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Conférence de presse...Conférence de presse Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements Vendredi 23 septembre 2005 CNRS, Paris Sommaire - Sujets développés pendant

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Conférence de presse Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements

Vendredi 23 septembre 2005

CNRS, Paris

Sommaire - Sujets développés pendant la conférence de presse :

- « Crime et précarité économique et sociale » par Hugues Lagrange, Observatoire sociologique du changement (CNRS, IEP Paris) - « 1972-2002 : évolution et spécificité de la délinquance juvénile » par Francis Bailleau, Groupe d'analyse du social et de la sociabilité (CNRS, Paris 8) - « Police, justice et discriminations » par Fabien Jobard, Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS – Ministère de la Justice) - « Ordre social et répression pénale » par René Levy, CESDIP - « Crimes et société » par Laurent Mucchielli, CESDIP - « Quarante années de recherche sur le crime et l’insécurité », le témoignage de Philippe Robert, CESDIP - Les intervenants - Autres exemples de recherches autour du crime et de l’insécurité :

- « Prison : récits de vie de détenus» par Gilles Chantraine, CESDIP - « Une américanisation de la police française ? » par Emmanuel Didier, CESDIP - « Relation entre abandon scolaire et délinquance » par Maryse Esterle Hedibel, CESDIP - « Les délinquances économiques et financières et leur contrôle » par Thierry Godefroy, CESDIP - « Les enquêtes de victimation » par Renée Zauberman, CESDIP - Le Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN) - Les laboratoires de recherche du CNRS travaillant sur le crime et l’insécurité - « La délinquance au cœur du débat », Le Journal du CNRS - septembre 2005 - Programme du colloque international « Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements », Versailles, 29 septembre au 1er octobre 2005

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Crime et précarité économique et sociale Dans l’histoire de la criminalité, deux périodes se distinguent nettement dans le second après guerre. La première, qui s’étend de 1950 à 1975-80, est marquée par une croissance forte des atteintes aux biens. La seconde, qui va de 1980 à 2005, est marquée par une croissance des violences. Les ressorts de la délinquance et du crime au cours de ces deux périodes diffèrent donc fortement. Les causes de la délinquance et ses acteurs. L’augmentation des opportunités criminelles, dont témoigne l’accroissement des prix à la consommation, a un effet marqué sur la délinquance et la criminalité pendant la période 1950-75 où elle influe sur les vols, plus que sur les violences. Si les vols avec violence et les coups et blessures présentent plus d’autonomie par rapport à la conjoncture économique que les prédations, ils augmentent aussi avec l’inflation. Au cours des Trente glorieuses (de 1945 à 1975), c’est l’effet d’opportunité criminelle qui domine. Depuis 1975 les taux des infractions - à la fois violences et vols - évoluent en phase avec le taux de chômage des jeunes. Entre 1975 et 1985, les taux d’infractions s’élèvent avec ce taux de chômage ; entre 1985 et 1989 ils diminuent suivant l’amélioration relative de la situation de l’emploi ; enfin, entre 1989 et 1998 la détérioration renouvelée de l’emploi des jeunes correspond à une remontée des atteintes. Pour les jeunes sans diplôme, l’incidence du chômage est plus forte et intervient plus précocement que pour les diplômés. C’est donc la situation des plus démunis de qualification qui est en phase avec l’évolution des vols et des violences. Le développement du chômage des jeunes dépourvus de diplômes est un facteur qui a favorisé à la fois la délinquance d’appropriation et les violences. Ce phénomène a été masqué partiellement dans les périodes où la rétention dans l’appareil scolaire a limité la disponibilité pour la délinquance des jeunes les moins diplômés. Contrairement à certaines déclarations de responsables politiques, la délinquance violente n’a pas diminué au cours des dernières années, précisément parce que les facteurs qui la stimulent, notamment le déficit d’emplois accessibles aux jeunes les moins diplômés, n’ont guère évolué. Du fait qu’ils subissent davantage ce chômage, qu’ils ont une moindre réussite scolaire et que le processus de ségrégation spatiale qui s’est développé dans les années 1980 à 1999 a conduit à une concentration des familles pauvres dans les « cités », les jeunes issus de l’immigration africaine ont pris une part importante dans la délinquance au cours des deux dernières décennies. L’ « ethnic divide » (division selon l’ethnicité) reflète au fond une rupture sociale qui s’inscrit de manière privilégiée dans l’espace. Mais à taille de fratries, de niveau d’éducation des parents et de résultats scolaires en primaire égaux, l’implication des jeunes issus de l’immigration dans la délinquance, n’est pas plus significative.

La probabilité d’être victime d’une violence est plus élevée dans les communes pauvres que dans les communes riches La probabilité d’être victime d’une violence est 2 à 3 fois plus élevée à la fin du 20ème siècle lorsqu’on habite une commune pauvre que lorsqu’on habite une commune riche. Ces probabilités étaient sensiblement égales en 1978 et il est peu probable que les différences récentes de propension à la plainte rendent compte de cet écart.

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L’augmentation des violences enregistrées par la police entre 1978 et 2002 résulte d’une augmentation des déclarations des habitants des villes pauvres et non de l’ensemble des villes. Au cours des années 1990, la propension à la plainte pour des violences physiques (pas nécessairement qualifiables de délits) a augmenté de 13 points de pourcentage parmi les ouvriers, pendant qu’elle baissait de 20 points parmi les cadres. En moyenne, le taux de plainte pour ces atteintes ne connaît pas d’évolution tendancielle affirmée sur la période 1994-2001. De ce fait, l’évolution des plaintes ne peut expliquer l’accroissement des « coups et blessures » enregistrés par la police au cours de cette période qui est de l’ordre de 50%.

De la fin des années 1970 au seuil des années 1980, la délinquance des villes, selon qu’elles sont riches ou pauvres, diffère non seulement en niveau mais aussi par sa composition. Les prédations - vols et cambriolages - n’ont pas une incidence apparente plus élevée dans les communes pauvres que dans les communes riches (situation mesurée ici en termes fiscaux par les taxes communales par habitant). En revanche la fréquence des violences est presque toujours plus élevée dans les communes pauvres.

Divergences des dynamiques des violences et des prédations selon le degré de richesse des communes des trois départements d’Ile de France

Contact : Hugues Lagrange CNRS - Observatoire sociologique du Changement Mél : [email protected]

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1972-2002 : évolution et spécificité de la délinquance juvénile

La prédation de masse chez les jeunes délinquants est-elle directement imputable à la consommation de masse ? A partir des statistiques disponibles au niveau du Ministère de l'intérieur, le sociologue Francis Bailleau apporte un éclairage scientifique sur l’évolution et la spécificité des comportements délinquants juvéniles. Francis Bailleau a suivi les évolutions des principaux délits enregistrés par la police et la gendarmerie lors de ces trente dernières années (1972-2002) sur l'ensemble du territoire métropolitain. Il s’est appuyé dans un premier temps sur l’opposition issue du recueil statistique du Ministère de l'intérieur concernant : « les délits pour s'approprier des biens » et « les délits contre les personnes ou les biens ». Neufs rubriques du relevé statistique du Ministère de l'intérieur couvrant entre 63 et 76% des faits enregistrés annuellement sur la période ont été systématiquement relevés une année sur quatre afin de disposer d'une matrice cohérente sur la durée (cf tableau ci-dessous). Un des objectifs des analyses faites à partir de cette matrice était de comprendre l'évolution de la nature des actes délinquants enregistrés, concernant les mineurs, qui sont en forte augmentation. Ces trente dernières années, ils ont été multipliés par trois, alors même que le poids démographique des classes d'âge concernées s'était réduit. La transformation de la structure de la délinquance : de la délinquance « pour les biens » à la délinquance « contre les biens ou les personnes » Une baisse significative des délits d'appropriation à partir du milieu des années quatre-vingt Globalement, la liaison « prédation de masse-consommation de masse » ne se vérifie pas dans le cas de la délinquance des mineurs (cf schéma 5 ci-dessous). On assiste, au contraire, à une baisse régulière des délits d'appropriation, liés à la consommation ou à la jouissance d'un bien. Dans cette enquête, les "délits pour les biens" couvraient, en début de période, la moitié des faits de délinquance enregistrés. En fin de période, ils ne représentent plus qu'un peu plus d'un quart des délits enregistrés. Cette évolution sur la longue période est le fruit, au-delà de l'augmentation générale constatée, d'une transformation de la structure de la délinquance qui s'amorce au milieu des années quatre-vingt pour aboutir à la fin des années quatre-vingt-dix à une inversion. A l'aube du XXIème siècle domine la délinquance contre les biens ou les personnes au détriment de la délinquance pour les biens. Les faits "contre les autorités, les institutions" et les délits "contre les personnes" sont en forte augmentation Pour comprendre cette évolution, Francis Bailleau a redistribué les neuf items du départ en trois sous-rubriques afin d'affiner l'analyse (cf schéma 11 ci-dessous) :

1. Délinquance d'appropriation (Vols à l'étalage, vols de véhicules, cambriolages, vols avec violence)

2. Délinquance contre les personnes (coups et blessures volontaires, mœurs) 3. Délinquance contre les autorités, les institutions (dégradations et destructions,

violences et outrages, toxicomanie) On constate que les faits "contre les autorités, les institutions" ont connu, à partir des années quatre-vingt, une croissance nettement supérieure à celle des autres faits. Ils alimentent la croissance régulière de l'ensemble de la délinquance constatée sur la période, même si, à

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partir de la seconde moitié des années quatre-vingt dix, on note une progression rapide des délits "contre les personnes". En fin de période, les faits de délinquance les plus souvent relevés sont principalement le fruit des relations difficiles, des contacts violents entre les jeunes et les autorités ou les institutions. La recherche frauduleuse d'une appropriation d'objets, d'une utilisation illicite de moyens de locomotion ou d'une consommation de biens matériels qui caractérisaient les actes de délinquance commis par les jeunes et enregistrés par les services de police ou de gendarmerie en début de période n’est plus dominante en fin de période. Le problème posé concerne la capacité de la justice pénale à endiguer ces phénomènes qui relèvent plus d'une contestation collective de l'ordre social que d'infractions à l'ordre social. L'histoire, en particulier celle de la seconde moitié du XIXème siècle, a démontré la non pertinence de ce type de stratégie de "pénalisation du social". Le traitement policier puis judiciaire de faits - individuels ou collectifs - relevant plus du refus d'un ordre social perçu comme non-légitime que d'un comportement délinquant, est voué, à plus ou moins long terme, à l'échec.

