5
216 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2015 DOSSIER Le fer en hépato- gastroentérologie Conduite à tenir devant une anémie ferriprive Management of iron deficiency anemia Cécile Gomercic*, Eve Gelsi*, Geoffroy Vanbiervliet*, Xavier Hébuterne* * Université de Nice Sophia-Antipolis, faculté de médecine, Nice ; pôle digestif, CHU de Nice. D ans les pays industrialisés, l’anémie par carence martiale concerne 2 à 5 % des femmes ménopausées et des hommes et jusqu’à 10 % des femmes en âge de procréer. Les causes de cette carence peuvent être multiples : une diminution des apports (régime restrictif, patients âgés), une malabsorption telle que celle causée par la maladie cœliaque, une augmentation des besoins en fer comme lors de la grossesse ou encore une aug- mentation des pertes – hémorragie digestive, occulte ou active favorisée par la prise de certains médica- ments tels que l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une fois le diagnostic de carence martiale établi, l’enquête étiologique per- mettra de guider la suite de la prise en charge. Enquête étiologique (figure p. 218) Examen clinique L’interrogatoire exhaustif du patient peut apporter des indices sur l’étiologie en cause et ainsi per- mettre d’orienter les examens complémentaires à réaliser. Il doit préciser le type de régime alimen- taire, les prises médicamenteuses (en particulier les AINS, les anticoagulants et les anti-agrégants plaquettaires), les symptômes digestifs (douleur abdominale, trouble du transit, altération de l’état général), les signes gynécologiques (métrorragies, ménorragies) et éventuellement urologiques chez l’homme, les comorbidités (maladie rénale chro- nique, par exemple) ainsi que les antécédents familiaux (néoplasie, maladie inflammatoire chro- nique de l’intestin [MICI], trouble hématologique). L’examen permet également d’évaluer la tolérance clinique à l’anémie (tachycardie, asthénie, dyspnée d’effort ou de repos, douleur thoracique) et de rechercher un syndrome carentiel ou encore un syndrome de masse abdominale. Explorations complémentaires de première intention Femmes ménopausées et hommes Le bilan de première intention doit comporter une fibroscopie œso-gastroduodénale (FOGD) et une iléocoloscopie, du fait de la fréquence des lésions associées (10 % des cas). Ces examens permettent de retrouver une cause à la carence martiale dans 90 % des cas. Cependant, lorsque l’anémie ferriprive est présente sans autre symptôme, l’étiologie n’est identifiée que dans 62 à 70 % des cas (1, 2). Lors de la FOGD, il faut réaliser des biopsies duodénales sys- tématiques à la recherche d’une atrophie villositaire évoquant une maladie cœliaque, ainsi que des biop- sies antrales et fundiques à la recherche d’une infec- tion par Helicobacter pylori. Chez les patients de plus de 65 ans, une cause haute est retrouvée dans 70 % des cas : ulcère gastroduodénal (26 %), érosions gastriques et œsophagite (24 %), cancer œsopha- gien ou gastrique (7 %), polype gastrique (3 %) ; les colites inflammatoires sont en cause dans 2 % des cas, et les hémorroïdes, dans 6 %. La coloscopie permettra de diagnostiquer un cancer ou un polype colique dans respectivement 8 et 6 % des cas (3). En cas de coloscopie incomplète ou de contre-indica- tion de la coloscopie en raison de comorbidités, le bilan peut être complété par un coloscanner ou une vidéocapsule colique. Patientes non ménopausées Chez les femmes en âge de procréer, il faut en premier lieu écarter une cause gynécologique en pro- posant une consultation gynécologique ainsi qu’une échographie pelvienne. Si l’étiologie gynécologique n’est pas retenue, il convient alors de réaliser des explorations digestives.

Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

216 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2015

DOSSIERLe fer en hépato-

gastroentérologie

Conduite à tenir devant une anémie ferripriveManagement of iron def iciency anemia

Cécile Gomercic*, Eve Gelsi*, Geoffroy Vanbiervliet*, Xavier Hébuterne*

* Université de Nice Sophia-Antipolis, faculté de médecine, Nice ; pôle digestif, CHU de Nice.

