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Conseil exécutif Point 5 de l’ordre du jour provisoire - Rapport du Directeur général sur le suivi des décisions et résolutions adoptées par le Conseil exécutif et la Conférence générale à leurs sessions antérieures ÉLÉMENTS DE DISCUSSION EN VUE D’UNE ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES ASPECTS TECHNIQUES ET JURIDIQUES D’UN ÉVENTUEL INSTRUMENT NORMATIF INTERNATIONAL POUR LA PROTECTION DES LANGUES AUTOCHTONES ET DES LANGUES EN PÉRIL, Y COMPRIS UNE ÉTUDE DES RÉSULTATS DES PROGRAMMES MIS EN OEUVRE PAR L’UNESCO EN LA MATIÈRE Section I - Introduction Antécédents et contexte de l’action de l’UNESCO 1. Il existe de longue date à l’UNESCO un intérêt pour les langues et la diversité linguistique. À l’article I(3) de son Acte constitutif, l’Organisation exprime le souci d’assurer à ses États membres « la féconde diversité de leurs cultures et de leurs systèmes d’éducation », s’orientant ainsi vers la promotion de la diversité linguistique à l’échelle mondiale (et, par conséquent, vers la protection des langues en péril) et dans l’éducation en particulier. Dans les années 1950 et 1960, l’accent a été mis principalement sur la promotion des langues africaines dans le processus d’édification des nations, en raison du rôle central que jouent les langues comme véhicules des idées et des cultures 1 . C’était un contrepoids important aux théories du moment sur le développement qui soutenaient généralement les politiques d’« acculturation ». Dans les années 1970, il y a eu en Afrique et en Amérique latine un revirement intellectuel en faveur de l’idée de « développement endogène » qui reconnaissait la valeur des cultures (et des langues) locales et ethniques (Arizpe, 2007). Dans les années 1970, le programme relatif aux langues africaines a mis l’accent sur les langues parlées et sur la création de lexiques, de dictionnaires et d’outils pédagogiques ainsi que sur l’alphabétisation dans les langues vernaculaires (Aikawa, 2007). 2. Le Rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement (1996) 2 a relevé l’effet brutal sur les langues des pressions mondiales qui s’exerçaient sur les communautés de locuteurs en faveur d’une assimilation et observé que beaucoup des langues parlées aujourd’hui (dont le nombre est estimé à quelque 6 000) 3 sont en danger de mort, 90 % d’entre elles peut-être risquant d’avoir disparu d’ici au siècle prochain. Il convient de souligner ici la valeur culturelle des langues « qui reflètent chacune une vision du monde, un mode de pensée et une culture uniques » ainsi que la diversité linguistique qui constitue un réservoir de savoir et fournit des instruments de 1 Le document 17 C/73 (1968) relève (par. 12) que « les langues africaines … sont le seul support naturel de la pensée et de la culture africaines. 2 Notre diversité créatrice (éditions UNESCO, 1995), p. 173-177. 3 Dont la moitié se trouvent dans huit pays : Papouasie-Nouvelle-Guinée (832) ; Indonésie (721) ; Nigéria (515) ; Inde (400) ; Mexique (295) ; Cameroun (286) ; Australie (268) et Brésil (234). Cent soixante-dix-neuvième session 179 EX/INF.6 PARIS, le 21 mars 2008 Anglais et français seulement

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Point 5 de l’ordre du jour provisoire - Rapport du Directeur général sur le suivi des décisions et résolutions adoptées par le Conseil exécutif et la Conférence générale à leurs sessions antérieures

ÉLÉMENTS DE DISCUSSION EN VUE D’UNE ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES ASPECTS TECHNIQUES ET JURIDIQUES D’UN ÉVENTUEL INSTRUMENT NORMATIF INTERNATIONAL

POUR LA PROTECTION DES LANGUES AUTOCHTONES ET DES LANGUES EN PÉRIL, Y COMPRIS UNE ÉTUDE DES RÉSULTATS DES PROGRAMMES MIS EN OEUVRE PAR L’UNESCO EN LA MATIÈRE

Section I - Introduction

Antécédents et contexte de l’action de l’UNESCO

1. Il existe de longue date à l’UNESCO un intérêt pour les langues et la diversité linguistique. À l’article I(3) de son Acte constitutif, l’Organisation exprime le souci d’assurer à ses États membres « la féconde diversité de leurs cultures et de leurs systèmes d’éducation », s’orientant ainsi vers la promotion de la diversité linguistique à l’échelle mondiale (et, par conséquent, vers la protection des langues en péril) et dans l’éducation en particulier. Dans les années 1950 et 1960, l’accent a été mis principalement sur la promotion des langues africaines dans le processus d’édification des nations, en raison du rôle central que jouent les langues comme véhicules des idées et des cultures1. C’était un contrepoids important aux théories du moment sur le développement qui soutenaient généralement les politiques d’« acculturation ». Dans les années 1970, il y a eu en Afrique et en Amérique latine un revirement intellectuel en faveur de l’idée de « développement endogène » qui reconnaissait la valeur des cultures (et des langues) locales et ethniques (Arizpe, 2007). Dans les années 1970, le programme relatif aux langues africaines a mis l’accent sur les langues parlées et sur la création de lexiques, de dictionnaires et d’outils pédagogiques ainsi que sur l’alphabétisation dans les langues vernaculaires (Aikawa, 2007).

2. Le Rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement (1996)2 a relevé l’effet brutal sur les langues des pressions mondiales qui s’exerçaient sur les communautés de locuteurs en faveur d’une assimilation et observé que beaucoup des langues parlées aujourd’hui (dont le nombre est estimé à quelque 6 000)3 sont en danger de mort, 90 % d’entre elles peut-être risquant d’avoir disparu d’ici au siècle prochain. Il convient de souligner ici la valeur culturelle des langues « qui reflètent chacune une vision du monde, un mode de pensée et une culture uniques » ainsi que la diversité linguistique qui constitue un réservoir de savoir et fournit des instruments de

1 Le document 17 C/73 (1968) relève (par. 12) que « les langues africaines … sont le seul support

naturel de la pensée et de la culture africaines. 2 Notre diversité créatrice (éditions UNESCO, 1995), p. 173-177. 3 Dont la moitié se trouvent dans huit pays : Papouasie-Nouvelle-Guinée (832) ; Indonésie (721) ;

Nigéria (515) ; Inde (400) ; Mexique (295) ; Cameroun (286) ; Australie (268) et Brésil (234).

Cent soixante-dix-neuvième session

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communication intraculturelle et interculturelle. Aspect important, le rapport insiste sur la nature des langues, indissolublement liées aux cultures dans lesquelles on les emploie et dont la destinée est déterminée par le milieu social et politique. Pour faire en sorte que les langues du monde continuent à vivre, il ne nous faut pas seulement trouver des moyens de protéger les langues en péril, mais encore élaborer dans le cadre national des politiques qui favorisent l’utilisation fonctionnelle de toutes les langues dans la société.

3. Le programme de l’UNESCO intitulé « Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité », lancé en 1997-1998, a clairement souligné le lien entre ce patrimoine et l’identité culturelle. Le jury pour le programme des chefs-d’œuvre a décidé de se focaliser sur certains domaines d’expression pour chaque période de soumission des suggestions (pour les proclamations), et l’un de ces domaines a été désigné comme celui des « événements culturels étroitement liés aux langues, traditions orales, rituels, arts du spectacle et savoir-faire liés à l’artisanat ». Cependant, lorsqu’il s’est agi de négocier la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (« Convention de 2003 »), il y eut un débat animé sur le point de savoir s’il y avait lieu de faire une référence directe aux « langues » dans les domaines du patrimoine culturel immatériel (PCI) énumérés à l’article 2(2) de la Convention. Certains États étaient en faveur de cette mention4 alors que d’autres, comme l’Espagne, reconnaissaient que cela pourrait « donner lieu à controverse », mais que cela se justifiait en raison de la disparition de langues minoritaires ; de surcroît, les langues constituent un riche patrimoine culturel ainsi qu’une expression de la diversité culturelle.

Quelles langues sauvegarder ?

4. On s’accorde à reconnaître que la perte d’une langue est un processus naturel et que les langues évoluent naturellement, se scindent, fusionnent ou périssent ; c’est pourquoi la totalité des langues actuellement parlées ne devraient pas et, d’ailleurs, ne pourraient pas être sauvegardées. Toutefois, il est vrai aussi la vitesse à laquelle des langues sont en train de se perdre5 est à ce point phénoménale qu’une intervention est nécessaire pour ralentir, voire inverser, ce processus. Dans ce contexte, la « sauvegarde » peut être définie comme l’ensemble des mesures visant à assurer la viabilité de langues en péril.

Certains critères généraux peuvent être proposés pour justifier la protection de langues, à savoir notamment :

- la signification culturelle et sociale d’une langue pour la communauté de locuteurs et l’identité de ceux-ci ;

- le rôle d’une langue comme véhicule de savoirs traditionnels et d’autres formes de PCI ;

- le rôle d’une langue dans le développement 6 et dans la réalisation des OMD (en particulier l’éducation pour tous) ;

- l’importance d’un enseignement dans la langue maternelle pour constituer des capacités locales ;

- le rapport intime entre langue et diversité culturelle ;

4 Document CLT-2002/CONF.203/3 Rev. (recueil d’amendements présentés par des États membres au

texte préliminaire soumis par le comité intergouvernemental) à la page 25. Les États ayant proposé qu’une référence soit fait aux langues étaient la Lituanie, le Costa Rica, l’Espagne, la Finlande, le Vanuatu, l’Islande et le Mali.

5 D’après le ICH Messenger, il n’y aurait, selon les pronostics les plus pessimistes, qu’une centaine des langues les plus dominantes (nationales, etc.) qui soient vraiment à l’abri d’une menace.

6 Lorsqu’on parle de « culture et développement », il conviendrait d’ajouter la langue comme un élément essentiel qui a jusqu’à présent été relativement méconnu à cet égard.

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- la langue comme instrument du dialogue intraculturel et interculturel ;

- le rôle de la langue au service de la créativité.

On peut aussi dégager deux principes fondamentaux qui pourraient être à la base de tout instrument futur :

1. La diversité linguistique devrait être considérée comme un patrimoine commun de l’humanité7.

2 Toutes les langues sont en principe égales et devraient jouir d’un statut juridique équivalent.

5. Cela étant, des questions importantes restent sans réponse : quelles sont les langues qui devraient être sauvegardées (pour quelles raisons) ? Qui prendrait la décision ? La volonté de la communauté des locuteurs de préserver sa langue est une condition sine qua non de toute mesure visant à assurer qu’une langue continue à être effectivement utilisée. Cela implique que lesdits locuteurs devraient également jouer aussi un rôle central pour décider qu’une langue devrait être préservée. Lorsqu’on insiste sur le fait qu’une langue est un écrin où se conservent un savoir ou des traditions culturelles, il y a là un argument pour préserver cette langue sous une forme documentaire afin que le savoir ne soit pas perdu. Reste la question finale et cruciale : Qu’est-ce qu’un instrument international basé sur le principe de la coopération internationale ajouterait à la préservation de langues en péril alors qu’il s’agit presque exclusivement d’une question de politique nationale ? De fait, serait-il équitable de vouloir imposer des obligations contraignantes à cet égard à des États comme l’Indonésie où sont parlées plus de 700 langues ?

6. Définition des termes employés

(A) Diversité linguistique :

Comme on l’a indiqué plus haut, c’est là le principe central sur lequel l’action visant à préserver des langues en péril peut se fonder. Il est implicitement mentionné à l’article premier de l’Acte constitutif de l’UNESCO et expressément préconisé dans la Déclaration sur la diversité culturelle de 2001. Cette diversité linguistique est étroitement liée à l’idée plus générale de diversité culturelle étant donné le rapport complexe existant entre langue et culture et on peut dire aussi qu’elle est inhérente à des stratégies de développement efficaces et à la préservation des traditions et des savoirs culturels. Toutefois, il ne faudrait pas l’envisager simplement sous un angle quantitatif, en faisant état de chiffres, mais il faut en retenir également l’aspect qualitatif, c’est-à-dire l’utilisation fonctionnelle des langues. Autrement dit, les langues doivent opérer dans le cadre de structures sociales et politiques qui leur donnent un sens et ne sauraient être maintenues dans l’isolement.

(B) Langue en péril :

Une réunion d’experts, tenue en 2005, a produit la définition suivante : une langue « est mise en danger lorsque ses locuteurs cessent de la pratiquer, réservant son usage à des domaines de plus en plus restreints, et qu’elle ne se transmet plus de génération en génération »8. Le document produit par les experts énumérait ensuite par le détail neuf facteurs distincts pour juger du danger pesant sur une langue et de l’urgence d’une documentation et d’un « bilan de la situation sociolinguistique » de la langue. Ces neuf facteurs sont (en bref) : la transmission intergénérationnelle de la langue ; le nombre absolu des locuteurs ; la proportion de ceux-ci par

7 À l’appui de cette opinion, on peut faire état de l’estimation selon laquelle 97 % des habitants du

monde parlent 4 % de toutes les langues et 96 % des langues sont parlées par 3 % de la population mondiale (Bernard, 1996, p. 142).

8 Groupe d’experts spécial de l’UNESCO sur les langues en danger Vitalité et disparition des langues, p. 3.

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rapport à la population totale ; les variations dans les domaines d’emploi de la langue ; la réaction aux domaines et médias nouveaux ; l’accessibilité des matériels pédagogiques (enseignement de la langue et alphabétisation) ; les attitudes et politiques gouvernementales/institutionnelles concernant la langue ; les attitudes des membres de la communauté ; l’évaluation de l’urgence d’une documentation.

