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 CONFÉRENCES SUR LES LITANIES DE LA TRÈS-SAINTE  VIERGE PAR LE P. JUSTIN DE MIECKOW DE L'ORDRE DES FRÈRES PRÊCHEURS TRA D UITES PO TJ R I,A P R E M IÈRE FOI S E N F R A A I S PAR M. L'ABBÉ ANTOINE RICARD DOCTEUR ES THÉOLOGIE, CHAS. HO?t. DE MARSEILLE ET CARCASSOtfNE TOME SIXIÈME PARIS HIPPOLYTE WALZER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

Conférences sur les litanies de la Très-Sainte Vierge - P. Justin de Miecklow - ( tome 6 )

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CONFRENCESSUR

LES

LITANIESPAR DE L'ORDRE DES FRRES PRCHEURS

DE LA TRS-SAINTE VIERGELE P. JUSTIN DE MIECKOW

T R A D U I T E S

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I,A

P R E M I R E PAR

FOIS

EN

F R A N A I S

M. L'ABB ANTOINE RICARDDOCTEUR ES THOLOGIE, CHAS. HO?t. DE MARSEILLE ET CARCASSOtfNE

TOME SIXIME

PARISHIPPOLYTE WALZER, LIBRAIRE-DITEUR31 RUE DE VAUGIKARDj

1869

Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net Bibliothque Saint Libre 2009. Toute reproduction but non lucratif est autorise.

CONFRENCESSUR

LES

LITANIESDE

LA TRS-SAINTE VIERGE

HOU RUE S, IMPRIMERIE DE E. FlttULKT, 33,

RUE DES ARNS-

XL VIIREGINA CONFESSORUM

REINE DES CONFESSEURS

On appelle Confesseurs ceux qui ont fini leur vie dans le Seigneur d'une manire louable et sainte, par une mort naturelle et qui, sans avoir donn leur sang pour la confession de la foi devant les perscuteurs, ont eu l'esprit du martyre ii cause de l'insigne saintet de leur vie. C'est pourquoi ils viennent, bon droit, immdiatement aprs les martyrs. Leurs prires assidues, leurs jenes, leurs veilles, leurs cilices, leurs disciplines, leurs mortifications dans le sommeil, parfois la vie clotre qu'ils ont mene volontairement pendant tout le temps de leur existence, les autres mortifications corporelles employes pour dompter leur chair et s'immoler comme des victimes vivantes au Dieu tout-puissant : tout cela permet de les appeler et leur confre le mrite des martyrs. L'glise le dit du grand Confesseur de Jsus-Christ, saint Martin : 0 me trs-sainte, pour n'avoir pas connu le glaive du perscuteur, vous n'avez cependant point perdu la palme du martyre. La Mre de Dieu, Vierge Marie, est dite leur Reine, parce qu'elle a march, avant eux, comme un guide et un modle, en humilit, en pauvret, en obissance, en chastet, en patience, en oraison, en mortification et dans toutes les autres vertus. C'est en suivant ses exemples qu'ils sont devenus grands en humilit, riches en pauvret, rois en VI i

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

obissance, a n g e s d a n s u n corps m o r t e l , forts d a n s les p e r scutions, sublimes en oraison, m e n a n t u n e vie cleste d a n s la mortification, brillants, en u n m o t , devant tout l'univers p a r la s p l e n d e u r de toutes les v e r t u s . Si Ton voulait c o m p t e r le n o m b r e de c e u x q u i , dans u n e si l o n g u e srie de sicles, d a n s tant et de si diverses contres de l ' u n i v e r s , a u d s e r t , d a n s les clotres, dans les maisons p r i v e s , o n t fini saintement et religieusement l e u r vie d a n s la paix de l'Eglise, la chose serait certainement, p o u r ainsi d i r e , impossible a u n e investigation h u m a i n e . L e s histoires en n u m r e n t un g r a n d n o m b r e , principalement les Vies des

Pres,, crites par les soins de saint J r m e ; les Vies des Saints q u e L a u r e n t Surius a r u n i e s en six v o l u m e s , lesdiverses c h r o n i q u e s , m n o l o g e s , fascicules, histoires des Ordres r e l i g i e u x . P o u r n e pas grossir d m e s u r m e n t cet o u v r a g e , n o u s les p a s s e r o n s sous silence. Nous n o u s b o r n e r o n s citer les p r i n c i p a u x , surtout p a r m i les religieux et les m o i n e s , q u i , tant dvous p a r u n e dvotion spciale la V i e r g e , Mre de Dieu, l'ont honore avec le p l u s de soin comme leur Reine. Commenons.

39)

CONFRENCEDIVERS ORDRES

Ou

L'ON NUMRE LES CONFESSEURS, MOINES KT RELIGIEUX DES

RGULIERS QUI ONT HONOR / U N K DVOTION SPCIALE LA YlERGE, MRE DE DIEU,

comw

LEUR REINE E T LEUR SOUVERAINE, ET EN ONT REU DES FAVEURS

ET DES GRACES PARTICULIRESSOMMAIRE. -

i.

Avant-propos. 2 . numration des divers Ordres.

I. Les rguliers honorent et vnrent tout particulirement la Vierge, Mre de Dieu, comme leur Reine et leur Souveraine, laquelle ils se dvouent d'une manire spciale, quand l'anneau des

REINE DES CONFESSEURS.

3

vux, surtout des vux de chastet, les fiance elle, quand ils se conforment de plus prs sa trs-sainte vie, car, par l'obissance, la pauvret, la chastet, l'amour de la solitude, la contemplation, ils se rendent les mules de la Vierge obissante, pauvre, chaste, solitaire et dvote. Comme la Vierge, ils n'ont aucun souci d'lever des enfants, ils ne sont point tourments de marchs, de ngoces sculiers, de vanits mondaines. Aussi, n'y a-t-il rien d'tonnant ce que la Vierge, Mre de Dieu, les comble de bienfaits, et de dons singuliers, alors que la similitude attire d'ordinaire l'amour et que dans la Vierge brille le modle de la vie religieuse. De l vient que nous lisons de plusieurs Ordres que leurs religieux ont t aperus dans des visions miraculeuses, abrits sous le manteau de la Vierge et recevant leur habit et leur rgle de cette sainte Mre. Ainsi, les Servtes ont reu de la sainte Vierge l'habit dont ils devaient se revtir et la rgle qu'ils devaient garder. Les Carmes, les Cisterciens, les Prmontrs, les Prcheurs, les Olivtains se glorifirent d'avoir reu leur habit de la sainte Vierge, comme on le voit dans leur histoire et comme nous l'avons, pour quelques-uns, dj rappel plus haut, nous proposant de le relater pour les autres un peu plus bas. Notre intention est donc de montrer plus longuement la dvotion de ceux-ci envers la bienheureuse Vierge Marie pour consoler et instruire religieux et sculiers, afin que, l'exemple de ceux-l, ceux-ci aiment plus ardemment la Vierge digne de toutes louanges, l'honorent avec plus de soin, la vnrent plus assidment, la servent avec plus de ferveur pour le salut de leur me. IL Commenons donc parles plus anciens.CHANOINES RGULIERS.

Les chanoines rguliers de l'Ordre de Saint-Augustin, suivant leurs traditions historiques, tirent leur origine des Aptres. Saint Augustin leur donna des constitutions, et ayant t fait prtre par rvoque Valre, il vcut quelque temps avec eux selon la rgle tablie par les saints Aptres. Dans la suite des temps, ils furent rforms par des hommes de valeur, et chacune de ces rformes leur valut des noms diffrents. Les uns s'appelrent de Latran, les autres do

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Saint-Sauveur, du nom des lieux qu'ils commencrent d'habiter. Parmi eux se rencontrrent plusieurs saints personnages fort dvous la bienheureuse Vierge Marie. Nous ne pouvons tous les connatre, et si nous voulions les numrer tous, ce ne serait pas l'affaire de quelques pages, mais bien d'un volume entier. Nous en citerons quelques-uns. 3* Thomas Kempis. La pit et la dvotion de ce chanoine rgulier nous sont attestes par le livre de limitation de Jsus-Christ, dont il est l ' a u t e u r c e t ouvrage que toutes les mains pieuses et dvoies feuillettent avec tant de bonheur, parce qu'il renferme autant de maximes saintes que de phrases. Entre autres preuves de sa pit* Thomas Kempis donna celle d'une tendre dvotion la virginale Mre de Dieu ds son plus bas Age. Tout enfant, il rcitait chaque jour un certain nombre de prires Marie. La fragilit de l'ge et de la nature lui fit peu peu ngliger cette pratique, tantt u n , tantt deux, trois et quatre jours. Il finit mme par l'abandonner compltement. Pendant ce temps, il lui sembla, une nuit, qu'il tait en classe avec ses condisciples coutant la parole du matre. Tout d'un coup, la Mre de Dieu descend des nuages et se met parcourir les rangs des professeurs qui distribuaient le pain de la parole sainte, embrassant tendrement tantt l'un et tantt l'autre, comme pour les remercier de ce qu'ils travaillaient par de pieux avis empcher que le prix du sang de son Fils ne devint inutile pour ces jeunes gens. Ce que voyant, Thomas esprait que la Mre de Dieu l'embrasserait aussi, comme lui tant trs-dvot et trs-empress son service. Le contraire arriva. La Vierge lui dit : Cntel ennemi, c'est en \ain que lu rclames Fembrassemcnt de l'amour, toi qui oublies de me payer le tribut accoutum de tes prires. O sont tes oraisons accoutumes? Comment l'ardeur de ta charit envers moi s'est-ello refroidie? Et tu oses, d'un front audacieux, demander des caresses, toi qui mrites plutt .des rprimandes? Puis, dtournant son visage avec colre, elle ajouta: llelire-toi loin de moi. Aprs ces justes rprimandes, la Mre de Dieu le laissa et remonta au Ciel. Cependant, l'adolescenti La controverse sur le n o m du vritable auteur de l'Imitation nino. {Note du Traducteur.) n'est point ter-

REINE DES CONFESSEURS.

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se rveille, reconnat sa faute, et se propose de compenser l'avenir la ngligence passe. Pour ne pas tre priv des embrassements de la Vierge, il reprend ses prires accoutumes, et il y demeura fidle jusqu' la m o r t . 2 Le bienheureux Jean Rusbroch. En rcompense de sa dvotion envers la sainte Vierge, ce Bienheureux mrita de jouir de la prsence du Christ, de la Vierge et d'autres Saints. On rapporte que JsusChrist lui dit : Vous tes mon Fils bien-aim en qui j'ai mis mes complaisances. Puis, l'embrassant, il dit sa Mre et aux troupes de Bienheureux qui l'entouraient: Voici mon fils l u . 3 Le bienheureux Stanislas de Casimirr. Il fut trs-dvot la sainte Vierge, et, en rcompense de sa dvotion, la sainte Vierge daigna lui apparatre avec Jsus-Christ et saint Stanislas, martyr, voque de Cracovie. Il mrita d'entendre sortir de la bouche de Marie ces paroles : Mon fils Stanislas, rjouis-toi de ta grande dvotion envers moi et envers saint Stanislas. Continue avec force, une grande rcompense t'attend, avec mes Saints, dans le Ciel. Comme il allait mourir, Jsus-Christ lui apparut avec sa sainte Mre et les saints patrons de la Pologne, l'interpellant avec bont et lui disant : Mon fils Stanislas, lve-toi en grande hte, tu seras aujourd'hui avec moi dans le P a r a d i s . 1 2 3

BNDICTINS.

