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ROYAUME DU MAROC ACADÉMIE HASSAN II DES SCIENCES ET TECHNIQUES LA MÉDECINE DU FUTUR Rabat - 23 mars 2015 Conférence donnée par : le Professeur Pierre TAMBOURIN Directeur de recherche à l’INSERM (France)

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ROYAUME DU MAROC

ACADéMIE HASSAN II DES SCIENCES ET TECHNIQUES

LA MéDECINE DU FUTUR

Rabat - 23 mars 2015

Conférence donnée par :

le Professeur Pierre TAMBOURINDirecteur de recherche à l’INSERM (France)

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Sa Majesté le Roi Mohammed VI - que Dieu Le garde -Protecteur de l’Académie Hassan II

des Sciences et Techniques

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Sa Majesté le Roi Mohammed VI - que Dieu Le garde -Protecteur de l’Académie Hassan II

des Sciences et Techniques

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Dans le cadre du cycle de conférences organisées par l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques,

le Professeur Pierre TAMBOURINa donné une conférence intitulée :

«la médecine du futur»le 23 mars 2015

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Bonjour tout le monde ;

Je remercie L’Académie Hassan II des Sciences et Techniques et l’ambassade de France de m’avoir invité au Maroc, pays où on est véritablement accueilli chaleureusement et j’ai retrouvé, de nouveau, quelques amis anciens que je n’ai pas vus depuis longtemps, et avec qui j’ai partagé pas mal de connaissances.

Je voudrai vous faire maintenant une proposition qui est peut être ambitieuse, en l’occurrence c’est d’essayer de vous faire partager l’enthousiasme qui me saisit quand j’examine ce que va être l’avenir de la médecine, celle qu’on imaginait se produire un jour dans les rêves les plus fous, mais qu’on n’imaginait certainement pas se produire aussi rapidement que ce qui est en train de se passer. Pour essayer de faire comprendre à mes amis médecins de Paris, je ne parle pas des chercheurs, je parle des médecins qui soignent tous les jours et qui n’ont forcément pas la connaissance qu’on va évoquer ensemble. Je leur dis que c’est un véritable Tsunami qui va envahir l’hôpital, par une méthodologie d’approche des pathologies totalement différente de celle que vous avez connue ou qui vous a permis de développer vos métiers. C’est à ça qu’il faut vous attendre. Et les échanges, qui prenaient 10 à 15 ans, qui est une échelle normale dans l’évolution, prendront probablement moins de 5 ans. Or, nous en France et je pense qu’au Maroc c’est la même chose, nous ne sommes absolument pas prêts à affronter cette révolution. Dans ce sens on peut citer quelques évolutions dans le monde, il suffit de regarder ce que Google consacre du point de vue des investissements actuels mais aussi Sony et quelques autres grands producteurs de données, pour se rendre compte qu’on est en face de quelque chose de très important.

J’ai supposé dans cet exposé et qui sera une espèce de «fresque», ce n’est pas un exposé scientifique pointu. Je suis parti de l’idée, quand même que dans ces murs je n’étais pas obligé de rappeler des éléments de base de la biologie, donc, je vais me baser sur des données et si quelque chose ne vous paraît pas claire, surtout n’hésitez pas, ça me permettra de clarifier mes propos.

Je vais commencer par quelques mots sur GENOPOLE, ça va être très rapide, simplement pour vous situer, parce que je pense quand on a un système de recherche moderne, quel qu’il soit, il est important de se poser des questions

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de savoir comment dans l’époque moderne on peut faire pour; créer des emplois, créer de la richesse, créer des valeurs autour de ce qu’on fait dans nos laboratoires. GENOPOLE a démarré en 1998, cela vous a été rappelé, par une mission ministérielle qui m’a été confiée à l’époque. Et l’idée à cette époque, en 1998, il y a déjà pas mal de temps, c’était de poursuivre un travail qui avait commencé à EVRY au sein d’une association que vous avez connue peut être, en tout cas, certains d’entre vous la connaissent et qui s’appelle l’Association Française contre les Myopathies. C’est une association de parents de malades et de malades qui récoltent chaque année beaucoup d’argent grâce au TELETHON et qui grâce à cet argent avait lancé des recherches très fondamentales sur la connaissance du génome de l’homme, c’est-à-dire, l’ensemble de l’information génétique de chacun de nous. La France à l’époque était très bien positionnée dans la compétition mondiale, grâce aux travaux de Jean Weissenbach et Daniel Cohen. L’idée c’était pour l’état de reprendre le flambeau et poursuivre ce travail en créant à Evry, autour de ce seul laboratoire GENETHON qui existait à l’époque dans cet endroit, un ensemble de laboratoires de recherche. Il est important de réunir toutes ces compétence sur le même site, et surtout de tirer profit de toutes ces recherches, enfin dans notre pays, en France qui avait un grand retard par rapport aux Etats Unis, voire l’Angleterre et l’Europe du Nord.

Enfin, créer ce que j’appelle la caisse à outils du parfait créateur d’entreprises, c’est-à-dire du parfait entrepreneur. En clair, lorsqu’une recherche est faite, elle donne lieu à de bonnes publications, mais aussi à des brevets, comment transformer ces brevets en emplois, en innovation, et du point de vue de la société, en médicaments et produits innovants? Ce qui n’est, quand même, pas négligeable. Il fallait donc créer sur un endroit, où il n’y avait rien, ce campus.

Je rappelle simplement, pour ceux qui ne sont pas connaisseurs de ce domaine, une chose qui a été longuement ignorée dans le pays, qu’aux Etat Unis on avait très bien perçu dès la fin des années 70, à savoir qu’à partir des outils nouveaux de la biologie moléculaire, à partir de ce qu’on appelle le génie génétique, on pouvait engendrer des tas de développements industriels, qui étaient inimaginables bien avant cette découverte du génie génétique et qui le devenait grâce à ces outils.

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J’ai cité là quelques secteurs concernés par ces applications biotechnologiques. On parle souvent de biotechnologie médicale qui produit des médicaments que des chimistes seront incapables de produire parce que seule la machinerie des vivants peut les produire, mais aussi de l’agroalimentaire, et il n’y a pas que les OGM dans ce domaine là. Il y a le traitement de beaucoup de problèmes environnementaux. Nous pourrons parler à titre d’exemple du problème de l’eau et de l’assainissement de l’eau, beaucoup de problèmes d’assainissement peuvent être prix en main par la biotechnologie. Ne plus puiser dans les ressources fossiles ça passe par du biogaz, du biocarburant, du lubrifiant, ou inventer des matériaux de nouvelle génération qui existent déjà comme les biomatériaux et les bioplastiques qui, contrairement aux plastiques classiques, sont biodégradables en quelques mois et non pas en quelques centaines d’années, qui est comme vous le savez, un polluant majeur de la planète et en particulier des océans. Puis certains réfléchissent même à une informatique qui serait basée sur un code à 4 bases et non pas à deux éléments.

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GENOPOLE a été créé grâce à une union, et ça c’est à retenir, entre d’une part, le gouvernement, mais aussi la région île de France, le département, etc… enfin tout un ensemble de forces académiques. Et sans l’apport de ces moyens financiers académiques, rien n’existerait parce que ce n’est pas naturellement le secteur privé qui crée ce genre de système. Il y a toujours dans tous les pays du monde, la puissance académique, la puissance des gouvernements et des collectivités qui peut arriver à cela.

