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UNIVERSITE LOUIS PASTEUR
STRASBOURG
THESEPrésentée pour obtenir le grade de Docteurde l'Université Louis Pasteur de Strasbourg
Disciplines : SciencesSpécialités : Psychophysique et Génie Biomédical
par
Valérie FLECHER-MUZET
Conception, réalisation et validation d'unsystème de mesure du champ visuel utile
chez l'homme
Soutenue le 18 novembre 1998 au Centre d'Etudes de Physiologie Appliquée devant laCommission d'Examen constituée par :
G. Abba Rapporteur InterneW.H. Brouwer Rapporteur ExterneA. Chapon Rapporteur ExterneJ. Sahel ExaminateurA. Muzet Directeur de Thèse
2
A mes parents,
avec toute mon affection et ma gratitude
A ma famille,
pour son soutien
A Nicolas, Julien et Jérémie
3
A Monsieur le Professeur Gabriel Abba,
Du laboratoire d'Automatisme GRAVIR de l'ENSPS. Je le remercie d'avoir accepté de
juger ce travail et pour ses précieux conseils, en particulier sur la partie technique de mon
manuscrit.
A Monsieur le Professeur Wiebo Brouwer,
De la faculté de Neuropsychologie de Gröningen aux Pays-Bas. Qu'il soit remercié
d'avoir eu l'obligeance d'examiner ce travail et pour l'honneur qu'il me fait de participer à ce
jury de thèse.
A Monsieur le Docteur André Chapon
Directeur du Laboratoire "Ergonomie Santé Confort" de l'INRETS. Je le remercie
d'avoir accepté de juger ce travail ainsi que pour ses appréciations et ses critiques qui m'ont
permis de le rendre plus complet.
A Monsieur le Professeur José Sahel,
Du laboratoire de Physiopathologie Rétinienne de la Clinique Ophtalmologique de
l'Hôpital Civil de Strasbourg. Qu'il soit vivement remercié de s'être intéressé à ce travail en
tant que spécialiste de l'ophtalmologie.
A Monsieur le Docteur Alain Muzet,
Directeur du Centre d'Etudes de Physiologie Appliquée de Strasbourg. Je le remercie
tout particulièrement de m'avoir accueillie au sein de son laboratoire et de m'avoir ainsi
permis de continuer dans un domaine qui m'est cher, l'utilisation des Techniques de
l'Ingénieur pour mieux comprendre la physiologie humaine et en particulier l'attention
visuelle. Il a toujours été disponible pour me conseiller tout au long de ce travail et en
particulier sur tous les aspects physiologiques.
4
J'adresse également mes remerciements à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin
à mon travail.
A Joceline Rogé qui, dès son arrivée au laboratoire, s'est intéressée à mon dispositif et
m'a permis de le faire évoluer grâce à ses critiques toujours constructives et aux
expérimentations que nous avons réalisées ensemble.
A Roland Eschenlauer et Jeannot Becht qui ont toujours été disponibles pour
m'apporter leur aide, leurs compétences techniques et leur soutien.
A Christophe, Claude, Michèle, Anne, Thierry, Hayet, Magali, Nouroudine et les
autres…, tous ces jeunes du laboratoire qui m'ont soutenue par leur amitié, j'adresse tous
mes remerciements.
Enfin, j'adresse également un grand merci à tous les membres du laboratoire pour leur
accueil et leur disponibilité.
Je remercie également toute ma famille pour son soutien constant tout au long de ces
quatre années ainsi que les deux petits nouveaux, Julien et Jérémie, qui sont deux rayons de
soleil depuis leur arrivée.
Je remercie tout particulièrement Nicolas pour sa disponibilité, son écoute et ses conseils
face aux multiples interrogations et remises en question que ce travail a suscitées.
Je remercie enfin le CNRS et la Région Alsace qui ont rendu possible ce travail en le
cofinançant par l'intermédiaire d'une Bourse de Docteur Ingénieur.
5
5(680(
Le champ visuel utile est constitué par l’espace dans lequel la perception de signaux
visuels périphériques est possible lors de la réalisation d’une tâche principale occupant la vision
centrale. Il est d’une importance pratique quotidienne car il est nécessaire de voir, de
reconnaître et d’identifier une cible ou un objet situé en périphérie. Contrairement aux mesures
de périmétrie classique où le signal à détecter est présenté sur un fond uniforme, dans la
mesure du champ visuel utile la complexité de l’environnement est prise en compte.
Nous avons réalisé un dispositif qui permet de tester l’étendue du champ visuel
périphérique statique et dynamique (jusqu’à 80° d’excentricité). Afin de se rapprocher le plus
possible de la réalité, notre système autorise l’utilisation de paradigmes de tâches complexes et
il propose des tâches centrales qui focalisent le regard et l’attention du sujet. Ce dispositif,
nommé PECVU pour "Poste d’Etude du Champ Visuel Utile", permet également de localiser
les stimuli périphériques détectés et d’établir une cartographie de l’ensemble du champ visuel.
En augmentant la complexité visuelle de la tâche centrale, la dégradation des performances
en périphérie est identique quelle que soit l'excentricité considérée, ce qui est en faveur de la
théorie d'interférence générale.
Deux heures de conduite automobile simulée n'affectent pas la vision périphérique mais
entraînent un allongement des temps de réponse.
La dégradation des performances au cours du temps lors de la réalisation d'une tâche
d'attention soutenue n'est sensible qu'après 30 minutes de test et elle affecte uniquement la
proche périphérie, soit 20° et 30° d'excentricité.
Enfin, nous avons observé une diminution de la taille du champ visuel utile avec l'âge.
Cette dégradation des performances en périphérie liée à l'âge est accentuée lors d'une tâche
d'attention divisée et elle affecte également les performances de localisation des signaux
périphériques.
Mots Clefs : Vision périphérique, Champ visuel utile, Champ fonctionnel de vision,
Vigilance, Attention soutenue, Attention divisée, Vision tunnel, Age,
Complexité de la tâche centrale, Conduite automobile simulée.
Conception, realisation and validation of an apparatus
6
to measure useful field of view in human.
The useful field of view is an evaluation of peripheral visual performance while making a
central task. It is of primary importance in everyday situations because we not only have to
see, but we also have to identify and localise objects situated in the periphery of our vision.
Contrary to ophtalmological evaluation of the visual field, where the signal has to be detected
on an uniform background, in the useful field of view measures the complexity of the visual
environment is taken into account.
We have made an apparatus that tests all the visual field (up to 80°) with a divided
attention task. To focus gaze and attention, different central tasks could be used. The
peripheral signals can be either static or dynamic and it is possible to localise the position of the
detected signals.
Increasing the visual complexity of the central task induced a degradation of performance
in the periphery that was identical at all eccentricities. This phenomenon is in accordance with
the general interference theory.
Two hours of simulated driving did not affect peripheral vision but increased reaction time
in the central task.
With a sustained attention task, the degradation of performance was significant after half
an hour and affected only close periphery (20° and 30° of eccentricity).
Finally, we observed the reduction of the useful field of view with age. This degradation of
peripheral vision due to age increased with a divided attention task and affected only
localisation performance.
Key Words : Peripheral vision, Visual field, Useful field of view, Tunnel vision,
Complexity of the central task, Divided attention, Sustained attention,
Vigilance, Simulated driving, Age.
7
6200$,5(
INTRODUCTION …………………………………………………………………13
PREMIÈRE PARTIE : ÉTUDE THÉORIQUE
A. LA FONCTION VISUELLE
I. Le récepteur visuel...................................................................................................19
1. Anatomie de l’œil.............................................................................................................. 192. Structure histologique de la rétine...................................................................................... 203. Les photorécepteurs de l’œil.............................................................................................. 21
a. Les différents types de récepteurs rétiniens.................................................................... 21b. Leur répartition............................................................................................................. 21
II. Aspects neurophysiologiques..................................................................................22
1. Transmission par le réseau rétinien.................................................................................... 22a. Notion de champs récepteurs......................................................................................... 22b. Antagonisme spatial...................................................................................................... 23c. Le recouvrement et la taille des champs récepteurs........................................................ 23d. Cellules toniques et cellules phasiques.......................................................................... 24
2. Traitement par le cortex ....................................................................................................24a. Transfert des signaux de l’œil au cortex........................................................................ 24b. Codage dans le cortex visuel......................................................................................... 25c. Spécialisation des cellules ............................................................................................. 27d. Le corps calleux et d’autres aires visuelles du cortex..................................................... 29
B. L'ESPACE VISUEL
I. Le champ visuel monoculaire ..................................................................................31
1. Aspects descriptifs et méthodologiques.............................................................................. 31a. Descriptif ...................................................................................................................... 31b. Méthodes de mesure...................................................................................................... 33c. Importance d’une rigueur de mesure du champ visuel.................................................... 35d. Quantification de la mesure........................................................................................... 38
2. Corrélats physiologiques et pathologies ............................................................................. 42a. Effet de l’âge sur le champ visuel .................................................................................. 42b. Les principales pathologies et déficits affectant le champ visuel .................................... 42
3. Champ visuel chromatique et cinétique .............................................................................. 43a. Périmétrie couleur et perception de la couleur .............................................................. 43b. Périmétrie cinétique et perception du mouvement .......................................................... 45
II. L’espace visuel binoculaire : ..................................................................................47
1. Les champs visuels binoculaires statiques.......................................................................... 47a. Descriptif du champ visuel binoculaire tête et yeux fixes ............................................... 47b. Le champ du regard et le champ de vision..................................................................... 48
8
2. Le champ visuel fonctionnel.............................................................................................. 48a. Le lobe visuel ou champ de conspicuité ......................................................................... 49b. Le champ de conspicuité de travail................................................................................ 50c. Le champ de vision utile ................................................................................................ 50
3. Acuité visuelle dynamique et champ de vision dynamique.................................................. 53a. Acuité visuelle dynamique ............................................................................................. 53b. Le champ de vision dynamique...................................................................................... 54
III. Importance de la vision périphérique dans le cas particulier de la conduiteautomobile.............................................................................................................55
1. Champ visuel et conduite automobile................................................................................. 55a. La réglementation ......................................................................................................... 55b. Effet d’une restriction du champ visuel sur la conduite automobile............................... 56
2. Corrélation entre des indices visuels et la fréquence des accidents....................................... 56a. Corrélation entre différents indices ophtalmologiques et la fréquence des accidents..... 56b. Corrélation entre le champ de vision utile et la fréquence des accidents........................ 57
3. Conclusion........................................................................................................................ 59
C. FACTEURS AFFECTANT LA VISION PÉRIPHÉRIQUE ET LE CHAMP VISUEL
UTILE
I. Définition des différents concepts impliqués...........................................................61
1. L’attention........................................................................................................................ 62a. Définition...................................................................................................................... 62b. L’attention visuelle et la métaphore du faisceau attentionnel......................................... 63c. Attention partagée et ressources attentionnelles............................................................ 64d. L’attention soutenue...................................................................................................... 68
2. Les états de vigilance ........................................................................................................ 703. La charge mentale............................................................................................................. 71
a. Définition...................................................................................................................... 71b. Méthodes de mesure de la charge mentale..................................................................... 71
4. Paramètres d’évaluation des performances......................................................................... 74a. Les bonnes réponses, les fausses alarmes…................................................................... 74b. Le temps de réponse...................................................................................................... 74c. La Théorie de Détection du Signal (TDS)...................................................................... 75
II. Nature de la tâche centrale.....................................................................................79
1. Introduction et présentation des différents modèles............................................................. 792. Revue des études de l'environnement périphérique statique................................................. 81
a. Etudes mesurant le champ de vision fonctionnel............................................................ 81b. Mesure des temps de réponses et/ou du nombre de bonnes réponses en proche périphérie
..................................................................................................................................... 83c. Mesures comprenant l’extrême périphérie du champ visuel........................................... 86
3. Revue des études de l'environnement périphérique dynamique............................................ 89a. Mesure de l'excentricité de réponse............................................................................... 89b. Etude de la stratégie d'exploration visuelle de l'environnement routier.......................... 91
4. Conclusion........................................................................................................................ 92
III. Facteurs biologiques..............................................................................................95
1. Effet circadien................................................................................................................... 95a. Définition...................................................................................................................... 95b. Relation entre la température interne et les performances ? .......................................... 96c. Et la vision ? ................................................................................................................. 97
9
2. Effet de l'âge..................................................................................................................... 98a. Sur l’attention visuelle................................................................................................... 98b. Sur le champ visuel utile.............................................................................................. 100c. Importance de l’apprentissage..................................................................................... 104d. Conclusion ..................................................................................................................105
IV. Facteurs de situation ...........................................................................................106
1. Effet de l'ingestion de substances..................................................................................... 106a. Effet de la prise d’alcool ............................................................................................. 106b. Effet des drogues illicites............................................................................................. 108c. Effet des médicaments.................................................................................................. 109
2. Effet de la fatigue............................................................................................................ 111a. Tâche de longue durée : étude des effets temporels (ou durée de la tâche)................... 111b. Privation de sommeil................................................................................................... 114
V. Facteurs environnementaux et combinaisons de facteurs ...................................116
1. Effet de la température.................................................................................................... 116a. Sur les performances................................................................................................... 116b. Sur la vision ................................................................................................................ 118c. Synthèse ...................................................................................................................... 119
2. Effet du bruit, des vibrations ........................................................................................... 120a. Effet du bruit ............................................................................................................... 120b. Effet des vibrations...................................................................................................... 121
3. Combinaison de nuisances et de facteurs de situation ....................................................... 122a. Privation de sommeil et bruit....................................................................................... 122b. Privation de sommeil et chaleur .................................................................................. 123c. Bruit et vibration ......................................................................................................... 123d. Conclusion ..................................................................................................................123
SECONDE PARTIE : DESCRIPTIONDU POSTE D'ÉTUDE DU CHAMP VISUEL UTILE (PECVU)
A. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF PECVU : ASPECTS PHYSIQUES
I. Présentation générale du dispositif........................................................................126
II. Les stimuli périphériques statiques......................................................................128
1. Description des stimuli statiques utilisés.......................................................................... 129a. Placement et connexion ............................................................................................... 129b. Système de commande des LEDs................................................................................. 131c. Fonctionnement des LEDs utilisées.............................................................................. 132
2. Description du système de localisation des stimuli statiques ............................................. 1343. Cartes interfaces situées entre l’ordinateur et les cartes individuelles de chaque LED :...... 134
a. Carte interface située entre l’ordinateur et les lignes: ................................................. 135b. Carte interface entre l’ordinateur et les colonnes:....................................................... 135c. Récapitulatif des cartes réalisées et de leur rôle .......................................................... 136
III. Les stimuli périphériques dynamiques...............................................................138
1. Présentation du système de stimulation mobile................................................................. 138
10
a. La source lumineuse.................................................................................................... 138b. Principe de génération du mouvement du faisceau lumineux........................................ 139c. Modèle géométrique et système de repérage des coordonnées...................................... 140
2. Pilotage des moteurs ....................................................................................................... 141a. Commande et choix des moteurs.................................................................................. 141b. Le principe de fonctionnement :................................................................................... 142
3. Synchronisation de l’ensemble......................................................................................... 144
B. PRÉSENTATION DU PROGRAMME PECVU
I. Configuration, choix des tâches.............................................................................146
1. La tâche centrale............................................................................................................. 146a. La tâche de discrimination lumineuse.......................................................................... 148b. L’horloge de Mackworth ............................................................................................. 149c. La tâche de mémorisation............................................................................................ 150d. La tâche d'identification.............................................................................................. 150
2. La tâche périphérique...................................................................................................... 151a. Stimuli statiques.......................................................................................................... 152b. Stimuli mobiles............................................................................................................ 152c. Localisation du signal................................................................................................. 153
II. Déroulement des tâches sélectionnées ..................................................................154
1. Principes généraux de fonctionnement............................................................................. 154a. Aspects temporels : gestion du temps........................................................................... 154b. Gestion de la manette de réponse :.............................................................................. 154c. Gestion des phototransistors........................................................................................ 155
2. Génération des signaux ................................................................................................... 156a. Pour les tâches centrales............................................................................................. 156b. En vision périphérique ................................................................................................ 156
3. Organisation séquentielle des événements......................................................................... 157a. Tâche de détection du signal et de stimulation périphérique statique........................... 157b. Horloge de Mackworth et stimuli en mouvement.......................................................... 158c. Tâche d'identification de l'expression d'un visage stylisé et localisation de signaux
statiques..................................................................................................................... 1594. Cas particulier de l’apprentissage.................................................................................... 1625. Fichiers de données en sortie........................................................................................... 162
a. Les fichiers de configurations (de type *.cfg) : ............................................................ 163b. Les fichiers de trajectoire du laser .............................................................................. 163c. Les fichiers de données................................................................................................ 163d. Fichiers de visualisation des signaux périphériques perçus......................................... 164
TROISIÈME PARTIE : EXPÉRIMENTATIONS
A. EFFET DE DEUX HEURES DE CONDUITE AUTOMOBILE SIMU LÉE SUR LES
PERFORMANCES VISUELLES
I. Effet d’une privation de sommeil partielle et de deux heures de conduite automobile simulée ................................................................................................170
1. Méthode.......................................................................................................................... 170a. Protocole expérimental................................................................................................ 170b. Présentation du test visuel ........................................................................................... 171
11
c. Présentation des analyses réalisées............................................................................. 1722. Résultats......................................................................................................................... 175
a. Première analyse : comparaison des sessions de l’après-midi..................................... 175b. Deuxième analyse : comparaison des sessions suivant la privation partielle de sommeil
................................................................................................................................... 179
II. Effet propre aux deux heures de conduite automobile simulée...........................182
1. Présentation de l'expérience............................................................................................. 182a. Protocole expérimental................................................................................................ 182b. Test visuel ................................................................................................................... 183c. Présentation des analyses réalisées............................................................................. 183
2. Résultats......................................................................................................................... 1843. Tableaux récapitulatifs.................................................................................................... 1864. Conclusion...................................................................................................................... 186
III. Effet d'un léger inconfort thermique et de deux heures de conduite automobilesimulée………………………………………. ......................................................188
1. Présentation de l'expérience............................................................................................. 188a. Protocole expérimental................................................................................................ 188b. Test visuel ................................................................................................................... 189c. Présentation des analyses réalisées............................................................................. 189
2. Résultats......................................................................................................................... 190a. Première analyse : Effet d'une température légèrement chaude :................................. 190b. Deuxième analyse : Effet d'une température légèrement froide :.................................. 192
3. Tableaux récapitulatifs.................................................................................................... 1934. Conclusions .................................................................................................................... 194
B. EFFET DE L 'ÉVOLUTION DES PERFORMANCES AU COURS DU TEMPS POUR
DEUX NIVEAUX DE COMPLEXITÉ DU TEST VISUEL
1. Méthode.......................................................................................................................... 197a. Protocole expérimental................................................................................................ 197b. Présentation du test visuel ........................................................................................... 197c. Présentation des analyses réalisées............................................................................. 198
2. Résultats......................................................................................................................... 2003. Tableaux récapitulatifs.................................................................................................... 2044. Conclusions .................................................................................................................... 204
C. EFFET DE L 'ÂGE ET DE DEUX NIVEAUX DE COMPLEXITÉ POUR UNE TÂCHE
DE LOCALISATION
1. Méthode.......................................................................................................................... 208a. Protocole expérimental................................................................................................ 208b. Présentation du test visuel ........................................................................................... 208c. Présentation des analyses réalisées............................................................................. 209
2. Résultats......................................................................................................................... 2113. Tableaux récapitulatifs.................................................................................................... 2144. Conclusions .................................................................................................................... 216
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
I. Synthèse expérimentale..........................................................................................220
12
1. Effet de la complexité de la tâche..................................................................................... 220a. Ajout d'une tâche cognitive de comptage ..................................................................... 220b. Modification de la tâche visuelle ................................................................................. 221
2. Facteurs biologiques ....................................................................................................... 221a. Effet circadiens ........................................................................................................... 221b. Effet de l'âge ............................................................................................................... 222
3. Facteurs situationnels...................................................................................................... 223a. Effet de deux heures de conduite automobile simulée................................................... 223b. Effet d'une privation partielle de sommeil.................................................................... 223c. Effets temporels ........................................................................................................... 223
4. Facteurs environnementaux : effet de la température........................................................ 2245. Conclusion et perspectives expérimentales ....................................................................... 225
II. Possibilités du dispositif PECVU .........................................................................227
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………….…….…229
ANNEXES……………..……………………………….…………….………....242
A. Questionnaires…...…………………………………………………………………243
1. Questionnaire de charge mentale : NASA-TLX2. Questionnaires thermiques
B. Systèmes de repérage dans le champ visuel ………………………………...……246
1. Méthode classique de périmétrie2. Méthode de coordonnées quasi-cartésiennes
C. Documentation du périmètre de Gambs…...……………………………………..247
1. Photographie du périmètre de Gambs : le campimètre sphérique à projection2. Tracé des limites théoriques du champ visuel binoculaire pour le stimulus de luminosité D
D. Photographies du circuit individuel LED Phototransistor…...…………………249
E. Photographies du simulateur de conduite PAVCAS…...……………………..…250
13
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14
Le champ visuel utile est constitué de l’espace dans lequel la perception de signaux visuels
périphériques est possible lors de la réalisation d’une tâche principale occupant la vision
centrale. Il est d’une importance pratique quotidienne car il est nécessaire de voir mais aussi, si
possible, de reconnaître et d’identifier une cible ou un objet situé en périphérie. Contrairement
aux mesures de périmétrie classique où le signal à détecter est présenté sur un fond uniforme,
dans la mesure du champ visuel utile, la complexité de l’environnement est à prendre en
compte.
Même si un examen ophtalmologique complet ne révèle aucun problème pathologique,
certaines personnes ont des problèmes de perception visuelle au quotidien. Elles se plaignent
souvent de difficultés lorsqu’elles conduisent, se déplacent ou lorsque des objets apparaissent
de façon soudaine dans leur champ de vision. Dans ce cas, la mesure du champ visuel utile
permet très souvent de révéler et de quantifier les problèmes rencontrés.
De plus, l’utilisation de tâches doubles stimulant simultanément la vision centrale et la
vision périphérique permet de tester l’étendue du champ visuel dans des conditions d'attention
divisée, qui sont plus proches de la réalité. Ces tâches doubles mettent souvent en évidence des
phénomènes qui n’apparaîtraient pas dans des paradigmes de tâches simples. Ainsi, en situation
de conduite automobile, maintenir le cap ne suffit pas, il faut également être capable de
détecter des objets mobiles survenants de façon inopinée à la périphérie du champ visuel.
Très peu d’auteurs se sont intéressés à l’ensemble du champ visuel. Souvent, seules des
excentricités inférieures à 20° sont étudiées et il paraît alors abusif de parler de vision
périphérique pour des valeurs aussi faibles. De ce fait, les fluctuations de performance dans le
champ visuel sont peu connues.
C’est pourquoi, nous avons développé un système qui permet, non seulement de tester
l’étendue du champ visuel périphérique (jusqu’à 80° d’excentricité), mais également d’établir
une cartographie de l’ensemble du champ visuel. Afin de se rapprocher le plus possible de la
réalité, notre système autorise l’utilisation de paradigmes de tâches complexes et propose des
tâches centrales qui focalisent le regard et l’attention du sujet. Comme ce dispositif permet
également de localiser les stimuli périphériques détectés, nous l’avons appelé Poste d’Etude
du Champ Visuel Utile (PECVU).
15
Ce dispositif devrait nous permettre de mieux comprendre comment nous appréhendons
notre environnement, et nous aider à répondre à quelques questions fondamentales. En effet,
l'utilisation de tâches doubles et la mesure du champ visuel utile sont des démarches pertinentes
pour détecter des baisses du niveau de vigilance, l’effet de la prise d’alcool ou encore celui de
l’âge.
Lors de la réalisation d'une tâche d'attention soutenue, y a-t-il une dégradation des
performances au cours du temps selon un effet tunnel lié à la diminution de la taille du champ
visuel, ou une baisse de la sensibilité visuelle identique dans l'ensemble du champ visuel ?
De même, une conduite automobile de longue durée est-elle susceptible d'affecter la
vision périphérique ? Dans l'affirmative, cela aurait des implications en situation de conduite
automobile car il est nécessaire de détecter des signaux périphériques potentiellement
dangereux (piéton, balle….).
Enfin, il serait intéressant d'étudier les effets de l'âge sur un tel dispositif car il permet de
tester simultanément la sensibilité visuelle périphérique, l'attention divisée et les capacités de
localisation de l'information périphérique.
Notre première partie, composée de 3 chapitres, présente les aspects théoriques de cette
étude.
Le chapitre A est constitué par un résumé des connaissances anatomiques et
physiologiques de la vision.
Dans le chapitre B, nous aborderons de façon plus exhaustive l’ensemble de notre espace
visuel. Dans un premier temps nous nous cantonnerons au champ visuel tel qu’il est défini en
ophtalmologie, puis nous présenterons d’autres techniques d’études comme le champ visuel
utile. Ces dernières prennent notamment en compte la présence d’événements en vision
centrale et/ou la complexité de l'environnement quotidien.
Enfin, dans le chapitre C, nous étudierons l’influence de facteurs susceptibles de modifier
la perception visuelle périphérique et le champ visuel utile. Dans un premier temps nous nous
intéresserons à l'influence de la nature de la tâche centrale puis nous présenterons les travaux
relatifs à l'influence de facteurs physiologiques, situationnels et environnementaux.
16
Dans une seconde partie, nous présenterons le dispositif que nous avons réalisé pour
mesurer le champ visuel utile.
Le chapitre A décrit les caractéristiques du Poste d’Etude du Champ Visuel Utile
(PECVU). Nous présenterons la localisation et le système de fonctionnement des stimuli
statiques, puis le système de stimulation mobile.
Le logiciel de commande du dispositif est présenté chapitre B. Après une description des
différentes tâches proposées, nous décrirons le déroulement d'une session expérimentale.
Enfin, dans une troisième partie nous exposerons les premières expériences réalisées avec
le dispositif.
Dans le chapitre A, nous nous intéresserons à l'influence de deux heures de conduite
automobile simulée sur la fatigue visuelle. Les deux heures de conduite seront successivement
combinées à une privation partielle de sommeil et à des environnements thermiques légèrement
inconfortables.
Les effets temporels seront étudiés dans le chapitre B en utilisant une expérience
d'attention soutenue d'une durée d'une heure avec deux niveaux de complexité.
Dans le chapitre C, nous étudierons les effets de l'âge par l'intermédiaire d'une tâche de
localisation de signaux statiques en périphérie et de deux niveaux de complexité pour la tâche
centrale.
17
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18
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Lorsque nous nous déplaçons et/ou lorsque la lumière ambiante varie, la taille, la position,
la forme et la couleur de l’image qu’un objet projette sur notre rétine change. Ainsi, si une
personne se rapproche de nous, nous n’avons pas l’impression qu’elle grandisse bien que sa
projection sur notre rétine augmente. Notre système de vision n’enregistre pas simplement des
images comme une caméra mais il transforme les informations lumineuses transitoires de la
rétine en une construction mentale d’un monde tridimensionnel stable.
Ces considérations font partie des principes de l’école Gestaltiste allemande. L’idée
principale est que la perception visuelle d’un objet crée une figure ou une forme (Gestalt) qui
n’est pas une propriété de l’objet observé mais qui représente l’organisation des sensations du
cerveau. Le système visuel organise l’information selon des axes tels que la forme, la couleur,
la distance et le mouvement, puis il confronte ces informations avec ce qui "devrait être" (selon
notre vécu, notre apprentissage) et construit une représentation de l’objet.
Les neurobiologistes ont mis en évidence la présence de 3 chemins parallèles qui traitent
l’information. L’un est spécialisé dans le mouvement, le second dans la forme et la profondeur
et le troisième dans la couleur. Cette différentiation se fait partiellement dès la rétine et évolue
au cours du traitement de l’information par le cortex. Nous allons dans un premier temps nous
intéresser à l’œil, puis nous suivrons le chemin de l’information visuelle dans le cortex.
19
I. LE RECEPTEUR VISUEL
1. Anatomie de l’œil
L’œil a une forme approximativement sphérique de 25 mm de diamètre chez l'homme.
Il comporte des éléments optiques (cristallin, iris, cornée, humeur aqueuse) destinés à
former l'image et des éléments photosensibles (rétine) qui transforment l'information en
des signaux exploitables par les voies nerveuses (cf. Figure 1).
Figure 1 : Coupe horizontale schématique de l’œil humain (Kowaliski 1990).
Chaque œil est maintenu en place par 6 petits muscles. Ces 6 muscles sont groupés
par paires, les deux muscles de chaque paire agissant en opposition de sorte que l’œil
puisse s’orienter dans l’espace tridimensionnel. Ainsi, les muscles droits internes et
externes permettent les mouvements d’abduction et d’adduction, les muscles droits
supérieurs et inférieurs sont responsables des mouvements verticaux et les grands et petits
obliques permettent les mouvements de torsion du globe oculaire.
La cornée et le cristallin sont l’équivalent de l’objectif d’un appareil photographique.
Le cristallin ajuste la focalisation selon la distance en modifiant sa courbure (il est bombé
lorsque nous regardons un objet proche et plat pour un objet éloigné).
Le diamètre de la pupille est modifié par deux groupes musculaires afin d’ajuster la
lumière qui entre dans l’œil, selon un mécanisme semblable au diaphragme d’un appareil
photographique.
20
Le récepteur sensoriel de la vision est la rétine. C’est elle qui transforme la lumière en
signaux nerveux. Elle comporte, un peu plus haut que l'axe optique, une petite tâche jaune;
la macula et au centre de celle-ci, la fovéa. La papille ou tâche aveugle est située au lieu de
départ du nerf optique.
2. Structure histologique de la rétine
La rétine se compose de plusieurs couches (cf. Figure 2).
Figure 2 : Structure de la rétine humaine (Poggio 1989).
La plus externe est appelée épithélium pigmentaire. Les photorécepteurs sont
directement appliqués contre l'épithélium et sont de deux types : les bâtonnets et les cônes.
La liaison entre ces photorécepteurs et les fibres du nerf optique est assurée par des
cellules neurales à organisation radiale et transversale. La structure radiale est constituée
par la séquence photorécepteur, cellule bipolaire, cellule ganglionnaire. La structure
transversale est constituée par les cellules horizontales au niveau des photorécepteurs et
les cellules amacrines au niveau des cellules ganglionnaires.
21
3. Les photorécepteurs de l’œil
a. Les différents types de récepteurs rétiniens
Les bâtonnets ont une forme allongée et permettent la vision nocturne
(scotopique). La rétine en contient environ 100 millions. Leur sensibilité maximale est
à 496nm.
Les cônes ont une forme conique comme leur nom l'indique et sont au nombre de
6 millions. Ils se répartissent en trois types en fonction de leur sensibilité spectrale. On
distingue :
- les cônes sensibles aux courtes longueurs d'ondes ou bleus : λmax=419,0±3,6nm
- les cônes sensibles aux longueurs d'ondes moyennes ou verts : λmax=530,8±3,5nm
- les cônes sensibles aux longues longueurs d'ondes ou rouges : λmax=558,4±5,2nm.
Ces sensibilités spectrales différentes sont dues à la présence de pigments
spécifiques aux bâtonnets ou à chaque type de cône. Ces pigments se décolorent
rapidement par exposition à la lumière et sont responsables de la transformation du
signal lumineux en un signal bioélectrique.
Le pigment visuel le plus abondant dans la rétine humaine est la rhodopsine (ou
pourpre rétinien) et est contenu uniquement dans les bâtonnets. De même, chaque
type de cône contient un pigment d'absorption spectrale dont le pic correspond
respectivement au rouge, vert et bleu et réagit de façon semblable à la rhodopsine.
b. Leur répartition
Les cônes et les bâtonnets ne sont pas uniformément répartis comme le montre la
Figure 3 ci dessous.
La fovéola est située autour du point d’impact de l’axe visuel et traite 1,5° du
champ visuel. Elle ne contient que des cônes qui sont caractérisés par une forme très
allongée et étroite. Cette zone offre une acuité visuelle maximale qui est due en partie
à la minceur des couches superficielles à ce niveau, mais aussi à un couplage
particulier des neurones. Une cellule bipolaire est reliée à un cône au niveau de la
fovéa centrale et à six cônes environ au niveau de la périfovéa. Des informations de
grande précision sont véhiculées au niveau de la fovéola.
22
Le nombre de cônes diminue rapidement en périphérie. Dans la partie latérale de
la rétine au delà de vingt degrés d'excentricité, les bâtonnets sont de loin
prédominants.
La densité des bâtonnets est nulle dans la fovéola, maximale à 20° d’excentricité
et décroît régulièrement avec l’excentricité.
Figure 3 : Répartition des cônes et des bâtonnets sur la rétine en fonction de l’excentricité densité des bâtonnets - - - densité des cônesBarre noire : point aveugle
Comparaison avec l’acuité visuelle en condition photopique (- ⋅⋅ - ⋅⋅ -) (Buser 1987).
II. ASPECTS NEUROPHYSIOLOGIQUES
1. Transmission par le réseau rétinien
Les cônes et les bâtonnets ont des réseaux de transmission qui leur sont propres mais
qui aboutissent sur les mêmes cellules ganglionnaires. Les axones des cellules
ganglionnaires forment le nerf optique (cf. Figure 2).
a. Notion de champs récepteurs
Le groupement des photorécepteurs se fait en unités fonctionnelles qui délimitent
autant de champs récepteurs (Hubel 1994). Les champs récepteurs centraux sont plus
petits et contiennent moins de cellules réceptrices que les champs récepteurs
périphériques. En périphérie de la rétine, une cellule ganglionnaire peut recevoir les
influx de plus de cinq cents photorécepteurs.
23
b. Antagonisme spatial
A quelques exceptions près, le champ récepteur des cellules ganglionnaires
présente un antagonisme spatial, c'est à dire qu'il est constitué de deux zones
concentriques, sur lesquelles les réponses à un éclair lumineux sont de signe opposé. Il
existe principalement deux types de cellules ganglionnaires : les cellules à centre
excitateur (centre ON) et les cellules à centre inhibiteur (centre OFF) (cf. Figure 4).
Figure 4 : Les 2 principaux type des cellulesganglionnaires. Leur champ récepteurcomporte respectivement un centre excitateur(+) et une périphérie inhibitrice (-) pour lescellules à centre ON et inversement pour lescellules à centre OFF.
La réponse d’une cellule est constituée par une succession de potentiels d’action
dont la fréquence dépend de l’excitation de la cellule. L’excitation d’une cellule
ganglionnaire est maximale lorsque la forme et la taille de la stimulation lumineuse
concorde avec la forme et la taille du champ récepteur.
c. Le recouvrement et la taille des champs récepteurs
Les champs récepteurs de 2 cellules ganglionnaires voisines se recouvrent
presque entièrement. De ce fait, un photorécepteur sera situé dans le centre du champ
récepteur de certaines cellules, et dans la périphérie du champ récepteur d’autres
cellules (cf. Figure 2).
La taille et la conformation des champs récepteurs des cellules ganglionnaires
varient en fonction de leur positionnement dans la rétine. Ainsi, les centres des
champs récepteurs sont petits dans la fovéa où notre acuité est la meilleure et
grossissent progressivement à mesure que la distance à la fovéa augmente et que,
parallèlement notre acuité visuelle diminue.
Ainsi, la taille d’un champ récepteur peut être d’un seul cône dans la fovéola à
des milliers de photorécepteurs (cônes + bâtonnets) en périphérie de la rétine.
+
-
Centre ON
-
+
Centre OFF
24
d. Cellules toniques et cellules phasiques
La réponse de la cellule peut être soutenue ou transitoire, ce qui permet de
distinguer fonctionnellement deux classes de cellules ganglionnaires.
Les cellules phasiques : elles sont sensibles à une variation de stimulation
(allumage ou extinction). Elles ont un grand corps cellulaire, possèdent un grand
champ récepteur à antagonisme centre-pourtour et sont nombreuses à la périphérie de
la rétine. Leur conduction électrique est rapide car leur axone est recouvert de
myéline.
Les cellules toniques qui maintiennent leur réponse durant toute la durée de la
stimulation. Plus petites, à conduction lente, elles ont de petits champs récepteurs à
antagonisme centre-pourtour et sont nombreuses dans la fovéa.
2. Traitement par le cortex
a. Transfert des signaux de l’œil au cortex
Figure 5: Schématisation des voies visuelles dans un cerveau humain (Hubel 1994).
25
Le nerf optique est constitué des axones des cellules ganglionnaires et pénètre
dans la cavité crânienne par le canal optique. Une partie de ces fibres se croisent et
forment le chiasma optique. Ainsi, les fibres issues des demi-rétines gauches se
projettent dans le corps genouillé latéral (CGL) situé dans l’hémisphère gauche ce qui
correspond à l’information provenant de la moitié droite de l’environnement visuel,
car le cristallin inverse l’image rétinienne. De même, la partie gauche du champ visuel
est projetée sur le CGL droit. Le corps genouillé, appelé aussi ganglion géniculé
latéral, est situé dans le thalamus. Il est composé : de 4 couches de petites cellules ou
couches parvocellulaires, recevant les axones de toutes les cellules toniques et de
certaines cellules phasiques, et de 2 couches de grosses cellules ou couches
magnocellulaires ne recevant que les axones des cellules phasiques. Les fibres issues
de l’œil droit et celles issues de l’œil gauche atteignent des couches alternées de
neurones. Au sein de chaque couche, les fibres issues de couches rétiniennes voisines
sont juxtaposées. Peu de changements interviennent dans le CGL; l'antagonisme
spatial est renforcé et l'information spectrale est encore codée sur le mode
antagoniste. Toutes les cellules parvocellulaires ont un antagonisme chromatique.
Toutes les cellules des couches magnocellulaires ont une réponse à large spectre et
sont plutôt aptes à détecter le mouvement et la forme.
Les neurones du CGL envoient leurs axones au cortex visuel primaire1.
b. Codage dans le cortex visuel
Le cortex (écorce) est une couche stratifiée de neurones qui couvre la surface
(replis inclus) des hémisphères cérébraux. Le cortex visuel, situé au pôle occipital du
cerveau, comprend un volume facilement identifiable : le cortex strié. Les axones
provenant du CGL se projettent de façon ordonnée sur le cortex strié. Ainsi, comme
le montre la Figure 6, les informations relatives à deux zones voisines du champ visuel
vont se projeter sur deux zones voisines du cortex strié. En "dépliant" le cortex strié,
on a une cartographie ordonnée de l’information correspondant à un demi champ
visuel. L’information de chaque champ récepteur provenant de l’œil droit étant
alternée avec l’information provenant de l’œil gauche.
1Le cortex visuel primaire également appelé cortex strié et aire 17 est une région du cortex cérébral.
26
Figure 6 : Projection du champ visuel sur le cortex strié (Buser 1987).
Le traitement de chaque zone du champ visuel est réalisé dans une hypercolonne.
Cette hypercolonne comporte des couches distinctes, parallèles à sa surface externe et
des colonnes fonctionnelles prises dans l'épaisseur des couches corticales traitant
l’orientation (cf. Figure 7). Chaque hypercolonne est composée de cellules
appartenant à toutes les couches du cortex strié et assurant un ensemble d'opérations
sur les signaux provenant d'une région particulière de la rétine.
GD
GD
Couchesdu cortexstrié
Hypercolonne
Figure 7 : Schéma de structuration d'une hypercolonne dans le cortex strié du singe.L'hypercolonne est prise dans l'épaisseur des couches du cortex strié (Hubel 1994)
G : côté gauche du champ visuel D : côté droitLes barres représentent l'orientation à laquelle les cellules sont le plus sensibles.
27
Les hypercolonnes sont constituées de trois types de cellules :
- les cellules simples : connectées aux cellules ganglionnaires toniques. Leurs
champs récepteurs sont rectangulaires et ils sont divisés en deux ou trois régions
excitatrices et inhibitrices, séparés par une ou deux droites parallèles. Elles sont
regroupées au sein de chaque colonne selon un accord d'orientation.
- les cellules complexes : connectées aux cellules ganglionnaires phasiques. Elles
n'ont pas de parties inhibitrices et excitatrices mais sont sensibles à l'orientation et aux
stimuli variables dans le temps ou l'espace.
- les cellules hypercomplexes (également nommées cellules à inhibition
terminale): ne comportant pas de parties inhibitrices et excitatrices. Ces cellules sont
sensibles aux stimuli en mouvement, aux barres, aux angles...
c. Spécialisation des cellules
Dés la rétine, les cellules se spécialisent dans le traitement d’un certain type
d’information.
− Au niveau de la rétine et des cellules ganglionnaires du nerf optique
Les deux tiers des cellules toniques présentent un antagonisme spectral : elles
sont appelées cellules chromatiques. En effet, lorsque leur champ récepteur est inondé
de lumière monochromatique, le ganglion a une activité soutenue qui est excitatrice
pour une partie du spectre visuel et inhibitrice pour l'autre. Ces cellules ont un point
neutre à la longueur d'onde qui n'évoque aucune réponse et se divisent en deux
classes:
- Les cellules à antagonisme rouge/vert (R/V) sont les plus nombreuses (environ
46% du total). Le degré d'antagonisme et son équilibre sont fortement influencés par
les conditions d'adaptation chromatique. Leur champ récepteur est concentrique. La
distribution du mécanisme dominant au centre est équilibrée dans la fovéa mais est
plus favorable aux cônes R dans la rétine périphérique.
- Les cellules à antagonisme bleu/long2 (B/L) sont moins nombreuses (environ
6%) et surtout présentes en périphérie. Le mécanisme excitateur est presque toujours
le bleu et le point neutre est à 500nm quelle que soit la localisation rétinienne.
2Ces cellules portent la différence entre l'excitation des cônes B et l'excitation globale des cônes R et V (L=R+V). Elles sont également appelées cellules à antagonisme Bleu/Jaune.
28
Les autres cellules toniques et les cellules phasiques sont plus grandes et ont
une réponse de signe constant à toutes les longueurs d'ondes du spectre. Leur
sensibilité spectrale a une forme proche de la fonction d'efficacité lumineuse spectrale.
− Au niveau du cortex strié:
La majorité des cellules du cortex strié répondent de façon préférentielle aux
bords d'image présentant une orientation donnée. D'autres neurones, sélectifs à la
couleur, forment des îlots chromatiques dont les champs récepteurs, concentriques,
présentent un antagonisme spatial ou un double antagonisme chromatique
(RougeVert/RougeVert ou BleuJaune/BleuJaune). Ce type de cellule est stimulé par un contraste
à la fois spatial et chromatique et non par une lumière blanche ou un éclairement
monochromatique uniforme.
D’autres cellules complexes répondent davantage à un sens du mouvement qu’au
sens opposé. Un modèle de circuit pouvant expliquer ce fonctionnement est
schématisé Figure 8.
Figure 8 : Les cellules du bas sont excitées par les cellules simples situées à leur verticale etinhibées par une autre cellule simple de champ récepteur contigu situé du même côté. Cetteinhibition se fait par l’intermédiaire d’une autre cellule qui retarde l’information. De cefait, un mouvement vers la gauche va donner le temps aux cellules intermédiaires detransmettre l’information et donc inhiber la réponse des cellules du bas. Dans le cas d’unmouvement vers la droite, l’information de la cellule du bas a déjà été transmise quandarrive l’information de la cellule retard (Hubel 1994).
D’autres cellules vont nous permettre d’évaluer la profondeur et les distances
selon le principe de la stéréoscopie. Ce principe est présenté sur la Figure 9 ci-
dessous.
29
Figure 9 : A gauche: Si un observateur fixe le point P, les 2 images de P se forment sur les2 fovéa F. Quand le point Q est situé à la même distance que P, ses 2 images (Qg et Qd)forment deux points homologues sur les deux rétines.
A droite: Quand Q’ est plus proche de l’observateur que Q, ses 2 images (Q’g etQ’d) sur les rétines sont plus éloignées l’une de l’autre, dans la direction horizontale, quene le sont des point homologues. Si Q’ est plus loin que Q, ses 2 images sont plus proches(Hubel 1994).
Dans le cortex cérébral, il y a donc trois types de cellules sensibles aux positions
relatives des deux images dans les deux rétines. Elles sont spécifiques de la disparité
et nous permettent d’apprécier la profondeur. Un premier type de cellule est activé
lorsque des stimulations atteignent deux points homologues des deux rétines, ce qui
correspond donc aux objets situés à la même distance que le point fixé. Un deuxième
type de cellules répond lorsque le stimulus est plus proche que le point fixe et le
troisième type est activé pour les stimuli plus éloignés. Ces cellules sont situées dans
le cortex strié.
d. Le corps calleux et d’autres aires visuelles du cortex
Le corps calleux est une large bande de fibres myélinisées qui relie les deux
hémisphères cérébraux (cf. Figure 5). Dans le cas particulier de la vision, il a pour
fonction de souder les deux moitiés du champ visuel. Il relie les cellules corticales des
hémisphères opposés qui ont exactement les mêmes propriétés c’est à dire en
respectant toutes leurs spécificités (sens du mouvement, orientation, information
chromatique…).
Le cortex visuel envoie une grande partie de ces informations vers l’aire visuelle
suivante appelée aire 18 ou V2. L’aire 17 (ou V1) se projette de façon ordonnée vers
30
l’aire 18, plan par plan. Puis l’aire 18 se projette vers 3 régions occipitales, de la taille
d’un timbre poste : l’aire Temporale Médiane (MT ou V5), l’aire visuelle 3 (V3) et
l’aire visuelle 4 (V4). L’aire MT est spécialisée dans le traitement du mouvement et
de la vision stéréoscopique tandis que l’aire V4 traite l’information chromatique.
Chacune de ces régions va se projeter vers d’autres aires cérébrales qui vont
éventuellement leur renvoyer des informations. Il y a au moins 20 représentations de
la rétine dans le cortex (Hubel 1994). Certaines de ces représentations sont complètes
(comme dans le cortex strié), d’autres sont partielles. Ainsi, en V1 le champ rétinien
est intégralement reproduit et en V4 seuls 25° sont représentés, tandis que les
propriétés physiologiques des neurones de V4 évoquent directement la vision fovéale.
Dans V5-MT, le champ visuel représenté reste large : 90° (Lecas 1992).
L’information provenant de ces trois chemins neuronaux différents qui traitent
indépendamment la forme, la couleur et le mouvement est recombinée pour nous donner une
perception générale de notre environnement. Le lien entre ces différents paramètres nécessite
l’attention (Treisman 1988). Il y a deux processus distincts dans la perception visuelle. Le
premier, appelé processus pré-attentif, est rapide et regarde globalement la scène visuelle. A
ce stade, seule une différence importante d’une caractéristique élémentaire (forme, couleur...)
est détectée. Le second processus d’attention va diriger l’attention sur un objet ou certaines
caractéristiques de l’environnement en mettant l’accent sur notre vécu et nos attentes.
Nous parlerons plus loin des mécanismes d’attention sélective mais dans un premier
temps nous allons nous intéresser à la représentation de l’espace qui nous entoure et plus
particulièrement à notre champ visuel. Dans notre champ visuel périphérique, nous sommes
peu sensibles aux détails, surtout au delà de 20°. Pourtant, c’est la vision périphérique qui
contribue à l’organisation de l’exploration oculaire. En effet, pendant une fixation oculaire,
c’est grâce aux informations prélevées en périphérie que certains points sont sélectionnés par
le regard et d’autres négligés.
31
% /(63$&(9,68(/
Nous allons tout d'abord présenter le champ visuel monoculaire tel qu’il est décrit et
étudié en ophtalmologie. Puis, nous évoquerons les différents concepts utilisés dans l’étude du
champ visuel binoculaire et qui prennent en compte la présence éventuelle d’une activité en
vision centrale et/ou la complexité de l’environnement. En effet, dans notre vie quotidienne
nous réalisons simultanément différentes tâches et la périphérie de notre champ visuel est
soumise à de nombreuses stimulations. Nous devons être capables d’extraire de l’ensemble des
informations disponibles celle qui est importante.
I. LE CHAMP VISUEL MONOCULAIRE
Dans une première partie nous allons faire un descriptif du champ visuel monoculaire puis,
nous présenterons les différents appareils classiquement utilisés en périmétrie. Nous insisterons
ensuite sur l’importance de l’utilisation de méthodes de mesures rigoureuses dans la
détermination du champ visuel. Enfin, nous présenterons les différents paramètres utilisés pour
évaluer quantitativement le champ visuel.
Dans une seconde partie, nous mentionnerons les corrélats physiologiques tels que l’âge et
les principales pathologies du champ visuel.
Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous parlerons de périmétrie couleur puis de
périmétrie cinétique. Comme nous vivons dans un environnement chromatique et mobile, ces
aspects de périmétrie ne sont pas à négliger.
1. Aspects descriptifs et méthodologiques
a. Descriptif
Le champ visuel monoculaire est une représentation graphique topographique de
la sensibilité lumineuse d’un œil stationnaire (cf. Figure 10). Son contour n’est pas
circulaire, en raison de restrictions dues au nez et aux sourcils notamment. De ce fait,
l’étendue du champ visuel nasal est inférieure à l’étendue temporale. La zone de la
32
rétine où est situé le départ du nerf optique ne comporte pas de photorécepteurs. La
zone du champ visuel correspondant n’est pas perçue et est appelée tâche aveugle.