Ce grand patriarche de presque tous les Ordres religieux en Orient avait u n e grande dvotion envers la bienheureuse Vierge Marie. De l'Ordre qu'il a fond sont sortis plusieurs autres Ordres religieux placs sous le patronage spcial de la bienheureuse Vierge Marie, entre autres ceux de Cluny, les Cisterciens, les Chartreux, les Guillelmites, les Olivtains, ceux de Vallombreuse, les Clestins, les Camaldules, tous clbres par leur admirable et tendre dvotion envers la Mre de Dieu, comme on le lit dans leur histoire. On a vu sortir de cet Ordre sacr de grands vques, commeSaint Benot. Vie de Thomas Kempis, Balinghpm, 2 dcembre. D'aprs VAuctor ad Molan. Bzowski, d'aprs Christophe Lomnie, an de Notre-Seigneur 1489.3 1

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

le pape saint Grgoire, l'archevque de Tolde saint Ildefonse et d'autres merveilleusement dvous la sainte Vierge, comme nous l'avons relat plus haut. Nous allons citer quelques saint abbs de cet Ordre dvots la Vierge.2 Saint Saint-Benot. Odon7

abb

de Chmy,

premier

rformateur

de VOrdre de

Il eut pour la sainte Vierge une dvotion si grande que, dans toute occasion, il l'appelait la Mre de misricorde, cause de la circonstance suivante : ce Saint avait t demand Dieu par sa mre, au nom de l'enfantement de la trs-sainte Vierge, la nuit mme de la Nativit de Marie. Or, un des moines de saint Odon tant moribond, la bienheureuse Vierge Marie lui apparut et lui demanda s'il la connaissait. Sur la rponse ngative, elle lui dit : J e suis la Mre de misricorde. Cette vision ayant t raconte Odon, le Saint appela toujours depuis Marie, la Mre de misricorde. Le mme Saint donna un clatant tmoignage de sa pit envers la Mre de Dieu quand, dans le brviaire de son Ordre, il accrut et propagea merveilleusement son culte. On y lit : 11 a t rgl que, depuis l'octave de la Purification jusqu'au mercredi des Cendres, depuis l'octave de Pques jusqu'aux Rogations, et depuis l'octave de Pentecte jusqu' l'A vent, sauf occurrence d'une fte de douze ou de treize leons, d'un vangile propre ou d'une octave, on clbrera, le samedi, l'office de douze leons de la trs-pure et immacule Vierge Marie, notre esprance spciale aprsle S eigneur Jsus, afin, par ses mrites et son intercession, de mriter d'tre dlivrs de toute adversit et d'acqurir la joie de la Jrusalem cleste. Ce mme Ordre rcite, tous les samedis, une oraison particulire qui commence par ces mots : Missus est Gabriel Anglus . Il clbre en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie une fte spciale dite du Manteau de la bienheureuse Vierge Marie. Nous en avons fait mention plus haut. 3 Saint Odilon, abb de Cluny. Sa dvotion envers la Mre de Dieu tait si grande que, au chur, quand on en venait ce verset du cantique des saints Ambroisc et Augustin : Pour sauver les11

Balinghem, 18 novembre.

REINE DES CONFESSEURS.

7

t o m m e s , vous n'avez point ddaign de vous revtir de la nature humaine dans le sein d'une vierge, il se prosternait la face contre terre, montrant ainsi dans son corps de quelles ardeurs de dsirs pour le Ciel brlait son me *. 4 Le Bienheureux Rupert, abb. En rcompense de sa pit envers la sainte Vierge, il reut du Ciel une science infuse. tant compltement inintelligent, il suppliait continuellement la Mre de Dieu de lui obtenir de son Fils, source de toute sagesse, le don de science, La Reine du Ciel lui apparut : Voici, lui dit-elle, que les secrets des critures vous seront ouverts, en sorte que nul de vos contemporains ne pourra vous tre compar. Seulement, ne vous endormez point dans l'oisivet et ne ngligez pas la grce qui vous est faite. La Mre de Dieu lui dit aussi d'autres secrets qu'il n'osa raconter. A partir de ce moment, il s'adonna tout entier l'oraison, la lecture, la contemplation et l'interprtation des saintes Lettres. Il crivit des livres pieux et savants qui font l'admiration de chacun*.CISTERCIENS.

L'Ordre de Cteaux, illustre rameau issu de la fconde racine bndictine, fut le premier Ordre consacr l'honneur de la Vierge, au moins dans les contres occidentales ; car en Orient, l'Ordre des Carmes, spcialement consacr la Mre de Dieu, se glorifie d'avoir eu une origine beaucoup plus ancienne. Cet Ordre de Citeaux reut de la sainte Vierge de nombreuses faveurs. Outre les rvlations spirituelles et les consolations intimes, la sainte Vierge visitait souvent les Cisterciens, entoure d'un trs-brillant cortge de Bienheureux. Elle les consolait visiblement, les instruisait, les aidait, les dirigeait, les rconfortait dans leurs labeurs, comme nous l'avons dj rappel plus haut, en racontant divers traits emprunts .leur histoire. Pour cela, Marie est appele patronne, souveraine, consolatrice, protectrice et avocate des Cisterciens. Ceux-ci, leur tour, ont toujours honor -avec un grand zle et beaucoup de vnration la sainte Vierge, et, jusqu' ce jour, ils n'ont cess de l'honorer, comme nous le racontions1

Vie des Saints. Abb Thithnans.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE*

plus haut. De l vient que cette religion sainte a produit d'excellente serviteurs de la bienheureuse Vierge Marie, tant hommes que femmes. 1 Le bienheureux Robert. Il institua l'Ordre de Citeaux. Nousavons dj parl plus haut de sa pit envers la sainte Vierge. Nous avons galement relat les faveurs dont la sainte Vierge le rcompensa. 2 Saint Bernard, abb de Clairvaux. 11 fut un des principaux dvots de la bonne Mre et reut de la Vierge de nombreuses grces et faveurs. a) On raconte qu'il sua ses mamelles trs-sacres un lait suave dont la douceur se rpandit dans tous ses crits et principalement dans ses Sermons sur la sainte Vierge. b) Un jour qu'il tait malade, la bienheureuse Vierge Marie lui apparut, assiste de deux serviteurs, saint Laurent et saint Benoit, qui lui imposrent les mains, touchrent misricordieusement le sige de ses douleurs et le gurirent compltement. Un abcs qui le faisait beaucoup souffrir cessa de couler et toute douleur disparut ; c) A Plgcllcs, dans le Brabant, il salua dans un couvent de SaintBenot une statue de la Vierge, disant : J e vous salue, Marie ! LaVierge, d'une voix intelligible, claire et amicale, lui rendit son salut, disant : J e te salue, Bernard. Nous avons dit plus haut beaucoup d'autres choses touchant la pit de ce grand Saint envers la bienheureuse Vierge Marie.1

La dvotion de saint Bernard envers la Vierge, Mre de Dieu, tait si grande qu'il la communiquait vivement aux autres. Dans son Sermon dit de l'Aqueduc, il s'crie : Mes bicn-aims fils, elle est l'chelle des pcheurs, elle est la meilleure confiance, elle est toute la raison de mon esprance. En exhortant les autres cette dvotion, il s'exprime ainsi dans sa n Homlie sur le M issus est : Dans les prils, dans les angoisses, dans toutes les hsitations, pensez Marie, invoquez Marie. Ne l'cartez jamais de vos lvres, ne la repoussez jamais de votre cur, et, pour obtenir le suffrage de sa prire, n'abandonnez1

Abb Guillaume, Vie de saint

Bernard.

REINE DES CONFESSEURS.

9*

point l'exemple de ma vie. Dans le sermon dj cit de l'Aqueduc, pour la Nativit de Marie, il s'crie : Vnrons Marie de toute l'ardeur de nos curs, de toute l'affection de nos entrailles, de tous nos vux, parce que telle est la volont de Celui qui a voulu que nous possdions toutes choses par Marie. A la fin de ce mme sermon* il dit : a Quelque offrande que vous vous disposiez faire, rappelezvous de la recommander Marie, afin que la grce retourne sonauteur par le mme lit qui l'a amene. Jugez de quel amour envers la sainte Vierge devait brler ce cur qui a inspir des paroles si ardentes ses lvres et des expressions si brlantes sa plume. Cette pit envers la sainte Vierge a rendu saint Bernard si illustre par sa doctrine, la saintet de sa vie, ses miracles et sa renomme, que, jusqu' ce jour, tous l'admirent bon droit, le vnrent et le louent. J e ne puis contenir mon indignation contre ces mal-aviss qui, l'occasion de la question de l'immacule Conception, ont injuri saint Bernard, ne cessent de le vilipender et impriment ces vieilles sottises ou plutt ces blasphmes : Bernard, disent-ils, a splendidement rtract son opinion, au moins aprs sa mort, car on raconte qu'il apparut un moine avec une tache sur la poitrine, cause de ce qu'il avait dit touchant la Conception de la glorieuse Vierge. 0 ignorance jointe l'impit! un Saint, admis la vision batifique, apparatra souill d'une tache quand il est crit : Il y verra l matin et soir, et on l'appellera voie sainte. Celui qui est souill n'y passera point . Rien de souill n'y pntre . Les Saints sont sans tache devant le trne de D i e u . E t encore : Il n'y entrera rien de souill . Christophe Waldafer, de Ratisbonne, appela cette sotte pense une hrsie. Ils l'ont bien vu, ces hommes senss, ardents dfenseurs de l'immacule Conception de la sainte Vierge, Canisius, Bellarmin, Suarez et autres thologiens consomms de la compagnie de Jsus. Laissant de ct ces fables insenses, ils ont autrement interprt la pense de saint Bernard . Quoi qu'il en soit de cette pense, il est1 2 3 4 5

* hae, xxxv, 8 . - 2 Sagesse, vu, 2 5 . Apocalypse, xiv, 5. Ibid., xxi, 27. Le pre Perrone a expos cette pense dans sa belle dissertation sur i'/mmoculata conception On en trouvera une esquisse au I appendice de ce volume[Note du Traducteur.)8 e r

a

v

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

certain qu'elle a t inspire par la pit, la dvotion, et non point par une malice parcimonieuse. Pour moi, je cros que saint Bernard aimait la sainte Vierge et mrita devant Dieu, par cette seule lettre aux chanoines de Lyon, plus que tous ces hbleurs par leurs bavardages et leur zl, qui n'est point selon la science. Adieu donc ces bavards. J'ai voulu dire ces choses cause de saint Bernard que j ' a i toujours beaucoup aim, comme un excellent matre de vie spirituelle et u n admirable serviteur de Marie. Je n'ai point voulu combattre en faveur de telle ou telle opinion, mais seulement pour l'honneur du Saint. 3 Saint Thomas, vque de Cantorbry. Des autorits trs-graves, cites par Chrysostomc Ilenriquez, dans le Mnologe de Ctcaux , racontent que ce Saint fut moine de Cteaux, et qu'il embrassa cet institut Pontigny pendant son exil d'Angleterre, alors que le roi Henri II le chassa de sa ville piscopale et le proscrivit, pour le punir d'avoir dfendu la libert ecclsiastique. Baronius raconte la mme chose , ainsi que Antoine de Yepes et Auberl Myrus, cits par Henriquez.1

2

Ds son plus bas ge, saint Thomas avait t admirablement dvot la sainte Vierge. Une pratique qui lui tait familire tait de rciter sept fois par jour la salutation anglique en l'honneur des sept joies que Marie eut avec son Fils sur la terre : l'Annonciation, la Visitation, la Naissance de Jsus-Christ, l'Adoration des trois rois, l'Invention de son Fils au Temple, la trs-joyeuse Rsurrection du Sauveur et son Ascension au Ciel. Un jour qu'il s'acquittait de cet hommage, la Vierge-Mre se montra lui, l'interpellant en ces termes : Thomas, ton hommage m'est agrable. Mais pourquoi ne rappeler que les joies dont je jouissais sur la terre? Rappelle aussi celles dont je jouis maintenant dans le Ciel, Transport d'allgresse, saint Thomas s'crie : Et quelles sont ces joies, ma trs-douce Souveraine ? Il y en a sept, rpondit la Vierge, que tu honoreras par sept salutations. Je me rjouis :i 29 dcembre. * An 11G2.

REINE DES CONFESSEURS.