On a eu la chance d’avoir une croissance forte en 1998, il y avait 300 emplois localement, aujourd’hui, nous somme à plus de 2200 emplois sur ce site qui n’était vraiment pas destiné à devenir un haut site de la recherche d’un côté, et de l’industrie innovante de l’autre, et nous avons en l’espace de 15 ans créé 80 entreprises représentant plus de 1200 emplois de haut niveau en général. Donc, par rapport à vos angoisses pour ceux qui sont enseignants en sciences du vivant et qui se posaient la question parfois sur ce que vont devenir leurs étudiants en thèse, et bien là, on a un débouché normal, d’ailleurs que les Etats Unis avaient inventé bien avant nous et qui a généré aux Etats Unis quelques très grandes entreprises, comme AMGEN, GENZYME etc., qui sont des entreprises de niveau mondial.

Nous n’avons pas encore d’entreprises de niveau mondial, car dans le domaine des biotechnologies, dites médicales, il faut un peu de temps pour arriver à entrer sur le marché. Mais, en gros, par rapport à ceux qui nous aident financièrement, je rappelle simplement que pendant le temps où nous avons reçu tous ces financements de l’ordre de 100 millions d’Euros pendant les 15 ans de vie de GENOPOLE, nos entreprises ont généré et attiré des capitaux de près de 400 millions d’Euros, créent des emplois, redistribuent ces richesses, elles font marcher le business, ce qui est l’un de leurs rôles en même temps que produire des médicaments innovants.

Je vous passe simplement cette dernière diapositive, sur ce que nous voulons faire d’ici 2025. Vous voyez qu’à côté de la génomique dont on va beaucoup parler et de ces applications, deux autres domaines sont apparus : cellules souches pluripotentes, si j’ai le temps, je vous en dirai quelques mots à la fin de la présentation, qui sont des cellules d’éternelle jeunesse, si je puis dire, enfin c’est ce que disent les romanciers, les biologistes ne disent pas ça

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bien entendu, mais qui permettent d’espérer traiter des maladies jusque là totalement incurables. J’espère pouvoir vous donner quelques exemples.

La biologie de synthèse, c’est un mot qui est relativement récent à l’échelle de l’histoire de la science. Il date de moins 12-15 ans. Elle est née aux Etat Unis vers les années 2000 et c’est un nouveau champ de la recherche en biologie avec des applications bien plus considérables encore que toutes celles que je vais évoquer aujourd’hui. C’est un champ très prometteur, très important qui consiste à faire cohabiter dans, par exemple, une bactérie deux logiciels d’information : le logiciel propre de la bactérie et un autre logiciel à qui on va demander d’accomplir une tache particulièrement complexe. Je prends souvent l’exemple de dégrader une marée noire des résidus pétroliers dont certaines bactéries se repaissent et elles le font dans des conditions totalement impossibles à utiliser naturellement. Et là l’idée, c’est d’utiliser cette biologie de synthèse pour permettre à des bactéries qui vont faire ça de manière efficace, alors que naturellement, elles ne le font pas.

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On peut prendre comme autre exemple de ces applications, des médicaments qui ne sont produits que par certaines plantes dans des conditions très difficiles d’extraction et d’exploitation. Vous récupérez le système d’information de la plante responsable de la fabrication de cette matière particulière intéressante comme étant un médicament, greffer, si je puis dire, dans une bactérie, et demander à la bactérie de fabriquer ce médicament. Voila simplement pour résumer, en quelques mots, ce qu’est la biologie de synthèse. Ce n’est pas un hasard si les Etats Unis ont mis beaucoup de moyens dans ce domaine, ainsi que l’Angleterre récemment, et la France est en train de prendre le virage, comme toujours, avec un certain décalage.

Et en plein cœur de cette diapositive, vous voyez «Médecine personnalisée» en rouge, et dont nous allons parler.

La médecine personnalisée ou la médecine de précision, vous verrez beaucoup de termes dans la littérature, peu importe, c’est une médecine qui va au fond, si je résumais d’une manière caricaturale, et je suis sûr que vous ne serez pas d’accord avec cette formule. Au fond la vertu qu’elle provoque, c’est au fond, une médecine qui s’appuie sur une «Médecine d’organe», avec des spécialités, et qui va devenir une médecine génétique, moléculaire et cellulaire, qui va transcender au fond les frontières qui existaient jusqu’à maintenant entre les secteurs de la médecine. C’est un concept assez ancien, qui fait partie des quatre (P) de la médecine future : Prédictive, Personnalisée, Préemptive et Participative.

Mais, les révolutions technologiques font qu’au fond, on arrive à un nombre de paramètres important et on va s’appuyer beaucoup, dans le futur, sur les compétences de nos amis physiciens, de nos amis mathématiciens qui savent manipuler des systèmes de données importants, qui savent extraire de ces données des informations pertinentes par rapport aux objectifs fixés au départ.

Ces médecines de précision sont profondément multidisciplinaires ou elles ne seront pas. Simplement pour vous donner un exemple trivial pour les Cancérologues, je prendrai beaucoup d’exemples autour de la cancérologie car comme vous avez eu la gentillesse de le rappeler, j’ai fait beaucoup de travaux en matière de cancérologie. Je me suis intéressé aux gènes qui se

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modifient aux cours de la cancérogenèse, c’est un exemple très classique, connu de tous les médecins. Certains malades quand vous leur injectez une drogue très classique qui s’appelle (5-fluoro-uracyl) qui est un anticancéreux classique, sont particulièrement malades à cause de l’injection. Et la raison essentielle est liée au fait que l’enzyme qui détruit le cinq 5-fluoro-uracyl, et qui fait qu’une toute petite dose seulement va se rendre sur le site pour traiter la maladie est détruite sauf chez certains malades, cette enzyme est inactive, et par conséquent, la quantité de produits toxiques qui reste dans le malade est nettement supérieure à la normale et vous avez un effet toxique violent chez ces malades.

Il est aujourd’hui obligatoire de détecter avant l’utilisation de 5-fluoro-uracyl quel est le niveau d’activité de cette enzyme par la typologie du gène relatif à cette enzyme? Donc ceci existait déjà depuis longtemps et c’est cet aspect là qui va être généralisé dans mon propos. Voila la définition, telle qu’adoptée par tout le monde (l’AFD en particulier en octobre 2013) : «C’est la capacité à classer des malades et des individus en sous populations qui vont se différer dans leur susceptibilité à une maladie particulière, et qui sont plus ou moins sensibles, plus ou moins aptes, plus ou moins destinées à développer une maladie ou dans leurs réponses à un traitement spécifique». Donc la médecine personnalisée c’est cette classification des malades à priori, je vais vous montrer dans un instant ce que ça veut dire.

Pourquoi cela?