Elle est située à 15° d’excentricité du coté temporal de l’œil. Les limites du champ
visuel dépendent naturellement de la taille et de l’intensité du stimulus utilisé.
Figure 10 : Tracé du champ visuel monoculaire droit (Buser 1987).
- Les limites absolues du champ visuel monoculaire ont été obtenues avec un test
étendu et lumineux par Haas et sont présentées sur le Tableau 1.
Tableau 1 : Limites absolues duchamp visuel monoculaire
(Dubois-Poulsen 1952).
- Le seuil différentiel de luminance ou sensibilité au contraste :
C’est la capacité à distinguer un seuil de luminance entre un stimulus et
l’environnement sur lequel il est présenté. Ainsi les limites du champ visuel peuvent
être déterminées pour différents contrastes entre le stimulus et son environnement. En
général, c’est plutôt la taille du stimulus que l’on modifie.
Localisation Limite
Temporal 91,5°
Nasal 64°
Temporal Inférieur 88°
Central Inférieur 79°
Nasal Inférieur 65°
Temporal Supérieur 77,7°
Central Supérieur 63°
Nasal Supérieur 66,5°
33
Le tracé d'un isoptère consiste à rechercher tous les points du champ visuel ayant
une même sensibilité déterminée, c'est à dire juste encore sensible à un stimulus d'une
certaine intensité et d'une certaine taille.
En représentant les limites du champ visuel sur un plan horizontal (isoptère) et la
taille du stimulus sur un axe vertical on obtient un solide appelé "l’île de vision de
Traquair".
Figure 11 : L’île de vision. La pente est abrupte du coté nasal et est plus douce du coté temporal. La vision centrale est un pic et la tâche aveugle un cratère (Dubois-Poulsen 1952).
b. Méthodes de mesure
− La périmétrie manuelle
Dans le cas de la périmétrie manuelle, l’œil à examiner est placé au centre de
courbure d’un hémisphère, l’autre œil étant caché. L’œil testé fixe une petite cible
située au centre de la coupole tandis que l’examinateur présente un petit stimulus
lumineux rond en différents endroits de la coupole. La visibilité du stimulus est
augmentée en augmentant sa taille, sa luminance ou en se rapprochant du point de
fixation tandis que le sujet signale vocalement ou par un bouton qu’il a perçu le
stimulus.
- Une représentation schématisée du périmètre manuel de Goldmann (1945) est
présentée Figure 12. L’expérimentateur fait varier la luminance et la surface du
34
stimulus mais ne peut contrôler la vitesse de déplacement. Cet appareil est encore très
utilisé aujourd’hui.
Figure 12 : Périmètre de Goldmann (Dubois-Poulsen 1952). a: Vue postérieure b: En coupe
- Le périmètre de Tübingen, mis au point par Harms en 1961 met en œuvre un
test statique dont la luminance est variable.
- Le « visual field analyser » mis au point par Driedmann en 1966 présente les
stimuli par flash ce qui évite une sommation temporelle. Des stimuli multiples sont
présentés, ce qui diminue le temps de l’examen.
− Périmétrie automatique
De nos jours les périmètres sont automatisés et tiennent compte de la réponse du
sujet. Ainsi un stimulus non détecté à une certaine localisation sera présenté une
seconde fois. Ils sont plus fiables, plus rapides et indépendants de l’expérimentateur.
- Le fielmaster est une coupole de 30 cm de diamètre percée de 99 trous, jusqu’à
80° d’excentricité. Chaque trou est éclairé indépendamment par une fibre optique
selon des séquences préétablies. Les réponses du sujet sont enregistrées et la
surveillance de la fixation est automatique.
35
- Le péritest est également une coupole percée de trous. Les stimuli sont 206
LEDs vertes d’intensité réglable (Greve 1979; 1982). Différents programmes de tests
sont proposés. Il permet le contrôle de la fixation oculaire et la mesure du diamètre
pupillaire. Les stimuli non vus sont présentés une seconde fois, ce qui valide la
réponse.
- L’octopus est le périmètre automatique le plus répandu actuellement. Il est
composé d’un ordinateur, comporte plusieurs programmes et contrôle également la
fixation.
De nombreux autres périmètres automatiques existent mais nous n’en
présenterons pas une liste exhaustive ici. Certains comme le Périmétron et l'Analyseur
de Humphrey permettent de combiner périmétrie statique et cinétique, d’autres
s’intéressent à la perception des couleurs....
c. Importance d’une rigueur de mesure du champ visuel
− Niveau d’éclairement et adaptation rétinienne
Les récepteurs rétiniens sont sensibles au niveau d’éclairement de
l’environnement. Un changement d’environnement va modifier la valeur des seuils
absolus des cônes et des bâtonnets.
- L’adaptation à la lumière
En passant d’une pièce sombre à une pièce éclairée, une personne sera éblouie
pendant un court instant puis elle sera à même de voir les objets qui l’entourent.
L’adaptation à la lumière est un processus très rapide d’élévation du seuil de
perception, suivi par une décroissance rapide et une stabilisation progressive (cf.
Figure 13).
- L’adaptation à l’obscurité
Inversement, en passant d’une pièce éclairée à une pièce obscure, une personne
mettra quelques minutes avant de percevoir des objets de faible luminance.
L’adaptation à l’obscurité est un abaissement lent et progressif du seuil en fonction du
temps passé à l’obscurité (cf. Figure 13). Le seuil va décroître rapidement pour
atteindre en 7 min. environ un plateau qui correspond à l’adaptation des cônes. La
couleur du stimulus est perçue. Puis, une seconde baisse s’amorce pour atteindre un
plateau après 20-25 min. Cette phase correspond à l’adaptation des bâtonnets.
36
Figure 13 : gauche : Evolution du seuil d’un stimulus fovéal sur un fond de 5000 trolands droite : Décours temporel en minutes de l’adaptation à l’obscurité (Buser 1987).
La sensibilité visuelle est différente selon l’éclairement du fond ou de l’ambiance
lumineuse de la pièce dans laquelle le test est réalisé. Trois plages de stimulation
lumineuse ont été définies. Les tracés correspondants sont présentés pour le méridien
0-180° (cf. Figure 14).
- Lorsque la luminosité est inférieure à 0,3cd/m², cela correspond à la vision
nocturne ou scotopique. Seuls les bâtonnets sont stimulés et de ce fait, notre vision
est incolore. La courbe de sensibilité différentielle correspondante présente une
dépression centrale due à la faible densité de bâtonnets sur la macula. Le maximum de
sensibilité est à 20° d’excentricité et correspond à la densité maximale des bâtonnets.
Il y a une décroissance avec l’excentricité due à la baisse de densité des bâtonnets et à
l’augmentation de la taille des champs récepteurs en périphérie.
- Lorsque la luminosité est comprise entre 0,3 et 3cd/m², cela correspond à la
vision mésopique. Les bâtonnets et les cônes sont stimulés. De ce fait, la courbe de
sensibilité différentielle est plus régulière et a la forme d’un dôme aplati.
- Lorsque la luminance est supérieure à 3cd/m², on est en condition de vision
diurne ou photopique. La courbe comporte un pic en vision centrale et s’abaisse vers
la périphérie. Ce sont essentiellement les cônes qui interviennent.
37
Figure 14 : La variation de la sensibilité différentielle en fonction de l'excentricité pour les 3 plages d'éclairage du fond (Hubel 1994).
Il faut donc connaître précisément l’ambiance lumineuse du support sur lequel
sera projeté le stimulus à détecter. Quelle que soit l’ambiance lumineuse choisie, il
faut s’assurer que le sujet s’y est adapté. Ainsi, dans des conditions de vision
scotopique le temps d’adaptation est de l’ordre de la demi-heure.
Les conditions d’ambiance lumineuses utilisées en périmétrie varient selon les
appareils:
La plupart des appareils travaillent en condition photopique et emploient une
luminance de 10cd/m². C’est le cas de l’Humphrey Field Analyser et du périmètre de
Goldmann notamment.
Certains se placent en vision mésopique comme le Péritest : Lum=1cd/m² (Greve
1979) et l’Octopus (L=1,27cd/m²) car ils ont constaté que certains types de défauts
du champ visuel ont une plus grande intensité en condition mésopique.
− Caractères physiques quantitatifs du stimulus
De même, comme cela apparaît sur l’île de vision de Traquair (cf. Figure 11), les
caractéristiques du stimulus à détecter doivent êtres connues et constantes d’une
expérience à l’autre. En effet, la taille, la forme et les composantes chromatiques et
lumineuses du stimulus influent sur la perception visuelle. Différents types de stimuli
sont utilisés en périmétrie.
Le stimulus peut être une source lumineuse de taille et d’intensité réglables qui
peut se projeter sur toute la surface du périmètre. C’est le cas du périmètre de
Goldmann qui a 5 filtres neutres qui permettent un réglage de luminance de 0,1 en 0,1
UL et les 6 réglages de taille présentés sur le tableau ci-dessous.
38
Nom Surface (mm²) Taille Angulaire
O 1/16 0,05°
I 1/4 0,10°
II 1 0,21°
III 4 0,43°
IV 11 0,71°
V 64 1,72°
Johnson et Keltner recommandent l’utilisation d’un stimulus de taille angulaire
comprise entre 0,1 et 0,2° (Keltner 1980a).
Un autre type de stimulus est formé par un ensemble de trous dont l’éclairage
peut être réalisé par fibre optique, comme pour le Fieldmaster, ou alors par des LEDs.
Le Péritest utilise des LEDs vertes qui ont une taille angulaire de 0,5°. La luminance
est modulable par pas de 0,2UL soit 20mcd (Greve 1979).
Les périmètres automatiques présentent les stimuli sur un écran d’ordinateur.
La durée de présentation du stimulus a également une influence non négligeable.
Pour les périmètres manuels, elle n’est pas contrôlée. Sur le péritest elle est de 0,2s.
Johnson et Keltner recommandent un temps de présentation compris entre 0,5 à 1
seconde.
d. Quantification de la mesure
− La méthode de la pesée
Elle consiste à découper le tracé et à peser le dessin obtenu. Cette méthode n’a
jamais dépassé le stade des essais mais elle a introduit la notion de masse
scotomateuse (cf. p.42).
− La mesure de la surface
Elle est réalisée par l’intermédiaire de papier millimétré transparent. La surface du
champ est déterminée par les isoptères auxquels on soustrait la surface des scotomes.
− La mesure des méridiens principaux
Cette méthode a été proposée par l’American Medical Association (A.M.A.) et
consiste à relever les valeurs des 8 méridiens principaux (temporal, inféro-temporal,
inférieur, inféro-nasal, nasal, supéro-nasal, supérieur et supéro-temporal). Les valeurs
39
normales pour le stimulus I/2 sont respectivement 85°, 85°, 65°, 50°, 60°, 55°, 45°,
55° ce qui donne un total de 500°. En divisant par 5, cette méthode permet d’avoir
une valeur en pourcentage estimant l’étendue du champ visuel (Chevaleraud 1986).
− La sensibilité moyenne
C’est la moyenne arithmétique des sensibilités rétiniennes pour tous les points
testés.
− La capacité visuelle
Un coefficient de capacité visuelle est attribué à chaque point étudié (Demailly
1977). Ce coefficient se défini par le rapport entre la valeur du filtre pour lequel ce
point i est perçu (Ni) et la valeur du filtre pour lequel il doit théoriquement être perçu
en fonction de l’âge (Ri).
La capacité visuelle standard est la somme de la capacité visuelle de tous les
points testés. CVTNi
Rii
= ++∑ 2
2
− L’évaluation des modifications du champ visuel de Matsuo (1984)
Dans un premier temps, le Niveau de Sensibilité Individuel maximal (NSI) est
calculé. Puis, on comptabilise tous les points de sensibilité inférieure à ce niveau d’au
moins 0,6. Le volume dépressif total (VDT) est constitué par l’ensemble de ces
points. Entre deux examens il est possible de calculer le pourcentage de modification
du champ par la formule suivante : 100)1(
)2()1( ×−=VDT
VDTVDTP
− La mesure du rapport déficitaire de Sellem (1983)
Pour tous les points du champ visuel testé un poids est attribué en fonction du
seuil de perception. Ainsi, un point non vu aura la valeur 3 et un point vu avec une
luminance normale aura la valeur 0. L’addition des poids de chaque point donne la
valeur de déficit d. On obtient un pourcentage en divisant par le déficit théorique D
(valeur obtenue si aucun point n’était perçu soit 3 fois le nombre de points testés) et
en multipliant par 100.
− Les grilles d’Estermann
40
Des grilles de notation ont été proposées par Estermann afin de calculer la valeur
quantitative fonctionnelle des déficits du champ visuel (Esterman 1982a; 1982b;
1984). En effet, en partant du principe que toutes les zones du champ visuel n’ont pas
la même importance fonctionnelle, il suffit de tester des endroits clefs. Cette notion est
proche du traitement de l’information au niveau de la rétine. Ainsi, la taille des
champs récepteurs est faible pour la fovéa et augmente avec l’excentricité. La taille
des zones proposées par Estermann augmente donc avec l’excentricité (cf. Figure 15).
Figure 15 : Grilles d’Estermann.
a. Grille monoculaire comportant 100 unités fonctionnelles ayant chacune un poids de 1%.b. Grille binoculaire comprenant 122 unités fonctionnelles.
− Les indices globaux de la périmétrie automatique
Les seuils de sensibilité rétinienne de chaque point sont établis et chiffrés en
décibels ce qui permet une quantification du champ visuel. Quatre indices globaux (cf.
Figure 16) sont calculés et sont comparés statistiquement avec une banque de données
concernant plusieurs milliers de champs visuels.
- La déviation moyenne: MD
C’est un indice correspondant à la différence entre la sensibilité rétinienne
normale pour l’âge et la sensibilité rétinienne du sujet testé. Cette valeur est calculée
sur l’ensemble des points testés dans le champ.
- La déviation individuelle: PSD ou LV
Elle permet d’évaluer la non uniformité du champ visuel point par point. Cet
indice recherche une région dont la sensibilité rétinienne est inférieure à la sensibilité
rétinienne moyenne du sujet.
- La fluctuation à court terme: SF
41
C’est l’indice de variabilité de la réponse au cours du test. Il est obtenu en testant
plusieurs fois certains points ou en réalisant successivement deux fois le même test.
- La déviation individuelle corrigée: CPSD ou CLV
Elle traduit la déviation individuelle en tenant compte de la variation à court
terme. Cet indice exprime des régions du champ visuel dont le déficit de sensibilité
rétinienne est supérieur à une simple variation à court terme.
Figure 16 : Représentation schématique des quatre indices globaux utilisés en périmétrieautomatique (Nordman 1990).
a: La déviation moyenne MD b: La déviation individuelle PSD ou LVc: La fluctuation à court terme SF d: La fluctuation individuelle corrigée CPSD ou CLV
42
2. Corrélats physiologiques et pathologies
a. Effet de l’âge sur le champ visuel
La sensibilité lumineuse différentielle décroît avec l’âge à partir de 20 ans et
continue à le faire par la suite à un rythme constant de 1dB par décennie. Cette
diminution n’est pas constante dans le champ visuel, elle est plus marquée en
périphérie. Des banques de données par tranche d’âge ont été constituées pour tenir
compte de cette variabilité quand on cherche à établir si un déficit est pathologique.
Par contre, aucun effet du sexe n'a été mis en évidence à ce jour.
Jaffe (1986) a mesuré le seuil de sensibilité moyen, le volume et la surface du
champ visuel avec le périmètre automatique Octopus. Il a observé un déclin linéaire
de ces trois caractéristiques avec l’âge. Cette baisse du seuil de sensibilité augmente
avec l’excentricité.
Haas (1986) a étudié l’effet de l’âge et du sexe sur la sensibilité lumineuse
différentielle et ce, jusqu’à 27° d’excentricité. Elle a également constaté que le déclin
de sensibilité n’est pas identique dans l’ensemble du champ visuel. Ce déclin n’est pas
très marqué autour de la fovéa, par contre il est plus important sur la fovéa et dans les
zones plus périphériques. La partie haute du champ visuel est plus affectée que la
partie basse. Par contre, il n’y a pas de différence en fonction du sexe.
b. Les principales pathologies et déficits affectant le champ visuel
− Les scotomes :
Les scotomes correspondent à une diminution ou à une perte de sensibilité dans
une zone rétinienne normale, à l’intérieur du champ visuel. Un scotome peut avoir une
origine neurologique (lésion du cerveau ou d’un nerf optique) ou oculaire (atteinte
rétinienne ou choroïdienne). On distingue deux types de scotomes :
- les scotomes absolus dans lesquels toute perception lumineuse a disparu.
- les scotomes relatifs qui correspondent à une diminution de sensibilité
rétinienne.
− Le glaucome
C’est une augmentation de la pression intraoculaire qui entraîne l’atrophie de la
tête du nerf optique et une diminution du champ visuel pouvant aller jusqu’à la cécité.
43
Concrètement il y a une longue persistance du champ central et de l’acuité et une
perte progressive et lente des champs moyens et périphériques.
− La cataracte
Elle consiste en une opacification du cristallin qui intercepte une partie ou la
totalité de la lumière. Les conséquences de la formation de la cataracte sont un
rétrécissement du champ visuel pouvant entraîner, là encore, une perte de vision totale
dans les cas extrêmes.
− La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA)
La dégénérescence maculaire est une affection touchant plus volontiers le sujet
âgé, entraînant une perte progressive et définitive de la vision centrale.
Touchant sélectivement la région maculaire, c'est à dire la zone de la rétine
utilisée pour voir les objets fixés par l'œil, cette dégénérescence des cellules visuelles
rétiniennes se traduit par une gêne visuelle plus ou moins perceptible au début. Peu à
peu, la lésion augmente de taille, créant une zone aveugle (un scotome). La vision de
près (en particulier la lecture) devient rapidement pénible, voire impossible.
− La rétinopathie pigmentaire
Cette maladie héréditaire se caractérise par une baisse de vision bilatérale très
lentement progressive, surtout marquée sous faible éclairage en phase de début. Peu à
peu, la vision s'amenuise et le sujet porteur de l'affection éprouve de plus en plus de
difficultés à la lecture. En fin d'évolution celle-ci devient impossible en raison d'une
amputation de tout le champ visuel central (scotome central).
3. Champ visuel chromatique et cinétique
a. Périmétrie couleur et perception de la couleur
La perception de la couleur d’un objet dépend de sa localisation dans notre
champ visuel périphérique. En périphérie, les couleurs nous apparaissent moins
saturées et de teinte légèrement différente. En effet, comme les champs récepteurs des
cellules ganglionnaires sont plus étendus en périphérie (cf. p.23), notre perception des
couleurs est plus faible en périphérie. De plus, comme les bâtonnets contribuent à la
vision des couleurs en périphérie, leur spectre a une influence sur notre perception
chromatique. De ce fait, alors que notre acuité au contraste Rouge-Vert est meilleure
44
en vision centrale que l’acuité au contraste Bleu-Jaune, c’est l’inverse en périphérie
(Noorlander 1993).
Différents types de périmétrie couleur sont possibles. Il faut distinguer deux seuils
de perception. Le premier est achromatique et correspond à la détection d’une
luminance. Quant au second, il correspond au seuil de détection de la couleur du
stimulus. Il est appelé seuil chromatique et est plus élevé.
− Seuil de détection achromatique
Middleton (1961) a étudié le seuil de détection achromatique en vision
périphérique de stimuli colorés dans un environnement sombre. Ses résultats sont
présentés Figure 17 pour le méridien 0-180°. Le seuil de détection du rouge est plus
élevé que pour le blanc ou le vert. L’œil est plus sensible au vert en périphérie. En
effet, les récepteurs majoritaires en périphérie de la rétine sont les bâtonnets et leur
sensibilité spectrale maximale est plus proche du vert que du rouge ou du bleu.
− Seuil de détection chromatique
Le seuil de détection chromatique est assez stable jusqu’à 20° coté nasal et 40°
coté temporal, puis il augmente de plus en plus fortement avec l’excentricité, comme
le montre la Figure 17.
Figure 17 : gauche : Seuil de détection achromatique dans l'obscurité en fonction de l'excentricité (Middleton 1961).
droite : Seuil chromatique de détection de stimuli Rouge, Jaune et Bleu en condition photopique (Hedin 1980)
45
− Utilisation de la périmétrie couleur en ophtalmologie
Lorsqu’un stimulus coloré est présenté sur un fond achromatique, ce sont
essentiellement les mécanismes de contraste Rouge-Vert et Bleu-Jaune qui vont être
stimulés. C’est pourquoi, lorsque les ophtalmologistes cherchent à détecter des
défauts d’un type de cône ils utilisent des fonds colorés. Ainsi, pour détecter un
problème avec des cônes sensibles au rouge, des stimuli rouges seront présentés sur
un fond vert.
La périmétrie couleur est utilisée pour détecter des défauts de vision des couleurs
mais également parce que des glaucomes peuvent être détectés à un stade plus
précoce (Hedin 1980). En effet, les cellules ganglionnaires à centre bleu activateur ont
une taille de 50% supérieure à celles qui sont sensibles aux stimuli verts et rouges. Les
cellules sensibles aux stimuli bleus sont donc plus sensibles aux lésions
glaucomateuses. La périmétrie avec des stimuli bleus présentés sur un fond jaune très
lumineux permet de détecter plus tôt certains défauts du champ visuel.
b. Périmétrie cinétique et perception du mouvement
En périphérie, nous sommes plus sensibles à un objet en déplacement qu’à un
objet statique. Le rôle biologique de ce phénomène est évident : le moindre
mouvement attire l’attention d’un animal et provoque un déplacement de son regard
vers la source du mouvement où il est analysé en détail. Il n’est donc pas surprenant
que le seuil de résolution statique augmente plus rapidement avec l’excentricité que le
seuil de déplacement. Sur la fovéa le seuil de déplacement est de l’ordre de 20" d’arc
et il est encore de 5’ d’arc à 40° (Le Grand 1960). Ainsi, en étendant la main à 45° de
notre axe visuel, il nous est impossible de décompter nos doigts mais nous voyons très
bien s’ils remuent.
En périmétrie cinétique, le sujet fixe un point immobile et doit détecter un
stimulus en mouvement dans son champ visuel périphérique. La projection du
stimulus en mouvement va donc se déplacer sur la rétine du sujet. Comme un
mouvement se définit par une trajectoire (un déplacement) et une vitesse ou une
durée, plusieurs paramètres peuvent être étudiés. Il est possible de mesurer le
déplacement minimal détecté (ou seuil de déplacement) pour une durée fixée, ou la
vitesse minimale détectée (seuil de mouvement ou seuil de perception d’un
mouvement) pour une durée de stimulation fixée et ce, dans l’ensemble du champ
visuel.
46
Johnson (1974) a mesuré le seuil de mouvement pour 9 excentricités différentes
le long du méridien 0-180° (cf. Figure 18). Là encore, le seuil augmente avec
l’excentricité mais il atteint un plateau à 60°.
0
2
4
6
8
10
12
0 10 20 30 40 50 60 70 80Excentricité (en degré)
Seu
il de
mou
vem
ent
(Min
ute
d'A
rc/S
econ
de)
Sujet 1
Sujet 2
Sujet 3
Figure 18 : Seuil de mouvement pour 3 sujets (Johnson 1974).
Mc Colgin (1960) a montré que le contour connectant les points du champ visuel
pour lesquels le seuil de perception du mouvement est constant, définit une ellipse de
grand axe horizontal.
D’autres études ont calculé l’influence de l’excentricité sur les temps de réponse à
un mouvement et ont montré que le temps de réponse à un mouvement de 4°/s
augmente significativement entre 0° et 15° d’excentricité (Tynan 1982).
La périmétrie cinétique a été très utilisée pendant longtemps, en raison de la
grande diffusion du périmètre de Goldmann. Cependant, elle est moins précise que la
périmétrie statique. En effet, la vitesse du mouvement que l’expérimentateur donne au
stimulus retentit sur le relevé du champ visuel. Par contre, les systèmes de périmétrie
cinétique automatisés où la vitesse et le déplacement sont contrôlés, ont un intérêt
certain car, dans notre vie quotidienne, il est très important de percevoir les objets en
mouvement.
Après cette description des caractéristiques et des méthodes de mesures du champ visuel
monoculaire, nous allons nous intéresser à l'espace visuel binoculaire.
47
II. L’ ESPACE VISUEL BINOCULAIRE :
L’espace visuel binoculaire est l’espace couvert par la vision simultanée des deux yeux. Il
regroupe des notions très différentes selon les conditions dans lequel il est mesuré. L’espace
perçu est totalement différent si les mouvements du regard et/ou les mouvements de tête sont
possibles. Dans une approche expérimentale qui vise à se rapprocher des conditions de la vie
quotidienne, il est important de prendre en compte la complexité de l’environnement et la
présence d’actions qui monopolisent notre vision centrale (dans le cas de la conduite ou de la
lecture par exemple…).
Nous allons présenter dans cette partie les différentes définitions de l’espace visuel ainsi
que la terminologie correspondante. En effet, il convient de distinguer le champ visuel statique
qui est l’étendue de l’espace qu’un œil immobile peut embrasser, du champ fonctionnel de
vision où la complexité de l’environnement usuel est prise en compte. Enfin, le champ
d’exploration est l’espace dans lequel l’axe du regard se déplace à la recherche d’informations.
1. Les champs visuels binoculaires statiques
a. Descriptif du champ visuel binoculaire tête et yeux fixes
Il est aussi appelé champ cyclopéen et est constitué de l’addition des champs de
chaque œil. Il comporte une zone binoculaire correspondant au chevauchement des
deux champs monoculaires. Ce champ commun s’étend sur 120° de large et il est
encadré par deux demi-lunes de vision temporale monoculaire (cf. Figure 19).
Le chevauchement des deux champs est variable suivant l’état de convergence.
Lorsque le point de fixation se rapproche de l'œil, les 2 champs se chevauchent
davantage et la demi-lune est moins étendue.
Le champ visuel binoculaire se mesure en angle visuel et il a la taille suivante :
- un champ horizontal de 149° à 180° : de 60° à 70° du côté nasal et de 80° à
90° du côté temporal.
- un champ vertical de 130° environ : 50° pour la limite supérieure et 80° pour
la limite inférieure.
48
La vision périphérique sert essentiellement à bien orienter notre regard et à nous
informer du mouvement des objets vus latéralement.
Figure 19 : Champ visuel binoculaire (Buser 1987) .
b. Le champ du regard et le champ de vision
− Le champ du regard :
Il correspond à l’espace perçu tête fixe en mettant en jeu l’excursion extrême des
globes oculaires. L’axe de l'œil peut se déplacer de 30° à 45° à partir de sa direction
moyenne, la tête restant fixe.
− Le champ de vision :
Il correspond à l’espace perçu en permettant les mouvements oculaires et les
mouvements de la tête.
2. Le champ visuel fonctionnel
Le champ visuel fonctionnel, tel qu’il est défini par les ophtalmologistes, est
binoculaire. Il correspond plus à nos capacités habituelles car la tête n’est pas fixe. En
effet, il est nécessaire de voir mais aussi de reconnaître et d’identifier une cible visuelle.
Contrairement aux mesures de périmétrie classique où le signal à détecter est présenté sur
un fond uniforme, la complexité de l’environnement est prise en compte. Différents termes
ont été utilisés pour qualifier le champ visuel fonctionnel.
49
a. Le lobe visuel ou champ de conspicuité
Le lobe visuel est défini comme étant la zone périphérique autour du point central
de fixation dans laquelle une information spécifique peut être acquise en un seul
regard. Cette zone est affectée par le niveau d’adaptation des yeux, les
caractéristiques de la cible et du fond, l’expérience et la motivation (Kraiss 1982).
Engel (1971) a présenté des stimuli sur un fond structuré et a défini le champ de
conspicuité qui est la zone périphérique dans laquelle une cible présentée brièvement
(typiquement pendant 75ms) peut être détectée. Il est possible d’associer une aire de
distinction à chaque objet, c’est à dire une aire rétinienne où cet objet va être vu alors
qu’il a été présenté pendant un temps bref. La dimension de cette aire donne des
informations sur la distinction visuelle ou conspicuité de cet objet. D’après Engel, les
différences interindividuelles du champ de conspicuité sont assez faibles mais sa taille
dépend naturellement des caractéristiques du fond, du temps de présentation et de la
forme du signal à détecter.
D’autres auteurs ne se limitent pas à la détection du signal dans un environnement
bruité : ils demandent une localisation. La tâche de Bellamy (1981) consistait en la
détection d’un O présenté pendant 250 ms au milieu de plusieurs X sur un moniteur.
Les sujets devaient indiquer à posteriori la position de la lettre O et y associer un
facteur de confiance en soi dans le choix effectué sur une échelle de 0 à 100. Ils
emploient le terme d’acuité visuelle périphérique pour l’étendue du lobe obtenu pour
les O correctement localisés. La confiance en soi ne semble pas être un paramètre
pertinent car elle présente trop de biais. La taille du lobe visuel dépend de l’acuité
périphérique du sujet testé et de la conspicuité de la cible à détecter. Contrairement
aux résultats de Engel, les différences inter-individuelles sont significatives. Bellamy et
les auteurs suivants vont assimiler peu à peu le lobe visuel à la zone de conspicuité.
Une étude voulant établir une cartographie complète du champ de conspicuité a
confirmé les fortes différences inter-individuelles (cf. Figure 20) et également des
effets de l’âge (Courtney 1984; 1985) qui seront abordés plus loin.
Figure 20 : Lobe visuel de deux sujets (Courtney 1984).
50
b. Le champ de conspicuité de travail
Le champ de conspicuité de travail, tel qu’il a été défini par Ikeda (1975), prend
en compte l’altération du champ de conspicuité dû à l’ajout d’une charge mentale
fovéale. Ainsi, il consiste à réaliser une tâche en vision centrale (lire une lettre par
exemple) et à détecter simultanément une cible périphérique (détecter la lettre H dans
un environnement comportant les lettres E).
Ikeda (1979) a proposé une représentation schématique de ces différents
concepts (cf. Figure 21).
Champ de sensation
Champ de visibilité
Champ de conspicuité
Champ de conspicuité de travail
Point de fixation
Figure 21 : Diagramme schématique montrant la taille relative de différents champs fonctionnels statiques de vision (Ikeda 1979).
Le champ de sensation correspond aux limites absolues du champ visuel tandis
que le champ de visibilité est la zone pour laquelle une cible donnée est détectée sur
un fond homogène. Ikeda prend l’exemple du champ associé à la lecture de lettres
pour définir le champ de visibilité. Le champ de conspicuité est mesuré pour la même
cible sur un fond structuré. Enfin, le champ de conspicuité de travail correspond à
l’ajout d’une tâche en vision fovéale tandis que la cible à détecter ainsi que le fond
sont identiques à la situation précédente.
c. Le champ de vision utile
− Définition
Mackworth (1965) a défini le champ de vision utile "useful field of view" : c’est
la zone autour du point de fixation dans laquelle l’information est stockée
temporairement puis prise en compte pendant une tâche visuelle. Sa taille dépend de
la quantité d’informations à traiter à chaque instant.
51
Comme nous venons de le voir, champ fonctionnel de vision statique, lobe
visuel, zone de conspicuité, champ de vision utile, empan de visibilité sont des termes
employés par différents auteurs mais qui regroupent tous la même notion.
− Présentation du "Visual Attention Analyser"
Cet appareil, développé par Ball et Owsley, est le seul appareil commercialisé à
ce jour permettant de mesurer le champ de vision utile3 (Ball 1990a; Owsley 1994).
Le sujet est assis face à un grand écran, la tête soutenue par une mentonnière. Les
stimuli sont présentés pendant une durée tachistoscopique (entre 16 et 240 ms) pour
éviter tout mouvement oculaire. Deux types de tests ont été utilisés.
* Dans la première version du dispositif, les stimuli sont des visages stylisés : ces
visages peuvent être souriants ou tristes (Ball 1988). Ils peuvent être présentés au
centre de l’écran (tâche centrale) et en périphérie à respectivement 10°, 20° ou 30°
d’excentricité et ce, le long de 8 méridiens (cf. Figure 22). Des éléments distrayants
(des carrés) peuvent également être présentés en périphérie. Le signal périphérique
doit être localisé sur l’un des huit méridiens par le sujet. Aucune localisation radiale
n’est demandée car des études préliminaires ont montré que lorsqu’un sujet
sélectionne le bon méridien, il ne fait pas d’erreur de localisation radiale (Ball 1988).
3 Dans la suite de notre travail nous allons employer l’abréviation UFOV (Useful Field of View) pour parler de la mesure du "Visual Attention Analyser" de Ball.
52
Figure 22 : Représentation schématique du type de stimuli utilisés pour le test UFOV.Il faut identifier l’expression du visage présenté en vision centrale et localiser le visageprésenté à une excentricité de 10° au milieu de 47 distracteurs (d’après Ball 1990).
Les différentes possibilités d’utilisation de ce système sont les suivantes :
- Trois niveaux de tâche centrale sont proposés :
1. Détection de la présence ou de l’absence d’un visage en vision centrale
2. Identification de l’expression de ce visage (souriant ou triste)
3. Identification de la similitude entre le visage central et le visage présenté en
périphérie.
- Trois niveaux de distracteurs sont proposés :
1. Aucun distracteur
2. 23 distracteurs
3. 43 distracteurs
Pour s’assurer que le sujet fixe bien le centre au moment du signal, c’est
seulement lorsque le signal présenté au centre du dispositif est correctement identifié
que les réponses aux signaux périphériques sont prises en compte. Afin d’avoir une
indication de la taille de la fenêtre attentionnelle, le pourcentage de localisation
correcte constitue le rayon de la fenêtre (avec 100% de bonnes réponses
correspondant à une fenêtre de 30° d’excentricité).
* Dans une seconde version, ce test a été simplifié à trois conditions qui
permettent de tester trois défauts d’attention visuelle. Les visages ont été remplacés
53
par une voiture et un camion et la condition avec 23 distracteurs a été éliminée
(Owsley 1995).
- Le premier test stimule uniquement la vision centrale et il est utilisé pour avoir
une indication de la vitesse d’acquisition de l’information visuelle. Le temps
nécessaire pour identifier correctement le stimulus (voiture ou camion) dans 75% des
cas, correspond au temps nécessaire à l’acquisition d’une cible visuelle.
- Le second test permet de tester la capacité à diviser son attention. Un signal
(voiture ou camion) est présenté en périphérie (aux mêmes localisations que pour la
première version du dispositif) simultanément avec un signal en vision centrale. Le
temps de présentation est adapté en fonction du résultat du premier test. Le stimulus
central doit être identifié et le stimulus périphérique localisé. Plus les performances
sont mauvaises, moins le sujet est capable de diviser son attention.
- Dans le troisième test, des distracteurs sont ajoutés dans le champ visuel
périphérique. Les consignes sont les mêmes que précédemment. L’influence des
distracteurs sur les performances permet de tester la capacité à extraire un signal d’un
environnement complexe.
Un indice global est calculé à partir de ces trois tests et il correspond à une
réduction en pourcentage du champ de vision utile. Il permet de détecter la présence
de trois déficits d’attention visuelle car il tient compte de la rapidité d’acquisition
d’une cible, de la capacité à diviser son attention et de la possibilité de localiser un
signal au milieu de distracteurs (attention sélective).
3. Acuité visuelle dynamique et champ de vision dynamique
a. Acuité visuelle dynamique
L’acuité visuelle dynamique correspond à la capacité de reconnaître des objets en
mouvement. Elle est sensible à la forme, la luminance, la taille de l’objet, ainsi qu’à la
vitesse, la forme et la durée du mouvement. Son intérêt est grand car notre
environnement quotidien est avant tout mobile. Ainsi, en prenant l’exemple de la
conduite automobile, ce sont surtout des objets mobiles que nous détectons. Une
étude de Burg (1967) a montré que l’acuité visuelle dynamique était plus corrélée au
nombre d’accidents des conducteurs que l’acuité visuelle statique.
54
La périmétrie cinétique permet de mesurer l’acuité visuelle dynamique sur
l’ensemble du champ visuel. En effet, l’acuité visuelle dynamique correspond à ce que
nous avons défini p.45 comme le seuil de déplacement.
b. Le champ de vision dynamique
L’homme explore son environnement par l’intermédiaire de fixations
entrecoupées de saccades oculaires. La localisation de la nouvelle fixation est
déterminée par la vision périphérique. Ainsi, dans l’exploration visuelle d’une scène,
l’information est prise en compte pendant les fixations situées entre les saccades
successives.
Ikeda (1979) a réalisé un système de visualisation de scène particulier. Un
dispositif permet de suivre la direction du regard et y associe la présentation de la
scène correspondant à une excentricité donnée modulable. Puis, la performance
visuelle est tracée en fonction de l’excentricité du champ de présentation.
L’excentricité à partir de laquelle il n’y a plus d’amélioration des performances de
recherche visuelle correspond à l’étendue du champ de vision dynamique. Ainsi, pour
la lecture d’un texte, il obtient un champ de vision dynamique de 10°, tandis que le
champ de vision nécessaire à la reconnaissance d’images représente 50% de l’image
totale.
Le choix d’un indice tel que l’extension des saccades oculaires, c’est à dire l’écart
entre deux points de fixation successifs, constitue une mesure indirecte de l’étendue
du champ visuel instantané. Cependant, cet indice est ambigu car la présence de
saccades de faible rayon peut indiquer l’existence d’un champ de vision restreint ou
que les informations nécessaires ont été prélevées très loin dans le champ visuel et que
des saccades de vérification sont inutiles (Hella 1983).
Dans cette partie sur l’espace visuel, nous avons insisté sur l’importance d’une mesure
du champ visuel qui se rapproche le plus possible de notre environnement visuel quotidien.
Afin d’illustrer notre propos nous allons nous intéresser plus particulièrement à une activité
extrêmement répandue de nos jours : la conduite automobile.
55
III. IMPORTANCE DE LA VISION PERIPHERIQUE DANS LE CAS PARTICULIER DE LA
CONDUITE AUTOMOBILE
La conduite automobile est une tâche complexe. Elle demande l’accomplissement
simultané de plusieurs actions et la prise en compte de l’environnement visuel, auditif et
kinesthésique. D’après les spécialistes de la sécurité routière, 70 à 90% des signaux traités et
utilisés par le conducteur sont d’origine visuelle (Gioia 1968; Hartmann 1970).
La tâche de conduite peut être très monotone (conduite sur autoroute) mais quelque soit
le lieu ou la densité du trafic, il faut toujours être attentif à l’environnement que ce soit devant
(freinage brusque de la voiture située à l’avant de son véhicule) ou autour de soi (dépassement
par une voiture, traversée d’un piéton...).
Dans le premier cas, c’est la vision centrale qui va détecter le freinage d’un véhicule et
l’allumage de ses feux de stop et dans le deuxième cas, c’est la vision périphérique qui va
détecter un mouvement suspect pouvant éventuellement signaler un danger potentiel.
Dans un premier temps, nous allons aborder le problème de la réglementation et
notamment les caractéristiques du champ visuel nécessaires pour l’obtention et le maintien du
permis de conduire. L’effet d’une restriction artificielle du champ visuel périphérique sur la
conduite automobile sera présenté. Puis, dans un deuxième temps, nous évoquerons divers
essais réalisés pour corréler différents indices visuels avec la fréquence des accidents de la
route. Nous nous intéresserons d’abord à des indices ophtalmologiques, puis nous parlerons du
champ visuel utile. Dans un troisième temps, nous ferons une synthèse des différents résultats.
1. Champ visuel et conduite automobile
a. La réglementation
Suivant les pays, la réglementation sur l’étendue du champ visuel est variable. En
1969 aux Etats-Unis, il était nécessaire d’avoir une étendue de champ visuel à chaque
œil de 90° coté temporal et 50° coté nasal (SafetyLabel 1969). Une comparaison des
réglementations de 20 pays a été réalisée en 1991 et a montré que 15 de ces pays
avaient des lois réglementant l’étendue du champ visuel (Gandolfo 1991). En général
il faut entre 90° et 140° d’étendue de champ visuel horizontal et 40° verticalement,
soit à chaque œil, soit en vision binoculaire. En France, il n’y a pas de loi officielle,
mais les réglementations sont les suivantes : 60° en temporal et 30° en nasal à chaque
œil pour le permis B et un champ visuel normal à chaque œil pour les permis C et D.
56
b. Effet d’une restriction du champ visuel sur la conduite automobile
Des expériences réalisées en conduite réelle avec un champ visuel binoculaire
réduit artificiellement à 90° ont montré que les temps de réponse à des stimuli placés à
0° et 30° d’excentricité augmentaient significativement et que la durée nécessaire pour
effectuer le circuit était plus longue (Wood 1993; 1994; 1997). Par contre, les autres
performances de conduite n’étaient pas affectées significativement. Dans certaines
conditions de trafic dense en agglomération ou sur autoroute il est souhaitable de
conduire à une vitesse soutenue afin de ne pas ralentir le débit de véhicules.
Dans une tâche de suivi sur ±80° d’excentricité, il y a une coordination entre les
mouvements de la tête et les mouvements des yeux, les mouvements de yeux jouant
un rôle prépondérant (Sandor 1991). Une restriction artificielle du champ visuel à 70°
a pour conséquence des mouvements prépondérants de la tête au détriment des
mouvements des yeux. Pour une restriction à 20°, c’est exclusivement la tête qui va
suivre la cible en mouvement. Cette expérience montre bien que le champ visuel
périphérique joue un rôle non négligeable sur une tâche de poursuite.
2. Corrélation entre des indices visuels et la fréquence des accidents
a. Corrélation entre différents indices ophtalmologiques et la fréquence des
accidents
De nombreuses études ont tenté d’établir des relations entre différents indices de
vision et les performances de conduite ou la probabilité d’accident. La recherche de
corrélation réalisée par Burg (1968) entre 17 paramètres visuels et l’implication dans
des accidents de la route est la meilleure pour l’acuité visuelle dynamique. Par contre,
jusque en 1974, aucun auteur ne met en évidence une corrélation significative pour le
champ visuel périphérique (Allen 1970; Council 1974).
Une mesure du champ visuel, effectuée à l’aide du périmètre automatique
Fieldmaster sur 10 000 conducteurs, a montré une plus grande proportion de déficits
en périphérie pour les personnes âgées de plus de 65 ans (Johnson 1983; Keltner
1980b; 1982; 1992). De plus, les personnes ayant des défauts binoculaires ont eu
significativement plus d’accidents que les autres. Enfin, plus de 50% des personnes
ayant des déficits en périphérie n’en étaient pas conscients.
57
Si l’on exclut les personnes présentant des troubles visuels graves, les études qui
se sont intéressées à l’acuité visuelle statique et dynamique, au seuil de contraste, au
champ visuel périphérique, ... n’ont pas trouvé de corrélations significatives avec le
nombre d’accidents.
Dans une analyse critique des publications sur la vision et la performance de
conduite, Gagnon (1990) met en avant les deux seules études où différents tests
visuels ont été effectués sur de grands échantillons de conducteurs automobiles.
L’analyse des accidents, des facteurs physiologiques et du comportement des
conducteurs l’a amené aux conclusions suivantes :
- l’acuité visuelle dynamique est le meilleur test de prédiction pour les accidents
de jour.
- l’acuité visuelle statique sous bas éclairage est le meilleur prédicteur pour les
accidents de nuit.
- aucun test visuel pris individuellement n’est un bon prédicteur d’accidents.
Dans le cas des mesures de champ visuel par exemple, les périmètres
classiquement utilisés en ophtalmologie sont monoculaires, les mesures sont
effectuées dans des conditions de semi obscurité. La tâche du sujet consiste à détecter
un signal lumineux tout en fixant le point de fixation. Ces conditions sont fort
éloignées de notre utilisation au quotidien de notre vision périphérique. Il est possible
que cette grande différence explique qu’une faible corrélation ait été trouvée entre des
paramètres ophtalmologiques de la vision et une application concrète de la conduite.
Les études réalisées par Ball (1993b) et Owsley (1994) vont dans ce sens. En effet,
ces derniers se sont intéressés aux personnes âgées et ont constaté que de nombreuses
personnes ne présentant aucun déficit visuel, avaient des difficultés à appréhender leur
environnement (cf. p.100).
b. Corrélation entre le champ de vision utile et la fréquence des accidents
58
Afin de savoir si les accidents dans lesquels sont impliqués des conducteurs âgés
sont dus à des déficits visuels ou attentionnels, une étude a été réalisée avec 294
conducteurs âgés de plus de 55 ans (Ball 1993b; Owsley 1994). Le nombre
d’accidents dans lesquels ces conducteurs avaient été impliqués au cours des 5
dernières années avait été donné par les autorités. Différentes mesures ont été
réalisées : une évaluation ophtalmologique, une mesure d’acuité visuelle et de
sensibilité au contraste pour la vision centrale, un test de champ visuel pour la vision
périphérique, une évaluation de l’état mental et une mesure du champ visuel utile par
le "Visual Attention Analyser". Les résultats de ces tests ont été corrélés avec la
fréquence des accidents. La corrélation la plus élevée a été obtenue avec le
pourcentage de réduction du champ visuel utile4 (coefficient de corrélation : 0,52). La
Figure 23 montre la relation forte existant entre la réduction du champ visuel utile et
le nombre d’accidents.
Figure 23 : Fréquence moyenne d’accidents au cours des 5 années précédant le test en fonction de la réduction du champ visuel utile pour les 294 conducteurs (d’après Ball 1993).
Puis, par régressions et corrélations multiples, un modèle permettant de prévoir
la fréquence des accidents a été réalisé. Il montre que la vision centrale, la vision
périphérique et la santé des yeux n’expliquent pas directement le nombre d’accidents
mais qu’ils ont un effet direct sur la taille d’UFOV. L’état mental explique partiellement
la fréquence des accidents mais a surtout un effet sur le champ visuel utile. A elle seule,
4Pour le coefficient d'évaluation de l'état mental, la corrélation est de 0,34. Pour la vision périphérique elle est de 0,26.
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
10 20 30 40 50 60 70 80 90
Pourcentage de réduction de l'UFOV
Fré
quen
ce m
oyen
ne d
’acc
iden
ts
N=9 N=38 N=64 N=55 N=34 N=37 N=14 N=11 N=32
59
la mesure UFOV a une sensibilité et une spécificité de plus de 80% pour prédire si un
conducteur a été impliqué dans un accident de la route au cours des 5 dernières années.
Les mêmes conducteurs ont été suivi pendant 3 ans et le nombre d'accident dans
lesquels ils ont été impliqués pendant cette période a été comptabilisé (Owsley 1998).
Ceux qui avaient plus de 40% de réduction de champ visuel utile ont eu 2,2 fois plus
d'accidents que les autres.
3. Conclusion
Ces études montrent que les politiques qui veulent restreindre le droit à la
conduite en se basant uniquement sur l’âge ne sont pas fondées scientifiquement. De
plus, les mesures utilisées dans certains pays pour le maintien du permis de conduire
comme les tests d’acuité et de champ visuel ne permettent pas d’identifier quelles sont
les personnes impliquées dans des accidents. Elles permettent de détecter des déficits de
la vision mais pas de prédire les risques d’accidents. Elles devraient donc être remises
en question.
Par contre, les tests d’attention visuelle, qui tiennent compte de l’état mental et
de la vision centrale et périphérique semblent plus adaptés pour identifier les
conducteurs potentiellement dangereux. Le dispositif UFOV est à ce jour le seul qui ait
réussi à établir un lien direct entre les fonctions visuelles et le nombre d’accidents. Il a
une bonne sensibilité et une bonne spécificité pour identifier les conducteurs impliqués
dans des accidents.
Cependant certains aspects de ce dispositif sont discutables. Les conditions de
présentation de la tâche visuelle sont contestables car le sujet est placé à 28 cm de
l’écran sur lequel les signaux sont présentés. De plus, l’excentricité maximale des
signaux périphérique est de 30°, ce qui est peu. Enfin, les tâches centrales et
périphériques sont statiques et ponctuelles. Or, des études ont montré que le seuil
d’acuité dynamique était davantage corrélé avec les performances de conduite (Burg
1967; 1968).
60
Notre exemple précis de la conduite automobile a montré l’importance de la mesure du
champ fonctionnel de vision. En effet, il prend en compte différents niveaux perceptifs.
Dans la suite de notre étude nous nous intéresserons donc au champ de vision
fonctionnel de travail tel qu’il a été défini par Ikeda et nous l’appellerons champ de vision
utile. Nous considérerons donc le cas de tâche double impliquant la vision périphérique et la
vision centrale.
Comme cela est apparu au travers des différentes études que nous avons évoquées
jusqu’à présent, différents facteurs influencent et font varier la taille du champ visuel utile.
61
&)$&7(856$))(&7$17/$9,6,21
3(5,3+(5,48((7/(&+$039,68(/
87,/(
Dans un premier temps, nous allons définir les différents concepts utilisés dans l’étude du
champ visuel utile. Nous parlerons de l’attention, des états de vigilance, puis de la charge
mentale. Différents paramètres d’évaluation des performances seront ensuite présentés.
Dans un deuxième temps, nous étudierons les différents facteurs qui affectent notre vision
périphérique et ce, au travers des différentes études réalisées à ce jour.
Nous nous intéresserons tout d’abord à l’influence de l'exécution d’une tâche centrale sur
notre champ visuel, ce qui nous permettra de présenter les différents modèles de variation du
champ visuel utile.