Délits retenus

Sources : Ministère de l'Intérieur Années 1972-2002 Pour les biens 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2002 Vols à l'étalage 8.075 9.839 15.793 16.013 12.876 13.668 15.422 18.451 17.373 vols voit.+2 roues 15.337 15.309 18.382 17.476 13.419 13.665 14.852 11.253 11.003 Vol avec violence 1.319 1.995 2.988 3.416 3.272 3.883 7.174 9.262 8.479 Cambriolages 7.761 8.578 15.247 17.545 14.437 13.091 16.122 10.957 12.135 Total sous-rubrique 32.492 35.721 52.410 54.450 44.004 44.307 53.570 49.923 48.990 Contre les biens, les personnes.

1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2002

coups, blessures vol. 2.026 1.937 2.777 2.729 2.926 4.418 8.717 13.300 14.875 mœurs 1.769 1.209 1.306 1.158 1.324 1.476 2.580 3.816 4.611 Stupéfiants 1.059 640 1.204 2.492 8.519 12.416 11.354 18.920 18.862 Destruc/dégradations 4.208 4.242 7.317 7.803 9.916 11.504 15.965 21.552 22.755 Violences/outrages 0 735 1.155 984 675 1.357 2.555 4.717 5.443 Total sous-rubrique 9.062 8.763 13.759 15.166 23.360 31.171 41.171 62.305 66.546 Total délits retenus 41.554 44.484 66.169 69.616 67.364 75.478 94.741 112.228 115.536Ensemble des délits

59.294 70.731 104.292 105.027 92.143 98.864 143.824 172.256 180.382

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1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 20020

102030405060

Contre les personnes, les biensPour les biens

Sources : Ministère de l'IntérieurSchéma n°5

1972-2002

Evolution du poids relatif des délits retenus par sous-rubriques

1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 20020

250

500

750

1000

Ensemblecontre les autoritésContre les personnesAppropriation

Sources: Ministère de l'IntérieurSchéma n° 11

1972 - 2002

Evolution des trois catégoriesconstruites

Contact : Francis Bailleau CNRS - Groupe d'analyse du social et de la sociabilité Tél : 01 40 25 12 15 Mél : [email protected]

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Police, justice et discriminations Etude quantitative sur les outrages, rébellions et violences

à agents de la force publique Un constat : la justice est plus sévère envers les étrangers On analyse depuis longtemps en France la surreprésentation des étrangers à divers stades de la chaîne pénale : en 1999, les étrangers représentaient moins de 6% de la population présente sur le territoire français, mais 19% des personnes interpellées, 16% des personnes condamnées, 30% des condamnés à des peines de prison ferme et 52% des condamnations fermes de cinq ans ou plus. La sévérité de la justice face aux étrangers serait croissante à mesure que la décision s’oriente vers la privation de liberté. Pour autant, on ignore les facteurs qui déterminent une pareille orientation. De plus, compte tenu de l’état de la statistique administrative, on ne dispose pas de données relatives aux personnes issues de l’immigration, bien plus nombreuses en France que les étrangers eux-mêmes. Si l’on ajoutait aux proportions d’étrangers les proportions de fils d’étrangers dans ces statistiques, les écarts seraient plus grands encore. Ces différences observées, si massives soient-elles, renvoient-elles à des différences d’infractions commises, constatées ou jugées ? Qu’en est t-il réellement ? Analyse d’un type d’infraction particulier : les infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique (IPDAP)1

Des prévenus de plus en plus jeunes Fabien Jobard a collecté un seul grand type d’infractions, les infractions à personnes dépositaires de l’autorité publique (IPDAP), sur un seul Tribunal de grande instance (TGI) de la grande banlieue parisienne où il enquête régulièrement, la tension y étant particulièrement vive entre police et jeunes des cités. Il a étudié plus de 1500 affaires jugées de 1965 à 2003 et travaillé, grâce à un indicateur construit à partir des lieux de naissance et des patronymes, sur les discriminations entre les groupes d’origine des personnes jugées. Ses résultats : si 50% des prévenus avaient moins de 30 ans durant la période 1985-94, l’âge médian est tombé à 26 ans durant les deux périodes suivantes. A cette information propre au tribunal correctionnel, ont été ajoutées des données provenant du Tribunal pour enfants. L’âge médian tombe alors à 22 ans, 75% des prévenus ayant moins de 30 ans. Les prévenus de ce type d’infractions sont donc en grande majorité des prévenus jeunes et très jeunes.

Les groupes « Maghrébins » et « Afrique » surreprésentés Ayant regroupé les prévenus selon les types de patronymes et les lieux de naissance, Fabien Jobard a recensé un peu moins de 18% de prévenus relevant du groupe « Maghrébins », 8,2% relevant d’un ensemble formé des groupes « Afrique » (« nés Afrique » et « nés DOM-TOM »), 11% de prévenus du groupe « Europe du sud ». Le groupe « Autres» (essentiellement formé de prévenus nés en France portant des patronymes chrétiens francophones) rassemble plus de la moitié des prévenus (54%). On note des

1 L’IPDAP est un bon sismographe de la tension entre jeunes et policiers. Les chercheurs ont noté une fréquence de plus en plus élevée des jugements pour IPDAP (moins d’une affaire par mois en 1965, entre 4 et 10 entre 1975 et 1994, entre 16 et 20 entre 1995 et 1999, et entre 30 et 37 de 2000 à 2003), témoignant d’une tendance de longue durée et d’une vive accélération de cette évolution sur les quatre dernières années, illustrant les tensions observées sur le terrain.

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proportions supérieures de prévenus ne relevant pas du groupe « Autres » durant les années 1995-2003 : 40,3% de prévenus de ce dernier groupe, 24,9% du groupe « Maghrébins », 20,4% des groupes « Afrique ». Autre indicateur d’évolution récente : parmi les prévenus de juridictions pour mineurs, la part des « Autres » est de 32%, celle des « Maghrébins » de 38%, celle des « Afrique » de 28%. La part de ces deux derniers groupes, et en particulier des mineurs, dans les prévenus d’IPDAP est considérable dans la dernière décennie, attestant d’une tension indéniable entre la police et les jeunes relevant de ces groupes. Une justice française discriminatoire ? Un simple regard sur la nature des peines prononcées selon les groupes de prévenus permet d’attester d’une discrimination indéniable, pour autant que le terme « discrimination » soit entendu au sens strictement statistique. En effet, si 17% seulement de l’ensemble des peines prononcées pour IPDAP sont des peines d’emprisonnement ferme, ces peines frappent 27% des prévenus du groupe « Maghrébins » et 11% du groupe « Autres ». Cette différence atteste-t-elle d’une discrimination, au sens cette fois politique du terme ? En réalité, la plus forte part des différences s’explique par une différente « distribution » des infractions selon leur nature dans les groupes d’origine. Ainsi, le quart des « Maghrébins » et le sixième des « Autres » sont jugés pour outrage-rébellion ou pour violences (les proportions s’inversent pour l’infraction d’outrage), or ce sont ces deux infractions2 qui sont le plus souvent sanctionnées par des peines de prison ferme. Les autres différences s’expliquent d’abord par les modes de comparution : on trouve chez les prévenus du groupe « Maghrébins » une plus forte proportion de comparutions immédiates, témoignant d’une plus forte proportion de « récidivistes ». Il s’explique ensuite par le type de jugement : c’est dans le groupe des prévenus « Maghrébins » que l’on trouve le plus de prévenus absents à l’audience (« jugements réputés contradictoires »), circonstance suscitant traditionnellement la sévérité des juges. L’écart spectaculaire entre les condamnations visant les membres du groupe « Maghrébins » et les « Autres », s’explique par de typiques effets de composition. Ces deux groupes, que l’origine distingue de prime abord, présentent des profils judiciaires différents. Or, c’est en fonction de ces profils que les juges prononcent les sanctions. Au final, en ce qui concerne les décisions pénales, une discrimination statistique est constatable, mais pas une discrimination directe. Juridiquement, si l’on considère les textes du Conseil de l’Europe3 il y a bien « discrimination indirecte », c'est-à-dire empilement de décisions successives qui, agrégées, produisent l’écart constaté. L’apport de l’analyse des décisions civiles L’analyse des décisions civiles relève d’une autre logique. Détournant le sens même de l’infraction à autorité publique, les policiers (encouragés en cela par divers signaux législatifs) se sont constitués partie civile dans ce type de contentieux, formulant des prétentions au dédommagement de préjudices moraux. Pour 100 prévenus d’IPDAP en 2000-2003, on compte ainsi 87 policiers parties civiles (PC). Fabien Jobard a également examiné si les constitutions de partie civile étaient uniformément réparties selon les groupes de prévenus. Là encore, les membres du groupe « Maghrébins » sont particulièrement visés : 45% d’entre eux voient au moins un policier se constituer partie civile, contre 24% des « Autres » (71% des « DOM-TOM », 44% des « Afrique »). Là encore, il faut prendre en