Parce que tous les médecins savent bien que face à une pathologie donnée qui semble être une pathologie unique, et même si ce que je dis là est très discutable et souvent d’ailleurs faux. On a en réponse au traitement classique ou les plus efficaces des malades qui ne répondent pas ou qui sont particulièrement sensibles aux effets négatifs du traitement. Et en particulier dans le cancer, vous voyez que le niveau de réponse moyen est de seulement 25%, ce qui est évidemment très peu, d’où la nécessité de combiner des approches en terme de molécules et dans toutes les pathologies. L’idée c’est d’arriver par cette segmentation là, par cette approche nouvelle, à faire que le taux moyen d’efficacité atteigne pour toutes les pathologies, sur des bases scientifiques, et non pas sur des bases liées au système que l’on utilise aujourd’hui en médecine

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et on n’a pas d’autres systèmes. Le système essai-erreur-essai-erreur, vous savez que tous ceux qui souffrent d’hypertension vont d’abord voir leur médecin, on leur donne leur premier antihypertenseur, ça fonctionne, ça ne fonctionne pas. Si ça ne fonctionne pas, on essaie deux mois après un nouvel etc… jusqu’à ce qu’on trouve le bon équilibre, et tout ça est basé sur le talent du médecin, qui en général se débrouille bien avec ça mais qui serait heureux d’être aidé par des approches d’une autre nature que le simple ESSAI-ERREUR. Donc il y a dans la médecine personnalisée, deux branches :

1- Une branche qui consiste à définir la prédisposition de n’importe lequel d’entre nous, à telle ou à telle pathologie, nous sommes tous inégaux, à environnement égal, face à une pathologie donnée. L’exemple le plus fameux, c’est le cancer des fumeurs. Si vous ne fumez pas, vous avez peu de risque d’avoir un cancer. Vous pouvez vous en avoir quand même. Si vous fumez, si vous comparez 100 fumeurs qui fument de la même manière et qui ont à peu près le même mode de vie, etc. et bien, la probabilité de développer cette pathologie va changer d’un individu à l’autre. Et c’est, cette prédisposition là, qui est une base génétique.

Evidemment, sans l’environnement, la pathologie existe moins et dans des conditions très différentes avec cet environnement-là, nous sommes inégaux face aux maladies. C’est vrai de toutes les pathologies, y compris les maladies infectieuses. Vous connaissez le résultat célèbre de certaines personnes résistantes naturellement au virus du sida. Donc même pour les maladies infectieuses, on a des inégalités dans notre capacité à résister ou à être sensible.

2- Il y a le deuxième aspect de la médecine personnalisée, c’est la médecine curative, c’est celle qui justement une fois, la maladie est installée. Donc on ne parle pas d’une maladie qui peut s’installer, on parle d’une maladie qui est installée, va permettre de définir d’une manière prédictive le bon traitement par rapport à cette pathologie.

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Quelles sont les pathologies qui sont concernées?

J’ai une diapositive presque humoristique, qui en dehors des accidents de la route, toutes les causes de mortalité par maladie sont soumises à ces données génétiques. Je dis, ce n’est même pas vrai pour les accidents de la route parce que comme les accidents de la route sont dus en grande partie, au moins dans nos pays, à l’alcool, et que nous sommes de manière sensiblement différents aux prédispositions à l’alcool, et on peut même dire que certains accidents de la route sont liés à une pathologie génétique. Evidemment, c’est un jeune mot, très facile, qui n’a pas beaucoup d’intérêt, sinon de faire comprendre que nous sommes tous inégaux face à ces pathologies, et que ceci est une page génétique à environnements toujours pareils.

Alors, quel est le Tsunami dont on parlait tout à l’heure?

C’est que la génomique c’est-à-dire la capacité à identifier si chacun de nous a toute l’information génétique, et en faire une espèce de carte détaillée, qui était jusqu’à maintenant, le rôle des laboratoires de recherche qui n’étaient pas accessibles aux médecins dans l’hôpital, ni à l’hôpital lui-même, va

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devenir médical et non plus exclusivement recherche. Et ça c’est le grand enjeu de lier quelque chose qu’on était incapable de soupçonner il y a 10-15 ans. En 2003, le premier génome de l’homme, voit sa publication achevée par dix laboratoires qui se sont coordonnés dans le monde entier pour participer, dont celui d’EVRY, à cet effort majeur de manière à rendre publique ces données de base, depuis cette époque, ça avait coûté 3 milliard d’Euros à la collectivité mondiale. Cela avait pris quelques années. Aujourd’hui, vous voyez sur cette courbe, avec comme comparaison la courbe de MOORE bien connue, on a une chute des coûts liée à l’apport des physiciens et aux apports des techniques de physique comme souvent c’est le cas en médecine, qui ont par des méthodes massivement parallèles et photométriques permis de diminuer considérablement le coût du séquençage d’un génome.

Coût par génome humain séquencé (30x = chaque base est lue 30 fois)

Donc, on est à 1000 dollars (US$) le coût. Nous étions à 3 milliards de dollars, Donc vous voyez l’extraordinaire changement, et à 1000 US$ voire 100 US$ demain comme le disent certains, le génome devient un examen banal pour

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l’hôpital. Ceci, étant dit, c’est bien que ça devienne un examen banal en terme financier encore que 100 US$ ce n’est pas forcément négligeable.

Mais encore, faut-il savoir comment l’utiliser ce génome et ce qu’on va en dire et ce qu’on va en faire?

C’est là où je dis que le Tsunami arrive, et personne n’est réellement préparé sauf quelques laboratoires de Recherche à affronter cette échéance. Je vous rassure même aux Etats Unis où nous avons fait une enquête récente, ils sont un peu plus avancés que nous, mais pas beaucoup plus avancés que nous parce que, eux même ne prévoyaient pas ça. Donc ça c’est pour rappeler simplement que le débit de séquençage était multiplié par 300.000 et le coût a été divisé par 3 millions. C’est une illustration de ce que je viens de dire, donc on a une population complexe de gens particulièrement sensibles aux médicaments du point de vue de leur toxicité, donc risque élevé, et puis ceux qui seront traités et ceux qui ne seront pas traités, l’idée est de diviser tout en quatre groupe par cette approche de génomique. Donc l’idée c’est de prendre pour chaque malade, un peu de sang et d’en faire le génome, et à partir de cette analyse génomique et de revenir vers le médecin et le malade et de dire face à cette maladie et ça, ça va prendre du temps, voilà le traitement qui serait le meilleur pour ce malade là. On est vraiment dans une médecine personnalisée, ce qui inquiète comme vous l’imaginez, beaucoup les industriels de l’industrie pharmaceutique dont le rêve depuis toujours est de concevoir la drogue, la substance, le médicament universel qui traite une maladie importante, si possible, chronique, si possible, pour toute la vie qui soigne tout le monde. Or là, nous sommes face à quelque chose qui contredit cette stratégie. Et souvent, je les rassure en leur disant, ne vous inquiétez pas, ce qui va changer, c’est la combinatoire, éventuellement des substances de base. On aura toujours autant de gens à soigner et même mieux que ce que nous faisions jusqu’à maintenant.

La médecine personnalisée, ce n’est pas simplement la génomique. Ça sera basée sur le dossier clinique personnel, les données biochimiques, l’imagerie. Au fond, tout ce qui fait l’examen clinique actuel, qu’il faudra intégrer absolument dans un dossier unique. Quand je parle de dossier unique, ce n’est pas simplement un dossier papier, c’est un dossier numérique. Le tout est à

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envoyer à un système de BIG DATA dont je parlerai dans un instant qui en fera l’analyse, la synthèse et qui essaiera d’intégrer, de manière croisée, les données de l’imagerie telle qu’elles seront répertoriées avec les données de la génétique, avec les données de la biochimie, etc… et aller même un peu plus loin, que la seule génomique, et en parlant de génomique fonctionnelle, «protéomique», etc. Je vous donnerai un exemple dans un instant ça va révolutionner, non seulement, évidemment l’approche du médecin, mais aussi, tous les métiers de l’hôpital.