Puis, nous étudierons des facteurs biologiques tels que les effets circadiens et les effets de
l'âge.
Les facteurs de situation comme la prise d’alcool, de drogue ou de médicament, mais
également l'influence de la fatigue seront présentés.
Enfin, nous nous intéresserons aux facteurs environnementaux et en particulier à
l'influence de la température, du bruit et des vibrations. Nous conclurons cette partie en
étudiant les effets liés à la combinaison de ces différentes nuisances.
I. DEFINITION DES DIFFERENTS CONCEPTS IMPLIQUES
Dans une première partie, nous allons nous intéresser à l’attention. Après avoir défini de
façon générale ce qu’est l’attention, nous allons nous focaliser sur l’attention visuelle et sur la
métaphore du faisceau attentionnel. Comme pour les études de champ visuel utile, nous nous
plaçons dans des paradigmes de double tâche, nous parlerons d’attention partagée et de
ressources attentionnelles. Enfin, comme l’effet d’une tâche de longue durée sur le champ
visuel périphérique nous intéresse, nous présenterons les caractéristiques des tâches d’attention
soutenue.
62
Dans une seconde partie, nous parlerons des états de vigilance.
Dans une troisième partie, nous aborderons la charge mentale car, en mesurant celle-ci, il
est possible de quantifier la difficulté d’une tâche et/ou des conditions expérimentales.
Enfin, dans une dernière partie, nous présenterons les différents paramètres qui permettent
d’évaluer les performances et notamment la théorie de la détection du signal.
1. L’attention
a. Définition
L’attention a été définie par James (1890) comme étant la "fonction qui permet à
un objet du monde extérieur de s’emparer de notre esprit sous une forme claire et
vivante".
Peu d’études se sont intéressées à l’attention au début du siècle. C’est dans les
années 50, dans le cadre de la théorie du traitement de l’information qu’il va y avoir
un immense regain d’intérêt pour ce domaine.
"Du fait de la capacité limitée de traitement du système nerveux, l’organisme
opère un choix parmi les informations sensorielles présentes et parmi les réponses
motrices possibles. L’attention peut-être considérée comme l’ensemble des processus
centraux qui permettent et réalisent ces sélections dans les conduites perceptives et
motrices." Cette définition, issue du Grand Dictionnaire de la Psychologie de
Larousse, montre que l’attention est un concept multidimensionnel s’articulant autour
de plusieurs notions qui sont autant d’axes de recherche pour les chercheurs.
L’attention est tout d’abord une instance de sélection, parmi le flux continu
d’informations provenant de l’extérieur, au sein du répertoire de réponses dont nous
disposons pour y réagir. Cette attention peut être sélective, focalisée sur un petit
nombre d’informations, ou partagée entre différentes activités.
L’attention est, de plus, une instance de régulation des aspects intensifs du
comportement, qui adapte le régime de fonctionnement de notre organisme aux
sollicitations auxquelles nous faisons face. En effet, la quantité d’attention consacrée à
une activité, fluctue à plus ou moins long terme.
Enfin, l’attention est aussi une instance de contrôle du comportement qui
comporte deux processus principaux. Les processus contrôlés, plus lents, qui
63
nécessitent un accès à la conscience et les processus automatiques, rapides, qui
opèrent en parallèle.
b. L’attention visuelle et la métaphore du faisceau attentionnel
L’attention visuelle entre dans le cadre de l’instance de sélection de l’attention.
Deux niveaux de traitement sont à distinguer. Les processus pré-attentifs et les
processus attentifs (Lecas 1992).
- Les processus pré-attentifs traitent en parallèle des zones spatiales étendues et
sont rapides. Ils alertent le système attentif de la présence et de la situation
spatiale d’un événement intéressant ou qui a varié.
- Puis, parmi l’ensemble de notre espace visuel, nous orientons notre attention
(de façon contrôlée ou non) vers une zone de notre champ visuel. Lors des
processus attentifs, les ressources attentionnelles se concentrent sur une zone
spatiale étroite dont la localisation a été donnée par les processus pré-attentifs
et l’événement est identifié et reconnu.
Selon les cas, toute l’information peut être traitée très rapidement, en parallèle,
indépendamment du nombre d’éléments, par les processus pré-attentifs. Dans d’autres
cas, lorsque le nombre d’éléments non pertinents de l’environnement influence
notamment le temps d’identification d’une cible, les informations sont traitées de
façon séquentielle, de façon attentive (Ball 1990a).
− Orientation de l’attention
Le point de fixation du regard et le point de l’espace sur lequel nous portons
notre attention sont presque toujours confondus et le déplacement de l’attention
s'accompagne en général d’un déplacement du regard.
Cependant, il est possible d’orienter, de diriger volontairement son attention vers
une zone de l’espace visuel, et ce, en l’absence de tout mouvement oculaire. Dés
1890, James avait souligné que l’attention n’est pas forcément localisée au point de
fixation du regard. Cependant, cette attention soutenue n’est maintenue qu’au travers
d’un processus actif de construction (Possamaï 1986).
L’attention peut être également capturée de façon automatique par la
présentation d’un signal en périphérie ou plus généralement par l’occurrence d’un
signal inattendu. Les effets sont alors comparables à ceux d’une orientation volontaire
de l’attention (Possamaï 1986).
64
− La métaphore du faisceau attentionnel
L’attention visuelle est souvent comparée à un pinceau lumineux qui se déplace
dans le champ visuel. Tout se passe comme si les informations placées dans ce
pinceau avaient un traitement privilégié en terme de rapidité et de fréquence. Cette
métaphore du faisceau attentionnel repose sur 3 propriétés de l’attention visuelle :
- L’unicité : L’attention ne peut pas être divisée entre deux régions du champ
visuel.
- La taille, un diamètre limité : On peut définir une zone de sélectivité maximum
de l’attention. Pour plusieurs auteurs, la taille de cette zone est de 1° d’angle
maximum. Mais LaBerge (1983) a montré que la dimension du faisceau peut
s’adapter aux exigences de la tâche. De même, la forme de cette zone a une certaine
flexibilité et obéit à des lois rappelant celles de la psychologie de la forme.
- Le déplacement : La zone de sélectivité maximale de l’attention peut se
déplacer dans le champ visuel. Pour certains, ce déplacement s’effectue dans un temps
constant, pour d’autres, il est à vitesse constante. Tsal (1983) a cherché à mesurer la
vitesse de déplacement de l’attention. Il a présenté des signaux à différentes
excentricités et a mesuré des temps de réponses vocaux. En faisant l’hypothèse que
les temps d’interception du signal et d’initiation du mouvement de l’attention sont
constants, il a pu déduire des temps de réponse la vitesse de déplacement de
l’attention : soit 125°/s. Cependant les excentricités stimulées étaient 4°, 8° et 12° et
ce n’est pas certain que la vitesse de déplacement de l’attention augmente linéairement
avec l’excentricité et cela pour des excentricités extrêmes. Remington (1984) pense
que la vitesse du faisceau attentionnel est programmée en fonction de la distance à
parcourir.
c. Attention partagée et ressources attentionnelles
La vie quotidienne est riche en situations où plusieurs activités doivent être
menées de front et pour lesquelles nous devons partager notre attention. Cependant,
comme nous disposons d’un stock de ressources limité, nous ne pouvons pas toujours
mener toutes ces activités à bien sans dommage pour l’une d’elle.
65
− Définition de l'attention divisée
L'attention divisée est définie comme la combinaison de deux tâches au minimum
dans un seul test ou par la combinaison d'informations qui relèvent toutes de la même
tâche (van Zomeren 1994).
La capacité à diviser son attention est déterminée par trois facteurs principaux :
les ressources disponibles, le type de tâches combinées et la stratégie d'allocation de
l'attention.
Les performances lors de la réalisation d'une tâche d'attention divisée comportant
plusieurs tâches devant être traitées simultanément sont déterminées par plusieurs
composantes (van Zomeren 1994).
- la stratégie d'allocation des ressources attentionnelles entre les différentes
tâches.
- la stratégie d'exécution de chaque tâche.
- la rapidité en terme de justesse et de durée des processus cognitifs nécessaires
à chaque tâche.
- le temps nécessaire pour passer d'une tâche à l'autre lorsqu'elles ne peuvent
pas être effectuées simultanément.
- le partage du temps entre les deux tâches.
− Modèles d’allocation des ressources attentionnelles
Les principaux modèles qui ont été proposés sont les suivants :
- Selon Broadbent (1958) l’homme a un seul canal, une seule ressource qui lui
permet de réaliser sa tâche. Lorsque cette ressource est utilisée pour accomplir une
tâche, l’accomplissement d’une autre tâche est repoussé dans le temps. Cette théorie a
été appelée modèle du filtre et elle exclut toute idée de partage de ressource pour la
réalisation de tâches complexes. Les informations qui pénètrent dans le système
nerveux sont temporairement stockées dans une mémoire à très court terme. Un
traitement partiel de ces informations est réalisé en parallèle selon des caractéristiques
grossières (forme, couleur, localisation dans le cas de la vision). Puis, l’information
sélectionnée est transmise vers les étapes ultérieures de traitement dont la capacité est
limitée et le traitement séquentiel. L’information non retenue par ce processus de
sélection précoce ne peut avoir accès à la mémoire à long terme.
- Hoffman (1981) a proposé un modèle de sélection tardive de l’information à
deux stades. Dans un premier temps, le signal est comparé avec une représentation
66
mnémonique de la cible recherchée. Chaque signal considéré a alors un indice de
similarité avec la cible recherchée. La réponse est rapide, mais au prix d’un risque
d’erreur élevé. Si le risque d’erreur doit être réduit, tous les signaux sélectionnés pour
leur similarité avec la cible sont transférés un par un dans un mécanisme d’attention
sélective. A ce second stade, chaque signal est complètement analysé.
- Selon Kahnemann (1984), il y a plusieurs types de ressources mais elles sont
en quantité limitée. Ces ressources peuvent être allouées de façon graduelle entre les
différentes tâches à effectuer. Cette allocation peut être variable et dépend de
l’importance (de l’attention) accordée à chaque tâche et de leur difficulté. Il y a un
mécanisme de filtrage selon les caractéristiques élémentaires du signal (comme dans le
modèle de Broadbent) mais l’attention va contrôler l’accès de l’information aux
mécanismes de production de la réponse.
L’allocation de nos ressources se décompose selon deux axes : au niveau de la
perception du stimulus mais également au niveau de sa réponse (Wickens 1993).
Prenons le cas d’une expérience où le traitement simultané d’information visuelle en
vision centrale et en vision périphérique est réalisé en appuyant sur un bouton. Seules
des ressources visuelles sont utilisées pour la perception des stimuli, par contre, la
réponse est manuelle. Une expérience où un stimulus visuel doit être détecté par
l’intermédiaire d’un bouton et où un son doit être détecté de façon verbale fera appel
à des ressources (appelées aussi "modalités" dans la littérature) différant tant au
niveau du stimulus que de la réponse.
Comme les combinaisons de ressources sont nombreuses, nous risquons de nous
trouver confrontés à une multiplication des expériences n’ayant plus grand chose en
commun, les mécanismes mis en cause n’étant pas les mêmes.
− Classification des tâches doubles
Par souci de clarification et de classification, Damos (1993) a proposé une
classification des tâches doubles selon 6 caractéristiques. La conséquence des choix
réalisés en terme de performance est également proposée, quand elle est connue (cf.
Tableau 2).
67
Caractéristiques Configuration des Tâches Comparaison desPerformances
Nombre de Stimuli 2 : Séparés physiquement
2 : Superposés (ex : lettre à détecter placée sur le curseur de suivi)
1 : Partagé (ex: curseur de suivi plus lumineux)
2 Stimuli < 1 Stimulus
Modalité des Stimuli Identiques
Différents (ex: visuel et auditif)
Identique < Différent
Corrélation desStimuli
0 (Indépendants)
à 1.0 (Dépendants)
Dépendant < Indépendant
Processus Central Indépendant
Corrélé (utilisation de la corrélation des stimuli)
Intégré (ex : un chiffre indique la localisation de la seconde tâche)
Corrélé < Indépendant
Nombre de Canauxde Réponse
2 : Séparés (ex: les 2 mains)
1 : Partagé
Modalité de Réponse 1 : Partagé
2 : Différents (ex : manuelle et vocale)
1 Partagé < 2 Différents
Tableau 2 : Classification des différents types de tâche double selon 6 caractéristiques. Dans la colonne de performance < signifie moins bonne que (d’après Damos 1993).
L’apprentissage a également un effet sur les performances. Cependant, un
entraînement réalisé indépendamment sur chaque tâche n’a pas forcément d’effet sur
la réalisation simultanée des 2 tâches. En effet, la combinaison des 2 tâches peut
amener le sujet à changer les stratégies d’accomplissement de chacune des tâches.
Tous ces modèles s’accordent à dire que la quantité de ressource dont nous disposons est
limitée. Ainsi, dans une situation donnée (réelle ou de laboratoire), il convient de gérer au
mieux nos ressources attentionnelles en fonction de la nature de la tâche effectuée et de nos
objectifs. De nombreuses études se sont intéressées plus particulièrement au maintien d’une
attention soutenue lors de la réalisation de tâches de longue durée.
68
d. L’attention soutenue
− La baisse d’attention soutenue
Lors de la seconde guerre mondiale, on s’est rendu compte que l’efficacité des
opérateurs radars diminuait au cours du temps. Afin d’expliquer ce phénomène et de
déterminer la durée optimale d’une tâche de surveillance, de nombreuses études ont
été réalisées. Mackworth (1948) a développé un test approchant ce type d’activité
afin de mieux comprendre la cause des erreurs des opérateurs radars. Son test, appelé
"test de l’horloge", constitue un modèle classique d’une tâche d’attention soutenue.
Le sujet est isolé et surveille pendant deux heures le déplacement d’une aiguille sur un
cadran sans repère. L’aiguille se déplace par saut toutes les secondes, le tour complet
du cadran nécessitant 100 sauts égaux. De temps en temps, avec une fréquence de
0,7%, l’aiguille effectue un saut deux fois plus long que les précédents. Le sujet doit
détecter cet événement, considéré comme le signal critique, et doit y répondre le plus
vite possible en appuyant sur un interrupteur. Cette recherche a mis en évidence la
diminution de la performance (baisse du nombre de détection de signaux critiques)
avec le temps. La Figure 24 représente le taux de détection par période de 30 minutes
et montre un déclin significatif de la performance dès la deuxième demi-heure de
travail. Cette dégradation s’accentue légèrement pendant les périodes suivantes.
60
65
70
75
80
85
90
0 30 60 90 120 150Temps (minutes)
Per
form
ance
(%
dét
ectio
n)
Figure 24 : La courbe de baisse des performances avec la durée de l’expérience. Cette courbe reflète le phénomène de baisse d’attention soutenue au cours du temps (d’après Mackworth 1948).
D’autres expériences d’attention soutenue ont également mis en évidence une
baisse des performances au cours du temps. Cette baisse s’exprime par une diminution
du pourcentage de détections correctes et/ou par une augmentation du temps de
réponse. La variabilité des temps de réponse peut également augmenter ainsi que le
nombre de fausses alarmes.
69
− Caractéristiques d’une tâche d’attention soutenue (Nachreiner 1992)
- C’est une tâche monotone, de longue durée : plus d’une demi-heure.
- Les signaux à détecter doivent être perceptibles pour le sujet averti mais peu
visibles par la plupart des observateurs.
- Les signaux critiques sont rares, apparaissent au hasard et sans avertissement.
- La réponse du sujet n’a pas d’influence sur la probabilité d’apparition du
signal critique.
Une grande variété de tâches a été utilisée pour étudier la baisse d’attention
soutenue. Le plus souvent, le sujet surveille un flux continu de signaux non pertinents
et doit détecter une faible modification qui constitue le signal critique. La source de
stimulation peut être multiple (surveillance de plusieurs cadrans par exemple), visuelle
ou auditive… Les tâches peuvent exiger une discrimination soit successive, soit
simultanée, la baisse de performance étant plus marquée dans le cas d’une
discrimination successive. Des tâches cognitives, impliquant un traitement
d’information plus élaboré peuvent également être utilisées. Afin de se rapprocher des
situations réelles, le champ d’investigation a été élargi à des tâches multiples et/ou
plus complexes. Ainsi, dans la tâche de conduite, la tâche de poursuite (maintien de la
direction du véhicule) est associée à la détection de signaux attendus (passage d’un
feu au rouge) ou imprévus (jeux d'enfants).
Aujourd'hui de nombreux auteurs ne respectent pas toutes les caractéristiques des
tâches d'attention soutenue et notamment celles de monotonie et de rareté de
l'événement critique. Ce type de tâche est appelé tâche de monitoring et est également
utilisée pour des expérimentations de longue durée (van Zomeren 1994).
− Caractéristiques d'une tâche de monitoring
Une tâche de monitoring est définie par la présence de signaux critiques
facilement identifiables et pouvant être fréquents. La cadence de l'information à traiter
est rapide contrairement aux tâches d'attention soutenue (van Zomeren 1994).
Lors de la réalisation d'une tâche de monitoring, on observe également une baisse
des performances avec la durée de l'expérience.
70
2. Les états de vigilance
La vigilance correspond à un état physiologique d’éveil. Il a été défini par le
neurologue Head (1923) par "l’état d’efficacité élevé du système nerveux central". Ainsi,
un niveau de vigilance correspond à l’image comportementale d’un certain degré
d’activation du système nerveux central. Cette activité cérébrale peut être mesurée par
électrophysiologie. Elle n’est pas stable dans le temps mais fluctue selon le moment de la
journée ou de la nuit.
En Anglais le terme "activation" est employé et désigne le substrat nécessaire à l’éveil
comportemental et conscient. L’activation permet une réponse aux messages extérieurs
lors de la veille et aux messages intérieurs lors du sommeil paradoxal.
L’expression "les états de vigilance" permet de décrire toute la gamme des états, de la
veille active à la mort. L’articulation de ces différents états a souvent été vue comme un
continuum (cf. Figure 25) basé sur le seul critère physiologique de l’activation EEG.
Processus cognitifAttention sélective ou généraleVeille relaxéeSomnolenceSommeil paradoxalStades de sommeil léger et profondEpilepsies partielles ou généraliséesAnesthésie légère ou profondeComaMort
Act
ivat
ion
+
-
Figure 25 : Continuum unidimensionnel des états de vigilance chez l’homme (d’après Lindsley 1987).
Contrairement au sommeil, où les signaux électroencéphalographiques peuvent être
classés dans différents stades bien connus, il n’existe pas encore de classification reconnue
lors de l’état de veille. La tendance actuelle est de décrire les états de vigilance, non pas
comme des niveaux le long d’un axe unique mais plutôt comme une mosaïque à plusieurs
dimensions (Jouny 1997).
71
Lorsque l'on veut comparer plusieurs tâches, quantifier l’influence de l'ajout d’une
consigne supplémentaire ou l’influence d’autres conditions environnementales, l'estimation
de la charge mentale dans les différentes conditions donne des indications sur le coût
résultant de la contrainte imposée.
3. La charge mentale
a. Définition
Le concept de charge de travail est généralement défini comme "l'ensemble des
efforts physiques et mentaux nécessaires pour la réalisation d'une tâche". C'est donc
l’interaction entre la structure des tâches d’un côté et la capacité, la motivation, l’état
de l’opérateur humain de l’autre (Kramer 1993). Cette définition rend compte de la
fatigue ressentie, de la pénibilité physique et des capacités mises en jeu pour effectuer
la tâche.
La charge de travail, selon son importance, mobilise l'opérateur à des degrés
divers. Une charge élevée, durant des périodes prolongées, entraîne un état de fatigue
susceptible de modifier les caractéristiques de l'opérateur, de le rendre moins stricte
dans l'application des consignes et donc à devenir moins fiable. Une sous-charge de
travail tend à accentuer les phénomènes d'hypovigilance d'autant plus sévèrement que
la tâche à accomplir se révèle plus monotone (Coblentz 1988).
Le travail mental qualifie tous les aspects du travail humain qui impliquent un
traitement de l'information. Plus spécifiquement, la charge mentale a été définie
comme l’astreinte ou le coût, pour un sujet, résultant des contraintes relatives aux
exigences d’une tâche (Sperandio 1984). Elle peut être interprétée comme étant une
mesure de la complexité (Richard 1996). Cependant, on doit considérer son
évaluation comme relativement empirique. En effet l'astreinte ou charge mentale
dépend notamment du mode opératoire choisi et de la motivation du sujet.
b. Méthodes de mesure de la charge mentale
Les méthodes de mesure de charge mentale se regroupent en trois catégories
principales. Les indices basés sur les mesures de performance, sur les modifications de
certaines variables physiologiques et les évaluations subjectives de la charge mentale.
72
− Mesure de la charge mentale à partir des performances
Il existe deux techniques : l’utilisation des performances de la tâche primaire et
celles à partir des performances de la tâche secondaire. Comme nos ressources
attentionnelles sont limitées, lors de la réalisation d’une tâche complexe, nos
performances varient avec la charge mentale (cf. Figure 26).
Niveau de charge mentaleBAS
Per
form
anc
e
HAUT
Zone 1 Zone 2 Zone 3
Figure 26 : Relation hypothétique entre les performances de la tâche primaire et la charge mentale (d’après Eggemeier 1993).
On distingue trois zones. Dans la première zone, une augmentation de charge
mentale ne se traduit pas par une variation des performances de la tâche primaire.
Cela signifie que le sujet a suffisamment de ressources pour s’acquitter au mieux de sa
tâche ou qu’un changement de stratégie lui a permis de compenser l’augmentation de
charge mentale et ce, sans faire varier ses performances. Dans la zone 2, il est
possible d’utiliser la mesure des performances de la tâche primaire pour mesurer la
charge mentale car une augmentation de charge mentale se traduit bien par une
diminution des performances de la tâche primaire. Enfin, dans la troisième zone, il y a
un effet plancher. Cette représentation schématique montre bien que les performances
de la tâche primaire ne reflètent pas toujours des variations de charge mentale. Quand
on se situe en zone 1 ou 3, il est souvent possible d’avoir des indications sur le niveau
de charge mentale en utilisant les performances de la tâche secondaire.
− Mesure de la charge mentale à partir d’indices physiologiques
Les techniques classiquement utilisées pour mesurer la charge mentale sont le
potentiel évoqué, l’électroencéphalogramme, la magnéto encéphalographie, la mesure
du diamètre pupillaire, l’activité cardiaque et l’activité électrodermale.
Les indices cardio-vasculaires sont très utilisés aujourd’hui, notamment pour les
pilotes d’avion, à cause de leur simplicité de mesure et de leurs bons résultats (Floru
73
1991). Ainsi la valeur moyenne de la fréquence cardiaque et l’arythmie sinusale sont
de bons indicateurs du niveau de charge mentale. Cependant, l’interprétation des
variations des indices cardio-vasculaires est délicate car ils sont également sensibles à
d’autres facteurs (activité physique, émotion, stress, baisse de vigilance…).
Ces limitations s’appliquent à l’ensemble des indices physiologiques. En raison
de leur non spécificité, ces indices ne permettent pas toujours, surtout dans des
situations opérationnelles, de différentier ce qui appartient à la charge mentale
proprement dite, au stress ou à la fatigue (Floru 1991).
− Mesure de la charge mentale à partir d’évaluations subjectives
Les mesures subjectives de la charge mentale sont beaucoup utilisées dans
l’évaluation de tâches multiples (Eggemeier 1993). Il existe différentes échelles
subjectives. Les plus utilisées sont l’échelle de Bedford, des variantes de l’échelle de
Coorper-Harper de 1969, l’index de charge mentale de la NASA (NASA Task Load
indeX) et l’échelle SWAT (Subjective Workload Assessment Technique).
Seule l’échelle NASA-TLX sera développée ici car c’est celle que nous
utiliserons dans notre travail. Cette échelle est simple d’utilisation et assez fine (Hart
1988).
L’évaluation se fait selon 6 axes représentés chacun par une échelle analogique de
10 cm. Ces 6 axes sont les suivants : l’exigence mentale, l’exigence physique,
l’exigence temporelle, la performance personnelle, la frustration et l’effort. Le sujet
doit se positionner sur chacun de ces axes en plaçant une barre sur les 6 échelles
analogiques. La mesure de la charge mentale est calculée en faisant la somme des 6
indices (Byers 1989). Un exemple de ce questionnaire est présenté en annexe A.
− Conclusion
Comme notre travail ne portait pas spécifiquement sur la charge mentale mais que
nous avions besoin de la mesurer (notamment pour vérifier nos hypothèses de
différence de complexité entre deux tâches), nous avons préféré utiliser une évaluation
subjective de la charge mentale à des indices physiologiques plus invasifs.
74
4. Paramètres d’évaluation des performances
Nous allons décrire dans ce paragraphe les différents paramètres classiquement utilisés
pour évaluer les performances lors de l’exécution d’une tâche complexe.
a. Les bonnes réponses, les fausses alarmes…
Lorsqu’il est possible de décomposer une tâche multiple en un ensemble de
tâches simples on comptabilise, pour chacune des tâches simples, le nombre de bonnes
réponses aux signaux pertinents et le nombre de fausses alarmes. Il est également
possible de compter les omissions et les rejets corrects (un rejet correct est l’absence
de réponse en l’absence d’un signal critique). Ces paramètres sont traités tels quels ou
transformés en pourcentages. Dans les tâches d’attention soutenue on observe
typiquement une baisse du nombre de bonnes réponses et une augmentation des
fausses alarmes avec le temps (cf. Figure 24).
b. Le temps de réponse
Lors de l’exécution d’une tâche complexe, le sujet répond aux différentes
stimulations oralement ou par pression sur un ou plusieurs boutons. Le temps de
réponse communément mesuré est le temps qui a été nécessaire pour accomplir les 3
étapes du traitement de l’information :
1. La perception de l’information
2. La décision (Est ce que c’était un signal pertinent ?)
3. La réponse : étape motrice
Le temps de réponse global est généralement calculé en moyennant l’ensemble
des temps de réaction de tous les signaux correctement détectés. Cependant, lors
d’une tâche, il peut y avoir des temps de réaction anormalement courts ou
anormalement longs. En effet, un temps de réaction ne peut être inférieur au temps de
perception de l’information. Afin d’éliminer les temps de réactions "anormaux" (les
temps de réaction excessivement longs ou courts par rapport à la moyenne) qui sont
souvent dues à une perte momentanée d’attention, la technique suivante est souvent
utilisée. La moyenne et l’écart type des temps de réaction de toute l’expérience est
calculée. Puis, tous les temps de réaction inférieurs ou supérieurs à la moyenne plus
75
ou moins deux écarts type sont éliminés dans le calcul du temps de réponse global
(Marendaz 1989).
c. La Théorie de Détection du Signal (TDS)
Les paramètres tels que les bonnes réponses, les fausses alarmes…, permettent de
mettre en évidence une variation de performance mais ils ne permettent pas de
conclure sur ses raisons. Cette variation est-elle due à un changement de la capacité à
percevoir les signaux ou à un changement de motivation ? La théorie de la détection
du signal permet de répondre à ces questions. En effet, elle permet de calculer deux
indices dont l’un traduit la sensibilité, c'est à dire la capacité de l’observateur à
détecter le signal au milieu du bruit : c’est l’indice d’ appelé sensibilité ou indice de
discriminabilité. Quant au second, il est appelé biais de réponse et reflète la stratégie
de réponse du sujet, son critère de décision : c’est l’indice c. Un indice dérivé de c
appelé rapport de vraisemblance5 β est beaucoup utilisé (Macmillan 1991).
− Hypothèses
La théorie de détection du signal a été introduite en psychophysique par Tanner
et Swets (1954). et elle a été employée dans d’autres domaines par la suite.
Cependant, elle ne peut pas s’appliquer à toute tâche multiple. En effet, elle part de
l’hypothèse que le signal critique est présenté dans du bruit (constitué par l’absence de
signaux critiques). Le bruit est considéré comme une variable aléatoire normalement
distribuée. Le signal peut être déterministe et avoir des caractéristiques précises et
constantes au cours du temps ou constituer une variable aléatoire. La quantité
signal+bruit doit être normalement distribuée et de variance égale à celle du bruit.
Ces hypothèses ne sont pas toujours vérifiées et limitent l’applicabilité de la
théorie de détection du signal. Cependant, il existe des formules dérivées qui
s’appliquent, notamment lorsque l’égalité des variances n’est pas vérifiée
(Parasuraman 1986).
5 Par abus de langage, l’indice de vraisemblance est souvent appelé critère de décision dans la littérature.
76
− Modèle schématique
Den
sité
de
prob
abili
té f
Etat d’observation dusujet (i.e. son critèrede décision)
Distributiondu bruit f(B)
Distributiondu signal f(S)
Probabilitéde faussesalarmes
Probabilitéd’omissions
Probabilitéde rejetscorrects
Probabilitéde bonnesréponses
d’ sensibilité
ccritère dedécision
0-2.0 2.0
z
Figure 27 : Modèle schématique de la Théorie de la détection du signal. Densité de probabilité de signal et de bruit en fonction des états d’observation d’un sujet. Les différentes probabilités de réponses correspondent à des surfaces.
Comme le montre le modèle, l’indice de sensibilité d’ est la distance (exprimée en
unité normale réduite) entre les moyennes des distributions de bruit et de signal. Le
sujet est dans un certain état d’observation qui correspond à son critère de décision c.
En deçà de ce critère, il va considérer que l’observation était du bruit et au-delà il va
considérer qu’il s’agissait d’un signal.
− Formules et ordre de grandeur des différents paramètres
Pour toute l’expérience ou pour une période temporelle donnée, le nombre de
bonnes réponses (BR), le nombre de fausses alarmes (FA), les omissions (O) et les
rejets corrects (RC) sont comptabilisés. Puis, les probabilités conditionnelles de
bonnes réponses (PBR) et de fausses alarmes (PFA) sont calculées.
RCFA
FAPFA +
=OBR
BRPBR +
=
Pour ces deux probabilités, l’inverse de la loi normale standard est calculée, ce
qui nous donne l’abscisse z correspondante (notée z(Pi) au lieu de zPi).
( ) ( )BRBR PPz 1-(0,1)
N= ( ) ( )FAFA PPz 1-(0,1)
N=
(i) L’indice de discriminabilité :
Il se calcule à partir de la formule suivante : )()(' FABR PzPzd −=
77
d’=0f
z
F(S)=f(B)
d’max=4,65f
z
F(S)F(B)
d’=1f
z
F(S)F(B)
Figure 28 : Ordres de grandeurs pour l’indice de discriminabilité d’
- Lorsque d’=0 cela signifie que le sujet n’est pas capable de détecter un signal
critique au milieu du bruit (cf. Figure 28).
- Il y a un effet plateau lorsque la probabilité de fausses alarmes est très faible.
Lorsque PFA=0,01 alors d’=4,65. A terme les distributions de signal et de bruit sont
totalement séparées (cf. Figure 28).
- Une performance modérée, c’est à dire telle que PBR=69% correspond à d’=1 .
- Lorsqu’un sujet n’a fait aucune fausse alarme, pour éviter que d’ soit infini, on
prend typiquement N
PFA 2
1= au lieu de 0 et N
PBR 2
11−= au lieu de 1.
(ii) Le critère de décision :
Il se calcule ainsi : ( ))()(5.0 FABR PzPzc +×−=
- Lorsqu’un sujet fait autant de fausses alarmes (FA) que d’omissions (O), son
critère de décision est nul6, il n’a pas de biais de réponse.
- Lorsque FA>O alors c>0, le sujet préfère faire des fausses alarmes afin de ne
pas rater de signaux ; il est prudent.
- Lorsque FA<O alors c<0, le sujet a tendance à dire NON, il prend des risques.
(iii) Le critère de vraisemblance :
Il se déduit des deux paramètres précédents ou se calcule à partir des densités de
probabilités de bonnes réponses et de fausses alarmes.
( ))(
)('exp
cf
cfdc
FA
BR=×=β
- Lorsque FA=O alors β=1, le sujet n’a pas de biais de réponse.
6 En effet z(PBR)=1-z(PO)
78
- Si FA>O alors β>1, le sujet préfère dire OUI, il est prudent.
- Si FA<O alors β<1, le sujet préfère dire NON.
− Limites d’application
Ces indices, introduits en psychophysique, ont été parfois utilisés pour des tâches
d’attention soutenue. Dans ce type de tâches, la probabilité de signaux critiques est
très faible (typiquement inférieure à 15%). De ce fait, il y a peu de chance d’avoir une
égalité des variances. De plus, le nombre de fausses alarmes étant généralement très
faible, une petite variation entraîne de grands changements pour β (Parasuraman
1986). L’utilisation de ces paramètres a donc été remise en cause pour les tâches
d’attention soutenue (Long 1981; Naitoh 1983) et il convient de faire preuve de
prudence dans les interprétations des résultats obtenus avec ces paramètres. Une
étude comparative a montré que le critère de décision c donne de meilleurs résultats
que le rapport de vraisemblance β (See 1997).
Afin de vérifier les hypothèses, il convient de tester que d’ et c sont
statistiquement indépendants (Macmillan 1991). Si ce n’est pas le cas, lorsque
l’hypothèse d’égalité des variances n’est pas vérifiée, il est possible d’utiliser d’autres
paramètres moins sensibles à la forme des distributions (Bonnet 1986; Parasuraman
1986).
Notre étude s’intéresse à la mesure du champ visuel et plus particulièrement aux
performances en vision périphérique, en présence d’une tâche centrale visant à focaliser
l’attention du sujet.
Maintenant que nous avons défini les différents concepts intervenants, nous allons
présenter les différentes théories sur lesquelles nous allons nous appuyer dans la suite de
notre travail et ce, en cherchant à voir quelle est l’influence de la difficulté de la tâche
centrale sur les performances en périphérie.
79
II. NATURE DE LA TACHE CENTRALE
Selon les études, des paramètres différents sont mesurés. Certains auteurs se placent à de
faibles excentricités et mesurent le champ de vision utile, le nombre de bonnes réponses ou des
temps de réponse. D'autres stimulent tout le champ visuel périphérique, mais ces études sont
assez peu nombreuses.
Par soucis de clarté, nous parlerons de proche périphérie pour des excentricités situées à
moins de 20°. Lorsque les signaux de la seconde tâche sont présentés uniquement sur le
méridien 0-180°, nous les appellerons signaux latéraux. Les signaux situés à plus de 20° sont
des signaux périphériques. Par contre, nous parlerons dans tous les cas de tâche périphérique
par opposition à la tâche centrale.
Dans un premier temps, nous allons exposer les différents modèles expliquant l’effet d’une
tâche secondaire sur le champ visuel.
Puis, nous présenterons différentes études réalisées sur le sujet en fonction du type de
mesure réalisé et nous allons les rattacher aux différents modèles lorsque cela est possible.
Pour finir, nous ferons une synthèse de ces résultats pour nous positionner par rapport aux
différentes théories.
1. Introduction et présentation des différents modèles
Intuitivement, l'ajout d'une tâche en vision centrale a un effet de détérioration sur la
vision périphérique. Dans un des premiers articles sur le sujet, Bahrick (1952) a constaté
que l'ajout d'une tâche de suivi en vision centrale entraîne une moins bonne détection de
signaux périphériques. Cette détérioration est directement liée à la concentration accordée
à la tâche centrale. Ce phénomène a été appelé "perceptual narrowing" ou "tunneling" en
Anglais et vision tunnel ou entonnoir en Français. Beaucoup d'études se sont intéressées à
la composante attentionnelle de la tâche et montrent que plus un sujet est stressé, plus son
champ visuel est étroit. Dans un article de synthèse, Teichner (1968) postule une
diminution de la zone attentionnelle lorsque le niveau d'activation augmente. Ces résultats
se rattachent à la théorie du filtre de l'attention de Broadbent (cf. p.64).
Cependant, d'autres études, et en particulier celles sur l’attention soutenue, ont
montré qu'une augmentation de la charge mentale en vision centrale entraîne une
amélioration des performances en périphérie. L'augmentation de la charge mentale aurait
80
un effet d'activation. Cette théorie est appelée théorie d’éveil (Hebb 1958; Mc Grath
1960).
Les résultats contradictoires obtenus en faisant varier la charge mentale peuvent être
classés en trois catégories (cf. Figure 29).
- Dans certains cas, compliquer la tâche centrale entraîne un effet d'activation (cf.
Figure 29a) qui implique de meilleures performances en vision périphérique lorsque la
tâche est complexe.
- Dans d’autres cas, les performances en périphérie sont moins bonnes lorsque la
tâche centrale est complexe. Cette baisse de performance peut être de deux types.
- Lorsque la baisse des performances est identique pour toutes les excentricités,
l'interférence est généralisée (cf. Figure 29b).
- Lorsque la dégradation des performances dans le cas de la tâche complexe
augmente avec l'excentricité, on parle d'effet tunnel (cf. Figure 29c).
Figure 29 : Théories et modèlesprésentant l’effet du niveau de complexitéde la tâche centrale sur les performancesde la tâche périphérique en fonction del'excentricité de présentation du stimuluspériphérique.
Dans toutes ces études les signaux sont présentés pendant un temps très bref
(inférieur au temps de latence des saccades oculaires) et le regard fixe la tâche centrale.
Per
form
ance
(B
R p
ar e
x)
Excentricité
Complexe
Facile
a. Théorie de l’ACTIVATION
0°
c. Modèle del’EFFET TUNNEL
Per
form
anc
e (B
R)
Excentricité
Complexe
Facile
b. Modèle de l’effetd’INTERFERENCE GENERALE
Per
form
anc
e (B
R)
Excentricité
Facile
Complexe
0° 0°
81
On parlera dans ce cas d'études de l'environnement périphérique statique (sans mouvement
de la tête ou des yeux).
Le champ visuel utile dynamique a également été mesuré à l'aide d'oculomètres pour
différents niveaux de complexité de la tâche centrale (Pottier 1990). Si la distance entre les
saccades successives est faible et concentrée autour d'un point central, cela signifie que le
regard "se fige", le sujet n'explore plus l'environnement qui l'entoure. De ce fait, il est
moins apte à percevoir des informations situées en périphérie. Ce phénomène, également
appelé vision en tunnel, décrit une stratégie d'exploration visuelle dynamique
contrairement aux modèles décrits par la Figure 29 où le regard est fixe.
Dans un premier temps, nous allons présenter les différentes études réalisées de façon
statique puis nous nous intéresserons au champ visuel utile dynamique et aux stratégies
d'exploration visuelle.
Comme la complexité de la tâche principale peut être modifiée de manière très
diverse, nous allons indiquer quelles sont les études qui ont fait varier la complexité de
façon essentiellement cognitive. Cependant, il n’est pas toujours facile d’établir une
distinction entre les aspects visuels et cognitifs à cause de l'implication simultanée des
deux aspects.
2. Revue des études de l'environnement périphérique statique
Nous allons présenter les différentes études qui ont étudié l'effet d'une tâche centrale
focalisant le regard en les classant par catégorie. Dans un premier temps, nous nous
intéresserons aux mesures du champ de vision fonctionnel. Puis, l’influence d’une tâche
centrale sur les performances en proche périphérie sera étudiée. Enfin, les études qui se
sont intéressées à l’influence d’une tâche centrale sur la vision très périphérique seront
présentées. Dans chaque partie, les études seront présentées de façon chronologique.
a. Etudes mesurant le champ de vision fonctionnel
Mackworth (1965) a parlé le premier de vision en tunnel car, dans son
expérience, l'ajout d'un bruit visuel par l'intermédiaire de lettres avait entraîné une
diminution de la taille du champ visuel utile. Il faut noter que cette étude a été réalisée
pour des excentricités maximales de 10°, donc en proche périphérie. De plus, il n’a
pas varié la complexité de la tâche centrale mais il a ajouté des distracteurs.
82
Ikeda (1975) a étudié l’influence de la charge mentale en vision centrale sur le
champ de vision fonctionnel. Différents stimuli étaient présentés pendant 250ms. Le
signal périphérique était une étoile qu’il fallait détecter et localiser selon 8 méridiens
dans un environnement bruité. Simultanément à ce signal, il pouvait y avoir un
stimulus à identifier en vision centrale. La complexité de ce stimulus était variable et
constituait plusieurs niveaux de charge mentale. L’étendue du champ de vision
fonctionnel pour chaque condition de charge mentale en vision centrale correspond à
une identification correcte des stimuli centraux et périphériques. Selon la complexité
des signaux en vision centrale il y a une diminution de la taille du champ de vision
fonctionnel (cf.. Figure 30), ce qui va dans le sens de la théorie de l'effet tunnel. La
forme du champ de vision fonctionnel est elliptique de grand axe horizontal.
Cependant, il y a de fortes différences inter et intra individuelles. Selon Ikeda, ce ne
sont pas des différences physiologiques mais plutôt des différences de motivation et
d’attitude face à la tâche. Des essais de focalisation de l’attention vers une région du
champ visuel et cela sans mouvements oculaires ont mis en évidence un déplacement
du champ de vision fonctionnel dans la zone où l’attention était focalisée (cf. Figure
31).
Figure 30 : Champ de vision fonctionnel de deux sujets pour différents niveaux de chargementale. Le trait plein correspond à la limite du champ de vision fonctionnel pour dessignaux de complexité zéro et les cercles aux bonnes réponses lorsque des signaux pluscomplexes sont présentés en vision centrale (d’après Ikeda 1975).
Figure 31: Champ de vision fonctionnel correspondant à une attention sélective dans lazone indiquée par la flèche. Le trait plein correspond à la limite du champ de visionfonctionnel pour des signaux de complexité zéro (d’après Ikeda 1975).
83
b. Mesure des temps de réponses et/ou du nombre de bonnes réponses en
proche périphérie
Holmes (1977) a présenté des formes de façon tachistoscopique en proche
périphérie (entre 1° et 6° d’excentricité) pour 3 classes d’âge (5 ans, 8 ans et des
adultes) et plusieurs conditions de tâche centrale. Dans la première condition, il n’y
avait pas de stimulus en vision centrale. Dans la seconde condition, une forme était
présentée en vision centrale mais il ne fallait pas en tenir compte. Enfin, dans la
troisième condition, la forme présentée en vision centrale devait être identifiée. Les
analyses réalisées sur le pourcentage de bonnes réponses montrent un effet de l’âge,
de l’excentricité et de la condition. Les performances augmentent avec l’âge,
diminuent avec l’excentricité mais aussi avec la complexité de la tâche centrale. Il n’y
a pas d’interaction significative entre l’excentricité du signal et la complexité de la
tâche centrale, ce qui a conduit les auteurs à opter pour le modèle d’interférence
générale. Pourtant, les résultats des adultes vont plutôt dans le sens d’une dégradation
des performances avec la complexité de la tâche selon un effet tunnel.
Williams a réalisé plusieurs expériences où il a fait varier la charge mentale de la
tâche centrale. Il a utilisé des tâches doubles de type tachistoscopique où les signaux
étaient présentés pendant 10ms. Les signaux de la tâche secondaire étaient présentés
en proche périphérie (9° au maximum).
Dans deux expériences, Williams a modifié la complexité de la tâche centrale de
façon uniquement cognitive. Dans une première expérience, une paire de lettres était
présentée en vision centrale. La tâche de charge mentale faible consistait en la
détection de deux lettres identiques (égalité physique) (Williams 1982). Dans la tâche
de charge mentale élevée, il fallait détecter des couples de voyelles ou de consonnes
(égalité par catégorie). De plus, il fallait détecter une barre qui pouvait être présentée
selon les huit méridiens principaux en proche périphérie (à respectivement 1,66° ou
3,33° ou 6° d'excentricité). Les temps de réponse ont été mesurés pour les deux
tâches. Les temps de réponse de la tâche centrale et de la tâche périphérique sont
significativement inférieurs pour la charge mentale faible. Les temps de réponse de la
tâche périphérique augmentent avec l'excentricité. La dégradation due à la variation
de la charge mentale est semblable pour les trois excentricités. Cette expérience met
donc en évidence un effet d'interférence générale.
84
Puis, pour les mêmes tâches centrales, Williams (1988) a demandé d'identifier des
lettres présentées pendant 25ms à 2,2°, 3,3° ou 4,4° sur le méridien 0-180°. Le
pourcentage de bonnes réponses aux signaux latéraux est inférieur dans le cas d'une
égalisation par catégorie. Cette dégradation est identique pour les 3 excentricités
considérées. Deux conditions de consignes ont été testées. Lorsque l'importance des
deux tâches est la même, l'augmentation du temps de réponse avec la difficulté de la
tâche centrale suit le modèle d'interférence générale. Par contre, si l'accent est mis sur
la tâche centrale, un effet tunnel est observé.
Dans une autre expérience (Williams 1985), la tâche centrale de charge mentale
faible était la reconnaissance d'une lettre parmi deux. Pour la tâche difficile, une lettre
parmi six devait être reconnue. De plus, l'orientation de barres présentées latéralement
à 3°, 6° ou 9° d'excentricité devait être identifiée. La tâche centrale la plus complexe,
où une lettre doit être reconnue parmi six, donne de moins bons scores en vision
centrale et entraîne également une baisse significative des identifications correctes en
périphérie. L'effet de l'augmentation de la charge mentale est plus fort à 6° qu'à 3°,
cependant cet effet ne s’applique pas à 9°.
La même expérience a été réalisée sur les élèves d'une école d'aviation (Williams
1995) et a montré une augmentation des temps de réponse à des stimuli périphériques
dans le cas de la mémorisation de 6 lettres par rapport à deux. Cette augmentation
croit avec l'excentricité et met en évidence un effet tunnel assez peu marqué.
Chan (1993) a également utilisé 4 niveaux de charge mentale pour la tâche
centrale : l'absence de tâche centrale (niveau 0), la présentation de deux chiffres en
vision centrale ne devant pas être traités (niveau 1), l'identification des deux chiffres
présentés (niveau 2), la somme de ces deux chiffres (niveau 3). Entre les niveaux 1 et
3, la modification de la complexité de la tâche centrale est uniquement cognitive. La
tâche périphérique consistait en la détection d'une lettre présentée à l'intérieur d'une
série de X. Les excentricités considérées étaient situées en proche périphérie entre 2°
et 12°. Les stimuli étaient présentés pendant 250ms et la lettre V devait être localisée.
Contrairement aux études antérieures où les consignes données aux sujets mettaient
l'accent sur l'importance de la tâche centrale, ici la tâche primaire est la tâche
périphérique. Quelle que soit la difficulté de la tâche centrale, le pourcentage de
bonnes réponses baisse avec l'excentricité. La difficulté de la tâche centrale n'a pas
d'influence sur les excentricités inférieures à 7,7° mais, au-delà, il y a une plus forte
85
dégradation. Cette étude a mis en évidence un effet tunnel dû à l'augmentation de la
charge mentale en vision centrale alors que l'accent était mis sur la tâche périphérique.
Par la suite, les mêmes tâches ont été utilisées avec d’autres consignes et ce pour
mettre l'accent sur la tâche centrale et pour modifier l'ordre de réponse des deux
tâches (Chan 1994). Lorsque la tâche primaire est la tâche centrale, on observe un
effet tunnel plus marqué pour les excentricités supérieures à 5°. Par contre, l'ordre de
réponse n'a pas d'influence sur les résultats et ce, quelle que soit la tâche primaire.
La première version du "Visual Attention Analyser" réalisé par Ball7 (1988)
permet de tester l’influence de la difficulté d’une tâche centrale pour 3 excentricités
(10°, 20° et 30°). Le taux d’erreur de localisation des signaux périphériques augmente
avec l’excentricité et ce, quelle que soit la tâche centrale (cf Figure 32).
0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0 10 20 30 40
Charge faible (tâche de détection)Charge moyenne (tâche d'identification)Charge élevée (tâche d'égalisation)
Excentricité en degré
Tau
x d'
erre
urs
(arc
sin)
Figure 32 : Taux d’erreurs de localisation radiale en fonction de l’excentricité pour trois niveaux de complexité de la tâche centrale et 8 sujets âgés de 22 à 33 ans (d’après Ball 1988).
Les taux d’erreurs ne diffèrent pas significativement entre la tâche de détection de
la présence d’un visage (charge mentale faible) et la tâche d’identification de
l’expression de ce visage (charge mentale moyenne). Par contre, pour la tâche de
charge mentale élevée (identification de la similitude entre les deux visages), le taux
d’erreur de localisation augmente significativement. Cette dégradation des
performances en périphérie, identique pour les 3 excentricités considérées conforte la
théorie de l’interférence générale.
7 Une description complète de ce dispositif est présentée p.51.
86
L’étude de van de Weigjert (1997) conforte également l’hypothèse d’interférence
générale. La tâche centrale est une tâche de mémorisation de lettres. La difficulté est
augmentée en présentant des stimuli bruités (60% des points constituant la lettre sont
éliminés). Un signal périphérique est présenté latéralement à ±15° ou ±35° et doit être
identifié. Les temps de réponse aux signaux périphériques augmentent avec
l’excentricité et la complexité de la tâche centrale. Cette augmentation ne varie pas en
fonction de l’excentricité et suit le modèle d'interférence générale.
c. Mesures comprenant l’extrême périphérie du champ visuel
Webster (1964) s'est placé autour de la limite du champ visuel périphérique de
chacun de ses sujets (entre 84° et 96°) et a mesuré le nombre de bonnes réponses et
les temps de réponse tous les deux degrés pour les 14° à l'intérieur de la limite. Ces
mesures ont été faites pour 3 conditions: en l’absence de stimulation en vision centrale
(condition contrôle), en comptant l’allumage d’une led en vision centrale (tâche
visuelle) et en comptant des stimuli auditifs (tâche auditive). L’ajout d’une tâche
supplémentaire, qu'elle soit visuelle ou auditive, a entraîné les mêmes effets sur la
vision périphérique. Les temps de réponse se sont allongés et le nombre de bonnes
réponses a diminué. Cependant, ces résultats ne permettent pas de conclure si cette
décroissance est généralisée (interférence générale) ou est plus forte pour les grandes
excentricités (effet tunnel) (cf. Figure 33).