Les raisons du danger pesant sur une langue peuvent être soit externes (par exemple, effets de la mondialisation, pressions politiques, autres formes de répression) ou internes (attitude négative de la communauté envers la langue). Il peut y avoir là une situation complexe faisant qu’il peut être difficile : (a) de discerner le moment auquel une langue commence à être en danger et (b) de décider s’il y a lieu d’agir pour maintenir la langue. Le premier aspect concerne particulièrement la situation où existe des pressions extérieures mais où l’effet de celles-ci n’est pas encore bien net ; dans le second cas, il s’agit de situations où la communauté des locuteurs ne désire pas maintenir sa langue. Il convient d’aborder ce type de situation avec beaucoup de tact et il peut être nécessaire de prendre des mesures visant à fortifier l’attachement de la communauté à sa langue avant de se prononcer sur l’opportunité d’autres mesures. Comme ce sont les communautés elles-mêmes qui choisissent si et comment leurs langues doivent être revitalisées et maintenues, tout instrument adopté en la matière devrait comporter une approche double : (a) travailler avec les communautés de locuteurs pour identifier les langues en péril et élaborer les politiques voulues pour revitaliser et maintenir ces langues et (b) préserver par la documentation des langues qui sont en voie d’extinction sans avoir le soutien d’une communauté de locuteurs.

(C) Langue autochtone :

À première vue, le terme paraît aller de soi pour définir les langues parlées par des groupes autochtones si l’on s’en tient à la définition standard que l’ONU donne du mot « autochtone »9. Telle est sans aucun doute l’intention de la proposition faite par les États membres qui ont soutenu cette décision du Conseil exécutif. Toutefois, pour un linguiste, cette définition soulève des difficultés étant donné que, par exemple, le lien entre un territoire et une langue peut être rompu et que, comme l’a noté Musgrave10, « toute langue est autochtone à un endroit ou à un autre ». De même, certains groupes autochtones utilisent aujourd’hui des langues non autochtones comme les parlers créoles ; les langues de communautés nomades ou de groupes vivant uniquement dans des communautés dispersées sembleraient aussi devoir être exclues des « autochtones ». Tout instrument qui ferait usage de ce terme devrait comporter une définition précise et il faudra dans ce contexte montrer qu’il s’agit d’une notion conceptuellement judicieuse. Il conviendrait en tout état de cause de ne pas l’employer seul mais toujours accompagné d’un terme plus restrictif tel que « en péril ».

Élaboration de politiques nationales

7. Comme on l’a noté plus haut, on se trouve ici dans un domaine où presque toutes les mesures destinées à arrêter ou inverser la perte de langues parlées dans le monde devront être prises au niveau national (et éventuellement local). Il est donc important de bien préciser quels types de politiques seraient appropriés si une obligation générale d’assurer la promotion, la revitalisation, le maintien et la préservation de langues autochtones et en péril était imposée dans ce domaine par un instrument international. En particulier, l’idée selon laquelle les mesures prises pour empêcher la perte de langues minoritaires ne seront efficaces que si l’on peut trouver à celles-ci des rôles significatifs à remplir dans la vie contemporaine risque d’imposer une lourde charge à beaucoup d’États plurilingues (UNESCO, 2003, p. 4). Cela signifierait en pratique que ces langues seraient utilisées quotidiennement dans le commerce, l’éducation, l’écriture, les arts et/ou les médias, ce qui obligerait les États non seulement à permettre que cela puisse se produire, mais encore à prendre des mesures positives pour rendre la chose possible.

9 Examinée plus bas à propos des droits autochtones. 10 Simon Musgrave – communication personnelle.

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8. Un sujet important dont il convient de tenir compte ici est l’attitude d’États culturellement (linguistiquement) divers dans lesquels une langue nationale est considérée comme un élément essentiel de l’identité nationale (dans certains cas, il existe deux ou plusieurs langues bénéficiant d’un régime spécial, national ou officiel). On ne peut ni ne doit nier que l’usage d’une langue (et le choix de langues) est essentiel dans beaucoup de situations très complexes et délicates intéressant l’identité personnelle et nationale et qu’il s’agit là d’une question soulevant d’énormes problèmes pour certains États (Wright, 2001). Il serait intéressant et instructif d’examiner l’expérience des États membres qui ont réussi à instaurer des politiques multiculturelles (multilingues) et de ceux qui ont travaillé efficacement avec les communautés linguistiques à ce sujet.

9. Les mesures spécifiques visant à sauvegarder des langues en danger pourraient viser notamment à :

- sensibiliser à la fois la masse de la population et les communautés de locuteurs à la valeur de la diversité linguistique et à l’utilisation de langues maternelles ;

- élaborer de nouvelles politiques linguistiques dans le domaine de l’éducation ;

- encourager l’usage d’un aussi grand nombre de langues que possible dans le domaine public ;

- assurer la formation ou le perfectionnement d’agents communautaires pour les langues ;

- former des maîtres à l’utilisation de la langue maternelle comme langue d’instruction et à la préparation de matériels pédagogiques ;

- élaborer des systèmes d’écriture pour des langues non écrites ;

- constituer une documentation sur la langue considérée ;

- élaborer des politiques/programmes sur les systèmes de connaissance locaux et autochtones en vue du développement durable, l’accent étant mis sur la langue ;

- obtenir un soutien public et privé (financier, technique, etc.) ;

- élaborer une législation pour l’égalité de traitement de toutes les langues ;

- obtenir la participation effective et active des communautés de locuteurs à tous les stades du processus ;

- instituer une coopération internationale et des modalités d’assistance pour l’échange de connaissances techniques et de données d’expérience dans ce domaine.

10. Pour l’essentiel, les politiques nationales devraient avoir pour but de (a) sauvegarder la diversité linguistique en protégeant et revitalisant les langues et (b) promouvoir le multilinguisme11 dans la mesure du possible. Ces deux objectifs sont indissociables puisque la promotion du multilinguisme (y compris l’enseignement de la langue maternelle) constitue aussi un moyen de sauvegarder des langues autochtones et en péril. Sur le plan international, il s’agit essentiellement d’une approche similaire selon deux axes : (a) préserver la diversité linguistique du monde, condition préalable de la diversité culturelle et (b) promouvoir le multilinguisme (notamment dans

11 Cela implique qu’on encourage et qu’on élabore des politiques linguistiques qui permettent aux

communautés linguistiques non dominantes d’utiliser leurs langues maternelles dans toute la mesure du possible tout en incitant les locuteurs de la langue dominante à apprendre une autre langue nationale.

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l’administration, l’enseignement, les médias et le cyberespace) afin de favoriser le dialogue interculturel.

Les rôles des divers acteurs

11. Il va de soi que toutes les dispositions prises pour préserver ou maintenir des langues en péril dans le cadre d’une Convention exigeraient des initiatives de la part des États au niveau de la formulation des politiques nationales. En leur qualité d’intervenants principaux dans la négociation d’un texte de traité, c’est aux États membres qu’il appartient de décider de la nature et du niveau des obligations qu’ils sont disposés à assumer à cet égard. Dans beaucoup d’États multilingues, il peut y avoir de graves problèmes quant aux ressources nécessaires et autres aspects pratiques qui soulèvent la question de savoir dans quelle mesure les États pourraient assumer des obligations extrêmement contraignantes.

12. Pour ce qui est d’autres acteurs importants, on reconnaît en général que c’est la communauté des locuteurs elle-même qui déterminera en dernière analyse si leur langue doit être maintenue ou abandonnée12. De ce fait découlent deux conséquences importantes : (1) toute initiative visant à la sauvegarde d’une langue doit être décidée en réponse à une requête de la communauté intéressée et (2) la conception et la réalisation de programmes de maintien d’une langue doivent se faire avec la participation directe de la communauté13. Les autres acteurs principaux dans ce domaine sont des spécialistes extérieurs (et non pas nécessairement des fonctionnaires) tels que linguistes, éducateurs et militants des langues. Ils estiment généralement que leur rôle principal concerne la documentation (collecte, annotation et analyse de données) sur les langues et considèrent comme secondaire une participation active à des programmes éducatifs.

13. Il est important de faire participer davantage tant des locuteurs que des spécialistes à l’élaboration d’une politique nationale car, souvent, les spécialistes peuvent jouer un rôle de médiateurs entre les décideurs gouvernementaux et les membres des communautés. Cela implique avant tout qu’il existe une voie de communication bien établie entre le gouvernement et les communautés - objectif qu’il n’est pas toujours facile d’atteindre - et qu’il existe un soutien gouvernemental (et international) suivi pour des programmes linguistiques lancés par des communautés. Un soutien ascendant (sous l’impulsion de communautés) et un soutien descendant (de la part de l’État) sont tous deux indispensables dans les activités de conservation des langues14.

14. Cette façon de procéder rejoindrait un changement d’attitude des États qui, depuis quelques années, reconnaissent de plus en plus qu’il existe toute une série de domaines dans lesquels l’Etat ne dispose pas des moyens voulus pour intervenir directement, mais où un partenariat avec la société civile peut être à la fois moins coûteux et plus efficace. Il s’agit souvent de domaines ayant trait au développement local et cette façon de faire pour maintenir des langues locales (et dispenser un enseignement dans ces langues) peut permettre à la communauté locale de se renforcer socialement et économiquement.

12 Comme le note Florey, « il y a maintenant de plus en plus d’éléments montrant que le maintien et la

revitalisation d’une langue ne sauraient réussir si les membres de la communauté linguistique ne sont pas politiquement engagés pour lutter contre le danger menaçant la langue et s’ils ne font pas leur l’objectif du maintien de cette langue » (Florey b, p. 2). Elle cite Grinvald, 2003.

13 Une obligation analogue pour les Parties figurant à l’article 15 de la Convention de 2003 constitue bien sûr à cet égard un précédent utile pour l’UNESCO dans un domaine étroitement connexe.

14 Crystal, 2003, p. 19.

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15. Pour illustrer le partenariat entre spécialistes et communauté (et, dans une certaine mesure, l’État), Florey décrit un programme novateur pour les agents communautaires s’occupant des langues Malukan en Indonésie orientale 15 dont les objectifs étaient (a) de faciliter la documentation sur la langue et le maintien de celle-ci par la communauté et (b) de promouvoir une tolérance linguistique accrue chez les locuteurs afin de faciliter la transmission et le maintien de la langue. Comme elle le fait observer, l’objectif d’une responsabilisation de la communauté est un trait commun à ces modèles16 qui facilitent la possession et le contrôle des langues au niveau local. L’encouragement au travail de terrain par les locuteurs eux-mêmes est important car il leur fournit les compétences indispensables à la revitalisation de la langue et aux activités de maintien.

16. On trouve chez Linn et ses collaborateurs (2002) un exemple d’un programme de ce genre pour des langues amérindiennes où les éducateurs communautaires étaient mobilisés en partenariat avec des dirigeants communautaires et des universitaires en Arizona. Les auteurs rendent compte des efforts déployés pour inverser le basculement linguistique dans les groupes linguistiques autochtones d’Amérique du Nord en fournissant une assistance, notamment financière, aux communautés linguistiques pour faire prendre conscience à la population du danger couru par sa langue et pour créer un centre national Info-net pour les langues autochtones chargé de diffuser des informations sur les meilleures pratiques en matière de revitalisation et de documentation. Un aspect important de ce travail a consisté à recontextualiser les langues dans la culture de la communauté afin d’éviter une objectivation de la langue et de conserver son rôle de moyen vivant et dynamique d’exprimer des émotions et de maintenir des relations intimes. Cet objectif est atteint en recourant à des équipes linguistiques comprenant des anciens, des agents communautaires pour la langue, des militants et des spécialistes extérieurs et en encourageant l’immersion linguistique et l’établissement de liens entre la langue et les traditions culturelles. Il va de soi que la tâche est loin d’être aisée dans la pratique car il peut être difficile de localiser dans la communauté ceux qui ont le pouvoir d’agir. En outre, cette façon de procéder peut remettre en question les experts eux-mêmes en les obligeant à renoncer à leur rôle d’animation en faveur d’agents communautaires17.

17. La participation des communautés se heurte à une autre difficulté importante, à savoir que beaucoup de communautés linguistiques (en particulier des communautés autochtones) éprouvent un sentiment d’indignité et d’exclusion qui les a détournés de leur langue maternelle et les a amenés à dissuader leurs enfants de l’appendre. C’est pourquoi un élément capital de toute campagne visant à promouvoir et préserver des langues en péril et des langues autochtones doit être de sensibiliser les communautés linguistiques elles-mêmes en leur faisant comprendre la valeur de leurs langues et en leur expliquant qu’il est possible de les sauvegarder.

15 Florey (2003). Elle observe à ce sujet (p. 9) : « Les praticiens du maintien de la langue - locuteurs,

membres de la communauté et professionnels - reconnaissent de plus en plus que les modèles les plus satisfaisants pour le maintien d’une langue sont ceux dans lesquels la compétence professionnelle spécialisée s’intègre à des stratégies de maintien de la langue qui sont impulsées par des membres motivés de la communauté des locuteurs ».

16 Voir, par exemple, Sharp et Thieberger, 1992 ; Thieberger, 1995 ; Hinton, 2002 ; Hinton et Hale, 2001. 17 A certains égards, cela correspond à l’évolution de la réglementation dans le domaine du PCI –

depuis la Recommandation de 1989 axée sur la recherche jusqu’à la Convention de 2003 beaucoup plus orientée sur les communautés.

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Section II : Analyse d’instruments internationaux (et régionaux) pertinents

II.1 Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Bref historique de la protection des minorités linguistiques

18. Dans son exposé très complet sur les droits des personnes appartenant à des minorités linguistiques, de Varennes (1997) montre l’ancienneté de ces droits18 et Thornberry (1991) nous rappelle que les droits des minorités furent parmi les premiers à être formulés en droit international. Cependant, avec l’évolution des droits de l’homme (modernes) après 1945, il y a eu un déplacement d’accent pour l’expression de droits universels possédés par les individus. Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948, texte fondateur des droits de l’homme modernes, on ne trouve aucun article expressément consacré aux droits de minorités (linguistiques ou autres). En revanche, l’article 2(1) proclame le principe de non-discrimination sans distinction aucune, notamment de langue. En conséquence, chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la Déclaration et notamment du droit à l’éducation (article 26) et du droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté (article 27).