2 L’outrage conduit à l’emprisonnement ferme dans 10% des cas, l’outrage-rébellion dans 20% des cas, les violences à agents dans 30% des cas. 3 La directive « Race » de 1996 – JOCE 19.07.2000

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compte l’effet « nature d’infraction » puisque les policiers se constituent plus volontiers partie civile quand l’infraction constatée est un « outrage-rébellion ». Les analyses combinées de variables montrent alors qu’il y a en effet surreprésentation de partie civile lorsque le prévenu est du groupe « Maghrébins » et jugé pour « outrage-rébellion », mais cette valeur du facteur multiplicateur suggérerait que les policiers ne surenchérissent pas dans ce cas, convaincus peut-être que l’une des deux variables suffira sans doute à voir le prévenu condamné. Au final, les analyses tant pénales que civiles montrent que si discrimination il y a, il est assurément très difficile de dégager une discrimination directe, assumée, volontaire. Toute la mécanique judiciaire (et les constitutions de partie civile participent à cette logique) renforce ces dernières années les effets de clientèle. En d’autres termes, la probabilité qu’un condamné soit à nouveau condamné et que la prison ne soit jamais promise qu’aux ex-détenus est renforcée. Cet effet clientèle se superpose indéniablement aux origines : la justice française a contre elle l’évidence des apparences, celles d’une justice discriminatoire. Contact : Fabien Jobard CNRS - CESDIP Tél : 01 34 52 17 22 Mél : [email protected]

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Ordre social et répression pénale Le dernier demi-siècle a connu de profonds bouleversements dans les discours et les pratiques pénales. Ces changements affectent aussi bien les discours sur la criminalité, le droit que les pratiques et les cibles de la répression. Quelles ont été les transformations dans les modes de répression pénale depuis un demi-siècle ? Dans quelles mesures ces changements reflètent-ils des transformations dans l'ordre social lui-même ? L’évolution de la pensée sur la répression pénale En France, comme dans les autres pays occidentaux, l'après deuxième guerre mondiale se caractérise par un discours critique sur la prison et une remise en cause des finalités de la peine. Le souci de transformer le délinquant pour mieux le réinsérer dans la société tend à prendre le pas sur la volonté de châtier, d'éliminer ou de dissuader. Le discours dominant est alors à tonalité humaniste et optimiste : moyennant une prise en charge adéquate, le délinquant peut être "guéri". C'est dans cette perspective que se développent de nouvelles sanctions ou des aménagements de peine en "milieu ouvert" (hors de la prison) : libération conditionnelle, sursis avec mise à l'épreuve et, ultérieurement, travail d'intérêt général. L'abolition de la peine de mort participe de cette tendance. Dans sa version extrême, cette critique de la peine aboutit à une proposition d'abolition du système pénal lui-même1. Aujourd'hui, sans avoir tout à fait disparu, ce type de discours est en nette perte de vitesse. A partir des années 80 et sous l'influence du reaganisme et du thatchérisme dans les pays anglo-saxons, plus tardivement ailleurs, les finalités pénales de neutralisation et de dissuasion reprennent le dessus et s'accompagnent d'une tendance à l'alourdissement des peines (mais cette sévérité accrue vise moins à infliger une souffrance au criminel, qu'à l'empêcher durablement de nuire : élimination plutôt qu'expiation). Parallèlement, la figure de la victime, jusqu'alors oubliée, émerge et ses intérêts tendent à supplanter ceux du délinquant. Le crime est de moins en moins perçu comme le symptôme d'un défaut de socialisation ou comme le résultat de déterminations socio-économiques défavorables, justifiant à la fois de mesures individuelles ou sociales préventives et curatives. Dorénavant, la responsabilité individuelle, le "choix" du délinquant ou sa dangerosité objective supposée priment, d'où le recours croissant à des peines "incompressibles". L’évolution des cibles de la répression pénale Ce dernier demi-siècle a vu l’augmentation vertigineuse du nombre d'infractions enregistrées par la police dans tous les pays développés. En France, il a été multiplié par 8, mais cette croissance est très variable suivant les types d'infractions. C'est la croissance très rapide des prédations (vols) qui détermine cette tendance, alors que celle des violences contre les personnes est beaucoup plus faible. Cette augmentation des atteintes aux biens découle de la multiplication des biens de consommation semi-durables faiblement protégés (soit qu'ils soient livrés "à la foi publique" dans les rues, comme les véhicules ; soit qu'ils soient conservés dans des logements vulnérables). Toutefois, les institutions pénales se contentent la plupart du temps d'enregistrer ces affaires sans être capables ou sans avoir la volonté de les résoudre, comme le montre la chute continue des taux d'élucidation. Au-delà du mouvement général de balancier, déjà mentionné, dans le domaine de la sévérité des peines, on a observé, au cours du dernier demi-siècle, l'émergence de nouveaux domaines répressifs, dont la propagation dans la plupart des pays occidentaux a été souvent favorisée par des accords internationaux. C'est notamment le cas de la question des 1 L'un des principaux défenseurs de cette dernière tendance est Louk Hulsman qui sera présent au colloque Crime et insécurité : un demi- siècle de bouleversements.

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stupéfiants, qui a progressivement fait tâche d'huile : de la répression du trafic des produits finis, on est passé à celle des précurseurs, puis des profits (blanchiment), cette démarche ayant ensuite été étendue à d'autres secteurs de la criminalité organisée. Autre facteur d'évolution de ce dernier demi-siècle : la montée en puissance des victimes et de leurs groupes de pression, comme les mouvements féministes, homosexuels ou antiracistes. C'est notamment le cas pour les atteintes sexuelles, en premier lieu le viol et, plus récemment, la pédophilie, la pornographie, le tourisme sexuel… comme en matière de violences domestiques ou de discriminations. L’évolution des peines Dans le domaine des peines, on a déjà signalé la diversité croissante des modalités de prise en charge pénale. Ce que René Levy a appelé ailleurs le "couteau suisse" des peines n'a cessé, comme son modèle, de se diversifier, mettant à la disposition des magistrats ou des agences correctionnelles toute une gamme de "mesures et sanctions pénales" (selon la terminologie du Conseil de l'Europe) propre à leur permettre de faire face, théoriquement, à toutes les situations individuelles. Depuis une vingtaine d'années, aux sanctions classiques en milieu ouvert se sont ajoutées toute une série de mesures à finalité réparatrice (restorative justice). Celles-ci traduisent à leur manière la place croissante prise par des victimes ne se satisfaisant plus d'une simple sanction (qui d'ailleurs ne se réalisait pas la plupart du temps) mais désireuses de voir aussi réparer leur préjudice (médiation, classement sous condition etc.). Plus récemment, cette gamme s'est encore enrichie de nouveaux procédés de technosurveillance permettant de s'assurer à distance de la présence ou des déplacements des personnes placées sous main de justice. On a pu parler à cet égard de "dualisation" de la justice pénale, caractérisée par des peines d'emprisonnement de plus en plus sévères pour les criminels jugés dangereux ou irrécupérables, tandis que les petits délinquants bénéficiaient de la diversification du milieu ouvert. Mais la signification de ce dernier s'est aussi modifiée : initialement conçu comme une alternative resocialisante à la prison, il s'est durci dans beaucoup de pays où l'on a adopté des méthodes de supervision intensives. Les modalités nouvelles de télésurveillance électronique s'inscrivent dans cette orientation. L’évolution de la détention Si les Etats-Unis, avec un taux de détention supérieur à 700 pour 100 000 habitants (pour 175 en 1970), présentent un cas de figure extrême, la tendance est à la hausse un peu partout en Europe, où le record de croissance est détenu par l'Angleterre, passée de 90 en 1992 à 142 actuellement, suivie de près par l'Espagne et le Portugal. La plupart des autres pays du Conseil de l'Europe, dont la France (passée de 84 à 100) ont connu une hausse de 15 à 25 %. Du coup, le milieu ouvert a en grande partie perdu son caractère de substitut à l'emprisonnement. Loin de s'accompagner d'une décroissance de la population carcérale, il voit s'accroître sa "clientèle", parallèlement à l'augmentation du nombre de détenus, dans la plupart des pays, y compris ceux qui passaient dans les années 80 comme des modèles de modération pénale. Les mutations perceptibles dans les pays occidentaux, reflet de changements sociétaux plus globaux ? On les attribue généralement au déclin de l'Etat-providence, au profit d'un Etat "néo-libéral" ou "néo-conservateur" plus soucieux de contrôler les marginaux et les pauvres que de les protéger et de les réinsérer par des politiques sociales inclusives. Mais les auteurs mettent aussi l'accent sur l'importance de l'histoire propre de chaque pays, de ses traditions politiques et juridiques pour expliquer les différences observables. La propagation des idées et des pratiques en matière pénale, si elle est favorisée par toute une série d'organisations et de conventions internationales, ainsi que par les échanges scientifiques, ne se fait pas partout au même rythme et n'a pas nécessairement des effets homogènes dans les différents pays. Certains y sont plus perméables que d'autres et les temporalités peuvent être très variables. De même, selon les pays, la traduction d'un discours plus répressif dans