87
Vers lafovéa
50
60
70
80
90
100
110
-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0Degrés à l'intérieur de la limite
Bon
nes
répo
nses
(%
)
ContrôleFlashClick
Limite duchamp visuel
a.
b.
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0Degrés à l'intérieur de la limite
Tem
ps d
e R
éact
ion
(en
s)
ContrôleFlashClick
Vers lafovéa
Figure 33 : Etude de l’influence de l’ajout d’une tâche sur la zone située autour de la limite du champ visuel pour 3 conditions (Contrôle, Tâche visuelle, Tâche auditive)a. Bonnes Réponses b. Temps de Réponse(d’après Webster 1964).
Leibowitz (1969) s’est également intéressé à l’influence d’une tâche centrale sur
les performances en périphérie. Il a mesuré le seuil de luminance en vision
périphérique le long du méridien 0-180° pour 3 niveaux de difficulté : fixation d’un
stimulus lumineux en vision centrale, extinction du stimulus lumineux central 15 ou 53
fois par minutes. Le sujet devait rallumer le stimulus central dès son extinction par
pression sur un bouton. Les résultats obtenus (cf. Figure 34) montrent que l’effet de la
tâche centrale n’est pas identique à toutes les excentricités de stimulation et est
négligeable à 80° et 90°. Les seuils sont minima en l’absence d’une tâche centrale, et
maxima lorsque la fréquence d’extinction de la lumière centrale est de 15 fois par
minute et non pour la fréquence de 53 fois par minute. Si l'on compare l'une des
conditions de clignotement avec la condition sans clignotement, comme dans l’étude
de Webster, l’ajout d’une tâche centrale a dégradé les performances en périphérie. Par
contre, en augmentant la difficulté de la tâche centrale, on améliore les performances
en périphérie, ce qui va dans le sens de la théorie d’activation.
88
-4
-3
-2
-100 -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 100Excentricité (en Degrés)
Loga
rithm
e du
seu
il de
lum
inan
ce(e
n F
T.-
Lam
bert
s)
Lumière de fixation toujours alluméeLumière de fixation interrompue 15 fois par minutesLumière de fixation interrompue 53 fois par minutes
Figure 34 : Logarithme du seuil de luminance en fonction de l’excentricité de stimulation pour 3 conditions (d’après Leibowitz 1969).
1. Fixation d’un point lumineux 2. Lumière fixée clignotant à une fréquence de 15 extinctions par minute
3. Fréquence de clignotement : 53 extinctions par minute
Bartz (1976) a également obtenu ces résultats en faisant varier la charge mentale
en vision centrale. Ses stimuli périphériques étaient placés tous les 10° d'excentricité le
long du méridien 0-180°. Un chiffre était présenté en vision centrale chaque seconde
et devait être identifié oralement. Selon le niveau de charge mentale 2, 4 ou 8 chiffres
différents étaient présentés. Le sujet devait se focaliser sur cette tâche.
Simultanément, avec une fréquence de 6 par minute, un signal périphérique
apparaissait et devait être détecté. Alors que les temps de réponse pour la tâche
centrale augmentent avec le niveau de charge mentale, les temps de réponse en
périphérie diminuent avec la complexité de la tâche centrale et ce, quelle que soit
l’excentricité du signal périphérique (cf. Figure 35). Ces résultats confirment ceux de
Leibowitz et montrent que la tâche centrale a plutôt un effet d’activation et d’éveil
pour la tâche périphérique qui se traduit par une diminution des temps de réponse en
périphérie. Cet effet d'activation est moins marqué au delà de 60° d'excentricité car,
selon Bartz, il est combiné avec un effet tunnel dont l'effet est maximal pour ces
excentricités.
89
520
540
560
580
600
620
-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80Excentricité en degré
Tem
ps d
e ré
pons
e en
ms
2 chiffres4 chiffres8 chiffres
Figure 35 : Temps de réponse en fonction de l'excentricité de stimulation pour 3 niveaux de complexité de la tâche centrale (d'après Bartz 1976).
3. Revue des études de l'environnement périphérique dynamique
Deux méthodes ont été employées pour avoir des indications sur le champ visuel utile
dynamique dans le cas particulier de la conduite automobile. La mesure de l'excentricité de
réponse (que nous définirons ci-dessous) et l'observation de la localisation et de la durée
des mouvements oculaires successifs.
a. Mesure de l'excentricité de réponse
L’excentricité de réponse permet de quantifier l’étendue du champ de vision utile
dynamique (cf. p.54). et se mesure de la façon suivante. Alors que le sujet réalise une
tâche centrale principale, des stimuli sont présentés pendant un temps bref en
périphérie. Au moment où le sujet répond au stimulus périphérique, la position de son
regard est mesurée à l'aide d'un oculomètre. La différence, en degrés, entre la position
du regard et la position du stimulus périphérique forme l'excentricité de réponse. Si
cette excentricité est importante, cela signifie que l'information du stimulus
périphérique a pu être traitée "de loin" : le champ de vision utile dynamique est grand.
Si elle est faible, cela signifie que le champ de vision est plus étroit. L'excentricité de
réponse permet donc d'étudier l'impact de la difficulté d'une tâche centrale sur la
perception de signaux périphériques.
Miura (1985; 1986; 1987) a utilisé cet indice pour étudier l’influence de la vitesse
de conduite sur le champ visuel dynamique. En effet, des études ont montré que,
90
lorsque la vitesse augmente, l’interaction de la persistance visuelle et du mouvement
relatif de l’environnement entraîne une dégradation progressive de la vision
(phénomène de "speed smear") (Verriest 1984). Miura voulait vérifier que
l’augmentation de la vitesse de conduite dégrade le champ visuel selon un effet tunnel.
Il a utilisé 5 conditions en conduite réelle. Des vitesses de 40, 60 ou 100 km/h avec
différentes densités de trafic. En plus de la tâche de conduite, des signaux pertinents
devaient être détectés. Un oculomètre permettait de mesurer l’excentricité par rapport
au stimulus lorsque la réponse était donnée. Cette étude a été réalisée sur 2 sujets qui
ont conduit 60h. Cette étude a montré une baisse de l'excentricité de réponse et une
augmentation des temps de réponse avec l'augmentation de la difficulté de la tâche de
conduite, mais pas d'effet de la vitesse (cf. Figure 36). En effet, à 40km/h lorsque la
circulation est dense, l'excentricité de réponse est inférieure à 100km/h. Cette
expérience montre que le champ de vision fonctionnel dynamique ne diminue pas avec
la vitesse mais avec l'augmentation de la difficulté de la tâche de conduite. Cette
expérience met en évidence une dégradation des performances en périphérie mais elle
ne permet pas de dire si elle est identique, comme le dit la théorie d'interférence
générale, ou augmente avec l'excentricité, comme le prévoit l'effet tunnel.
Figure 36 : Excentricité de réponse dedeux sujets en fonction de différentesconditions de vitesse et de trafic. Lesdifférentes conditions sont les suivantes :C : condition Contrôle (pas de conduite)CRP : Conduite à 60km/h sur une RoutePeu fréquentée CE : Conduite sur une route Express à100km/h CRM : Conduite à 60km/h sur une RouteMoyennement fréquentée CRF: Conduite à 40km/h sur une Route trèsFréquentée (d’après Miura 1986).
L'étude de Crundall (1997) a essayé de répondre à cette question. Des vidéo-clips
de scènes de conduite avaient été préalablement classés en deux catégories par un
premier groupe de sujets: les clips comportant beaucoup d’événements
potentiellement dangereux pour la tâche de conduite et les autres. Le premier groupe
0
2
4
6
8
10
12
C CRP CE CRM CRFConditions Expérimentales
Exc
entr
icité
de
Rép
onse
(d
eg) Sujet A
Sujet B
0 60 100 60 40 km/h
91
constituant les clips à charge mentale élevée. Puis, les clips étaient projetés à un autre
groupe de sujets. La tâche primaire était la détection des événements potentiellement
dangereux et la tâche secondaire la détection de signaux périphériques présentés
pendant 200ms. Les temps de réponse et l'excentricité de réponse correspondante
étaient calculés. Les résultats ont mis en évidence une interférence générale. En effet,
le pourcentage de bonnes réponses aux stimuli périphériques diminue avec la charge
mentale des clips et cela indépendamment de l'excentricité de réponse.
b. Etude de la stratégie d'exploration visuelle de l'environnement routier
Dans l’étude de Pachiaudi (1996), la détection de signaux périphériques placés
sur le tableau de bord à 20° d’excentricité simultanément à une tâche de conduite
automobile réelle était étudiée. La charge cognitive a été modifiée par l’ajout d’une
conversation téléphonique main libre. Les performances de conduite, que ce soit en
terme de vitesse et en terme de déviation latérale, n’ont pas été significativement
affectées par la tâche de cognitive. Par contre, le temps de réponse pour détecter le
signal périphérique a augmenté de 50%, et ce, quelle que soit l’habitude du
conducteur à téléphoner en conduisant. Une analyse des mouvements oculaires a
montré que lors de la conversation téléphonique, la durée des fixations de la route
augmente et la fréquence des saccades oculaires baisse. De ce fait, les consultations
des rétroviseurs et du tableau de bord sont moins nombreuses. On observe donc une
fixation du regard au détriment d’une surveillance des événements périphériques, ce
qui se traduit notamment par un allongement des temps de réponse au signal situé à
20° d’excentricité.
L’étude réalisée par Recarte (1997) confirme ce résultat. Il a étudié l’influence
de deux tâches mentales sur les mouvements oculaires lors de la conduite. Il a
comparé l’absence et la présence d’une tâche cognitive de réflexion (nommer des
mots commençant par la lettre indiquée par l’expérimentateur : tâche verbale) ou
d’une tâche d’imagerie mentale (classifier les lettres de l’alphabet dans la catégorie
ouvert (ex : C et T) ou fermé (ex : B et O)). L’ajout de la tâche de réflexion verbale
entraîne une diminution de la durée des fixations de la route tandis que la tâche
d’imagerie mentale entraîne une augmentation de cette durée. De plus, les deux tâches
cognitives entraînent une diminution de la variabilité des fixations, que ce soit sur
92
l’axe vertical ou horizontal. Cet effet est plus marqué dans le cas de la tâche
d’imagerie mentale. Cette étude confirme que l’ajout d’une tâche cognitive entraîne
une rigidité du regard. Plus cette tâche supplémentaire demande de représentation
visuelle, plus le regard se fige.
Ces deux études montrent que, lors de la réalisation d'une tâche cognitive, la
périphérie du champ visuel est moins surveillée.
4. Conclusion
Selon les auteurs, le terme périphérie ne signifie pas la même chose. Beaucoup
d’auteurs disent s’intéresser à la vision périphérique mais ne vont pas regarder plus loin
que 30° voire 10° d’excentricité. Les études qui ont stimulé tout le champ visuel
périphérique sont peu nombreuses et nous intéressent tout particulièrement. En effet on
peut se demander si les théories d’effet tunnel et d’interférence générale s’appliquent en
périphérie du champ visuel.
Etudes statiques
Les études qui se sont intéressées à l’étude du champ fonctionnel de vision statique
(Ikeda) et qui se sont donc limitées à la proche périphérie montrent une diminution de la
taille du champ fonctionnel de vision avec l’augmentation de la charge mentale en vision
centrale. Ces résultats plaident en faveur de la théorie d’effet tunnel.
Les études qui comparent des performances obtenues en stimulant la proche
périphérie, ont mis en évidence une diminution des performances avec l’augmentation de
la charge mentale en vision centrale (Holmes, Williams, Chan, Ball, van de Weijgert).
Cependant les résultats obtenus sont contradictoires et ne permettent pas de conclure sur
le modèle de vision en tunnel ou d’interférence générale.
Les études qui ont stimulé le champ visuel très périphérique (jusqu’à 70° voire 90°
d’excentricité) montrent deux effets.
93
- L’ajout d’une tâche centrale a pour conséquence de moins bonnes performances en
périphérie (Webster, Leibowitz). Par contre, il n’est pas possible de conclure sur la forme
de cette baisse.
- Lorsque l’on utilise un paradigme de double tâche et que l’on rend la tâche centrale
plus complexe, on obtient de meilleures performances en périphérie (Leibowitz, Bartz).
L’augmentation de la charge mentale en vision centrale a donc un effet d’activation.
Etudes dynamiques
L’excentricité de réponse a été mesurée dans le cadre de la conduite automobile et
montre une baisse de l’excentricité de réponse, et donc du champ fonctionnel de vision
dynamique, avec l’augmentation de la difficulté de la tâche de conduite (Miura, Crundall).
Il semblerait que cette baisse soit générale mais le petit nombre d’études dans ce domaine
ne permet pas de généraliser.
Selon Verriest, pendant la conduite, une information visuelle (la vitesse de défilement
du paysage) entraîne un phénomène de vision tunnel. L’étude de Miura a montré que la
complexité de la tâche de conduite a un effet plus marqué sur l’excentricité de réponse et
les temps de réponse que l’information sur la vitesse. Ce résultat montre l'importance des
aspects cognitifs par rapport aux aspects strictement visuels sur le phénomène de
détérioration de la vision périphérique.
Cas particulier des modifications cognitives
Les études qui ont uniquement modifié la charge cognitive sont peu nombreuses.
L’ajout d’une charge cognitive semble avoir un effet de détérioration des performances
périphériques mais les faibles excentricités considérées ne permettent pas de se positionner
sur l’importance de cette détérioration (Chan, Williams). Les études réalisées dans un
environnement dynamique (Pachiaudi, Recarte) ont montré que le regard se fige lors de la
réflexion nécessaire à la tâche cognitive et de ce fait, les temps de réponse aux tâches
centrale et périphérique augmentent.
Synthèse
Si l’ajout d’une tâche centrale a toujours un effet de dégradation des performances en
périphérie il serait intéressant de connaître la forme de cette baisse. Est-il possible de
conclure en faveur de la théorie d’interférence générale ou de l’effet tunnel ?
94
Dans notre travail, nous allons nous intéresser plus particulièrement au champ visuel
utile statique. En effet, il nous paraît fondamental de connaître l'influence d'une tâche
centrale sur les capacités perceptives statiques du champ visuel pour pouvoir ensuite
l'appliquer à des études de champ visuel dynamique et de stratégie oculaire. De plus, la
relation entre les informations obtenues par oculométrie (durée et emplacement des
fixations oculaires successives) et les capacités perceptives en vision périphérique est
contestable.
Dans le cas d’un paradigme de double tâche, augmenter la difficulté de la charge
centrale a un effet activateur qui se traduit par de meilleures performances en périphérie.
Par contre, cet effet d’activation n’apparaît pas dans les études qui ont stimulé la proche
périphérie. Il serait intéressant de stimuler l’ensemble du champ visuel et de faire varier la
difficulté d’une tâche centrale pour savoir s’il y a des différences en fonction de
l’excentricité. En effet, il est fort possible que la proche périphérie soit inhibée dans le cas
d’une tâche centrale complexe. Par contre, si cette inhibition n’atteint pas des zones plus
excentriques, cela expliquerait l’effet d’activation.
Cette meilleure connaissance des capacités perceptives en périphérie lors de la
réalisation d'une tâche principale a de grandes applications ergonomiques. En effet elle va
nous permettre de connaître les localisations optimales pour présenter des signaux d'alerte
dans des postes de surveillance (de type centrale nucléaire par exemple) ou pour placer
des systèmes d'aide à la navigation dans des véhicules.
Nous avons présenté l’effet de la complexité d’une tâche centrale sur la vision
périphérique ce qui nous a permis d’introduire les différents modèles de variation des
performances.
Dans la suite de notre travail nous allons présenter d’autres facteurs qui peuvent
influencer la vision périphérique et nous nous rattacherons à ces différents modèles lorsque
cela est possible.
Dans un premier temps nous allons nous intéresser aux facteurs biologiques et en
particulier aux rythmes circadiens et à l’effet de l'âge.
95
III. FACTEURS BIOLOGIQUES
Nous allons dans cette partie nous intéresser aux facteurs biologiques. En effet, lors
d’études de psychophysique, les variations inter-individuelles sont fortes et il est important de
connaître et de tenir compte des facteurs biologiques principaux lors de la mise au point d’une
expérience. Comme l’étude de la vision périphérique nous intéresse plus particulièrement, seuls
les facteurs biologiques intervenant à ce niveau seront présentés.
C’est pourquoi nous ne parlerons pas d'un éventuel effet du sexe car, comme nous l’avons
dit précédemment (cf. p.42), les bases de données des périmètres automatiques sont basées sur
des milliers de personnes et n’ont pas mis en évidence d’effet du sexe. De plus, aucune étude
du champ de vision fonctionnel n’a mis en évidence un effet du sexe.
Nous allons tout d’abord présenter les rythmes biologiques circadiens et voir dans quelle
mesure ils sont susceptibles d’influencer nos performances au cours de la journée.
Enfin, nous nous intéresserons à l’effet de l'âge, car les bases de données des périmètres
automatiques ont mis en évidence une dégradation du champ visuel avec le vieillissement. De
plus, des travaux sur le champ de vision utile ont également montré des effets de l'âge.
1. Effet circadien
Après avoir présenté de façon succincte ce que sont les rythmes biologiques
circadiens, nous allons nous intéresser plus particulièrement au rythme circadien de la
température interne et à son influence sur les performances. Enfin, nous parlerons de
l’effet de ce rythme sur la vision.
a. Définition
Les rythmes circadiens sont des rythmes biologiques de périodicité d’environ 24
heures (compris entre 20h et 28h). Il y en a de très nombreux : le rythme veille-
sommeil chez l’homme adulte, le rythme de la température centrale, de la composition
sanguine et de nombreuses fonctions métaboliques… Nous nous intéresserons plus
particulièrement ici aux fluctuations journalières de la température centrale. En effet,
cet indice a été largement utilisé depuis les années 60 comme un témoin du niveau
d’activité global de l’organisme et il est négativement corrélé avec la fatigue
subjective (Monk 1991). La température interne est minimale entre 3h et 5h du matin.
Le matin, elle s’élève rapidement pour se stabiliser dans l’après-midi, le maximum se
96
situant en soirée. La décroissance est alors rapide pour atteindre le minimum autour
de 3h du matin (cf. Figure 37).
97.2
97.4
97.6
97.8
98
98.2
4:00 9:00 14:00 19:00 0:00 5:00
Tem
péra
ture
inte
rne
(°F
)
Heure de la journée
Début duSommeil
Fin duSommeil
Figure 37 : Rythme circadien de la température interne pour un groupe de 70 jeunes hommes (d’après Colquhoun 1971).
Cependant la variabilité inter individuelle est grande et la courbe diffère selon
l’âge et le caractère matinal ou vespéral des sujets. Ainsi, les vespéraux ont un pic de
température plus tardif que les matinaux.
b. Relation entre la température interne et les performances ?
Kleitman (1963) a montré une corrélation entre les performances de tâches
simples et le niveau de température interne. Les performances sont minimales le matin
et tard le soir et maximales l’après-midi. En début d’après midi, il a observé une chute
des performances non corrélée à l’augmentation de la température interne. Cette
décroissance des performances a été appelée "effet post prandial" car survenant après
le repas. Les travaux ultérieurs ont montré que cet effet était indépendant de la prise
d’un repas mais était lié à une diminution normale du niveau d’activité du système
nerveux central (Leconte 1990).
Les études des dix dernières années ont montré que les tâches simples ne
nécessitant que vitesse et précision et n’impliquant pas la mémoire et le raisonnement,
étaient les plus corrélées avec la température (Folkard 1979). Ainsi, pour les tâches
d’attention soutenue, les performances sont meilleures l’après-midi. Par contre,
certaines tâches complexes et en particulier toutes les tâches faisant appel à la
mémoire à court terme, ne sont pas corrélées avec la température. De plus, pour les
97
matinaux, le niveau de performance a tendance à baisser progressivement tout au long
de la journée tandis que pour les vespéraux, il suit l’évolution de la température
interne.
Cependant, la tendance générale est la suivante : au cours de la journée la rapidité
d’exécution augmente et ce, au détriment de la justesse (Monk 1982). Au cours de la
nuit, une forte décroissance des performances est observée. Les performances
nocturnes diminuent plus rapidement que les performances diurnes et deviennent très
basses à la fin de la tâche. En général les effets circadiens sur les performances sont
plus forts à la fin des tâches d’attention soutenue (Nachreiner 1992).
Au cours d’une tâche de détection de longue durée, la baisse des performances
est essentiellement due à une augmentation du critère de décision (le sujet devient plus
prudent) alors que l’indice de détectabilité reste constant (Leconte 1990). Au cours de
la journée, si l’on considère des tâches classiques d’attention soutenue, d’ reste stable
et β diminue (Craig 1981). Cependant l’application de la théorie de la détection du
signal à ce type de tâches a été remise en question car le nombre de fausses alarmes
est très faible (Naitoh 1983). Pour des tâches où la probabilité de signal est
équiprobable (plus proche des conditions d’application classique de la théorie de
détection du signal), d’ et les temps de réaction diminuent au cours de la journée et β
reste stable (Craig 1987). Ce résultat confirme les résultats de Monk : la justesse
diminue au cours de la journée et ce, au profit d’une plus grande rapidité.
Craig (1985) a calculé un indice d'efficacité d'/TR pour savoir si les variations de
rapidité étaient compensées par l'indice de détectabilité. Cet indice d'efficacité est
constant entre 8h, 11h, 17h et 20h mais est significativement plus faible à 14h. Au
cours de la journée l'augmentation de la rapidité est compensée par l'augmentation des
erreurs. Par contre, ce n'est pas le cas en début d'après midi, probablement à cause de
l'effet du creux post prandial.
c. Et la vision ?
A notre connaissance, aucune étude sur le champ visuel périphérique n’a mis en
évidence un effet des rythmes circadiens. Est-ce parce qu’aucune étude n'a été
réalisée ou parce qu’elles n’ont pas abouti ?
Cette revue bibliographique nous a montré que si nous voulons tenir compte des
effets circadiens, que ce soit afin de minimiser des variations inter-individuelles ou
pour étudier leur influence sur le champ visuel, il est indispensable de tenir compte du
98
caractère matinal ou vespéral des individus. En effet, la fluctuation des performances
au cours de la journée diffère considérablement suivant ce paramètre et seul le creux
post prandial et la baisse des performances nocturnes sont des constantes. Il est
possible de connaître l'appartenance à l'un des deux groupes à l'aide de questionnaires
subjectifs du type de "l'Evening Morning Test" de Horne (1976).
2. Effet de l'âge
Nous allons dans cette partie nous intéresser à l’effet de l'âge sur les capacités
attentionnelles visuelles et la vision.
Dans un premier temps nous parlerons de l’attention visuelle et en particulier de
fenêtre perceptive, d’attention divisée et de capacité d’automatisation. Puis, nous
regarderons quels sont les effets du vieillissement sur le champ visuel utile. Nous parlerons
également de l’importance de la prise en compte des phénomènes d’apprentissage. Enfin,
nous ferons une synthèse des différents phénomènes observés.
a. Sur l’attention visuelle
De nombreuses études ont mis en évidence une baisse des capacités
attentionnelles avec l’âge et en particulier pour des activités non automatisées (Ball
1990a). Dans le cas de la recherche visuelle, cette baisse est plus marquée pour des
tâches plus complexes ou lorsque les stimuli sont placés au milieu d’éléments non
pertinents ou encore lorsque la position du signal n’est pas connue au préalable. Ainsi,
le temps nécessaire à la localisation et à l’identification de stimuli augmente avec
l’âge. Différents déficits attentionnels ont été identifiés.
− Diminution de la taille de la fenêtre perceptive
La localisation, réalisée lors de processus pré-attentifs, et l’identification, réalisée
à des stades plus tardifs de l’attention, sont deux processus indépendants. Partant du
constat que les personnes âgées font plus d’erreurs de localisation que d’identification
(Plude 1985), la baisse d’attention sélective est attribuée aux processus pré attentifs
de l’attention et en particulier à la baisse de la capacité à localiser des informations
pertinentes dans le champ visuel.
99
L’augmentation avec l’âge de la durée nécessaire pour localiser et identifier des
signaux, serait due à un rétrécissement de la fenêtre de perception. De ce fait, pour
accéder à la même quantité d’information, plus de fixation et donc de mouvements
oculaires sont nécessaires pour localiser une cible, ce qui prend plus de temps.
Certains chercheurs pensent que la baisse de la taille de la fenêtre perceptive a une
origine attentionnelle, d’autres l’attribuent à une baisse de la sensibilité visuelle (Ball
1990a).
− Baisse de l’attention divisée
Comme les personnes jeunes ont généralement des temps de réponse plus courts
dans les tâches multiples (McDowd 1993), on pense qu’ils sont capables de traiter
plus d’informations en parallèle. De plus, lorsque deux tâches doivent être traitées
simultanément, les personnes âgées ont tendance à en abandonner une presque
complètement pour se consacrer à l’autre. Ils ont donc une moins grande capacité à
partager leur attention entre plusieurs sources informatives.
Cependant, afin de savoir si la baisse de performances est due à la juxtaposition
de deux tâches ou à une réalisation plus lente de chacune des tâches, le paradigme
suivant a été utilisé. Les paramètres de chaque tâche sont ajustés individuellement
pour avoir le même niveau de performance. Puis, la tâche double est effectuée avec
ces paramètres. Une baisse des performances avec l’âge confirme une baisse de la
capacité à diviser l’attention avec l’âge.
Dans l’étude de Somberg (1982)., aucune différence en fonction de l’âge n’est
significative lorsque l’on égalise au préalable les performances des tâches simples, ce
qui contredit l’hypothèse avancée.
Par contre, une étude de Ponds (1988), réalisée sur trois classes d’âge différentes
a montré que, malgré l’ajustement préalable des paramètres de chaque tâche, les
performances des personnes âgées étaient significativement inférieures et ce pour les
deux tâches. Dans cette étude, la tâche principale était une tâche de suivi : une route
était projetée sur un écran et les sujets devaient maintenir leur véhicule sur la route à
l’aide d’un volant en présence d’un vent latéral. Il fallait simultanément compter des
points présentés sur la route. L’amplitude du vent et le temps de présentation des
points étaient choisi individuellement pour chaque sujet afin d’obtenir le même niveau
de performance pour chaque tâche réalisée isolément. Mais, malgré cela, les
performances des personnes âgées étaient inférieures.
100
L'étude de Brouwer (1991), réalisée sur le même dispositif, a confirmé ce
résultat. Les performances des tâches de comptage et de suivi étaient
significativement inférieures pour les personnes âgées, malgré l'ajustement au
préalable des paramètres de chaque tâche. Cet effet de l'âge était moins marqué si la
réponse à la tâche de comptage était vocale. Cette étude montre que les effets de l'âge
se traduisent par une moins bonne capacité à diviser son attention mais interviennent
également au niveau de la modalité de réponse.
− Baisse de la capacité d’automatisation
Dans une étude de Rogers (1994), les différences d’âge ont été étudiées dans le
cadre de l’automatisation d’une tâche double. L’hypothèse de départ est la suivante :
si la tâche principale a été automatisée, l’ajout d’une tâche secondaire ne va pas
altérer les performances de la tâche principale. L’étude a montré que l’automatisation
a lieu plus rapidement si la tâche que l’on cherche à automatiser est une tâche de
mémorisation par rapport à une tâche visuelle. Les personnes âgées sont capables
d’automatiser une tâche de mémorisation mais pas une tâche visuelle, contrairement
aux personnes plus jeunes et ce, malgré un entraînement intensif à la première tâche
(de l’ordre de 9000 passages). Il semblerait donc que les personnes âgées ne soient
pas capables de développer un nouveau processus d’automatisation d’une tâche
visuelle.
b. Sur le champ visuel utile
Beaucoup d’études ont étudié l’effet de l’âge sur les fonctions visuelles et, de ce
fait, des bases de données donnent l’étendue du champ visuel en fonction de l’âge. Par
contre, moins de travaux se sont intéressés à l’étude du champ fonctionnel de vision et
à l’influence de sa taille dans la vie quotidienne. Des questionnaires subjectifs sur les
capacités visuelles ont montré que les difficultés dont se plaignent les personnes âgées
ne sont pas correctement identifiées par les mesures cliniques des fonctions visuelles
(Ball 1993a).
En effet, lorsque des personnes se plaignent de difficultés lorsqu’elles conduisent,
se déplacent ou que des objets apparaissent soudainement dans leur champ de vision,
l'examen ophtalmologique classique et la mesure de leur champ visuel peuvent être
normaux, si ce n’est une baisse de sensibilité du champ visuel due à l’âge. Dans ce cas
101
là, des mesures du champ fonctionnel de vision permettent bien souvent de quantifier
les problèmes rencontrés au quotidien.
Un sondage a été réalisé pour évaluer, de façon subjective, la recherche visuelle,
la rapidité et la sensibilité lumineuse (Ball 1990b). Les résultats ont été corrélés avec
des mesures classiques de périmétrie réalisées sur les périmètres Octopus et de
Goldmann et une mesure du champ fonctionnel de vision sur le "Visual Attention
Analyser" (cf. p.51). Les mesures de périmétrie classique ont mis en évidence une
baisse de la sensibilité visuelle périphérique avec le vieillissement, cohérente avec les
banques de données. Sur le "Visual Attention Analyser", la présence de distracteurs et
d’une tâche centrale entraîne une diminution du champ fonctionnel de vision. Une
régression multiple a été réalisée entre le questionnaire subjectif évaluant les
problèmes de rapidité et de recherche visuelle avec les mesures réalisées sur les deux
périmètres et la mesure UFOV avec distracteurs et tâche centrale. En prenant les deux
groupes étudiés, seul le test UFOV est significativement corrélé avec le questionnaire
subjectif. Aucune corrélation n’apparaît pour le groupe jeune. Par contre, pour les
personnes âgées, seul l’UFOV est corrélé avec les résultats du sondage. Cette
corrélation est plus forte pour le test comportant des distracteurs. Par contre, la
régression multiple entre le questionnaire subjectif sur la sensibilité visuelle et les trois
mesures ne montre qu’un effet de l'âge. L’amplitude de cette baisse est corrélée avec
le questionnaire subjectif d’évaluation des fonctions visuelles.
Cette étude montre donc que les mesures du champ fonctionnel de vision
permettent de détecter des problèmes de vision dans la vie quotidienne. En effet, les
mesures du champ de vision utile testent essentiellement les processus pré attentifs car
ce champ visuel est mesuré en l’absence de mouvements oculaires, les stimuli étant
présentés pendant des durées très brèves. La taille du champ de vision utile diminue
avec l’âge et dépend de la durée des stimuli, de la conspicuité de la cible et de la
difficulté de la tâche secondaire. Selon les personnes, la baisse de la taille du champ
visuel utile et donc des capacités attentionnelles visuelles, peut avoir une ou plusieurs
causes :
- Un ralentissement des processus visuels.
- Une baisse de la capacité à diviser son attention
- Une baisse de la capacité à extraire un signal d’un environnement complexe.
102
Le premier dispositif de mesure du champ de vision utile développé par Ball8
(1988) a été utilisé sur 24 sujets représentant 3 classes d’âge. Quel que soit l’âge,
l’augmentation de la difficulté de la tache centrale et l’ajout de distracteurs entraînent
une augmentation des erreurs de localisation en périphérie. Ces erreurs augmentent
également avec l’excentricité. Les trois classes d’âge sont significativement distinctes
et le nombre d’erreurs de localisation augmente avec l’âge comme le montre la Figure
38. L'effet de l'âge est identique pour les 3 excentricités considérées et suggère une
dégradation des performances de localisation avec l'âge selon le schéma d'interférence
généralisée.
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
0 10 20 30 40Excentricité (en degrés)
Tau
x d'
erre
urs
(arc
sin)
< 40 ans
40-59 ans
>=60ans
Figure 38 : Erreurs de localisation radiale pour trois groupes d’âge en fonction de l'excentricité de présentation du signal périphérique(d’après Ball 1988).
Une étude a utilisé la deuxième version du dispositif UFOV8 sur 59 personnes
âgées constituant un échantillon représentatif des déficits visuels de leur classe d’âge
(Owsley 1995). Les personnes qui avaient une sensibilité visuelle ou une sensibilité au
contraste faible ou des déficits dans leur champ visuel, avaient tous de mauvaises
performances de localisation sur le test UFOV. Il y avait une forte corrélation entre
les performances sur le test et les déficits de champ visuel tels que une baisse de
sensibilité lumineuse ou au contraste… Par contre, 50% des personnes ayant un
champ visuel normal avaient de grandes difficultés à localiser les cibles présentées sur
le dispositif UFOV. Il existe donc une diminution normale du champ visuel utile avec
le vieillissement (tout comme il existe une baisse de la sensibilité visuelle périphérique)
8 Pour une description de ce test voir p.51.
103
sur laquelle peut éventuellement se greffer une plus forte baisse due à des déficits plus
marqués de l'attention visuelle.
L’étude de Seiple (1996), réalisée sur une version légèrement modifiée du
dispositif UFOV, s’est intéressée spécifiquement à la forme de l’évolution des
performances en périphérie avec l’âge. Il a utilisé la tâche complexe de Ball avec, en
vision centrale, l’égalisation de l’expression des deux visages et un temps de
présentation des signaux fixé à 90ms. Il a observé une augmentation significative des
erreurs de localisation avec l’âge et avec l’excentricité. Cet effet de l’âge est identique
pour les trois excentricités considérées et suit la théorie d’interférence généralisée.
Cette étude a obtenu les mêmes résultats que celle de Ball et a de plus montré que
l’intensité lumineuse des signaux présentés (2cd/m² et 78cd/m²) n’avait pas d’effet sur
les performances.
Pauzié (1995) a développé un dispositif permettant de mesurer le champ de
vision utile comprenant une tâche centrale dynamique et l’a utilisé pour étudier les
effets de l’âge. La tâche principale centrale était dynamique (défilement d’un ruban) et
comportait trois niveaux de complexité (changement de vitesse et présence de
distracteurs). La tâche secondaire consistait à détecter des spots lumineux en
périphérie placés à 10°, 25° ou 40° à différents emplacements du champ visuel. La
complexité de la tâche centrale n’a pas eu d’effet sur les performances de la tâche de
suivi et ce, quel que soit l’âge. Par contre, pour la tâche périphérique, les omissions,
les fausses alarmes et les temps de réponse augmentent significativement avec la
complexité et ils sont toujours supérieurs chez les personnes âgées (cf. Figure 39).
Comme dans l’étude de Ball, les omissions sont plus importantes dans le groupe le
plus âgé et augmentent avec l’excentricité (cf. Figure 40).
104
450
480
510
540
570
600
0 1 2 3Complexité
Tem
ps d
e ré
pons
e en
ms
jeunesâgés
0
2
4
6
8
10
12
14
0 10 20 30 40
Excentricité en degré
Po
urce
ntag
e d’
om
issi
ons
jeunesâgés
Figure 39 : Effet de l’âge pour les tempsde réponse en fonction de la complexitéde la tâche centrale.
0 : pas de tâche centrale 1 : Vitesse de défilement lente 2 : Défilement rapide du ruban 3 : Défilement rapide + distracteurs.
Figure 40 : Effet de l’âge pour lepourcentage d’omission des signauxpériphériques en fonction del’excentricité ( d’après Pauzié 1995).
c. Importance de l’apprentissage
Lorsque les effets de l’âge sont étudiés, il faut toujours prendre en compte le
phénomène de l’apprentissage. En effet, le nombre de séances nécessaires pour
atteindre un niveau de performance stable est plus élevé chez les personnes âgées.
L’étude de Rogers (1994) comportait un nombre très important de passages et elle a
montré un apprentissage plus lent selon les classes d’âges. Elle remet en question les
études qui ont obtenu un fort effet de l’âge et qui n’ont pas tenu compte de la
différence de temps d’apprentissage et d’acclimatation due à l’âge. Les capacités
d’apprentissage existent quel que soit l’âge, seule la vitesse d’acquisition est différente
(Arenberg 1973).
Cependant, il n’est pas toujours possible, dans les protocoles expérimentaux, de
mettre en place un apprentissage total jusqu’à obtenir des performances stables car
cela alourdirait considérablement les expériences. De plus, il n’est pas toujours utile
de connaître des capacités visuelles ou attentionnelles absolues comme cela est fait en
psychophysique par exemple. En effet, lorsque l’on cherche à déterminer l’effet de
l’âge au quotidien ou que l’on veut connaître un comportement face à un événement
imprévu, le stade de l’apprentissage n’est pas nécessaire.
Pourtant, il est toujours intéressant de connaître l’effet d’un apprentissage sur une
fonction visuelle déficiente. En effet, un entraînement intensif réalisé sur le dispositif
UFOV a montré une amélioration des résultats après apprentissage et ce quelle que
105
soit la classe d’âge (Ball 1988). Après 6 mois, le niveau de performance était
identique à celui obtenu après entraînement. Ce résultat montre que l’on peut
augmenter la taille du champ visuel utile en s’entraînant et que l’effet de cet
entraînement est stable dans le temps. Il serait intéressant de quantifier la relation
entre ce phénomène et la vie quotidienne pour savoir si cet effet sur le champ
fonctionnel de vision se traduit par une amélioration de la perception visuelle au
quotidien.
d. Conclusion
Les études qui s’intéressent à l’effet de l'âge sur le champ visuel et en particulier
sur le champ fonctionnel de vision, sont assez nombreuses. Les mesures de champ
visuel utile confirment la baisse de la sensibilité visuelle périphérique avec le
vieillissement mais elles permettent également de détecter des déficits attentionnels.
L’utilisation de ce type de tests pour l’évaluation de l’aptitude à conduire un véhicule
est dont pertinente (cf. p.57).
Cependant, aucune des études réalisées n’a effectué des mesures à plus de 40°
d'excentricité. De plus, le nombre d’excentricités stimulées étant généralement réduit,
aucune hypothèse n’est faite sur la forme de la baisse du champ fonctionnel de vision
due au vieillissement.
Ball calcule un indice global qui correspond, selon lui, à la taille du champ visuel
utile et il a montré qu’il diminue avec l’âge. Cependant, si les performances de chaque
excentricité sont comparées, il semblerait plutôt que la baisse des performances de
localisation soit généralisée car elle est identique pour les trois excentricités
considérées (cf. Figure 38). L’étude de Seiple a confirmé ces suppositions. Par contre,
l’étude de Pauzié suggère une baisse des performances selon un effet tunnel (cf.
Figure 40).
Nous allons essayer de nous positionner par rapport à ces travaux, notamment en
stimulant l’ensemble du champ visuel périphérique.
Cette présentation de l’influence des facteurs biologiques sur la vision périphérique et le
champ visuel utile nous a montré l'importance du choix de l'heure d'expérimentation mais
également les grandes différences existant selon l'âge de la population étudiée. Nous allons
maintenant nous intéresser à l'influence de facteurs de situations liés au comportement des
individus
106
IV. FACTEURS DE SITUATION
Les facteurs de situation sont indépendants de l’environnement extérieur à l’individu mais
sont liés à son comportement propre. Naturellement, dans des conditions de laboratoires, la
situation étudiée est induite par l’expérimentateur. Seuls les facteurs de situation susceptibles
de modifier les performances en vision périphérique seront présentés ici.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’effet de l’ingestion de substances telles
que de l’alcool, de la drogue ou des médicaments.
Dans un deuxième temps, l’effet de la fatigue sera étudié. Cette fatigue pouvant être
induite expérimentalement par la réalisation d’une tâche de longue durée ou par une privation
de sommeil.
1. Effet de l'ingestion de substances
a. Effet de la prise d’alcool
L’influence de la prise d’alcool sur les performances et en particulier sur la
conduite automobile, est un sujet d’actualité. Certains pays tolèrent une faible
présence d’alcool dans le sang, d’autres interdisent totalement la conduite automobile
dans ce cas. En France, la réglementation est passée à 0,5g/kg dans le sang depuis
1996. Nous allons essayer d’évaluer l’influence de la prise d’alcool sur les
performances visuelles, notamment en périphérie du champ visuel.
− Sur le champ visuel
Les conducteurs sous l’emprise de l’alcool rapportent qu’ils ont plus de difficulté
à percevoir des objets situés en périphérie de leur champ visuel, ils parlent de vision
en tunnel. Pourtant, plusieurs études ont étudié les effets de l’alcool sur le champ
visuel et n’ont pas réussi à mettre en évidence cette anomalie (King 1943) .
Gandolfo (1992) a étudié l’effet de 0,5g/kg d’alcool sur le champ visuel de 20
sujets en utilisant différentes techniques d’évaluation de la vision périphérique. Il a
réalisé une périmétrie cinétique en condition photopique pour 3 cibles, une mesure des
seuils de luminance sur le méridien 0-180° jusqu’à 40° d’excentricité, en condition
photopique et mésopique, et une mesure des seuils de clignotement en condition
photopique pour les mêmes excentricités. Les effets de l’alcool ne sont pas marqués
avec la périmétrie cinétique. La périmétrie statique photopique et mésopique montre
107
une augmentation de la sensibilité visuelle en vision centrale qui est probablement due
à l’action vasodilatatrice de l’alcool sur les vaisseaux rétiniens. L’alcool entraîne une
diminution des seuils de clignotements qui s’accentue avec l’excentricité (30% de
perte à 5° d’excentricité, 45% à 20° et plus de 65% à 40°). Mis à part la périmétrie de
clignotement, le phénomène de vision tunnel observé subjectivement sous l’emprise de
l’alcool n’est pas confirmé dans cette étude.
− Sur le champ fonctionnel de vision
Moskowitz (1974) a voulu se rapprocher des conditions de la vie quotidienne en
mesurant les performances en périphérie en présence d’une tâche centrale. Il a mesuré
les performances sur le méridien 0-180° pour trois conditions de charge mentale en
vision centrale (pas de tâche centrale, comptage du nombre d’extinction d’une led qui
clignote soit à une fréquence faible : 0,4/s, soit à une fréquence élevée : 0,8/s), et deux
concentrations d’alcool dans le sang (0,414g et 0,828g/kg d’alcool). Le signal
périphérique a une intensité faible et est présenté pendant 1s. Dans la condition sans
tâche centrale, aucun effet de l’alcool n’est significatif. Par contre, pour les deux
conditions de clignotement, la prise d’alcool entraîne une augmentation significative
du nombre d’omission de signaux périphériques, comme le montre la Figure 41.
Aucun effet n’est observé pour les performances de la tâche centrale. Ces résultats
confirment le fait que les effets de l’alcool sur le champ visuel ne sont pas visibles
avec des paradigmes de tâche simple. L’effet de l’alcool est plus marqué lorsqu’il est
nécessaire de diviser son attention.
Pas de tâche centrale
0
20
40
60
80
100
-42 -36 -30 -24 -18 -12 -6 0 6 12 18Excentricité en degré
Po
urce
ntag
e d'
om
issi
ons Placebo
0.414g d'alcool par kg0.828g d'alcool par kg
Limitestatique
Tâche centrale: fréquence declignotement rapide
0
20
40
60
80
100
-42 -36 -30 -24 -18 -12 -6 0 6 12 18Excentricité en degré
Placebo0.414g/kg0.828g/kg
Figure 41 : Pourcentage d’omission des signaux périphériques (d’après Moskowitz 1974).
108
Roehrs (1994) a étudié l’effet de l’alcool sur une tâche d’attention divisée et
également sur une tâche de conduite automobile simulée. Pour la tâche d’attention
divisée, l’alcool n’a pas d’effet sur les performances de la tâche centrale de suivi mais
les temps de réponses à la tâche secondaire sont plus lents. Quant à la tâche de
conduite simulée, la taille des déviations par rapport au centre de la route est plus
grande dans la condition avec 0,6g/kg d’alcool.
− Conclusion
Ces études ont montré que l’effet de l’alcool n’apparaît pas pour des tâches
simples car l’organisme est capable, par une plus forte concentration notamment, de
contrebalancer les effets de l’alcool. Par contre, dans la réalisation d’une tâche plus
complexe et/ou pour des tâches doubles, les performances sont significativement
affectées, le champ visuel périphérique diminue et ce, pour des doses d’alcool assez
faibles. Ces études montrent bien l’importance de la sobriété au volant car dans la
conduite automobile, il est nécessaire d'être attentif aux événements périphériques.
b. Effet des drogues illicites
Les effets des drogues illicites sur la conduite automobile et la vision sont mal
connues justement à cause du caractère illicite de ces drogues. De plus, la complexité
de la cinétique et du métabolisme de ces drogues dans l'organisme est telle que les
différences inter individuelles sont très importantes et il est difficile d'établir des
standards. Nous allons présenter dans ce paragraphe les effets visuels des principales
drogues illicites (le Chuiton 1996).
− Le cannabis
L'influence du cannabis est très variable selon la dose, la voie et la fréquence des
administrations mais aussi selon la personnalité et les motivations du sujet. En plus
d'un sentiment d'euphorie, il peut entraîner des hallucinations et des distorsions des
perceptions sensorielles pouvant accentuer ou diminuer leur acuité. Au niveau visuel,
on observe des troubles de la vision des couleurs, de la perception des profondeurs,
du nystagmus et une diplopie.
− Les opiacés
L'effet de ces drogues varie selon la quantité et la sensibilité des sujets. On
ressent une euphorie avec une sensation vertigineuse de bien être profond
109
extrêmement intense mais fugace : c'est l'effet "flash". Sur le plan visuel, on observe
un myosis.
− La cocaïne
Après un flash rapide et bref, suivi d'une excitation intense psychique et physique
où l'acuité mentale, la force musculaire, le débit verbal… augmentent, on ressent une
période de dépression intense. Des troubles visuels, avec mydriase inconsistante sont
observés.
− Les phényléthylamines (ecstasy)
Ces drogues entraînent une exacerbation des perceptions sensorielles et une levée
des inhibitions sociales. A fortes doses, on peut voir des hallucinations et des
distorsions d'images.
− Le LSD
Cette drogue entraîne un état d'euphorie intense suivi par des hallucinations avec
des distorsions de l'image et du temps.
Le rôle des drogues illicites dans la survenue des accidents de la circulation est
mal connu. Les études épidémiologiques sont rares et partielles, en raison du
caractère illicite de l'usage des drogues d'une part, des contraintes législatives,
éthiques et financières d'autre part. Très peu d'études expérimentales ont été
effectuées. Robbe (1994) a étudié l'effet du cannabis en conduite réelle et a montré
une altération des performances. En laboratoire, les tests d'attention, de vigilance et
de suivi de trajectoire étaient également perturbés par la prise de cannabis.
c. Effet des médicaments
− Généralités
Alors que l’influence de la prise d’alcool sur les performances de conduite est
bien connue et qu’une législation existe en France, il n’en est pas de même pour les
médicaments. Très peu de travaux ont étudié leur influence sur la conduite automobile
et il n’existe aucune réglementation. Il est vrai que le grand nombre de médicaments
existant rend difficile, voire impossible, une étude exhaustive. De plus, comme pour
110
les drogues, il n’est pas envisageable de réaliser des études en conditions de conduite
réelle.
Une étude épidémiologique réalisée en France en 1985 a montré que 18% des
conducteurs consomment des somnifères et 16% des tranquillisants (Biecheler-Fretel
1989). La consommation régulière de médicaments comportant des benzodiapéines
(classe thérapeutique de psychotropes, hypnotiques et tranquillisants la plus utilisée en
France) équivaut à une alcoolémie de 0,5g/l (Lagier 1990). De plus, d’autres
médicaments pouvant paraître anodins ne le sont pas (Dranesas 1997). C’est le cas
notamment de certains sirops contre la toux qui contiennent des dérivés d’opium
sédatifs, de certains anti-douleurs et anti-fièvres. L’association de plusieurs
médicaments et/ou la prise simultanée d’alcool augmente les risques de façon non
négligeable. 15 à 20% des accidents de la route sont imputables aux médicaments
(Sicard 1991).
− Principaux types d’effet des médicaments altérant les performances et en
particulier la conduite automobile (Lagier 1997).
- La somnolence est entraînée ou favorisée par les tranquillisants et les
somnifères, les médicaments contenants des barbituriques, les benzodiazépines, les
neuroleptiques, les antidépresseurs, la plupart des anti-histaminiques, les analgésiques,
certains antitussifs et sédatifs légers. Certains de ces médicaments sont délivrés sans
ordonnance et sont très utilisés.
- Des troubles visuels, de nature et de gravité très variés sont parfois entraînés
par des médicaments. Ces derniers peuvent être administrés localement sous forme de
collyre mais aussi par voie générale. Il peut s’agir :
- d’une diminution de l’acuité visuelle pour certains médicaments anti-
tuberculeux et des médicaments hormonaux utilisés chez les femmes.
- de poussées de glaucome notamment pour les médicaments anti
inflammatoires de type cortisoniques.
- de modifications du champ visuel avec certains anti-inflammatoires non
cortisoniques.