Vous savez qu’aujourd’hui, en cancérologie, quand on vous opère, souvent le premier geste, on fait une ponction. On aura dans sa carte vitale l’ADN qui ne sera pas accessible nécessairement aux médecins, et qui sera mise sous forme cryptée confidentielle. Vous parlez, Monsieur le Secrétaire Perpétuel, des problèmes éthiques. Inutile de vous dire que derrière tout ce que je vous dis là, il y a d’énormes problèmes sociétaux, éthiques qu’il va falloir traiter en même temps, ne serais ce que la confidentialité absolue des données à respecter. Et quand on voit Google venir nous dire : «Nous, on est prêt à faire l’effort énorme de stocker toutes vos données, donnez les nous et vous verrez, on vous redonnera des résultats parfaits». On sait bien que derrière ça, il y a des enjeux économiques considérables et des enjeux, même d’une autre nature, considérables. On y reviendra si vous le voulez bien.

Alors le cancer, sur la diapositive je rappelle le nombre des cancers, qui est une maladie qui croit.

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Je rappelle simplement pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de cancer au sens scientifique du terme que le cancer c’est toujours le résultat d’une accumulation de lésions génétiques qui n’étaient pas nécessairement présentes à la naissance bien entendu. Si elles sont présentes à la naissance, on parle de cancer héréditaire, ce qui est très peu de cas (30% seulement par rapport à tous les cancers). C’est clair qu’au cours de la vie, que ce soit lié à l’erreur de la machinerie cellulaire, que ce soit lié à la confrontation avec des toxiques comme le tabac ou des agents mutagène comme les rayonnements etc, s’accumulent dans toutes nos cellules des lésions qui peuvent soit conduire à la mort cellulaire de temps en temps, ce qui est moins grave au fond sauf quand ça touche le cerveau ou quand quelqu’un commence à s’en apercevoir au bout d’un certain temps.

On a suffisamment de réserves que ça n’apparaisse pas très tôt, soit les cellules ne meurent pas et peuvent accumuler ces lésions dont certaines vont être à l’origine du développement de la tumeur. Identifier ces lésions, chose qui était impossible jusqu’à aujourd’hui, même aujourd’hui, ça reste un exploit, et qui sera banal dans moins de 5 ans. Identifier ces lésions est donc essentiel au diagnostic, au pronostic et surtout au choix thérapeutique.

La génomique peut répondre à toutes ces questions. Je rappelle donc que chaque tumeur même quand elle ressemble à la tumeur du voisin, si je puis dire, est différente du point de vu génétique. C’est-à-dire, deux cancers qui se ressemblent, comme deux gouttes d’eau au microscope, n’ont pas les mêmes lésions et évidemment chaque malade, atteint du cancer, est lui-même différent. Donc, c’est une combinatoire entre la génomique du malade, enfin du génome normal du malade, et de la génomique de la tumeur.

Je rappelle tout simplement, que les gènes qui sont responsables lorsqu’ils sont lésés de cette formation de tumeur s’appellent des oncogènes, ce qui veut dire, gènes des tumeurs et qu’ils peuvent être impliqués dans des tumeurs très différentes, etc. Ils ont des fonctions très diverses à l’état normal, et qu’une tumeur résulte de l’implication de quelques ou d’un très grand nombre d’oncogènes. Le cancer va être l’archétype de la complexité dans le domaine des sciences médicales et du vivant dans un avenir proche. Et c’est là où je dis que sans appui massif des théoriciens, des mathématiciens, des statisticiens,

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des physiciens, des informaticiens bien entendu qui vont avoir un rôle clé à jouer dans tout cela, basé sur des données de base de qualité, ce qui est essentiel nous n’avancerons pas beaucoup, en tout cas, dans la cancérogénèse.

Pour les maladies génétiques rares, le problème est plus simple du point de vue théorique, mais du point de vu de la complexité, c’est le cancer qui pose le plus grand nombre de problèmes.

Ça, c’est une diapositive pour illustrer quelque chose qui à n’est sûrement pas à regarder, qui sont toutes les cibles possibles qui peuvent être touchées, les unes après les autres, les unes à côté des autres lorsqu’on vous parle de cancer. Ce qui est en jaune sont tous les médicaments qui, aujourd’hui, sont recherchés par les industriels de l’industrie pharmaceutique, comme étant des médicaments agissant spécifiquement sur cette cible-là, et que l’on va utiliser et uniquement lorsque la tumeur sera porteuse de cette lésion. Et par conséquent, on aura vraiment ce que j’appelle depuis longtemps un traitement à la carte génétique de la tumeur et la carte génétique de l’individu porteur de la tumeur.

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Pour rappeler un autre élément de complexité du cancer, c’est non seulement comme vous le voyez, il y a des couleurs différentes. Ça correspond à des mutations différentes dans chacune des cellules de couleurs différentes, mais en plus au cours des procédures de développement de cette tumeur, vous voyez apparaitre des clones, des sous clones qui supportent des lésions différentes ou qui apparaissent très tardivement.

Il y a toute une histoire du cancer qu’il faut prendre en compte. Essayer de s’intéresser à celles qui sont les plus pertinentes pour traiter d’une manière efficace.

Aujourd’hui, il n’y a qu’une vingtaine de médicaments dicibles, ce qui est très peu par rapport aux dizaines et aux centaines de lésions génétiques à l’origine d’une tumeur possible. Il y a, en cours de développement par les industriels de l’industrie pharmaceutique, des centaines de médicaments qui sont aujourd’hui en cours de développement. Donc c’est clair que du point de vu de la cancérologie, indépendamment de la génomique qui sera nécessaire bien entendu, se développe en parallèle, une approche thérapeutique dont on ne sait pas ce qu’elle donnera. Par exemple on est quand même très surpris de voir que certains cancers, restent extrêmement dangereux, en dépit des connaissances qu’on a de ces traitements ciblés. C’est-à-dire qu’en gros, il y a des choses qui nous dépassent aujourd’hui. Pour l’aspect économique, il sera évoqué tout à l’heure.

Est-ce que ça va coûter très cher?

Dans certains cas, ça coûtera moins cher, en tout cas c’est ce que disent certains chercheurs pour rassurer les politiques qui regardent ça avec une angoisse évidente. Beaucoup de malades qui étaient traités par une drogue, qui était en fait inefficace, ne le seront plus puisqu’ils ne seront traités que par la drogue efficace. Le problème que nous avons aujourd’hui dans le monde, c’est que les nouvelles substances anticancéreuses dites ciblées sont vendues à des prix exorbitants et non justifiés, je le dis clairement, non justifié. Jusqu’à maintenant, le prix d’une substance médicamenteuse était fixée de la manière suivante : l’industriel de l’industrie pharmaceutique investissait en gros un milliard de dollars disait-il, il faudrait vérifier, mais en gros retenez ce chiffre, pour arriver à un médicament mis sur le marché. Et bien entendu, ce

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médicament était le résultat de beaucoup de déchets par ailleurs puisque pour arriver à un médicament il faut faire beaucoup d’essais. Donc l’industriel de l’industrie pharmaceutique disait pour me rembourser l’investissement que j’ai fait d’une manière anticipée, moi je dois vendre, a tel prix, parce qu’il y a tant de malades qui sont éligibles à mon médicament. Ce qui correspond à des prix que vous connaissez habituellement. Aujourd’hui, on fait le même calcul avec les médicaments ciblés, alors que bien souvent la recherche a été payée par l’académique et pas par l’industriel. Mais il y a un jeu d’écriture très choquant (moi je le considère très immoral) qui consiste à fixer un prix artificiel, parce que aujourd’hui pour traiter cette pathologie là, voila le prix du médicament tel qu’on l’imagine. Et donc, si on faisait le prix au fond habituel, si on calculait le prix habituel en ne tenant pas compte de ce qu’aura investi le secteur académique, on arriverait à des prix qui seraient bien inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui, sauf que celui qui détient le brevet a évidemment la maitrise et la seule possibilité pour les autorités de santé qu’elles n’appliquent jamais, c’est de refuser d’utiliser le médicament. Je ne connais aucun gouvernement qui résiste longtemps à l’idée de refuser un traitement s’il est efficace dans certaines maladies, ce qui est le cas.