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le droit pénal, puis dans les pratiques (ou inversement) ne se fait ni à la même vitesse, ni avec la même intensité. Le Canada, les pays scandinaves, sans être épargnés par ces changements, ont moins infléchi leurs politiques pénales que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou l'Espagne, par exemple. Certains pays, comme la France ou la Belgique, oscillent encore entre les deux types de discours. Contact : René Levy CNRS - CESDIP Tél : 01 34 52 17 22 Mél : [email protected]

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Crimes et société Après avoir mené essentiellement des travaux d’histoire et d’épistémologie de la sociologie et de la criminologie (entre 1992 et 1998), Laurent Mucchielli oriente ses recherches de plus en plus exclusivement vers la sociologie de la délinquance dans la société française actuelle. Deux sujets l’interpellent rapidement : le premier, thème purement d’actualité, est le problème dit des « violences urbaines » ; le second, est celui des violences interpersonnelles les plus graves : les homicides. Dans les deux cas, il s’efforce d’analyser les raisons sociales ou psychosociales de comportements individuels ou collectifs en dépassant les représentations médiatico-politiques saturant le débat public. De la question des « violences urbaines » à l’étude de la délinquance juvénile Rapidement, la question des « violences urbaines » amène le chercheur à étudier la délinquance juvénile et à analyser la construction d’une question devenue politiquement centrale. Dans un premier temps, Laurent Mucchielli tente de prendre du recul en se plongeant dans les travaux et archives des années 1960, époque où le phénomène des « Blousons noirs » défrayait déjà la chronique. Il montre par exemple que le phénomène des viols collectifs, commis par des bandes d’adolescents, n’était ni nouveau ni spécifique aux populations habitant aujourd’hui les quartiers populaires. Mobilisant les ressources du CESDIP en matière d’analyse des données statistiques administratives (statistiques policières et judiciaires), Laurent Mucchielli reprend et prolonge le travail d’interprétation de ces chiffres et de leur évolution dans le temps. Il souligne combien les évolutions des quinze dernières années tenaient moins à une modification profonde des comportements juvéniles qu’à une aggravation du processus de ghettoïsation, conjugué avec l’emprise croissante de la société de consommation et à l’élargissement du contrôle policier et judiciaire de ces délinquances. La question des homicides, d’une toute autre nature, l’amène à utiliser d’autres méthodes comme le travail sur dossiers judiciaires et l’enquête de terrain auprès des professionnels (policiers et gendarmes, médecins légistes). Le travail sur de grandes séries de dossiers permet à Laurent Mucchielli de dégager le profil socio-démographique des auteurs et des victimes de crimes, les contextes et circonstances dans lesquels ils sont commis et l’amène aussi à réfléchir aux types de conflits interpersonnels qui peuvent conduire à ces violences. A l’inverse des représentations les plus communes, de type cinématographique par exemple, il est ainsi apparu que l’homicide était un crime de proximité, commis essentiellement entre proches (dans le couple, dans la famille, dans le voisinage) et qu’il était fortement lié aux enfances déstructurées des auteurs et à la situation de misère sociale de leur vie d’adultes. L’enquête auprès des professionnels a quant à elle permis de comprendre pourquoi une partie de ces crimes ne serait jamais jugée et de poser la question de la possibilité même de connaître une partie de cette réalité sociale. Enfin, à côté de ces études sur les comportements délinquants actuels, l’activité de recherche de Laurent Mucchielli s’élargit de plus en plus en direction des institutions pénales elles-mêmes et de l’évaluation des politiques publiques en matière de sécurité et de prévention. Contact : Laurent Mucchielli CNRS-CESDIP Tél. : 01 34 52 17 00 Mél : [email protected]

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Quarante années de recherche sur le crime et l’insécurité :

le témoignage de Philippe Robert Au cours de la décennie 1960, la délinquance n’était pas considérée comme un grand problème de société et la recherche y consacrait relativement peu d’efforts. Seule la délinquance juvénile retenait quelque peu l’attention, notamment les bandes de jeunes (c’était l’époque des blousons noirs), les dégradations de biens publics ou privés (on parlait alors de délits gratuits) et les vols (on disait plutôt emprunts) de véhicules à moteur. J’ai ainsi commencé ma carrière de chercheur en travaillant principalement sur les bandes de jeunes et sur la justice des mineurs. Le domaine de recherche va vraiment commencer à se développer au cours de la décennie suivante et l’intérêt scientifique se concentrera sur l’étude du fonctionnement de la justice et des prisons. Je crée à cette époque un centre de recherches, futur Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) et principal institut spécialisé en France. Je noue aussi de forts rapports internationaux, au Conseil de l’Europe avec les spécialistes européens, surtout britanniques, en Amérique du nord, en allant enseigner chaque année aux Universités de Montréal et d’Ottawa. Mes recherches vont alors dans deux directions : l’étude du fonctionnement de la justice pénale à partir de l’examen de ses statistiques et l’examen des représentations du crime et de la justice dans la société. Dans la deuxième partie de la décennie 1970, l’irruption des controverses sur le sentiment d’insécurité va accroître le besoin de connaissances et accélérer le développement des recherches. Puis vient une période marquée par le lancement d’une coopération interdisciplinaire notamment avec les historiens Michelle Perrot, Yves Castan… et surtout par l’ébauche d’une collaboration européenne avec le lancement d’une revue internationale spécialisée, Déviance & Société et la création d’un embryon de réseau scientifique européen qui deviendra le Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN). Les recherches portent toujours principalement sur les institutions pénales, mais surtout sur la police ; elles commencent aussi à se tourner vers l’étude du sentiment d’insécurité. Pour ma part, j’introduis en France les enquêtes de victimation. Avec mon équipe, nous réalisons au milieu des années 1980 la première enquête nationale et à la fin de la même décennie les premières enquêtes locales. J’étends également aux statistiques de police mon intérêt pour les statistiques du système pénal. La fin du XXème et le début du XXIème siècles sont marqués par une montée en puissance du débat public sur la violence, l’insécurité et, plus récemment, le terrorisme. La recherche se développe et se diversifie. Parmi ses intérêts de prédilection, on peut citer l’insécurité, les drogues, les zones urbaines sensibles, les populations immigrées, la violence interpersonnelle, la délinquance juvénile. En revanche, le terrorisme ne suscite guère de travaux réellement scientifiques et l’on note un contraste fâcheux entre l’importance des débats publics sur la corruption et la délinquance économique et financière et la faiblesse des recherches dans ce domaine (qui retient pourtant l’attention de quelques politologues ou économistes). Personnellement, je consolide l’investissement européen : le GERN devient progressivement un réseau de plus de quarante centres de recherche dans une douzaine de pays différents ; il a récemment soumis à la Commission européenne un gros projet d’action coordonnée. A

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la demande du CNRS, je mets également sur pied un laboratoire européen associé qui unit des centres du CNRS et un institut de la Fondation Max-Planck en Allemagne. J’étudie aussi l’évolution sur le très long terme de la criminalité, de l’insécurité et de leur prise en charge. L’ouvrage qui synthétise ces travaux (Le citoyen, le crime et l’Etat, Genève-Paris, Droz, 1999) sera ensuite traduit dans plusieurs langues. Mes propres recherches portent actuellement sur la réalisation et l’analyse des enquêtes de victimation (nationales et locales) et sur l’étude du sentiment d’insécurité à travers trois décennies. Problèmes secondaires et peu étudiés il y a quarante ans, le crime et l’insécurité sont maintenant considérés comme des problèmes sociaux importants, fortement débattus et suscitant de multiples initiatives de politiques publiques. Les recherches se sont fortement accrues et diversifiées, même si le trop faible nombre de chercheurs ne nous permet pas encore de rivaliser avec des investissement scientifiques comme ceux de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas. Qu’est-ce qui a changé en quatre décennies ? Répondre à cette question n’est pas facile : on a tendance à expliquer les phénomènes actuels par des causes actuelles alors que leurs racines peuvent être plus anciennes ; on a encore du mal à distinguer les tendances lourdes d’accidents spectaculaires mais vite oubliés. Le colloque international « Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements », qui se tiendra à l’Université de Versailles du 29 septembre au 1er octobre 2005, permettra de faire le point sur toutes ces questions et de procéder à des comparaisons avec une dizaine de pays. Contact : Philippe Robert CNRS – CESDIP Tél : 01 34 52 17 33 Mél : [email protected]

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Les intervenants

Francis Bailleau est sociologue et directeur de recherche au CNRS au Groupe d'analyse du social et de la sociabilité (GRASS). Depuis plusieurs années, il s’intéresse aux pratiques de la régulation et de la contrainte sociale. Son objectif est de disposer d'une base empirique afin de développer une analyse cohérente des phénomènes de marginalité, de déviance, de délinquance, en liaison avec leurs traitements institutionnels et en relation avec les transformations des systèmes de reproduction et de représentation. Ses deux principaux terrains d'investigation sont : la justice des mineurs, la prévention de la délinquance et les nouvelles politiques de la ville, les processus et les procédures d'insertion ou de réinsertion des populations marginalisées.

Quelques publications récentes (2002-2003) : "Une autre lecture de la justice pénale des mineurs en France" (2003), in De la responsabilité solidaire. Mutation dans les politiques sociales d'aujourd'hui, éditions Syllepse, Paris. "Justice et délinquance : le débat sur la justice des mineurs" (2002), in Crime et Sécurité, l'état des savoirs, éditions la Découverte, Paris. "Les jeunes face à la Loi : absence ou omniprésence du judiciaire ?" (2002), in Les jeunes et leur rapport au droit, éditions l'Harmattan, Paris. Travaux en cours : "La Justice pénale des mineurs en Europe", recherche sous la direction d'Yves Cartuyvels et Francis Bailleau, financée par le GERN et le Conseil de l'Europe. "Les transformations des solidarités. Argentine, Canada et France", recherche sous la direction de Carlos de la Serna, Frédéric Lesemann et Francis Bailleau, financée par L'IIFAP, l'Institut national de recherche et de sécurité et le CNRS.