11

1 De ce que, aprs la trs-sainte Trinit, je reois les honneurs les plus minents, au-dessus de toute crature; 2 De ce que je surpasse beaucoup tous les rangs des Anges et des Saints par l'aurole de ma trs-pure virginit; 3 De ce que la grande lumire de ma gloire claire comme u n soleil toute la cour cleste; 4 De ce que tous les habitants du Ciel me vnrent et m'honorent comme Mre de Dieu ; 5 De ce que j ' a i le pouvoir d'obtenir de mon Fils tout ce que je veux; 6 De ce que, aprs avoir obtenu sur la terre une immense grce, une grande gloire a t prpare mes serviteurs dans le Ciel par mon Fils; 7 De ce que ma gloire s'augmente jusqu' la fin du monde d'un clat nouveau pour de l durer pendant toute l'ternit. Saint Thomas reut cette communication de la bouche mme de la sainte Vierge, et il eut soin d'y rester fidle, rcitant souvent ces allgresses qu'il avait mises en vers, chants en plusieurs glises comme hymnes. C'est le Gaude flore virginali. Nous l'avons reproduit plus haut, l o il est parl des formules et prires en l'honneur de la sainte Vierge. La bienheureuse Vierge Marie ne laissa pas une si grande dvotion .sans rcompense. Tout enfant, saint Thomas vit apparatre la sainte Vierge qui lui donna une cassette renfermant une chasuble rouge, pour signiGer sa vocation au sacerdoce. Pendant qu'il subissait l'exil, pour avoir dfendu la libert de l'glise contre le roi d'Angleterre, la Mre de Dieu lui apparut et lui donna une huile trs-prcieuse pour servir au sacre des rois d'Angleterre. Une autre fois, la Mre de Dieu, lui apparaissant, l'aida raccomoder son cilice, comme le raconte notre Jean Hrold, dit le Disciple. Voici le fait :1

Un prtre ignorant ne savait dire que la messe de la Vierge. Il la disait tous les jours, et saint Thomas, son vque, auprs duquel on1

Livre des Exemples de la Mre de Dieu.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA. SAINTE VIERGE.

l'accusa de ce fait, l'interdit. Le pauvre prtre, tout afflig, invoquait la Reine du Ciel qui lui apparut et lui dit : Va trouver l'vque e t dis-lui de ma part de te relever de l'interdit. Ma Souveraine, dit le prtre, je suis pauvre et mpris, on ne me laissera pas pntrer jusqu' lui. V a , reprit Marie, je te prparerai l'entre.Mais, ma Reine, il ne voudra pas me croire. Eh bien ! tu lui diras : Je suis envoy par celle qui, telle heure, en tel endroit, pendant que vous racommodiez votre cilice, vous aidait en le tenant d'un ct, et aussitt il t'en croira. Le prtre le iit et raconta la chose saint Thomas qui, surpris et tremblant, lui dit : Je te rends tes pouvoirs, ne dis que la messe de la Vierge et prie toujours le Seigneur pour moi. 4 Le bienheureux Albric^ deuxime abbd de Citeaux. Il fut des

premiers fondateurs de l'Ordre, avec les bienheureux Robert et Etienne. Il avait une trs-grande dvotion la Mre de Dieu et plaa l'ordre de Citeaux sous le titulaire et le patronage de la Vierge. Le bon Pre en reut une coule blanche, et de l vient que, laissant les habits noirs de Cluny, les Cisterciens portent des habits blancs. On rapporte de plus qu'il reut de la sainte Vierge les constitutions donnes par lui ses frres. La misricordieuse Patronne des pcheurslui apparut un jour et lui dit: Je protgerai et je dfendrai cet Ordre jusqu' la fin du monde. Ceci est tire du mnologe des Cisterciens .1

Voil pourquoi les Cisterciens clbrent le 5 aot la fte del descente de la bienheureuse Vierge Marie Citeaux. Ce jour-l, en effet, la sainte Vierge apparut aux moines qui chantaient dvotement les matines, tenant la main une coule blanche que, leur grande admiration, elle plaa sur la tte d'Albric. Au mme instant, les coules des moines, qui psalmodiaient dans le chur changrent do couleur et, aprs avoir port le noir, ils sont maintenant vtus de blanc .2

5 Le bienheureux

Etienne,

troisime

abb de Citeaux.

Ce bienheu-

reux fut tellement dvot la trs-sainte Vierge qu'il mrita de recevoir, ds la vie prsente, d'une manire visible, de la sainte Vierge, la1

Des Calendes de fvrier. Ilcnriquez, Mnologe des Cisterciens, 5 aot.

2

REINE DES CONFESSEURS.

13

rcompense de sa dvotion. En effet, pendant qu'il priait, Marie lui apparut et lui fit don d'un cordon de laine pour serrer son scapulaire *. 6 Le bienheureux Henri, moine de Citeaux. La sainte Vierge lui apparut, entoure d'une nombreuse troupe de Cisterciens, revtue d'une coule blanche et voile la manire juive. Voici comment il raconte lui-mme de quelle utilit fut pour lui cette apparition ; Au commencement de ma conversion , les veilles solennelles m'taient tellement pnibles que, quand il me fallait aller matines, la crainte et l'ennui me lassaient et me fatiguaient le cur. Une nuit, je faillis m'vanouir, et comme je ne pouvais rester debout, le prieur me fit sortir du chur et me fit placer au sige des malades, me confiant la garde d'un convers. Bientt, ravi en extase, je contemplai cette Souveraine trs-illustre que des personnes de divers rangs prcdaient et qui marchait entre le chur et moi. Elle avait sur la tte une couronne de couleurs diverses et elle tait voile comme les juives. S'tant approche de moi, elle me toucha comme forcment et sa robe frla contre moi et, tout d'un coup, je me trouvai fortifi. Toutes mes tentations prcdentes disparurent et, partir de cette heure, je me rendis matines avec dlices. J e crois que c'tait Notre-Dame, celle qui fortifie les faibles pour qu'ils ne succombent point la tentation. 2

7 Le bienheureux sainte Yierye.

Eustadie,

abb

iVHemmenrod,

dvot de la

trs-

La Mre de Dieu approuva sa dvotion par l'admirable vision que raconte Gsaire*. Tandis que le bienheureux Eustache et les moines d'IIcisterbach, dont il tait visiteur, assistaient aux matines et chantaient trs-dvotement le Te Deum, la trs-sainte Vierge leur apparut, entoure d'une grande gloire, posant sur le couvent une chane d'or d'une merveilleuse beaut en forme de couronne, sur le sommet de laquelle brillait une pierre trs-prcieuse et tincelante, o taient crits ces m o i s : 0 Clemens, pia, 6 duteis Virgo MARIA. D U nom de MARIE s'chappaient en tous sens des rayons splendides, clairant les noms d'Eustache et des autres moines prsents au chur, lesquels taient inscrits dans le tour de la couronne. Puis, laHenriqucz, iht'd. ebap. xxi.1 2

Csaire, Exemple,

liv. VU, chap. xxxvi.

3

Liv. VII,

14

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Reine des anges dit d'une voix claire : Comme je suis aujourd'hui' dans ma gloire, tous ceux-ci seront avec moi dans l'ternit 8 Le bienheureux Pierre, surnomm Munoscule, abb de Clairvaux*

Ce grand serviteur de Marie mrita de jouir de ses entretiens. Un jour, dans une glise, Lyon, il demandaitavec grande ferveur pardon des fautes commises en route, quand il vit la trs-sainte Vierge et l'entendit rciter sur lui cette oraison en usage dans l'Ordre de Citcaux : Dieu tout-puissant et ternel, ayez piti de votre serviteur ici prsent, et tout ce qu'il a pu commettre en route par la vue ou par l'audition de chose mauvaise ou de discours oiseux, pardonnez-le lui, en lui faisant misricorde avec votre ineffable bont. Par Notre-Seigneur Jsus-Christ . 2

9 Le bienheureux ThobaJd. 11 tait fils du baron Marly et engag d'une manire brillante dans l'tat militaire. Cependant, malgr sa vie dissipe, il avait une dvotion trs-assidue pour la trs-sainte Vierge.Un jour qu'il se rendait un tournoi avec des gentilshommes,, ses compagnons, il entendit sonner une messe. Aussitt, laissant les autres, il entra dans l'glise, assista la messe avec d'autant plus de dvotion qu'on chantait une messe solennelle en l'honneur de la Mre de Dieu qu'il aimait tant. Or, quand il revint de l'glise, il vil ses compagnons d'armes accourir au-devant lui, le flicitant de la victoire obtenue et du prix qu'il avait remport au tournoi et aux passes d'armes. Vous avez vaincu tous les autres chevaliers au tournoi d'o nous revenons, lui dirent-ils, et vous avez remport le prix. En effet, on l'avait vu au tournoi mont sur un cheval gnreux. Ce qu'entendant, Thcobald retourna l'glise pour rendre Dieu et sa Mre de vives actions de grces et, partir de ce jour, plein de mpris pour les vanits du sicle et les pompes du monde, il songea revtir l'habit religieux des moines de Citeaux. 11 !c prit dans la valle de Sernay et ne cessa d'honorer la trs-pure Vierge d'un amour chaque jour coissant. Sur tous les livres, il crivait le nom de Marie en lettres rouges, et, toutes les fois qu'il lui arrivait de le prononcer, il s'criait : Le nom trs-suave et trs-saint

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Mcaoloyc tic Citeaux, lt* mal. - hU 1$ mai.

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de Marie est un nom vnrable, un nom bni, un nom ineffable, un nom que tous doivent aimer. Parfois, ses frres lui reprochaient cette ardente dvotion pour Marie, disant qu'il semblait disputer l'entire possession de son cur Dieu, dans l'excs de son amour pour sa Mre. Il leur rpondit modestement : Sachez que je n'aime la Vierge Marie que comme Mre de mon Seigneur Jsus-Christ. Si elle ne Ttait pas, je ne l'aimerais pas plus que les autres Vierges saintes. Voil donc pourquoi, aprs Dieu, c'est cette trs-sainte Reine que j'honore et chris; parce que je la sais exalte au-dessus de tous les churs des anges et suprieure tous les autres lus. Il vnrait l'adorable Sauveur avec une grande soumission et une grande affection de cur. Chaque fois qu'il passait devant le tabernacle, il avait coutume de dire : Bni soit Jsus-Christ, le Fils unique du Pre, qui par sa naissance a orn d'une ineffable gloire sa trs-glorieuse Mre, Marie, notre Souveraine . 1

10 Le bienheureux Bostrad, abbd. Une vision prouva l'tendue de sa dvotion envers la sainte Vierge. Un jour qu'il tait assis au rfectoire, table avec les autres frres, il vit entrer la bienheureuse Mre de Dieu, portant dans ses bras l'Enfant Jsus. Or, Marie, s'approchant de lui et le regardant avec un doux visage, lui prsentait son Fils contempler. Ravi de sa beaut et rempli d'une allgresse ineffable, le pieux Abb prsenta, avec une simplicit admirable, un peu de sa nourriture l'enfant, disant : Bel Enfant, mangez, mangez- Jsus lui rpondit en souriant : Je n'ai pas besoin de ta nourriture, c'est moi qui t'invite mon festin : dans trois jours, tu seras assis ma table, dans mon royaume, pour tre rassasi par l'apparition de ma gloire. Cela dit, la vision s'vanouit, et, muni des Sacrements, Hostrad rendit doucement son me Dieu l'heure fixe, entre les bras de ses religieux .2

11 Le bienheureux Arnulphe, abb de Villiers. Il fut recommand par la sainte Vierge l'Ordre de Citeaux. Tout jeune encore, il songeait dire adieu au monde et ses soucis, quand Marie apparut au bienheureux Guillaume qui disait la messe, et lui dit : On viendra tei

Mnologe (3e Citeaux, 8 juillet.

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VAd.