C’est que jusqu’à maintenant que faisait-on?

Le cancer du sein par exemple, ou n’importe quelle tumeur, on prenait un morceau de la tumeur et on la passait au microscope. Et à partir de là il y a un diagnostic précis de la nature de la tumeur, et à partir de la nature de la tumeur, de l’identification de la tumeur, toute une méthodologie de traitement qui suivait les traitements optimales de l’époque avec des protocoles nationaux alignés pour tous, et ce qui n’exclut pas évidement la recherche de nouvelles approches médicamenteuses. Désormais, la nouvelle façon sera d’une part de prendre le morceau de tissu, de le regarder toujours au microscope bien entendu et ça restera, de faire la génomique de la tumeur la protoémique et aussi la génomique fonctionnelle, c’est-à-dire regarder le niveau d’expression des gènes, donc une chose de plus compliquée et qui ira très vite. Pas encore assez vite selon les médecins parce que les premiers examens peuvent être quasiment fait sous quelques jours, même au lit du malade ou au lit du bloc opératoire. On peut même regarder au moment de l’opération quelle est la nature s’il y a des tumeurs et faire le geste chirurgical qui correspond parfois

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à telle ou à telle situation vue sous microscope au moment de l’opération. Alors un exemple simplement parmi beaucoup d’autres : une patiente de 42 ans qui soufre d’un carcinome des poumons. Ça c’est un exemple de l’Institut Gustave ROUSSY à Paris, qui travaille juste à coté de nous. Nos réponses à la première ligne classique : bon, donc échec total du traitement. Là, c’est uniquement, l’analyse générique de la tumeur. On ne s’est pas encore intéressé au malade lui-même. On regarde, on trouve une nouvelle lésion présente dans cette tumeur pour laquelle un médicament était en cours de développement à l’époque chez un industriel et qu’il y ait une modification, peu importe, on obtient une autorisation d’utilisation rapidement sans faire tous les essais normaux, et en plus on obtient une mission complète de cette pathologie. C’est simplement pour illustrer l’efficacité de l’approche et ça ne veut pas dire que cette malade ne récidivera pas puisque dans ce cas particulier, on a utilisé un seul traitement ciblé ce qui veut dire qu’à coté il pouvait y avoir beaucoup d’autres choses. Alors c’est là, où ça va poser des problèmes au monde hospitalier qui n’a absolument pas l’habitude, bien qu’il ait bien l’habitude jusqu’à maintenant, de travailler avec beaucoup de données, il ne faut pas exagérer non plus dans l’autre sens.

En général, ces données vous ne les utilisez pas et vous les stockez dans un coin, on était incapable de les récupérer si bien que quand vous allez dans un hôpital, je ne sais pas comment c’est au Maroc, mais en France c’est toujours la même chose. Bien que vous connaissiez votre groupe sanguin depuis des années, vous avez la carte certifiée, on vous refait quand même un groupe sanguin pour être sûr qu’il y a pas eu d’erreurs et là il va falloir nécessairement la numérisation de toutes les données de chacun de nous, qu’elles soient interopérables entre hôpitaux et au plan international en partie pour comparer ces résultats entre eux, autrement ça n’a pas de sens. Ça va exiger une intégration de toutes les données (volume, vélocité, variété) dans le BIG DATA. Et ça, c’est un monde que le milieu médical ne connait pas. C’est un monde nouveau qu’il va falloir affronter, donc qui va nécessiter immédiatement la formation d’informaticiens en grand nombre et à double culture.

Pour vous donner une idée de la taille, un génome c’est un gigaoctet. En France, il y a 200 mille nouveaux cancers par an, ce qui est équivalent si on

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veut faire le bilan global, ça sera à peu près deux millions de génomes par an à séquencer, donc ça fait un pétaoctet par an de stockage (pour Facebook c’est 500 téraoctets par jour, donc 0.5 pétaoctet par jour), donc vous voyez qu’on est dans des dimensions acceptables, et ça va grandir très vite. Le problème essentiel ce n’est pas de stocker, c’est évidement de calculer derrière, d’extraire de ces données brutes des informations pertinentes, et là, il y a tout à faire ou pratiquement tout à faire avec des mobilisations importantes, des spécialistes de ces questions. AMAZON qui sait extraire d’une base de données complexe certaines informations qui vous permettent de vous envoyer, sans arrêt, le dernier livre que vous avez regardé simplement, en vous disant, voila celui qu’il faut évidement que vous achetiez. Là ça sera la même chose. Ça va nécessiter des calculateurs dit «hexa phobique» et ça c’est prévu pour les années 2015-2020. Donc, en gros, l’informatique, par sa puissance, est en train de rencontrer la médecine par ces exigences.

Alors maintenant, par rapport à nous, responsables des budgets de la médecine, si on applique les chiffres que j’ai indiqué tout à l’heure, cinq millions de génomes représenteront, environ, un coût d’un ou deux ou trois millions d’Euros par an. Le budget de la santé en France est de l’ordre de 180 milliards. Ce n’est pas disproportionné. On n’est pas en train de dire, sauf que ça ne comprend pas le coût des médicaments bien entendu, et c’est là où sera l’enjeu majeur. Alors que si pour traiter une maladie, il faut un traitement qui dure 2 mois à raison de 100 mille dollars le traitement, ça va aller très vite. Evidement, c’est là où il va y avoir un problème de société mondiale qui va s’imposer dans le modèle économiques de tous ces métiers et de toutes ces fonctions.

On a déjà grâce à des études à grande échelle que mène un consortium mondial (ils sont un ensemble de pays qui se sont tombés d’accord pour faire ces études à grande échelle) au niveau de la recherche, on trouve déjà tout un ensemble de résultats qu’on pensait d’ailleurs pouvoir trouver. Il n’y a rien d’extraordinairement original dans ce que je vais dire là. Donc on retrouve beaucoup de processus appliqués dans le cancer, de nouveau gène en grand nombre. Le taux de mutations peut être entre deux cancers différents qui se ressemblent 1000 fois plus élevé selon le type de cancer. Ce sont des choses auxquelles on ne s’attendait pas. Et en gros, il y a une variabilité

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génétique considérable entre cancers, sans qu’on sache aujourd’hui quelle est la pertinence de cette variabilité. On ne sait pas du tout, si ceci a un sens physiopathologique pour le malade ou pour la tumeur. Mais en gros, il y a toute une série de résultats et de conclusions. Et la seule importante c’est l’essor de cette médecine personnalisée qui va apporter beaucoup de choses à la recherche et il est absolument indispensable et ça pose un problème de confidentialité à nouveau et de relations entre le médecin et son malade, c’est-à-dire que non seulement les résultats doivent être utiles pour le malade dans l’approche thérapeutique du médecin, mais ils doivent pouvoir être utilisés par les chercheurs dans le respect total de la confidentialité des données.

Par ailleurs, il va falloir développer au sein d’un hôpital de nouveaux métiers: formation du personnel, considérations éthiques et droits de savoir pour les malades, développement de nouveaux médicaments (ça, c’est l’industrie), coût et couverture par les assurances qui commencent à nous poser des questions très pertinentes : où va-t-on avec tout ça? Vous savez qu’aux Etats Unis et en Angleterre par exemple, le système de santé dit une chose simple: «Si au delà de 30 mille livres de traitement pour une espérance de temps de survie de moins de 3 mois, on ne traite pas». En France, on n’est pas encore arrivé à ça, et on va forcément y arriver assez vite, disponibilité du traitement adéquat, etc.