19. Il faut, bien entendu, que les principes d’égalité et de non-discrimination soient une condition préalable de base pour toute mesure spéciale visant les minorités19, mais ils ne sont pas suffisants par eux-mêmes puisque certains gouvernements pourraient interpréter la prévention de la discrimination comme un moyen d’éliminer les différences et de promouvoir ainsi l’assimilation des minorités. Il fallut attendre 1966 pour que, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), une disposition concernant directement les droits des membres de minorités ethniques, religieuses et linguistiques soit adoptée avec l’article 27. Ce ne fut pas sans une résistance considérable de la part d’États de diverses régions20 car beaucoup d’États à l’époque mettaient en œuvre des politiques assimilationnistes.

20. Les articles 13 à 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)21 de 1966 sont considérés comme englobant les droits culturels modernes, et notamment le droit à l’éducation (article 13) et le droit à participer à la vie culturelle (article 15) qui tous présentent un intérêt direct pour la présente étude. Bien que cet aspect ne fasse pas l’objet d’un texte explicite, les instruments relatifs eux droits de l’homme soulignent l’importance (a) de l’éducation en tant que condition préalable de toute culture et (b) du droit de préserver une identité culturelle, droit découlant de la synergie entre les articles 1 et 27 du PIDCP. De même, il faut que la protection de la culture inclue la protection de son vecteur linguistique. Dans ce contexte, ce droit doit sans nul doute inclure le droit d’être éduqué dans sa langue (article 13(3) du PIDESC) et la liberté d’expression (article 19(2) du PIDCP).

18 Il mentionne, par exemple, à la première page, une disposition du Traité d’union perpétuelle entre le

Roi de France et la Ligue Helvétique qui date de 1516. 19 Capotorti (1976, p 127) : « On reconnaît généralement que l’exercice effectif du droit de personnes

appartenant à … des minorités linguistiques à utiliser leur langue exige, comme une condition préalable absolue, que les principes d’égalité et de non-discrimination soient fermement établis … »

20 Comme Thornberry le note à propos du projet d’article 25 (qui devait devenir l’article 27), des Etats d’Amérique latine, d’Australasie, d’Afrique et d’Europe avaient exprimé des doutes sur l’inclusion d’un article concernant les minorités.

21 Cette décision correspond au fait que les droits appartenant aux membres de minorités étaient considérés comme des droits plutôt « traditionnels » correspondant aux droits « de première génération » formulés dans le PIDCP alors que ceux figurant dans le PIDESC étaient considérés comme des droits « de seconde génération » plus récents.

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Relevé des dispositions pertinentes des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (UNESCO, 1960)

21. L’article premier précise que la « discrimination » comprend « toute distinction, exclusion, limitation ou préférence » fondée notamment sur la langue ayant pour objet ou pour effet de refuser l’égalité de traitement en matière d’enseignement soit (a) en refusant l’égalité d’accès à l’enseignement, soit (b) en limitant l’enseignement à un niveau inférieur. L’article 2 énumère des situations qui ne sont pas considérées comme constituant des discriminations. Celles-ci comprennent notamment la création ou le maintien d’établissements d’enseignement séparé pour des motifs linguistiques (avec certaines réserves). L’article 5 reconnaît aux membres de minorités « le droit d’exercer des activités éducatives qui leur soient propres », y compris la gestion d’écoles et l’emploi ou l’enseignement de leur propre langue si cela est en accord avec la politique de l’Etat en matière d’éducation. Cette dernière disposition introduit une limitation potentiellement sévère au droit exprimé. De plus, l’exercice de ce droit ne doit pas empêcher les membres desdites minorités de comprendre la culture et la langue dominantes ni porter atteinte à la souveraineté nationale. Tout enseignement de ce genre doit avoir un niveau qui ne soit pas inférieur au niveau général du pays et sa fréquentation doit être facultative. L’article 6 peut aussi nous intéresser ici puisqu’il demande aux Parties d’« accorder la plus grande attention aux recommandations que l’UNESCO pourra adopter en vue de définir les mesures à prendre pour lutter contre les divers aspects de la discrimination dans l’enseignement ». C’est là une obligation qu’il conviendrait de ne pas perdre de vue si une convention sur les langues en péril et sur les langues autochtones devrait être élaborée à l’avenir.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (tous deux de 1966)

22. J’examine ces deux instruments en même temps parce qu’ils ont en commun les articles introductifs et qu’ils doivent effectivement être considérés comme constituant un tout puisqu’ils représentent l’expression formalisée des principes et normes de la DUDH de 1948 sous la forme d’instruments contraignants. Ces traités ont en commun les articles 1 et 2, lesquels sont importants pour comprendre la base des droits relatifs à la langue. L’article premier formule le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et notamment le droit d’assurer « librement leur développement … culturel ». Par conséquent, pour des groupes linguistiques qui peuvent revendiquer la qualité de « peuple » en droit international (comme le font généralement les groupes autochtones), cela représente l’autodétermination interne qui leur donnerait le droit de définir leur propre langue et des politiques éducatives visant à un meilleur développement culturel. L’article 2 a un caractère plus général, spécifiant à l’alinéa (1) l’obligation pour les parties d’assurer progressivement le plein exercice des droits énoncés dans les deux Pactes, et ce « au maximum de ses ressources disponibles » et à l’alinéa (2), l’obligation de garantir ces droits « sans discrimination d’aucune sorte concernant la langue ». La première de ces dispositions impose donc une obligation de prendre des mesures positives pour garantir ces droits, ce qui pourrait inclure l’octroi d’un soutien à des programmes linguistiques communautaires et l’adoption de politiques linguistiques favorisant l’utilisation de langues minoritaires. La seconde disposition a pour effet que les locuteurs de langues minoritaires devraient jouir pleinement de tous les droits reconnus dans les Pactes, en particulier :

• le droit au travail (articles 6-8, PIDESC) ; • le droit à la sécurité sociale (article 9, PIDESC) ; • le droit à la vie familiale (article 10, PIDESC) ; • le droit à la santé (article 12, PIDESC) ; • le droit à l’éducation (article 13, PIDESC) ; • le droit de participer à la vie culturelle (article 15, PIDESC) ; • le droit à un procès équitable (article 14, PIDCP) ;

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• le droit à la liberté d’expression (article 19(2), PIDCP) ; et • le droit de prendre part aux affaires publiques (article 25, PIDCP).

23. Certains de ces droits on un rapport direct avec les langues. L’article 13 du PIDESC reconnaît le droit à l’éducation et spécifie à l’alinéa (1) que « l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre », ce qui impliquerait une scolarisation dans une langue que les enfants peuvent comprendre ainsi que l’acquisition d’une connaissance suffisante de la langue officielle. En outre, l’article 13(4) protège aussi la liberté des individus et des personnes morales de créer et de gérer des établissements d’enseignement sous réserve de respecter des normes nationales minimales. L’article 15(1)(a) du PIDESC garantit le droit de chacun de participer à la vie culturelle. Étant donné que la langue est un élément absolument essentiel de la culture, cette disposition doit forcément inclure le droit d’utiliser et de maintenir sa langue. L’article 15(2) ajoute que les mesures à prendre pour l’exercice de ce droit « devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture ». Là encore, cela implique clairement la sauvegarde des langues en tant que véhicules de la culture.

24. L’article 14 du PIDCP exige que tous soient égaux devant les tribunaux et les cours de justice et que toute personne accusée d’une infraction pénale (a) soit informée de l’accusation portée contre elle « dans une langue qu’elle comprend » et (b) qu’elle puisse se faire assister par un interprète si cela est nécessaire. Il s’agit là de dispositions, certes encore partielles, sur la voie de l’emploi de langues minoritaires dans les procédures judiciaires. L’article 19(2) garantit le droit de toute personne à la liberté d’expression, y compris « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». Toutefois, ce droit est limité à l’article 19(3)(b) par les restrictions nécessaires à la sauvegarde de la sécurité nationale et de l’ordre public, restrictions auxquelles des États multilingues pourraient fort bien recourir pour se soustraire aux pleines implications de ce droit.

25. L’article 25 garantit à « tout citoyen » d’un État le droit et la possibilité (sans discrimination fondée sur la langue, par exemple) de (a) prendre part à la direction des affaires publiques (directement ou par l’intermédiaire d’un représentant choisi) et (c) d’accéder aux fonctions publiques de son pays. L’article 26 formule le principe de l’égalité devant la loi et de l’interdiction de toute discrimination, « notamment … de langue ». C’est là l’expression d’un droit individuel, lequel présente par conséquent un caractère différent du droit faisant l’objet de l’article 27 (ci-après) lequel ne peut, logiquement, être exercé qu’« en commun avec les autres membres » de la minorité linguistique considérée.

Article 27 (PIDCP)

26. En raison de son rôle fondamental en tant qu’article attribuant aux personnes appartenant à des minorités linguistiques le droit d’utiliser leur langue, l’article 27 du PIDCP mérite ici une attention particulière. Aspect important, le rôle de l’article 27 est d’aller au-delà d’une simple garantie de non-discrimination (dont on a montré plus haut qu’elle est insuffisante pour garantir des droits en matière de langue) pour s’acheminer vers une notion plus positive de préservation d’une identité linguistique. C’est ce que Thornberry (1991, p. 197) exprime dans les termes suivants : empêcher les membres d’une minorité d’acquérir la connaissance d’une langue nationale ou officielle serait discriminatoire, mais le fait de ne pas permettre l’enseignement de langues minoritaires dans les écoles et les universités (quand la minorité le désire) constituerait a priori une violation de l’article 27.

27. Toutefois, l’expression employée dans l’article « ne peuvent être privées du droit » affaiblit incontestablement l’obligation par opposition au langage beaucoup plus vigoureux du reste du PIDCP. Cela s’explique par la résistance de beaucoup d’États à l’inclusion d’un article sur les minorités, ce qui a eu pour effet de permettre aux États-parties assimilationnistes d’autoriser les minorités à exercer leurs droits sans entrave, mais non de prendre des mesures positives pour

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protéger des cultures ou des langues minoritaires. En sa qualité de Rapporteur spécial, Capotorti (1976, p. 22) fait valoir cependant que, pour que l’article 27 ait un sens et aille au-delà d’autres articles (comme l’article 19), il faut considérer qu’il contient un « élément programmatique, un objectif à atteindre » qui exigerait une action positive de la part des Parties pour être atteint.

28. Pour la mise en œuvre de l’article 27, il faut reconnaître que l’élaboration d’une politique linguistique dans un État multilingue soulève inévitablement des problèmes pratiques et qu’il faut par conséquent parvenir à un équilibre entre les intérêts des minorités et ceux de la société dans son ensemble. Par exemple, dans les États qui luttent pour édifier une identité nationale, le choix d’une langue nationale peut être un symbole important. L’article lui-même ne spécifie pas les mesures à prendre pour sa mise en œuvre et l’on insiste d’ordinaire sur trois aspects : (a) enseignement dans la langue maternelle, (b) accès équitable au financement et (c) utilisation de langues minoritaires dans les tribunaux et l’administration. Quand on mesure la façon dont les Parties se sont acquittées de la mise en œuvre, ce sont d’ordinaire les aspects institutionnels (c’est-à-dire programmatiques) qui sont pris en considération. Les questions que l’ancienne Commission des droits de l’homme aurait posées aux Parties au sujet de la mise en œuvre sont notamment les suivants :

- Quelle est la situation de l’éducation des minorités dans les écoles (par exemple, les minorités peuvent-elles recevoir un enseignement dans leur langue) ?

- Les minorités peuvent-elles publier et l’État apporte-t-il une assistance pour la publication de livres et de journaux dans des langues minoritaires ?

- Dans quelle(s) langue(s) les débats judiciaires sont-ils conduits lorsque des membres de minorités sont parties à une affaire ?

- Existe-t-il des programmes de télévision et de radio dans des langues minoritaires ?

- Est-ce que le PIDCP lui-même a été traduit dans des langues minoritaires ?

Convention relative aux droits de l’enfant (1989)

29. L’article 8 de cette Convention affirme le droit de l’enfant à préserver son identité et l’article 13 affirme son droit à la liberté d’expression (qui comprend la liberté de rechercher et de répandre des informations et des idées de toute espèce par tout moyen du choix de l’enfant). L’article 17(d) demande que les médias tiennent particulièrement compte des besoins linguistiques des enfants autochtones ou appartenant à un groupe minoritaire. Bien qu’il ne se réfère pas expressément à un enseignement dans la langue maternelle, l’article 28 demande la reconnaissance du droit à l’éducation « sur la base de l’égalité des chances », ce qui pourrait être interprété comme impliquant cela. A l’article 30, la Convention dispose que les enfants ne peuvent être privés du droit d’employer leur propre langue. Cela implique naturellement une scolarisation dans la langue maternelle et d’autres politiques linguistiques en faveur d’une utilisation fonctionnelle de la langue.

Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (1992)

30. Cette Déclaration ne doit pas être interprétée comme une codification complète de tous les droits de l’homme relatifs aux minorités, mais plutôt comme une explicitation des droits garantis en application de l’article 27 (PIDCP). Parmi les droits sur lesquels ne porte pas la Déclaration figure le droit fondamental à la liberté d’expression (article 19(2), PIDCP). En tant que déclaration, le texte ne comporte pas de dispositions contraignantes, sauf dans la mesure où leur référence à l’article 27 leur donne ce caractère (de Varennes, 1997).

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31. L’article premier invite les États : (1) à « favoriser l’instauration des conditions propres à promouvoir » les minorités ethniques, culturelles et linguistiques et (2) à adopter « les mesures législatives ou autres » nécessaires à cette fin. L’obligation générale exprimée à l’alinéa (1) est essentiellement d’ordre programmatique alors que l’alinéa (2) formule une obligation positive, encore que sa nature exacte ne soit pas claire en dehors de la non-interférence (non-privatisation de droits) exprimée à l’article 27. L’article 2 est plus spécifique en affirmant à son alinéa (1) le droit (des membres des minorités linguistiques) d’utiliser leur propre langue « en privé et en public ». L’utilisation privée de la langue comprendrait son usage dans la famille et dans d’autres circonstances de la vie quotidienne alors que l’utilisation « en public » visée ici n’est pas celle d’une langue officielle, mais plutôt une utilisation privée dans la sphère publique (par exemple, émissions d’une station de radio privée). L’alinéa (2) vise le droit de « participer pleinement à la vie culturelle, religieuse, sociale, économique et publique », ce qui impliquerait la sauvegarde de la langue minoritaire ainsi que l’acceptation de son usage dans le domaine économique et administratif. Le droit de créer et de gérer leurs propres associations (alinéa (4)) autoriserait des associations destinées à promouvoir la langue et il implique aussi un caractère collectif dans l’utilisation de la langue visée à l’alinéa (1). Cette disposition est renforcée par l’article 3(1) qui permet aux membres de minorités d’exercer leurs droits « individuellement aussi bien qu’en communauté avec les autres membres de leur groupe, sans aucune discrimination ». Bien que ce droit n’implique aucune obligation positive d’action pour les États, il proscrirait les mesures destinées à empêcher la libre association de communautés de locuteurs désireux de promouvoir et maintenir leur langue.