Dans les pays industrialisés, l’anémie par carence martiale concerne 2 à 5 % des femmes ménopausées et des hommes et

jusqu’à 10 % des femmes en âge de procréer. Les causes de cette carence peuvent être multiples : une diminution des apports (régime restrictif, patients âgés), une malabsorption telle que celle causée par la maladie cœliaque, une augmentation des besoins en fer comme lors de la grossesse ou encore une aug-mentation des pertes – hémorragie digestive, occulte ou active favorisée par la prise de certains médica-ments tels que l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une fois le diagnostic de carence martiale établi, l’enquête étiologique per-mettra de guider la suite de la prise en charge.

Enquête étiologique (figure p. 218)

Examen clinique

L’interrogatoire exhaustif du patient peut apporter des indices sur l’étiologie en cause et ainsi per-mettre d’orienter les examens complémentaires à réaliser. Il doit préciser le type de régime alimen-taire, les prises médicamenteuses (en particulier les AINS, les anticoagulants et les anti-agrégants plaquettaires), les symptômes digestifs (douleur abdominale, trouble du transit, altération de l’état général), les signes gynécologiques (métrorragies, ménorragies) et éventuellement urologiques chez l’homme, les comorbidités (maladie rénale chro-nique, par exemple) ainsi que les antécédents familiaux (néoplasie, maladie inflammatoire chro-nique de l’intestin [MICI], trouble hématologique). L’examen permet également d’évaluer la tolérance clinique à l’anémie (tachycardie, asthénie, dyspnée d’effort ou de repos, douleur thoracique) et de rechercher un syndrome carentiel ou encore un syndrome de masse abdominale.

Explorations complémentaires de première intentionFemmes ménopausées et hommes

Le bilan de première intention doit comporter une fibroscopie œso-gastroduodénale (FOGD) et une iléocoloscopie, du fait de la fréquence des lésions associées (10 % des cas). Ces examens permettent de retrouver une cause à la carence martiale dans 90 % des cas. Cependant, lorsque l’anémie ferriprive est présente sans autre symptôme, l’étiologie n’est identifiée que dans 62 à 70 % des cas (1, 2). Lors de la FOGD, il faut réaliser des biopsies duodénales sys-tématiques à la recherche d’une atrophie villositaire évoquant une maladie cœliaque, ainsi que des biop-sies antrales et fundiques à la recherche d’une infec-tion par Helicobacter pylori. Chez les patients de plus de 65 ans, une cause haute est retrouvée dans 70 % des cas : ulcère gastroduodénal (26 %), érosions gastriques et œsophagite (24 %), cancer œsopha-gien ou gastrique (7 %), polype gastrique (3 %) ; les colites inflammatoires sont en cause dans 2 % des cas, et les hémorroïdes, dans 6 %. La coloscopie permettra de diagnostiquer un cancer ou un polype colique dans respectivement 8 et 6 % des cas (3). En cas de coloscopie incomplète ou de contre-indica-tion de la coloscopie en raison de comorbidités, le bilan peut être complété par un coloscanner ou une vidéocapsule colique.

Patientes non ménopausées

Chez les femmes en âge de procréer, il faut en premier lieu écarter une cause gynécologique en pro-posant une consultation gynécologique ainsi qu’une échographie pelvienne. Si l’étiologie gynécologique n’est pas retenue, il convient alors de réaliser des explorations digestives.

0216_LGA 216 16/12/2015 15:02:20

Page 2: Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2015 | 217

Points forts » Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés,

qui permettent le plus souvent d’orienter la suite de la prise en charge. » En cas de symptômes digestifs associés, le bilan étiologique de première intention doit comporter une fibros-

copie œsogastroduodénale avec biopsies duodénales et gastriques systématiques, ainsi qu’une iléocoloscopie. » En cas de négativité du bilan endoscopique standard, l’exploration de l’intestin grêle doit être faite par

la vidéocapsule. Les résultats de la vidéocapsule endoscopique du grêle guideront la suite des examens complémentaires à réaliser soit à visée diagnostique soit à visée thérapeutique.