- de troubles de la motilité oculaire….
- Des sensations ébrieuses, voire un véritable état d’ébriété, peuvent être dus à
des médicaments ou à des drogues illicites.
111
- Des modifications du comportement, susceptibles de nuire à la sécurité de la
conduite automobile peuvent être provoquées par des médicaments. C’est le cas
notamment des anti-inflammatoires cortisoniques, de certains analgésiques, de
neuroleptiques et de tranquillisants mais aussi de certains coupe-faim. A un moindre
degré, la caféine, peut aussi faciliter des troubles du comportement. De plus, des
sujets devenus dépendants de somnifères et de tranquillisants et qui ont arrêté d’en
prendre peuvent, en période de sevrage, avoir des troubles du comportement.
2. Effet de la fatigue
a. Tâche de longue durée : étude des effets temporels
(ou durée de la tâche)
L’évolution des performances au cours du temps a été abondamment étudiée
pour les tâches d’attention soutenue et a montré une dégradation des performances
qui s’accentue avec le temps. Peu d’études se sont intéressées aux fluctuations
temporelles des performances à différentes localisations de notre espace visuel.
Nous allons rappeler quels sont les effets de la durée de l’expérience sur les
performances. Puis, nous nous intéresserons à l'utilisation de tâches doubles ou
complexes dans lesquelles des signaux situés en périphérie du champ visuel sont
présentés. Nous regarderons l’évolution des performances au cours du temps pour ces
signaux périphériques. Enfin, nous étudierons les effets temporels sur le champ visuel.
− Généralités sur l’effet de la durée de l’expérience
Les nombreuses études réalisées ont mis en évidence une diminution du
pourcentage de bonnes réponses et/ou une augmentation du pourcentage de fausses
alarmes et/ou une augmentation des temps de réponse avec la durée de l’expérience.
La baisse de performance peut aussi se manifester par une augmentation de la
variabilité des temps de réponse (Floru 1987).
Depuis 1960, la théorie de la détection du signal a été appliquée aux tâches
d’attention soutenue ce qui a suscité de nombreuses critiques car ses hypothèses sont
en désaccord avec la faible fréquence des signaux critiques propre aux tâches
d’attention soutenue. Cependant, l’utilisation d’indices non paramétriques et une plus
grande souplesse dans les caractéristiques des tâches d’attention soutenue, ont rendu
possible l’utilisation de cette technique qui permet de distinguer des effets sur la
capacité à percevoir un événement (d’ ) et des effets sur le critère de réponse (c ou β
112
suivant les auteurs). Parasuraman (1986), dans une revue de synthèse, a montré que
les effets de la durée de l’expérience dépendent des caractéristiques de la tâche.
Lorsque la fréquence d’événement est rapide, l’indice de détectabilité d’ diminue avec
le temps. Par contre, pour des fréquences d’événements faibles, c’est le critère de
réponse qui est significativement affecté. Si la probabilité de signal critique est faible,
le critère de réponse augmente avec le temps, ce qui correspond à un comportement
de prudence. Si ce n’est pas le cas, il diminue et la prise de risque augmente.
− Effets temporels sur la perception de signaux périphériques
Plusieurs auteurs ont présenté des signaux périphériques (sur le tableau de bord,
visibles par les rétroviseurs…) en plus de la tâche de conduite ou de suivi et ont
étudié la perception de ces signaux au cours du temps.
Dans l’expérience de Riemersma (1977), 12 sujets ont conduit de nuit sur
autoroute entre 22h et 6h avec une courte pause à 2h. En plus de la tâche de conduite
il fallait détecter le changement de couleur d’une LED placée sur le tableau de bord.
Les omissions étaient plus importantes dans la seconde partie de la nuit et les temps
de réponse moyens ont significativement augmenté. Cette expérience n’a pas mis en
évidence des effets à court terme (après 30min) comme pour les tâches classiques
d’attention soutenues, mais des effets à plus long terme. Ce phénomène est peut-être
dû à une plus forte motivation et concentration car les enjeux en conduite réelle sont
plus importants.
Dans l’expérience de Bell (1964), les déviations de 20 voltmètres, dont 8 étaient
placés face au sujet et 8 latéralement, devaient être surveillés pendant 4h. Toute
déviation trop importante devait être signalée. Là encore, le nombre d’omissions a
significativement augmenté au cours du temps.
Dans l’expérience de Bursill (1958), en plus d’une tâche centrale de suivi, il fallait
détecter des signaux périphériques placés à 20°, 50° ou 80° d’excentricité. La durée
du test était de 40 minutes et le nombre d’omissions était comptabilisé par période de
4 minutes. Il n’a pas observé de variation significative du nombre d’omissions au
cours du temps.
Poulton (1974) a utilisé le même type de tâche avec des signaux périphériques
placés aux même excentricités. Il a comparé trois périodes de 11 minutes et n’a pas
observé de variation significative du temps de réponse moyen au cours du temps.
Dans l’étude de Frome (1981), le seuil de luminance de signaux bleus présentés
sur un fond rouge à 7° d’excentricité augmente linéairement avec la durée de
113
l’expérience pour atteindre 10 fois la valeur initiale après une expérimentation d’une
heure. Par contre, aucune augmentation du seuil de luminance n’a été observée en
vision centrale.
Ronchi (1970) a étudié la probabilité de perception de signaux périphériques dans
l’obscurité au cours du temps. Des signaux étaient présentés tous les 5° d’excentricité
entre 0° et 60°, avec une intensité proche du seuil de luminosité pour chaque
excentricité. L’expérience a duré 40 minutes et a mis en évidence une baisse
exponentielle de la performance au cours du temps, qui varie en fonction de
l’excentricité. Ainsi, pour des excentricités inférieures à 35°, la constante de temps est
comprise entre 7 et 9 minutes. A 40°, elle est de 13 minutes et entre 45 et 60°, elle est
comprise entre 19 et 22 minutes. Après cette constante de temps, il y a une remontée
partielle des performances qui suggère une évolution cyclique au cours du temps dont
le rythme dépend de l’excentricité (Ronchi 1973). Cette évolution cyclique est en
accord avec d’autres études de longue durée qui ont montré que le déclin initial de
performance est souvent suivi par une remontée partielle des performances
(Mackworth 1968).
− Conclusion
Les rares études qui se sont intéressées à l’effet du temps pour la détection de
signaux périphériques ne nous permettent pas d’avoir d’hypothèse forte. En effet, les
résultats des quelques études qui ont stimulé différentes excentricités sont
contradictoires. Certaines n’ont observé aucune variation au cours du temps, d’autres
observent une dégradation des performances.
Les études de Ronchi montrent que le déclin des performances n’est pas identique
dans toute l'étendue du champ visuel. Il est plus lent en périphérie. De plus, s’il y a un
remontée partielle des performances dont la période est variable selon l’excentricité, il
semble difficile de conclure sur la forme de la dégradation dans le champ visuel. Est-
elle identique quelle que soit l’excentricité selon le modèle d’interférence générale ou
augmente-t-elle avec l’excentricité (effet tunnel) ?
Ce sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre dans la suite de
notre travail.
114
b. Privation de sommeil
Nous allons présenter les effets d'une privation de sommeil sur les performances
puis nous nous intéresserons aux études qui ont appliqué la théorie de la détection du
signal.
− Effet sur les performances
La privation de sommeil a des effets qui se rapprochent parfois des effets d’une
tâche de longue durée. Libert (1992) a réalisé une expérience où 12 sujets ont été
partiellement privés de sommeil (4H de sommeil) pendant 4 jours consécutifs. Ils
réalisaient tous les jours une double tâche. La tâche centrale était une tâche de
mémorisation et la tâche secondaire la détection de signaux lumineux placés à la limite
du champ visuel binoculaire. Le nombre d’omissions augmente significativement pour
les deux tâches avec l’augmentation de la dette de sommeil.
Dans l’étude de Poulton (1974), dont nous avons parlé précédemment, la durée
de l’expérience n’avait pas d’effet dans la condition contrôle. Par contre, dans la
condition de privation de sommeil, les temps de réponse moyens augmentent au cours
du temps et ce, quelle que soit l’excentricité considérée.
Corsi-Cabrera (1996), dans une expérience utilisant une privation de sommeil de
40H, a également montré que les temps de réponse à une tâche de vigilance visuelle
augmentent avec la dette de sommeil. L’amplitude du spectre de l’EEG enregistré
pendant la tâche est corrélé avec l’augmentation de temps de réponse et augmente
également. Aucune variation circadienne n’a été observée pendant cette expérience,
mais elle est peut être masquée par l’effet de la privation de sommeil.
L’effet de la privation de sommeil sur les performances visuelles a été mesurée
(Quant 1992). Après une privation de sommeil de 65H, au cours de laquelle des
militaires étaient en manœuvre, les point de convergence et de stéréopsie n’ont pas été
affectés. Par contre, une augmentation significative de la divergence des deux yeux a
été observée après 48H de privation de sommeil.
− Application de la théorie de la détection du signal
Afin de savoir si la baisse de performance observée après une privation de
sommeil est due à une baisse de la capacité à discriminer le signal ou à un changement
dans la prise de risque, plusieurs auteurs ont appliqué les indices de la théorie de la
détection du signal à ce type d’études.
115
Deaton (1971) a utilisé la tâche de vigilance auditive de Wilkinson (pendant 30
minutes et avec une fréquence des signaux critiques de 25%) pour étudier l’effet
d’une privation de sommeil sur d’ et β. Une comparaison des deux quarts d’heure du
test avant la privation montre une diminution de d’ et une augmentation de β avec le
temps. La privation de sommeil a fait baisser le critère de discriminabilité d’ mais n’a
pas affecté β.
Horne (1983) a réalisé l’expérience suivante : huit sujets ont été privés de
sommeil pendant 43H et ont réalisé la tâche de vigilance auditive de Wilkinson
pendant 1H, à intervalle régulier. L’étude a mis en évidence une baisse du
pourcentage de détection avec l’augmentation de la privation de sommeil. La capacité
à discriminer le signal du bruit d’ baisse au cours de la nuit et augmente légèrement au
cours de la journée. La Figure 42 montre bien la diminution progressive de d’ avec
l’augmentation de la dette de sommeil, imbriquée avec un effet circadien qui est
responsable de la légère augmentation de d’ au cours de la journée. Comme pour
l’expérience de Deaton, les variations de β ne sont pas significatives. Cette étude
montre qu’il n’y a pas de variation de la prise de risque avec la privation de sommeil
mais bien une moins bonne capacité à percevoir un signal.
2
2.5
3
3.5
4
4.5
0 4 8 12 16 20 0 4 8 12 16 20Heure
d'
Privation de sommeil
Supression du déclin linéaire
Condition contrôle
Figure 42 : Indice de discriminabilité d’ moyen au cours du temps (d’après Horne 1983).
− Conclusion
Il n’y a pas, à notre connaissance, de travaux étudiant les variations de taille du
champ fonctionnel de vision avec la privation de sommeil. Cependant, les résultats
obtenus avec une privation de sommeil partielle par Libert ont mis en évidence une
116
baisse des performances en périphérie avec l’augmentation de la dette de sommeil. Par
contre, comme une seule excentricité était stimulée, il n’est pas possible d’avoir des
éléments sur la forme de cette baisse dans le champ visuel.
Après la présentation de l’influence des facteurs de situation tels que l'ingestion de
substances et la fatigue sur la vision périphérique et le champ visuel utile, nous allons nous
intéresser à l'influence de facteurs indépendants du comportement de l'individu mais liés à
son environnement.
V. FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX ET COMBINAISONS DE FACTEURS
Nous allons nous intéresser à l’influence des facteurs environnementaux (souvent appelés
stresseurs ou nuisances dans la littérature) sur les performances et en particulier la vision
périphérique. Les facteurs environnementaux étant très nombreux, nous n’en ferons pas une
étude exhaustive mais nous nous intéresserons plus particulièrement à ceux qui ont une réelle
importance pour la conduite.
Nous allons tout d’abord présenter l’effet de la température, puis nous parlerons des effets
du bruit et des vibrations. Enfin, nous aborderons la combinaison des nuisances.
1. Effet de la température
Nous allons dans cette partie nous intéresser à l’effet de la température sur le champ
visuel utile. Comme très peu d’études se sont intéressées à cette problématique, nous
allons regarder quel est l’effet de la température ambiante sur les performances car cela
peut nous permettre d’avoir des indications sur son possible effet sur le champ visuel utile.
Puis, l’effet de l’environnement thermique sur la vision sera présenté. Enfin nous
synthétiserons ces différents résultats pour nous forger une hypothèse de travail sur
l’influence de la température ambiante sur le champ visuel utile.
a. Sur les performances
Dans ce paragraphe qui s’intéresse à l’effet de la température ambiante sur les
performances nous allons d’abord parler des temps de réponse. Puis, nous nous
117
intéresserons aux tâches d’attention soutenue. Pour finir, les tâches de suivi et la
conduite automobile seront évoquées.
− Pour les temps de réponse
Grether (1973) a synthétisé les résultats de 50 expériences étudiant l’effet de la
température sur les temps de réponse. Les temps de réponse à une tâche simple
diminuent significativement avec une hausse de température (même modérée). Par
contre, ils ne sont pas affectés par un froid modéré. Les temps de réponse à une tâche
complexe augmentent avec la température et le nombre d’erreurs augmente
significativement au froid.
− Pour les tâches d’attention soutenue
L’effet de la température a beaucoup été étudié pour les tâches d’attention
soutenue. En effet, en partant du constat que des conditions de travail trop
confortables ont un effet néfaste sur le niveau de concentration, des recherches ont été
entreprises pour évaluer quelles sont les conditions environnementales nécessaires
pour obtenir un niveau de performance optimum au cours du temps.
Mackworth (1950) a pour ce faire utilisé son test de l’horloge dans quatre
ambiances thermiques différentes (21, 26 ,31 et 36°C). Il a montré que le nombre
d’omissions est minimal et que l’efficacité est maximale à 26°C. Ce résultat a été
confirmé par la suite et il a été communément admis qu’une chaleur modérée (autour
de 26 à 32°C) a un effet bénéfique sur les performances d’une tâche d’attention
soutenue car elle induit une sensation de léger inconfort qui est activante. La
température optimale dépendant du temps d’exposition, de la difficulté de la tâche…
Cependant, d’autres études (Pepler 1958; Poulton 1974) montrent une baisse des
performances dans une ambiance thermique chaude.
Hancock (1986) a essayé de synthétiser et d’expliquer ces résultats
contradictoires. La chaleur a toujours un effet activant au départ, qui est bénéfique
pour les performances. Si la température interne augmente au cours du temps, l’effet
de la chaleur ambiante est bénéfique pour le niveau d’éveil (il y a une acclimatation à
la chaleur). Par contre, si la température interne reste stable, le sujet a chaud, il est
somnolent et ses performances déclinent fortement au cours du temps (le nombre de
fausses alarmes augmente fortement). Cette hypothèse a été confirmée par des
expériences où la température interne du corps a été modifiée artificiellement
(Colquhoun 1972).
118
− Pour les tâches de suivi et en particulier la conduite automobile
Les performances d’une tâche de suivi sont sensibles à la température et
diminuent significativement au chaud et au froid (Poulton 1974).
Mackie (1977) s’est intéressé à l’influence de la température sur la conduite
automobile et ses résultats confirment les résultats obtenus pour des tâches de suivi
plus simples. En effet, dans sa condition chaude les ajustements du volant sont plus
nombreux et augmentent plus avec le temps que dans la condition neutre. Son
protocole comportait également une tâche secondaire afin d’évaluer d’effet de la
chaleur sur les performances. Il fallait détecter un changement de luminance d’une
lumière visible dans le rétroviseur. Les temps de réponse à cette tâche augmentent
significativement avec le temps dans la condition contrôle et diminuent avec le temps
dans la condition chaude. Ce résultat ne contredit pas les autres études sur les temps
de réponse mais il remet en cause l’utilisation de tâches secondaires pour l’évaluation
d’un niveau de vigilance. Par contre, dans les trois premières heures de conduite les
temps de réponse sont significativement plus élevés à 32° qu’à 18°C.
Une étude récente de Wyon (1996) a montré des temps de réponses aux signaux
de la tâche secondaire plus élevés dans la condition chaude. Les sujets (51 hommes et
31 femmes) conduisaient pendant une heure à 21°C ou à 27°C. Des signaux étaient
présentés sur le tableau de bord (allumage de l’indicateur de niveau d’huile, décalage
temporel d’une minute…) ou dans les rétroviseurs et devaient être détectés par le
conducteur. L’effet de la chaleur sur la tâche secondaire est très important. En effet
les temps de réponse sont supérieurs de 22% dans la condition chaude et 50% des
signaux détectés dans la condition contrôle ne sont pas perçus à 27°C. Ces
dégradations sont plus marquées dans la seconde demi-heure et dans un
environnement urbain.
b. Sur la vision
Peu d’études se sont intéressées à l’effet de la température sur la vision.
Hohnstein (1984) a étudié l’effet de la chaleur sur l’acuité visuelle dans trois
conditions (contrôle : 29°C et 40% d’humidité, chaud humide : 38,5°C et 65%
d’humidité, chaud sec : 50°C et 10% d’humidité). L’acuité visuelle diminue avec la
chaleur et est plus faible dans la condition de chaleur sèche. Cette baisse est
linéairement corrélée avec l’augmentation de la température interne.
119
Une seule étude s'est intéressée à l’effet de la chaleur sur la vision périphérique
(Bursill 1958). Deux tâches devaient être réalisées simultanément dans deux
conditions thermiques (18°C et 37°C) : une tâche de suivi et la détection de signaux
périphériques placés le long du méridien 0-180° à 20°, 50° et 80° d’excentricité. Les
sujets étaient placés dans l’ambiance thermique une heure avant de réaliser le test. Les
performances des deux tâches sont significativement affectées par la température (plus
d’erreurs de poursuite et d’omissions des signaux périphériques à 37°C). Cette
dégradation s’accentue fortement avec l’excentricité selon le modèle de l’effet tunnel
(cf. Figure 43). En diminuant la difficulté de la tâche centrale de suivi, aucun effet de
la température n’est significatif. Ce résultat montre que l’effet observé pour la
première expérience n’est pas dû à une action directe et physique de la chaleur sur
l’œil. Il semblerait donc que ce sont les niveaux centraux de l’attention qui sont
affectés par la température.
1020
30405060
7080
-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80Excentricité en degré
Po
urce
ntag
e d'
om
issi
ons
18°C
37°C
Figure 43 : Pourcentage d’omission des signaux périphériques pour deux conditions thermiques 18°C et 37°C (d’après Bursill 1958).
c. Synthèse
Comme notre synthèse bibliographique l’a montré, très peu de travaux ont étudié
l’effet de la température sur la vision. Celles qui se sont intéressées aux performances
montrent qu’une température très froide ou très chaude diminue significativement les
performances. Par contre, pour des chaleurs modérées les effets sont contradictoires,
dépendent des expériences et sont liés à la température interne. Dans le
développement d’une expérience visant à étudier l’effet de la température, il est
important de contrôler la température interne du sujet mais surtout de réaliser une
acclimatation suffisante à la température étudiée. Dans une première expérience
Bursill (1958) avait réalisé son test sans acclimatation à la température et bien que le
120
nombre d’omission était supérieur dans la condition chaude, il augmentait beaucoup
moins fortement avec l’excentricité.
Il serait intéressant de réaliser des mesures du champ visuel utile dans différents
environnements thermiques car aucune étude n’a confirmé ou infirmé le résultat
obtenu par Bursill. Si l’effet tunnel est confirmé, cela permettrait d’expliquer
partiellement le grand nombre d’omissions des signaux de la tâche secondaire de
Wyon (1996) en condition chaude.
2. Effet du bruit, des vibrations
Les études qui se sont intéressées à l’effet du bruit et des vibrations sur la vision
périphérique sont très peu nombreuses, voire inexistantes. Nous allons donc présenter une
synthèse rapide des effets du bruit puis des vibrations sur les performances en général et
sur la vision en particulier, lorsque des travaux ont été faits dans le domaine.
a. Effet du bruit
Le bruit est un concept psychologique, défini comme un stimulus sonore
indésirable, parce qu’il est gênant et perturbe l’activité (Cohen 1981). Il existe
différents types de bruit et les effets d’une exposition à un bruit dépendent de son
type, de sa durée, de son intensité et de sa signification. On distingue essentiellement
les bruits continus et les bruits intermittents. Nous allons tout d’abord décrire les
effets du bruit sur les performances puis nous mentionnerons ses effets sur la vision.
− Effet sur les performances
Un bruit continu blanc n’a pas d’effet sur les performances lors de la réalisation
d’une tâche simple pendant une longue durée. Par contre, le nombre de réponses à
longue latence, interprétés comme des trous attentionnels, est plus important dans un
environnement bruité (Broadbent 1953). De plus, lors de la réalisation d’une tâche
complexe, une détérioration des performances due au bruit est observée (Hancock
1984). Un bruit intermittent agit plus sur la variabilité des performances que sur leur
valeur moyenne ou médiane. Cependant, les résultats des études sont contradictoires
et ne permettent pas de dégager une tendance générale (Floru 1987).
En effet, l’intensité du bruit est un facteur non négligeable. Ainsi, l’absence de
bruit ou la présence d’un bruit faible a généralement un effet néfaste sur les
performances. Un bruit d’intensité modéré peu avoir un effet bénéfique sur les
performances car il est activateur. Ainsi, la présence d’un bruit perçu comme agréable
121
tel que de la musique ou des paroles a un effet bénéfique sur les performances d’une
tâche de longue durée car il est activateur. Naturellement un bruit de forte intensité va
avoir des effets nocifs sur les performances (Nachreiner 1992).
− Effet sur la vision et le champ visuel
Broadbent (1953) a testé l’effet du bruit sur différents tests visuels et il a montré
que l’acuité visuelle, la perception des distances, la vision scotopique et la vitesse des
saccades n’étaient pas affectées par le bruit. Par contre, les doubles tâches sont
perturbées par le bruit et en particulier la tâche secondaire.
Burns (1979) a observé une altération de la perception des couleurs et un
rétrécissement du champ visuel après une exposition prolongée à des bruits
industriels.
Hockey (1984), pour vérifier son hypothèse d’une augmentation de la sélectivité
de l’attention avec le temps de travail dans le bruit, a étudié l’influence de l’intensité
du bruit pour une tâche complexe de longue durée stimulant simultanément les visions
centrale et périphérique. La tâche primaire était une tâche de poursuite d’une cible
placée dans le champ visuel central. La tâche secondaire était une tâche de détection
de 6 signaux lumineux dont 2 étaient situés autour de la cible et 4 à la périphérie du
champ visuel. Les temps de réponse aux signaux situés en proche périphérie sont
inférieurs dans la condition de bruit d’intensité élevée (100dB). Par contre, les temps
de réponse aux signaux situés à la limite du champ visuel sont inférieurs dans la
condition de bruit d’intensité plus faible (70dB). Selon l’auteur, le bruit, par son effet
activateur, augmente la sélectivité de l’attention en rétrécissant son champ.
− Conclusion
Il est difficile de généraliser les effets du bruit car les conditions expérimentales
sont très différentes selon les auteurs. Cependant, les études de Burns et Hockey
montrent un rétrécissement du champ visuel et du champ d’attention qui peut être
interprété comme étant une diminution de la capacité de traitement de l’information
sous l’effet du bruit.
b. Effet des vibrations
L’étude des effets des vibrations sur les performances a commencé avec les vols
rapides à basse altitude et les vols spatiaux et s’applique aujourd’hui également à la
conduite automobile. Différentes gammes de fréquences sont à distinguer dans l’étude
des vibrations (Floru 1987).
122
- Les basses fréquences (1-2Hz) sont responsables du mal des transports.
- Les vibrations à 3-4Hz perturbent la lecture de cadrans et l’exploration
visuelle.
- Par contre, les vibrations sinusoïdales de 5Hz ont un effet bénéfique sur les
performances car elles réduisent la latence de réponse à des stimuli visuel et
atténuent le déclin des performances dans une tâche de vigilance auditive. Cet
effet bénéfique est dû à une augmentation de l’activation car 5Hz est la
fréquence de résonance du tronc, muscles relâchés.
- Les vibrations sinusoïdales comprises entre 7 et 11Hz produisent une nette
détérioration de la performance.
- Enfin, l’acuité visuelle à 4m baisse avec un maximum d’effet lors des
vibrations sinusoïdales de 15-25Hz.
Bien entendu, pour de fortes amplitudes de vibration, les performances sont
affectées et ce, quelle que soit la fréquence considérée.
3. Combinaison de nuisances et de facteurs de situation
L’ajout d’un second stresseur a parfois un effet bénéfique sur les performances par
rapport à l’effet de chaque nuisance prise séparément.
a. Privation de sommeil et bruit
C’est le cas notamment du bruit et de la privation de sommeil (Broadbent 1963).
Les actions des deux nuisances sont antagonistes : le premier sur-active et le second
désactive le sujet qui y est soumis.
Les conséquences de la prise d'une courte période de sommeil sur les
performances d'opérateurs de nuit a été étudiée (Tassi 1992). Après le sommeil, il
existe une période transitoire appelée "inertie hypnique", qui se traduit notamment par
un allongement des temps de réponse. Cette détérioration des performances est
accentuée en début de nuit après une courte période de sommeil. L'administration
d'une charge sonore intense concomitante à l'exécution des tests aboli totalement
l'inertie hypnique.
123
b. Privation de sommeil et chaleur
La chaleur et la privation de sommeil ont également des actions antagonistes.
L’étude de Wittersheim (1992) a montré que l’augmentation des temps de réponse à
des signaux centraux et périphériques, liée à l’augmentation de la dette de sommeil,
est atténuée par l’élévation de la charge thermique. Ce résultat peut être interprété par
le fait que l’hypothermie diurne consécutive à une privation de sommeil est réduite
lorsque la charge thermique augmente.
Poulton (1974) a également combiné chaleur et privation de sommeil et il a
mesuré les performances pour trois tâches différentes. L’effet modérateur de la
combinaison de la chaleur et de la privation de sommeil ne s’est manifesté qu’au début
de la tâche de vigilance auditive.
c. Bruit et vibration
Floru (1991) a étudié les effets psychophysiologiques des nuisances combinées
bruit et vibration lors d'une conduite automobile simulée. Les performances de
détection de signaux latéraux n'étaient pas modifiées par les nuisances. Par contre, le
niveau moyen de l'activation cérébrale et végétative était plus élevé lors de l'exposition
aux nuisances combinées. L'augmentation de l'activation physiologique témoigne d'un
effort attentionnel plus élevé lors d'une exposition à du bruit et aux vibrations se
traduisant également par une augmentation de la charge de travail subjective. Les
études uniquement basées sur la mesure de performances peuvent conduire à des
conclusions erronées sur l'influence de nuisances environnementales, dès lors qu'elles
ne prennent pas en compte l'augmentation de la charge de travail dans les nuisances,
qui elle traduit l'effort compensatoire du sujet.
d. Conclusion
Cependant, comme l’a montré l’étude de Poulton, l’effet bénéfique de la
combinaison de stresseurs dépend beaucoup du choix des caractéristiques de ses
derniers et de la tâche considérée. De plus, les études qui ont combiné des nuisances
sont assez peu nombreuses et il est difficile d'en dégager des idées générales car les
combinaisons de facteurs sont nombreuses.
124
L’utilisation de tâches doubles stimulant simultanément la vision centrale et la vision
périphérique permet de tester l’étendue du champ visuel dans des conditions plus proches de
la vie quotidienne. En effet, en condition de conduite automobile, rester sur la route ne suffit
pas, il faut également être capable de détecter des événements survenants de façon inopinée.
Les tâches doubles mettent également en évidence des phénomènes qui n’apparaîtraient pas
dans des paradigmes de tâche simple.
Notre revue bibliographique a montré l’intérêt des tâches doubles pour détecter des
baisses de vigilance, l’effet de la prise d’alcool ou de l’âge. Nous avons également montré
que peu d’auteurs s’étaient intéressés à l’ensemble du champ visuel. Souvent des excentricités
inférieures à 20° sont étudiées et il nous paraît abusif de parler de périphérie pour des
valeurs aussi faibles.
C’est pourquoi, nous avons développé un système qui permet de tester l’étendue du
champ visuel très périphérique (jusqu’à 80° d’excentricité) et également d’établir une
cartographie de l’ensemble du champ visuel. Afin de se rapprocher de la réalité, notre
système permet des paradigmes de tâches complexes et propose des tâches centrales qui fixent
le regard et l’attention du sujet. Comme ce dispositif permet de mesurer l’étendue du champ
visuel en présence d’une tâche centrale et également de localiser les stimuli périphériques
détectés, nous l’avons appelé Poste d’Etude du Champ Visuel Utile (PECVU).
Dans notre dispositif, même si le sujet est libre de ses mouvements (sa tête n’est pas
maintenue) il a pour consigne de regarder le point de fixation. On pourrait objecter que ces
conditions sont fort éloignées de la réalité où nous sommes libres de regarder où bon nous
semble. Cependant, une étude de Overington (1981) a montré que, dans notre vie
quotidienne, les yeux ont une position fixe pendant 90% du temps avec une durée moyenne de
fixation de 0,3s (cette durée moyenne augmentant selon la difficulté de la tâche réalisée).
Dans notre étude nous nous intéresserons à ces moments de fixation.
Dans une première partie, nous allons exposer les aspects physiques du dispositif puis,
dans une seconde partie, nous présenterons le logiciel de commande.
125
6(&21'(3$57,('(6&5,37,21'83267(
'(78'('8&+$039,68(/87,/(3(&98
7DQW GH FKRVHV HQWUDSHUoXHV TXL QH
SRXUURQV MDPDLV rWUH YXHV
9LFWRU 6HJDOHQ 3HLQWXUHV 3ORQ
126
$ 35(6(17$7,21'8',6326,7,)
3(&98 $63(&763+<6,48(6
Après une présentation générale du dispositif nous allons nous intéresser aux stimuli
périphériques statiques puis au système de stimulation mobile. Des photographies de PECVU
sont présentées sur la page suivante.
I. PRESENTATION GENERALE DU DISPOSITIF
Notre dispositif permet de stimuler simultanément la vision centrale et la vision
périphérique. Il est constitué d’un écran de forme demi-cylindrique de 2m de haut et de 1m de
rayon sur lequel les stimuli périphériques sont présentés (cf. Figure 44). La tâche centrale est
présentée sur un moniteur d’ordinateur situé au centre de l’écran demi-cylindrique.
Le système est piloté par un ordinateur et est entièrement paramétrable par
l’expérimentateur. Plusieurs configurations de tâches centrales et périphériques sont possibles.
Ainsi, la tâche centrale, programmée sur cet ordinateur, est modifiable à volonté. Les
différentes possibilités de tâche centrale vont être explicitées plus loin.
Figure 44 : Vue de dessus du dispositif PECVU
Ecran demicylindrique
Sujet
Moniteur
LEDs
1m
127
Photographies du dispositif PECVU
128
Pour la tâche périphérique, il est possible de présenter des stimuli soit statiques, soit
dynamiques et ce, jusqu’à 80° d’excentricité.
- Les stimuli statiques sont réalisés par l’intermédiaire de petites diodes lumineuses
(LED pour Light Emitting Diode) qui sont encastrées dans l’écran demi-cylindrique.
Le sujet peut localiser le signal lumineux présenté grâce à la présence d’une cellule
photosensible (Phototransistor) située à coté de chaque LED. La disposition des LEDs
et des phototransistors est schématisée sur la Figure 45.
- Les stimulations mobiles sont réalisées par l’intermédiaire d’un petit laser dont le
faisceau mobile se projette sur l’écran.
Figure 45 : Vue de face de l’écran demi-cylindrique
II. LES STIMULI PERIPHERIQUES STATIQUES
Dans cette partie nous allons tout d’abord décrire les stimuli statiques utilisés. Nous
présenterons successivement leur placement, leur connexion, leur système de commande et de
fonctionnement.
Puis, le système permettant la localisation des stimuli statique sera décrit.
Enfin, nous expliquerons le rôle et le fonctionnement des différentes cartes interfaces
situées entre l’ordinateur9 et les cartes individuelles de chaque LED.
9 Cet ordinateur sera nommé PC1 par la suite.
LEDs Phototransistors
129
1. Description des stimuli statiques utilisés
a. Placement et connexion
Les stimulations statiques sont réalisées par l’intermédiaire de 122 LEDs qui
sont fixées sur le demi cylindre. Le positionnement des LEDs a été réalisé pour
qu’elles soient toutes visibles par un sujet assis au centre du dispositif. Leur taille
couvre 0,3° d'angle visuel.
Chaque LED se voit assignée deux coordonnées : son excentricité et sa hauteur.
Par la suite, lorsque nous utiliserons le terme d’angle, que ce soit des excentricités ou
des hauteurs, il sera défini par rapport au sujet et correspondra à l’angle du champ
visuel du sujet.
− Excentricité
Les LEDs sont positionnées le long de 14 excentricités :
- 7 dans le champ visuel gauche du sujet : -20°, -30°, -40° , -50°, -60°, -70°, -80°.
- 7 dans le champ visuel droit du sujet : +20°, +30°, +40°, +50°, +60°, +70°, +80°.
Chacune de ces excentricités comporte 9 LEDs. Une excentricité en valeur
absolue (±40° par exemple) comporte 18 LEDs.
La Figure 46 montre le positionnement des LEDs sur l’écran selon l’excentricité.
Il n’a pas été possible de placer des LEDs à 0° et ±10° en raison de la présence du
moniteur. Seules les excentricités 20°, 30° et 40° sont entièrement incluses dans le
demi cylindre et comportent des LEDs sur le méridien vertical. Pour ces trois
excentricités, les LEDs sont réparties selon des méridiens équidistants de 22,5°.
Pour les excentricités plus élevées (de 50° à 80°), le positionnement se fait en
utilisant le système des parallèles.
− Hauteur (ou ligne)
Afin de repérer et commander chaque LED du demi-cylindre, un système de
repérage par lignes est utilisé. Comme chaque excentricité comporte 9 LEDs, nous
avons défini 9 lignes distinctes cotées de L-4 à L+4.
Pour chaque excentricité, la LED la plus haute se voit assigner la ligne L+4, celle
située juste en deçà, la ligne L+3 et ainsi de suite (cf. Figure 47). Les LEDs situées sur
le méridien 0 sont sur la ligne L0 et les plus basses sur la ligne L-4. Chaque ligne
comporte donc 14 LEDs correspondant aux 14 excentricités.
130
Il n’est pas possible d’associer une valeur angulaire à la coordonnée ligne car elle
varie selon l’excentricité. En effet, jusqu’à 40° d’excentricité chaque ligne correspond
à un méridien séparé de la ligne voisine par 22,5°. La technique classique de repérage
de périmétrie est utilisée (cf. annexe B1). Au-delà (50° et plus), chaque ligne
correspond à une hauteur fixe (cf. annexe B2).
-80° -70° -60° -50° +50° +60° +70° +80°
-20°
-30°
-40°
+20°
+30°
+40°
Figure 46 : Placement des LEDs selon les 14 excentricités
L+4
L+3
L+2
L+1
L 0
L-1
L-2
L-3
L-4
Figure 47 : Placement des LEDs selon les 9 lignes
131
b. Système de commande des LEDs
Les LEDs sont donc connectées selon un système matriciel de lignes et de
colonnes (cf. Figure 46 et Figure 47) où les colonnes correspondent à l’excentricité.
Ce système permet l’allumage d’une LED par l’envoi de ses coordonnées. En effet
l’ordinateur dispose d’une carte interface d’entrée/sortie PCDIO 120P d’Industrial
Computer Source. Cette carte comporte 5 ports d'entrée/sortie (composant
électronique 8255) qui permettent chacun d’envoyer ou de recevoir 0V (0 logique) ou
5V (1 logique) sur 24 lignes. Elle a donc au total 120 lignes, qui peuvent être
configurées en entrée ou en sortie par programmation. La Figure 48 montre la
commande d’allumage d’une LED.
Remarque :
Une LED ne s’allume que lorsqu’elle est convenablement polarisée, c’est à dire
avec une tension positive à son anode et 0V à sa cathode. Si ce n’est pas le cas, elle
bloque le passage du courant et reste éteinte.
132
Figure 48 : Schéma de la gestion d’allumage des LEDs
c. Fonctionnement des LEDs utilisées
Ces LEDs sont de la marque Hewlett Packard (HLMP-4000), ont 5mm de
diamètre et peuvent être vertes, rouges ou oranges. En effet, elles sont composées de
port 8255 en sortiede la carte interface
0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Codage en logique positive par le P.C. del’ EXCENTRICITE de la LED à allumer
Codage en logiquenégative par le P.C.de la LIGNEde la LED à allumer
Allumage de la LED (L+3 ; -50°) ie (2 ; 4)
101....1...1
porten
sortie
EXCENTRICITE :0 (0V) par défaut, 1 (5V) si activation.
HAUTEUR1 (5V) par défaut,0 (0V) si activation.
0 1 0 01
0 1 0 0
0
1
0
1
1
0
0 1 0 0
OFF OFF OFF
OFF ON OFF
0
1
Ecran demicylindrique
LEDLED
133
2 diodes placées côte à côte, l’une verte et l’autre rouge, l’allumage simultané des
deux formant la couleur orange (cf. Figure 49).
Diode Rouge Diode Verte
Cathodecommune
AnodeVerte
AnodeRouge
Figure 49 : Description de la LED bicolore rouge verte HLMP-4000. La couleur orange estréalisée par l’alimentation simultanée des anodes rouge et verte.
Comme le montre le schéma descriptif, elles comportent trois broches. La broche
centrale de chaque LED est la cathode commune aux deux diodes et est reliée selon
les lignes définies précédemment (cf. Figure 47). L’anode la plus courte correspond à
la commande de la diode rouge et est connectée à toutes les broches courtes de même
excentricité. De même l’anode longue, qui correspond à la commande de la diode
verte, est reliée par excentricité.
Cependant, chaque composant électronique étant légèrement différent, il est
nécessaire de pouvoir contrôler et, éventuellement, modifier séparément l’intensité
lumineuse de chaque diode de la LED. Chacune d’entre elle peut être calibrée
individuellement par l’intermédiaire d’un circuit situé à l’arrière de chaque composant
et comportant des potentiomètres. Ce circuit, représenté Figure 50 et photographié en
annexe D, comporte un potentiomètre de 500 Ohms fixé sur chaque diode. La
résistance fixe de 330 Ohms permet d’éviter une saturation de la LED.
Figure 50 : Circuit permettant l’alimentation et la calibration de chaque diode.
Carte d’alimentationde chaque LED
Ligne j
Colonne i
330Ω
Potentiomètre500ΩLED
Rouge Vert
134
2. Description du système de localisation des stimuli statiques
Un phototransistor est placé à coté de chaque LED sur l’écran demi cylindrique (cf.
Figure 45) et est inséré dans la carte interface de calibration propre à chaque LED. Ce
composant électronique est alimenté en 0-5V et conduit le courant lorsqu’il est éclairé.
Deux diodes sont placées en sortie de chaque phototransistor de façon à conduire le
courant dans le sens phototransistor-extérieur et à isoler de la tension de sortie des
phototransistors voisins. Ainsi, après l’allumage d’une LED, si le sujet pointe une source
lumineuse dans la direction de cette dernière, le phototransistor voisin est activé et envoie
un signal à l’ordinateur.
Comme pour les LEDs, la connexion de ces phototransistors est faite selon un
système de matrice ligne-colonne. Pour chacun d’entre eux, l’une des diodes est reliée à la
ligne et l’autre à la colonne correspondant aux coordonnées du phototransistor.
L’ensemble des lignes est relié à l’ordinateur par l’intermédiaire de l’un des ports
d’entrée/sortie (un composant 8255 de la carte interface PCDIO 120P programmé en
entrée) et l’ensemble des colonnes est relié à l’ordinateur par l’intermédiaire d’un autre
port programmé en entrée. Ainsi, l’ordinateur connaît les coordonnées du phototransistor
éclairé et donc les coordonnées de la LED voisine, puisque le système de repérage est
identique. La Figure 51 page suivante montre le principe de fonctionnement du système de
localisation des stimuli périphériques. Des photographies du circuit sont présentées en
annexe D.
3. Cartes interfaces situées entre l’ordinateur et les cartes individuelles de chaque
LED :
Toutes les LEDs sont branchées en parallèle cathode commune le long de 9 lignes et
en parallèle anode commune le long de 14 excentricités. La consommation totale lorsque
toutes les LEDs sont allumées est de l'ordre de 3A ce qui trop important pour l’ordinateur.
Pour pallier à ce problème, une alimentation stabilisée de 5V alimente des transistors
ballast en série avec chaque ligne et chaque colonne. De ce fait, toutes les LEDs peuvent
être alimentées, et ce, sans chute de tension. Il en résulte donc, après calibration, une
intensité lumineuse égale pour toutes les LEDs.
135
Figure 51 : Principe de fonctionnement et connexion des phototransistors.
a. Carte interface située entre l’ordinateur et les lignes:
Cette carte est connectée à l’un des ports d’entrée/sortie de l’ordinateur en entrée
et aux 9 lignes qui contrôlent les LEDs en sortie. Pour chaque ligne, elle comporte un
transistor ballast alimenté par l’alimentation externe de 5V (cf. Figure 53).
b. Carte interface entre l’ordinateur et les colonnes:
− Génération d’un signal de rapport cyclique variable :
Afin de permettre la variation de l’intensité des LEDs sans modifier les valeurs
des potentiomètres de chaque diode, un circuit cadenceur (circuit intégré n°555) a été
ajouté sur les colonnes. Nous avons fixé les résistances et capacités de commande de
ce circuit pour avoir un signal de fréquence 5kHz. Un potentiomètre permet une
variation du rapport cyclique du signal, c’est à dire du temps d’une période passé à 1
(soit 5V). Il est ainsi possible de varier l’intensité de l’ensemble des LEDs d'une même
colonne en actionnant le potentiomètre. Généralement un rapport de 50% à 1 (soit
50% à 0) ou de 30% à 1 (soit 70% à 0) est choisi (cf. Figure 52). En effet, les LEDs
Lumière
5V 5V
5V 5V
1 logique (5V) par défaut
1 logique (5V) par défaut
5V
0V
0V
0V
Colonne (Excentricité) activée : 0 logique (0V)
Ligne activée :0 logique (0V)
EXCENTRICITE ou Colonne
HA
UT
EU
R o
u lig
ne
phototransistor
diodes
Carte interface degestion de chaquephototransistor
136
dont nous disposons peuvent être commandées par un signal carré de fréquence élevé
à condition que le rapport cyclique de signal à 1 soit supérieur à 25%.
Rapport de 50% à 1
Rapport de 30% à 1
Période :0,2ms (5kHz)
10
10
Figure 52 : Exemple de deux signaux pouvant être générés par le circuit cadenceur.
− Principe de fonctionnement de la carte de gestion des colonnes
Cette carte est connectée à l’un des ports d’entrée/sortie de l’ordinateur en entrée
et aux 14 colonnes qui contrôlent les LEDs en sortie et va utiliser les signaux de
rapport cyclique variable générés selon le principe présenté plus haut.
Chacun des signaux de 5kHz de rapport cyclique donné est envoyé sur deux
interrupteurs, chaque interrupteur étant commandé par une colonne i.
- Si (colonne i) est à 0, l’interrupteur est ouvert et aucun signal ne passe.
- Si (colonne i) est à 1, l’interrupteur est fermé et le signal généré par le
cadenceur est envoyé sur la colonne i de la matrice de LED.
Le choix de la couleur des LEDs, déterminé par logiciel, est codé sur deux bits ce
qui permet 4 possibilités : extinction de la LED, couleur rouge, couleur verte et
couleur orange. Ces deux bits sont pris en compte par des relais placés sur la carte de
gestion des colonnes.
c. Récapitulatif des cartes réalisées et de leur rôle
Un schéma des cartes interfaces de gestion des lignes et des colonnes est présenté
Figure 53.
137
Figure 53 : Principe de fonctionnement des cartes interfaces entre l’ordinateur et les LEDs.
- Carte de gestion des lignes
Fourni un courant suffisant pour alimenter les 14 LEDs situées en parallèle
cathode commune sur une ligne.
- Carte de gestion des colonnes
- Génération de signaux de 5kHz avec un rapport cyclique réglable
- Fourni un courant suffisant pour alimenter toutes les LEDs placées en
parallèle anode commune sur une colonne (soit 9 LEDs).
Potentiomètre
Générateurde fréquence
5V
i
Si (Colonne i-1) est à 1Sinon
i-1 i+2
Excentricité ou Colonne n°
5V
Potentiomètre
Générateurde fréquence
Transistor T T TT
T
Rouge
Gestion de la couleurde la LED par deuxbits du 8255 degestion des colonnes Rouge
Vert
i+1Vert
Commande par le 8255 du PC pour la gestion des colonnes et de la couleur
+80°-80°
Co
mm
an
de
pa
r le
82
55
du
PC
po
ur
lag
est
ion
de
s lig
ne
s
Hauteur ouLigne n°
L +4
L j
L j+1
L -4
T
Carte interfacede gestiondes colonnes
Carte interface degestion des lignes
Carte interface degestion de chaque led
LEDi,j
+5V
+5V
Relais
138
- Prend en compte le choix de la couleur d’allumage des LEDs sélectionnées.
- Carte de gestion d’une LED et d’un phototransistor
- Permet la calibration de l’intensité de la diode rouge et de la diode verte
composant la LED.
- Alimente le phototransistor.
Isole électriquement, grâce à deux diodes, chaque phototransistor de ses voisins.
III. LES STIMULI PERIPHERIQUES DYNAMIQUES
Dans cette partie, nous allons tout d’abord décrire la source lumineuse utilisée et le
principe de repérage. Puis, nous expliquerons le mode de déplacement du faisceau lumineux.
Enfin, le système de synchronisation de l’ensemble du dispositif sera présenté.
1. Présentation du système de stimulation mobile
a. La source lumineuse
Il est possible de générer, par l’intermédiaire d’un faisceau laser, un stimulus
mobile sur l’écran demi cylindrique. Le laser utilisé est une diode laser Bêta EC de
Oriel. Une lentille de collimation permet de focaliser le faisceau. Cette diode laser est
alimentée à 5V, émet un faisceau rouge de longueur d’onde 635nm, et a une
puissance nominale de 0,5mW ce qui correspond à un laser de Classe II10.
L’intensité lumineuse du laser peut être contrôlée extérieurement par
l’intermédiaire d’un réseau de 5 résistances. Leur combinaison permet d’obtenir 18
valeurs d’intensité lumineuse du laser entre 0 et 170 lux ce qui permet une commande
de l’intensité par logiciel.
10 Un laser de classe II est un laser de faible puissance (<1mW). Comme tout laser, il faut éviter de le regarder en face. Si c'est le cas, la protection de l'œil est assurée par les réactions de défense réflexe.
139
b. Principe de génération du mouvement du faisceau lumineux
Le faisceau laser se projette sur deux miroirs fixés chacun sur un moteur. La
rotation selon la verticale détermine la hauteur du faisceau et se fait sur le premier
miroir. Celle selon l’axe y détermine l’excentricité horizontale du faisceau et se fait sur
le second miroir (cf. Figure 54).
Laser
Miroir 2
Miroir 1
Moteur 2
Moteur 1d1
d2
r
l
ymax
ymin
Ecran demicylindrique
Moniteur
Originedu repère
r0
2α1
2α2
Hauteur y
X
Y
Z
y0
α0
Avec : α0 = 26,7°
d1 = 0,01 mr = 0,05 md2 = 0,025 m
l = 0,026 mr0 = 0,92 m
y0 = 1,077 mymax = 0,60 mymin = -0,80 m
Figure 54 : Représentation schématique du système de déplacement du laser.
Soit α0 l'angle d'inclinaison du laser par rapport à l'horizontale. Soit α1 l’angle de
rotation du premier miroir et α2 l’angle de rotation du second miroir. Soit y la hauteur
en mètres à partir de l’origine de l’écran demi cylindrique et θ l’excentricité.
140
A partir des coordonnées d’un point P, on calcule les angles de rotation des deux
moteurs selon les équations suivantes :
=
+−
−=
θα
αα
2
1
arctan2
1
2
0
001 rl
yy
Réciproquement, les coordonnées d’un point P se déduisent des angles de
rotations des miroirs :
( )
×==×−×+−==
2
1000
2
2tan)(
αθαα
exc
rlyyhautP
Les angles maximums des miroirs, compte tenu du cahier des charges et des
contraintes géométriques, sont α1max=34° pour le premier miroir et α2max=45° pour le
second miroir, ce qui correspond pour le faisceau laser à une excentricité maximale de
±90°, une hauteur maximale de +60cm (pour α1=0°) et une hauteur minimale de
–80cm (limite inférieure de l'écran demi-cylindrique).
c. Modèle géométrique et système de repérage des coordonnées
Le repérage de la position du laser sur l’écran se fait selon le même système de
coordonnées que pour les stimuli statiques. Nous avons utilisé le système de repérage
présenté en annexe B2. Le centre du repère est le centre du demi cylindre.
Un système de parallèles au méridien horizontal MH défini la hauteur du faisceau,
numéroté positivement en cm au-dessus de l’horizontale et négativement au-dessous.