32. L’article 4 est celui qui intéresse le plus directement la présente étude. Il demande aux États (alinéa (2)) de « prendre des mesures pour créer des conditions propres à permettre » aux membres de minorités « de développer leur culture, leur langue … ». L’alinéa (3) précise la nature de cette intervention de l’État en indiquant que les États « devraient prendre des mesures appropriées » pour que (dans la mesure du possible) les membres de minorités aient la possibilité d’apprendre leur langue maternelle ou de recevoir une instruction dans leur langue maternelle. Là encore, le texte ne mentionne aucune mesure spécifique que les États devraient prendre. C’est ainsi qu’il n’y a pas de disposition obligeant les États à fournir un soutien financier aux minorités linguistiques à cette fin bien qu’on puisse soutenir que, si un État accorde un soutien à la scolarisation d’une minorité religieuse, il devrait (en vertu de l’article 26 du PIDCP) accorder un soutien équivalent pour les écoles de minorités linguistiques. En fait, il semble que les États reconnaissent de plus en plus les besoins d’enseignement linguistique des minorités, y compris le droit pour celles-ci de créer leurs propres écoles et il convient de rappeler que cela n’empêche pas l’État d’exiger que les membres de la minorité acquièrent également une connaissance suffisante de la langue officielle ou nationale.

Déclaration et Programme d’action de Vienne (1993)

33. Là encore, ce texte, en tant que déclaration, n’est pas juridiquement contraignant, mais il est considéré comme un exposé faisant autorité de la législation relative aux droits de l’homme et c’est à ce titre un texte important pour interpréter la teneur des obligations figurant dans les textes de traités. Dans la partie I, le paragraphe 19.2 réaffirme l’obligation pour les États d’empêcher la discrimination contre les membres de minorités dans l’exercice de leurs droits humains et le paragraphe 19.3 rappelle qu’ils « ont le droit de jouir de leur propre culture … et d’utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans immixtion ni aucune discrimination que ce soit ». La partie II.A.2 concerne spécifiquement les « personnes appartenant à … des minorités linguistiques » et le paragraphe 26 demande instamment aux États et à la communauté internationale de promouvoir et de protéger les droits de ces personnes conformément à la Déclaration de 1992 et, par conséquent, dans le cadre de l’article 27 du PIDCP.

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Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (1992)

34. J’étudie cette Charte séparément des autres traités parce que c’est un instrument régional et que, de ce fait, il a une forme et des ambitions qu’une convention de l’ONU (ou de l’UNESCO) ne saurait jamais avoir. La comparaison qui s’impose ici est celle qu’on peut faire entre le régime européen des droits de l’homme avec sa Cour européenne et la faiblesse des mécanismes d’application dont sont assortis les instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme. En fait, la conclusion qui se dégage en particulier est qu’il est souvent possible sur une base régionale de produire des traités beaucoup plus ambitieux qu’on ne pourra jamais en élaborer au niveau de l’ONU en raison de la plus grande communauté d’expériences et d’objectifs. Il ne fait pas de doute qu’il en va de même aussi pour les langues en péril et les langues autochtones. Les États d’Amérique latine, par exemple, ont été beaucoup plus loin que ceux de toute autre région pour reconnaître l’importance des cultures et des langues autochtones et pour donner à ces dernières un statut égal à celui des autres dans leur droit constitutionnel. Une telle approche serait inimaginable pour beaucoup d’États d’autres régions.

35. Comme il était donc à prévoir, la Charte européenne est un exposé complet des mesures que les États peuvent prendre pour protéger les langues minoritaires et les droits de leurs locuteurs. Il convient naturellement de souligner que cela va au-delà de (a) ce qu’on peut attendre d’une convention dont l’objectif premier est la protection de langues en péril et (b) d’un traité de l’UNESCO (par opposition à un traité régional). De plus, la définition des « langues minoritaires » à l’article premier ne s’appliquerait pas à tous les États membres de l’UNESCO – par exemple sa référence à « un groupe numériquement inférieur »22 – et l’adjonction d’autres éléments pourrait se révéler nécessaire dans le cas d’un groupe d’États plus important. Elle soulève toutefois des questions utiles qu’il y a lieu de prendre en considération pour une définition, comme le rapport avec la langue ou les langues officielles, la question des dialectes et le statut des langues non territoriales.

36. La Charte comporte d’autres éléments dont il est utile de prendre note. Tout d’abord, elle procède d’une ambition analogue (Préambule, paragraphe 2) à celle qui est à l’origine du projet de Convention de l’UNESCO. La Charte insiste beaucoup sur les mesures visant à promouvoir l’utilisation de langues régionales et minoritaires dans la vie publique (partie III), avec l’exigence formulée à l’article 2(2) aux termes de laquelle les Parties s’engagent à appliquer un nombre minimum de mesures spécifiées dans ladite partie et dans certains articles. L’exigence formulée à l’article 3(1) selon laquelle les Parties spécifient lors de la ratification chaque langue régionale ou minoritaire (ou chaque langue officielle) moins répandue et à laquelle cette disposition s’applique est intéressante elle aussi23. Beaucoup des objectifs et des principes figurant à l’article 7(1) ont leur importance pour la présente étude et l’obligation de prendre en considération les besoins et les souhaits des communautés linguistiques pour déterminer les politiques linguistiques ainsi que la création d’organes chargés de conseiller les autorités nationales sur ces questions à l’article 7(4) est digne d’intérêt.

37. La partie III énumère les mesures à prendre en faveur de l’emploi des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique, mesures dont les Parties devront choisir un minimum de 35, dont au moins trois choisies dans les articles 8 et 12 et une dans chacun des articles 9, 10, 11 et 13, dispositif qui, on le voit, est extrêmement complexe. Beaucoup des dispositions comportent jusqu’à quatre « versions » possibles des mesures proposées avec différents niveaux d’engagement

22 Il est possible d’avoir une « minorité » qui n’est pas numériquement plus petite que le groupe

culturellement dominant dans l’État mais qui se heurte à une discrimination linguistique. De même, un groupe peut être minoritaire dans une région d’un État, mais non dans l’État tout entier.

23 Cela rappelle les traités pour la protection d’espèces végétales et animales menacées d’extinction qui pourraient constituer un modèle intéressant pour un traité relatif aux langues en péril avec en annexes des listes d’espèces établies en fonction du niveau de la menace et du niveau de protection nécessaire et renvoyant aux mesures de protection correspondantes spécifiées dans le texte. On pourrait donner comme exemple la Convention de 1973 sur le commerce des espèces de faune et de flore menacées.

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requis des autorités nationales et correspondant à des circonstances différentes. Il va de soi qu’un degré aussi élevé de flexibilité est nécessaire quand on demande formellement aux Parties de s’engager à appliquer un grand nombre de mesures spécifiques lorsqu’elles ratifient le traité. Les mesures détaillées couvrent les secteurs ci-après de l’utilisation publique des langues : enseignement (article 8), avec neuf alinéas et un total de 25 mesures possibles exposées couvrant l’enseignement depuis l’éducation préscolaire jusqu’à l’éducation des adultes, la formation des maîtres et la création d’organes de contrôle chargés de suivre les mesures prises et les progrès réalisés . Sont ensuite couvertes l’utilisation des langues en question dans les procédures pénales, civiles et administratives (article 9) et leur utilisation par les autorités administratives et les services publics (article 10), avec un ensemble extrêmement complet de dispositions. L’article 11 est consacré aux langues régionales et minoritaires dans les médias, l’accent étant mis sur le soutien, en particulier financier, apporté à ceux qui fournissent les services. Sont ensuite couverts le rôle des langues considérées en matière d’activités et d’équipements culturels (article 12) et l’utilisation de ces langues dans la vie économique et sociale.

38. Une dernière observation concernant la Charte européenne est que celle-ci comporte un dispositif de suivi et de contrôle relativement strict de la façon dont les Parties appliquent ces dispositions. En demandant aux Parties de spécifier les dispositions qu’elles appliqueront et à quelles langues, on facilite l’évaluation des résultats obtenus. Toutefois, il convient de répéter qu’on ne saurait guère envisager un régime aussi strict pour une convention multilatérale (et non pas seulement régionale).

Quelle est l’efficacité des droits relatifs aux langues pour la préservation des langues en péril ?

39. Nous avons déjà relevé plus haut l’efficacité limitée des droits attribués aux membres de minorités linguistiques en vertu de l’article 27. Encore que celui-ci puisse être interprété comme garantissant une large gamme de droits importants (depuis l’enseignement dans la langue maternelle jusqu’à l’utilisation de langues minoritaires dans les procédures judiciaires), il n’oblige pas les Parties à prendre des mesures positives autres que celles qui consistent à ne pas faire obstacle à l’exercice de ces droits. Étant donné qu’une protection effective de langues en péril implique un partenariat entre l’État et la communauté des locuteurs, et notamment un soutien actif, en particulier financier, l’article 27 énonce une obligation générale utile, mais n’a pas suffisamment de « mordant ». C’est finalement aux Parties qu’il appartient de décider dans quelle mesure elles désirent appliquer cette disposition24.

40. Les droits culturels constituent un ensemble de droits négligés et mal définis (Simonides, 1998) et une grande partie du problème tient au fait que beaucoup d’États se méfient de ces droits, estimant qu’ils ont un caractère collectif et qu’ils encouragent des tendances sécessionnistes dans les communautés culturelles minoritaires. Ils sont considérés aussi comme difficiles à faire respecter, malaisément justiciables et généralement trop coûteux pour l’État qui voudrait les garantir (Niec, 1998). Stavenhagen (1998) note que très peu de pays sont vraiment culturellement homogènes et que, à supposer que nous considérions que le développement culturel comprend le droit à l’identité culturelle, cela soulève des problèmes pour l’Etat qui devra définir les objectifs des politiques culturelles. Les questions relatives aux droits linguistiques sont au cœur même de ce dilemme.

41. On s’accorde à reconnaître que les droits de l’homme posent en soi un grave problème avec leur manque d’application effective, ou même leur inapplicabilité, à l’exception du régime européen des droits de l’homme (Niec, 1998). C’est le cas même des droits dont les violations peuvent trouver facilement une sanction judiciaire, comme le droit de vote. Avec la plupart des droits culturels qui ont un caractère de « liberté positive » et sont difficilement mesurables, la recherche 24 C’est ce que Stavenhagen(1998, p. 37) exprime sans précautions oratoires : « Tant que les droits

des minorités culturelles ne seront pas pris au sérieux et que les Etats et les organisations internationales ne mettront pas en place des mécanismes pour promouvoir activement, protéger et renforcer les cultures minoritaires, des cultures seront perdues, même hors de toute volonté de les détruire ». On peut à la place « cultures minoritaires » parler de « langues minoritaires ».

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d’une sanction judiciaire pour des violations alléguées est presque impossible. De ce fait, les détenteurs de droits sont généralement peu désireux de chercher réparation, considérant plutôt l’existence de ces droits comme un instrument politique pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il change d’attitude.

42. Une chose toutefois est claire, à savoir que les droits en question mettent en lumière l’importance qui s’attache au respect de l’identité culturelle de chaque individu dans la société et à son droit de choisir son identité, ce qui implique notamment le droit de parler et d’utiliser sa langue dans un contexte fonctionnel. Les gens veulent avoir la liberté de participer pleinement à la société sans devoir perdre leurs spécificités culturelles. Le respect de la diversité culturelle exige donc que les États adoptent des politiques qui reconnaissent explicitement les différences culturelles, c’est-à-dire des politiques multiculturelles et notamment multilinguistes (PNUD, 2004). A cet égard, le PNUD note que le fait de garantir simplement les droits des individus (par exemple la liberté de parole) et d’assurer l’absence de discrimination et l’égalité n’est pas suffisant pour garantir des droits tels que la possibilité de parler et d’utiliser sa propre langue. Il fait valoir que des mesures garantissant explicitement la liberté culturelle et des politiques multiculturelles sont également nécessaires pour faire en sorte que les intérêts de groupes particuliers ne soient pas négligés. Quant aux politiques linguistiques, le PNUD ajoute que « reconnaître une langue ne peut se réduire à en permettre l’usage. Cela symbolise le respect envers les individus qui la parlent et leur culture, ainsi que leur intégration pleine et entière dans la société » (PNUD, 2004, p. 9).

Une récapitulation des droits de l’homme concernant la langue

43. Pour résumer l’analyse qui précède, on trouvera ci-après les principaux droits de l’homme associés à des langues parlées par des personnes appartenant à des minorités nationales. La plupart découlent d’instruments largement ratifiés.

• droit de recevoir un enseignement dans la langue maternelle dans des écoles publiques lorsque les membres de la minorité le désirent ;

• droit de créer et de gérer les écoles pour les minorités linguistiques ;

• accès équitable au financement de l’État ;

• utilisation de langues minoritaires dans les procédures judiciaires et administratives (ou accès à une interprétation lorsque cela n’est pas possible) ;

• droit de publier (dans tous les médias) dans la langue de son choix tant que des critères minimaux sont respectés ;

• non-discrimination pour des motifs linguistiques en rapport avec les droits associés au travail, à la sécurité sociale, à la santé, à la vie familiale, à l’éducation, à la participation à la vie culturelle, à un procès équitable, à la liberté de parole et à une participation à la vie publique ;

• droit de maintenir sa langue (au titre du droit à participer à la vie culturelle) ;

• liberté de parole (de rechercher, recevoir, communiquer informations et idées oralement ou par le truchement de l’art ou du média de son choix) ;

• droit de prendre part aux affaires publiques et au service public sans discrimination pour des motifs linguistiques ;

• ne pas refuser aux enfants le droit d’utiliser leur propre langue.