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demander de recevoir u n enfant dans l'Ordre, reois-le avec empressement, parce que c'est un vase d'lection pour moi. Cela dit, la Vierge disparut. Aussitt aprs la messe, quelques bourgeois de la ville lui prsentrent le jeune Arnulphe qui demandait l'habit des Cisterciens. Le bienheureux Guillaume le reut trs-volontiers et l'adopta pour son (ils, comme lui ayant t spcialement recommand par la Mre de Dieu .1

12 Le bienheureux

Godefroid,

sacristain

de Villiers. Il fut illustre

par d'innombrables miracles et par le don de prophtie. Souvent, d'abondantes et clestes consolations remplissaient son cur. Le Roi des Anges daigna* par un privilge insolite de la faveur divine, lui laver les pieds, en lui apparaissant tel qu'il tait lorsque, la veille de sa Passion, il se ceignit les reins d'un linge et lava les pieds des disciples. Admirablement dvou la sainte Vierge, il mrita aussi de jouir souvent de son aimable prsence, surtout un jour de fte de l'Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie, lorsque la glorieuse Reine des Anges lui apparut, parcourant les rangs des frres qui chantaient avec solennit l'office de la nuit. L'ayant suivie sa sortie du chur, il reut de la bonne Mre de Jsus cette aimable rponse : Retourne tes frres et ne me suis pas davantage; bientt tu me suivras compltement pour recevoir la rcompense de ton t r a v a i l .2

13 Le bienheureux Ilaynicr, moine. Ds sa plus tendre enfance, il tait trs-dvot a la sainte Vierge qui le comblait d'honneurs, pendant qu'colier il suivait les classes Paris. Un jour, il faillit se noyer en tombant par accident dans un bassin rempli d'eau; la sainte Vierge lui apparut, le prit dans ses bras, le tirade l'eau et le sauva de la mort. Devenu moine, il vil notre divin Sauveur et entendit sa sainte Mre dire il son Fils : Mon Fils bien-aim, ce moine est notre serviteur trs-dvou, il craint Dieu. Par ses services et ses larmes, il a parfaitement lav et purifi ses pchs. C'est pourquoi je vous demande qu'aprs avoir achev le temps de sa vie, il puisse venir ici sans passer par le Purgatoire et possder directement la vie ternelle. Le Fils ropondiL : Bienheureuse Mre et Vierge trs-pure,' Mnoloso tc Cltcaux. 12 avril. * Ihid., 3 octobre.

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il ne me convient pas de vous refuser quoi que ce soit. Je veux tout ce que vous me demandez *. 14" Le bienheureux Thomas, moine. Ce Bienheureux, illustre par sa saintet et serviteur trs-fervent de la bienheureuse Vierge, mrita, par un singulier privilge de la dilection de Marie, de la voir et de l'entendre chanter avec une incomparable douceur. Voici comment Csaire raconte la chose : Aprs avoir pass quelque temps dans l'Ordre de Citeaux, le bienheureux Thomas commena de se sentir saisi au cur d'un ardent dsir d'avoir une visite spciale de la Mre do misricorde. Aprs un moment de trouble anxieux, il sauta bas de son lit et, tant entr dans un verger voisin du dortoir, il s'y assit, les yeux du corps et du cur levs au ciel. Tout d'un coup, une vierge d'une beaut ravissante entre dans le verger et lui dit : Ne dsirez-vous pas m'entendre chanter? Sur la rponse affirmative du bienheureux, la vierge modula un chant si doux que des oreilles humaines ne pouvaient en supporter la suavit. La mlodie termine, la vierge s'inclina et partit. Peu aprs, Thomas en voit arriver une autre, belle et brillante comme la prcdente, qui entonna un doux cantique et se retira. Le moine comprit que c'taient sainte Catherine et sainte Agns. Aprs un court intervalle, voici que la trs-glorieuse Mre de misricorde, Marie, daigna visiter elle-mme son dvot serviteur; elle qui n'abandonnera jamais, en ce monde ni en l'autre, tous ceux qui la servent en vrit. Elle vint donc, entoure de troupes d'Anges, dissipant par la clart de son visage et la splendeur des lumires l'horreur d'une nuit sombre. S'approchant du bienheureux, elle lui dit : Mon frre bien-aim, si cela vous est agrable, je vais rcompenser votre dvot service par une douce mlodie. Et aussitt la sainte Vierge se mit chanter. Mais le moine, ravi en extase, tomba la face contre terre et toute cette vision disparut . 2 3

15 Le bienheureux Adam, moine de Lucqnes. Pendant sa plus tendre enfance, quand il ne pouvait encore s'exprimer clairement, il apprit la salutation anglique et, la balbutiant, il la rptait sans cesse avec une affection incroyable. Sa dvotion tendre envers la* Mdnologe de Citeaux, 30 octobre. C U P H U X , 21 dcembre. VI3

Liv. VII, chap.

XXII.

:t

Mnolnge de 2

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Mre de Dieu croissait tous les jours et il mrita d'tre visit par cette Reine des Anges et de jouir de son entretien familier. Une nuit qu'il avait salu la sainte Vierge devant une glise, les portes du temple s'ouvrirent miraculeusement. Voyez comment il dcrit lui-mme ce qu'il y vit : L'glise tait inonde d'une grande clart, comme en plein midi. J'y entrai tout saisi et je vis assises devant le maiircaulel sent matrones d'une beaut merveilleuse. L'une d'elles, celle qui tait au milieu, tait plus brillante que les autres. Kilo m'appela,

et quand je Tus arriv prs d'elle, aprs quelques mots, elle me dit : Sais-tu qui je suis? Je rpondis : Non, Madame. Alors clic reprit : Je suis la Mre du Christ et la Reine de cet oratoire. l'aree que tu gardes mon souvenir, je prendrai soin de loi.... Elle ajouta: Adam, prie prs de moi. Je le lis, et quand j'eus flchi le ffeuou devant elle, elle posa la main sur ma tte, en disant : Ds ce jour et jusqu' ta mort, tu ne souffriras plus de la tte ....)>,

\{\ Le hivnheurvux Ilernutu, vtmvovs. Il fui. illustre par son adrable esprit de prophtie et s'adonna merveilleusement aux o u v r e s de

charit et de vie austre. La sainte Vierge lui apparut souvent et il l'aimait comme l'abbesse de Tordre. Au moment do sa mort, Marie l'assista et conduisit son aine la gloire de la flicit ternelle . 17 Le bienhmvau.}: Ladislas, COMMIS. Il honora avec une ferve admirable la virginale Mre de Dieu. Aprs sa mort, on vit sortir de son corps un arbre, sur les feuilles duquel on voyait clairement inscrit le trs-doux nom de Marie, preuve trs-claire de la dvotion de ce frre la bienheureuse Vierge, car, pendant sa vie, de nuit et de jour,2

tant qu'il veillait, il rcitait ou ruminait la salutation anglique. Nous

en avons dj parl ailleurs d'aprs Csaire .

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18 Le hionheurcH.v Aninlpht*, de VOrdve de Citemtac.commencement de sa conversion, comme rvoque de Cantorbry, saint Thomas, il se prit vnrer trs-dvotement la bienheureuse Vierge, Marie. Chaque jour, il repassait dans une mditation soigneuse les sept allgresses dont la trs-sainle Vierge fut comble durant sa vie. La Mre de Dieu, voulant accrotre la dvotion de son serviteur,i .VOuolupc /., 14 aot. nard.

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Vie de saint

Ber-

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commenta pieusement le Cantique des cantiques dans le sens de l'application Marie. Enfin, dans toutes ses lucubrations, il laissa des traces de sa pit envers elle. Les chroniques de l'Ordre des Chartreux nous offrent le souvenir de plusieurs autres dvots serviteurs de Marie dans cet Ordre. Nous ne les avons pas en ce moment sons la main; mais, quand mme nous les aurions, nous ne poumons les citer tous, sous peine d'augmenter ; l'infini cet ouvrage.lKM0.\TRS.

1 Saint Norbert, voque de Maydeboury. Cet illustre fondateur de l'Ordre fut un serviteur trs-dvou de la trs-sainte Vierge. Il fonda son Ordre sous les auspices de Marie et lui donna les rgles de saint Augustin, l'an de Notre-Seigneur 1116. Un Ange lui montra l'habit blanc qu'il fit porter aux siens .1

2 Le bienheureux Frdric. Il fut le premier abb et le fondateur du jardin de la bienheureuse Marie, Hall. Ds son enfance, il pratiqua une chastet merveilleuse et honorait la Mre de Dieu. Devenu prtre et cur de Hall, il l'honora encore davantage, et de l vint la coutume en ce pays de chanter tous les" samedis, mme durant le Carme, la messe de la sainte Vierge. Il ressuscita, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, un enfant mort sans baptme .2

3 Le bienheureux Herman. Sa volont tait si dvoue la Mre de Dieu et il avait une si grande ardeur d'amour cleste que toutes ses dlices consistaient penser et parler sur Dieu et sa sainte Mre. Son amour s'accrut tellement qu'il finit par se fiancer la bienheureuse Vierge Marie, fianailles qui lui firent donner le nom de Joseph. Voici comment la chose se passa : Une nuit, minuit, il'tait en prires, quand il vit entrer la Mre de Dieu entre deux Anges, et il entendit l'un des deux dire son compagnon : A qui fiancerons-nous cette jeune Vierge? Au jeune homme ici prsent, rpondit l'autre. --- Qu'il vienne donc, rpliqua le premier. TIerman s'approcha, couvert de confusion. Quand il fut' Vin df: saint Norbert. 2 1/abb Sibrard, rit* par Balinghem, 7 mars.5

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arriv auprs de la Mre de Dieu, l'Ange lui dit : Il faut te fiancer cette illustre Vierge. Et comme, dans son effroi., il allguait sa profonde indignit, s'excusant et retardant l'accomplissement de la chose, l'Ange lui prit la main droite, la plaa dans celle de la trssainte Vierge, disant : J e te donne celte Vierge pour pouse comme elle fut autrefois donne Joseph. En mme temps, tu prendras le nom du saint poux de ton pouse, et dsormais tu t'appelleras Joseph. Ce nom lui lut confirm dans une autre vision. 11 regardait un autel forl lev, quand il vil apparatre au sommet la Mre de Dieu portant son Fils : 0 ma hien-aiine, s'cria-t-il, donnez-moi votre Fils! Aprs un peu d'hsitation, Marie le lui donna, disant : Porte mon Fils, comme Joseph le porta autrefois en Egypte. Aprs avoir partag la charge, lu partageras les honneurs. A l'ge de sept ans, pendant que ses compagnons jouaient, Cologne, il avait coutume d'aller prier dans un monastre consacr la bienheureuse Vierge Marie, devant une image de Marie qui portait dans ses bras l'Enfant Jsus. L, il se mettait parler l'image de la Mre ou celle du Fils, comme il l'et fait avec des personnes vivantes, leur offrant, tantt l'une et tantt l'autre, son pain ou un fruit. IJji jour qu'il insistait davantage, la Mre de Dieu ouvrit sa main et prit la pomme qu'il lui offrait. Une autre fois, dans le mme monastre, il vit devant le pupitre la bienheureuse Vierge Marie avec Jsus et saint Jean Baptiste. Les deux enfants jouaient ensemble devant Marie qui les regardait. Herman contemplait ce spectacle avec beaucoup de joie quand la Mre de Dieu lui dit : Viens nous, Ilerman. Et comment irai-je, rpondit-il, puisque le chemin est ferm et que je n'ai pas d'chelle pour monter?- Tente toujours, dit Marie, je te donnerai la main pour l'aider. L'enfant obit et Marie lui ayant tendu la main, il monta jusqu' eux. L, il joua avec l'Enfant Jsus sous les yeux de la Mre. Sur le soir, avec la mme aide, il descendit, et dans la suite, il jouit souvent de la mme consolation. Ses parents taient pauvres et, au cur de l'hiver, il tait oblig, faute de soulieus, de marcher pieds nus. La Mre de Dieu l'envoya