Fabien Jobard, docteur en science politique, est entré comme chercheur au CNRS en 2000. Il travaille au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS - Ministère de la Justice). Son centre d’intérêt majeur est la police. Il a longtemps travaillé sur les violences policières illégitimes. Après la soutenance de sa thèse, il a travaillé au Max Planck Institut de Berlin, sur le processus de réunification des polices berlinoises depuis la chute du Mur jusqu’à la réunification allemande. Depuis, il anime le Laboratoire européen associé consacré aux questions de déviance, délinquance et contrôle social en France et en Allemagne, issu d’un partenariat entre le CESDIP, le CLERSE de Lille et le Max Planck Institut für Strafrecht de

Freiburg. Il a récemment enquêté dans diverses agglomérations de la grande banlieue parisienne, avec des équipes de police et des « clientèles policières », afin d’étudier auprès d’elles les rapports du politique et de l’ordre public dans les grands ensembles urbains français.

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René Levy, sociologue, est directeur de recherche au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) depuis 1979. Il l’a dirigé de 1993 à 2004. Il est actuellement directeur-adjoint du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN) et anime la revue internationale Crime, Histoire & Sociétés/Crime, History & Societies (Librairie Droz, Genève). Ses recherches actuelles, combinant approches sociologique et historique, touchent principalement aux questions de police et à celles relatives à l'application des peines. Les questions policières ont été approchées successivement sous l'angle de l'observation

des pratiques et de l'élaboration des lois régissant ces dernières. Dans ce domaine, René Levy s'intéresse aujourd'hui à la question des discriminations ethniques dans les pratiques et au sein des institutions policières ainsi qu’à l'histoire contemporaine de la police (en particulier au recueil d'archives orales auprès d'anciens policiers). Dans le domaine des pénalités, ses recherches portent principalement sur la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique et la place croissante des technosurveillances. Il a notamment publié: “Police, Minorities and the French Republican Ideal”, Criminology, 2003, 41, 4, 1065-1100 "L’expérimentation du placement sous surveillance électronique en France et ses enseignements (2001-2004) ", Déviance & Société, 2004, 4, 411-437

Laurent Mucchielli est historien et sociologue. Il dirige depuis 2004 le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Ses premiers travaux portaient sur l'histoire des sciences sociales, notamment dans le domaine de la déviance et du crime. Puis il s'est progressivement tourné l’analyse des délinquances et de la criminalité dans la société française contemporaine. Ses recherches portent principalement sur les comportements violents (homicides, viols, coups et blessures divers) et sur les délinquances juvéniles. L'analyse de ces comportements est inséparable de l'analyse des représentations sociales, des politiques publiques et du fonctionnement du système pénal. Il participe au débat public à

travers des essais de "sociologie impliquée" (deux livres parus aux éditions La Découverte en 2001 et 2005). Ses diverses interventions sont largement reprises sur un site internet personnel qu'il fut l'un des premiers sociologues à ouvrir en 1999 (http://laurent.mucchielli.free.fr). Laurent Mucchielli est par ailleurs enseignant à l'Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines et formateur auprès de professionnels du domaine (Centre de formation des éducateurs de la PJJ, Ecole nationale de la Magistrature).

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Philippe Robert, sociologue, directeur de recherches au CNRS, est spécialiste de l’étude des normes, des déviances et des délinquances. Il a fondé et longtemps dirigé le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Il dirige maintenant un consortium scientifique européen sur les normes et les déviances : le Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN), qui fédère, sous la forme d'un Groupement de recherches européen (GDR-E/CNRS) une quarantaine de centres européens. Il a aussi créé un laboratoire européen associé Délinquances, politiques de sécurité et de

prévention ; recherches comparatives franco-allemandes, réunissant un centre de la Max-Planck Gesellschaft et deux du CNRS. Ses recherches portent principalement sur la victimation, l'insécurité, l'analyse des politiques pénales, la sociologie législative, les représentations sociales, les coûts du crime, l'index de criminalité, la détention provisoire, l’histoire et la sociologie du crime et de la justice criminelle, la sociologie des normes et des déviances, les bandes de jeunes... Après avoir enseigné aux Universités de Bordeaux 1 et de Paris X-Nanterre et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, il enseigne l'évaluation des politiques publiques de sécurité et la théorie sociologique du crime à l'Université René Descartes et donne des séminaires dans les masters de recherche de sociologie et de sciences politiques à l’Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines. Ancien président du Conseil scientifique criminologique au Conseil de l'Europe, il est membre de l'Association internationale de sociologie (comités de sociologie de la déviance et de sociologie du droit), de l'Association des sociologues de langue française, de l’Association française de sociologie (où il a créé le réseau thématique ‘Normes, déviances, réactions sociales’), de l'American Society of Sociology. Principaux ouvrages récents en langue française Le Citoyen, le crime et l’Etat, Genève-Paris, Droz, 1999. L’Insécurité en France, Paris, La Découverte, Repères, 2002. Sociologie du crime, Paris, La Découverte, Repères, sp

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Prison : récits de vie de détenus

Les débats politiques actuels sur le traitement de certaines catégories de délinquants (récidivistes, délinquants dangereux, délinquants sexuels) expriment une sensibilité sociale accrue pour les phénomènes criminels et rappellent, dans un contexte d’accroissement de la répression pénale, la centralité de la question carcérale. Or, cette dernière reste tronquée par la stigmatisation pénale qui discrédite le point de vue des justiciables sur leur propre condition. En effet, malgré la richesse incontestable des savoirs publics sur la prison (rapports parlementaires, articles, enquêtes et chroniques journalistiques informées, documentaires originaux, témoignages de professionnels avisés, etc.), le vécu banal, ordinaire et quotidien des détenus reste encore trop largement méconnu, malgré la publication récurrente de témoignages autobiographiques et l’effort salvateur de quelques associations d’information militantes.

Les recherches de Gilles Chantraine se situent à la croisée d’une sociologie des institutions (rapports sociaux en détention et caractéristiques structurelles des établissements) et d’une sociologie biographique (parcours de vie, trajectoires carcérales). Ses travaux cherchent à mettre au jour les « savoirs stigmatisés » des prisonniers, et à nourrir le débat public sur la sécurité et l’insécurité par l’exploration des réalités carcérales concrètes.

Cette exploration repose notamment sur des recherches de terrain qui mêlent observation sociologique et entretiens biographiques. Gilles Chantraine replace la sanction, non pas uniquement dans le cadre juridique qui fixe sa légalité et produit sa légitimité sociale, mais bien plus profondément dans toute l’épaisseur biographique dans laquelle elle vient s’insérer. La prison n’est pas considérée ici comme le lieu d’exécution d’une « peine » où le justiciable, privé temporairement de sa « liberté », prépare une « réinsertion » avant d’être « amendé », mais plutôt comme un lieu de passage, un épisode spécifique d’une existence, un point vers lequel convergent des destins individuels.

Plusieurs thèmes sous-tendent les recherches de Gilles Chantraine : - L’hétérogénéité des parcours de vie qui mènent à la prison, entre un rapport « d’inéluctabilité » à la prison (l’incarcération apparaît comme l’aboutissement d’une trajectoire de galère s’inscrivant dans le cadre d’une « répression routinière »), d’une « routine carcérale » (marquée par d’incessants allers et retours) ou d’une rupture biographique violente qui fait de l’incarcération un « évènement » pur. L’analyse de la grande pluralité des parcours de vie qui mènent à la prison échappe à toute simplification théorique en termes de choix rationnels ou, à l’inverse, de déterminisme pur. Au sein de cette hétérogénéité biographique, il existe une prédominance des parcours de vie extrêmement précarisés, qui font parfois paradoxalement de la prison un support minimal de l’existence. A cet égard, la maison d’arrêt remplit, de fait, davantage une fonction de « voiture balai de l’exclusion » que celle d’une neutralisation de délinquants dangereux.

- Les continuités socio-symboliques fortes entre vie de quartier et quartier de vie en prison. Même rapport au temps, aux autorités répressives (policiers d’un côté, surveillants de l’autre), même art de la combine, réseau de sociabilité et d’entraide similaires, illégalismes de part et d’autre des murs… la structure de la prison ne donne pas tant les moyens de rompre avec un système de vie, mais, au contraire importe ces systèmes de vie intra muros.

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- Les critiques ordinaires de la prison et du système pénal. Gilles Chantraine étudie les critiques sociales et politiques que le détenu émet éventuellement envers le système qui le contraint. Dans le cadre d’une sociologie de la justification et de la critique, il cherche notamment à explorer les rapports entre critique savante (criminologique) et critique ordinaire de l’institution. - Le caractère différentiel des contraintes carcérales et des capacités d’action en détention, les rapports de pouvoir et rapports sociaux entre détenus, les relations surveillants-détenus, l’inégalité patente des conditions de détention : l’enjeu consiste notamment à saisir l’impact de la structure organisationnelle sur ces relations. - La crise relative des missions de réinsertion des institutions carcérales et le renforcement de sa vocation de neutralisation (surdétermination du carcéral par rapport au pénal, surpopulation carcérale, aggravement des conditions de détention….).