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44. La Charte européenne comprend d’autres droits (tels que le droit à une éducation préscolaire dans la langue maternelle et les droits associés à l’usage des langues dans la vie sociale et économique). Toutefois, j’ai limité cette liste récapitulative aux droits qu’on trouve dans les traités multilatéraux.

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II.2 Droits des populations autochtones et langues en péril

45. La définition des « populations autochtones » généralement acceptée est celle qu’on doit à Martinez Cobo, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les populations autochtones en 197825, et les caractéristiques principales des populations autochtones sont les suivantes :

- ce sont les descendants vivants de populations qui habitaient avant l’invasion des terres actuellement dominées par d’autres ;

- ce sont des groupes culturellement distincts ;

- leurs racines ancestrales sont beaucoup plus fortement solidaires des terres sur lesquelles ils vivent (ou voudraient vivre) que celles de groupes plus puissants ;

- ce sont des « peuples » dans la mesure où ils se composent de communautés distinctes qu’une continuité d’existence et une identité associent aux communautés de leurs ancêtres ;

- elles se perçoivent elles-mêmes comme autochtones.

46. La définition du « patrimoine culturel autochtone » donnée par Daes (1997) montre clairement le rôle central joué par les langues autochtones. Ce qui est moins clair, cependant, est la question de savoir comment il conviendrait de définir les « langues autochtones » étant donné que certaines communautés autochtones parlent désormais des langues importées chez eux par des envahisseurs ou des langues qui, comme les parlers créoles, constituent des mélanges de langues indigènes et de langues exogènes. C’est là un problème sur lequel il y aurait lieu de se pencher si l’on devait élaborer une convention où le mot « autochtone » serait utilisé.

47. Les groupes autochtones peuvent naturellement bénéficier des droits des minorités reconnus par l’article 27 et des autres droits de l’homme concernant la langue (et c’est ce qu’ils ont fait). Cependant, il y a aussi le fait qu’ils sont reconnus comme ayant également un caractère de « peuples »26 qui les distingue d’autres groupes minoritaires et les habilite à des revendications supplémentaires. En pratique, les peuples autochtones peuvent revendiquer deux séries de droits : ceux dont fait état l’article 27 et les droits reconnus spécifiquement aux groupes autochtones. Y a-t-il donc, en ce qui concerne les langues autochtones, une différence qualitative qui fait que, pour protéger leurs langues, nous devions tenir compte aussi des droits attachés à leur statut spécial ? Il convient certainement de relever ici deux faits saillants. Le premier est que beaucoup d’États, même parmi ceux qui ont des communautés autochtones importantes, n’accordent aucune reconnaissance officielle aux langues autochtones. Le second est que des groupes autochtones sont les héritiers de cultures uniques et d’un ensemble significatif de savoirs qui s’est maintenu et transmis par l’intermédiaire de quelque 4 800 des 6 000 langues environ que compte le monde. Les groupes autochtones exigent de voir reconnues leurs identités collectives et les droits mentionnés dans les textes en question sont considérés par eux comme un « paquet » dans lequel les revendications d’un degré d’autonomie plus poussé (autodétermination interne) font partie d’un

25 Par communautés, populations et nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par une

continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion et avec les sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires. Ce sont à présent des éléments non dominants de la société et elles sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures les territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques» (E/CN.4/Sub.2/1986/7/Add.4, par. 379).

26 Il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une assertion qui, pour beaucoup d’États, prête fortement à controverse. La Déclaration de Vienne (1993), par exemple, parle de « populations » autochtones et non de « peuples ».

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tout27. Il y a là une différence importante avec les droits des minorités de l’article 27. Anaya (1996, p. 131) introduit la notion de « norme d’intégrité culturelle » en vertu de laquelle la non-discrimination relative aux peuples autochtones est envisagée dans le cadre plus large de l’autodétermination et, par conséquent, conforte leur droit « à maintenir et développer librement leurs identités culturelles en coexistence avec d’autres secteurs de l’humanité ». Se fondant sur cette norme, Anaya plaide ensuite en faveur d’une discrimination positive pour les peuples autochtones dans des domaines tels que les droits linguistiques pour remédier à la discrimination passée qui a mis en péril leur survie culturelle même.

Convention n° 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (1989)

48. La Convention que l’OIT a adoptée en 1989 était destinée à se substituer à l’approche assimilationniste de la Convention n° 107 de l’OIT (1957) considérée désormais comme ayant en fait abouti à l’extinction de cultures autochtones. Le Préambule de la nouvelle Convention prend acte « de l’aspiration des peuples en question à avoir le contrôle de leurs institutions … et développer leur identité, leur langue et leur religion dans le cadre des États où ils vivent ».

49. L’article 2 préconise une action systématique et coordonnée de la part des gouvernements, notamment pour promouvoir la pleine réalisation des droits culturels de ces peuples dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de leurs institutions. La partie VI, sur l’éducation et les moyens de communication, est celle qui présente le plus d’intérêt pour la présente étude. L’article 26 exige que les peuples intéressés aient la possibilité d’acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d’égalité avec le reste de la société. L’article 27 entre dans le détail de cette règle en demandant : (1) que des programmes d’éducation soient développés et mis en œuvre en coopération avec les populations intéressées et « pour répondre à leurs besoins particuliers » ; (2) que la responsabilité de la conduite desdits programmes soit progressivement transférée à ces peuples ; et (3) que soit reconnu leur droit de créer leurs propres institutions et moyens d’éducation. L’article 28 demande : (1) que les enfants des peuples intéressés apprennent à lire et à écrire dans leur propre langue et, lorsque cela n’est pas réalisable, que les autorités entreprennent des consultations avec les communautés à ce sujet ; et (2) que l’Etat prenne des mesures pour sauvegarder et promouvoir le développement et la pratique des langues autochtones.

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007)

50. Dans son Préambule, la Déclaration considère et réaffirme que « les peuples autochtones ont des droits collectifs qui sont indispensables à leur existence, à leur bien-être et à leur développement intégral en tant que peuples ». Le droit de promouvoir, maintenir et développer leurs langues apparaîtrait ainsi comme un droit collectif qu’ils posséderaient en tant que peuples. Ils ont le droit « à titre collectif ou individuel » de jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article premier) et à l’égalité et à l’absence de discrimination dans l’exercice de ce droit (article 2). L’article 4 donne aux peuples autochtones le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes « pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales » ainsi que des moyens de financer ces activités dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination proclamé à l’article 3. Cela comprendrait la conception et la mise en œuvre de politiques éducatives et d’autres activités pour promouvoir l’utilisation de leurs langues autochtones. Le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture (article 8) est une réaction au fait que beaucoup d’États ont poursuivi une politique d’assimilation de leurs populations autochtones qui a gravement porté atteinte à leurs cultures et, en particulier, à leurs langues. L’article demande aux États de mettre en place « des mécanismes de prévention et 27 Comme l’a noté Evatt (1996, p. 138) : « les autochtones n’ont jamais manqué de faire valoir que la

protection et la gestion de leur patrimoine culturel ne faisaient qu’un avec leur droit à disposer d’eux-mêmes, à avoir leur territoire et à jouir de leur culture. A leurs yeux, le respect de leurs droits culturels est inséparable du respect de la totalité de leurs droits, compte tenu de l’interdépendance de ces droits et de leurs relations réciproques ».

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de réparation efficaces visant » (a) tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, de leurs valeurs culturelles ou de leur identité ethnique et (b) toute forme d’assimilation ou d’intégration forcée.

51. L’article 13(1) affirme explicitement leur droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures « leur langue, leurs traditions orales ... leur système d’écriture et leur littérature », ainsi que de « choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes ». C’est là une disposition particulièrement intéressante parce qu’elle place sans ambiguïté les droits linguistiques dans la sphère de la culture (y compris ses aspects immatériels) et qu’elle se rapproche très étroitement de beaucoup des préoccupations de l’UNESCO dans ce domaine. L’alinéa (2) demande aux États que les autochtones puissent comprendre et être compris dans les procédures politiques, juridiques et administratives, par un recours à l’interprétation le cas échéant. L’article 14(1) concerne leurs droits relatifs à la création et à la gestion de systèmes et d’établissements scolaires (les systèmes impliquant l’élaboration d’une politique) « où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage ». Là encore, ce texte va plus loin que la plupart en associant explicitement langue et traditions culturelles et en montrant que la langue n’est pas importante simplement comme moyen d’éducation, mais aussi comme un véhicule pour la culture. L’article 14(3) impose aux États l’obligation rigoureuse de faire en sorte que les autochtones, en particulier les enfants, y compris ceux qui vivent à l’extérieur de leurs communautés, puissent accéder « à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue ».

52. Le droit pour les peuples autochtones d’établir leurs propres médias dans leur propre langue est confirmé par l’article 16(1) ainsi que celui d’accéder aux médias non autochtones sans discrimination aucune. Une autre disposition intéressant les langues autochtones figure à l’article 31, qui spécifie à l’alinéa (1) que les peuples autochtones ont le droit « de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur patrimoine culturel, leur savoir traditionnel et leurs expressions culturelles traditionnelles … » et à l’alinéa (2) que les États doivent reconnaître et protéger ces droits en concertation avec les peuples autochtones. Là encore, étant donné la place centrale que la langue occupe dans le patrimoine culturel et dans le savoir traditionnel, cette disposition a des incidences manifestes pour le maintien des langues autochtones.

53. Le calendrier de l’adoption de cette Déclaration par l’Assemblée générale des Nations Unies revêt une signification pour l’UNESCO dans l’état actuel des choses. Tout d’abord, il semble que le long « blocage » dans la reconnaissance de cet ensemble de droits des peuples autochtones par la communauté internationale soit finalement révolu. L’adoption ouvre également la voie à une nouvelle action normative internationale supplémentaire dans des domaines connexes à l’avenir. Ce qui soulève la question de savoir s’il est temps pour l’UNESCO d’entrer dans l’arène avec un instrument normatif sur les langues en péril et les langues autochtones ou s’il vaut mieux attendre pour voir quelle physionomie prendront les choses dans ce domaine au Conseil économique et social (ECOSOC).

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

54. L’article 5 formule les droits fondamentaux dont chacun doit pouvoir jouir sans discrimination raciale, notamment (v) le droit à l’éducation et à la formation professionnelle et (vi) le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles. En vertu de l’article 8, il est créé un comité d’experts pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) chargé de suivre et de contrôler la façon dont les Parties mettent en œuvre les dispositions du texte. Le CERD a invité les États-parties à reconnaître et respecter la culture distincte des peuples autochtones, ce qui inclut leurs langues, et à promouvoir la préservation de celles-ci qui contribuent à enrichir l’identité culturelle propre de l’État (Anaya, 1996, p. 131).

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Convention relative aux droits de l’enfant

55. L’article 8 de cette Convention affirme le droit de l’enfant à préserver son identité et l’article 17(d) demande que les moyens de communication de masse tiennent particulièrement compte des besoins linguistiques des enfants autochtones ou appartenant à des minorités. Bien qu’il ne fasse pas de référence spécifique à un enseignement dans la langue maternelle, l’article 28 demande que soit reconnu le droit à l’éducation « sur la base de l’égalité des chances », ce qui pourrait être interprété comme impliquant cela. À l’article 30, la Convention dispose que les enfants ne doivent pas se voir refuser le droit d’utiliser leur propre langue. Cela implique naturellement une scolarisation dans la langue maternelle et d’autres politiques linguistiques visant à promouvoir l’utilisation fonctionnelle de la langue.

II.3 Les instruments culturels de l’UNESCO

56. L’Acte constitutif de l’UNESCO (1947) fournit la base même de toute l’action de l’Organisation en faveur de « la diffusion de la culture ». Il proclame l’idéal d’une éducation de l’humanité pour la justice, la liberté et la paix et repose sur une croyance en des possibilités pleines et égales d’éducation pour tous. La Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale (1966) est un autre document fondateur qui reconnaît dans son article premier que « toute culture a une dignité et une valeur qui doivent être respectées et sauvegardées » et proclame que l’objectif de la coopération culturelle internationale est « de permettre à chaque homme d’accéder à la connaissance … et de contribuer pour sa part à l’enrichissement de la vie culturelle ». Ces documents fournissent ainsi un cadre intellectuel pour encourager l’utilisation des langues maternelles dans l’éducation et la vie culturelle et favoriser des politiques qui soutiennent la diversité linguistique et le multilinguisme sur le plan national et international.

Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (et Plan d’action) (2001)

57. Cet instrument sert aussi à formuler les grands principes sur la base desquels les textes subséquents - les Conventions de 2003 et de 2005 et la Recommandation de 2003 examinées plus bas - ont été établis. Il contribue à fournir un cadre éthique et montre clairement les liens existant entre les politiques linguistiques et les principes et normes plus larges. Il constitue pour cette raison un texte hautement significatif bien qu’il ne soit pas un instrument contraignant. L’article premier qualifie la diversité culturelle de patrimoine commun de l’humanité en des termes qui incluent clairement la diversité linguistique, fournissant ainsi la base du principe de la coopération internationale dans ce domaine. L’article 2 passe ensuite de la diversité culturelle au pluralisme culturel comme constituant « la réponse politique au fait de la diversité culturelle ». De notre point de vue, cela signifierait que l’on crée un environnement multilingue et que l’on favorise la diversité linguistique nationale.

58. Le rapport étroit entre la culture (et la langue) et le développement fait l’objet de l’article 3 et l’importance qui s’attache au respect des droits de l’homme, en particulier de ceux des populations appartenant à des minorités et à des groupes autochtones, pour la défense de la diversité culturelle est soulignée à l’article 4. La pertinence de ces dispositions pour la diversité linguistique est mentionnée à l’article 5, qui note que toute personne doit pouvoir s’exprimer et diffuser ses œuvres « dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ». L’article 6 demande ensuite que soient respectés la liberté d’expression, le pluralisme des médias et les politiques de multilinguisme, garants de la diversité culturelle.