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vers une pierre sous laquelle il trouverait de l'argent pour acheter des chaussures. Il en trouva en effet et les acheta. Marie l'avertit que, toutes les fois qu'il aurait besoin de quelque chose, il n'aurait qu' se rendre vers cette mme pierre o il trouverait de l'argent. Le fait ne resta pas longtemps cach aux autres enfants, mais quand ils allaient eux-mmes chercher, ils ne trouvaient jamais rien. Devenu Prmontr, on le chargea du rfectoire. Un jour qu'il s'affligeait de ce que le service de ses frres l'empchait de vaquer l'oraison, la Mre de grce le consola, disant : Sache que ton vrai devoir est de servir les frres avec charit. Plus tard, on le nomma sacristain, office qui lui permit de s'adonner plus entirement la contemplation et la prire. Sa principale dvotion tait pour la Mre de Dieu; il avait compos de nouvelles allgresses en son honneur qu'il rptait souvent ; il la saluait frquemment de la salutation anglique, ajoutant chaque allgresse et chaque salutation une gnuflexion. Quand on prononait le nom de Marie aux collectes, au Symbole, la Prface, dans la salutation anglique, etc., il se prosternait terre et restait ainsi, le plus qu'il le pouvait sans scandale, prostern sur le sol. Comme on lui en demandait la raison, il rpondit : Je sens alors une telle abondance de fleurs et d'armes, et une si bonne odeur, que je voudrais toujours y rester, si c'tait permis. Souvent, quand il priait dans un coin du monastre, la sainte Vierge l'appelait. Il obissait et tous deux s'asseyaient l'un ct de l'autre. La bienheureuse Mre l'interrogeait sur son tat et il lui demandait son tour tout ce qu'il voulait. Marie, parlant de lui un Religieux, l'appela son chapelain. Un jour qu'il avait t saign, il se coucha avec peu de prcaution pour la blessure. La Mre de Dieu lui apparut et lui dit : Prends garde, mon iils, tu t'es couch avec peu de prcaution sur le bras dont la veine a t coupe. Puis, prenant le bras de ses mains divines, elle lui montra comment il pouvait se tenir sans danger dans le lit.. On parlait beaucoup ce moment de voleurs sacrilges qui dvastaient les glises. Pour garder la sienne et empcher les voleurs

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d'emporter les vases prcieux, Herman avait omis quelque partie de ses prires accoutumes la sainte Vierge; Marie se prsenta lui sous la forme d'une vieille ride. Ce que voyant, le Bienheureux, sans reconnatre Marie, eut peur et cria : Qu'est ceci? Je suis, rpondit-elle, le gardien de ce monastre, Alors, reconnaissant la voix de Celle dont il n'avait pas reconnu la figure : C'est donc Vous, o Rose? dit Herman. C'est sous le nom de Rose qu'il avait coutume de l'appeler avec beaucoup de familiarit. Marie rpondit affirmativement et ajouta qu'elle apparaissait ses yeux telle qu'il se la figurait dans .-on esprit : Dj, en effet, dit-elle, je suia pour toi une vieille r femme. O est la reprsentation de nos allgresses? O sont ces salutations angliques? O sont les autres oflices de pit par lesquels nous nous rendions agrables l'un l'autre ? Je ne veux pas que sous prtexte de garder le monastre, lu ngliges mon service, parce que je le garderai beaucoup mieux que toi. Il retourna ds lors ses exercices accoutums et, en particulier, l'numration des allgresses, ce qui plall beaucoup Marie, comme elle le rvla ellemme ITerman .1

La Mre de Dieu l'exhorta expliquer, en le lui appliquant, le Cantique des cantiques. Pour cela, elle lui apparut, portant dans ses mains une grande et belle cuelle au fond de laquelle il y avait un peu d'huile. Puis, souriant, elle lui dit avec beaucoup de grce : On a laiss ce peu d'huile pour toi. P u i s , expliquant sa pense, elle ajouta : Le livre du Cantique des cantiques a t presque puis par les divers commentateurs, le peu qu'il en reste dire, applique-le ma louange et puise l'huile qui reste. Appuy sur le secours de Marie, le Bienheureux entreprit cette uvre et se retira pour cela dans un endroit solitaire. Pendant sa vie et aprs sa mort, Herman s'illustra par ses miracles.* 17e du bienheureux Herman.

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FRRES PRECHEURS.

A la Confrence 236% nous avons dj dit trs-longuement avec quel zle, quelle pit, quel amour et quelle observance cet Ordre sacr a toujours honor la Vierge, Mre de Dieu, et ne cesse de l'honorer. A la Confrence 237% nous avons galement numr longuement les faveurs, les grces, les privilges et les bienfaits accords parla bienheureuse Vierge Marie l'Ordre des Frres prcheurs. 1 Notre bienheureux Pre, saint Dominique. L'ardent amour de ce Saint pour la glorieuse Mre de Dieu, Marie, son zle pour l'honorer, la ferveur du culte qu'il a, ainsi que son illustre famille de prcheurs, provoque parmi le peuple, tout cela, nous l'avons dj longuement dcrit plus haut la Confrence 237. Aprs notre bienheureux Pre saint Dominique, doit venir immdiatement dans son Ordre : 2 Saint Hyacinthe OIdrovans, polonais. Canonis par Clment VllI, en 1594, ce saint avait puis sa rgle de vie et son amour pour Marie auprs de notre bienheureux Pre saint Dominique, comme une source trs-pure. De l vient qu'il l'honora toujours avec beaucoup de ferveur. Outre les vendredis et toutes les vigiles des saints Aptres, il jenait aussi toutes les vigiles de la bienheureuse Vierge Marie au pain et l'eau. Tandis que les Tartares dvastaient la Russie et la Wolhinie, il se trouvait Kiew. Il entra dans une glise pour ter le trs-saint Sacrement de l'Eucharistie et le drober aux insultes des Barbares. Or, l'image de la sainte Vierge lui parla : Pourquoi, Hyacinthe, me laisses-tu toute seule? Pourquoi m'exposes-tu aux insultes des barbares? Pourquoi ne m'emportes-tu pas avec mon Fils? Ce qu'entendant, Hyacinthe, revtu des ornements sacerdotaux, prit d'une main la sainte Hostie et de l'autre une grande statue de la bienheureuse Vierge Marie en albtre. Puis, ne trouvant point de navire, il se confia aux eaux du Borysthne et traversa pieds secs, charg du poids d'une grande statue, ce fleuve qui est trs-profond et trs-rapide. La tradition veut qu'il ait port ce pieux fardeau de la statue de la Mre de Dieu

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Cracovic et qu'il l'ait dpose dans l'glise de son Ordre, ddie la trs-sainte Trinit. Ce trs-saint homme honora la sainte Vierge d'une si ardente affection qu'il mrita d'tre adopt pour fils par elle. Un jour de fte de l'Assomption de Marie, il priail, suivant sa coutume, avec beaucoup de ferveur, devant sa sainte image, Cracovie, dans l'glise de la trs-sainte Trinit et, dans l'ardeur de sa contemplation, fondait en larmes, lorsqu'il vit, en un instant, une lumire cleste se rpandre sur son autel, et au milieu d'une troupe d'Anges, leur Reine qui descendait et lui parlait en ces termes : Rjouis-toi, mon fils Hyacinthe, parce que tes prires sont agrables mon Fils, et, partant, tout ce que tu lui demanderas par mon intercession, tu l'obtiendras . A sa mort, on vit apparatre une grande multitude de Vierges, au milieu desquelles on en distinguait minemment une, revtue d'habits royaux, et on croit que c'tait la Reine du Ciel, la Vierge, Mre de Dieu. Cette foule accompagnait saint Hyacinthe dans les demeures ternelles, chantant avec suavil : J'irai la montagne de la myrrhe et la colline du Liban avec Hyacinthe . 3 Le bienheureux Ilermann. Compagnon de saint Hyacinthe, il Ht, en mmo temps que lui, profession dvie relgieuso entre les mains de notre bienheureux Pre saint Dominique, Rome, au couvent de sainte Sabine. Voil pourquoi il m'a paru bon de relater ici, immdiatement aprs saint Hyacinthe, sa pit envers la Vierge. La vie de la trs-sainte Vierge Marie tait toujours devant ses yeux. Admirant la capacit de ses entrailles, plus vastes que le Ciel, il les flicitait de 1 ir bonheur d'avoir port l'espace de neuf mois l'immensit de Dieu. < Il admirait son cur, parce qu'il avait ajout foi de trs-grands mystres qui dpassent l'intelligence des hommes et des Anges ; ses mamelles, parce qu'elles avaient allait celui qui nourrit toute la cration ; ses mains, qui avaient entour de langes celui qui est revtu de lumire ; ses bras, qui l'avaient port; ses lvres qui avaient imprim de chastes baisers sur le petit enfant vagissant. Enfin, chaque membre de la Vierge immacule, il contemplait, louait, et rcitait la1 3

Bzowski, un de Notre-Seigneur 1257. Svrin Lumbol. Vie de saint Hyacinthe.

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salutation anglique. De l'image extrieure de cette Vierge trs-belle il s'levait la contemplation beaucoup plus belle de son intrieur et admirait son incroyable foi, son humilit si profonde, Tardent incendie de son amour, sa puret plus qu'anglique, la modration de son esprit, la force de sa justice, et l'clat brillant de ses autres vertus intrieures. Il vnrait de plus l'clat de sa saintet que nulle crature n'avait jamais atteint, et, chacun de ses ornements de vertus, il rptait la salutation anglique, suivie de cette prire : Trs-doux Jsus, rendez-moi digne de louer des lvres, d'admirer de cur et de suivre d'imitation votre Mre et la mienne, belle par dessus tous *. L'ardeur de sa dvotion envers la bienheureuse Reine du Ciel alla mme si loin qu'elle se montra lui un samedi. Comme il tait peu loquent et peu intelligent, elle dlia sa langue bgue, lui donna une grande intelligence des critures, afin de le rendre propre au ministre de la prdication. La chose en vint au point que par sa science divinement infuse il dpassa les thologiens, et que, par son loquence extraordinaire, il laissa bien loin derrire lui beaucoup d'orateurs. 11 tait toujours prt prcher en latin, en allemand, en bohme et autres langues. Sa prdication produisait d'heureux fruits de conversion. Ses conseils avaient une telle ellicacil, une telle clart et une si grande facilit qu'il obligea je ne sais combien de pcheurs abandonner le mal commenc. Aprs avoir engendr un grand nombre de fils Jsus-Christ, il lit une sainte mort. Sur le point de mourir et d aller au Ciel, une croix d'or rayonnante apparut avec beaucoup d'clat au-dessus de l'glise et rendit un brillant tmoignage la saintet d'Herrnann, non moins qu' la croix de Jsus qu'il avait prche et porte dans son corps- .3

4 Saint Raymond du Pennafort. Avant de prendre l'habit de l'Ordre des Prcheurs, sa grande dvotion envers la Vierge Mre de Dieu lui avait valu une grande autorit auprs de tous et lui avait attir une grande rputation de saintet. Encore sculier et chanoine de Barcelone, il vnrait la Vierge, Mre de Dieu, avec une singulire affection de pit et travaillait de toutes ses forces promouvoir son* Bzowski, an 1245. * d. an de Notre-Seigneur 1245.t

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

culte. La fte de l'Annonciation tant peu solennise dans son glise, il obtint de l'voque et du Chapitre qu'elle fut clbre perptuit sous le rit double, et, comme il tait prvt, il attribua, sur les revenus de sa prvt, une rente annuelle distribuer aux chanoines qui. ce jour l, assisteraient l'office divin. A 48 ans, il embrassa l'institut de saint Dominique, parce qu'il n'en connaissait point de plus puissant pour briser les forces du dmon par la pit envers Marie, la Mre do Dieu, sous le patronage de qui il s'tait dj constitu client. Il ne cessait de l'invoquer, afin d'y trouver un refuge sr. La Mre de Dieu lui apparut, comme Jacques, roi d'Aragon, et Pierre Nolasque, dont saint Raymond tait le confesseur, et elle les avertit srieusement tous trois d'instituer en son honneur un ordre de Religieux qui auraient le soin de dlivrer les captifs de la tyrannie des Turcs. Nous en avons dj parl plus haut, en traitant des Religieux institus en l'honneur de la bienheureuse Marie. 5" Saint Thomas tVAqnin, Col astre tincelant de l'Ordre des Prcheurs et de l'glise universelle, qui brilla par son minente saintet non moins que par sa doctrine, donna, ds son berceau, un beau spcimen de sa future pit et dvotion envers la Vierge. Tout enfant, sa nourrice le mettait au bain, quand il ramassa par terre un papier qu'il tint violemment serr dans sa main, rsistant avec larmes aux efforts de sa nourrice qui voulait le lui ter. Sa mre seule parvint le lui onlc\er et y trouva la salutation anglique. Mais l'enfant se mit pleurer trs-lbrt, redemandant le papier. Quand il l'eut, il l'avala bien vile. Colle avidit prsageait qu'il serait plus lard le hraut de la pit, de la religion et do la dvotion envers la Vierge Mre de Dieu, ce que dmontra l'vnement. Devenu grand,il honora avec emprcssemenl la glorieuse Vierge cl montra cette piet dans les livres qu'il composa, principalement dans la troisime partie de sa Somme Thologique et dans son opuscule qui traite de la Salutation anglique. Il y dmontre son excellence singulire par-dessus tous les saints, le pouvoir minent d'obtenir tout ce qu'elle veut de son Fils et son incomparable dignit contre les diverses erreurs des hrtiques. Sa vie, comme ses crits, honore la trs-sainte Mre de