» La supplémentation martiale est aussi efficace par voie orale que par voie intraveineuse. Elle doit donc être préférée en première intention, sauf cas particuliers (maladie rénale chronique, maladie inflammatoire chronique de l’intestin, etc.).

Mots-clésAnémie

Carence martiale

Examens complémentaires

Traitement

Highlights » The etiologic assessment of

iron deficiency anaemia begins with thorough interrogation and clinical examination, most often helping to define the fol-lowing support. » In case of associated diges-

tive symptoms, the first-line etiological assessment must contain a gastroscopy with sys-tematic duodenal and gastric biopsies and an ileocoloscopy. » I f standard endoscopic

assessment is negative, explo-ration of the gut must be made by videocapsule. The results will guide the following addi-tional tests to perform, either for diagnostic purposes or for therapeutic purposes. » Iron supplementation is as

effective by oral and intrave-nous route. Thus it must be preferred as first line, except in special cases (chronic kidney disease, inflammatory bowel disease, etc.).

KeywordsAnaemia

Iron deficiency

Complementary examinations

Treatment

Une endoscopie digestive haute permet de poser un diagnostic dans 15 à 30 % des cas (4, 5). La coloscopie pourra être réalisée en cas de symptômes digestifs ou d’antécédent familial de cancer colorectal ou de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Elle est également indiquée en cas de récidive ou de persistance de la carence martiale malgré la supplé-mentation en fer. Dans cette situation, la rentabilité de la coloscopie est de 7 %, avec 2,7 % de cancers et 3,6 % de MICI [4].

Examens de seconde intention

En cas de bilan endoscopique haut et bas négatif, il est nécessaire de rechercher une pathologie du grêle. Les étiologies les plus fréquentes sont alors les angiodysplasies, chez les personnes âgées, les tumeurs et les maladies de Crohn, chez les patients jeunes, ou encore le diverticule de Meckel (6).Selon une méta-analyse récente, la vidéocapsule endoscopique du grêle (VCE) a un rendement dia-gnostique de 61,7 % (7). Le taux de VCE positive augmente chez les patients ayant une hémorragie active (92,3 %), alors qu’il n’est que de 44,2 % chez les patients avec une hémorragie occulte et de seu-lement 12,9 % chez ceux qui ont eu une hémorragie ancienne (8). En cas d’hémorragie occulte, la VCE doit être réalisée, si possible, dans les 15 premiers jours, afin de maximiser le rendement diagnostique (9).Les avantages de la VCE sont nombreux. Elle peut être réalisée en ambulatoire, avec une préparation minimale et sans anesthésie. En revanche, elle ne permet pas d’obtenir une histologie ni de réaliser un acte thérapeutique. Elle est également limitée pour le diagnostic des tumeurs sous-muqueuses par un taux de faux négatifs de 19 %. Les autres limitations sont la difficulté de repérer le site de saignement et le risque de rétention de la capsule (inférieur à 5 %). En cas de syndrome subocclusif ou de doute sur une sténose du grêle, notamment chez les patients atteints de maladie de Crohn, il est nécessaire de recourir au préalable à une capsule d’évaluation de la perméabilité PillCam® (Covidien, Dublin, Irlande) voire à une entéro-IRM.L’entéroscopie poussée, qui permet l’explora-tion des 100 premiers centimètres du jéjunum,