59. L’article 12 définit le rôle de l’UNESCO pour la sauvegarde de la diversité culturelle et, à l’alinéa (c), invite l’Organisation à « poursuivre son action normative, ainsi que son action de sensibilisation et de développement des capacités » dans les domaines intéressant la diversité culturelle. Ces domaines incluraient bien entendu la diversité culturelle.

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60. La Déclaration s’accompagne d’un Plan d’action pour « son application effective » et énumère un certain nombre d’objectifs qui doivent notamment consister à :

- favoriser l’échange des connaissances et des meilleures pratiques en matière de pluralisme culturel (alinéa 3) ;

- avancer dans la compréhension et la clarification du contenu des droits culturels (alinéa 4) ;

- sauvegarder le « patrimoine linguistique de l’humanité » (alinéa 5) ;

- encourager la diversité linguistique - dans le respect de la langue maternelle - à tous les niveaux de l’éducation (alinéa 6) ;

- promouvoir la diversité linguistique dans l’espace numérique (alinéa 10) ;

- élaborer des politiques et des stratégies de préservation et de mise en valeur du patrimoine oral et immatériel (alinéa 13) et respecter et protéger les savoirs traditionnels (en particulier autochtones) (alinéa 14).

Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003)

61. Les buts de cette Convention (article premier), bien que celle-ci concerne le patrimoine culturel immatériel (PCI) et non les langues, comprennent des éléments qui seraient indispensables dans l’exposé des objectifs d’un instrument pour les langues en péril avec leur combinaison de sauvegarde (promotion et protection des langues), de respect et de sensibilisation et un cadre pour la coopération et l’assistance internationales.

62. Aux fins de la présente étude, c’est l’inclusion des « traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel » dans les domaines du PCI à l’alinéa (2) de la définition (article 2) qui revêt le plus d’importance28. Cela permet ainsi aux langues - lorsqu’elles jouent le rôle exposé ici en rapport avec le PCI - de bénéficier des mesures nationales de sauvegarde ainsi que d’une assistance internationale en vertu de la Convention.

63. Les mesures à prendre sur le plan national pour la sauvegarde du PCI (articles 11 à 15) comprennent certains éléments intéressants. Il appartient aux Parties « de prendre les mesures nécessaires pour assurer » la sauvegarde du PCI sur leur territoire (article 11(a)), ce qui confère à ces mesures un caractère obligatoire. L’article 11(b) introduit ensuite l’un des aspects les plus significatifs de la Convention, à savoir l’obligation pour les États-parties d’œuvrer avec la participation « des groupes et communautés culturels » à l’identification et à la définition de ce PCI. L’article 15 poursuit dans la même direction en demandant aux Parties de « s’efforcer d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes [intéressés] … et des individus » à leurs activités de sauvegarde et « de les impliquer activement dans sa gestion ». C’est un tournant nouveau pour les conventions culturelles de l’UNESCO (imputable en partie à l’expérience tirée de la mise en œuvre de la Convention de 1972) qui reconnaît le rôle essentiel de la communauté culturelle pour la sauvegarde du PCI. Il en serait exactement de même pour les langues en péril puisque c’est uniquement grâce au désir et à la coopération active de la communauté des locuteurs que les activités de maintien et de revitalisation d’une langue peuvent et doivent fonctionner. L’article 13(a) invite les Parties à adopter une politique générale visant à mettre en valeur la fonction du PCI dans la société, ce qui répondrait à beaucoup des besoins des langues minoritaires (et autochtones) et de leurs locuteurs si cette disposition leur était appliquée. Il est vraisemblable qu’un ou plusieurs organismes publics compétents seraient nécessaires pour la mise en place de ces mesures comme le demande l’article 13(b). Bien que visant avant tout à 28 La question de savoir si les langues elles-mêmes devaient constituer un domaine du PCI a fait

l’objet d’un débat animé au stade intergouvernemental des négociations pour la Convention (voir plus haut, page 3).

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sensibiliser l’opinion et à assurer le respect pour le PCI, l’article 14 comporte quelques dispositions relatives à des programmes éducatifs qui présentent également de l’intérêt : (i) le choix des jeunes comme groupe cible ; (ii) des programmes spécifiques (éducation et formation) « au sein des communautés et des groupes concernés » ; (iii) des activités de renforcement des capacités ; et (iv) le recours à des moyens éducatifs non formels pour la transmission des savoirs.

64. La sauvegarde sur le plan international se fonde sur deux éléments : l’établissement d’une Liste représentative et d’une Liste du PCI nécessitant une sauvegarde urgente (articles 16 et 17)29 et l’institution d’un système pour la promotion de programmes, projets et activités de caractère national, sous-régional ou régional de sauvegarde du PCI qui reflètent le mieux les objectifs de la Convention (article 18). L’article 20 définit les objectifs de l’assistance internationale pour la Convention, lesquels sont axés sur : (a) la sauvegarde du PCI inscrit sur la Liste de sauvegarde urgente, (b) l’établissement d’inventaires sur le plan national et (c) les programmes, projets et activités visés à l’article 18. Une assistance internationale peut aussi être accordée « pour tout autre objectif que le Comité jugerait nécessaire » (alinéa 20(d)), disposition qui pourrait par exemple avoir son application pour la promotion et la protection de langues servant de véhicule pour le PCI et menacées de disparaître.

65. C’est dans ce cadre, ainsi qu’en application de toute mesure supplémentaire de sauvegarde sur le plan national que les gouvernements pourraient décider de prendre, que la Convention de 2003 a le plus de chances d’intervenir efficacement pour promouvoir et protéger des langues en péril. Une question fondamentale ici sera celle de savoir dans quelle mesure l’expression « la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel » sera interprétée par le Comité (créé en vertu de l’article 5) quand celui-ci (a) choisira le PCI à inscrire sur les Listes internationales et (b) choisira les programmes, projets et activités devant bénéficier d’une assistance internationale et enfin si le Comité est prêt à prendre des mesures spéciales en faveur de langues en péril lorsque le danger qui les menace touche le PCI. Les Parties elles-mêmes peuvent s’efforcer d’accorder une priorité à des langues sur l’ordre du jour (1) en les faisant figurer en bonne place dans leurs inventaires nationaux, (2) en proposant des projets concernant des langues en tant que véhicules du PCI et (3) en proposant l’inscription d’un patrimoine oral dont la transmission est largement tributaire d’une langue en péril.

66. La question reste donc ouverte de savoir dans quelle mesure la Convention de 2003 peut servir et servira à promouvoir le maintien de langues en péril et de langues utilisées par des communautés culturelles minoritaires et autochtones. Il est important de noter que les demandes d’assistance internationale et d’inscription sur la Liste représentative doivent émaner des Parties et ne peuvent pas être faites par les communautés culturelles (linguistiques) elles-mêmes. Le Secrétariat a jusqu’à présent reçu trois demandes d’assistance pour des projets qui, lorsque les directives opérationnelles de la Convention auront été approuvées, pourraient être examinées en vue d’une sélection aux termes de l’article 1830. Ces projets comportent un important élément linguistique et pourraient fournir un aperçu intéressant sur la façon dont la Convention pourrait être utilisée pour la protection de langues en péril. Ce que toutes celles-ci ont en commun est le rapport intime établi entre la langue et d’autres éléments du patrimoine culturel immatériel et le désir très fort qu’ont les communautés concernées de préserver leur langue afin de préserver leur culture et leur identité. Elles font toutes appel à un important élément de participation de la communauté et de développement des capacités (pour la documentation et les techniques numériques, la méthodologie pédagogique et la préparation de matériels didactiques ainsi que pour les techniques de revitalisation de la langue). Dans le cas de la proposition du Burkina Faso, un centre communautaire serait équipé pour servir de point de convergence aux activités concernant la

29 Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité et Liste du patrimoine culturel

immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. 30 (1) Projet de sauvegarde et de revitalisation de la langue et de la tradition orale des Sillanko

(Burkina Faso) ; (2) Documentation sur les langues dans trois communautés indigènes (Brésil) ; (3) Sauvegarde de la langue et des traditions orales Yukagir par le renforcement des capacités pour l’éducation communale dans leurs lieux d’implantation dans la République de Sakha (Yakoutie) (Fédération de Russie).

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langue alors que la proposition de la Fédération de Russie met surtout l’accent sur le développement de ressources numériques (notamment auxiliaires pédagogiques multimédias et un inventaire numérique) et sur le développement de l’enseignement dans les langues en question. La proposition brésilienne est plus directement centrée sur le PCI à transmettre - les mythes et les jeux traditionnels de trois groupes autochtones de l’Amazonie - mais ces activités sont considérées comme relevant directement d’une stratégie globale de préservation et de revitalisation des langues. Comme le montraient les conclusions d’une récente réunion d’experts sur la sauvegarde et la transmission du PCI31 par l’éducation (alinéa 3.6), les langues et dialectes locaux devraient être utilisés dans les programmes d’enseignement pour sauvegarder le PCI car cela améliore l’« appropriation » locale de l’activité et permet d’associer l’enseignement linguistique à des programmes plus larges de revitalisation.

Recommandation sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace (2003)

67. Cette Recommandation porte sur deux questions distinctes mais étroitement liées, à savoir la promotion et l’usage du multilinguisme dans le cyberespace et la fourniture d’un accès universel au cyberespace. La première présente de toute évidence un intérêt plus direct pour la présente étude, encore que la garantie d’un accès à une gamme aussi large que possible de communautés linguistiques ait aussi son importance. Bien que le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) ouvre des possibilités nouvelles pour la libre circulation des idées, il rend aussi « plus problématique la participation de tous à la société mondiale de l’information » (Préambule, paragraphe 7). La diversité linguistique dans les réseaux mondiaux d’information peut être un facteur déterminant du développement d’une société fondée sur le savoir (paragraphe 8) cependant que l’éducation de base et l’alphabétisation sont des conditions préalables de l’accès universel au cyberespace, autre facteur déterminant (paragraphe 11). Par conséquent, la diversité linguistique dans le cyberespace est un objectif central, mais, d’autre part, l’enseignement dans la langue maternelle (dans des programmes d’éducation de base/alphabétisation) est important lui aussi.

68. Le premier objectif, qui est de promouvoir le multilinguisme dans le cyberespace, fait intervenir une pluralité d’acteurs - secteurs public et privé, société civile, gouvernements, industrie des TIC et organisations intergouvernementales - pour agir et collaborer à différents niveaux (local, national, sous-régional, régional et international) afin d’en réaliser les différents éléments. Les mesures proposées (alinéas 1 à 4) concernent notamment l’élaboration des politiques et divers aspects techniques :

- fourniture de ressources et autres mesures « pour atténuer les obstacles linguistiques » sur l’Internet afin de permettre à toutes les cultures d’avoir accès au cyberespace dans toutes les langues, y compris les langues autochtones. (Secteurs privé et public et société civile à tous les niveaux) ;

- renforcement des capacités de production de contenus locaux et autochtones sur l’Internet. (États membres et organisations intergouvernementales) ;

- formulation de politiques nationales appropriées pour « la survie des langues dans le cyberespace » en vue de promouvoir l’enseignement des langues, y compris des langues maternelles, dans le cyberespace. (États membres) ;

- accroître l’appui et l’assistance internationale aux pays en développement « pour faciliter la conception de matériel librement accessible sur l’enseignement des langues sous forme électronique » et améliorer les compétences humaines dans ce domaine ;

31 UNESCO-ACCU Réunion d’experts sur la transmission et la sauvegarde du patrimoine culturel

immatériel par l’éducation formelle et non formelle (21-23 février 2007, Chiba, Japon).

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- encourager une collaboration participative pour la recherche et le développement sur l’adaptation locale de la technologie et des logiciels Internet « dotés de grandes capacités multilingues » et soutenir la coopération internationale en matière de « systèmes linguistiques intelligents » pour la recherche multilingue de l’information et autres activités relatives à l’Internet (États membres, organisations intergouvernementales et industries des TIC).

Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005)

69. La base de la coopération internationale dans ce domaine est établie dans le Préambule qui affirme que la diversité culturelle constitue un patrimoine commun de l’humanité et qu’elle devrait être célébrée et préservée au bénéfice de tous (paragraphe 3). La diversité linguistique est considérée comme un élément fondamental de la diversité culturelle (paragraphe 15). Le paragraphe 13 souligne expressément l’importance de la liberté d’expression et de la diversité dans les médias pour permettre leur épanouissement. Le mandat spécifique confié à l’UNESCO d’assurer le respect de la diversité des cultures, laquelle comprend la diversité linguistique, est rappelé au paragraphe 21.

70. Parmi les objectifs énumérés à l’article premier, certains ont un rapport direct avec la sauvegarde des langues : (c) encourager le dialogue entre les cultures ; (d) stimuler l’interculturalité pour une interaction culturelle ; (f) l’importance du lien entre culture et développement. Il en va de même de certains des principes directeurs formulés à l’article 2 : (1) l’obligation de respecter les droits de l’homme comme condition préalable de la protection de la diversité culturelle ; (3) le principe de l’égale dignité et du respect de toutes les cultures, y compris celles des minorités et des peuples autochtones ; (4) la solidarité et la coopération internationales ; (6) le développement durable.

71. Le principe de la souveraineté des États rappelé à l’article 2(2) peut être considéré comme étant en rapport avec le champ d’application spécifié à l’article 3, à savoir que la Convention « s’applique aux politiques et aux mesures adoptées par les Parties » et servant à limiter le degré d’obligation accepté par les Parties. Il existe toujours une tension entre la compétence souveraine de l’État et la nécessité de formuler des obligations exigeant que des mesures soient prises dans la sphère nationale. L’article 4 où sont données les définitions de certains termes est relativement détaillé pour une convention de ce genre dans le domaine culturel et il en serait probablement de même pour une convention sur les langues en péril et les langues autochtones. La définition des « politiques et mesures culturelles » (alinéa 6) revêt ici un intérêt particulier.