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Dieu, puisque, l'exemple de la Vierge des vierges, il garda toujours immacule la fleur de sa virginit. Il est certain que la trs-sainte Vierge lui apparut souvent brillante de lumire et claira son esprit . 6 Saint Vincent Fvrier. Nous avons dit plus haut de quel culte excellent il honora la Mre de Dieu, quand nous traitions des faveurs accords par la sainte Vierge l'Ordre des Prcheurs. 7 Saint Antonin, archevque de Florence. Il crivit de nombreux sermons la gloire de cette Vierge et, en son honneur, pratiqua une virginit perptuelle. Sur le point de rendre l'me, d'une voix affaiblie, il rptait avec infiniment de douceur : Sainte et immacule virginit, je ne sais de quelles louanges vous exalter. On ne sait, dit l'auteur de sa vie, s'il s'adressait la Vierge Mre de Dieu qui le visitait pendant sa lutte avec la mort, ou s'il se rjouissait d'avoir conserv son corps vierge et pur de toute corruption .1 3

Nous avons racont, la Confrence sus-nonce, combien tait grande l'affection de ce saint pour Marie et de quels dons il fut honor par elle. 9 Saint Louis Bertrand. Au mme endroit, nous avons montr combien il honorait avec soin la sainte Mre de Dieu. 10 Saint Rginaid d'Orlans. Marie elle-mme montra combien ce saint l'avait honore avec zle, quand, dans une grave maladie, elle le visita, accompagne des saintes vierges Catherine et Ccile, oignant d'huile sainte ses yeux, ses narines, ses lvres, ses mains et ses pieds, et lui rendant ainsi la sant. De plus, il lui montra l'habit dont, l'avenir, les Frres Prcheurs devaient se revtir. Nous avons dj relat le fait, d'aprs les chroniques de l'Ordre, la mme Confrence. 11 Le bienheureux Albert Je Grand. C'est l encore que nous avons suffisamment indiqu combien ce Bienheureux avait honor la Mre de Dieu par sa dvotion, ses crits , son zle promouvoir le culte de Marie et quelles faveurs et grces il en avait reues.8 Saint Pierre, martyr.5

Histoire de saint Thomas d'Aquin. - Suri us, Vie de saint Antonin. Le Lecteur pourra en juger en parcourant, ou mieux en tudiant avec attention la lihHn mariana dont nous donnons la traduction en appendice cet ouvrage. {Sole du Traducteur.)

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8

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CONFRENCES SUR LES LITANIES i)E LA SAINTE VIERGE.

12 Le bienheureux Jourdain. Ce fut un trs-fervent ami de la Mre de Dieu. Aussi mrita-t-il de la voir un jour de fle de la Purification, au commencement des Malines, l'Invitatoire : Voici que vient le Dominateur, le Matre, etc. C'tait Paris. Il vit la trssainte Mre de Dieu s'avancer avec son Fils vers l'autel majeur o tait dress un tronc. Kilo s'y assit avec Jsus, regardant doucementles F r r e s tourns, suivant la rubrique, vers l'autel.Quand les Frres s'inclinrent an Gloria Patri, elle prit la main droite de son Fils et1

bnit d'un signe de croix tout le chur . 13 Le bienheureux Henri Suso. Ce dvot serviteur de Marie la saluait souvent dans une cour et chantait ses louanges. Aussi mritat-il que les Anges lui apparussent souvent, chantant avec mlodie: Marie, l'toile de la mer, s'est leve aujourd'hui. Suso chantait quelquefois avec eux, tout entoure d'une lumire cleste et admis l'intimit des secrets clestes.-Le jour des calendes de mai et de celles de janvier, pendant lequel les mondains se livrent aux compliments,aux chansons, aux ftes et aux dissipations, lui chantait de douces

mlodies en l'honneur de Jsus et de Marie et lui demandait des dons meilleurs. Il dominait son corps par l'abstinence, la soif et les veilles, au point qu'il n'aurait plus pu prendre de nourriture ou de boisson, si la bienheureuse Vierjrc Marie ne l'eut rconfort avec une cleste liqueur. Parmi ses afflictions d'esprit, qui furent trsgraves, il fut souvent confort par les apparitions sensibles de la Mre de Dieu. La bienheureuse Vierge Marie mit un jour, par le seul clat de sa prsence, en fuite le dmon qui lui tendait des embches et se prparait diriger vers lui u n e flche pour le t u e r . 14 Le. bienheureux Rginald Aygellus. Il honorait la patronne de2

son Ordre avec une si grande affection que, dans l'espace d'un jour ou d'une nuit, il faisait mille gnuflexions, rcitant, chaque fois, l'oraison dominicale avec la salutation anglique*. 15 Le bienheureux Venturini de Ihrgame. Dans sa ferveur pour la sainte M'^re, quand il priait devant sou image, on le voyait s'leveri

Cht'fwitfnes de l'Ordre des Frres prMritr*. - Halinghem, Vi reux U'itri Suso, 23 j:nvior.. * Arfrx du bienheureux Rpginno fvrier.

REINE DES CONFESSEURS.

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de terre et on l'entendait converser avec elle. Tous les samedis, il prchait avec grand zle devant un immense auditoire les louanuos de la Mre de Dieu. On dit qu'il y a eu cinquante mille auditeurs ses sermons. Ceux que la distance empchait de le voir et de l'entendr;s'estimaient heureux de recevoir une de ses lettres, en tte desquelles il avait coutume d'crire: Jsus, mon amour; Are maris Stella,nau Au nom du Pre, etc. A la fin, il dessinait quelques-uns des instruments de la Passion de Jsus-Christ : la colonne, la croix, la lance, les clous. Les malades auxquels on faisait lire ou toucher ces lettres taient guris. A la Confrence 237, nous avons parl longuement de ce Bienheureux . 1G Le bienheureux Jacques Salomon. Encore dans le monde et en bas-ge, il rcitait tous les jours l'office de la sainte Vierge. A ses grces, aprs le repas, il ajoutait un Salve, Regina. Atteint d'un cancer douloureux qui lui dvorait la poitrine, il disait seulement : Que Jsus-Christ soit lou! Marie, Mre de grce, Mre de misricorde . 1 2

17 Le bienheureux

Tackcmanotl,

indien.

A la fin de sa vie,

il

vit Notre-Seigneur Jsus-Christ, la Mre de Dieu et plusieurs Bienheureux. Cette apparition remplit la chambre o il tait couch d'une suave odeur. On clbre sa fte dans les Indes le 18 aot \18 Le bienheureux Dominique de Portugal. La fin de sa vie

montra l'tendue de sa dvotion envers la sainte Vierge. En effet, sur le point de mourir, il vit cette divine Mre embrassant son Fils. Aprs sa mort, il apparut quelqu'un qu'il assura de sa vie en Dieu \ Pour apprendre la ncromancie, il avait conclu avec le dmon un pacte sign de son sang. Devenu religieux, il obtint par ses larmes, de la Mre de Dieu, que sa ccdule lui fut rendue par le dmon qui lui apparut visiblement. Il fit de tels progrs dans la vie religieuse que, la seule audition du nom de Jsus, il tait ravi en extase et admis jouir des dlices clestes. Pendant sa vie et aprs sa mort, il se rendit illustre par de10 Le bienheureux Gilles Poncellanus, portugais.Flaminius, Landre, etc. - Landre, De* Homme* illustres de f Ordre des Prcheur*. 3 Id. Ibid. * Michel Pie, Vie du hienhmreux Dominique.y 1

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CONFRENCE SUR LES LITANIES DK LA SAINTE VIERGE.

nombreux miracles. Il s'en fait encore aujourd'hui au moyen de la ceinture de fer avec laquelle il macrait son corps . 20 Le bienheureux Bernard, portugais. Pendant qu'il tait sacristain, il avait deux enfants qui venaient tous les jours l'glise des Prcheurs servir les messes. Gela fait, le bienheureux Bernard leur apprenait les rudiments de la foi et des belles lettres, et parfois les laissait dans un oratoire o il y avait une statue de la Mre de Dieu, portant l'Enfant Jsus, pour qu'ils tudiassent leurs leons. Or, ils prenaient souvent leur petit djeuner devant cette image, et, dans leur simplicit enfantine, ils invitaient le petit Jsus avenir manger avec eux. Chose merveilleuse ! le petit Jsus descendait des bras de sa Mre, s'asseyait ct d'eux et remontait ensuite vers Marie. Il fit cela longtemps quand, dans son aimable navet, un de ces enfants se plaignit au bienheureux que, tandis qu'ils apportaient tous lesjours leurs provisions, l'Enfant Jsus ne fournissait jamais rien et voulait toujours avoir sa part du djener. Bernard comprit ce que c'tait et il commanda, lorsque Jsus viendrait encore, de lui dire : Bel enfant, voil longtemps que nous partageons avec toi notre djener, pourquoi ne nous invites-tu pas, avec notre matre, frre Bernard, dner dans ta maison? Jsus leur rpondit qu'il les invitait tous deux avec frre Bernard et de se tenir prts pour la fte de l'Ascension *.1

21 Le bienheureux Maurice, hongrois. C'est une faveur spciale de la sainte Mre de Dieu qu'il dut de venir au monde. Sa mre avait, pendant quatre mois de grossesse, souiFert d'une fivre prolonge et elle dsesprait de la vie. Le moment d'accoucher approchant, elle vit en songe une dame revtue d'une robe blanche et de trs-belle apparence qui, par ses discours consolants, lui la toute crainte de mort, en lui annonant qu'elle mettrait au monde un fils plus illustre par la saintet que par la naissance. Elle lui recommanda seulement, au moment de ses couches, de munir son cur d'un signe de croix et de dire : a Bienheureuse Vierge, Mre du Christ, du sein de qui est n le Fils unique du Pre ternel, secourez-moi. Elle l'engagea en outre rpter souvent la salutation anglique. Maurice vcut trs-sainte1

Histoire fie rOrdre. * ntonin E LA. SAINTE VIERGE.

ments d'autel et des tentures pour les murs. Chaque semaine, il visitait les glises de Sainte-Marie Majeure et de Sainte-Marie du peuple. Malade et affaibli, il avait toujours le nom de Marie la bouche, assurant qu'elle l'assistait visiblement de jour et de nuit. Comme on lui demandait s'il craignait de mourir : Comment craindrais-je d'aller aux noces? On lui entendit souvent rpter cola, qu'il allait aux noces . A Saint Thomas de Villeneuve, arrherque de Valence.Il s'affligeait beaucoup de la charge piscopale, craignant, disait-il, d'tre exclu du nombre des Bienheureux, parce qu'il avait t du nombre'des prlats. Aussi, se prosternant devant l'image du Christ, il pleurait son sort. Un jour de la Purification, il prolongeait ses prires quand il entendit une voix partie de la statue lui dire : Tiens-toi tranquille, le jour de la Nativil, tu viendra** moi. La bouche du crucifix qui lui parla, et qui auparavant tait ferme, resta ouverte l'avenir et aujourd'hui encore on voit parfaitement apparatre des dents avec des dtails que les meilleurs sculpteurs assurent ne pouvoir tre reproduits par aucun artiste. P a u l V le batifia en 1618, accorda la permission de faire son office auxErmitesdeSainl-Auguslin, etcelaseulementdans les royaumes de Castille, d'Aragon, de Valence et do h\ Catalogne. Mais Grgoire XV Je permit tous les membres de l'Ordre, mme dans les Indes. 11 fut enseveli . Valence dans le monastre de Saint-Augustin, connu sous le nom de Marie scrourable. Les obsques furent suivies par quinze cents pauvres qui pleuraient la mort de leur pre, car il les aimait beaucoup, ce qui lui fit donner le surnom 'Anmonicr *.10

CARMES.