doit être proposée à visée thérapeutique, lorsque des lésions proximales ont été identifiées sur la VCE. Elle permet également un “second look” œso-gas-troduodénal, qui repèrent des lésions ratées lors de la première endoscopie dans 25 à 40 % des cas (10). En revanche, ses performances diagnostiques ne dépassent pas les 20 % lorsqu’elle est réalisée en première intention.L’entéroscopie à double ballon, réalisée après une VCE, augmente le rendement diagnostique (qui atteint 73 à 93 %) et thérapeutique (53-73 %). Le taux de complications (pancréatites, hémor-ragies, perforations, iléus, etc.) est de 0,8 % pour les procédures diagnostiques et jusqu’à 4 % pour les procédures thérapeutiques (11). De ce fait, cet examen est réservé aux cas où la VCE est positive, dans le but de réaliser une histologie ou un trai-tement spécifique. La VCE réalisée préalablement permet également de repérer le site de saignement et ainsi de choisir la voie d’accès (haute ou basse).L’entéroscopie spiralée a les mêmes capacités dia-gnostiques et thérapeutiques que l’entéroscopie à double ballon (12). Les 2 techniques peuvent être réalisées en première intention en cas de contre-in-dication de la VCE, et ce, le plus rapidement après l’épisode hémorragique (sous 30 jours) [9].L’entéro-IRM et l’entéro-TDM sont 2 autres moyens diagnostiques. Il s’agit de méthodes non invasives permettant de détecter les pathologies extra-lumi-nales. La sensibilité de l’entéro-TDM est globalement faible (moins de 30 %) mais peut excéder les 90 % pour la détection des petites tumeurs du grêle (13). Elle est donc particulièrement intéressante chez les patients de moins de 40 ans avec une VCE négative, chez qui les tumeurs du grêle sont les plus fréquem-ment retrouvées en cas d'hémorragie occulte, avec bilan endoscopique de première intention négatif.Le diverticule de Meckel s’accompagne le plus souvent d’une extériorisation (melæna ou rector-ragie) mais peut également se manifester par une anémie ferriprive. En cas de suspicion, particuliè-rement chez les sujets jeunes, la scintigraphie au technétium 99m permet d’en faire le diagnostic avec une sensibilité et une spécificité supérieures à 80 %.L’entéroscopie peropératoire a un bon rendement diagnostique, de 80 à 100 %, mais son caractère très invasif en fait un examen de dernier recours (14).

0217_LGA 217 16/12/2015 15:02:21

Page 3: Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

218 | La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2015

Conduite à tenir devant une anémie ferriprive

DOSSIERLe fer en hépato-

gastroentérologie

En cas de négativité du bilan étiologique initial, il peut être utile de refaire la FOGD et la coloscopie, surtout si les conditions de préparation initiales n’étaient pas optimales. Cette stratégie permet de rectifier le diag-nostic dans environ 20 % des cas. Une gastroscopie répétée a particulièrement sa place en cas de prise d’AINS, d’hématémèse ou de volumineuse hernie hiatale parfois en cause à la suite d’une ulcération du collet. Les lésions méconnues les plus fréquentes sont les angiodysplasies coliques, les rectites radiques, les ulcères de Cameron, les ulcères peptiques, les ectasies vasculaires antrales.

L’European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) recommande d’arrêter les investigations chez les patients ayant eu une hémorragie occulte et une VCE négative à partir du moment où il n’y a pas de récidive et que les besoins transfusionnels se sont interrompus. Dans le cas contraire, les investiga-tions doivent être poussées plus loin (deuxième VCE, entéroscopie assistée, entéroscanner) [9]. En cas de bilan étiologiques négatif avec une anémie ferriprive persistante malgré le traitement, certains troubles psychiatriques peuvent être recherchés, parmi les-quels le syndrome de Lasthénie de Ferjol. Il s’agit d’une maladie psychiatrique grave qui consiste en des spoliations sanguines volontaires répétées (en général par ponctions veineuses répétées), atteignant le plus souvent des femmes du milieu paramédical.

Prise en charge thérapeutique

Traitement étiologique

Le traitement est avant tout étiologique afin de prévenir la récidive de la carence, ce qui explique l’importance d’une enquête diagnostique minu-tieuse. Le traitement sera médical (inhibiteurs de la pompe à protons [IPP] pour un ulcère, régime sans gluten pour la maladie cœliaque par exemple, endoscopique [coagulation d’angiome à l’argon] ou chirurgical [exérèse d’une tumeur]).

Traitement symptomatique

Le traitement symptomatique repose sur la transfusion sanguine. Cependant, l’installation de la carence mar-tiale étant le plus souvent progressive, l’anémie qui en résulte est en général bien tolérée. La transfusion est donc réservée aux patients ayant une mauvaise tolé-rance cardiovasculaire (dyspnée, douleur thoracique, hypotension artérielle, tachycardie), une asthénie majeure ou un terrain à risque (insuffisance corona-rienne). Le but de la transfusion est de rétablir un niveau d’hémoglobine suffisant, mais pas nécessairement des taux normaux. En effet, la supplémentation martiale suivra la transfusion afin de rétablir les réserves.