72. La disposition ayant le rapport le plus direct avec les langues est celle de l’article 6(b) consacré aux droits des Parties au niveau national. Il convient toutefois de noter qu’il s’agit là de « droits » et non d’« obligations » des Parties et qu’on y trouve des mesures que les Parties peuvent éventuellement choisir de prendre. Ce texte indique que les mesures offrant des opportunités aux activités, biens et services culturels nationaux comportent notamment des « mesures relatives à la langue utilisée pour lesdites activités », etc. À l’alinéa (h), l’article prévoit les mesures qui visent à promouvoir la diversité des médias, laquelle devrait comprendre la diversité linguistique. Aux termes de l’article 7 (mesures destinées à promouvoir les expressions culturelles), les Parties devraient créer un environnement encourageant la créativité « en tenant dûment compte des conditions et besoins particuliers … de divers groupes sociaux, y compris les personnes appartenant aux minorités et les peuples autochtones ».

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Section III : Faut-il élaborer un nouvel instrument normatif ?

III.1 Type d’instrument pour les « langues en péril et autochtones »

Le titre - « Langues autochtones et en péril »

73. Le libellé choisi, « langues autochtones et en péril », soulève certains problèmes dont il y a lieu de tenir compte. Tout d’abord, si l’on prend les choses à la lettre, cela signifierait qu’il s’agit de protéger les « langues autochtones (qu’elles soient menacées ou non) et toutes les autres langues seulement si elles sont menacées ». Cela créerait une hiérarchie des langues portant directement atteinte à un principe de base, à savoir que toutes les langues sont égales.

74. Un second aspect, plus fondamental, consisterait à mettre en question la logique de cette formulation étant donné que l’objectif premier d’un instrument du genre envisagé serait de protéger et promouvoir des langues qui ont besoin de protection et de promotion, c’est-à-dire en premier lieu des langues en péril. Suivant cette logique, les langues autochtones n’ont besoin d’un soutien que si elles relèvent de la catégorie des langues en péril. Afin de justifier une référence expresse aux langues autochtones dans le titre (en dépit de ce qui vient d’être dit), on devrait professer que toutes les langues autochtones sont, par définition, menacées.

75. Étant donné que les peuples autochtones ont en général été victimes d’une répression et d’une dépossession culturelles, il y a là un argument fort en faveur d’un régime spécial. De plus, les langues autochtones représentent une proportion très importante de la diversité linguistique du monde et sont dépositaires d’une extraordinaire richesse de savoirs traditionnels, écologiques et autres32. Il semble néanmoins souhaitable de reformuler le titre de l’instrument proposé pour éviter toute interprétation intempestive ou fâcheuse.

Le sujet

76. Une deuxième question, qui découle du titre, concerne le sujet exact de la Convention envisagée : s’agit-il de langues en soi ou plutôt de langues et de leurs communautés de locuteurs ? Ce qui nous amène au cœur d’une autre question vitale qui est de savoir s’il devrait s’agir avant tout d’une convention « culturelle » (ayant les langues pour sujet) ou, plus généralement, d’un instrument concernant des droits (axé sur les droits des locuteurs de langues de minorités et de peuples autochtones).

77. À bien des égards, cette question reprend celle qui s’était posée lors de l’élaboration de la Convention de 2003, étant donné que, comme pour les langues, le PCI ne saurait être sauvegardé sans que la communauté et le groupe culturels concernés soient également protégés, ce qui soulève alors la question de leurs droits, culturels et autres. Le caractère relativement global du régime actuel des droits de l’homme dans la mesure où les droits des communautés de locuteurs sont concernés (même s’ils ne sont guère respectés) tendrait à faire penser que l’adoption par l’UNESCO d’une approche fondée sur les droits ne comporterait pas de « valeur ajoutée » dans ce domaine. En outre, cela risquerait fort d’être une source de confusion ; en effet, bien que le mandat de l’UNESCO habilite l’Organisation à intervenir en ce qui concerne les droits relatifs à l’éducation et à la culture, l’analyse des droits linguistiques esquissée plus haut montre que d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme visent également à garantir les droits de locuteurs de langues minoritaires et autochtones bien qu’aucun de ces instruments ne soit parvenu à atteindre son but avec un succès tel qu’on pourrait en conclure qu’il n’y a aucun besoin d’un nouvel instrument qui serait axé sur la question de la diversité linguistique et du multilinguisme.

78. De fait, l’adoption d’une approche fondée sur les droits reviendrait à insister sur les politiques et les droits du multilinguisme plutôt que sur la valeur fondamentale de la diversité linguistique en tant qu’élément central de la diversité culturelle, laquelle devrait être en l’occurrence l’objectif 32 Dont l’importance a été formellement reconnue sur le plan international dans la Convention sur la

diversité biologique (CDB) de 1992 (article 8(j)).

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principal de l’UNESCO. Il vaut mieux considérer la diversité linguistique comme la valeur fondamentale, avec le multilinguisme comme un principe opérationnel important qui peut grandement contribuer à sa préservation33 ; de la sorte, la diversité linguistique elle-même est interprétée (à juste titre) comme une notion fonctionnelle et non pas statique. Cette discussion est importante car la multiplicité des approches envers les langues déjà adoptées dans le droit international fait qu’il est difficile d’identifier clairement l’avantage stratégique que l’UNESCO pourrait avoir à intervenir dans ce domaine.

Principes et objectifs fondamentaux

79. Pour envisager l’élaboration d’un traité international dans quelque domaine que ce soit, il faut identifier les principes qui sous-tendent cette réglementation. La section précédente a déjà mis en lumière deux de ces principes :

• la diversité linguistique (fonctionnelle) en tant que patrimoine de l’humanité ;

• toutes les langues sont fondamentalement égales.

À quoi on pourrait ajouter :

• la langue est un élément constitutif important du patrimoine culturel des diverses communautés et populations ;

• les États doivent s’efforcer de venir en aide à toutes les communautés et populations qui désirent faire pleinement usage de la langue qui les distingue.

Les principes suivants peuvent également être identifiés :

• respect pour les autres langues et interculturalité ;

• respect pour les droits de l’homme relatifs à la langue et pour les droits culturels en particulier ;

• le développement durable lié à la langue ;

• multiculturalisme et pluralisme culturel.

80. Comme on l’a suggéré plus haut, l’article premier de la Convention de 2003 peut fournir une base utile pour identifier les objectifs d’une nouvelle convention dans ce domaine. Ceux-ci pourraient être notamment :

• protection et promotion de langues en péril ;

• sauvegarde de langues en péril avec la pleine participation des communautés de locuteurs ;

• assurer le respect pour les autres langues ;

• sensibiliser aux valeurs de la diversité linguistique et du multilinguisme non seulement les gouvernements mais, ce qui est important, les communautés de locuteurs elles-mêmes ;

• fournir un cadre pour la coopération et l’assistance internationales.

33 Le rapport entre la Recommandation sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès

universel au cyberespace (2003) et la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001) contribuent à illustrer ce point.

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Portée de l’instrument

81. Celle-ci doit procéder du débat sur le principe de la souveraineté des États tel qu’il est proclamé à l’article 2(2) de la Convention de 2005. L’existence de cette disposition exprime la tension toujours présente dans l’action normative internationale entre la compétence souveraine de l’État et la nécessité de placer dans la sphère nationale les obligations exigeant une action. Cette tension serait certainement un facteur important dans tout instrument pour les langues en péril et autochtones étant donné que l’éventail des mesures à prendre, comme l’a montré la Charte européenne (n° 148), est potentiellement très vaste avec des implications considérables en matière de ressources.

82. Le fait de mettre l’accent avant tout sur les langues elles-mêmes plutôt que sur les droits de leurs locuteurs, même si ces droits doivent être également garantis par la Convention, contribuerait certainement à donner au champ de la Convention des limites raisonnables. Cela permettrait de faire figurer certaines missions générales pour la promotion, la protection, le maintien, la revitalisation et la documentation de langues en péril comme des obligations incombant aux Parties avec une certaine latitude quant à leurs spécificités sur le plan de l’élaboration de politiques nationales. Comme on l’a noté plus haut, les obligations détaillées figurent déjà dans des traités relatifs aux droits de l’homme largement ratifiés et, dans de nombreux cas, comme faisant partie aussi du droit international coutumier. Cela devrait être associé à une obligation analogue à celle de l’article 15 de la Convention de 2003 (éventuellement combinée avec une obligation spécifique comme celle de l’article 11(b) concernant les politiques éducatives) pour la participation et la contribution des communautés à la conception et à la gestion des interventions dans ce domaine. Quant à la manière dont les États mettraient effectivement en pratique un tel partenariat sur le terrain, c’est là une question sur laquelle il convient de laisser aux Parties elles-mêmes le soin de décider.

Nature des obligations, mesures et mécanismes

83. Si nous acceptions l’idée d’une convention procédant d’une approche essentiellement « culturelle », cet instrument assignerait aux Parties une large obligation de protéger et de promouvoir les langues en péril et autochtones par des politiques et des mesures nationales (ce qui implique un certain degré de multilinguisme) et de coopérer sur le plan international à cette fin.

84. Pour ce qui est de mécanismes institutionnels, il est difficile d’envisager comment un système de listes tel que celui des Conventions de 1972 ou de 2003 pourrait s’appliquer à des langues en péril. Toutefois, un système d’appendices en vertu duquel les Parties mentionneraient les langues existant sur leur territoire dont elles pensent qu’elles ont besoin d’une promotion et/ou d’une protection (éventuellement avec l’expression de différents degrés du danger couru, à l’instar des Conventions pour la protection des espèces végétales et animales menacées) pourrait avoir son utilité34. Il serait important que les appendices en question : (a) soient souples pour permettre l’adjonction de langues qui viendraient à être menacées ou si des recherches révèlent l’existence de langues supplémentaires qui n’étaient pas encore connues lors de l’établissement de la liste et (b) qu’un comité scientifique indépendant ou un autre organisme de ce genre soit créé pour surveiller le fonctionnement des listes. Une autre possibilité consisterait à faire figurer l’obligation d’un inventaire national (ou autre document analogue) des langues avec l’indication de leur niveau de vitalité ou du degré du danger encouru (par exemple sur la base de l’appendice dans la Convention de l’UNESCO de 2003. Cela pourrait se combiner avec un texte principal comportant différents niveaux d’obligation selon le niveau du danger menaçant une langue.

34 Le modèle de la Charte européenne n° 148 pourrait aussi être utile ici bien qu’il s’agisse là d’un

traité particulièrement complexe. Dans ce traité, les Parties sont tenues de soumettre, lors de la ratification, une liste des langues sur leur territoire auxquelles les dispositions qu’elles ont adoptées s’appliqueront.

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85. Une assistance internationale sous une forme ou une autre (échange d’experts, par exemple) serait importante encore que cela soulève toujours la question du financement. Assurer la mise en œuvre sur le plan national des mesures prévues n’est jamais tâche facile, mais un système efficace de notification et de contrôle serait certainement utile. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure une convention de ce genre pourrait ouvrir la porte à des demandes de garantie de droits de l’homme (culturels) existants et quel serait le rôle du CCR dans ce cas.

86. Il est difficile à ce stade de proposer des mesures spécifiques pour une convention dans ce domaine étant donné que les propositions devraient faire l’objet de discussions approfondies de la part des États membres. Cependant, on peut dire sans risque d’erreur que l’obligation générale de protéger et de sauvegarder peut se décomposer dans les éléments suivants : élaboration de politiques linguistiques et planification ; promotion, reconnaissance et respect ; maintien, description et documentation ; revitalisation ; transmission et acquisition - éléments qui impliquent eux-mêmes des actions spécifiques, dont l’utilisation publique de langues minoritaires et autochtones et diverses formes de soutien aux communautés de locuteurs pour maintenir et revitaliser leur langue.

III.2 L’action non normative de l’UNESCO dans ce domaine

Activités opérationnelles dans le domaine des langues et du multilinguisme

87. Les activités actuelles de l’UNESCO dans le domaine des langues intéressent tous les secteurs et comprennent aussi des programmes intersectoriels :

(A) Secteur de la culture

C’est en 1993 que le Livre rouge des langues en péril a été créé en vue de réunir des informations à jour sur les dangers menaçant certaines langues et, en 1996 et 2001, deux éditions de l’Atlas des langues en péril dans le monde ont été publiées (une nouvelle édition est en préparation). L’importance de ces travaux ne saurait être sous-estimés car ils alertent la communauté internationale sur l’ampleur du problème et fournissent des informations à jour particulièrement nécessaires. Toute convention qui serait conclue dans ce domaine devrait comporter un mécanisme pour le soutien et même l’élargissement de l’action ainsi entreprise. Les chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité qui ont fait l’objet de proclamations de l’UNESCO de 2001 à 2005 (le programme est maintenant terminé), comportaient des plans d’action pour la sauvegarde des chefs-d’œuvre considérés. Dans certains de ces plans, la langue de la communauté des détenteurs d’une tradition était également visée, par exemple pour la langue, la danse et la musique des Garifuna (Méso-Amérique), le patrimoine oral et les manifestations culturelles des Zápara (Equateur, Pérou), l’art des Akyns, conteurs épiques kirghiz (Kirghizistan), les traditions orales des pygmées Aka (République centrafricaine) et le Hudhud, récits chantés des Ifugao (Philippines). Ces programmes peuvent être considérés comme les précurseurs des travaux qui seront entrepris en application de la Convention de 2003 et permettent de penser que, lorsque la Liste représentative et la Liste pour la sauvegarde urgente de cette Convention seront entrées en vigueur, les plans de gestion/sauvegarde pour les éléments du PCI figurant sur les listes pourront suivre un cheminement analogue en insistant sur les composantes linguistiques. En conclusion, les travaux pour la mise en œuvre de la Convention de 2003 pourraient aussi comporter des projets et des activités pour la revitalisation et le maintien de langues locales et autochtones.

(B) Le programme des langues en péril représente actuellement la partie la plus importante de l’action du Secteur de la culture dans ce domaine. Les activités au titre de ce programme comprennent plusieurs initiatives qui auraient tout à fait leur place au titre des mesures de « protection et promotion » d’une convention pour les langues en péril :

sensibilisation au péril couru par les langues et rôle de centre d’échange d’informations sur la sauvegarde des langues ;

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renforcement des capacités pour la sauvegarde des langues dans les États membres ;

promotion de la coopération internationale entre experts/institutions pour la sauvegarde de la diversité linguistique ;

tenue d’un registre UNESCO des meilleurs pratiques pour la préservation des langues35 ;

soutien des initiatives locales pour la documentation de langues jusqu’alors non écrites.