- La production structurelle et interindividuelle de la violence en détention, le renforcement des contraintes sécuritaires intra muros et leurs conséquences sur l’ensemble des autres logiques d’actions en prison (soins, culture…). - Les enjeux de l’indépendance de la médecine et des soins psychiatriques vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, explorée notamment à travers la méfiance récurrente des détenus envers le personnel soignant. Contact : Gilles Chantraine CNRS – CESDIP Tél : 01 34 52 17 25 Mél : [email protected]

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Une « américanisation » de la police française ?

Peut-on parler d’une « américanisation » de la police française ? Cette problématique est à l’origine des travaux de recherche d’Emmanuel Didier et de son équipe qui étudient l’importation de techniques policières américaines en France et ses effets, notamment de COMPSTAT(« COMPuterized STATistics »), un nouvel outil de lutte contre la criminalité. Un nouvel outil de lutte contre la criminalité à New-York Au printemps 2001, une délégation de policiers de la Préfecture de police de Paris parmi les plus hauts gradés s’est envolée pour New York suite à ce que certains auteurs n’hésitaient pas à nommer un « miracle ». Les New-yorkais avaient drastiquement réduit le taux de criminalité de leur ville : déplorable au début des années 1990 puisqu’il comptait parmi les pires des Etats-Unis, ce taux avait chuté de plus de 57 % entre 1993 et 2000. Or, selon de nombreux informateurs, cet exceptionnel succès était imputable à un nouvel outil appelé COMPSTAT, tout d’abord présenté comme un simple outil de saisie statistique des crimes observés. Grâce à de nouvelles catégories de décompte et, innovation importante, à un recours massif à l’analyse cartographique de la délinquance, il permettait enfin de produire une mesure globale et vraie de la délinquance. Les policiers new-yorkais semblaient prouver qu’une fois le crime bien connu, il devenait possible de bien lutter contre lui. COMPSTAT ou la redéfinition du management de la police new-yorkaise Pendant leurs observations, il apparut aux français que cet outil statistique n’avait pas seulement permis d’améliorer les comptes du crime : il permettait également de contrôler beaucoup plus étroitement les policiers. A intervalle de temps régulier, chacun des commissaires des quartiers de New York était convoqué, non plus devant ses supérieurs, mais devant le maire lui-même et devait rendre compte de ses résultats. S’il pouvait montrer qu’il était parvenu à faire baisser le crime dans sa juridiction, il recevait des félicitations ; dans le cas contraire il était sévèrement réprimandé. COMPSTAT était donc aussi un nouveau mode de management de la police et une nouvelle répartition de la responsabilité dans la police (car le Commissaire se trouvait seul responsable devant son édile). Ces deux aspects – décompte et management – étaient indissolublement imbriqués : les nouvelles responsabilités du Commissaire impliquaient par exemple que les chiffres portent sur une zone géographique et une période de temps définis de façon à ce qu’il en soit effectivement et fonctionnellement responsable. L’imbrication était telle qu’il apparaissait aux policiers parisiens - contre les idées pré-établies avec lesquelles ils étaient arrivés - que c’était bien un outil statistique qui avait redéfini le management de la police new-yorkaise, c’est-à-dire la police elle-même.

L’importation de COMPSTAT en France Les commissaires de la Préfecture de police de Paris doivent aujourd’hui utiliser de nouvelles catégories statistiques, manier la cartographie et se soumettre à des séances « d’évaluation ». Comme aux Etats-Unis, ces statistiques ont eu en France des effets remarquables. Le fait que COMPSTAT ait été implanté à la Préfecture de police de Paris laisse penser que sa carrière en France est loin d’être achevée, car cette institution est très souvent donnée comme initiatrice des mouvements de fond concernant les réformes de la Police nationale. Il ne serait pas surprenant que cette dernière s’inspire de la Préfecture et utilise à sa façon cet outil, ce qui provoquerait encore d’autres transformations organisationnelles.

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L’action de COMPSTAT sur la police française et, au-delà, de toutes les polices européennes, n’a pas fini d’être circonscrite. Ce nouvel outil repose la question du rapport entre la criminalité elle-même et sa représentation chiffrée, celle de la sécurité de l’espace public mais aussi la question de l’organisation d’une institution comme la Préfecture de police de Paris ou celle des qualifications d’un bon policier, problématiques qui structurent les recherches d’Emmanuel Didier et de son équipe.

Contact : Emmanuel Didier CNRS - CESDIP Tél : 01 34 52 17 26 Mél : [email protected]

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Relation entre abandon scolaire et délinquance L’absentéisme et la déscolarisation se déplacent de l’école vers la cité La question de l’absentéisme et de la déscolarisation, aussi ancienne que l’école publique, est aujourd’hui considérée comme un problème social relevant de l’ordre, voire de la sécurité publique : sans encadrement, que deviennent les jeunes en dehors de l’école ? Sont-ils sujets à la délinquance, exposés à des trafics divers, errant dans les rues sans protection ? Leurs parents seraient-ils complices et donc punissables de l’inassiduité ou du retrait scolaire de leurs enfants ? La massification de l’enseignement secondaire, les objectifs de porter 80 % des élèves au niveau du baccalauréat et l’ensemble d’entre eux au moins jusqu’au niveau du CAP et du BEP (loi d’orientation de 1989) rendent d’autant plus visibles les arrêts de scolarité avant 16 ans. De fait, les conséquences du décrochage scolaire sont aujourd’hui plus sérieuses qu’elles ne l’étaient en période de quasi plein-emploi. Ainsi, la scène de la déscolarisation se déplace de l’école vers la cité, les jeunes absentéistes et déscolarisés faisant partie des « classes dangereuses », appelant un contrôle accru et se trouvant à la confluence de trois phénomènes présupposés liés dans le débat public : montée de l’insécurité, augmentation et rajeunissement de la délinquance juvénile, développement des « violences ». Décrochage, abandon scolaire et délinquance Les liens entre école et construction identitaire déviante ou normée sont attestés par de nombreux travaux. Il est d’autant plus important de le souligner aujourd’hui car l’école est le premier lieu de sociabilité extérieur à la famille. Plusieurs auteurs analysent l’école comme un possible déclencheur de déviance du fait du décalage constaté par les élèves de milieu populaire entre le discours et les possibilités réelles qui leur sont offertes. Certains élèves ne sont pas spécialement opposés à l’école au début de leur scolarité, mais les difficultés scolaires, l’intériorisation du stigmate de « mauvais élève », finissent par les conduire à adopter des pratiques déviantes les éloignant largement des normes scolaires. Mais tous les jeunes en échec scolaire ou désinvestis de l‘école ne sont pas pour autant délinquants. Il convient de considérer ces analyses comme des hypothèses de facteurs déclenchants, combinées à d’autres paramètres. L’arrêt de la scolarité sans qualification ne signe ainsi pas systématiquement l’entrée dans une carrière délinquante, les enfants ou adolescents étant souvent gardés au sein des familles, et peu ou pas du tout exposés à la commission d’actes de délinquance de proximité. Un élément supplémentaire permet de relativiser la relation entre abandon scolaire et délinquance : les raisons qui ont poussé à l’abandon des études. Les jeunes qui ont décroché pour des raisons familiales n’ont pas commis d’actes délinquants par la suite. En revanche, on a pu noter une corrélation positive avec toutes les formes de déviance pour ceux qui ont arrêté leur scolarité car ils n’aimaient pas l’école. Par ailleurs, les faits de délinquance constatés au sein de l’école ne sont pas systématiquement corrélés avec des absences répétées ou des processus d’arrêt de scolarité. Au collège, des élèves peuvent être présents et commettre des actes délinquants à l’extérieur de l’établissement. Enfin, certains auteurs affirment que l’abandon scolaire permet de réduire le stress et la frustration vécus à l’école, facteurs favorisant l’apparition des conduites délinquantes. En effet, plusieurs recherches conduites au cours des années 1980 indiquent que les élèves ayant arrêté leur scolarité et trouvé un emploi ont diminué leurs activités délinquantes deux fois plus que ceux qui n’en ont pas trouvé. Encore faut-il que les décrocheurs soient en âge de travailler et que le marché

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du travail leur offre des emplois disponibles, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, en France en particulier. L’impact des groupes de pairs dans les activités délinquantes L’influence des pairs et le regroupement des outsiders du système scolaire sont des éléments à prendre en compte dans la construction d’une sous-culture déviante. La logique de bande offre un refuge et une défense contre le sentiment de dévalorisation qui habite les jeunes, tout en contribuant à activer le processus de déscolarisation. Au cours d’une recherche menée à Roubaix, Maryse Esterle Hedibel a constaté que les jeunes ayant commencé des activités délinquantes avant l’arrêt de leur scolarité les ont continuées par la suite, au sein d’un groupe de pairs. D’autres, qui n’avaient eu aucune activité délinquante, se sont retrouvés très isolés à la suite de l’arrêt de leur scolarité et la bande permet de contrebalancer cet isolement. Ceci confirme le fait que les « absentéistes » sont plus liés à une sociabilité fermée, alors que les autres vivent des sociabilités dominées par les changements induits par le monde scolaire. L’impact du décrochage scolaire sur les conduites déviantes ou délinquantes n’est pas démontré dans tous les cas. Il dépend du contexte socio-économique, des possibilités offertes par le marché de l’emploi, et des expériences vécues antérieurement et /ou au cours de leur scolarité par les intéressés. Si absences répétées et délinquance existent chez les mêmes sujets, la relation de cause à effet entre l’un et l’autre n’est pas généralisable. Contact : Maryse Esterle Hedibel CNRS - CESDIP Mél : [email protected] Publications : La bande, le risque et l’accident, L’Harmattan, 1997 Sur la route de l’insertion, (actions d’insertion par l’apprentissage de la conduite et la préparation aux métiers de la route), La documentation française, 1998 Ouvrage en préparation : les élèves transparents (processus de déscolarisation) Dernières recherches : Les arrêts de scolarité avant 16 ans : étude des processus (Roubaix, Nord) (2001-03) Etat des lieux des dispositifs relais sur la ville de Roubaix en vue de la mise en place d’une cellule de veille éducative, juin 2004 Rapport disponible sur le site : http://cisad.adc.education.fr/descolarisation