C’est simplement pour vous dire, et je pense que le Maroc n’est pas impliqué là-dedans et ça sera important que vous y soyez impliqués, c’est qu’elle s’organise au plan mondial, une alliance entre ces différents pays, une course pour que soient partagées ces informations sans obligations évidement de développer une recherche dans ce domaine, donc simplement pour faire progresser de manière coordonnée ces informations et ces missions. Et pourquoi? Parce qu’aujourd’hui, les données qui sont produites par les hôpitaux sont généralement séparées par type, par maladie, par établissement, qu’elles sont non cohérentes. Elles ne sont pas standardisées. Les approches en matière de réglementations de consentement et de partage des données sont très variables d’une juridiction à l’autre. C’est clair que ceci doit changer rapidement. En tout cas, il faut se mettre en situation que cela change rapidement si nous ne voulons pas gaspiller tout un ensemble de données qui seront gaspillées au détriment du malade.

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Quelques mots maintenant sur ce que nous faisons à Evry, dans une méthode où cette fois c’est l’ADN qui sert de médicament, pour la thérapie génique je vais compléter par quelques approches nouvelles que certains d’entre vous connaissent sûrement, et que d’autres ne connaissent peut être pas. La thérapie génique ça consiste à utiliser la version normale d’un gène pour l’injecter dans la cellule malade dans laquelle il y a un gène dit «anormal». Donc Je ne m’adresse pas plus à toutes les pathologies, je m’adresse essentiellement aux maladies génétiques rares. C’est à dire ces maladies héréditaires, la plupart du temps, et qui sont liées à une anomalie dans un gène donné, dans quelques gènes, donc un gène donné pour un malade donné, et qui est responsable, on peut parler des myopathies, on peut parler des maladies génétiques rares. Elles sont rares quand on prend une maladie déterminée, «progeria» c’est quelques cas dans le monde. C’est cette maladie qui conduit une personne à vieillir de 7 ans tous les ans. Mais certaines, au total, touchent beaucoup de monde. Et il y a des maladies dans les pays africains et des pays subsahariens qui touchent des millions de gens en particulier les thalassémies, les maladies de l’hémoglobine, etc… ce sont des maladies génétiques rares, qui elles, dit-on, peuvent protéger ces personnes atteintes de cela, de certaines zones pathologiques, en particulier certaines maladies liées à certains parasites. Je ne suis pas compétent dans ce domaine, mais je sais, qu’ici, il y a des gens plus compétents que moi qui me corrigeront si je dis des bêtises.

Thérapie génique : l’idée c’est donc de se dire, la personne malade parce qu’un gène dans l’ensemble du génome de la personne est anormal. Est-ce que je peux remplacer ce gène par un autre gène, ou est-ce que je peux ajouter la version normale du gène pour obtenir un effet thérapeutique? Chez la souris, chez beaucoup d’espèces animales tout ceci marchait bien, chez l’homme, on a cru au miracle dans les années récentes, mais on s’est rendu compte que c’était beaucoup plus compliqué, et qu’il y a une espèce de vague de pessimisme autour de ça qui est aujourd’hui en train d’être corrigé au fond, une espèce d’enthousiasme lié à ces nouvelles technologies. Puis, quelques résultats décevants ou inquiétants, une espèce de désespérance et puis on redémarre sur des bases nouvelles. Donc, on est là dans l’ADN en tant qu’outil thérapeutique. Je rappelle, parce que c’est, quand même, un phénomène qu’on a oublié. En tout cas dans nos pays. On a oublié ça. C’est

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qu’une thérapie génique, à grande échelle, a déjà, été utilisée en Europe, je ne sais pas ici, qui a été l’essai de vaccination des renards contre la rage, ou de la faune sauvage d’une manière générale, et ceci a été lié à l’injection, par voie orale, donc sous forme alimentaire d’un virus de vaccine qui contenait la glycoprotéine des virus de la rage. Donc, les animaux mangeaient ces aliments et s’immunisaient par thérapie génique, si je puis dire d’une certaine manière, c’est exactement ça, en produisant eux même la protéine qui, dans le virus de rage, produit une réaction vaccinale.

Donc, voyez le paysage en 1989 en France et dans l’Europe. Aujourd’hui, ça a complétement disparu. Donc aujourd’hui, la rage est déclarée officiellement éradiquée en France grâce à cette approche de thérapie génique. Et c’est ce genre d’exemples qui a laissé croire que tout allait être réglé rapidement et que les malades atteints de maladies génétiques rares allaient très vite être guéris. En fait, il n’en a rien été puisque quelques fois il y avait des accidents mortels et que même si vous êtes atteint d’une maladie génétique rare, l’éthique médicale oblige à ce qu’on prenne toutes les précautions pour ne pas faire n’importe quoi quand on est médecin. Ça, vous le savez bien.

La première preuve de principe, en fait, il y en avait d’autres, mais en France on est très content de voir citer ça quand même. C’était le traitement d’une maladie immuno-déficiente sévère par l’équipe d’Alain FISCHER à l’hôpital NECKER. Je suis sûr que certains ici connaissent bien l’hôpital NECKER et toute son histoire. Et c’était un vrai succès avec comme vous le savez malheureusement deux sur les onze premiers malades traités, deux cas de leucémie induite par le traitement lui-même. Ce problème a été aujourd’hui compris par quelques années de recherche supplémentaires. La chose étrange c’est qu’il y a la série anglaise qui avait été juste après et n’a pas eue ces problèmes-là. Et c’est donc on a compris un peu mieux ce qui s’est passé. Et aujourd’hui, on est, Alain FISCHER et son équipe, et Marina CAVAZZANA aussi, sont en train de reprendre les séries avec des succès qui ne semblent pas, eux, altérés par des problèmes de leucémie récurrente. Et sur ces leucémies, l’un d’entre eux est mort, l’autre a été traité. Donc ça était la première, vous savez ces maladies dans lesquelles les enfants sont obligés de vivre dans des bulles pour être protégés de tout l’environnement, etc., c’était

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très spectaculaire. Moi, je me souviens, Alain FISCHER m’avait invité à une conférence, un peu grand publique, où on voyait les gamins courir dans les couloirs alors que quelques mois auparavant, ils étaient confinés dans leurs bulles. Et ça, c’était un grand succès qui a revalidé d’une certaine manière l’approche chez l’Homme de leur traitement de ces maladies génétiques rares.

Deux exemples : un exemple, vous parliez, tout à l’heure, de micros caméras capables de capter des signaux lumineux et de les réinjecter. Ça c’est effectivement l’approche bio optronique, si je puis dire. C’est en gros, un signal physique qui est transmis directement au système nerveux, les cellules de la rétine, étant elles, court-circuitées dans l’histoire. Là, l’idée, c’est plutôt le contraire, c’est d’injecter le gène dans les cellules qui restent, il faut évidemment qu’elles soient, toujours présentes, d’un gène qui est déficient pour arriver à une forme de guérison, et c’est ce qui s’obtient, pas d’une manière parfaite loin sans faute, mais d’une manière relativement satisfaisante.

Sur ce film que je projette, vous voyez le chien à gauche, il marche sur tous les obstacles. Grâce au traitement qui a été fait à Nantes par Fabien ROLLIN, après quelques semaines de traitement, par cette thérapie génique, vous voyez le chien qui évite, lui-même, tous les obstacles, c’est très spectaculaire,.