Cet Ordre clbre, depuis le commencement de son institution, a toujours vnr avec grand soin la Vierge, Mre de Dieu, sous l'invocation de qui il milite, et il a produit plusieurs excellents serviteurs de Marie. J'en citerai quelques-uns plus clbres. l Saint Albert, gloire de VOrdre des Carmes. 11 vint au mondeu

* Bdinsrhem, Chronique de FOrdre dm Ennitm, Vie de xtthd Thomas-de Yiffanevv, et xiv, 1 7 . St. Jrfurir, Livre contre Jminwn. St. Jean Chrysostme, Uv. I contre ceux qui blment la Vie monastique.6 6 7 e r

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3

REINE DES VIERGES.

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tien et Clment, pour cette prcieuse perle de la virginit, fut prcipit dans la mer o il consomma son martyre . 6 Le Pape saint Caus. Parent de l'empereur Diocltien, il avait confirm dans le dessein de garder sa virginit Suzanne, nice fiance par Diocltien Maximien, et il l'animait subir le martyre pour cette conservation. Il fut battu de verges comme Suzanne par Maximien, et priait pour empourprer sa couronne virginale du sang du martyre*. Ils furent suivis par une grande foule djeunes tilles qui, l'exemple de la Mre de Dieu, s'illustrrent par leur chastet virginale. Pour conserver la virginit, elles mprisrent les alliances, les biens, les richesses, les honneurs des rois, des princes et des grands. Elles subirent de nombreux travers, surmontrent de nombreuses difficults, affrontrent d'affreux tourments, et n'hsitrent mme pas subir la mort.1

Parmi ces vierges, il me parat bon de citer les suivantes : 7 Sainte Thcle. Issue d'une race illustre, lconium, cette disciple de saint Paul, par amour de la virginit, laissa son fianc Thamites, d'un nom fort illustre, des premiers de la ville, beau de forme et fort riche. C'est pourquoi son fianc, furieux, la fit condamner aux btes. Mais le respect de la virginit changea la nature de ces dernires. La brute lchait ses pieds, et se tranait en suppliante devant sa proie, n'osant point violer le corps sacr de la Vierge .3

8 Sainte Flicule. Cette Vierge, compagne de sainte Ptronille, ladite de saint Pierre, ne voulut pas pouser Flaccus, parce qu'elle tait consacre Jsus-Christ. Elle fut jete dans une prison tnbreuse, subit le supplice de la faim, et fut enfin place sur un chevalet o la violence des tortures la fit m o u r i r . 9 Sainte Valrie, vierge de Limoges. Convertie la vraie foi par saint Martial, l'un des disciples du Christ, elle voua sa virginit Dieu et refusa l'alliance d'Etienne, duc d'Aquitaine. Par l'Ordre de ce dernier, elle fut dcapite et son bourreau vit les anges emporter au Ciel l'me de la m a r t y r e .4 5

Dio, cit par Baronius, Vie de Domitien. Brviaire romain.-Surius, Vie de saint Caius. St. Arnbroise, Des Vierges, liv. II. * Martyrologe romain, 13 juin. Pierre de Natalibus, Catalogne, Uv. VI, chap. x x u .3

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

10 Sainte Polamienne. Celte Vierge, trs-belle de forme, soutint avec beaucoup de force un nombre presque infini de combats contre les assauts furibonds de ses amants. Aprs avoir subi d'horribles tourments pour la foi de Jsus-Christ, elle fut finalement brle vive avec Marcelle, sa mre *.iic

Sainte

Pitomne

(VAlexandrie.

Esclave d'un citoyen romain,

elle fut vainement sollicite au crime par lui. Alors, il l'accusa d'tre chrtienne. Mais elle prfra mourir dans la poix bouillante o on la plongea que de violer sa puret . i2 Sainte Agathe. Le prteur de Sicile, Quintianus, s'tant pris d'elle, ne put jamais parvenir la dtourner de la foi chrtienne ni de la virginit, quelque tourment qu'il employt cette fin et quoiqu'il lui fit amputer le sein. Elle dit ces paroles: A cause de ma fidlit conserver la chastet, j ' a i t suspendue au chevalet. Seigneur, mon Dieu, aidez-moi dans la torture que subit mon sein . 2 3

13 Sainte Anatolie. Cette Vierge ayant, par amour de la virginit, refus d'pouser Titus Aurlius qui elle tait fiance, fut chasse de Rome et, conduite devant le jardin de son fiance, elle y subit la faim et les privations et finit par tre transperce d'un glaive . 14 Sainte Victoire. Cette Vierge fut, par le secours de sainte Anatolie, conduite au dessein de garder sa virginit. Elle refusa de se marier au paen Eugne dont elle tait la fiance, ainsi que d'offrir des sacrifices aux idoles. Aprs avoir subi le tourment de la faim, avoir accompli plusieurs miracles, avoir gagn beaucoup de vierges Dieu et les avoir soigneusement leves, la demande de son fianc, elle fut frappe au cur d'un coup de glaive. Son bourreau prit misrablement au bout de six jours, dvor par les o u r s .4 5

15 Sainte Rosine et sainte Seconde, surs. Vierges romaines, elles refusrent l'alliance d'Armcntairc et de Verinnus, qui leurs parents les avaient fiancs, parce qu'elles avaient vou leur virginit Dieu. Rien, ni promesses, ni menaces, n'ayant pu les dtourner de leurs dessein, elles subirent un grand nombre de tourments et eurent la tte tranche .6

* Euwbe, liv. IX, chap. x. * Palladius, Histoire des Laures, chap. xi. Brviaire romain, 5 fvrier. * Surius, 9 juillet, Pierre de Natalibus, liv. II, chap. Lxxxiii. Martyrologe romain, 10 juillet.8 8 6

HEINE DES VIERGES.

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16 Sainte Basille. De race royale, cette Vierge refusa d'pouser Pompe, son noble fianc, disant qu'elle avait le Roi des rois pour poux. Pompe l'accusa d'tre chrtienne et la fit perce d'un glaive 17 Satiile Marguerite. Vierge d'Antioche, elle refusa l'alliance du prfet Hybrius qui l'aimait perdnment et aussi de sacrifier aux idoles. Sa tte ayant t tranche, elle rendit Dieu son me couronne de nombreuses victoires . 18 Sainte Dule. Servante d'un militaire, elle ne voulut pas consentir sa honteuse requte et mrita d'tre martyrise pour la conservation de sa chastet . J e pourrais citer encore bon nombre de vierges mentionnes au Martyrologe romain et dans de bons auteurs, si Pierre-Antoine Spinelli ne m'avait depuis longtemps rendu ce travail inutile par le sien. Dans un trait spcial, cet auteur a runi de toutes parts les noms des vierges des deux sexes qui n'ont pas hsit mourir pour dfendre la chastet; ceux qui, pendant les temps de paix, ont offert Dieu leur virginit sans effusion de sang .2 5 4

403 CONFRENCENOMS ET ACTIONS DE CEUX QUI, MALGR DE GRAVES TENTATIOXS ET DE MORTELLES ATTAQUES, oi\T VAILLAMMENT COMBATTU PAR AMOUR POUR LA CHASTET VIRGINALE. Sommaire. numration de noms et courte notice.

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I. Ds que la bienheureuse Vierge Marie, porte-drapeau de la virginit et premire avant-garde de cette milice de la puret, capitaine de ces lgions, et lev le blanc tendard de la virginit et le pieux drapeau d'une intgrit immacule, les vierges des deux sexes coururent ces camps sans tache et souffrirent avec un courage hroque d'affreux tourments pour la virginit, uniquement dsireux .de combattre sous les drapeaux de la virginale Mre de Dieu et de porterMartyrologe romain, 12 mai. Brviaire romain, 20 juillet. Martyrologe romain, 23 rnnrs. Voir en particulier les longs dtails des sections 3, 4 5 G et 7.v ; 1 2 3

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CONFERENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

ses blancs insignes. Pars d'une blancheur virginale et de la pourpre du martyre, ils s'avancrent dans les parvis clestes pour suivre l'Agneau partout o il ira et chanter devant le trne de Dieu le Cantique que nul autre ne peut chanter. Faisons apparatre quelques-uns de ces hros et tout d'abord : 1 Saint Niclas de Nicomdie. Aprs avoir subi d'affreux tourments pour la foi de Jsus-Christ, ce martyr fut, par Tordre du perscuteur, amen dans d'agrables jardins, parmi leslis blancs et les roses empourpres, plac sur un lit de plumes o on l'enchana avec des liens de soie pour qu'il ne put s'chapper. On voulait, au moyen des honteuses volupts charnelles et des charmes coupables, faire perdre la foi et l'amour du Christ celui que les chanes et les tortures n'avaient pu branler. Une courtisane de grande beaut s'avance et se met embrasser le chaste et saint jeune homme. Le soldat du Christ ne sait que faire, o se tourner. La volupt vaincrait-elle donc celui que les tourments n'ont pu vaincre. Enfin, inspir d'en haut, il mord sa langue, la coupe et la crache au visage de la courtisane. La grandeur de la douleur surpassa ainsi les commencements de la sensation .1

Il fit quelque chose de semblable ce martyr dont il est fait mention par Baronius , propos de la perscution de Dcius. Nicphore*, en racontant la perscution de Diocltien, dit qu'un ascte combattitdans une lutte semblable.2

A quatorze ans, il fut sollicit au mal par Abdaramcne, roi des Sarrasins. Sans hsiter, il donna du poing au visage de l'impudique monarque. Aussi, fut-il, par son ordre, dchir avec des pinces de 1er et coup petits morceaux. Puis, on le jeta dans le fleuve o il trouva la palme du martyre adjoindre la couronne de la virginit . Ainsi encore, deux frres mineurs, nomms l'un Sbastien et l'autre d'un nom qui ne nous a pas t conserv, furent sollicits au mal par des femmes impudiques pendant qu'ils qutaient de porte en porte. Sur leur refus obstin, ces malheureuses les touffrent .2 S a i n t Pelage, espagnol.4 5

Pierre de NaUlilms, liv. VIII, chap. LXX. - An 253. Liv. VII, chap. xni. Martyrologe romain, 20 j u i n . Chronique de xmnt Franois, III part., liv. I, chap. LVI.4 :i e

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3

M I N E DES VIERGES.

9&

Les amis et les serviteurs de la puret doivent apprendre de l combien il faut nergiquement combattre pour la chastet. La "Vierge, Mre de Dieu, porte l'tendard de la virginit afin d'apprendre tous ses dvots et tous les partisans de la virginit qu'ils ne sont point aux dlices ni au repos, mais bien aux combats et la guerre. Celui qui a l'intention de combattre sous le drapeau virginal de Marie, doit fuir les volupts charnelles, l'oisivet et la paresse. Toutes ces choses, en effet, ne peuvent subsister avec la puret. La virginit a besoin d'une haire aux durs et pres piquants. Elle est vigoureuse au milieu des armes, elle fleurit au milieu des combats. C'est pourquoi les anciens reprsentaient la virginit avec des armes, parce que la virginit fuit le repos et l'oisivet et combat attentivement parmi les ennemis qui l'attaquent de toutes parts. Aussi l'poux, admirant son pouse vierge, s'crie : Quelle est celle-ci qui s'avance comme une aurore naissante, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme une arme range en bataille. Pesez cette dernire expression, terrible comme une arme range en bataille. Qu'a donc faire une vierge faible et dlicate avec les camps? Qu'y at-il de commun entre une jeune fille et les combats arms? C'est pour vous apprendre que la virginit doit tre arme, qu'elle doit toujours camper, toujours tre sous les armes, toujours en activit et jamais oisive ou dsarme. La gentilit, malgr les nombreuses erreurs qui la trompaient, l'avait symbolise de la sorte. Elle mrite d'tre inscrite sur l'or et le cdre, cette sentence de saint Augustin : Parmi toutes les luttes des Chrtiens, les plus dures sont celles de la chastet. La lutte y est continuelle et la victoire rare. Saint Bonaventure confirme la mme chose dans un de ses opuscules, en disant : Je suis vque et je parle en Jsus-Christ ; croyez-m'en, car je ne mens point. J'ai vu les cdres du Liban, je veux dire les hommes que leur contemplation rendait grands, les prlats de l'glise tomber sous cette illusion. J'ai vu tomber ceux dont je n'aurais pas plus souponn la chute que pour Jrme et pour Ambroise. 1

* Livre Ou Combat

chrtien.

