux lire ce qui dans sa tête

justifie le crescendo. L’agitation ? le rapprochement ?

l’insistance ? Arriver avant le crayon. Essayer de jouer

ce qu’il entendait. « Je suis extrêmement triste de me

croire obligé, quand je travaille une œuvre d’après une

partition, de lutter pour retrouver le naturel qui est le

mien quand j’improvise ou quand je joue dans un autre

ton. »

Les «    indications du compositeur » me semblent

souvent redondantes,  « Fais bien ton crescendo » crient

les bons professeurs de piano. Mais un crescendo n’est

légitime que s’il est porté par sa raison d’être. Les notes

apportent avec elles leur sens, comme cela se passe

lorsqu’on parle. La musique, c’est dire quelque chose,

pas faire de la belle élocution, avoir un beau son, être

dans le style historique, et autres soucis, vrais mais

subalternes. Le meilleur style, c’est de dire le mieux les

choses, et le plus clairement possible. Aux gens qui

entendent bien. Les autres ? je ne sais pas, les autres.

Être bien coiffé ? » 

Henri Barda, futur pianiste ?

« Pour moi, la mort, ce sera d’arrêter de travailler. Je

suis au tout début de ma route, j’ai encore beaucoup à

apprendre. Je ne cherche pas à devenir mieux que moi-

même, mais à retrouver la candeur du petit garçon que

j’ai été. Je ne suis pas loin de m’admettre comme futur

pianiste. »

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