L’excentricité se défini par l'intersection du demi cylindre composant l'écran et
d'un cône correspondant à un angle fixé. Les points situés à droite du méridien ont
une excentricité positive, ceux placés à gauche ont une excentricité négative. Sur la
Figure 55 sont présentés différents types de déplacements possibles, avec les
coordonnées de consignes correspondantes.
141
-80° -70° -60° -50° +50° +60° +70° +80°
-20°
-30°
-40°
+20°
+30°
+40°
(1)
(2)
(5)
(6)
(4)
(3)
Figure 55 : Système de repérage des coordonnées sur l’écran demi cylindrique. L’origine estsituée au centre de l’écran du moniteur. Coordonnées des différents déplacements représentés :
(1) à 10 cm de hauteur, de 20° à 30° d'excentricité(2) à -35 cm de hauteur, de -80° à -60° d'excentricité(3) à 20 cm de hauteur, de -60° à -50° d'excentricité(4) à la hauteur 0, de 80° à 70° d'excentricité(5) à –40° d'excentricité, de 20 à 40 cm de hauteur (6) à 60° d'excentricité, de –80 à -50 cm de hauteur.
Grâce à ce système de repérage, toutes les trajectoires sont réalisables et il est
possible de comparer des résultats obtenus avec des stimuli statiques avec des
résultats obtenus par des stimuli mobiles.
2. Pilotage des moteurs
a. Commande et choix des moteurs
− Commande des moteurs :
Elle se fait grâce à un second ordinateur (appelé PC2) comportant une carte de
commande des moteurs responsables des asservissements. Cette carte, ainsi que tout
le système de pilotage du laser, a été réalisée par le laboratoire d’automatisme
GRAVIR (Groupe de Recherche en Automatique et en Vision Robotique) de
l’ENSPS.
142
La position du faisceau laser à l’écran est connue avec une précision de 0,1°
horizontalement et 2mm verticalement. La vitesse maximale de déplacement du
faisceau est de 200°/s, la vitesse minimale est de 2°/s.
− Le système de motorisation choisi :
- 2 codeurs incrémentaux de 500 points.
- 2 réducteurs REX 110 JR (jeu réduit de 5min d’angle soit 0,083°) de rapport 49.
- 2 moteurs RS 110 M. Comme les miroirs sont légers, les moteurs choisis ont un
faible couple.
b. Le principe de fonctionnement :
Pour définir une trajectoire il faut connaître les coordonnées du point de départ et
celles du point d’arrivée ainsi qu’un coefficient de vitesse k. Les moteurs se déplacent
de leur position initiale (définie par une ancienne trajectoire) à la vitesse de consigne
(définie par k) vers la prochaine coordonnée. L’ordinateur de commande des moteurs
lit donc un fichier du type de l'Exemple 1 comportant une suite de 3 données : la
position du point à atteindre et le coefficient de vitesse.
Haut(1) Exc(1) k(1)Haut(2) Exc(2) k(2)Haut(3) Exc(3) k(3)
Exemple 1 : Extrait d’un fichier de consigne : Haut est en mètre, Exc est en degré et le coefficient de vitesse k est compris entre 0 et 1.
Dans notre application, deux types de trajectoires se succèdent :
- Les trajectoires de positionnement : le laser est éteint et les moteurs se
positionnent à la vitesse maximale (k=1) en un point donné qui a les
coordonnées initiales de la trajectoire suivante.
- Les trajectoires utiles : le laser est allumé et va décrire un trajet entre le
point précédant et la prochaine coordonnée à sa vitesse de consigne.
La vitesse maximale des moteurs est de 100°/s. Comme le faisceau est réfléchi
par les miroirs, la vitesse maximale du faisceau est de 200°/s. La vitesse de
déplacement du faisceau à l’écran est donc : 2×k(i)×Vmax avec Vmax=100°/s.
143
− Génération de la trajectoire
Afin d’obtenir une trajectoire rectiligne du faisceau laser à l’écran, tout en tenant
compte des caractéristiques des deux moteurs, un système de génération de trajectoire
trapézoïdale a été utilisé (Nowak 1992).
En effet, les moteurs ne peuvent pas atteindre instantanément leur vitesse de
consigne. Ils accélèrent pendant un temps fixé (Tacc=0,2s), ce qui correspond à un
déplacement non négligeable11. Puis, ils se déplacent à la vitesse constante de
consigne et enfin décélèrent pendant 0,2s. De plus, les deux moteurs n’ayant pas le
même trajet à parcourir, il peut apparaître des problèmes de synchronisation. C’est
pourquoi le logiciel calcule les trajectoires des deux moteurs indépendamment l’un de
l’autre avec le temps d’accélération, de décélération et la vitesse maximale. Ce calcul
permet de savoir quel est le moteur qui sera le plus lent à atteindre son objectif. C’est
celui-ci qui imposera ses caractéristiques à l’ensemble afin que chacun des moteurs
atteigne sa position de consigne au même instant. Comme le démarrage et le freinage
se font avec une accélération et une décélération constante, la courbe de vitesse est
trapézoïdale (cf. Figure 56).
Vitesse
TempsTacc
k.Vmax
Figure 56 : Courbe de vitesse trapézoïdale
Ce n’est qu’à la fin de phase de décélération que les coordonnées du point de
destination sont atteintes. Il faudra donc tenir compte du trajet effectué pendant les
temps d’accélération et de décélération des moteurs dans les fichiers de génération de
trajectoire.
11 En effet, avec une vitesse de consigne de 20°/s, le déplacement du faisceau laser est de 1° pendant le temps d’accélération.
144
3. Synchronisation de l’ensemble
Comme nous l’avons vu précédemment, la tâche centrale et la commande des
LEDs et des phototransistors sont gérés par un ordinateur que nous avons nommé
PC1. Un second ordinateur (nommé PC2) est responsable des asservissements des
moteurs et permet les déplacements du faisceau laser.
Afin de synchroniser le déroulement de la tâche centrale avec les déplacements du
faisceau laser, c’est le premier ordinateur qui va coordonner le déroulement des
événements du second ordinateur (cf. Figure 57). En effet, ce dernier (PC2) attend un
signal de synchronisation pour déclencher le mouvement des moteurs vers une
nouvelle position. Lorsque le déplacement est effectué, il attend un signal du premier
ordinateur avant de se déplacer à nouveau.
L’allumage éventuel et le réglage de l’intensité du faisceau laser se font également
par le PC1. Le réseau de résistances qui contrôle l’alimentation du laser est relié à l’un
des connecteurs d’entrée/sortie (8255) du PC1. L’utilisation de chaque résistance est
donc commandée par une ligne reliée au PC1.
De même, le signal de synchronisation des déplacements est émis par
l’intermédiaire de lignes du 8255 qui gèrent le fonctionnement du laser.
145
PC 2Pilotage des moteursassurant le mouvementdu faisceau laser
PC 1Gestion de la tâche centrale,des stimuli périphériquesstatiques et coordination del’ensemble
Moteurs+ Miroirs
DiodeLaser
Signal de synchronisationpour le déplacement suivant
Ajustement de laposition des moteurs
Position desmoteurs
Envoi de la nouvelleconsigne si lasynchronisation est à 1
Signal d’allumage et deniveau d’intensité du laser
Faisceau laser
Figure 57 : Représentation schématique de la synchronisation de l’ensemble du dispositif.
Après cette description des aspects physiques du dispositif PECVU, et en particulier du
système de fonctionnement des stimulations périphériques, nous allons nous intéresser à
l'interface logiciel. L'ensemble des tâches et des configurations proposées seront présentées
pour les tâches centrales et périphériques. Puis, le déroulement d'une session expérimentale
sera décrit.
146
% /(352*5$00(3(&98
Un logiciel programmé en C Orienté Objet (compilateur Turbo C++) a été développé
pour gérer l’ensemble du dispositif PECVU. Un menu est proposé et permet de choisir et/ou
de configurer les différentes tâches proposées et/ou de lancer une tâche.
Un expérimentateur peut ainsi faire sa propre configuration et choisir les stimuli centraux
et périphériques qui lui paraissent les plus adaptés pour sa recherche. Une interface de menus
déroulants lui permet de faire ses choix. Il peut ensuite sauvegarder sa configuration. A chaque
utilisation du programme, il est possible de charger une configuration prédéfinie.
Nous allons présenter l’interface et les possibilités de configuration et ce, au travers des
différentes tâches proposées.
Puis, le déroulement des tâches ainsi sélectionnées sera décrit.
I. CONFIGURATION , CHOIX DES TACHES
Lorsqu’un expérimentateur décide de réaliser une nouvelle configuration, une interface
graphique lui permet de choisir les différents paramètres de la tâche centrale et de la tâche
périphérique (cf. Figure 58 page suivante). Puis, ces paramètres peuvent être sauvegardés sous
un nom de fichier défini par l’utilisateur (*.cfg).
Dans un premier temps, nous allons détailler les différentes tâches centrales proposées.
Puis, nous présenterons les différentes tâches périphériques.
1. La tâche centrale
L’expérimentateur peut choisir sa tâche parmi quatre tâches distinctes.
1. Une tâche de discrimination lumineuse.
2. Une tâche du type de l’horloge de Mackworth.
3. Une tâche de mémorisation.
4. Une tâche d'identification.
147
Figure 58 : Exemples de configuration du dispositif PECVU
148
Il est possible de paramètrer la tâche choisie dans le menu de configuration du
programme PECVU (durée de l’expérimentation, fréquence, durée des signaux….).
Typiquement les expérimentations ont une durée de 15 minutes et un signal est présenté
pendant 50ms toutes les 2 secondes.
a. La tâche de discrimination lumineuse
Un point lumineux est présenté au centre du moniteur et doit être fixé par le
sujet pendant toute l’expérience. Un signal composé de plusieurs points lumineux
apparaît avec la périodicité et la durée fixée par le fichier de configuration.
L’événement critique qui doit être détecté par le sujet est la présence d’un point plus
lumineux (cf. Figure 59).
a) b)
Figure 59 : Signal de la tâche de détection dans le cas de 8 points (il couvre 4° d'angle visuel).
a) signal non critique, b) signal critique (le stimulus est le rond blanc à 4h30)
Les différents paramètres de la tâche de discrimination lumineuse sont présentés
ci-dessous avec les valeurs conseillées pour une utilisation optimale.
Paramètres de la tâche de détection Valeurs préconisées
Durée de l’expérimentation Aucune
Périodicité des signaux De 1,5 à 3s
Durée des signaux De 20 à 200ms
Probabilité du signal critique Faible en tâche d’attentionsoutenue, 50% avec la TDS
Contraste du point critique De 1 à 7
Nombre de points 2, 4 ou 8
149
b. L’horloge de Mackworth
Cette tâche d’attention soutenue a été présentée précédemment (cf. p.68). Une
aiguille décrit un tour complet par 100 incrémentations de 1s. Le signal critique est
constitué par un saut double. La probabilité de cet événement est de 0,7%.
Figure 60 : Horloge de Mackworth : la période précédente est représentée en pointillésa) signal non critique: saut simple, b) signal critique: saut double
Le même type de tâche a été programmé dans le dispositif PECVU. Il serait
possible de réaliser la même expérience que Mackworth en choisissant les mêmes
paramètres. Cependant, comme le champ visuel périphérique est également stimulé,
une période de 1s est un peu brève pour permettre de répondre à la fois au signal
central et au signal périphérique. De plus, une probabilité trop faible de signaux
critiques risque d’entraîner une dérive de la consigne. En effet, la tâche centrale reste
la tâche primaire. Si les signaux critiques sont trop rares, la tâche périphérique risque
d’être traitée en priorité. De plus, pour détecter un saut double, il faut savoir
reconnaître un saut simple ce qui n’est pas possible si les sauts doubles sont trop
fréquents. De ce fait, cette tâche ne peut pas être utilisée comme une tâche de
détection du signal (une probabilité de signaux critiques de 50% ne permet pas de
distinguer les deux types de saut).
En conclusion, les paramètres préconisés pour cette tâche sont les suivants.
Paramètres de la tâche de détection Valeurs préconisées
Durée de l’expérimentation Aucune
Périodicité des signaux De 1,5 à 3s
Durée des signaux De 20 à 200ms
Probabilité du signal critiques Faible : de 5 à 25%
a) b)
150
c. La tâche de mémorisation
Quatre chiffres sont présentés pendant 4s et doivent être mémorisés. Puis, les dix
chiffres sont présentés successivement dans un ordre aléatoire. Si le chiffre présenté
fait partie des 4 chiffres mémorisés, cela constitue un événement critique. Cet
événement doit être signalé par pression sur un bouton. A l’issue, une nouvelle série
de 4 chiffres est présentée et doit être mémorisée.
Figure 61 : Tâche de mémorisation :a) chiffres à mémoriser b) signal non critique c) signal critique
Paramètres de la tâche de mémorisation Valeurs préconisées
Durée de l’expérimentation Aucune
Durée de mémorisation Fixe à 4s
Périodicité des signaux De 1,5 à 3s
Durée des signaux De 50ms à 1s
Probabilité du signal critiques Fixe à 40%
d. La tâche d'identification
Cette tâche est une adaptation de la première version du "Visual Attention
Analyser" de Ball et Owsley que nous avons présenté p.51. Elle comporte deux
niveaux de complexité :
Pour le premier niveau : tâche d'identification :
Un visage schématisé est présenté avec la périodicité et la durée fixée par
l'expérimentateur et peut avoir une expression souriante ou triste (cf. Figure 62).
L'événement critique que le sujet doit détecter est la présentation d'un visage souriant.
a) b)
5 8 2 7 3 8
c)
151
a) b)
Figure 62 : Tâche d'identification de l'expression d'un visage a) Visage triste : signal non critique b) Visage souriant : signal critique
Pour le second niveau : tâche d'égalisation :
Deux visages sont présentés côte à côte et chacun peut être souriant ou triste.
Lorsque les deux visages ont la même expression, cela constitue l'événement critique
(cf. Figure 63).
a) b)
Figure 63 : Tâche d'égalisation de l'expression de deux visagesa) Visages différents : signal non critique b) Visages identiques : signal critique
Paramètres de la tâche de détection Valeurs préconisées
Durée de l’expérimentation Aucune
Périodicité des signaux De 1,5 à 3s
Durée des signaux De 20 à 200ms
Probabilité du signal critique Aucune
Choix de la tâche 1 : Tâche d'identification2 : Tâche d'égalisation
2. La tâche périphérique
Plusieurs types de tâches périphériques sont proposés et peuvent être combinés. En
effet, les stimuli périphériques peuvent être soit statiques, soit dynamiques. Il est
également possible de demander au sujet de localiser un stimulus périphérique perçu.
152
a. Stimuli statiques
En choisissant de présenter des stimuli périphériques statiques, le système de
gestion des LEDs est activé. Il est possible de sélectionner indépendamment à l’aide
de la souris un certain nombre de hauteurs et d’excentricités (cf. Figure 58). Ainsi, en
sélectionnant uniquement les excentricités positives, seul le champ visuel droit sera
stimulé. De même, l’expérimentateur peut choisir de stimuler exclusivement le champ
visuel inférieur ou les proches excentricités….
Trois choix de couleur sont également possibles : le rouge, le vert et l’orange.
Seules les LEDs correspondant au croisement des excentricités et hauteurs
cochées sont sélectionnées et pourront s’allumer dans la couleur choisie.
Concrètement, toutes les LEDs sélectionnées s’allument successivement une fois dans
un ordre aléatoire, puis elles s'allument successivement une seconde fois et ainsi de
suite jusqu'à la fin de l’expérience.
Les LEDs s’allument à la même périodicité et pendant la même durée que celle
qui a été définie pour la tâche centrale. Le signal périphérique, lorsqu’il est présent,
est toujours présenté simultanément avec le signal affiché sur le moniteur. Et ceci
pour s’assurer que l’attention du sujet est bien focalisée sur le moniteur. La fréquence
des signaux critiques (correspondant ici à l’allumage d’une LED) est de 50%.
b. Stimuli mobiles
Le principe utilisé ici est le chargement, au préalable, d’un fichier de consignes
comportant toutes les instructions concernant le stimulus périphérique mobile et
notamment la fréquence des signaux critiques (i.e. des déplacements avec le laser
allumé).
Pour présenter des stimuli périphériques en mouvement, il faudra choisir un
fichier de donnée (de type *.las) qui va comporter un ensemble de coordonnées
correspondant aux trajectoires du faisceau laser. Ce fichier comporte les coordonnées
du point de destination (y et θ), un coefficient de vitesse pour les moteurs et un
coefficient d’intensité lumineuse pour le laser.
Exemple 2 : yj θj kj intjAvec y en cm, θ en degré d’angle,
k entre 0 et 1, int compris entre 0 et 20.
153
L’ordinateur PC1, par l’intermédiaire du programme PECVU, génère un fichier
*.bis pour le second ordinateur. Ce nouveau fichier comporte les coordonnées de
trajectoire en tenant compte des temps d’accélération et de décélération des moteurs.
Il est du type de l’Exemple 1. Ce fichier est le fichier de séquences qui doit être
chargé sur le second ordinateur.
Comme pour les stimuli statiques, un signal critique en périphérie est toujours
présenté de façon simultanée avec un signal en vision centrale.
c. Localisation du signal
Ce mode de fonctionnement peut être sélectionné pour les deux types de stimuli
périphériques. Aucune configuration particulière n'est nécessaire. Tant que le sujet n'a
pas détecté de signaux en périphérie, les signaux se succèdent avec la périodicité
définie par la tâche centrale. Mais lorsqu'un signal périphérique est perçu, le
programme attend qu'un phototransistor soit éclairé avant de présenter d'autres
signaux. Ce mode de fonctionnement nécessite une tâche motrice supplémentaire et ne
peut pas être utilisé dans le cas d’une tâche de longue durée. En effet, le fait d’éclairer
en direction du stimulus perçu induit une activité motrice activante, ce qui est en
opposition avec la règle de monotonie des tâches d’attention soutenue. De plus, lors
de chaque localisation d’un signal, le déroulement séquentiel des événements est
interrompu.
Enfin, lorsqu’un expérimentateur a défini une configuration qui correspond le mieux à
ces hypothèses de travail, il va pouvoir démarrer une expérience. Sa configuration est
chargée par le programme et il peut saisir le code du sujet ainsi que le numéro du passage.
Nous allons maintenant présenter le déroulement d'une expérience réalisée sur PECVU.
154
II. DEROULEMENT DES TACHES SELECTIONNEES
Dans un premier temps nous allons exposer les principes généraux de fonctionnement du
programme tels que la gestion du temps, l’utilisation de la manette de réponse et des
phototransistors.
Puis nous présenterons les modes de génération de signaux pour les tâches centrales et
périphériques.
L’organisation séquentielle des événements sera ensuite exposée par l’intermédiaire de
trois exemples.
Nous parlerons ensuite du cas particulier de l’apprentissage.
Pour finir, nous présenterons les fichiers de données générés par le programme.
1. Principes généraux de fonctionnement
a. Aspects temporels : gestion du temps
La précision de l’horloge utilisée par les ordinateurs pour donner l’heure est de
1/18,2s soit environ 55ms. Cette précision est insuffisante dans notre application car
dans certaines configurations un signal est présent pendant 20ms seulement. C’est
pourquoi nous utilisons le compteur temps réel 0 de l’ordinateur. Ce compteur est
remis à 0 tous les 1/18,2s. Nous ajoutons donc à l’horloge de l’ordinateur la valeur de
ce compteur ce qui nous donne une grande précision temporelle.
Lors du déroulement d’une expérience, le temps va être scruté en continu. Si
nous prenons l’exemple d’une tâche où un signal central est présenté pendant 50ms
toutes les 2s sur le moniteur, la séquence suivante se répète jusqu’à la fin de
l’expérience :
1. présentation d’un signal
2. attente de 50ms (lecture en continu de l’heure)
3. extinction du signal
4. attente de 1,95s (lecture en continu de l’heure)
b. Gestion de la manette de réponse :
Les sujets répondent aux stimuli par l’intermédiaire des boutons d’une manette. Il
y a un à deux boutons dédiés à la tâche centrale et un autre bouton pour la tâche
155
périphérique. Les réponses à la tâche centrale se font par l’intermédiaire du pouce de
la main droite et les réponses à la tâche périphérique avec le pouce de la main gauche.
Les boutons de la manette sont testés en continu, en parallèle avec la scrutation
temporelle. Ainsi, lorsque l’un des boutons est pressé, le temps de réponse aux
différents signaux est calculé.
Remarques :
- C’est le moment du premier appui qui est sauvegardé. En effet, la durée d’appui sur
un bouton est non négligeable et varie fortement selon les personnes.
- Dans le cas d’un appui trop long, qui déborde sur la présentation du signal suivant,
cet appui n’est pas pris en compte pour le temps de réponse au nouveau signal.
c. Gestion des phototransistors
Les phototransistors sont activés lorsque le mode de localisation des signaux
périphériques a été sélectionné dans la configuration du programme. Le principe de
fonctionnement est le suivant :
Lorsque le bouton de la manette dédié à la tâche périphérique est activé cela
signifie qu’un signal périphérique a été détecté. Le programme va attendre la
stimulation d’un phototransistor et pour cela l’ordinateur teste en continu ses entrées
dédiées aux phototransistors. Le sujet utilise une lampe de poche pour indiquer la
localisation de la stimulation périphérique détectée. Le phototransistor ainsi stimulé
envoie ses coordonnées à l’ordinateur qui indique par un signal sonore qu’il a bien
reçu le signal lumineux. Puis, le programme attend quelques instants pour permettre
au sujet de fixer à nouveau le centre du moniteur. Enfin, le signal suivant est présenté.
Ainsi, lorsque les stimuli périphériques doivent être localisés, les signaux ne
peuvent pas être présentés à des périodes régulières, comme c’est le cas dans les
autres configurations. De ce fait, ce mode de fonctionnement n’est pas indiqué pour
des tâches d’attention soutenue car il ne permet pas une situation de tâche monotone
et répétitive.
156
2. Génération des signaux
a. Pour les tâches centrales
− Tâche de détection du signal
Dans tous les cas le générateur de nombres aléatoires "random" du C est utilisé.
C’est cette fonction qui va déterminer la présence ou l’absence d’un signal critique en
vision centrale et ce, avec la probabilité définie par l’utilisateur. Afin d’homogénéiser
l’expérience pour tous les sujets, cette fonction aléatoire est initialisée à une valeur
fixée. De ce fait, la même séquence de signaux est répétée pour chaque expérience, ce
qui a pour conséquence évidente le même nombre de signaux présentés pour tous les
sujets.
− Horloge de Mackworth
Le même principe est utilisé, simplement nous empêchons la succession de deux
signaux critiques. Ainsi, les sujets peuvent toujours se positionner par rapport à un
saut simple situé avant le signal critique (i.e. saut double).
− Tâche de mémorisation
Le générateur de nombre aléatoire n’est pas utilisé ici. En effet, comme nous
l’avons montré plus haut, la fréquence des signaux critiques est fixe à 40%. Après
chaque série de 4 chiffres à mémoriser, les dix chiffres sont présentés successivement.
Il y a donc toujours 4 événements critiques dans ces dix signaux.
− Tâche d'identification de visages
Le principe est le même que celui de la tâche de détection du signal.
b. En vision périphérique
Selon les tâches, deux méthodes de génération des signaux sont utilisées.
− Cas des signaux périphériques statiques
Dans le cas des signaux périphériques statiques, pour tester l’ensemble des
signaux sélectionnés, la méthode choisie est la suivante :
157
L’ensemble des signaux périphériques sélectionnés est ordonné de façon aléatoire
et cette séquence est sauvegardée. La présence d’un signal périphérique est
déterminée par la fonction random mais sa localisation est donnée par la séquence
sauvegardée. Ainsi, les LEDs sélectionnées vont toutes s’allumer une première fois
avant que l’une d’elle ne s'allume une seconde fois. Si la durée de l’expérience est
supérieure au temps d’allumage de toutes les LEDs sélectionnées, un second allumage
est possible et ce jusqu’à la fin du temps d’expérimentation. Cette technique permet,
lorsque la durée de l’expérience est un multiple du temps d’allumage de toutes les
LEDs, d’avoir le même nombre de signaux, et ce, quel que soit le découpage de zones
périphériques choisi pour le traitement des données.
− Cas des signaux périphériques dynamiques
Dans le cas des signaux périphériques dynamiques, deux ordinateurs (PC1 et
PC2) doivent utiliser des fichiers correspondants au même ensemble de trajectoires.
Le fichier de trajectoire *.las chargé sur le premier ordinateur comporte les consignes
d’allumage et d’extinction du faisceau laser. De ce fait, l’ensemble des stimulations
périphériques est fixe, de fréquence et de caractéristiques entièrement définies dans le
fichier chargé par l’expérimentateur.
3. Organisation séquentielle des événements
Afin d’illustrer notre propos, nous allons présenter le déroulement temporel d’une
période par 3 exemples correspondants chacun à des configurations de tâches
différentes.
a. Tâche de détection du signal et de stimulation périphérique statique
Prenons par exemple le cas d’une expérience où la tâche de détection du signal a
été sélectionnée avec les stimulations périphériques statiques. Un signal est présenté
sur le moniteur pendant 50ms avec une périodicité de 2s. La durée de l’expérience est
de 15min. Pendant 15min. les périodes de 2s vont se succéder en suivant le schéma
présenté ci-dessous.
158
Déroulement temporel d’une période i
♦Mise en mémoire du temps♦Présentation des signaux
- Affichage des points dont l’un estéventuellement plus lumineux
- Allumage éventuel d’une LED♦Sauvegarde dans un fichier des données de la période i-1♦Préparation des signaux de la période i+1
- Choix de la présence ou non d’un signalcritique en central
- Choix de l’allumage d’une LED et de salocalisation en périphérie
Lecture en continu :♦du temps♦de l’état des boutons de la manette
♦Extinction du signal central♦Extinction éventuelle d’une LED
0
Durée =50 ms
Période = 2s⇒ passage à la période i+1
Temps
Si un bouton de la manette est activé :♦Teste s’il s’agit du premier appui pour la période i♦Sauvegarde du temps pour le calcul du temps de réponse
b. Horloge de Mackworth et stimuli en mouvement
Prenons à nouveau une période de 2s et un temps de présentation des signaux
périphériques (le laser ici) de 50ms. En vision centrale, comme l’horloge de
Mackworth a été sélectionnée, le signal (l’aiguille ici) est présenté pendant toute la
période. Comme nous voulons avoir un déplacement du faisceau laser à vitesse
constante, le signal de synchronisation du déplacement des moteurs est envoyé 0,2s
avant la commande d’allumage du laser. Ce temps correspond au temps d’accélération
des moteurs (Tacc=0,2s).
159
Déroulement temporel d’une période i
♦Mise en mémoire du temps♦Présentation des signaux
- Affichage de l’aiguille- Allumage éventuel du laser- Mise à 0 du signal de synchronisation
♦Sauvegarde dans un fichier des données de la période i-1♦Préparation des signaux de la période i+1
- Choix de la présence ou non d’un signalcritique en central
- Lecture de la prochaine trajectoire du faisceaulaser
Lecture en continu :♦du temps♦de l’état des boutons de la manette
♦Extinction du signal central♦Extinction éventuelle du laser♦Mise à 1 du signal de synchronisation
⇒ mise en route des moteurs et d’une trajectoire depositionnement laser éteint
0
Tacc +50ms
Période = 2s⇒ passage à la période i+1
Temps
Si un bouton de la manette est activé :♦Teste s’il s’agit du premier appui pour la période i♦Sauvegarde du temps pour le calcul du temps de réponse
Tacc =20ms
♦Mise à 1 du signal de synchronisation⇒ mise en route des moteurs et donc d’une trajectoire
♦Mise à 0 du signal de synchronisation⇒ empêche une succession séquentielle de
trajectoires
Tacc + 50ms+2Tacc
c. Tâche d'identification de l'expression d'un visage stylisé et localisation de
signaux statiques
Dans ce type de tâche la durée d’une période est définie (3s dans notre exemple)
mais s’applique uniquement aux périodes où il n’y a pas eu de détection d’un signal
160
périphérique. Lorsqu’un signal périphérique est détecté le programme attend qu’un
phototransistor soit éclairé par le sujet.
Puis, dès qu’un phototransistor est activé, un signal sonore est émis pour
informer le sujet que sa localisation du signal périphérique a été prise en compte et
que le prochain stimulus va être présenté. Après une attente qui permet au sujet de se
positionner pour visualiser le prochain signal, on passe à la période suivante.
161
Déroulement temporel d’une période i
♦Mise en mémoire du temps♦Présentation des signaux
- Affichage d'un visage souriant ou triste- Allumage éventuel d’une LED
♦Sauvegarde dans un fichier des données de la période i-1♦Préparation des signaux de la période i+1
- Choix de la présence ou non d’un signalcritique en central
- Choix de l’allumage d’une LED et de salocalisation en périphérie
0
Lecture en continu :♦du temps♦de l’état des boutons de la manette
♦Extinction du signal central♦Extinction éventuelle d’une LED
Durée =50 ms
Si un bouton de la manette est activé :♦Teste s’il s’agit du premier appui pour la période i♦Sauvegarde du temps pour le calcul du temps de réponse
Teste en continu l’étatdes phototransistors
♦Envoi d’un signal sonore♦Sauvegarde des coordonnées du phototransistor activé♦Attente de 3s pour permettre au sujet de se repositionner face au point de fixation♦Passage à la période suivante (i+1)
Activation dubouton de la tâche
périphérique
Non
Oui
Passage à la période suivante (i+1)lorsque les 3s se sont écoulées
Eclairage d’unphototransistor ?
Non
Oui
162
4. Cas particulier de l’apprentissage
Quelle que soit la configuration choisie, il est très important de commencer toute
expérimentation par une session d’entraînement. Et ce, afin de limiter l’effet
d’apprentissage lors des sessions suivantes, de familiariser le sujet avec l’expérience et le
maniement des boutons de réponse.
Cet entraînement se décompose en trois parties :
− Apprentissage de la tâche centrale :
Seule la tâche centrale est présentée. Le sujet doit détecter les signaux critiques en
appuyant sur le bouton correspondant.
− Apprentissage de la tâche périphérique :
Le point de fixation reste présent sur le moniteur et ce sont uniquement les stimuli
périphériques qui sont présentés. Le sujet y répond en appuyant sur la touche gauche
de la manette. Dans le cas des signaux statiques, toutes les LEDs sélectionnées par
l’expérimentateur s’allument une fois, ce qui va permettre d’établir une cartographie
du champ visuel du sujet (cf. p.164).
− Apprentissage de la combinaison des deux tâches:
Là encore, dans le cas des signaux statiques, toutes les LEDs sélectionnées s’allument
une fois, ce qui permet de quantifier l’effet de l’ajout de la tâche centrale sur le champ
visuel périphérique.
La durée de l'apprentissage peut varier selon le type de tâche sélectionné.
Typiquement, on compte une demi heure d'apprentissage. L'apprentissage de la tâche
centrale est de 4 minutes, celui de la tâche périphérique de 4 minutes également et la
combinaison des deux tâches dure 8 minutes. L'expérimentateur est présent pendant
l'apprentissage. Il fourni toutes les explications nécessaires et s'assure que le sujet applique
correctement les consignes.
5. Fichiers de données en sortie
Plusieurs fichiers sont crées par le programme :
163
a. Les fichiers de configurations (de type *.cfg) :
Ils sont codés en binaire et comportent le type de tâche sélectionné et les
différents paramètres correspondants. Ils peuvent être crées à tout moment par
l’expérimentateur et sélectionnés par la suite pour une expérience ou simplement pour
une visualisation. Ils sont regroupés dans le répertoire \pecvu\config\.
b. Les fichiers de trajectoire du laser
Ils sont codés en ascii (format texte) et sont de deux types :
- Les fichiers *.las qui sont crées manuellement par l’expérimentateur et
comportent une succession de positionnements rapides des moteurs et les
trajectoires à vitesse constante du faisceau laser (cf. p.142).
- Les fichiers *.bis qui sont crées par le programme et doivent être chargés
sur le second ordinateur. Ils comportent la succession de trajectoire des
moteurs en tenant compte du trajet effectué pendant les temps
d’accélération et de décélération.
c. Les fichiers de données
Les données sont sauvegardées dans un répertoire \pecvu\data\suj avec suj qui
correspond aux trois lettres du code du sujet. Ainsi, si un sujet effectue plusieurs
passages sur le dispositif, ses données sont sauvegardées dans le même répertoire.
Les fichiers de données sont sous deux formats : un format binaire (*.bin) et un
format texte (*.dat). Cette double présentation des données a été choisie afin de
permettre aux expérimentateurs de traiter les données selon le format qu’ils préfèrent.
Cependant, seul le fichier texte comporte un entête.
Cette entête comporte 3 types de données :
- Des données relatives au sujet : son code et le numéro de son passage.
- Des données temporelles : date et heure du début de l’expérimentation.
- Des données relatives à la configuration choisie : type de tâche sélectionnée
et les paramètres correspondants.
Les deux types de fichiers comportent les données relatives à l’expérience sous le
format suivant12 :
12 L’absence de signal critique ou de réponse est toujours notée -1
164
- L'heure de présentation du signal sous la forme h:min:s,ms .
- La présence ou l’absence de signal critique en vision centrale
(respectivement 1 ou –1).
- La réponse du sujet au signal central sous forme du temps de réponse en
ms.
- La présence ou l’absence de signal en vision périphérique.
- Sous forme des coordonnées de la LED dans le cas de stimuli
statiques (excentricité, hauteur).
- Sous forme de trajectoire pour les stimuli dynamiques (coordonnées
de départ, coordonnées d’arrivée, vitesse de déplacement, intensité).
- La réponse du sujet au signal périphérique sous forme de temps de réponse
en ms.
Si le mode de localisation est actif, les coordonnées du phototransistor éclairé
sont sauvegardées.
d. Fichiers de visualisation des signaux périphériques perçus
Par l'intermédiaire d'un programme utilisant les fichiers de sortie, il est possible de
représenter graphiquement l'ensemble des signaux périphériques perçus.
Le traitement du fichier correspondant à la session d'entraînement à la tâche
périphérique permet d'avoir une cartographie du champ visuel d'un sujet, et ce, sans
tâche centrale. Trois exemples de champs visuels ainsi mesurés sont présentés sur la
page suivante.
Si le mode de localisation est activé, une représentation graphique des signaux
correctement localisés et des erreurs de localisations est disponible. Ainsi, pour
chaque signal mal localisé, la position indiquée par le sujet est également représentée
(cf. Figure 64).
165
-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
Excentricité en degré
Hau
teur
MUZET_A2nb_led_vue: 72
166
-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
7TS_S2.b Un smiles
Excentricité en degré
Ha
ute
urNb_led_vue: 63
Localisation: 61
Bonnes Réponses: 112
Omissions: 0
Fausses Alarmes: 1
-80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80-5
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
3TS_S1.b Un smiles
Excentricité en degré
Ha
ute
ur
Nb_led_vue: 53
Localisation: 45
Bonnes Réponses: 110
Omissions: 2
Fausses Alarmes: 1
Figure 64 : Cartographie du champ visuel perceptif et de localisation de 2 sujets° : représente un signal correctement localisé+ : représente un signal perçu mais mal localisé* : représente la localisation erronée pointée par le sujet
167
Comme nous l'avons montré dans cette partie, notre dispositif est d'utilisation simple et
conviviale. Il permet des expérimentations diverses et variées grâce à son système de
configuration paramétrable par l'expérimentateur.
En l'absence d'une tâche centrale, il permet d'établir une cartographie du champ visuel
perceptif statique et dynamique et également de s'assurer que les signaux périphériques
perçus peuvent être correctement localisés.
Il peut être utilisé comme un indicateur du niveau d'attention divisée et de vision
périphérique dans différentes conditions expérimentales et environnementales mais il permet
également de suivre des fluctuations de performances au cours du temps, lors de tâches de
longue durée.
Afin de tester et de valider le dispositif que nous avons réalisé mais également de nous
positionner par rapport aux théories contradictoires de la littérature sur le champ visuel
utile, nous avons réalisé un certain nombre d'expériences. Ces expériences ont été réalisées
au CEPA et suivent la réglementation générale de l'expérimentation humaine sans bénéfice
individuel direct.
168
752,6,(0(3$57,((;3(5,0(17$7,21
8QH DFFXPXODWLRQ GH IDLWV QHVW SDV
SOXV XQH VFLHQFH TXXQ WDV GH SLHUUHV
QHVW XQH PDLVRQ
+HQUL 3RLQFDUp
/D VFLHQFH HW OK\SRWKqVH )ODPPDULRQ
169
Dans une première série d'expériences, nous avons utilisé une tâche de discrimination
lumineuse avec des signaux périphériques statiques. La durée de la tâche étant courte (15
minutes maximum), nous avons supposé que le niveau d'attention était constant et calculé les
performances pour l'ensemble de la tâche. Afin de savoir si la conduite est susceptible de
générer une fatigue visuelle visible sur notre dispositif, une évaluation des performances en
vision centrale et périphérique a été réalisée avant et après deux heures de conduite automobile
simulée. Les deux heures de conduite ont été réalisées sur le simulateur de conduite mobile
PAVCAS ( Poste d'Analyse de la Vigilance en Conduite Automobile Simulée). Ce simulateur
est utilisé pour étudier les performances de conduite mais également pour la mesure des
variables physiologiques et comportementales (cf. photographies de l'annexe E).
Dans la première expérience nous avons également fait varier des facteurs situationnels et
biologiques : le niveau de fatigue, par l'intermédiaire d'une privation de sommeil partielle et le
moment du passage sur le simulateur (nocturne ou dans l'après-midi).
Dans une deuxième expérience, nous avons utilisé le même test visuel avec un groupe de
sujets témoins qui n'ont pas conduit le simulateur, afin de savoir si les fluctuations de
performances observées avant et après les deux heures de conduite étaient dues à des
fluctuations circadiennes ou à la conduite elle-même.
Dans notre troisième expérience, nous avons combiné les deux heures de conduite
automobile avec l'exposition à deux situations de léger inconfort thermique (froid et chaud)
afin de voir si la température ambiante a une influence sur les performances visuelles.
Dans le second chapitre de notre partie expérimentale, nous avons abordé une toute autre
problématique. Afin d'étudier l'évolution temporelle des performances sur notre dispositif, nous
avons utilisé une tâche d'attention soutenue de 60 minutes du type de l'horloge de Mackworth
pour la tâche centrale. Pour la tâche périphérique, nous avons utilisé les stimuli statiques. Nous
avons également fait varier la complexité de la tâche en ajoutant une tâche de comptage afin de
voir si elle a un effet de détérioration des performances ou un effet d'activation.
Enfin, dans le troisième chapitre, nous nous sommes intéressés à l'effet de l'âge. Nous
avons utilisé une durée d'expérimentation de l'ordre de 15min. où le niveau d'attention est
supposé être constant. Nous avons étudié les effets de l'âge pour deux niveaux de complexité
d'une tâche d'identification en vision centrale et une tâche de localisation en périphérie.
170
$ ())(7'('(8;+(85(6'(&21'8,7($87202%,/(6,08/((
685/(63(5)250$1&(69,68(//(6
I. EFFET D’UNE PRIVATION DE SOMMEIL PARTIELLE ET DE DEUX HEURES DE
CONDUITE AUTOMOBILE SIMULEE
Comme notre partie théorique l'a montré, l'information pertinente pour la conduite
automobile est essentiellement visuelle. Les consignes de sécurité recommandent une pause
toutes les deux heures pour les longs trajets. Comme notre laboratoire dispose d'un simulateur,
nous nous sommes demandé si deux heures de conduite automobile étaient susceptibles de
générer une fatigue visuelle quantifiable.
Cependant, les paramètres ophtalmologiques classiques ne sont pas ou peu corrélés avec
la fréquence d'accident et/ou les performances de conduite. Afin de nous rapprocher des
conditions de la vie quotidienne, nous avons stimulé simultanément la vision centrale et la
vision périphérique sur notre dispositif PECVU. Les tests étaient réalisés avant et après les
deux heures de conduite. Nous avons également introduit préalablement une privation de
sommeil partielle afin de modifier le niveau de vigilance du conducteur.
1. Méthode
a. Protocole expérimental
Cette expérience a été réalisée avec 16 sujets âgés de 22 à 32 ans (8 filles et 8
garçons), détenteurs de leur permis de conduire depuis plus de 3 ans et ayant une
vision périphérique normale. Ils sont restés au laboratoire pendant 48 heures. Le
protocole est schématiquement représenté sur la Figure 65. Les sujets arrivaient vers
22h au laboratoire pour une nuit de sommeil de 8 heures. Puis, ils s'entraînaient aux
différents tests au cours de la matinée. Le premier passage sur le simulateur mobile
PAVCAS avait lieu entre 14h et 16h. Il s’agissait d’une conduite monotone sur
autoroute. Les performances de conduite, un enregistrement vidéo du comportement
171
et des paramètres électrophysiologiques étaient enregistrés afin de détecter
d’éventuelles baisses de vigilance. La seconde session de conduite avait lieu entre 4h
et 6h du matin après une privation partielle de sommeil de 4h. Enfin, la troisième
session avait lieu dans l’après-midi suivante entre 14h et 16h.
23H 7H
23H
14H-16H
4H - 6H 14H-16H
J 1
J 2
8 heures de sommeil
4 heures de sommeil
Apprentissage 2 heuresde conduite
Test VisuelA1 Après
Test VisuelA1 Avant
2 heuresde conduite
Test VisuelN Après
Test VisuelN Avant
2 heuresde conduite
Test VisuelA2 Après
Test VisuelA2 Avant
PSD
A 1
A 2N
Figure 65 : Protocole de l’expérience étudiant l’effet de deux heures de conduite automobile simulée et d’une privation partielle de sommeil sur les performances d’un test visuel.
Le test visuel, effectué sur le dispositif PECVU, précédait et succédait chaque
session de conduite sur le simulateur et avait une durée de 12 minutes. Après
l’apprentissage, réalisé le matin du jour 1, les sujets passaient 6 fois le test visuel :
1. A 13h30 le premier jour, avant la première session de conduite (A1 Avant).
2. A 16h30 le premier jour, après la première session de conduite (A1 Après).
3. A 4h le second jour, avant la deuxième session de conduite (N Avant).
4. A 6h30 le second jour, après la deuxième session de conduite (N Après).
5. A 13h30 le second jour, avant la troisième session de conduite (A2 Avant).
6. A 16h30 le second jour, après la troisième session de conduite (A2 Après).
b. Présentation du test visuel
La luminance de l’écran demi cylindrique a été égalisée avec la luminance du
moniteur et a été fixée à 1,4cd/m², ce qui nous place en condition mésopique. De ce
fait, nous stimulons simultanément les cônes et les bâtonnets et il n’est pas nécessaire
de réaliser une habituation à l’environnement lumineux.
172
Le test était de type tachistoscopique avec un temps de présentation des signaux
centraux et périphériques très brefs pour éviter tout mouvement oculaire.
Les paramètres de configuration choisis pour cette expérience sont les suivants :
- La tâche centrale est la tâche de discrimination lumineuse (cf. p.148) avec 8
points lumineux. Les signaux sont présentés avec une périodicité de 1,6s pendant
100ms. Le sujet doit détecter la présence d’un point plus lumineux en appuyant avec
le pouce droit sur une manette. La probabilité de cet événement est de 50% ce qui
nous permet d’utiliser les paramètres de la théorie de détection du signal. La
luminance du point de fixation et des points non critiques est de 8cd/m². La luminance
du point critique est de 20cd/m² (un contraste de 3 a été choisi).
- Simultanément à la tâche centrale, avec une probabilité de 50%, des signaux
périphériques statiques sont présentés pendant 100ms. Le sujet doit détecter cet
événement en pressant avec la main gauche un bouton de la manette. La luminance
des signaux périphériques est de 20cd/m² et seules 4 excentricités sont activées :
± 50°, ± 60°, ± 70°, et ± 80°. En effet, cette expérience a été réalisée en 1996 et les
autres excentricités n’étaient pas encore opérationnelles.
Le sujet devait se focaliser sur la tâche centrale pour percevoir la différence de
luminance et répondre le plus rapidement possible aux signaux centraux et
périphériques.
c. Présentation des analyses réalisées
− Variables étudiées
Pour la tâche centrale :
Les nombres de bonnes réponses, de fausses alarmes, d’omissions et de rejets
corrects ont été calculés pour chaque passage sur le dispositif. Nous en avons déduit
les paramètres de la détection du signal d’ et c (cf. p.75). Comme le nombre de
signaux critiques présenté était légèrement différent selon les sujets et les passages,
nous avons calculé les pourcentages de bonnes réponses et de fausses alarmes. Puis,
nous les avons transformés en utilisant la formule classique (Zar 1974)
arcsin(racine(pourcentage)) pour les normaliser.
Les temps de réponse ont été enregistrés avec une précision de 1ms. Lorsqu'il y
avait simultanément un signal critique en vision centrale et en vision périphérique les
temps de réponse augmentaient significativement et étaient beaucoup plus variables.
173
C'est pourquoi, nous avons uniquement considéré les temps de réponse centraux
lorsqu'il n'y avait pas de signal en périphérie. Le temps de réponse moyen a été calculé
en éliminant les temps anormalement courts ou longs selon la technique présentée
précédemment p.74.
Pour la tâche périphérique :
Comme le nombre de signaux présentés n’était pas identique pour tous les sujets
et tous les passages, nous avons également calculé des pourcentages que nous avons
transformés et ce, pour les 4 excentricités stimulées.
Nous avons comptabilisé les fausses alarmes de façon globale car elles reflètent
les erreurs de pression sur les boutons. Nous n'avons pas calculé les temps de
réponses en périphérie car ils varient selon l'excentricité du signal considéré (Tsal
1983) et le temps de réponse moyen aurait été par trop tributaire de la localisation des
signaux périphériques perçus.
En résumé, les variables analysées pour la tâche centrale sont les suivantes :
- Asin(racine(%Bonnes Réponses)) noté BRcent pour simplifier
- Asin(racine(%Fausses Alarmes)) noté FAcent pour simplifier
- L’indice de discriminabilité d’
- Le critère de décision c
- La moyenne des temps de réponses centraux sans signal en périphérie et après
élimination des valeurs atypiques notée TRcent.
Pour la tâche périphérique nous avons analysé asin(racine(%Bonnes Réponses))
pour chaque excentricité stimulée. Cette variable sera notée BRpériph. Nous avons
également analysé les fausses alarmes de façon globale FApériph en leur appliquant
la même transformation.
− Vérification des hypothèses
Nous avons calculé pour chacune de nos variables la moyenne et l’écart type de
toutes les passations. Pour trois sujets, le nombre de fausses alarmes était
anormalement élevé par rapport à l’ensemble du groupe (supérieur à la moyenne
globale plus deux écarts types). Ces sujets n’ont pas obéi aux consignes et ont
répondu au hasard. Ils ont été éliminés des analyses, ce qui nous a ramené à un groupe
de 13 sujets (soit 7 filles et 6 garçons).
174
Nous avons calculé la matrice de corrélation entre les valeurs de l’indice de
discriminabilité d' et le critère de décision c. Comme nous n’avons pas obtenu de
corrélation significative, les hypothèses de la théorie de la détection du signal se
trouvent vérifiées pour notre expérience (cf. p.75).
L’effet du sexe a été étudié mais il n’était pas significatif. C’est pourquoi nous
avons rassemblé l’ensemble des données dans un même groupe. Ce résultat est en
accord avec les résultats de périmétrie classique où aucune différence liée au sexe n’a
été mise en évidence à ce jour.
− Analyses effectuées
Comme il n’était pas possible de traiter les six passations simultanément, car elles
combinaient trop de facteurs différents (la privation partielle de sommeil, la position
par rapport aux deux heures de conduite et le moment de la journée), nous avons
réalisé deux analyses séparées. Dans les deux cas, nous avons effectué des analyses de
variance à deux facteurs avec mesures répétées dans le cas des variables de la tâche
centrale et pour les fausses alarmes de la tâche périphérique. Pour les bonnes réponses
en périphérie, nous avons effectué une analyse de variance à trois facteurs avec
mesures répétées, en ajoutant l’excentricité considérée comme troisième facteur. Ce
troisième facteur comporte 4 modalités : 50°, 60°, 70° et 80°.
Première analyse :
L’influence de la privation partielle de sommeil et des deux heures de conduite
automobile a été étudiée en comparant les 4 sessions de l’après-midi : A1 Avant, A1
Après, A2 Avant et A2 Après. Le premier facteur est la privation partielle de sommeil
(notée PSD pour Partial Sleep Deprivation) dont les deux modalités sont A1 (pour
l’après-midi précédant la privation de sommeil partielle) et A2 (pour l’après-midi
suivant la privation de sommeil partielle). Le second facteur étudié est la conduite
(notée Conduite) et comporte également deux modalités (Avant et Après).
Deuxième analyse :
L’influence au cours du temps de la privation de sommeil partielle et de la
conduite automobile a été étudiée en comparant les 4 sessions du deuxième jour :
N Avant, N Après, A2 Avant et A2 Après. Les facteurs étudiés ici sont donc le
Moment du passage (Nuit et Jour) et la Conduite (Avant et Après).
175
Remarques :
- Dans la suite de notre travail, lorsqu'un effet est significatif (i.e. p<0,05) nous
indiquerons le F de Fisher et la probabilité d'erreurs correspondante. Sur les
graphiques, une étoile (*) indique que deux valeurs sont significativement
différentes.