Supplémentation martiale

Le but de la supplémentation martiale est de res-taurer les réserves de fer et de rétablir des taux normaux d’hémoglobine. Il en résulte une amélio-

Éliminer une cause urologique ou gynécologique

Carence martiale± anémie

Selon le contexteFOGD/coloscopie

Entéroscanner/IRMScintigraphie au Te99m

Entéroscopie

Selon le contexte

FOGD/coloscopie

VCE

Entéroscanner/IRM

Scintigraphie au Te99m

Entéroscopie + per opératoire

Homme et femme > 45 ansFemme < 45 ans

FOGD + biopsies gastriques et duodénales

± coloscopie si symptômes ou ATCD familial

FOGD avec biopsies gastriques et duodénales systématiques

+Iléocoloscopie

VCE Fin des explorations

Fin des explorations

Fin des explorations

Supplémentation martiale

Coloscopie si non faite

Récidive de la carence martiale après traitement

Pas de récidive de la carence martiale

Récidive de la carence martiale

FOGD : fibroscopie œso-gastroduodénale ; VCE : vidéocapsule endoscopique du grêle.

Figure. Algorithme de prise en charge d'une anémie ferriprive.

0218_LGA 218 16/12/2015 15:02:22

Page 4: Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2015 | 219

Conduite à tenir devant une anémie ferriprive

DOSSIERLe fer en hépato- gastroentérologie

ration de la qualité de vie, de la thermorégulation, des fonctions cognitives et immunitaires. Toute carence martiale, associée ou non à une anémie, doit être supplémentée, particulièrement si la cause est évolutive (grossesse, cancer, etc.).Les 2 voies de supplémentation, orale et intravei-neuse, sont aussi efficaces l’une que l’autre, et per-mettent d’obtenir des taux d’hémoglobine similaires à 6 semaines. Cependant, la reconstitution des stocks est plus rapide avec la forme parentérale (15). Les effets indésirables théoriques, mais pas toujours démontrés, de la supplémentation orale seraient de favoriser l’in-flammation gastro-intestinale, d’induire des modifi-cations du microbiote et même de contribuer à des cancers. Le fer intraveineux entraînerait des lésions endothéliales et prédisposerait aux infections et à la croissance bactérienne. Bien qu’elle ne soit pas encore réalisée en routine, la mesure du taux d’hepcidine avant le traitement pourrait orienter le choix de la voie d’ad-ministration. Ainsi, si les taux d’hepcidine sont faibles, la voie orale serait la plus efficace. À l’inverse, en cas de taux élevé, la voie intraveineuse serait à préférer.

Supplémentation orale

C’est la méthode de supplémentation la plus simple et la moins coûteuse. Une supplémentation orale adéquate permet une augmentation moyenne du taux d’hémoglobine de 1 à 2 g/dl toutes les 2 à 3 semaines. Le sulfate ferreux, le fumarate ferreux et le gluconate ferreux sont les principaux produits disponibles en France. Chez l’adulte, la dose moyenne quotidienne est de 150 à 200 mg, en 1 ou 2 prises.Des effets indésirables gastro-intestinaux sont retrouvés chez 20 à 30 % des patients : constipation, diarrhée, nausée, douleur abdominale. Ils peuvent être réduits par une prise médicamenteuse au milieu des repas. En cas d’intolérance digestive sévère, le recours à des doses plus faibles ou à des prises intermittentes est possible. Ces effets indésirables entraînent une mauvaise observance. Par ailleurs, il faut prévenir les patients que, du fait de la supplé-mentation, ils auront des selles noires.Les IPP doivent, si possible, être évités, car ils dimi-nuent la sécrétion d’acide gastrique, qui aide l’ab-sorption du fer en convertissant le fer ferreux en fer sérique. Des formes à libération modifiée ont été récemment développées, mais elles présentent les inconvénients d’un coût plus élevé et d’une absorp-tion plus aléatoire que les formes classiques. Cer-taines associations avec l’acide ascorbique peuvent être utilisées pour favoriser l’absorption du fer.