Et donc, cette approche de thérapie génique conduit aujourd’hui l’AFM à développer un laboratoire de production pour la thérapie génique qui sera un laboratoire de dimension mondiale avec beaucoup d’essais thérapeutiques en vue.

Et en clair, on entre aujourd’hui, c’est là où ça devient intéressant pour les généticiens d’ici pour se remettre, enfin vous l’êtes, en liaison, parce que évidemment vous pouvez bénéficier de la même manière de ces productions qui sont fortement aidées par l’Etat et qui seront, elles, j’espère, facturées à un prix raisonnable. Autrement, si on fait rembourser par les malades ce que la collectivité a déjà donné sous forme de Téléthon, là ça devient très choquant, et ça ne sera pas le cas. Donc on aura des approches thérapeutiques qui resteront moins financièrement acceptables.

Alors, on peut aussi avoir une autre approche, encore plus révolutionnaire que

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celle que je viens d’évoquer, mais qui est encore au stade de la recherche et pas du tout de l’application chez l’homme. Chez l’animal, c’est en cours et ça marche, au moins d’une certaine manière, et qui est d’essayer de réparer in situ, donc vous voyez, vous avez toutes vos cellules qui constituent le corps humain. Dans chacune de ces cellules, il y a l’ADN. A un endroit donné de cet ADN, il y a une lésion. Cette lésion elle est présente dans toutes les cellules de l’organisme. Pour ça, il y a le développement de la génétique parce que c’est une maladie héréditaire. Et là, l’idée c’est d’utiliser les moyens que le génie génétique utilisait dans les laboratoires de recherche pour des approches de manipulation génétique et d’essayer d’utiliser in situ dans la cellule ces approches pour essayer en sorte à ce que la cellule, elle-même, répare la lésion, soit en copiant un morceau d’ADN qu’on va lui glisser s’il y avait réparation d’ADN, soit en faisant en sorte qu’il y ait une recombinaison qu’on appelle homologue, c’est à dire en gros, l’ADN anormal se rapproche de la verte parce qu’on a tous des chromosomes, ça tout le monde le sait.

Donc, il y a une version normale sur un gène et une version anormale sur l’autre chromosome. Je rapproche ces deux chromosomes et j’essaie de faire en sorte que ça soit une combine pour donner réparation. Ça c’est de la chirurgie génétique fine qui marche remarquablement bien dans des

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cellules en bouteilles, qui marche beaucoup moins bien quand on s’adresse à l’animal et qui ne marche pas du tout chez l’homme. D’ailleurs, ça n’a pas été essayé chez l’homme, à ma connaissance en tout cas, parce que beaucoup trop risqué, mais c’est l’avenir dans mois de 5-10 ans. C’est en clair, aller réparer in situ les lésions génétiques avec des découvertes récentes comme le système CRISPR qui est capable de faire des choses fabuleuses dans des cellules, d’aller corriger n’importe quel type de lésions pour peu qu’on ait la connaissance de cette lésion. Ce qui veut dire qu’il faudra aussi séquencer tous les malades atteints de maladies génétiques rares. Ça fait partie du programme que nous voudrions développer en France.

Je vais parler, en dernière partie, j’aurais fini dans quelques instants. C’est un secteur qui nous sort, en partie, de la génomique. Donc, je ne pouvais pas résister, je voudrais vraiment vous en parler, et qui est un secteur, déjà dans la première partie, vous voyez des maladies que je ne croyais pas un jour guéries, ce sont les maladies génétiques rares en tant que chercheur, je ne pensais pas que dans ma carrière de chercheur, je verrais ça. Et là, on va approcher une médecine qui n’était pas imaginables il y a quelques années et qui est une médecine régénérative dans laquelle tout un ensemble de pathologies induites par des accidents (par exemple une rupture de moelle épinière) pourrait être traitées par ces approches de médecine régénérative, vous parliez tout à l’heure de la maladie de PARKINSON qui est approchée aujourd’hui par thérapie génique mais qui peut être approchée aujourd’hui par médecine régénérative.

De quoi parle-t-on? Les cellules souches.

Les cellules souches sont des cellules particulières qui sont dans notre corps, à différentes étapes de notre croissance, qui ont deux propriétés essentielles. Elles sont capables de s’auto-renouveler très longtemps, quasi indéfiniment, et pour certaines d’entre elles pense-t-on indéfiniment. Pour d’autres, c’est plus limité au-delà de la durée de vie des espèces qui les portent.

Le deuxième aspect de ces cellules souches, elles sont capables de se différentier en certains types cellulaires, c’est à dire, redonner toutes les cellules de l’organisme si l’on en a besoin.

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Quels sont les différents types de cellules souches qu’on a au cours de notre vie?

Vous avez au début l’œuf, par définition, qui vient d’être fécondé par le spermatozoïde. Cette souche est évidemment parfaite parce qu’elle est capable non seulement de se multiplier à travers d’autres œufs qui seront produits dans les générations suivantes, mais, en même temps, de redonner tout l’organisme. Quand cet œuf commence à se segmenter, on arrive au stade quatre jours, Morula. Si vous divisez une Morula en deux, on ne le fait pas chez l’homme, encore que ça se produit parfois d’une manière accidentelle. Chez l’animal, vous divisez en deux, vous avez deux animaux totalement normaux qui se développement. Donc à ce stade là, au stade Morula 4 jours, chez l’homme plus que tôt chez la souris, vous êtes capables de séparer ce stock de cellules en deux et d’obtenir parfaitement deux animaux pareils. Donc, ces cellules là, à ce stade-là, sont pluripotentes capables de redonner tout l’organisme.

Et puis, il y a un stade 5-7 jours particulier, puis le foetus, etc… Ça c’est normalement les cellules pluripotentes, qui se développent, mais on devrait voir des cellules cardiaques battre mais je n’ai pas le logiciel non plus, désolé.

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En quoi il y avait eu révolution qui a posé des problèmes éthiques difficiles?

En particulier pour les différentes religions, encore qu’elles aient sur ces questions-là des positions différentes, et j’ai eu l’occasion de présider un comité sur ces questions et je me suis rendu compte à quel point les opinions étaient basées sur des considérations très différentes entre religions et c’était une expérience très intéressante.

Donc au cours du développement de l’embryon, vous arrivez à un stade très précoce et on est là à quelques jours après la fécondation. Vous avez cette masse de cellules qu’on appelle masse de cellules internes. Si vous l’isolez et que vous la mettez en culture, cette masse là, vous obtenez des cellules souches embryonnaires humaines, donc vous détruisez l’embryon, c’est là où il y a le problème éthique bien entendu, puisqu’à ce stade-là, si vous réimplanter l’embryon dans un utérus, vous obtenez un être vivant complétement normal. On détruit un être humain ou un animal potentiellement en développement. La question qui a été posée lors de ce débat éthique c’est à quel stade du développement peut-on considérer qu’on a affaire à un pré homme, si je puis dire. Quelque chose qui n’est pas simplement un amas de cellules. Dans la religion catholique et chrétienne c’est dès le départ. Dans d’autres religions, c’est beaucoup plus tard en particulier il y en a certains qui considèrent que tant que les cellules nerveuses ne sont pas apparues, on ne peut pas parler d’embryon humain, si je puis dire. Donc, c’est toute la chosification de l’embryon qui se posait et ce n’était pas simple.

En tout cas, retenons que ceci a été fait chez l’homme, chez l’animal, c’est très facile à faire. Chez l’homme c’est plus difficile. On peut mettre ces cellules en culture, et là, on obtient des cellules souches qui vont se développer en donnant toutes les cellules dont j’ai parlé tout à l’heure.