- Nous mentionnerons également les tendances lorsque 0,05≤p<0,1. En effet, vu le
faible nombre de sujets dont nous avons pu disposer, il est probable que ces effets
auraient été mis en évidence de façon significative avec une plus grande
population. Sur les graphiques, les tendances seront indiquées avec le signe †.
- Lorsque nous indiquerons des valeurs, que ce soit dans le texte ou sur les
graphiques, ce sera toujours les pourcentages moyens car ils sont plus parlants que
arcsin(racine(%)).
- Les barres d'erreurs représenteront l'erreur standard moyenne (i.e. l'écart type
divisé par la racine du nombre de sujets).
2. Résultats
a. Première analyse : comparaison des sessions de l’après-midi
Dans cette analyse nous considérons 4 passations sur le dispositif PECVU :
A1 Avant, A1 Après, A2 Avant et A2 Après.
− Pour la tâche centrale.
- On observe un effet significatif de la condition privation de sommeil partielle
pour les bonnes réponses (F1,12=10,7 ; p=0,007). Il y a une augmentation des bonnes
réponses entre le premier jour où BRcentA1=62,7%±4,4 et le deuxième jour où
BRcentA2=72,2%±4,5.
- Aucun résultat n’est significatif pour les fausses alarmes.
- Aucun facteur n’est significatif pour l’indice de discriminabilité d’ . Il existe
toutefois une tendance à l'augmentation de cet indice avec la privation de sommeil et
avec la conduite.
- La privation partielle de sommeil a un effet sur le critère de décision c
(F1,12=5,03 ; p=0,044). C diminue entre le premier jour où cA1=0,54±0,10 et le
deuxième jour où cA2=0,36±0,12 ce qui signifie que les sujets prennent plus de risque
176
après une nuit de privation de sommeil. Cependant, dans les deux cas, c est positif ce
qui signifie que les sujets ont un comportement plutôt prudent, privilégiant les
réponses au risque d'augmenter le nombre de fausses alarmes.
- Les temps de réponses ont tendance à augmenter avec la conduite.
− Pour la tâche périphérique
- Aucun effet n'est observé pour les fausses alarmes en périphérie.
- Les trois facteurs considérés ont un effet sur le pourcentage de signaux perçus
en périphérie. Par contre, aucune interaction n’est significative. On observe une
augmentation des signaux détectés après la privation de sommeil (F1,12=12,4 ;
p=0,004). Le premier jour, les sujets ont perçu 44,6%±5,6 signaux et le deuxième
jour 48,4%±5,7.
Il y a également une augmentation après les deux heures de conduite automobile
(F1,12=33,3 ; p<0,001). Avant la conduite le pourcentage moyen est de 45,3%±5,5,
après il est de 49,2%±5,7.
Les 4 excentricités considérées étant différentes (F3,36=168,2 ; p<0,001) nous
avons effectué des comparaisons post-hoc pour savoir si elles étaient toutes
différentes ce qui est le cas (p<0,001 pour toutes les comparaisons cf. Figure 66) .
0
20
40
60
80
40 50 60 70 80Excentricité (en °)
% B
R p
érip
h **
*
Figure 66 : Pourcentage de signaux perçus en fonction de l'excentricité de présentation.
177
− Tableaux récapitulatifs
En résumé, pour la tâche centrale nous avons
Variable PSD Conduite Interactions
BR cent A1<A2* ns ns
FA cent ns ns ns
d’ A1<A2† Avant<Après† ns
c A1>A2* ns ns
TR cent ns Avant<Après† ns
Pour la tâche périphérique
Variable PSD Conduite Excentricité Interactions
BR périph A1<A2* Avant<Après* 50>60>70>80* aucune
FA périph ns ns ns
Remarques: Dans ces tableaux et les suivants nous adopterons les mêmes conventions
ns signifie p≥0,1
† signifie une tendance avec 0,05≤p<0,1
* signifie un effet tel que p<0,05.
Lorsqu'une case est grisée cela signifie que le facteur n'a pas été testé.
− Conclusion
Il existe une augmentation du nombre de bonnes réponses en vision centrale et en
vision périphérique dans la condition privation partielle de sommeil. Ce résultat, en
contradiction avec les effets obtenus classiquement dans les expériences de privation
totale de sommeil (Horne 1983), est peut être dû au fait qu'une privation de sommeil
de 4h n'est pas suffisante pour entraîner une dégradation des performances.
Par contre la diminution de c avec la privation de sommeil suggère une
augmentation de la prise de risque, ce qui explique en partie l'augmentation des
178
bonnes réponses. Dans plusieurs études sur l'effet d'une privation de sommeil sur les
paramètres de la théorie de la détection du signal, aucune variation significative n'a été
observée pour le critère de décision (Deaton 1971; Horne 1983). Cette différence
avec notre étude est peut être due au fait que nous avons utilisé le critère de décision
c au lieu du rapport de vraisemblance β (cf. p.75).
L'effet de la fatigue, que nous attendions après la privation partielle de sommeil,
n'a pas entraîné de variation significative des temps de réponse. Pourtant, d'autres
expériences ont montré que les temps de réponse moyens augmentent avec la
privation totale de sommeil (Corsi-Cabrera 1996; Poulton 1974).
Après une nuit de privation partielle de sommeil, les sujets se sentent plus
fatigués. Afin de lutter contre l'effet de la fatigue ils sont plus concentrés et de ce fait,
leurs performances au test visuel sont meilleures. Il est probable que si le test avait
duré plus longtemps, les sujets n'auraient plus été à même de compenser leur fatigue
par une forte concentration et les performances auraient été moins bonnes.
Les deux heures de conduite automobile entraînent une tendance à l'augmentation
des temps de réponse pour la tâche centrale et une augmentation du pourcentage des
bonnes réponses en périphérie. Il est difficile de conclure sur les raisons de ces
variations. En effet, la passation précédant la conduite a eu lieu à 13h30 et la
passation suivante a eu lieu à 16h30. Il est possible que les moins bonnes
performances observées avant la conduite soient dues au "creux post prandial", ce qui
est en accord avec la littérature (Craig 1985; Leconte 1990). Cependant, cette
expérience ne nous permet pas de conclure car nous ne connaissons pas l'influence
relative de la conduite et du dit "creux post prandial". De même, il ne nous est pas
possible de savoir si l'augmentation des temps de réponse est dû à la conduite et/ou à
des effets circadiens, bien que cela serait contraire aux données de la littérature (cf.
p.96).
Les 4 excentricités considérées sont significativement distinctes et le nombre de
signaux détectés diminue avec l'augmentation de l'excentricité. Ce résultat est en
accord avec les mesures ophtalmologiques du champ visuel. Aucune interaction n'a
été observée entre l'excentricité, la conduite et la privation de sommeil partielle.
L'amélioration observée avec la privation partielle de sommeil et la conduite est donc
identique, quelle que soit l'excentricité considérée.
179
b. Deuxième analyse : comparaison des sessions suivant la privation partielle
de sommeil
Dans cette analyse nous considérons 4 passations sur le dispositif PECVU :
N Avant, N Après, A2 Avant et A2 Après.
− Pour la tâche centrale.
- Aucun effet significatif n'est observé pour les bonnes réponses.
- Pour les fausses alarmes, l'interaction entre le moment du passage et la conduite
est significative (F1,12=5,2 ; p=0,042). Les comparaisons post-hoc montrent une
stabilité du nombre de fausses alarmes pour les deux passations de l'après-midi et une
augmentation des fausses alarmes avec la conduite pour les deux passations
nocturnes. De plus, à 13h30 le nombre de fausses alarmes est plus élevé qu'à 4h du
matin (cf. Figure 67).
- Pour l’indice de discriminabilité d’ , on observe la même interaction (F1,12=9,91 ;
p=0,008). Avant la conduite, la discriminabilité du signal central est meilleure à 4h du
matin. La conduite entraîne une amélioration des performances l'après-midi et une
tendance à une détérioration le matin (cf. Figure 67).
- Aucun résultat n’est significatif pour le critère de décision c.
- On observe une tendance à une variation des temps de réponse avec le moment
de la journée. Les sujets sont plus lents pendant la session nocturne que lors de la
session de l'après-midi.
02
46
810
1214
Avant Après
% F
A c
ent
NuitJour
* *
1.6
1.8
2
2.2
Avant Après
d'
NuitJour
**
†
Figure 67 : Interaction pour les fausses alarmes (gauche). Interaction pour d' (droite)
− Pour la tâche périphérique
- Aucun effet n'est observé pour les fausses alarmes.
180
- L'analyse de variance à trois facteurs montre un effet de l'excentricité
(F3,36=199,9, p<0,001) et une interaction entre le moment de la journée et la conduite
(F1,12=38,2 ; p<0,001). Les comparaisons post-hoc montrent que toutes les sessions
diffèrent. Plus de signaux périphériques sont perçus à 4h qu'à 13h30. La conduite a un
effet d'amélioration des performances pour la passation diurne et un effet de
dégradation pour la passation nocturne. Après la conduite, les performances sont
meilleures dans l'après-midi (cf. Figure 68).
Comme précédemment, les 4 excentricités considérées sont toutes
significativement différentes et varient de façon similaire avec les deux facteurs
étudiés.
35
40
45
50
55
Avant Après
% B
R p
érip
h
Nuit
Jour
* *
**
Figure 68 : Interaction pour les bonnes réponses en périphérie.
− Tableaux récapitulatifs
En résumé, pour la tâche centrale nous avons
Variable Moment Conduite Interaction Moment x Conduite
BR cent ns ns ns
FA cent ns ns NAvant<(A2Avant et A2Après)*
NAvant<Naprès*
d’ ns ns NAvant>A2Avant*
A2Avant<A2Après*
c ns ns ns
TR cent Nuit>A2† ns ns
181
Pour la tâche périphérique
InteractionsVariable Moment Conduite Excentricité
Moment x Conduite Autres
BR périph ns ns 50>60>70>80* NAvant>NAprès*
A2Avant<A2Après*
NAvant>A2Avant*
NAprès<A2Après*
ns
FA périph ns ns ns
− Conclusion
Comme pour la première analyse, nous ne pouvons pas affirmer que les effets
observés pour la conduite automobile ne sont dus qu'à ce seul facteur. En effet, les
sessions étaient distantes de plus de deux heures, il est possible que des effets
circadiens aient joué ici un rôle non négligeable. De plus, les deux moments de la
journée comparés sont consécutifs à une privation de sommeil partielle. Les effets
observés peuvent être dus au moment de la journée et/ou à la position de la passation
par rapport à la précédente période de sommeil. C'est pourquoi, il est difficile de
commenter les résultats observés.
Que ce soit en vision centrale ou en vision périphérique, les performances sont
meilleures lors de la session matinale que lors de celle située en début d'après midi.
Cet effet peut être dû à la récence du dernier sommeil à 4h du matin et/ou à l'effet du
creux post prandial en début d'après midi. Libert (1992), dans une expérience de
privation partielle de sommeil de 4h, a montré que le nombre d'omissions à une tâche
visuelle augmente avec la dette de sommeil.
De plus, dans notre étude, les sujets présentaient des temps de réponse plus
courts dans l'après-midi. Il semblerait donc qu'ils privilégiaient la justesse aux dépends
de la rapidité lors de la session nocturne et faisaient l'inverse l'après-midi, ce qui est en
accord avec les données de la littérature (Monk 1982).
La conduite entraîne une dégradation des performances pour les sessions
nocturnes et une amélioration pour les sessions de l'après-midi. Horne (1983), dans
une étude combinant effet circadien et privation de sommeil, a obtenu des résultats
182
similaires pour d' (cf. Figure 42). Il semblerait donc que les performances suivent les
fluctuations circadiennes de la température interne mais il est difficile de conclure à
partir de cette seule expérimentation.
Notre première expérience ne permettait pas de savoir si les résultats observés étaient
dus à la conduite automobile, à la privation de sommeil partielle et/ou aux effets circadiens.
C'est pour répondre à cette interrogation que nous avons réalisé l'expérience suivante.
II. EFFET PROPRE AUX DEUX HEURES DE CONDUITE AUTOMOBILE SIMULEE
1. Présentation de l'expérience
a. Protocole expérimental
Afin de savoir si les fluctuations de performance observées dans notre première
expérience étaient dues à la conduite automobile et/ou à des effets circadiens, nous
avons réalisé une expérience avec deux groupes de sujets qui réalisaient le test visuel
aux même heures : 13h30 et 16h30. Le premier groupe conduisait le simulateur entre
14h et 16h et le second groupe n'avait pas d'épreuve de conduite.
Cette expérience a été réalisée avec 14 sujets âgés de 22 à 32 ans, titulaires de
leur permis de conduite. Ils venaient au laboratoire en fin de matinée, s'entraînaient au
test visuel et avaient tous le même repas à midi. A 13h30 ils passaient la première
session du test. Les 7 sujets du groupe "conduite" conduisaient le simulateur pendant
deux heures. Les 7 sujets du groupe "témoin" avaient des activités neutres et calmes
pendant cette même période. Enfin, à 16h30 avait lieu la deuxième session sur le
dispositif.
Afin de savoir si les deux heures de conduite automobile simulée ont une
influence subjective sur l'effort attentionnel fourni pendant la tâche visuelle réalisée
sur PECVU, les sujets ont complété un questionnaire d'évaluation de la complexité de
la tâche après chaque passation sur le dispositif.
183
b. Test visuel
Les paramètres du test visuel ont été quelque peu modifiés car cette expérience a
été réalisée en 1998 et nous avions apporté des améliorations à PECVU. Ainsi, tous
les sujets avaient le même nombre de signaux critiques quelle que soit la session
considérée.
De plus, en périphérie toutes les excentricités étaient stimulées : 20°, 30°, 40°,
50°, 60°, 70° et 80°. La durée de la tâche était de 15 minutes avec un signal
apparaissant en vision centrale toutes les deux secondes. Le temps de présentation
était de 50ms. La probabilité de signal critique en vision centrale était de 50%, elle
était également de 50% en périphérie. Avec ces paramètres, chacune des LEDs
s'allumait deux fois.
La luminance ambiante était de 1,3cd/m² et les LEDs ont été calibrées à une
luminance de 12cd/m². Nous avons diminué le temps de présentation des signaux
centraux et périphériques par rapport à la première expérience, car pour les
excentricités les plus faibles (20°, 30° et 40°), les stimuli étaient trop lumineux avec
les anciens réglages et il était difficile de rester concentré sur la tâche centrale.
c. Présentation des analyses réalisées
− Variables étudiées :
Le questionnaire d'évaluation subjective du niveau de charge mentale NASA-
TLX a été utilisé (cf. p.73 et annexe A).
Comme précédemment nous avons corrigé nos données par arcsin(racine( %)) et
nous présenterons des pourcentages.
Pour la tâche centrale nous avons analysé les bonnes réponses : BRcent, les
fausses alarmes : FAcent et les paramètres de la théorie de la détection du signal d' et
c. Nous avons calculé les temps de réponses moyens TRcent en utilisant la même
technique que précédemment.
Pour la tâche périphérique, nous avons comptabilisé les fausses alarmes de façon
globale (FApériph ). Nous avons ensuite compté le nombre de bonnes réponses par
excentricité, ce qui nous a ramené à 7 excentricités : 20°, 30°, 40°, 50°, 60°, 70° et
80°.
184
− Analyses:
Nous avons réalisé des analyses de variances à deux facteurs avec mesures
répétées. Nous avions un facteur intra individuel: l'appartenance au groupe "témoin"
ou au groupe "conducteur". Nous appellerons ce facteur Conduite. Le second facteur
est l'Heure à laquelle le test a été effectué : c'est un facteur inter qui comporte deux
modalités : 13h30 et 16h30. En périphérie, une ANOVA à trois facteurs a été réalisée
en prenant l'excentricité considérée comme troisième facteur.
Nous avons vérifié l'homogénéité de nos deux groupes et l'indépendance de d' et
de c.
2. Résultats
− Questionnaire d'évaluation de la charge mentale
L'analyse du questionnaire de charge mentale n'a montré aucun effet significatif.
− Pour la tâche centrale :
- On observe un effet de l'heure de la journée pour les bonnes réponses (F1,12=5,9;
p=0,032). Pour les deux groupes, les bonnes réponses sont plus nombreuses à 16h30
(60%±4) par rapport à 13h30 (57%±4).
- La variable d' a également tendance à augmenter avec l'heure de la journée.
- Par contre, aucune variation n'est observée pour c ni pour les fausses alarmes.
- Pour le temps de réponse moyen, il y a une interaction significative entre les
deux groupes et l'heure de la journée (F1,12=7,33 ; p=0,019). A 13h30 les deux
groupes ont des temps de réponse équivalents, mais à 16h30 le groupe de conducteur
est plus lent tandis que les témoins se sont améliorés (cf. Figure 69).
450
550
650
13:30 16:30
TR c
ent (
ms)
Témoins
Conducteurs
*†
†
Figure 69 : Interaction pour les temps de réponse de la tâche centrale.
185
− Pour la tâche périphérique
- Les fausses alarmes diminuent avec l'heure de la journée (F1,12=7,1 ; p=0,021).
Elles sont de 1,5%±0,2 en moyenne à 13h30 et de 1,2%±0,2 à16h30. Il y a également
une interaction significative entre le groupe et l'heure (F1,12=11,0 ; p=0,006). Les
comparaisons post-hoc nous montrent que le groupe des conducteurs fait plus
d'erreurs à 13h30 que le groupe témoin. A 16h30, le groupe des conducteurs s'est
amélioré et a rejoint le groupe témoin. Il ne faut pas oublier que le nombre de fausses
alarmes en périphérie n'est pas un indicateur représentant la perception périphérique, il
reflète les erreurs de manipulation des boutons. Il semblerait donc que le groupe des
conducteurs a fait plus d'erreurs lors de la première passation, ce qui est peut être dû à
un plus grand stress lié à l'attente des deux heures de conduite automobile simulée.
- Le nombre de bonnes réponses en périphérie est différent selon l'excentricité
considérée (F6,72=700,5 ; p<0,001) et les comparaisons post-hoc montrent que
20°>30°>40°=50°>60°>70°>80° (cf. Figure 70). L'égalité du pourcentage de signaux
détectés à 40° et 50° peut paraître surprenante à priori mais s'explique par les
caractéristiques du dispositif PECVU (cf. p.129). En effet, à 20°, 30° et 40°
d'excentricité, des signaux sont présentés sur les 9 méridiens, y compris le méridien
vertical. A 50° d'excentricité, la hauteur maximale représentée correspond au méridien
45°. Il est donc logique que les signaux de cette excentricité soient plus facilement
perceptibles.
Le facteur conduite n'intervient pas sur cette variable et il n'y a aucune
interaction. Par contre, l'heure de la journée a une influence (F6,12=4,58 ; p=0,053)
dans le sens d'une tendance à une augmentation des signaux perçus à 16h30
(47%±8,8) par rapport à 13h30 (44,6%±8,9). Cette augmentation est identique, quelle
que soit l'excentricité considérée.
0
20
40
60
80
100
10 20 30 40 50 60 70 80Excentricité (en °)
% B
R p
érip
h
**
**
*
Figure 70 : Effet de l'excentricité
186
3. Tableaux récapitulatifs
En résumé, pour la tâche centrale nous avons
Variable Heure (inter) Conduite (intra) Interactions
BR cent 13h30<16h30* ns ns
FA cent ns ns ns
d’ 13h30<16h30† ns ns
c ns ns ns
TR cent ns ns Cond13h30=Tém13h30
Cond16h30<Tém16h30*
Cond13h30<Condj16h30†
Tém13h30>Tém16h30†
Pour la tâche périphérique
Variable Heure(inter)
Conduite(intra)
Excentricité Interactions
BR périph 13h30<16h30† ns 20>30>40=50*
50>60>70>80*
aucune
FA périph 13h30>16h30† ns Cond13h30>Tém13h30*
Tém13h30<Tém16h30* =Cond16h30
4. Conclusion
Cette expérience nous a montré qu'il n'y a pas de différence entre le groupe de sujets
témoins et le groupe de conducteurs à l'exception d'interactions pour les temps de réponse
à la tâche centrale et les fausses alarmes en périphérie.
Comme l'a montré le questionnaire de charge mentale, il n'y a pas de variation
subjective de l'effort attentionnel lors de la réalisation de la tâche visuelle, que ce soit après
les deux heures de conduite ou selon l'heure du passage.
187
Effet de la conduite :
L'interaction significative observée pour les temps de réponse à la tâche centrale
montre que deux heures de conduite automobile simulée entraînent une fatigue qui se
traduit par une baisse de rapidité dans l'exécution de la tâche visuelle. Wyon (1996) a
mesuré les temps de réponse à des signaux périphériques présentés pendant une heure de
conduite et il a observé une augmentation des temps de réponse entre la première et la
seconde période de 30 minutes.
Deux heures de conduite automobile simulée ne modifient pas de façon significative
les perceptions visuelles centrale et périphérique mais augmentent les temps de réponse.
Ce résultat confirme bien l'importance de faire une pause toutes les deux heures lors de
longs trajets. En effet, afin d'éviter un accident, il faut bien voir mais également être
capable de réagir rapidement.
Il serait intéressant de savoir si une conduite simulée d'une durée plus longue est
susceptible d'entraîner une fatigue accrue se traduisant également par une moins bonne
détection de signaux centraux et/ou périphériques.
Effets circadiens :
On observe une amélioration des performances (en terme de bonnes réponses) entre
13h30 et 16h30 et ce, quelle que soit l'excentricité considérée (de 0° à 80°) et pour les
deux groupes considérés. Ce résultat est en accord avec celui observé dans la première
expérience.
Par contre, cette amélioration n'apparaît pas sur le plan subjectif car les sujets témoins
n'ont pas évalué différemment la complexité de la tâche à 13h30 et à 16h30.
Cette étude a montré que le groupe témoin était plus rapide en fin d'après-midi. Il
semblerait donc que l'heure de la journée et en particulier le creux post prandial, aient un
effet non négligeable sur les performances visuelles. Les études qui se sont intéressées aux
effets circadiens des performances ont montré une augmentation de la rapidité d'exécution
au cours de la journée au détriment de la justesse (Monk 1982; Nachreiner 1992). Nous
avons observé une augmentation de la rapidité mais également une augmentation de la
justesse. Craig (1985) a montré que l'efficacité est plus basse à 14h par rapport à
différentes périodes de la journée (dont 17h), ce qui est en accord avec nos résultats.
L'amélioration de la justesse des réponses et la plus grande rapidité du groupe témoin
que nous avons observées sont donc dues aux effets combinés de l'heure de la journée et
du creux post prandial.
188
Nous avons montré que deux heures de conduite automobile simulée n'entraînent pas de
fatigue visuelle lorsque les sujets sont dans un environnement thermique neutre. Nous allons
placer les sujets dans un environnement thermique légèrement défavorable et regarder si les
deux heures de conduite vont occasionner une fatigue visuelle. En effet, des travaux ont
montré une augmentation des temps de réponse et des pourcentages d'omission pour une
conduite réalisée dans un environnement chaud (Wyon 1996).
III. EFFET D'UN LEGER INCONFORT THERMIQUE ET DE DEUX HEURES DE
CONDUITE AUTOMOBILE SIMULEE
1. Présentation de l'expérience
a. Protocole expérimental
Nous avons étudié l'influence d'environnements thermiques légèrement
inconfortables combinés à deux heures de conduite automobile simulée. Pour cela,
nous avons utilisé 3 niveaux de température : un niveau neutre : 23,5°C, un niveau
légèrement chaud : 28°C et un niveau légèrement froid : 19°C. Seize sujets masculins,
âgés de 22 à 32 ans, ont participé à cette expérience et étaient habillés de manière
identique à 0,8clo13. Ils venaient au laboratoire en fin de matinée, s'entraînaient aux
différents tests, mangeaient le même repas et conduisaient le simulateur de conduite
entre 14h et 16h. Ils effectuaient le test visuel pendant 15 minutes avant et après la
conduite. Tous les sujets venaient deux fois au laboratoire et ils étaient soumis une
fois à la température neutre et l'autre fois à l'une des deux températures d'inconfort.
L'ordre de passage dans ces deux conditions était contrebalancé entre les sujets ce qui
va nous permettre de ne pas en tenir compte dans nos analyses. Il y avait donc 8 sujets
dans chaque condition thermique.
13 1clo=1m² °C/W et correspond à la résistance thermique des vêtements.
189
Les sujets ont complété des questionnaires de confort thermique afin de juger
subjectivement les conditions environnementales auxquelles ils étaient soumis. Afin de
savoir si l'environnement thermique a eu une influence sur l'effort attentionnel fourni
pendant la tâche visuelle réalisée sur PECVU, les sujets ont complété un questionnaire
d'évaluation subjective de la complexité de la tâche après chaque passation sur le
dispositif.
b. Test visuel
Les paramètres du test visuel sont les mêmes que ceux de l'expérience
précédente. La durée de la tâche était de 15 minutes avec un signal en vision centrale
apparaissant toutes les 2 secondes. Le temps de présentation était de 50ms. La
probabilité de signal critique en vision centrale était de 50%, elle était également de
50% en périphérie. Avec ces paramètres, chacune des LEDs s'est allumée deux fois.
c. Présentation des analyses réalisées
− Variables étudiées :
Un exemplaire des questionnaires thermiques, établis d'après des normes (NF-
ISO-10551) est présenté en annexe A2. Deux échelles bipolaires à 7 divisions ont été
utilisées : un jugement sensoriel global noté Jug et une évaluation de l'ambiance
thermique notée Amb.
Comme précédemment, le questionnaire d'évaluation subjective du niveau de
charge mentale NASA-TLX a été utilisé.
Pour la tâche centrale nous avons analysé les bonnes réponses : BRcent, les
fausses alarmes : FAcent et les paramètres de la théorie de la détection du signal d' et
c. Nous avons également calculé les temps de réponse moyens : TRcent en appliquant
la même méthode que précédemment.
Pour la tâche périphérique nous avons comptabilisé les fausses alarmes de façon
globale. Nous avons ensuite compté les bonnes réponses par excentricité ce qui nous a
ramené à 7 excentricités de 20° à 80°.
190
− Analyses:
Nous avons effectué deux analyses séparées pour étudier, dans un cas, l'effet d'un
environnement thermique légèrement chaud et dans l'autre, l'effet d'un environnement
thermique légèrement froid.
Dans un premier temps, nous avons analysé les questionnaires thermiques afin de
nous assurer que nos hypothèses de léger inconfort thermique étaient bien réalisées à
28°C et à 19°C. Dans les deux cas nous avons effectué le test non paramétrique de
rang apparié de Wilcoxon car les échelles utilisées correspondent à des classes
ordonnées de 7 éléments discontinus. Lorsque nous indiquerons les résultats des
questionnaires thermiques, nous présenterons la médiane.
Puis, nous avons réalisé des analyses de variances à deux facteurs avec mesures
répétées pour le questionnaire d'évaluation de charge mentale et les variables de la
tâche visuelle, en appliquant les mêmes corrections que précédemment. Nous avions
deux facteurs inter individuels :
- la Température à laquelle a été soumis le sujet, qui comporte deux modalités:
Neutre (23,5°C) et l'une des deux températures d'inconfort (Chaud : 28°C ou
Froid : 19°C).
- l'Heure de la journée : 13h30 avant la conduite
16h30 après la conduite.
Pour les bonnes réponses de la tâche périphérique, une ANOVA à trois facteurs a
été réalisée en prenant l'excentricité considérée comme troisième facteur.
Nous avons vérifié l'indépendance de d' et de c.
2. Résultats
a. Première analyse : Effet d'une température légèrement chaude :
− Questionnaires subjectifs :
Questionnaire thermique :
- Il existe un effet significatif de la chaleur pour le jugement global subjectif de
l'état sensoriel (Z=2,52 ; p=0,012). En effet Jug23,5°C=0,5 ce qui correspond à un état
intermédiaire entre ni Chaud ni Froid et Légèrement Chaud et Jug28°C=1,8 ce qui
correspond à une sensation de Chaleur.
191
- Pour l'échelle d'évaluation de l'ambiance thermique, on observe également un
effet de la température ambiante (Z=2,2 ; p=0,028). Amb23,5°C=0,5 ce qui correspond
à une ambiance Très Légèrement Chaude et Amb28°C=2 ce qui est une ambiance
Chaude.
Questionnaire de charge mentale :
On observe aucun effet pour le questionnaire d'évaluation subjective de la charge
mentale, que ce soit pour les deux heures de conduite ou pour la température.
− Tâche centrale :
- Il n'y a aucun effet significatif pour les bonnes réponses en vision centrale.
- Les fausses alarmes diminuent avec l'heure de la journée (F1,7=25,6 ; p=0,0015).
Elles sont de 13,5%±3,3 à 13h30 et de 8,9%±3,4 à 16h30. Elles sont également
sensibles à la température ambiante (F1,7=8,49 ; p=0,022) car le nombre de fausses
alarmes est supérieur dans un environnement légèrement chaud : 14,9%±3,5 contre
10,7%±3 à 23,5°C.
- La détectabilité du signal augmente avec l'heure de la journée (F1,7=19,1 ;
p=0,003). En début d'après-midi d'=1,52±0,18 et à 16h30 d'=1,78±0,19.
- L'augmentation de la température ambiante a un effet sur le critère de décision
(F1,7=8,49 ; p=0,022). On observe une augmentation de la prise de risque entre la
condition neutre où cN=0,49±0,12 et la condition chaude où cc=0,37±0,13. L'heure
de la journée a également un effet sur c (F1,7=6,56 ; p=0,037). En début d'après midi
c13h30=0,37±0,14 et à 16h30 c16h30=0,49±0,11. Il y a donc une diminution de la prise
de risque en fin d'après midi.
- Aucun effet n'est observé pour les temps de réponse.
− Tâche périphérique
- Aucun effet significatif n'est observé pour les fausses alarmes en périphérie. On
observe néanmoins une tendance à une diminution des fausses alarmes avec l'heure de
la journée.
- Pour les bonnes réponses, seul l'effet de l'excentricité est significatif
(F6,42=209 ; p<0,001). Les comparaisons post hoc montrent que
20°>30°>40°=50°>60°>70°>80° (cf. Figure 71).
192
0
20
40
60
80
100
0 10 20 30 40 50 60 70 80Excentricité en degré
% B
R p
érip
h
**
**
*
Figure 71 : Effet de l'excentricité sur les bonnes réponses en périphérie.
b. Deuxième analyse : Effet d'une température légèrement froide :
− Questionnaires subjectifs :
Questionnaire thermique :
- Il y a un effet significatif du froid pour le jugement global subjectif de l'état
sensoriel des sujets (Z=2,38 ; p=0,017). En effet Jug23,5°C=0,5 ce qui correspond à un
état intermédiaire entre ni Chaud ni Froid et Légèrement Chaud et Jug19°C=-1 ce qui
correspond à la sensation Légèrement Froid.
- Pour l'échelle d'évaluation de l'ambiance thermique, on observe également un
effet de la température ambiante (Z=2,52 ; p=0,012). Amb23,5°C=0,5 ce qui correspond
à une ambiance Très Légèrement Chaude et Amb19°C=-0,5 ce qui est une ambiance
Très Légèrement Froide.
Questionnaire de charge mentale :
Comme précédemment, aucune variation de l'évaluation subjective de la charge
mentale du test visuel n'est observée entre les différentes passations.
− Tâche centrale :
- Aucun effet significatif n'est observé pour les bonnes réponses.
- Pour les fausses alarmes, il n'y a pas de facteur significatif mais on observe les
tendances suivantes : le nombre de fausses alarmes est plus élevé dans un
environnement froid et il est supérieur en début d'après midi.
- Le critère de détectabilité a tendance à augmenter avec l'heure de la journée.
- Aucun facteur ne fait varier le critère de décision c.
- Aucun effet n'est observé pour les temps de réponse.
193
− Tâche périphérique
- Le nombre de fausses alarmes est sensible à la température ambiante (F1,7=25,5 ;
p=0,0015). A 23,5°C, les sujets font moins de fausses alarmes (1,2%±0,4) qu'à 19°C
(1,9%±0,5). Les fausses alarmes ont également tendance à diminuer dans l'après-midi.
- Pour les bonnes réponses, on observe à nouveau un effet de l'excentricité
(F6,42=296 ; p<0,001). Comme précédemment les comparaisons post-hoc montrent
que 20°>30°>40°=50°>60°>70°>80°.
3. Tableaux récapitulatifs
En résumé, les effets d'un léger inconfort sont les suivants :
Température Heure InteractionVariablechaud froid chaud froid chaud froid
BR cent ns ns ns ns ns ns
FA cent Neut<Chaud* Neut<Froid† 13h30>16h30* 13h30>16h30† ns ns
d’ ns ns 13h30<16h30* 13h30<16h30† ns ns
c Neut>Chaud* ns 13h30<16h30* ns ns ns
TR cent ns ns ns ns ns ns
FA périph ns Neut<Froid* 13h30>16h30† 13h30>16h30† ns ns
Température Heure Excentricité Exc x HeureVariablechaud froid chaud froid chaud froid chaud froid
BR périph ns ns ns ns 20>30>40=50>60>70>80* ns ns
194
4. Conclusions
Questionnaires thermiques :
Lorsque la température ambiante était de 23,5°C les sujets avaient très légèrement
chaud et trouvaient l'ambiance très légèrement chaude. Ils se situaient donc légèrement au-
dessus de la thermoneutralité.
Pour une température de 28°C, les sujets avaient chaud et trouvaient l'ambiance
chaude, notre hypothèse d'inconfort est donc vérifiée ici.
Pour une température de 19°C, les sujets avaient légèrement froid et trouvaient
l'ambiance très légèrement froide. Notre hypothèse d'inconfort n'est qu'en partie vérifiée.
Dans cette condition, il aurait fallu utiliser une température plus froide.
Questionnaire d'évaluation de la charge mentale :
Deux heures de conduite automobile simulée n'induisent pas de variation de la
difficulté subjective de la tâche. De même, les conditions environnementales, qu'elles
soient chaudes ou froides, n'ont pas d'effet sur l'indice d'évaluation de charge mentale.
Effet de la température :
L'effet d'un environnement thermique légèrement chaud se traduit essentiellement par
une augmentation des fausses alarmes pour la tâche centrale et une diminution du critère
de décision c. On observe une augmentation de la prise de risque à 28°C. Pour la tâche
périphérique, aucune variation n'a été observée.
L'effet d'un environnement thermique légèrement froid se traduit par une tendance à
l'augmentation des fausses alarmes à la tâche centrale et en condition froide et une
augmentation des fausses alarmes de la tâche périphérique.
Effet de l'heure de la journée :
L'analyse effectuée dans l'ambiance légèrement chaude montre que les fausses alarmes
pour la tâche centrale diminuent après la conduite. Le critère de décision augmente, ce qui
signifie que les sujets adoptent un comportement plus prudent et préfèrent commettre des
fausses alarmes pour ne pas omettre de signaux critiques.
Pour les deux analyses le critère de discriminabilité augmente avec l'heure de la
journée, ce qui avait déjà été observé précédemment (cf. p.184).
195
Synthèse
Les résultats obtenus dans les deux premières études ont été en partie confirmés par
cette expérience car la détectabilité du signal a augmenté au cours de l'après-midi. Par
contre, l'effet du creux post prandial n'a pas été observé pour les bonnes réponses à la
tâche centrale et pour la tâche périphérique. Comme les sujets étaient exposés à différents
environnements thermiques, il est possible que les deux heures de conduite automobile,
dans un environnement thermiquement inconfortable, aient entraîné une fatigue liée à la
conduite, dont les effets auraient été masqués par les variations circadiennes dues au creux
post prandial.
L'effet des environnements thermiques légèrement inconfortables s'est essentiellement
traduit par une augmentation des fausses alarmes, ce qui est en accord avec la littérature
(cf. p.116). Ces augmentations étaient plus marquées pour la tâche centrale lors de
l'exposition au chaud et plus marquées pour la tâche périphérique lors de l'exposition au
froid. L'augmentation du nombre d'erreurs dans un environnement froid a déjà été
observée (Grether 1973).
Les performances des sujets, que ce soit en termes de taux de bonnes réponses ou de
temps de réponse, n'ont pas été affectées par les différents environnements thermiques,
contrairement à l'étude de Wyon (1996). En effet, Wyon a montré que dans un
environnement thermique légèrement chaud (27°C), le nombre d'omissions de signaux
périphériques présentés à un conducteur était plus élevé que dans un environnement neutre
(21°C). Cet auteur a également obtenu une augmentation des temps de réponse dans la
condition chaude.
Nous n'avons pas obtenu de diminution des bonnes réponses en périphérie comme
nous l'attendions et nous ne pouvons donc pas nous positionner par rapport aux
différentes théories d'interférence générale ou d'effet tunnel. Bursill (1958) avait obtenu
une dégradation des performances en périphérie selon un effet tunnel lors d'une exposition
au chaud mais il s'était placé dans des conditions thermiques plus extrêmes (37°C).
Aucune variation de l'évaluation subjective de la complexité de la tâche n'a été
observée selon les différents environnements thermiques, ce qui signifie que les sujets n'ont
pas eu à lutter pour maintenir un niveau de performance constant (Floru 1991). Comme
les performances ne sont pas restées stables au prix d'un effort compensatoire, notre
expérience a montré que les environnements thermiques légèrement inconfortables
n'affectent pas les performances visuelles mesurées par notre dispositif.
196
Dans l'expérience suivante nous avons étudié l'évolution temporelle des performances au
cours du temps pour une tâche d'attention soutenue et deux niveaux de complexité du test
visuel. En effet, à notre connaissance, aucune d'étude n'a effectué de tâche d'attention
soutenue avec des signaux situés à plus de 30° d'excentricité. De plus, en faisant varier la
complexité du test visuel, nous espérons pouvoir nous positionner par rapport aux différentes
théories d'effet tunnel, d'interférence générale et d'activation. Là aussi, peu d'études ont
stimulé l'ensemble du champ visuel.
197
% ())(7'(/(92/87,21'(63(5)250$1&(6$8&2856'8
7(0363285'(8;1,9($8;'(
&203/(;,7('87(679,68(/
1. Méthode
a. Protocole expérimental
Cette expérience a été réalisée avec 20 sujets âgés de 20 à 40 ans (12 femmes et 8
hommes) dont nous avons mesuré l'étendue du champ visuel avec le périmètre de
Gambs14. Nous avons étudié l’effet de l’ajout d’une tâche cognitive de comptage sur
le test visuel. Les sujets sont venu deux fois au laboratoire, à une semaine d’intervalle
à la même heure, afin de passer dans les mêmes conditions les deux tests visuels. Pour
s'affranchir du facteur ordre de passation et d'éventuels effets d'apprentissage, l'ordre
de passage des deux conditions a été inversé pour la moitié des sujets.
A chacun de leur passage, les sujets réalisaient tout d'abord une demi-heure
d'apprentissage puis, après une pause, l'heure de test. Enfin, ils remplissaient un
questionnaire d'évaluation subjective de la difficulté de la tâche visuelle.
b. Présentation du test visuel
Le but de cette expérience était d'étudier les fluctuations des performances au
cours du temps en vision centrale et périphérique. C'est pourquoi nous avons choisi
pour la tâche centrale d'adapter une tâche d'attention soutenue classique : "l'horloge
de Mackworth" (cf. p.68 et p.149).
Les paramètres choisis sont les suivants : la durée du test est de 60 minutes,
l'aiguille de l'horloge avance toutes les 2s et la probabilité d'un événement critique (qui
correspond à un double saut de l'aiguille) est de 10%. Avec ce paramètre nous
14 Une représentation du périmètre de Gambs est disponible en annexe C.
198
respectons les hypothèses de faible probabilité de l'événement critique propre aux
tâches d'attention soutenue.
Le temps de présentation du signal périphérique est de 50ms. Toutes les
excentricités ont été sélectionnées (soit 20°, 30°, 40°, 50°, 60°, 70° et 80°) et la
probabilité d'allumage d'une LED est de 50%. Avec ces paramètres, toutes les LEDs
s'allument huit fois au cours de l'expérience.
Pour la tâche simple (notée TS), le sujet doit détecter les signaux critiques de la
tâche centrale et l'allumage éventuel d'une LED en périphérie. Pour la tâche complexe
(notée TC), il doit également compter oralement les incrémentations de l'aiguille.
Lorsque l'aiguille fait un double saut, il ne compte pas et après chaque tour complet, il
recommence à zéro.
c. Présentation des analyses réalisées
− Variables étudiées
L'évaluation de la taille du champ visuel réalisée avant le test sur le périmètre
manuel de Gambs est notée Périm. Elle est calculée en adaptant la méthode des
méridiens principaux (cf. p.38) de la façon suivante : nous avons mesuré l'étendue du
champ visuel binoculaire avec le stimulus de 1mm² et d'intensité lumineuse D pour les
méridiens 0°, 30°, 60°, 90°, 120°, 150°, 180°, 210°, 240°, 270°, 300° et 330°. La
taille du champ visuel binoculaire théorique correspondante, calculée en sommant les
excentricités théoriques pour chaque méridien, est de 865° (cf. annexe C). Pour
chacun de nos sujets, nous avons sommé les excentricités mesurées et nous avons
calculé le rapport avec la valeur théorique.
Lors de l'entraînement réalisé avant chaque condition sur PECVU, il y a une
partie où seul le champ visuel périphérique est stimulé (cf. p.162). Toutes les LEDs
s'allument une seule fois. Nous avons calculé de façon globale le nombre de signaux
perçus pour les deux passages sur le dispositif. Les traitements ont été effectués sur la
variable corrigée (arcsin(racine(%))) notée CVpecvu pour champ visuel.
Afin de vérifier que la complexité des deux tâches était différente, les sujets ont
complété le questionnaire de charge mentale NASA-TLX immédiatement après la
réalisation de chaque tâche (cf. annexe A).
Pour chacune des deux conditions, nous avons comptabilisé les résultats par
période de 15 minutes car cela nous permettait d'étudier l'évolution au cours du temps
199
des performances. Dans une période de 15 minutes, il y a 50 doubles incrémentations
de l'aiguille pour 450 incrémentations simples. En périphérie, chacune des LEDs
s'allume deux fois, ce qui correspond à 252 signaux.
Pour la tâche centrale, nous avons analysé le pourcentage de bonnes réponses
corrigé15 BRcent, et le pourcentage de fausses alarmes corrigé FAcent. Les temps de
réponse moyens TRcent ont également été calculés selon la méthode présentée
précédemment.
Nous n'avons pas utilisé les paramètres de la théorie de la détection du signal
dans cette expérience. En effet, les hypothèses d'applications de la théorie de la
détection du signal n'étaient pas vérifiées car les distributions du signal et du bruit
n'étaient pas identiques (la probabilité du signal critique étant de 10%).
Pour la tâche périphérique, les fausses alarmes ont été calculées de façon globale
FApériph .
Comme précédemment, nous avons comptabilisé le nombre de bonnes réponses
en périphérie selon 7 excentricités de 20° à 80°. Pour chacune de ces excentricités,
nous avons calculé le pourcentage de signaux détectés pendant une période de 15
minutes et nous l'avons appelé BRpériph.
− Analyses
Nous avons vérifié l'homogénéité du champ visuel de nos sujets avec les variables
Périm et CVpecvu.
Pour les résultats du questionnaire de charge mentale, nous avons réalisé un test
T bilatéral de Student pour mesures appariées.
Pour le test visuel, nous avons réalisé des analyses de variance à deux facteurs à
mesures répétées pour BRcent, FAcent, TRcent et FApériph . Le premier facteur
est la Complexité de la tâche et comporte deux modalités (TS et TC). Le second
facteur est le facteur Temps et comporte 4 modalités (T1, T2, T3, T4) qui
correspondent aux quatre périodes de 15 minutes du test.
Pour les bonnes réponses en périphérie, une analyse de variance à trois facteurs a
été réalisée en ajoutant l'excentricité considérée comme troisième facteur.
15 Il s'agira toujours de la correction suivante : arcsin(racine(%)).
200
2. Résultats
− Périmètres
Les tests d'homogénéité réalisés avec les mesures sur le périmètre et sur le
dispositif PECVU ont montré que notre groupe de sujets était homogène.
Aucune corrélation significative n'a été obtenue entre les variables Périm et
CVpecvu (0,31). Ce résultat n'est pas très surprenant car sur le périmètre les stimuli
sont mobiles et seules les limites extérieures du champ visuel sont mesurées. Sur
PECVU, les stimuli sont statiques et la variable CVpecvu est obtenue en réalisant le
pourcentage de signaux perçus.
− NASA-TLX
Le test T met en évidence un effet de la complexité de la tâche (t =-2,89 ;
p=0,0096). L'évaluation subjective de charge mentale montre que la tâche sans aucun
comptage est perçue comme moins complexe TS=32,3±1,8 que la tâche avec
comptage TC=36,2±1,5.
− Pour la tâche centrale
- Le pourcentage de bonnes réponses est sensible au temps (F3,57=16,9 ;
p<0,001). Les comparaisons post-hoc montrent que les performances du premier
quart d'heure sont supérieures aux autres périodes (T1>(T2 et T3 et T4)). Les
performances de T2 et T3 ont tendance à être supérieures à celles de T4 (cf.
Figure 72).
Il y a également une interaction entre le temps et la complexité de la tâche
(F3,57=3,5 ; p=0,021). Les comparaisons post-hoc significatives sont présentées
Figure 72. Pour la première période temporelle, les performances sont supérieures
pour la tâche complexe. Pour la seconde et quatrième période il n'y pas de différence
entre les deux tâches. Par contre, pour la troisième période, les performances de la
tâche simple sont supérieures à celles de la tâche avec comptage.
201
40
45
50
55
60
65
70
T1 T2 T3 T4
Période temporelle de 15 minutes
% B
R c
ent
†
*
Période temporelle de 15 minutes
30
40
50
60
70
T1 T2 T3 T4
% B
R c
ent
TS
TC
**†
*†
Figure 72 : Effet du temps (gauche) Interaction Complexité × Temps (droite)
- Pour les fausses alarmes on observe un effet du temps (F3,57=5,2 ; p=0,0016).
Les comparaisons post-hoc montrent qu'il y a significativement plus de fausses
alarmes au cours de la première période par rapport aux trois suivantes (cf. Figure
73).
2
3
4
5
T1 T2 T3 T4Période temporelle de 15 minutes
% F
A c
ent
*
Figure 73 : Effet du temps pour les fausses alarmes de la tâche centrale
- Pour les temps de réponse il y a un effet de la complexité de la tâche (F1,19=8,4 ;
p=0,009). Les sujets sont plus rapides pour la tâche simple (TS=704ms±30) par
rapport à la tâche avec comptage (TC=795ms±33). Il y a également une tendance à
une interaction entre la complexité et le temps (F3,57=2,71 ; p=0,053) (cf. Figure 74).
Pour la tâche complexe, il n'y a pas de variation de la rapidité au cours du temps, par
contre, pour la tâche simple, on observe une augmentation progressive des temps de
réponse au cours du temps.
202
500
600
700
800
900
T1 T2 T3 T4Période temporelle de 15 minutes
Tem
ps d
e ré
pons
e en
ms
TS
TC
*
*** †
Figure 74 : Interaction entre la complexité de la tâche et la période considérée pour les temps de réponse.
− Pour la tâche périphérique
- Les fausses alarmes en périphérie augmentent avec la complexité de la tâche
(F1,19=8,9 ; p=0,007). Pour la tâche simple il y en a 0,73±0,16% et pour la tâche
complexe 1,08±0,23. Il y a une interaction significative entre la complexité de la tâche
et le temps (F3,57=4,45 ; p=0,007). Le résultat des comparaisons post-hoc est présenté
sur la Figure 75.
0
1
2
T1 T2 T3 T4Période temporelle de 15 minutes
% F
A p
érip
h
TS
TC
**†
*
Figure 75 : Interaction entre la complexité de la tâche et la période temporelle pour les fausses alarmes en périphérie.
- Pour les bonnes réponses en périphérie, il y a un effet du temps (F3,57=3,74 ;
p=0,016). Les comparaisons post-hoc mettent en évidence une dégradation des
performances au cours du temps (T1>T4* , T2>T4*, T1>T3†, T2>T3).
On observe également un effet de l'excentricité considérée (F6,114=644 ; p<0,001).
Le pourcentage de bonnes réponses diminue lorsque l'on s'éloigne de la zone centrale
(cf. Figure 76). Les comparaisons post-hoc montrent que
20°>30°>40°=50°>60°>70°>80°.
203
45
50
55
T1 T2 T3 T4Période temporelle de 15 minutes
% B
R p
érip
h
**†
0
20
40
60
80
100
20 30 40 50 60 70 80
Excentricité en degré
% B
R p
éri
ph
*
*
*
**
Figure 76 : Effet du temps (gauche) Effet de l'excentricité (droite)
Il y a également une interaction entre la période temporelle et l'excentricité
considérée (F18,342=1,69 ; p=0,038). Pour les zones centrales : 20° et 30°
d'excentricité, on observe une baisse des performances au cours du temps. Aucune
variation n'est significative pour les autres excentricités (cf. Figure 77).