Le contrôle de la réponse au traitement se fait à 6-12 semaines en dosant le taux d’hémoglobine et de ferritine et le coefficient de saturation de la transferrine. En cas d’échec, il faut rechercher une mauvaise adhésion au traitement et éventuellement passer à une forme intraveineuse. La supplémenta-tion doit être poursuivie, après normalisation des données de l’hémogramme et du bilan martial, pour une période moyenne supplémentaire de 3 mois.

Supplémentation parentérale

Les principales indications de la supplémentation martiale parentérale sont les suivantes :

➤ l’inobservance, l’intolérance ou l’inefficacité de la voie orale ;

➤ la malabsorption intestinale dépassant les capa-cités d’absorption du fer oral ;

➤ l’anémie avec un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dl, nécessitant la restauration rapide des stocks ;

➤ la maladie rénale chronique, les MICI, les anémies chimio-induites.Les principales formes parentérales disponibles en France sont le fer dextran, le saccharose de fer et le carboxymaltose ferrique. Avec toutes ces prépara-tions, il existe un risque de réaction allergique justi-fiant la surveillance des paramètres cliniques pendant les perfusions et les 30 minutes suivantes. Depuis janvier 2014, le fer intraveineux doit être administré dans un établissement de santé avec une surveillance adaptée à une éventuelle réaction allergique et un chariot de réanimation à proximité.La posologie du fer dextran est de 100 à 200 mg de fer, 2 ou 3 fois par semaine, sans dépasser la dose totale de 20 mg/kg. Celle-ci peut être admi-nistrée en une seule perfusion intraveineuse s’il est nécessaire de reconstituer rapidement les réserves. Le grand inconvénient est le risque d’intolérance et, surtout, de réaction anaphylactique sévère.Le saccharose de fer est habituellement administré en 5 perfusions de 200 à 300 mg maximum dilués dans 200 à 300 ml de sérum physiologique, sur une durée de 2 semaines. Cette répartition des doses laisse la possibilité de passer à tout moment à la voie orale. Le débit de perfusion ne doit pas dépasser 3,5 ml/mn, soit une perfusion de 90 à 120 mn. Les effets indésirables sont moins importants que ceux du fer dextran, mineurs dans 35 % des cas et majeurs dans seulement 0,03 % des cas.Le carboxymaltose de fer peut être administré en perfusion unique hebdomadaire à la dose de 1 000 mg (500 mg pour les sujets de moins de

1. Rockey DC, Cello JP. Eva-luation of the gastrointestinal tract in patients with iron-de-ficiency anemia. N Engl J Med 1993;329(23):1691-5.2. Riccioni ME et al. Unex-plained iron deficiency anaemia: is it worthwhile to perform capsule endoscopy? Dig Liver Dis 2010;42(8):560-6.3. Saurin JC. Exploration d’une anémie ferriprive. Presse Med 2010;39(7-8):794-8.4. Green BT, Rockey DC. Gastro-intestinal endoscopic evaluation of premenopausal women with iron deficiency anemia. J Clin Gastro enterol 2004;38(2):104-9.5. Carter D et al. Prevalence and predictive signs for gastrointestinal lesions in premenopausal women with iron deficiency anemia. Dig Dis Sci 2008;53(12):3138-44.6. Raju GS et al. American Gastro-entero logical Association (AGA) Institute medical position state-ment on obscure gastrointestinal bleeding. Gastroenterology 2007; 133(5):1694-6.7. Teshima CW et al. Double balloon enteroscopy and capsule endoscopy for obscure gastro-intestinal bleeding: an updated meta-analysis. J Gastroenterol Hepatol 2011;26(5):796-801.8. Pennazio M et al. Outcome of patients with obscure gastrointes-tinal bleeding after capsule endoscopy: report of 100 conse-cutive cases. Gastroenterology 2004;126(3):643-53.9. Pennazio M et al. Small-bowel capsule endoscopy and device-as-sisted enteroscopy for diagnosis and treatment of small-bowel disorders: European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Clinical Guideline. Endos-copy 2015;47(4):352-76.10. Parry SD et al. Push ente-roscopy in a UK district general hospital: experience of 51 cases over 2 years. Eur J Gastroenterol Hepatol 2002;14(3):305-9.11. Pasha SF et al. Diagnostic evaluation and management of obscure gastrointestinal blee-ding: a changing paradigm. Gastroenterol Hepatol (N Y) 2009;5(12):839-50.12. Rahmi G et al. Multicenter comparison of double-balloon enteroscopy and spiral enteros-copy. J Gastroenterol Hepatol 2013;28(6):992-8.13. Hakim FA et al. CT-ente-rography may identify small