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Les délinquances économiques et financières et leur contrôle : des coûts du crime à la constitution d'un nouveau milieu professionnel

Le Service d’études pénales et criminologiques (SEPC) puis le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) se sont intéressés depuis le début des années 1970 aux rapports entre les délinquances, le contrôle social et l’économie. Philippe Robert a engagé à cette époque les premiers travaux sur le coût du crime. Cette approche, inspirée de travaux menés outre atlantique à la fin des années soixante, propose de donner une mesure monétaire non seulement aux délinquances mais également à leur contrôle. Ces travaux ont été poursuivis au CESDIP jusqu’au milieu des années 1990. Ils ont fait apparaître une image différente des délinquances et mettent en lumière les conséquences des délinquances économiques et financières (DEF). A la fin des années 1980 et au début des années 1990, l’émergence de grandes affaires économico-politiques, en particulier en France et en Italie, a contribué à s'interroger sur ces délinquances et leur contrôle. De nouvelles législations apparaissent sur la corruption (1988, 1990, 1993) et le blanchiment (1990, 1996). Des modalités spécifiques de contrôle sont mises en place concernant la surveillance des marchés (Commission des opérations de bourse, COB), le blanchiment (TRACFIN1, 1990), la corruption (Service central de prévention de la corruption, SCPC, 1993), l'action pénale en matière économique et financière (pôle financier, 1998). Après avoir étudié différents aspects des relations entre économie et délinquances, les rapports entre le marché du travail et la répression pénale, les économies informelles, Thierry Godefroy s’intéresse depuis la fin des années 1990 à différentes facettes : - Blanchiment : l'introduction de cette nouvelle incrimination inconnue du droit français donne lieu à une première analyse des dossiers judiciaires pour blanchiment et de la nouvelle utilisation d'un mode de sanction, la confiscation des profits illicites. - Les DEF en Europe : le GERN engage au tournant des années 2000 un bilan européen des travaux sur la criminalité économique et financière en Europe, incluant un bilan de la situation française. - Le crime organisé : depuis le milieu des années 1990, les instances européennes se mobilisent sur cette question notamment dans le contexte de l'élargissement. Un bilan des dispositifs nationaux est paru en 2004. - Mondialisation de l’économie et normalisation internationale : la décennie 1990 s'est achevée par une mobilisation internationale sans précédent sur les questions de corruption, d'évasion fiscale, de blanchiment qui s'est traduite notamment par la publication de listes noires de territoires dits offshore. - La constitution d'une professionnalisation de nouvelles fonctions liées à la lutte anti-blanchiment : l'essentiel des travaux existants envisage la lutte anti-blanchiment sous l'angle de l'origine des politiques anti-blanchiment, de leurs développements ou de ses instruments. Dans ce travail en cours, les chercheurs s'intéressent à la constitution d'un milieu professionnel spécialisé à l'intersection des univers policiers, judiciaires et financiers.

1 TRACFIN : Traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins

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Contact : Thierry Godefroy CNRS - CESDIP Tél : 01 34 52 17 12 Mél : [email protected] Dernières publications : La lutte anti-blanchiment, Une expertise, un métier, bientôt une profession ? Favarel-Garrigues G., Godefroy T., Lascoumes P. 2005, Banque Stratégie 2(227):2-3. Le capitalisme clandestin - l'illusoire régulation des places offshore. Godefroy T., Lascoumes P. 2004. Paris, La Découverte. Les criminalités économiques et financières : Evolutions et tendances, quelques observations françaises. Godefroy T. 2002., in La criminalité financière en Europe, Ponsaers P., Ruggiero V. (eds.), Paris, L'Harmattan, 47-76. Blanchiment et confiscation. La situation française vue à travers l'analyse de dossiers. Guyancourt: Cesdip. Godefroy T., Kletzlen A. 2000.

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Les enquêtes de victimation

Qu’est-ce qu’une enquête de victimation ? L'enquête de victimation désigne une technique assez simple dans son principe : interroger des gens, échantillonnés de façon à représenter la population d'un pays, d'une région, d'une ville, sur les infractions dont ils ont été victimes. La connaissance par les statistiques administratives L'enquête de victimation est une réponse des sciences sociales à la plus vieille des difficultés rencontrées dans l'étude du crime : sur quelles données la fonder ? Dans le premier quart du 19ème siècle, savants et administrateurs avaient commencé à s'intéresser à ce phénomène en s’appuyant sur les statistiques produites par diverses agences pénales (statistiques pénitentiaires, judiciaires, beaucoup plus récemment policières). Ces données officielles avaient bien sûr des limites inhérentes. En effet, de nombreuses infractions à la loi pénale ne parviennent jamais à la connaissance des institutions chargées de les réprimer (le fameux chiffre noir). Mais, faute de mieux, il était admis, sans davantage de preuve, que la criminalité enregistrée était un bon échantillon représentatif de la "criminalité réelle". La construction de données indépendantes : les enquêtes Des dispositifs permettant d'acquérir des connaissances non seulement sur la criminalité venant à la connaissance des institutions, mais également sur celles qu’elles ignorent, ont progressivement été conçus. Un premier essai pour obtenir des informations plus fiables a été tenté auprès de mineurs auteurs de délits dans l'immédiate après-guerre : les enquêtes de délinquance auto-reportée. Elles sont aujourd'hui de nouveau utilisées dans le domaine de la délinquance juvénile, et pour connaître l'usage des substances prohibées où elles sont devenues l'outil d'enquête standard. Mais, depuis le début des années 60, on a surtout recours aux enquêtes de victimation (victimization surveys). Elles ont été inaugurées par le département de la Justice des États-Unis à un moment où le crime était considéré comme le plus grave des problèmes intérieurs du pays, jusqu’à représenter un enjeu électoral. C'est la President's commision on law enforcement and administration of justice, dite « Commission Katzenbach », qui a fait effectuer les premières enquêtes de victimation. La victime devenait un informateur privilégié sur la nature et l'étendue de la criminalité. On a construit, grâce à ses dires, des bases de données récoltées au plus près de la commission des infractions, avec l'intervention d'un minimum de filtres. En peu d'années, un effort de recherche considérable a été concentré sur ce domaine. Banalisées aux États-Unis depuis les années 1970, les enquêtes de victimation sont apparues en Europe une décennie plus tard (Angleterre et Galles, Pays-Bas, Suisse, Catalogne…). En France à la fin des années 1970, les premières manifestations d'intérêt pour les victimes étaient politiques et législatives, rarement scientifiques, excepté le Comité d'études sur la violence, la criminalité et la délinquance, dit Commission Peyrefitte qui fit effectuer par des instituts quelques sondages de faible amplitude. L’étude et le développement des enquêtes de victimation Le CESDIP s’est lancé au début des années 1980 dans un programme suivi d'enquêtes de victimation nationales et locales.

Les enquêtes nationales menées par le CESDIP Une enquête qualitative en 1982 a permis de servir de base à un questionnaire administré en 1986 au cours de la première enquête nationale sur une large gamme de victimations,

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puis lors de réplications menées à 6 mois d’intervalle. Elles ont permis de déconstruire le personnage de « LA » victime et de proposer, en alternative, des typologies faisant ressortir qu'à victimation égale, on pouvait dégager des "gestions" différenciées de l'incident. En 1996, l'INSEE mène la première enquête permanente sur les conditions de vie des ménages (EPCV), qui inclut des modules de victimation sur un petit nombre d'atteintes aux biens et aux personnes. Ces données ont pu être comparées avec l'enquête réalisée en 1986. Pour la première fois en France, on avait les moyens de tenir un discours sur l'évolution de la délinquance qui ne soit pas fondé sur les seules statistiques policières. La statistique compte les incidents, accessoirement les suspects, alors que les enquêtes évaluent la prévalence de la victimation, précisent les périmètres et les caractéristiques des populations touchées. Ces différences permettent ainsi d'explorer ce qui se passe entre le moment où quelqu'un s'estime victime et celui où le policier enregistre éventuellement l'incident. Depuis, la réplication annuelle par l’INSEE a permis de prolonger ces exercices comparatifs sur l’ensemble des enquêtes disponibles.