96

CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

Quiconque donc combat sous les tendards de la Vierge, quiconque pratique la chastet virginale doit remarquer ce que dit Jsus-Christ : Ceignez vos r e i n s . Autrefois, le soldat devait toujours porter la ceinture et celui qui la dposait tait regard comme un lche, selon l'indication de Tacite . De mme, le soldat chrtien doit tre ceint du baudrier de la chastet, insigne del milice chrtienne, l'exemple des Saints sus-nomms; il doit combattre nergiquement pour elle, s'il veut tre un soldat vaillant sous le drapeau de la Vierge, Mre de Dieu, comme l'ont t ceux que nous avons dj numrs plus haut et qui ont t si nergiquement combattus. En voici d'autres.! s

404* CONFRENCENOMS DE CEUX QUI, PAR AMOUR DE LA CHASTET VIRGINALE, SE SONT INFLIG DE CRUELLES TORTURES AFIN I)K REPOUSSER LES ASSAUTS DE LA CHAIR.Sommaihe. K n u m r a t i o n d e n o m s et c o u r t e n o t i c e .

I. La virginit a ses bataillons, ses armes et ses camps. Il doit donc endurcir son esprit et son cur, s'accoutumer aux prets, celui qui dsire tre inscrit en celte milice. La bienheureuse Vierge les appelle au combat et c'est elle, avons-nous dit, qui lve l'tendard. Qu'il soit considr comme transfuge celui qui refuse le combat, qui fuit les difficults; il mrite d'tre effac de cette milice, celui qui ne se fait pas violence : ils le surent ceux qui la virginit fut chre. Voil pourquoi ils acceptaient spontanment de cruelles tortures pour teindre le feu des volupts charnelles. 1 Le prtre Appelle. Un jour que, dans la solitude, il fabriquait quelques ouvrages de serrurerie (il avait t forgeron autrefois) l'usage des moines, le dmon lui apparut sous la forme d'une femme qui le provoquait la luxure. Mais, saisissant une barre do fer rougie, il se brla tout le visage. A partir de ce moment, il pouvait impunment prendre la main, sans se brler, un fer r o u g i . Voyez donc comme le fer lui-mme reconnat l'empire de la virginit, puisqu'il n'ose pas31

S t , Luc., x u , 3 5 . - L i v . X I . ^ P a l l a d e , Hishnre tbv Laurex, c h a p . LV.

REINE DES VIERGES.

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mme brler les vierges, comme il le fit autrefois, sous Nabuchodonosor, quand il respecta si compltement les trois enfants jets dans la fournaise ardente. 2 Qu'il paraisse aussi dans cette numration, ce solitaire de la Basse-gypte, clbre par sa saintet. Une courtisane, suborne par quelques insolents, lui fut envoye. Elle vint sa cellule, sur le soir, comme si elle se fut gare, et supplia l'homme de Dieu avec larmes de lui donner l'hospitalit pour la prserver des btes sauvages pendant la nuit. Le Saint, l'ayant reue, commena de sentir les violentes tentations de Satan. Aussitt, il claire sa lampe et se disait intrieurement : a Voyons, si je pourrais maintenant supporter le feu de l'Enfer que mritent les fornicateurs. Il mit donc le doigt dans le feu et le laissa brler; mais, la concupiscence charnelle tait si vive en lui que cela ne pouvait l'teindre; aussi continua-t-il jusqu'au matin brler ses autres doigts. Ce que voyant, la malheureuse femme fut saisie d'horreur et mourut. Le matin, ceux qui l'avaient envoye tant venus la chercher, le Saint pria et la ressuscita. Elle se convertit et mena depuis une vie chaste devant Dieu. 3 Saint Franois. Ce fondateur de l'Ordre des frres Mineurs fut tent une nuit par d'impudiques courtisanes. Il tendit sur le sol des charbons ardents pris un foyer voisin et, s'y couchant de tout son long, il invita une de ces malheureuses en faire autant. Cela convertit la pcheresse . On raconte qu'il fit la mme chose en Egypte o il s'tait rendu pour convertir le sultan. Une nuit, une femme sarrasine, dbauche, l'ayant provoqu au viol, il se jeta dans le feu qui brlait non loin de l et la convia ce mme lit. La malheureuse, voyant ce miracle, reut avec le baptme la foi de Jsus-Christ et, comme une autre samaritaine, elle convertit plusieurs sarrasins la foi de JsusChrist *. Dans un autre temps, le mme saint patriarche, se trouvant violemment agit par une tentation charnelle souleve en lui par le dmon, dposa sa tunique, se frappa coups de corde et plongea son corps!

Chronique des Mineurs, chap. LXI. chap. LVII. VI

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2

Chronique de saint Franois, liv. II, 1

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CONFRENCES

SUR

LES

LITANIES

DE

LA

SAINTE

VIERGE.

tout nu dans un grand tas de neige. P u i s , formant sept monceaux d* neige, comme si c'taient sa femme, ses enfants et ses domestiques, il vainquit la tentation. Une autre fois, il se plongea dans un trou rempli de glace pour soumettre parfaitement l'ennemi domestique et prserver le blanc vtement de la pudeur des feux de la volupt, croyant qu'il valait mieux supporter un grand froid dans sa chair que sentir dans son me lesardeurs de la passion charnelle 4 Saint Benoit. Ce grand fondateur et propagateur de la discipline monastique, en Occident, vit un jour rapparatre devant sa mmoire l'image d'une femme qu'il avait vue quelquefois. Le dmon lui suscitait cette tentation pour qu'il songet aussi abandonner le dsert. Mais la grce divine vint son secours et, dpouillant sa tunique, il jeta ses membres nus sur les pointes d'pines; il s'y roula longtemps et en sortit tout bless, mais aprs avoir teint le feu impur qui brlait au-dedans. 5 Saint Bernard, abb de Clairvaux. Encore engag dans les liens de la vie de ce monde, il regarda une fois trop curieusement une femme. Mais bientt, tout couvert de confusion, il se jette jusqu'au cou dans un tang d'eau glace et y demeura jusqu' ce que l'effet du froid apaist la chaleur de la concupiscence charnelle, avec la grce de Dieu .2

6 Le bienheureux ominique. Il ne s'agit point du fondateur de notre Ordre, mais de l'un de ses disciples, excellent orateur. Aprs avoir prch avec beaucoup d'nergie contre les vices de la chair, de jeunes libertins, mprisant ses paternels avertissements, l'attaqurent par ruse. Avec la connivence du roi de Castille, ils lui envoyrent une courtisane habile qui le solliciterait au mal et verrait s'il tait vraiment chaste. La louve le vit et, admirant la constance du Saint, elle tomba dans une vraie stupeur, quand elle l'aperut couch sur u n lit de charbons ardents et l'entendit l'inviter entrer dans ce lit, digne d'une uvreaussi abominable que celle laquelle elle le sollicitait* Les gardes du roi, spectateurs du fait, voyant le saint homme tendu sur des* St. Bonaventur, Vie de saint Franois, chap. v, a Vie de saint Bernard.

REINE DES VIERGES.

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charbons ardents sans aucune brlure de corps ni d'habit, sur Tordre royal, eussent brl vive la courtisane, si les prires du Bienheureux ne l'avaient dlivre de ce pril. Tel est le rcit de Thomas de Cantimpr *. Voyez donc la puissance de l'empire de la chastet et de la puret virginale qui enchane mme le feu qui peut tout dompter et rprime sa vertu. Il est vraiment digne d'un tel empire celui qui suit la chastet, honore la pudeur, aime la virginit et teint en lui-mme le feu de la luxure. Regardons par consquent la Reine des vierges, suivons les traces de Marie, vnrons par le culte de la chastet sa couronne virginale. Soumettons le feu l'empire de la chastet. Ayons soin d'teindre en nous le feu de la luxure, afin de ne point sentir finalement cet incendie ternel de l'Enfer, grce l'intercession de cette trs-digne ViergeMre. Ainsi soit-il. 405* CONFRENCENOMS DE CEUX QUI, PAR AMOUR DE LA VIRGINIT, ONT COURAGEUSEMENT ET TRS-HABILEMENT REPOUSS LES ATTAQUES IMPURES.SOMMAIRE.

1. numration de noms et courte notice. 2 . Conseils divers.

I. La virginit est u n e chose prcieuse. C'est pourquoi ceux qui l'ont aime ont combattu avec d'habiles manuvres et de courageux efforts en sa faveur. 1 Saint Louis, vque de Catalogne. Il tait aussi beau de corps que pudique. Une reine de France l'ayant invit, en lieu opportun, une chose honteuse, il la regarda d'un il indign et la repoussa. Or, cet il, aprs plus de quatre cents ans, restait encore ouvert et conserv. Jean de la Fert, abb des Chanoines rguliers, le vit briller comme un beau cristal, lors de l'exhumation de son cadavre. Notre Thomas de Cantimpr le raconte pour l'avoir appris de ce dernier et il le consigne dans ses c r i t s .2

* Abeilles, liv. II, chap. xxx, n 45. M., liv. II, chap. xxx, 33.

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CONFRENCES SUR LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE*

son adolescence, sa grande beaut le fit vivement solliciter par diverses femmes auxquelles il rsista toujours trs-fortement. Une fois, avec ses compagnons, il lui arriva de recevoir l'hospitalit chez une grande dame qui le vint trouver pendant la nuit. Bernard, l'entendant venir, se mil crier au voleur et l'carta ainsi trois reprises *. 3 Saint Edmond, vque de Cantorbry. Tout jeune encore, il tait souvent provoqu au mal par les gestes, puis par les appels verbaux de la jeune fille de son htesse. Ennuy de cette importunit, il pia le moment de sa venue et, lui faisant ter ses vtements de dessus, il la flagella bel et bien grands coups de nerf. A partir de ce moment, la jeune fille n'eut plus de tentation . 4 Saint Thomas d'Aquin. Lumire de l'glise, gloire de l'Ordre des Prcheurs, cet adolescent fut enlev du couvent de l'Ordre par sa mre et ses frres et conduit la citadelle de Gasteljean pour changer de rsolution. Une femme ayant t introduite auprs de lui pour souiller sa puret et, se sentant un peu mu par ses caresses, il se recommande Jsus-Christ et sa mre. Puis, prenant dans le feu un tison, il mit en fuite l'impudique prostitue . 5 Saint Vincent Ferrier. Ce prdicateur admirable de l'Ordre illustre des Prcheurs fut aim par une femme qui l'appela pour entendre sa confession. Elle le sollicitait au crime et le Saint, qui excrait toute espce de volupt charnelle, rprimanda fortement l'impudence de cette malheureuse et la laissa. Alors, elle voulut crier contre l'homme de Dieu, comme s'il et essay de lui faire violence. Mais le dmon s'empara d'elle et commena la molester trs-violemment. Quand on l'adjurait, il rpondait qu'il ne sortirait pas sans l'arrive de cet homme qui, au milieu du feu, ne s'tait point brl. Lors donc que saint Vincent arriva, le dmon, poussant u n hurlement terrible, disparut .2* Saint Bernard.Pendant2 3 4

6 Saint Christophe, martyr. Au moyen de l'clat divin dont brillait son visage, il convertit Nicta et Aquilina, deux surs envoyes pour le provoquer la volupt et l'exciter impudemment au> Surius, Vie de saint Bernard. 2 f / Vie de saint Edmond. St. Antonin, Histoire, 111 part., tit, XXIII, chap. vu. * Surius, Vie de saint Vincent.f tj 3

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