Références bibliographiques

0219_LGA 219 16/12/2015 15:02:22

Page 5: Conduite à tenir devant une anémie ferriprive» Le bilan étiologique d’une anémie ferriprive débute par un interrogatoire et un examen clinique poussés, qui permettent le plus

Conduite à tenir devant une anémie ferriprive

DOSSIERLe fer en hépato-

gastroentérologie

Vivez en vidéo l’actualité de votre discipline.Soyez toujours plus nombreux à consulter et à téléchargernos émissions sur www.edimark.tv

Edimark.tv vous propose un autre regard sur votre spécialité

• MICI et ICD*à l’UEGW 2015 *I

nfec

tion

s à

Clos

trid

ium

diffi

cile

Objectif ICD

Directeur des publications : Claudie Damour-TerrassonRédacteurs en chef : Pr Laurent Peyrin-Biroulet, Pr Philippe Sogni

Sous l’égide deAvec le soutien institutionnel de

NOUVEAU

Connectez-vouset retrouvez

toutes nos séquences en streaming

Pr Xavier Roblin (Saint-Étienne)

C. Gomercic déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

50 kg), en 15 à 20 minutes. La réponse au traite-ment, concernant le taux d’hémoglobine, est, dans la plupart des séries, plus rapide qu’avec les formes orales, mais aussi mieux tolérée.Le gluconate de fer est une forme plus récente, mieux tolérée. La dose totale de gluconate de fer est de 1 000 mg, répartie sur 8 perfusions hebdomadaires.Le polymaltose de fer peut être utilisé en une per-fusion unique chez l’adulte, à la dose totale de 1 à 2,5 g, avec risque très minime de toxicité anaphy-lactique ou cardiorespiratoire pendant la perfusion. La réponse au traitement peut être déterminée en surveillant le taux d’hémoglobine et de ferritine et le coefficient de saturation 6 semaines après les perfusions. Il n’y a pas d’indication à la prescription de fer oral une fois les réserves rétablies.Les tests sanguins doivent être ensuite réalisés tous

les 3 mois pendant 1 an. Si les symptômes persistent, d’autres analyses sont nécessaires. En cas de réci-dive ou de persistance de l’anémie ou de la carence, d’autres investigations sont nécessaires.

Conclusion

L’enquête étiologique est la pierre angulaire de la prise en charge des anémies ferriprives. Elle se fonde au minimum sur une endoscopie haute, avec biopsies gastriques et duodénales systématiques, et basse, avec ou sans VCE selon le contexte clinique. Le traitement est d’abord étiologique, afin de limiter le risque de récidive, puis symptomatique. En paral-lèle, une supplémentation martiale est nécessaire, que ce soit par voie orale ou parentérale. ■

b o w e l t u m o r s n o t detected by capsule endoscopy: eight years experience at Mayo Clinic Rochester. Dig Dis Sci 2011;56(10):2914-9.14. Bonnet S et al. Intrao -perative enteroscopy in the management of obscure gas-trointestinal bleeding. Dig Liver Dis 2013;45(4):277-84.15. Schröder O et al. Intravenous iron sucrose versus oral iron sup-plementation for the treatment of iron deficiency anemia in patients with inflammatory bowel disease—a randomized, controlled, open-label, multi-center study. Am J Gastroenterol 2005;100(11):2503-9.

0220_LGA 220 16/12/2015 15:02:23