Les enquêtes locales menées par le CESDIP Le CESDIP a conduit en 1989 deux enquêtes urbaines en région parisienne et dans une grande métropole régionale. En 1999, il a mis au point et testé un instrument d'enquête locale qui couvrait une large gamme de victimations banales contre les biens et les personnes, des questions de représentations sociales et des questions qui se référaient aux liens des enquêtés à leurs territoires de résidence. Les résultats ont montré une opposition entre « victimation de style de vie » et « victimation de proximité » qui va nourrir la suite des travaux dans ce domaine. Dans le cadre d’un contrat avec l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France (IAURIF), le CESDIP a conduit en 2001 l'enquête la plus importante jamais réalisée en France, tant par la taille de son échantillon (plus de 10 000 enquêtés) que par celle de son questionnaire. Elle a fait émerger différents profils en fonction des circonstances de l'incident, des manières de la vivre, des façons d'y réagir. Elle a montré aussi comment les ressources inégales dont disposaient les victimes influençaient leur vécu et leur façon de gérer la situation de victimation. L'analyse des réplications faites en 2003 et 2005 permettra un début de sérialisation régionale. Le CESDIP a été chargé par le Forum français pour la sécurité urbaine de réaliser en 2005 une première série de cinq enquêtes urbaines sur la victimation et l'insécurité. C'est le point de départ d'un plan pluriannuel qui doit impliquer de nombreuses collectivités territoriales dans les années à venir. L’objectif de réplication régulière des enquêtes pour les collectivités impliquées permettra de disposer d'un outil d'évaluation longitudinal des politiques publiques locales de sécurité. Contact : Renée Zauberman CNRS – CESDIP Tél : 01 34 52 17 15 Mél : [email protected]

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Le Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN) Le Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN) est un consortium scientifique européen qui fédère, sous la forme d’un GDR-E (Groupement de recherche européen) du CNRS, une quarantaine de centres de recherche de onze pays (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse). Ces derniers sont spécialisés dans l’étude des normes, des déviances, des délinquances et de l’insécurité et relèvent de différentes disciplines des sciences sociales : sociologie, histoire, sciences politiques, sciences du droit, criminologie, démographie, économie, anthropologie/ethnologie. Ses missions Le GERN contribue à la structuration de l’Espace européen de la recherche dans le domaine des normes, des déviances, des délinquances et de l’insécurité ainsi qu’à la production d’un savoir européen dans ce champ, tout en tenant compte des particularités des différents pays. Ses principales activités

- Séminaires européens de recherche (18), - Colloques (11), - Réunions trimestrielles (Interlabos) sur les recherches en cours (75), - Publications en plusieurs langues (40), - Lettre d’information quadrimestrielle et plurilingue, - Recherches coordonnées, - Projet d’action coordonnée qu’il a déposé à la Commission européenne dans le cadre du 6ème programme cadre de recherche et de développement technologique.

Comment est-il géré ? Le GERN est géré par un Conseil de groupement, assisté d’un comité scientifique et une direction. Son directeur est Philippe Robert, directeur de recherche au CNRS et son directeur-adjoint est René Lévy, directeur de recherche au CNRS. Pour en savoir plus : http://www.gern-cnrs.com

Immeuble Edison

43, boulevard Vauban 78280 GUYANCOURT

Tél : (33) 01 34 52 17 33 Télécopie : (33) 01 34 52 17 32

Courriel : [email protected] http://www.gern-cnrs.com

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Les laboratoires de recherche du CNRS travaillant sur le crime et l’insécurité Observatoire sociologique du changement (OSC, CNRS – IEP Paris) - Paris Tél : 01 45 49 54 50 Web : http://osc.sciences-po.fr Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (CLERSE, CNRS – Université Lille 1) – Lille Tél : 03 20 43 66 40 Web : http://www.univ-lille1.fr/clerse/ Groupe d'analyse du social et de la sociabilité (GRASS, CNRS – Université Paris 8) Tél : 01 40 25 12 16 Web : http://www.iresco.fr/labos/grass/ Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS – Ministère de la justice) Tél : 01 34 52 17 00 Web : http://www.cesdip.com Professions, institutions, temporalités (PRINTEMPS, CNRS – Université de Versailles) Tél : 01 39 25 56 50 Web : http://www.printemps.uvsq.fr/AcceuilG.htm Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS, CNRS - EHESS) - Paris Tél : 01 49 54 25 86 Web : http://www.ehess.fr/centres/cems/index.html Centre d'études et de recherches de science administrative (CERSA, CNRS – Paris 2) Tél : 01 42 34 58 80 Web : http://www.cersa.org Politiques Publiques, Actions Politiques, Territoires (PACTE) Tél : 04 76 82 20 20 Web : http://www.pacte.cnrs.fr/ Centre Interdisciplinaire de Recherches Urbaines et Sociologiques (CIRUS, CNRS – Université Toulouse 2) Tél : 0561504271

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Centre d'histoire sociale du XXème siècle (CNRS – Université Paris 1) Tél : 01 44 78 33 84 Web : http://histoire-sociale.univ-paris1.fr/ Centre de recherches en histoire du XIXe siècle (CNRS – Université Paris 1 et 4) Tél : 01 40 46 25 13 Web : http://crhxix.univ-paris1.fr/ Institut d'histoire moderne et contemporaine (IHMC, CNRS – ENS) Tél : 01 44 32 31 52 Web : http://www.ens.fr/ihmc/ Laboratoire de Médiévistique Occidentale de Paris (LAMOP, CNRS – Université Paris 1) Tél : 01 40 46 27 66 Web : http://lamop.univ-paris1.fr/W3/

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Le journal du CNRS n° 188 septembre 2005

IN SITU32

SOCIÉTÉ

Pourquoi le crime et l’insécurité ont-ils pris une telle place dans nos sociétés? Quels sont les liens entredélinquance et société de consommation? Entre précarité et violence? Toutes ces questions seront abordéeslors d’un colloque international qui se tiendra à Versailles du 29 septembre au 1er octobre 2005.

La délinquance au cœur du débat

Qu’est-ce qui a changé ces cinquante der-nières années en matière de délinquance?Comment analyser ces changements? Vas-

tes interrogations sur des questions brûlantes.Pour y répondre, le Centre de recherches socio-logiques sur le droit et les institutions pénales(Cesdip) 1 et le Groupe européen de recherche surles normativités (Gern) 2, en collaboration avecl’université de Versailles-Saint-Quentin (VSQ),organisent du 29 septembre au 1er octobre 2005un colloque international intitulé « Crime etinsécurité ». Durant ces quelques jours, des cher-cheurs de dix pays exploreront six grands thèmes : – La hausse de la délinquance contre les biens est-elle une conséquence de la société de consom-mation ?– Quels liens y a-t-il entre précarité et violence ? – Le sentiment d’insécurité est-il associé à lafracture sociale ? – Comment le secteur privé vient-il au secoursdu public pour lutter contre l’insécurité ? – Quelles sont les caractéristiques du nouvelordre social et celles des nouvelles formes derépression pénale ?– Comment analyser les mises en cause, par lesjuges et les médias, de l’intégrité des élites ?

Ensemble, les chercheurs réfléchiront égalementà la manière dont leur communauté aborde et étu-die cette délinquance. Leur domaine de recherches’inscrit au croisement de plusieurs disciplines.On y trouve aussi bien des sociologues, des poli-tologues, des juristes, des historiens, que desdémographes ou des économistes. « Depuis quel-ques années, on assiste à la montée en puissance despolitologues, puisque les questions de délinquanceentrent directement dans la sphère des politiquespubliques », commente René Lévy, l’un des orga-nisateurs du colloque et chercheur au Cesdip.Aujourd’hui, en l’absence de filière complète deformation en sociologie de la déviance, l’essen-tiel du potentiel de recherche français doit sonexistence au CNRS. Et si la France occupe uneplace visible sur la scène internationale, c’est engrande partie grâce à l’existence d’un réseaueuropéen – le Gern –, créé par Philippe Robert(voir encadré) en 1993. Le grand chantier actueldu Gern tient dans un projet d’action coordon-née réunissant plus de trente centres de dix payset actuellement soumis à l’examen de la Com-mission européenne.Dans les grandes lignes, la sociologie criminellefrançaise a connu ce dernier demi-siècle trois

grandes périodes. Dans les années soixante-dixet quatre-vingt, les chercheurs se sont focaliséssur l’analyse du système pénal (justice, police,prison) et les réactions sociales face aux dévian-ces. Durant la décennie suivante, ils ont aussianalysé les politiques publiques et le rôle quejouent les victimes dans le processus pénal – leCesdip a ainsi introduit en France les enquêtesauprès des victimes et développé l’étude de l’in-sécurité. Dans les années deux mille, on relèveun retour à l’étude des conduites délinquantesavec la question des quartiers difficiles et des iné-galités sociales et, plus récemment, celle desdiscriminations ethniques. Autant de sujets qui seront passés en revue dansleur dimension européenne lors de ce colloque,avec des conclusions susceptibles de séduire oud’alarmer nos politiques, qui jonglent de plus enplus avec les chiffres de la délinquance.

Stéphanie BiaÔ Programme complet et inscriptionwww.cnrs.fr/SHS/actions/insecurite.phpDate limite des inscriptions : le 23 septembre 2005

1. Le Cesdip est un laboratoire CNRS / ministère de la Justice.2. Le Gern (GDRE-CNRS) est un réseau scientifique qui réunit actuellement une quarantaine de centres et des chercheurs de différentes disciplines (sociologie,science politique, criminologie, histoire, droit…) travaillantsur les normes et les déviances dans onze pays d’Europe(Allemagne, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse).

CONTACTÔ René LévyCesdip, [email protected]

Ce colloque est aussi l’occasion de rendrehommage à Philippe Robert, directeur derecherche CNRS qui entre dans l’éméritat et à quil’on doit justement le renouveau de la sociologiecriminelle depuis les années soixante. C’est luiqui a créé en 1969 le SEPC – l’ancêtre duCesdip –, un laboratoire unissant le CNRS et leministère de la Justice. « Ce grand entrepreneurscientifique a complètement retourné la questionsur le crime en posant que la norme précède lecrime. Une norme qui est un instrument politiqueet dont il faut comprendre l’utilisation »,commente René Lévy.