0
20
40
60
80
100
T1 T2 T3 T4Période temporelle de 15 minutes
% B
R p
érip
h
20°
30°
40°
50°
60°
70°
80°
**
Figure 77 : Interaction entre l'excentricité considérée et la période temporelle
204
3. Tableaux récapitulatifs
En résumé, nous avons
Variable Complexité Temps Interaction
NASA TLX TS<TC*
BR cent ns T1>(T2, T3, T4)*
T2>T4†
T3>T4†
TST1<TCT1†
TST3>TCT3*
TST1>TS(T2,T3,T4)*
TCT1>TC(T2,T3,T4)*
TST3>TST4†
FA cent ns T1>(T2, T3, T4)* ns
TR cent TS<TC* ns TST1<TST4*
FA périph TS<TC* ns TCT1>TCT2,T3*
TCT1>TST1*
InteractionsVariable Comp. Temps Excentricité
Comp x Exc Temps x Exc
BRpériph ns T1>T4*
T1>T3†
T2>T3†
T2>T4*
20°>30°>40°=50°*
50°>60°>70°>80°*
ns 20° : T1,T2,T3)>T4*
30° : T1>(T3,T4)* T2>(T3,T4)*
autres Exc : ns
4. Conclusions
Le questionnaire d'évaluation de la charge mentale a montré que nos deux tâches
étaient bien perçues comme étant différentes. L'ajout d'une tâche de comptage augmente
subjectivement la complexité de la tâche, ce qui est conforme à notre hypothèse de départ.
Pour la tâche centrale :
205
Une baisse progressive des bonnes réponses est observée au cours du temps, ce qui
est en accord avec la littérature.
Comme l'a montré l'évaluation subjective de la charge mentale, la tâche complexe
demande un plus gros effort de concentration sur la tâche centrale. Cette concentration
supplémentaire se traduit par une meilleure détection des signaux critiques pendant la
première période temporelle. Puis, les performances de détection du saut double diminuent
au cours du temps pour les deux tâches. La concentration supplémentaire de la tâche de
comptage ne peut être maintenue et, après 30 minutes, les performances sont meilleures
pour la tâche simple. A la fin de l'expérimentation, le niveau d'attention reste stable pour la
tâche complexe et décroît encore pour la tâche simple.
Pour les fausses alarmes, on observe une baisse initiale entre les deux premières
périodes temporelles puis une stabilisation. Ce phénomène est très certainement dû à un
phénomène d'apprentissage.
Les temps de réponse sont plus courts pour la tâche simple par rapport à la tâche de
comptage, ce qui est logique car la tâche de comptage prend du temps. Par contre, on
observe une stabilité des temps de réponse au cours du temps pour la tâche complexe et
une augmentation pour la tâche simple.
La baisse de vigilance observée pour la tâche centrale se traduit donc par une
diminution du pourcentage de bonnes réponses et une augmentation des temps de réponse
pour la tâche simple et uniquement par une diminution du pourcentage de bonnes réponses
pour la tâche avec comptage. Il semblerait donc que la concentration soit plus forte pour
la tâche complexe et que le fait de compter ait un effet activateur au cours du temps.
Pour la tâche périphérique :
Les sujets font plus de fausses alarmes pour la tâche complexe pendant la première
période de 15 minutes. Le pourcentage de fausses alarmes est stable au cours du temps
pour la tâche simple et diminue pour la tâche complexe. Ce résultat confirme l'effet
d'activation de la tâche de comptage au cours du temps.
Pour les bonnes réponses, le pourcentage de signaux perçus diminue avec
l'augmentation de l'excentricité. On observe une baisse progressive des performances au
cours du temps pour 20° et 30° d'excentricité qui n'est pas significative au delà de ces
excentricités. Bursill (1958) et Poulton (1974) ont étudié les effets temporels pour une
tâche double avec des signaux périphériques situé à 20°, 50° et 80° d'excentricité et ils
206
n'ont pas observé de fluctuation des performances en périphérie. Il est possible que leur
durée d'expérimentation était trop courte (respectivement 40min. et 33min.). L'expérience
de Ronchi (1973) a mis en évidence des fluctuations des performances visuelles dans
l'obscurité au cours du temps qui varient en fonction de l'excentricité. La constante de
temps de la dégradation des performances augmente avec l'excentricité.
Par contre, nous n'avons pas observé d'effet de la complexité de la tâche. De son côté,
Leibowitz (1969) a observé un effet de la complexité de la tâche centrale plus marqué
pour de faibles excentricités (inférieures à 35°) et inexistantes à 80° d'excentricité.
Les études de Williams (1982; 1988) et de Pachiaudi (1996) ont mis en évidence une
augmentation des temps de réponse en périphérie lors de l’ajout d’une tâche cognitive.
Dans notre étude, nous n’avons pas calculé les temps de réponse en périphérie. En effet,
les temps de réaction sont sensibles à l’excentricité du signal présenté et le temps de
réponse moyen aurait été tributaire de l’emplacement des signaux périphériques perçus.
Synthèse
L'ajout d'une tâche de comptage a augmenté subjectivement la complexité du test, a
entraîné un ralentissement de la vitesse d'exécution de la tâche centrale et a limité la
dégradation d'un certain nombre de performances au cours du temps (TRcent,
FApériph ). Cette tâche possède donc un effet d'activation au cours du temps.
Nous n'avons pas observé de variation des performances avec la complexité de la
tâche en périphérie contrairement aux études de Ikeda, Holmes, Williams, Chan, Ball,
Webster, Leibowitz et Bartz (cf. p.83). Pour la plupart de ces études, seules les
excentricités inférieures à 30° étaient stimulées. De plus, ces auteurs ont tous fait varier la
complexité visuelle de la tâche centrale ou stimulé à de faibles excentricités (Chan,
Williams, Pachiaudi) contrairement à notre étude où nous avons utilisé une tâche de
comptage et stimulé de 20° à 80° d'excentricité. Notre étude a montré que l'ajout d'une
tâche cognitive de comptage n'a pas d'influence sur les performances de détection de
signaux visuels périphériques.
Cette étude a montré qu'il y avait une dégradation des performances au cours du
temps et ce, tant pour la tâche centrale que pour la tâche périphérique. Cette dégradation
est significative dès la seconde période pour les tâches centrales et périphériques. Nous
avons par ailleurs obtenu, sur notre dispositif, la baisse de performance classiquement
observée pour les tâches d'attention soutenue (Mackworth 1969; Nachreiner 1992).
207
La baisse de performances au cours du temps n'a pas affecté de façon significative les
excentricités supérieures à 30°. Beaucoup moins de signaux étaient perçus à 40°
d'excentricité (47,1%±2,6) par rapport à 30° (90,1%±2,1), ce qui pourrait signifier que
l'information provenant de cette excentricité et des suivantes fait appel à d'autres
mécanismes de la vision. Il est possible qu'un faisceau attentionnel diffus ait une taille
comprise entre 30 et 40° d'excentricité.
Après 30 minutes, moins de signaux ont été perçus à 30° d'excentricité, ce qui est
peut être un signe d'une diminution de la taille de ce faisceau attentionnel diffus. Après 45
minutes, la baisse affecte la zone de 20° d'excentricité.
La baisse de concentration, due à la fatigue, affecte la tâche centrale et son
environnement immédiat mais n'a pas de répercussion sur les zones plus périphériques car
aucune concentration n'est allouée à ces zones, le faisceau attentionnel ne les comprenant
pas. La vision périphérique constitue surtout un système d'alerte et sert à orienter notre
regard de façon réflexe, contrairement à la vision centrale où toute l'information est
traitée.
Notre expérience a montré que la périphérie du champ visuel n'est pas affectée par la
baisse d'attention soutenue, ce qui a des implications rassurantes lors de situations
critiques de conduite par exemple.
Enfin, dans une dernière expérience, nous nous sommes intéressés à une thématique plus
souvent étudiée : l'effet de l'âge. Les études de Ball et Owsley montrent une diminution de la
taille du champ visuel utile avec l'âge et il est bien connu que la perception visuelle baisse
avec l'âge. Nous avons voulu savoir si notre appareil permettait de détecter les baisses de
performances visuelles concomitantes à l'âge. Nous avons également demandé à nos sujets de
localiser les signaux périphériques pour savoir si la dégradation visuelle due à l'âge était
uniquement perceptive ou si la capacité de localisation d'un signal perçu diminuait
également. Nous avons également fait varier la complexité de la tâche centrale afin de savoir
si la dégradation des performances avec l'âge est accentuée pour une tâche plus complexe.
208
& ())(7'(/$*((7'('(8;
1,9($8;'(&203/(;,7('(/$
7$&+(&(175$/(
1. Méthode
a. Protocole expérimental
Cette expérience a été réalisée avec 20 sujets appartenant à deux groupes d'âges :
10 sujets âgés de 20 à 33 ans ( 8 femmes et 2 hommes, moyenne d'âge : 26 ans) et 10
sujets âgés de 47 à 60 ans ( 1 femme et 9 hommes, moyenne d'âge : 52 ans). Une
évaluation de leur champ visuel a été réalisée sur le périmètre manuel de Gambs.
Les sujets venaient deux fois au laboratoire à la même heure, et ce à un jour
d'intervalle, afin de passer dans les deux conditions du test visuel. L'ordre de passage
des deux conditions était inversé pour la moitié des sujets afin de s'affranchir du
facteur ordre. Ils réalisaient d'abord un apprentissage pendant une demi-heure puis,
après une courte pause, les 20 minutes de test. Enfin, les sujets remplissaient un
questionnaire d'évaluation subjective de la difficulté de la tâche centrale.
b. Présentation du test visuel
Deux configurations ont été utilisées pour la tâche centrale. Pour le niveau de
faible complexité (noté TS), la tâche d'identification de l'expression souriante d'un
visage schématisé a été choisie (cf. p.150). Pour le niveau plus complexe (noté TC),
deux visages étaient présentés côte à côte. Lorsque l'expression des deux visages était
identique, cela constituait l'événement critique à détecter.
Dans les deux cas la durée de la tâche était de 20 minutes, les signaux étaient
présentés pendant 50ms toutes les 3 secondes. La probabilité d'un signal critique était
de 50%.
En périphérie, la probabilité d'allumage d'une LED était également de 50%. Les
excentricités 20°, 30°, 40°, 50°, 60° et 70° ont été sélectionnées pour cette
expérience. Les travaux précédents, réalisés sur des personnes jeunes, ont montré que
très peu de signaux étaient perçus pour une excentricité de 80°. C'est pourquoi nous
209
n'avons pas activé cette excentricité pour cette expérience où nous avions des sujets
plus âgés car cela aurait allongé le temps d'expérimentation.
Enfin, nous avons activé le système de localisation des signaux périphériques ce
qui a induit une tâche motrice supplémentaire par rapport aux expériences
précédentes. A chaque perception d’un signal périphérique, le déroulement séquentiel
de la tâche est interrompu, et ce, jusqu’à l’activation d’un photodétecteur.
Les sujets avaient pour consigne de répondre le plus exactement possible et de
prendre leur temps. Ils devaient traiter l'information de la tâche centrale en premier,
par l'intermédiaire du bouton droit de la manette, puis appuyer sur le bouton gauche
de la manette s'ils avaient perçu un signal en périphérie. Enfin, la localisation du signal
périphérique perçu était réalisée en pointant dans sa direction le faisceau d'une lampe
de poche (cf. p.134). Pendant les 20 minutes de test, toutes les LEDs s'allumaient au
moins une fois et ce, quelle que soit la rapidité des sujets. Seules les données
correspondant à un allumage de toutes les LEDs seront traitées, ce qui correspond à
108 signaux périphériques (18 pour chaque excentricité).
c. Présentation des analyses réalisées
− Variables étudiées
Nous avons calculé comme précédemment l'évaluation de la taille du champ
visuel sur le périmètre manuel (Périm) ainsi que le nombre de signaux périphériques
perçus lors de l'apprentissage sur PECVU (CVpecvu). Nous avons également
comptabilisé les signaux par excentricité et nous avons appelé cette variable CVpériph.
L'évaluation de la difficulté de chacune des deux tâches a été effectué par
l'intermédiaire du questionnaire de charge mentale subjectif NASA-TLX.
Pour la tâche centrale nous avons analysé le pourcentage de bonnes réponses
corrigé16 BRcent, et le pourcentage de fausses alarmes corrigé FAcent.
Les temps de réponse n'ont pas été calculés car nous avions donné comme
consigne de répondre le plus exactement possible en prennant son temps.
Nous n'avons pas utilisé les paramètres de la théorie de détection du signal dans
cette expérience. En effet, plusieurs sujets n'ont fait aucune fausse alarme et/ou ont
210
perçu l'ensemble des signaux critiques pour la tâche centrale d'identification TS. Les
hypothèses d'applications de la théorie de détection du signal n'étaient pas vérifiées.
Pour la tâche périphérique, les fausses alarmes ont été calculées de façon globale
comme précédemment FApériph . Cette variable n'a pas été analysée car comme nous
avions demandé aux sujets de répondre le plus exactement possible, le nombre de
fausses alarmes en périphérie est très faible (il ne dépasse jamais trois).
Le nombre de signaux perçus est calculé pour chaque excentricité de stimulation
(soit 6 zones de 20° à 70°) et est noté BRpériph.
Le pourcentage de LEDs correctement localisées est comptabilisé de façon
globale et est noté NB loc.
Nous avons également calculé pour chaque excentricité le nombre de signaux
périphériques perçus mais mal localisés. Nous n'avons pas pu diviser cette valeur par
le nombre de signaux périphériques perçus pour l'excentricité correspondante car
plusieurs sujets n'ont perçu aucun signal à 70° d'excentricité. Afin de ne pas avoir de
valeurs manquantes et de conserver tous nos sujets, nous avons considéré 3 zones :
- une zone centrale (notée Cent) rassemblant les excentricités 20° et 30°
- une zone médiane (notée Méd) rassemblant les excentricités 40° et 50°
- une zone externe (notée Ext) rassemblant les excentricités 60° et 70°
Nous avons comptabilisé le nombre de signaux mal localisés pour chacune de ces
zones et nous l'avons divisé par le nombre de signaux perçus pour la même zone.
Cette variable est notée FausseLoc et représente le taux d'erreurs de localisation par
rapport aux signaux perçus.
− Analyses
Nous avons étudié l'effet du facteur âge sur la variable Périm ainsi que
l'homogénéité des deux groupes.
Comme un entraînement a été réalisé dans chaque condition du test visuel, nous
avons vérifié la répétabilité de la mesure du champ visuel sur PECVU en réalisant une
ANOVA à deux facteurs avec mesures répétées (l'âge en facteur inter et le jour du
passage en facteur intra) sur CVpecvu. Nous avons effectué une analyse de variance à
trois facteurs (l'âge, le jour du passage et l'excentricité considérée) sur la variable
CVpériph .
16 Nous avons appliqué la correction arcsin(racine(%)).
211
Nous avons également réalisé des analyses de variance à deux facteurs avec
mesures répétées pour les résultats du questionnaire de charge mentale, BRcent,
FAcent, NB Loc et FausseLoc. Le premier facteur est un facteur inter : l'âge et il
comporte deux modalités (Jeune et Age Mûr). Le second facteur est un facteur intra
individuel et est noté Tâche, il comporte deux modalités : TS pour la tâche simple
d'identification où un seul visage est présenté et TC pour la tâche complexe
d'égalisation des deux visages.
Pour les bonnes réponses en périphérie, comme précédemment une ANOVA à 3
facteurs a été réalisée en ajoutant l'Excentricité considérée comme troisième facteur.
2. Résultats
− Pour les mesures du champ visuel
Les tests d'homogénéité réalisés avec les mesures du périmètre et le pourcentage
de signaux perçus sur notre dispositif PECVU ont montré que les deux groupes de
sujets étaient homogènes.
- Pour les mesures du périmètre Périm, le test bilatéral T de Student pour
échantillons indépendants montre que l'effet du facteur âge est significatif (t18=4,78 ;
p<0,001). Le groupe jeune a un champ visuel qui couvre 101,8%±0,3 de l'étendue
standard et pour le groupe d'âge mûr il est de 98,9%±0,5.
- Pour le pourcentage de signaux détectés sur le dispositif PECVU en l'absence
de tâche centrale, il n'y a pas d'influence du jour du passage : CVj1=CVj2. Cette
variable est stable au cours du temps. Par contre, on observe un effet de l'âge
(F1,18=5,2 ; p=0,035). Le groupe jeune perçoit 56,6%±2,7 des signaux et le groupe
d'âge mûr en perçoit 49,3%±1,9.
- Il existe une corrélation significative entre les variables Périm et CV (r =0,57)
et ce, malgré la grande différence de technique de mesure.
- L'analyse du champ visuel réalisé sur PECVU en l'absence de tâche centrale
pour les 6 excentricités stimulées a montré qu'il n'y a pas d'effet du jour du passage et
aucune interaction avec l'excentricité, ce qui confirme bien la stabilité de cette mesure,
et ce, quelle que soit l'excentricité considérée. On observe par contre un effet de l'âge
(F1,18=4,9 ; p=0,039), un effet de l'excentricité (F5,90=286 ; p<0,001) et une interaction
entre l'âge et l'excentricité (F5,90=4,8 ; p<0,001). Les comparaisons post hoc montrent
212
que le groupe jeune voit significativement plus de signaux à 60° et 70° d'excentricité.
La Figure 78 ci dessous met clairement en évidence une dégradation des performances
en périphérie selon un effet tunnel.
0
20
40
60
80
100
20 30 40 50 60 70Excentricité en degré
% C
V p
érip
hJeune
Age Mûr
**
Figure 78 : Interaction entre l'âge et l'excentricité pour l'évaluation du champ visuel réalisé sur PECVU
− NASA-TLX
Pour la charge mentale, aucun effet de l'âge n'est observé. Par contre, on observe
un effet de la complexité de la tâche (F1,18=27,0 ; p<0,001). Pour la tâche
d'identification d'une expression (TS) la charge mentale moyenne est de 20,1±1,7 et
pour la tâche d'égalisation des deux expressions, elle est de 26,4±1,5.
− Pour la tâche centrale
- Pour le pourcentage de bonnes réponses on observe un effet de la complexité de
la tâche (F1,18=78,4 ; p<0,001). Les sujets sont plus performants pour la tâche
d'identification (BRcentTS=96,6%±0,7) par rapport à la tâche d'égalisation
(BRcentTC=85,8%±1,8). Il y a également une tendance à une interaction entre l'âge et
la complexité de la tâche (cf. Figure 79). Pour la tâche complexe les sujets jeunes ont
de moins bonnes performances que le groupe d'âge mûr.
213
70
80
90
100
TS TCComplexité de la tâche
% B
R c
ent
Jeunes
Age mûr
**
*
Figure 79 : Interaction entre la complexité de la tâche et l'âge des sujets pour les bonnes réponses à la tâche centrale.
- Le pourcentage de fausses alarmes augmente significativement avec la
complexité de la tâche (F1,18=14,8 ; p=0,012). Il est de 1,8±0,3% pour la tâche
d'identification et de 5,9±1,2% pour la tâche d'égalisation. Aucun effet de l'âge n'est
observé pour cette variable.
− Pour la tâche périphérique
- Plusieurs effets sont observés pour le pourcentage de bonnes réponses en
périphérie. On observe un effet de l'âge (F1,18=25,4 ; p<0,001) : le groupe jeune
perçoit plus de signaux périphériques que le groupe d'âge mûr (BRJ=59±9% et
BRM=49±11%). L'augmentation de la complexité de la tâche centrale a tendance à
faire diminuer le pourcentage de signaux perçus. On observe, comme précédemment,
un effet de l'excentricité (F5,90=305 ; p<0,001) tel que 20°>30°>40°=50°>60°>70°.
L'interaction entre le groupe d'âge des sujets et l'excentricité est significative
(F5,90=4,3 ; p=0,0015). Les comparaisons post-hoc montrent une différence
significative à partir de 40° d'excentricité. La dégradation des performances avec l'âge
augmente avec l'excentricité (cf. Figure 80) selon un effet tunnel.
0
20
40
60
80
100
20 30 40 50 60 70Excentricité en degré
% B
Rpé
riph
Jeunes
Age mûr
†
*
**
*
Figure 80 : Interaction entre l'âge des sujets et l'excentricité pour le pourcentage de signaux perçus en périphérie.
214
- Le pourcentage de signaux périphériques correctement localisés (BR loc)
diminue avec l'âge (F1,18=27,7 ; p<0,001) et avec la complexité de la tâche (F=5,4 ;
p=0,032). Le groupe jeune a correctement localisé 57±2% des signaux et le groupe
d'âge mûr en a localisé 44±2%. Pour la tâche d'identification de l'expression d'un
visage TS, 52±2% des signaux présentés ont été correctement localisés par les deux
groupes, pour la tâche d'égalisation TC le pourcentage est de 49±2%.
- Le pourcentage de fausses localisations par rapport au nombre de signaux
perçus augmente avec l'âge (F1,18=15,6 ; p<0,001). Pour le groupe jeune, il est de
5,7±2,3% , et pour le groupe de 55 ans il est de 20,5±7,7%.
Cette variable augmente également avec l'excentricité de la zone considérée
(F2,36=32,8 ; p<0,001). Les comparaisons post-hoc montrent que le taux d'erreurs de
localisation augmente de façon significative entre chacune des 3 zones : pour la zone
centrale il est de 2,5%±0,7, pour la zone médiane il est de 9,1%±2,3 et pour la zone
extérieure il est de 27,6%±5,9.
Il y a également une interaction significative entre l'âge et les zones (F2,36=5,0 ;
p=0,012). Les erreurs de localisation augmentent fortement avec l'excentricité pour le
groupe d'âge mûr et faiblement dans la zone extérieure pour le groupe jeune (cf.
Figure 81).
0
10
20
30
40
50
Cent(20°+30°)
% F
auss
e Lo
c Jeunes
Age Mûr
*
* *
*†
Méd(40°+50°)
Ext(60°+70°)
Figure 81 : Interaction entre l'âge et la zone stimulée pour les erreurs de localisation.
3. Tableaux récapitulatifs
215
Pour l'évaluation du champ visuel
InteractionsVariable Jour Age Excentricité
Age x Excentricité Autres
Périm J>M*
CV périph Jour1=Jour2* J>M* 20>30>40=50
50>60>70*
(20,30)J=(20,30)M
(40,50)J=(40,50)M
(60,70)J>(60,70)M*
ns
Pour la tâche centrale
Variable Complexité Age Interaction
NASA TLX TS<TC* ns ns
BR cent TS>TC* ns TCJ<TCM†
FA cent TS<TC* ns ns
Pour la tâche périphérique
InteractionsVariable Complexité Age Excentricité ou
Zone Age x (Exc ou Zone) Autres
BR périph TS>TC† J>M* 20>30>40=50
50>60>70*
20J=20M
30J>30M†
40J>40M*
(50,60,70)J>(50,60,70)M*
ns
NB Loc TS>TC* J>M* ns
Fausse Loc ns J<M* Cent<Méd<Ext* CentJ=CentM
MédJ<MédM*, ExtJ<ExtM*
CentJ=MédJ<ExtJ†
CentM<MédM<ExtM*
ns
216
4. Conclusions
Cette expérience a montré que la mesure du champ visuel réalisée sur PECVU est
stable au cours du temps et qu'elle est corrélée avec un relevé de l'étendue du champ visuel
réalisé sur un périmètre manuel.
Effet de la complexité de la tâche :
Comme l'a montré le questionnaire d'évaluation de la charge mentale, les deux niveaux
de complexité choisis sont différents. La tâche d'égalisation de l'expression de deux visages
(TC) est perçue comme étant plus complexe que la tâche d'identification de l'expression
d'un visage (TS).
Les performances de la tâche centrale sont meilleures pour la tâche d'identification TS
que pour la tâche d'égalisation TC. La tâche où un seul visage est présenté est bien la plus
simple.
Cet effet est également visible en périphérie sous forme d'une tendance pour les
bonnes réponses et de façon plus marquée pour le nombre de LEDs correctement
localisées. Il y a donc une diminution de la taille du champ visuel utile avec l'augmentation
de la complexité de la tâche centrale. Ce résultat avait également été obtenu avec le
"Visual Attention Analyser" (Ball 1988) qui est un dispositif assez proche de PECVU.
Par contre, nous n'avons pas obtenu d'interaction entre l'excentricité et la complexité
de la tâche, ce qui suggère une dégradation des performances selon une interférence
générale. Ce résultat, également obtenu dans l'étude de Ball, n'est pas surprenant car nous
avons montré dans notre partie théorique que seules les études où la proche périphérie
était stimulée ont mis en évidence une dégradation des performances avec la complexité de
la tâche centrale, selon un effet tunnel (cf. p.89).
Effet de l'âge
Nos deux groupes d'âge sont distincts et homogènes. Comme le montre le périmètre
manuel, l'étendue du champ visuel du groupe jeune est supérieure à celle du groupe d'âge
mûr. Ce résultat est en accord avec la littérature où la dégradation du champ visuel avec
l'âge est établie depuis fort longtemps. Cet effet de l'âge est également visible avec la
mesure du champ visuel réalisée sur notre dispositif et qui montre une dégradation des
performances selon un effet tunnel, ce qui est conforme aux résultats obtenus sur les
périmètres automatiques.
217
Lors de la réalisation de la tâche double, l'effet de l'âge n'apparaît pas de façon
significative pour les performances à la tâche centrale lors de la réalisation de la tâche
simple. Pour la tâche complexe, les performances du groupe d'âge mûr sont meilleures que
celles du groupe jeune. La tâche d'identification de l'expression d'un visage ne présentait
aucune difficulté et les sujets ont perçu presque tous les signaux critiques. Par contre, la
tâche complexe demandait un effort de concentration plus important. L'effet de l'âge est
certainement dû à une plus forte volonté de bien faire du groupe d'âge mûr qui s'est
traduite par une plus forte concentration et de meilleures performances.
En périphérie, le pourcentage de bonnes réponses montre un effet de l'âge, ce qui était
attendu au vu des résultats obtenus sans tâche centrale. Cette dégradation des
performances avec l'âge augmente avec l'excentricité et suggère un effet tunnel plus
marqué qu'en l'absence d'une tâche centrale (cf. Figure 80). Ce phénomène a déjà été
observé auparavant (Pauzié 1995).
Pour la localisation, les performances sont également meilleures pour le groupe jeune,
que ce soit en termes de nombre de LEDs correctement localisées ou d'erreurs de
localisation. Le taux d'erreurs de localisations augmente plus fortement avec l'excentricité
pour le groupe d'âge mûr. L'effet tunnel que nous avons observé avec l'âge n'est pas
uniquement perceptif, il touche également les capacités de localisation des informations
dans le champ visuel. Ce résultat est en contradiction avec les études de Ball (1988; 1993),
d’Owsley (1995) et de Seiple (1996) où la dégradation des performances de localisation
avec l’âge était indépendante de l’excentricité considérée (cf. p.100). Cependant, dans ces
études les excentricités présentées étaient inférieures à 30° et l’effet tunnel que nous avons
observé n’est significatif qu’à partir de la zone médiane, soit 40° et 50°.
Synthèse
Cette étude a montré que les différences interindividuelles de perception visuelle
périphérique dues à l'âge pouvaient être mises en évidence sur le dispositif PECVU. On
observe une baisse des performances avec l'âge qui augmente avec l'excentricité selon un
effet tunnel. Ce phénomène, visible sans tâche centrale, est amplifié en présence d'une
tâche d'attention divisée visuelle.
L'augmentation de la complexité de la tâche centrale entraîne une dégradation des
performances de perception et de localisation en périphérie, qui est identique quelle que
soit l'excentricité considérée et qui ne dépend pas de l'âge des sujets. Ball (1988) a
218
également observé ce résultat avec le pourcentage d'erreurs de localisation par excentricité
et chez des sujets plus âgés.
Par contre, dans notre cas, les erreurs de localisation ne sont pas affectées par la
complexité de la tâche centrale. Ces erreurs augmentent fortement avec l'excentricité pour
le groupe d'âge mûr. L'effet tunnel que nous avons observé avec l'âge touche les capacités
de perception périphérique mais également les capacités de localisation.
219
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QRYHPEUH
220
I. SYNTHESE EXPERIMENTALE
Nous allons reprendre de façon synthétique les résultats obtenus lors des différentes
expérimentations réalisées. Ils vont être présentés en fonction des différents facteurs qui ont été
modifiés, ce qui nous permettra de faire un parallèle avec notre partie théorique où nous avons
présenté les différents facteurs susceptibles d'affecter la vision périphérique et le champ visuel.
1. Effet de la complexité de la tâche
Nous avons réalisé deux expériences où nous avons modifié la complexité de la tâche.
Dans les deux cas, l'évaluation subjective de charge mentale a montré que nous avions bien
deux niveaux de complexité distincts.
a. Ajout d'une tâche cognitive de comptage
Dans l'une des expériences (cf. p.197), nous avons ajouté une activité cognitive
de comptage en plus de la tâche double sur PECVU. La tâche centrale était une tâche
monotone d'attention soutenue du type de "l'horloge de Mackworth".
Les temps de réponse à la tâche centrale étaient plus longs lorsque la tâche de
comptage était présente.
Lors de la première période de 15 minutes, un plus grand nombre de signaux
critiques de la tâche centrale ont été détectés pour la tâche complexe. Lors de la
réalisation de la tâche complexe, la concentration sur l'aiguille était plus forte car il
fallait non seulement détecter les doubles sauts de l'aiguille mais aussi comptabiliser
les incrémentations simples. Cette concentration supplémentaire a eu pour corollaire
de meilleures performances pour la tâche complexe.
Par contre, aucune variation n'a été observée en périphérie. L'ajout d'une tâche
cognitive n'a pas eu d'influence sur la perception visuelle périphérique. Dans la seule
étude où la complexité de la tâche a été variée en ajoutant une tâche cognitive de
comptage, il a été observé une dégradation des performances en périphérie (Webster
1964). Cependant, des signaux visuels avaient également été ajoutés dans la tâche
complexe et, de ce fait, il n'y avait pas strictement un ajout d'une tâche cognitive
comme dans notre expérience.
Dans l’étude de Pachiaudi (1996), les temps de réponse à des signaux placés à
20° d’excentricité ont augmenté lors de l’ajout d’une charge cognitive de type
221
conversation téléphonique. Notre étude ne nous a pas permis de nous positionner par
rapport à la rapidité de traitement de l’information périphérique (cf. p.172) mais elle a
montré que l'ajout d'une tâche cognitive de comptage n'a pas d'influence sur la
perception visuelle périphérique.
b. Modification de la tâche visuelle
Dans une autre expérience (cf. p.208), nous avons modifié la complexité de la
tâche centrale de façon à la fois visuelle et cognitive. Pour la tâche simple, il fallait
identifier l'expression du signal présenté. Pour la tâche complexe, deux signaux étaient
présentés et il fallait les égaliser. Nous avons observé une dégradation des
performances à la tâche centrale avec la complexité de la tâche ce qui était attendu.
En effet, traiter deux signaux simultanément dégrade les performances car cela
demande une attention diffuse au lieu d'une fixation pour la tâche simple.
Nous avons également observé une tendance à une dégradation des performances
de perception des signaux périphériques avec la complexité de la tâche centrale. Cette
dégradation était identique quelle que soit l'excentricité considérée et cela suggère
donc une interférence générale. L'effet de la complexité était encore plus marqué en
considérant uniquement les localisations correctes, ce qui montre la pertinence de
l'utilisation de cet indice pour évaluer les performances dans le champ visuel.
2. Facteurs biologiques
Nous avons pris en compte deux facteurs biologiques : les effets circadiens et les
effets de l'âge
a. Effet circadiens
Seule la tâche de discrimination lumineuse a été utilisée à différentes heures de la
journée. C'est donc la seule pour laquelle nous avons pu étudier les fluctuations
circadiennes des performances (cf. p.170).
Les passations du matin et de l'après-midi de l'expérience p.179 étaient
consécutives à une privation partielle de sommeil. La récence du sommeil explique
probablement les meilleures performances obtenues tôt le matin, immédiatement après
le réveil. En effet, l'indice de discriminabilité d' suit les fluctuations de performances
observées par Horne (cf. Figure 42). Un déclin linéaire des performances dû à
222
l'augmentation de l'effet de la privation de sommeil est combiné aux fluctuations
circadiennes (une amélioration des performances au cours de la journée et un déclin la
nuit).
Nous avons observé une augmentation de la rapidité au cours de la journée, ce
qui est en accord avec Monk (1982), pour qui la rapidité d'exécution augmente au
cours de la journée et ce, au détriment de la justesse. Nous n'avons pas observé de
baisse de la justesse de réponse avec l'avancement de la journée, bien au contraire. Ce
résultat est dû à l'effet du creux post prandial car notre première passation était située
pendant ce que nous appelons communément "l'heure de la sieste". Craig (1985) a
montré que la discriminabilité du signal était inférieure pendant cette période, ce qui
est conforme à nos résultats.
Les effets du creux post prandial et de la période nocturne sont également
valables en périphérie et ce, de façon identique quelle que soit l'excentricité du signal
présenté. Nous avons donc confirmé des résultats déjà obtenus et montré qu'ils étaient
valides dans l'ensemble du champ visuel.
b. Effet de l'âge
Nous avons observé les différences de performances périphériques concomitantes
à l'âge sur notre dispositif. Ces différences augmentent avec l'excentricité, ce qui est
en accord avec la littérature. De plus, l'ajout d'une tâche centrale augmente cet effet
de l'âge. La dégradation des performances en périphérie avec l'âge est sensible dès 30°
alors que la différence n'était significative qu'à partir de 60° d'excentricité lorsqu'il n'y
avait pas de tâche centrale. Cette dégradation augmente fortement avec l'excentricité
et peut être assimilée à un effet tunnel, ce qui est conforme avec l'étude de Pauzié
(1995).
L'âge entraîne une dégradation de la perception périphérique mais aussi une
baisse de la capacité à diviser son attention, ce qui est conforme avec les données de
la littérature (Ball 1990a).
De plus, les erreurs de localisation sont plus importantes pour le groupe d'âge
mûr et elles augmentent fortement avec l'excentricité. L'âge entraîne également une
baisse de la capacité à localiser les informations perçues dans le champ visuel.
223
3. Facteurs situationnels
a. Effet de deux heures de conduite automobile simulée
Les deux heures de conduite n'ont pas eu d'effet sur les performances visuelles,
que ce soit en vision centrale ou en vision périphérique. Par contre, les temps de
réponse à la tâche centrale ont significativement augmenté. Cette augmentation peut
être due à un ralentissement du temps de traitement de l'information visuelle pour la
tâche centrale (que ce soit au niveau perceptuel ou décisionnel) ou à un ralentissement
de l'étape motrice. Pour répondre à cette question, il faudra mesurer les temps de
réaction simple immédiatement après la conduite dans de prochaines expériences.
Lorsque nous conduisons, nous devons maintenir une concentration et un niveau
d'attention minimum. Après deux heures de conduite, aucune fatigue visuelle n'a été
observée sur notre dispositif. Il faudrait réaliser une expérimentation avec une
conduite de plus longue durée afin de savoir si la conduite automobile est susceptible
de générer une fatigue visuelle se traduisant par de moins bonnes performances de
détection de signaux périphériques.
b. Effet d'une privation partielle de sommeil
La privation partielle de sommeil n'a pas entraîné de dégradation des
performances visuelles sur notre dispositif. Il est probable que les sujets ont été
capables de compenser la fatigue induite par la privation partielle de sommeil par une
plus forte concentration momentanée. Un questionnaire d'évaluation de la charge
mentale aurait peut-être confirmé cette hypothèse mais comme cette expérience a été
effectuée au début de notre travail, nous n'en connaissions pas encore cette utilisation
potentielle.
Par contre, si l'on compare la passation nocturne de 4h avec la passation de
13h30, on observe une dégradation des performances pour les tâches centrale et
périphérique avec l'augmentation de la dette de sommeil, ce qui est conforme avec les
résultats rapportés dans la littérature (Horne 1983).
c. Effets temporels
Lors de la réalisation d'une tâche d'attention soutenue sur notre dispositif nous
avons vérifié la dégradation des performances classiquement observée dans ce type de
224
tâche. Cette dégradation affecte les bonnes réponses à la tâche centrale mais
également les fausses alarmes et les temps de réponse. Par contre, seule la proche
périphérie est affectée.
Il semblerait donc que les excentricités égales ou inférieures à 30° sont plus
sensibles aux fluctuations d'attention soutenue. Pour la zone centrale et la proche
périphérie, les performances varient en fonction du niveau d'attention et de la
concentration. Par contre, pour les zones plus périphériques, l'acquisition de
l'information est automatique et elle n'est pas affectée par les variations
attentionnelles.
Très peu de travaux se sont intéressés aux effets temporels pour une tâche double
avec des signaux périphériques situés à différentes excentricités (Bursill 1958; Poulton
1974). Dans tous les cas, la durée d'expérimentation était au maximum de 40 min. et il
n'a pas été observé d'effet temporel pour la tâche périphérique.
L'ajout d'une tâche de comptage a eu un effet d'activation au cours du temps.
Cette tâche a limité la dégradation des performances de la tâche centrale mais n'a pas
eu d'effet sur la tâche périphérique.
4. Facteurs environnementaux : effet de la température
Une température inconfortable, qu'elle soit chaude ou froide, n'a pas entraîné de
fluctuation des performances visuelles mesurées sur notre dispositif. L'augmentation
des fausses alarmes, que nous avons observée avec les températures d'inconfort, est
en accord avec la littérature.
Contrairement à Bursill (1958), nous n'avons pas observé de variation des
performances de détection de signaux périphériques. Cette différence est peut être due
à l'utilisation de températures moins extrêmes dans notre cas. De plus, les résultats de
Bursill ont été abondamment cités mais ils n'ont jamais été confirmés par une autre
étude, ce qui est assez surprenant.
225
5. Conclusion et perspectives expérimentales
L'utilisation des questionnaires d'évaluation subjective de charge mentale a donné de
bons résultats et elle devra être maintenue. Elle permet d'avoir des indications sur la
difficulté de la tâche mais aussi sur le stress attentionnel dû aux facteurs environnementaux
et situationnels.
Dans les prochaines études, si nous souhaitons traiter les temps de réponse, il faudra
toujours faire une mesure du temps de réaction simple dans chaque condition
expérimentale. Nous serons alors à même de savoir si les variations de temps de réponse
sont d'origine perceptuelle ou motrice.
Lors d'expérimentations sur PECVU, il est important de tenir compte de l'heure de la
journée. Ainsi, si un même sujet effectue plusieurs passages sur le dispositif, il doit
toujours passer à la même heure. De même, si deux conditions sont étudiées sur deux
populations, tous les sujets devront passer le test visuel à la même heure ou être répartis
de façon équilibrée. L'utilisation de questionnaires pour évaluer la matinalité, vespéralité
des sujets devrait permettre d'avoir des populations homogènes.
La dégradation de la sensibilité visuelle avec l'âge n'est pas uniforme dans le champ
visuel. Elle augmente avec l'excentricité et est accentuée lors de la réalisation d'une tâche
d'attention divisée. Cette dégradation progressive affecte également les capacités de
localisation des informations dans le champ visuel.
Il sera nécessaire de réaliser des expériences utilisant le dispositif de localisation pour
étudier les effets de l'âge ou d'autres facteurs biologiques ou physiques.
L'analyse de l'ensemble du champ visuel est complexe et, contrairement à la proche
périphérie, les travaux sont peu nombreux. L'effet tunnel, qui a été observé pour de faibles
excentricités, ne semble pas être valable dans notre cas.
Ainsi, lorsqu'une une amélioration des performances est observée (avec l'heure de la
journée par exemple), elle affecte de façon identique l'ensemble du champ visuel.
Quand une dégradation est observée, si elle est due à une augmentation de la
complexité visuelle de la tâche centrale, elle affecte de façon identique toutes les
excentricités et suit la théorie de l'interférence générale. Une plus grande concentration sur
la tâche centrale n'entraîne pas de rétrécissement du faisceau attentionnel.
226
Quand la détérioration des performances est due à la fatigue, la baisse d'attention
soutenue affecte surtout la proche périphérie. En effet, cette dernière subit la même
dégradation au cours du temps que la tâche centrale. Les signaux plus périphériques font
partie du système d'alerte et ne sont pas affectés par la baisse du niveau de vigilance.
Ces résultats, assez complexes, ne sont pas très surprenants car les rares études qui se
sont intéressées à de larges excentricités n'ont jamais pu proposer d'interprétation simple
de leurs résultats.
Les modifications du champ visuel périphérique ne sont pas identiques selon les
caractéristiques situationnelles. Ainsi nos expérimentations ont montré que, dans le cas
d'une augmentation de la complexité visuelle de la tâche centrale, la localisation du
stimulus n'a pas d'importance car l'interférence de la charge supplémentaire est généralisée.
Nous avons également mis en évidence le phénomène de vision en tunnel chez la
personne âgée et prouvé que ce phénomène est accentué lors de la réalisation d'une
activité monopolisant la vision centrale.
Enfin, lors de la réalisation d'un travail long et monotone, la baisse des capacités
perceptives périphériques affecte uniquement la vision centrale et la proche périphérie. Des
informations importantes devraient donc être placées à des excentricités de l'ordre de 40°-
50° qui font partie de notre système d'alerte.
L'ensemble de ces résultats démontre l'importance de la prise en compte des
contraintes situationnelles et des caractéristiques individuelles.
C'est pourquoi une meilleure connaissance des modifications de la vision périphérique
en fonction des différentes contraintes devrait permettre de placer de façon optimale des
informations importantes (notamment dans des postes de surveillance, des automobiles ou
des cockpits d'avion). De même, la connaissance des capacités perceptives des personnes
en fonction de leur âge devrait permettre de proposer des environnements de travail et de
vie plus adaptés.
227
II. POSSIBILITES DU DISPOSITIF PECVU
Nous avons montré dans ce travail que notre dispositif permet d'établir une
cartographie des performances perceptive et de localisation de notre espace visuel
binoculaire.
Il peut être utilisé pour mesurer le champ visuel car il est corrélé avec les mesures
réalisées sur un périmètre manuel.
Les mesures obtenues sont fiables, stables dans le temps et très peu sensibles à des
variations de température du local expérimental.
Les expériences réalisées ont montré la sensibilité du dispositif PECVU pour détecter
des variations dues à des facteurs biologiques, situationnels et comportementaux.
Ainsi, la mesure du champ visuel utile est sensible aux fluctuations circadiennes des
performances et en particulier à celles reflétant le fléchissement post prandial de la
vigilance.
L’expérience utilisant l’horloge de Mackworth a montré que le dispositif permet
également de détecter des baisses d’attention soutenue. Néanmoins, deux heures de
conduite simulée et/ou quatre heures de privation partielle de sommeil sont insuffisantes
pour entraîner une fatigue visuelle mesurable par le dispositif. Il serait intéressant de
vérifier si une privation totale de sommeil et/ou une conduite prolongée sur le simulateur
entraîne des fluctuations de performance sur le dispositif PECVU.
Nos expériences ont montré qu'il était possible de réaliser des paradigmes de tâches
doubles ou plus complexes sur PECVU. L'expérimentateur peut réaliser des tâches de
longue durée pour étudier les phénomènes temporels mais également établir une
photographie de la perception visuelle d'un sujet à un moment donné. Les paramètres de la
théorie de la détection du signal peuvent être utilisés lorsque les hypothèses d'application
sont vérifiées.
Enfin, le système de localisation est fonctionnel. Pour chaque signal perçu, la position
de la localisation indiquée par le sujet est connue. Il est donc possible d'établir des
cartographies du champ visuel perceptif et de les comparer de façon très fine avec le
champ visuel utile. Cet indice est pertinent pour étudier les effets de l'âge.
228
Dans la prochaine utilisation du dispositif, nous utiliserons le système de stimulation
mobile ce qui nous ouvrira de nouveaux champs d'investigations. Il sera ainsi possible de
déterminer les limites du champ visuel de façon très précise en présentant un signal
provenant de 90° d'excentricité et avançant à vitesse constante vers le centre. Cette
mesure, effectuée sur différents méridiens, pourra être corrélée avec les mesures réalisées
sur le périmètre manuel. La technique de mesure étant plus proche que lors de l'utilisation
des stimuli statiques, la corrélation devrait être forte avec des groupes homogènes. Les
mesures réalisées sur PECVU seront plus précises que celles obtenues avec des périmètres
manuels car elles ne dépendent ni de l'expérimentateur, ni de la vitesse de déplacement.
De plus, lors de paradigmes de tâche double, on est plus proche de la situation de
conduite réelle où les informations périphériques sont toujours mobiles.
Il faudra également corréler les performances obtenues sur PECVU avec les
performances de conduite dans des situations critiques afin de voir s'il peut permettre de
détecter des conducteurs dits "à risque". En effet, notre dispositif teste la rapidité, la
sensibilité visuelle périphérique, les capacités à diviser son attention et la capacité de
localisation des signaux perçus. Les études de Ball ont montré qu'un dispositif capable de
mesurer le champ visuel utile permettait de détecter des conducteurs n'ayant pas de
déficits visuels marqués mais ayant causé des accidents. Une corrélation entre les
performances de conduite et les performances sur notre dispositif serait une bonne
validation et une démarche complémentaire des études épidémiologiques de Ball. La
présence d'un simulateur de conduite au sein de notre laboratoire va nous permettre de
simuler des situations potentiellement dangereuses (présence d'un obstacle sur la chaussée,
freinage brusque d'un véhicule, doublage intempestif….) sans danger pour le sujet.
229
%,%/,2*5$3+,(
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$11(;(6
243
$ 48(67,211$,5(6
1. Questionnaire de charge mentale : NASA-TLX
a. Guide d'utilisation du questionnaire
Exigence mentale
Quel degré d'activité mentale et / ou perceptive était exigé (réfléchir - décider- mémoriser - regarder - rechercher - etc... ) ?Cette activité mentale était-elle : facile ou difficile ?
simple ou complexe ?"relaxe" ou contraignante ?
Exigence physique
Quel degré d'activité physique était exigé ?(par ex. : pousser, tirer, tourner, agir sur des commandes, écrire, posture, etc...)Cette activité physique était-elle : facile ou difficile ?
lente ou rapide ?faible ou intense ?reposante ou harassante ?
Exigence temporelle
Quelle pression temporelle (vitesse, cadence d'arrivée de l'information, etc...) avez-vousressenti ? La cadence était-elle lente, confortable ou effrénée ?
Performance personnelle
Avec quel succès pensez-vous avoir réalisé ce travail ? Quel degré de satisfaction avez-vous éprouvé ?
Frustration
Avez-vous ressenti durant le travail : tension ou calme ? découragement ou satisfaction ?irritation ou agrément ?ennui ou intérêt ?"stress" ou délassement ?
Effort
Quel effort (mental et physique) deviez-vous faire pour effectuer cette tâche ?
244
b. Exemplaire du questionnaire NASA-TLX
Echelles: Placez une marque I à l’endroit de la barre qui convient le mieux.
Exigence mentale
Faible Elevée
Exigence physique
Faible Elevée
Exigence temporelle
Faible Elevée
Performance personnelle
Excellente Déplorable
Frustration
Faible Elevée
Effort
Faible Elevée
245
2. Questionnaires thermiques
Les deux échelles complétées par les sujets suivent la norme (NF-ISO-10551).
a. Echelle de jugement sensoriel global
En ce moment, je me sens :
ExtrêmementFroid
TrèsFroid
Froid LégèrementFroid
Ni ChaudNi Froid
LégèrementChaud
Chaud ExtrêmementChaud
b. Echelle d'évaluation de l'ambiance thermique
En ce moment, je trouve l'ambiance :
ExtrêmementFroide
TrèsFroide
Froide LégèrementFroide
Ni ChaudeNi Froide
LégèrementChaude
Chaude ExtrêmementChaude
246
% 6<67(0(6'(5(3(5$*('$16/(
&+$039,68(/
Deux techniques de repérage d’un point de l’espace visuel par rapport au point de fixation
de l'œil F sont couramment utilisées.
1. La méthode classique de périmétrie :
Cette méthode est utilisée essentiellement par les ophtalmologues (cf. Figure A.). Un
système d’axes rectangulaires est défini à partir du point F : le Méridien Horizontal MH et
le Méridien Vertical MV. Le point P est repéré en coordonnées polaires: la norme étant
calculée grâce à un système de cercles concentriques tracés en degrés jusqu’à 90°. Cette
norme est positive si P est situé au-dessus de MH et négative dans le cas contraire.
L’angle est compté dans le sens des aiguilles d’une montre.
2. Méthode de coordonnées quasi-cartésiennes
L’autre technique défini le point P en coordonnées quasi-cartésiennes (cf. Figure B).
Elle consiste à tracer un système de parallèles à MH qui sont numérotées de 0 à 90° au-
dessus de l’horizontale et négativement au-dessous et des arcs de cercle méridiens repérés
à partir de MV. P est alors défini par un azimut positif ou négatif par rapport à MV et une
élévation positive ou négative par rapport à MH.
Figure 1. et 2. : Méthodes de repérage d'un point P de l'espace visuel par rapport au point de fixation F [Buser, 1987 #400].
247
& '2&80(17$7,21'83(5,0(75(
'(*$0%6
1. Photographie du périmètre de Gambs : le campimètre sphérique à projection
248
2. Tracé des limites théorique du champ visuel binoculaire pour le stimulus de
luminosité D.
249
' 3+272*5$3+,(6'8&,5&8,7
,1',9,'8(//('3+27275$16,6725
250
' 3+272*5$3+,(6'86,08/$7(85'(
&21'8,7(3$9&$6