Mais, il y a l’autre révolution la plus extraordinaire. C’est cette souche dont je viens de parler embryonnaire, je peux les obtenir à partir de l’embryon. Si je les utilise pour régénérer par exemple un autre organe et que je greffais, imaginons cette expérience que je ne suis pas capable de faire mais on peut y rêver, je suis capable de refaire une cellule cardiaque et de refaire même un cœur in vitro. Imaginons, si je regreffe ce cœur à quelqu’un qui en a besoin, qui est déficient, ce sont ces cellules que je vais greffer qui ne sont pas des

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cellules à lui. Ce sont des cellules étrangères, donc le problème du rejet va se poser de la même manière. Le seul intérêt d’utiliser ces cellules embryonnaires dérivées d’un embryon ça serait d’avoir pendant un certain temps une cellule capable de remplacer le fonctionnement des cellules qui manquent, le temps que, ou d’avoir un traitement immunosuppresseur. Là, l’expérience que je vais vous présenter maintenant, d’abord, elle détruit totalement les problèmes éthiques. J’ai vérifié, nous avons la chance à Evry d’avoir un évêque avec qui je discute souvent et comme la position des chrétiens là-dessus est plus stricte que tout le monde, donc leur avis est moins déterminant. Mais en fait, ça c’est sur toutes les religions, je dis clairement dans ces réflexions.

Là, ce que je vais vous présenter c’est une expérience qui est extraordinaire. Je peux prendre de vos cellules à chacun de vous, donc j’ai des cellules normales ou anormales, ça peut être intéressant aussi de le faire avec des cellules dites anormales, atteintes de maladies génétiques rares. Je mets à côté de ces cellules in vitro un cocktail de substances ou de gènes, et ce que je vois en ayant bien travaillé, ce n’est pas qui l’ait fait, celui qui l’a fait a eu le prix Nobel au bout de deux ans. Vous imaginez les répercussions que ça a eues. Je peux obtenir exactement des cellules qui ressemblent comme deux gouttes d’eau, pas exactement la même chose, aux fameuses cellules embryonnaires dont je vous ai parlé il y a un instant. Donc, je suis capable à partir d’une cellule adulte de votre corps de produire in vitro une cellule embryonnaire capable de se reproduire, seulement, c’est votre cellule. C’est-à-dire qu’à partir de là, je peux l’utiliser pour, vous-même, regreffer n’importe quel organe et au fond compenser l’insuffisance.

Prenons l’exemple : vous avez un diabète de type 1, ça veut dire que les cellules du pancréas ont disparu, dans une vision toujours théorique parce que la raison pour laquelle elles ont disparu n’a peut être pas été vaincue. Imaginons que j’ai compris ce qui se passe, je peux reconstituer un pancréas ‘in vivo’ à partir de cellules que j’aurais fait différencier jusque-là. De la même manière, vous avez une maladie cardiaque, vous faites un infarctus. Si j’ai ces cellules sous la main, je peux regreffer au moment juste après l’infarctus à l’endroit où allait se produire un phénomène cicatriciel responsable d’une lésion qui, elle, sera absolument définitive, je peux regreffer et obtenir un cœur fonctionnel etc etc etc… Ce qui conduit certains de nos amis chercheurs

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plaisantins de temps en temps dire : «Au fond, dans la nouvelle génération des jeunes, certains vivront mille ans puisque aussitôt qu’ils auront quelque chose de déficient, on pourra remplacer avec leurs cellules cette déficience par quelque chose qui va les rajeunir». Inutile de vous dire que ce n’est pas exactement comme ça que ça se passera. Donc tout cela a conduit SHINYA et YAMANAKA qui a découvert chez la souris en 2006, puis en 2007 chez l’homme avant le prix Nobel en 2012, ce qui démontre le caractère absolument spectaculaire de cette découverte qui va révolutionner la médecine. Je vais vous citer des exemples, pourquoi faire rapidement? Il faut s’en servir pour la thérapie cellulaire. Il faut s’en servir comme modélisation pathologique si on prend des cellules souches de malades, enfin des cellules que je transforme en cellules souches de malades atteints de maladies génétiques, je peux essayer d’étudier sur ces cellules là, une approche de modélisation pathologique et de médicaments.

Alors, les premiers essais cliniques en France, ils touchent les cellules cardiaques. On a eu un très beau travail, très curieux d’ailleurs de Philippe MENASHE à l’hôpital Européen Georges POMPIDOU qui a pris un infarctus met des cellules cardiaques embryonnaires sur la lésion, obtient une meilleure régénération, mais non pas à partir des cellules greffées d’ailleurs, mais à partir des cellules endogènes du cœur. Il semblerait que ça soit via la production de facteurs de croissance par ces cellules greffées que ceci s’obtient. Tout ça pour dire qu’on est en médecine en pleine médecine du futur, et qu’on est loin de maitriser tout de qui se passe. Dans la rétine, on a un certain nombre de maladies dues à la dégénérescence de neurorétines qui sont en train d’être réparées par cela. Et dans l’épiderme, voilà, Philippe MENASHE qui vient d’obtenir le premier résultat chez l’homme. On peut obtenir des épidermes qui marchent bien chez l’animal et l’homme, enfin chez l’animal pour l’instant. Et vous voyez que la structure de l’épiderme en construction, et ça c’est obtenu à partir de cellules souches pluripotentes humaines.

Et voilà, pour l’œil, les premières approches qui se développent chez José SAHEL à Paris à l’Institut de la VISION, on essaie de reconstituer à partir de cellules souches embryonnaires, soit induites soit dérivées d’embryons, une reconstitution de la structure de l’œil déficiente dans certaines maladies génétiques rares.

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Voilà, donc, ici, pour résumer sur ces cellules souches, je prends le patient, alors, pourquoi on travaille là-dessus à Evry? Et j’en terminerai par ces mots. C’est intéressant, vous allez me dire on a des maladies génétiques rares! Et bien, pour les malades atteints de maladies génétiques rares c’est la voie royale, si je puis dire, d’approche de ces traitements. Je prends du malade, par exemple les cellules de la peau, je les transforme en cellules souches pluripotentes qui sont toujours anormales bien entendu, parce qu’elles viennent d’un malade atteint d’une maladie génétique. Là, je mets autant que je veux dans ma culture. Je peux donc travailler sur ces cellules souches pluripotentes anormales soit par chirurgie génétique, soit par thérapie génique. Enfin, pour corriger, de la manière la plus parfaite possible sans effets secondaires, cette cellule pluripotente issue de ce malade par l’une ou l’autre des approches que je vous ai détaillée.

Qu’est-ce que j’obtiens à la fin de cette opération qui est en cours chez nous et qui fonctionne?

J’obtiens des cellules souches pluripotentes de ce malade corrigées génétiquement de manière définitive, à partir de ces cellules-là, je les fais se multiplier, je vérifie en passant qu’elles n’ont pas eu d’anomalies au cours du temps, je les fais se différencier en cellules myocardiques, myoplastiques ou hématopoïétiques pour ceux atteints d’une maladie d’hémoglobine, je corrige là. Une fois que j’ai corrigé et réinjecté, j’obtiens le tissu anormal corrigé. Evidement ça ne corrigera pas les défauts liés aux conséquences de la maladie génétique entre le moment de la naissance et le moment où je traiterai, mais ça peut apporter beaucoup d’éléments qu’on n’imaginait pas il y a encore quelques mois, voire quelques années pour certains d’entre nous.

Merci pour votre attention.

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