Parmi les autres activités figurant à ce programme, on trouve la production de films sur les communautés utilisant une langue en péril (diffusés sur Discovery Channel) et divers projets gérés par des bureaux hors Siège qui contribuent aux activités mentionnées ci-dessus.

(C) Secteur de l’éducation

Dans ce secteur, les efforts se concentrent sur l’encouragement à l’enseignement dans la langue maternelle et la promotion du multilinguisme dans l’éducation compte dûment tenu : (a) de l’importance pour les membres de la communauté locale et autochtone de connaître la langue officielle ainsi qu’une langue internationale, et (b) de la valeur qui s’attache à enseigner aux locuteurs de la langue « dominante » une autre langue locale au moins. Il y a manifestement des doubles emplois entre les activités du Secteur et celles du Secteur de la culture en ce qui concerne à la fois le programme relatif aux langues en péril et la Convention de 2003. Les activités du Secteur visent notamment à :

élaborer des politiques éducatives dans des contextes multilingues ;

promouvoir l’alphabétisation dans la langue maternelle et l’utilisation de celle-ci comme un véhicule et un sujet d’enseignement ;

constituer un dossier de « meilleures pratiques » et d’études de cas sur la composante linguistique de l’éducation autochtone ;

sensibiliser à l’importance de la préservation de la langue dans l’éducation et la scolarisation.

(D) Secteur des sciences sociales

Étant donné la nature de ses tâches, les activités pertinentes dans ce secteur tendent à refléter l’élaboration de la base conceptuelle plus large qui sous-tend son action dans ce domaine. À ce titre, le secteur peut contribuer à la définition de grands principes ; il peut aussi être en mesure de contribuer à trouver un équilibre entre l’approche « culturelle » et l’approche « fondée sur les droits » d’une protection et d’une promotion des langues. Les activités pertinentes comprennent notamment :

promotion d’une sensibilisation aux droits de l’homme ;

favoriser la coopération entre les diverses parties prenantes, partenaires et réseaux ;

promotion du respect pour la diversité culturelle dans des sociétés multiculturelles/ multiethniques ;

recherches sur la diversité linguistique et formulation de politiques efficaces pour la réalisation du multilinguisme ;

sensibiliser à la dimension linguistique du développement.

35 Douze communications ont jusqu’à présent été reçues et sont en cours d’évaluation.

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(E) Secteur des sciences exactes et naturelles

L’activité principale de ce secteur concourant à la protection des langues en péril est en rapport avec l’action qu’il mène au titre de l’article 8(j) de la CDB de 1992 et de la sauvegarde de langues locales et autochtones. Dans ce cadre, il peut collaborer avec le Secteur de la culture à l’élaboration, pour la Cible Biodiversité 2010, d’un « indicateur sur la situation et les tendances de la diversité linguistique et du nombre de locuteurs des langues autochtones ».

(F) Secteur de la communication

Les travaux de ce secteur intéressent les langues selon les modalités suivantes :

soutien de la créativité et de l’innovation dans la production locale dans tous les médias, y compris le contenu en langue locale (formation de créateurs de contenu, soutien à la production de contenu et amélioration des canaux de distribution) ;

développement du contenu multilingue de l’Internet et des systèmes et promotion de l’accès aux réseaux et services ;

promotion de l’expression culturelle et de la diversité linguistique par la communication et l’information ;

élaboration d’une communauté de savoirs inclusive ;

favoriser une sensibilisation publique internationale au contenu autochtone des médias.

(G) Activités intersectorielles

L’Initiative B@bel a pour but de promouvoir l’accès universel à l’information dans le cyberespace dans toutes les langues et elle est conduite par une équipe multidisciplinaire. Ses activités comprennent notamment :

création d’un module pour les communautés linguistiques autochtones ;

création d’un mécanisme pour le soutien systématique de la préservation des langues ;

soutien de projets pilotes pour le développement d’outils multilingues en ligne, la recherche sur les langues en péril et leur préservation ;

dissémination de ressources linguistiques.

Le projet intitulé Les TIC au service du dialogue interculturel est une activité visant à favoriser le dialogue interculturel entre communautés autochtones marginalisées, notamment :

en formant des animateurs autochtones à l’usage des TIC ;

en produisant des contenus culturels autochtones pour tous les médias ;

en élevant le niveau de sensibilisation à la créativité culturelle autochtone.

Le Système de savoirs locaux et autochtones (LINKS) fait intervenir un partenariat entre détenteurs de savoirs traditionnels, scientifiques et sociologues, cadres et décideurs, avec pour objectif le renforcement du rôle des savoirs et des peuples autochtones dans la gestion et le maintien de la biodiversité. Cette activité implique la préservation de langues autochtones en tant que véhicules de l’ensemble de savoirs considéré.

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Enfin, la Journée internationale de la langue maternelle (21 février) constitue une opportunité périodique de mobilisation et de communication importante dans tous les domaines d’action reliés aux langues. L’Année 2008, proclamée Année internationale des langues par l’Assemblée générale des Nations Unies, constitue une occasion unique pour d’étendre ce type de mobilisation sur une période plus longue, avec des effets plus durables.

Le rapport entre activités opérationnelles et normatives

88. Lorsqu’on se demande s’il est souhaitable d’élaborer un nouvel instrument normatif, il est important de tenir compte des activités opérationnelles que l’UNESCO mène déjà dans le domaine des langues afin de considérer : (a) l’enseignement susceptible d’en être tiré pour un instrument ultérieur, (b) la complémentarité pouvant exister entre les activités opérationnelles et les activités normatives dans ce domaine et (c) si ces dernières sont suffisantes sans qu’il soit nécessaire de recourir à d’autres initiatives normatives.

89. Il est certainement possible de voir que les activités existantes dans le Secteur de la culture concernant des langues en péril reflètent des mesures qui devraient occuper une place centrale dans une nouvelle convention si celle-ci devait être élaborée. Les activités du Secteur de l’éducation pour la promotion de l’enseignement dans la langue maternelle et du multilinguisme font sans aucun doute double emploi avec le programme relatif aux langues en péril. De même, les activités relatives au multilinguisme dans le cyberespace et à la teneur multilingue de tous les médias exécutées par le Secteur de la communication comportent certains éléments qui peuvent de toute évidence s’appliquer à la préservation des langues en péril et à l’autonomisation des communautés de locuteurs. Quant aux activités du Secteur des sciences sociales - en particulier pour la promotion des droits de l’homme, la recherche et l’élaboration de politiques en matière de multilinguisme et la promotion de politiques multiculturelles - elles fourniraient toutes un précieux soutien et un contexte intellectuel de valeur pour un nouvel instrument, mais elles paraissent avoir mieux leur place dans l’action opérationnelle de l’Organisation.

90. Toutefois, la question demeure de savoir si ces activités opérationnelles sont par elles-mêmes suffisantes (dans le contexte plus large du droit international existant rappelé plus haut) pour qu’un nouvel instrument ne soit pas nécessaire. En d’autres termes, quelle « valeur ajoutée » un cadre normatif peut-il apporter à cette question ? Les avantages potentiels seraient notamment les suivants : la création d’un cadre pour la coopération et l’assistance internationales ; la valeur éducative et sensibilisatrice d’un instrument ; la réunion d’une série d’activités trans-sectorielles dans un cadre unique ; l’utilisation comme base de programmes déjà couronnés de succès et des invitations à agir pour des États qui répugnaient à le faire. De plus, bien que les activités opérationnelles en cours couvrent, lorsqu’on les réunit, les principaux aspects de la protection des langues en péril (qu’elles soient autochtones ou non), elles sont (a) actuellement éparpillées entre les différents secteurs de l’UNESCO et (b) elles ne peuvent être que représentatives du type de mesures que les États peuvent prendre puisque leur budget est insuffisant et qu’il n’existe aucun cadre qui pourrait leur donner une portée plus vaste.

91. Cela étant, une convention n’est en aucune façon le seul moyen permettant d’atteindre beaucoup de ces objectifs et il faudrait qu’elle s’accompagne d’un engagement financier suffisant de la part des États membres pour pouvoir offrir davantage que les programmes existants. Les activités opérationnelles exposées ici sont passablement complètes pour ce qui est de couvrir les divers aspects de la protection des langues en péril et des langues autochtones, avec l’avantage supplémentaire que certaines sont en outre directement ciblées sur les langues autochtones. Le principal avantage qu’il y aurait à leur trouver une place dans un traité serait donc de leur fournir un cadre général assorti de principes clairs dans lequel elles opéreraient, élargissant leur champ d’application à toutes les Parties et instituant un système de coopération et d’assistance internationales pour garantir qu’elles soient efficacement mises en œuvre. À bien des égards, l’expérience du régime des droits de l’homme dans lequel on trouve déjà un grand nombre de ces approches montre que le fait d’établir un traité risque de ne pas être en soi suffisant pour atteindre ses objectifs. D’un autre côté, on peut faire valoir que le régime des droits de l’homme comporte

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des difficultés particulières de mise en œuvre et que les droits concernant les langues sont trop dispersés dans toute une série d’instruments variés (et souvent formulés indirectement) pour être efficaces.

92. La décision du Conseil exécutif de poursuivre la question, quel que doive en être le résultat, est en soi appréciable parce qu’elle a mis en lumière la grande importance de la diversité linguistique et du multilinguisme. Cela devrait inciter l’Organisation à étudier plus avant la manière de recadrer les programmes et activités susmentionnés d’une façon plus cohérente qui fasse ressortir plus clairement les valeurs sous-jacentes qu’on veut défendre. D’une manière générale, le besoin se fait sentir d’approfondir les programmes existants de l’UNESCO dans ce domaine et de promouvoir la diversité linguistique et le multilinguisme dans l’ensemble des États membres. Un gros travail de sensibilisation reste encore à faire tant dans les États membres que parmi les communautés, et une convention est certainement l’un des moyens efficaces d’atteindre cet objectif, mais ce n’est pas le seul. D’autres moyens de fournir un soutien aux États membres et aux communautés de locuteurs pour développer leurs propres programmes de revitalisation, de maintien et de documentation linguistiques seraient également importants.

93. Étant donné que les activités visant à protéger les langues en péril et les langues autochtones sont placées dans le contexte plus vaste des droits humains (culturels) et des droits autochtones, l’établissement d’une coopération accrue avec l’ECOSOC pour encourager la reconnaissance pleine et entière et la garantie des droits de l’homme concernant les langues serait également utile. Un autre aspect de la question exigeant un surcroît d’efforts est celui qui consisterait à pousser plus avant l’activité de l’UNESCO pour l’élucidation et la promotion des droits culturels. La protection des langues en péril, nécessitant comme elle le fait la garantie de droits culturels spécifiques, pourrait fournir un utile banc d’essai pour cela. Tout bien considéré, une grande partie de ce qui s’impose dans ce domaine est de rappeler aux États membres les obligations qui leur incombent en vertu des instruments existants relatifs aux droits de l’homme et de trouver un moyen de les encourager à respecter ces textes. La récente adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations Unies doit soulever la question de savoir si le moment est venu pour l’UNESCO d’élaborer un instrument normatif sur les langues en péril et les langues autochtones ou s’il est préférable d’attendre pour savoir comment les travaux de l’ECOSOC vont évoluer dans ce domaine.

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Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes (ONU, 18 décembre 1979), en ligne : http://www.unesco.org/education/nfsunesco/pdf/WOMEN_ F.PDF

Convention relative aux droits de l’enfant (ONU, 2 septembre 1990), en ligne : <http://www.ohchr. org/english/law/crc.htm#art31>.

Déclaration sur les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses ou linguistiques (ONU : 18 décembre 1992), en ligne: http://www.unhchr.ch/french/html/ menu3/b/d_minori_fr.htm

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, No.148 (Conseil de l’Europe, Strasbourg, 5 novembre 1992), en ligne : <http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/html/ 148.htm>

Convention sur la Diversité Biologique (ONU, 1992), en ligne : <http://www.cbd.int/convention/ convention.shtml>

Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, et son Plan d’action (2001) en ligne : <http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001271/127160m.pdf>.

Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (UNESCO, 17 octobre 2003), en ligne : < http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001325/132540f.pdf >.

Recommandation sur la promotion et l'usage du multilinguisme et l'accès universel au cyberespace (2003), en ligne : http://portal.unesco.org/ci/fr/ev.php-URL_ID=13475&URL_ DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.

Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles 2005 (20 octobre, Paris, 2005). < http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31038&URL_DO= DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html >

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 13 septembre 2007), en ligne : <http://www.ohchr.org/english/ issues/indigenous/docs/draftdeclaration.pdf>

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Conseil exécutif

Point 5 de l’ordre du jour provisoire - Rapport du Directeur général sur le suivi des décisions et résolutions adoptées par le Conseil exécutif et la Conférence générale à leurs sessions antérieures

ÉLÉMENTS DE DISCUSSION EN VUE D’UNE ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES ASPECTS TECHNIQUES ET JURIDIQUES D’UN ÉVENTUEL INSTRUMENT NORMATIF INTERNATIONAL

POUR LA PROTECTION DES LANGUES AUTOCHTONES ET DES LANGUES EN PÉRIL, Y COMPRIS UNE ÉTUDE DES RÉSULTATS DES PROGRAMMES MIS EN OEUVRE PAR L’UNESCO EN LA MATIÈRE

CORRIGENDUM

Le numéro de ce point de l’ordre du jour provisoire qui était précédemment le 5, est désormais le 10.

Le titre de ce point doit se lire comme suit :

RAPPORT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL SUR UNE ÉTUDE PRÉLIMINAIRE DES ASPECTS TECHNIQUES ET JURIDIQUES D'UN ÉVENTUEL INSTRUMENT NORMATIF INTERNATIONAL SUR LA PROTECTION DES LANGUES AUTOCHTONES ET DES LANGUES MENACÉES D'EXTINCTION, Y COMPRIS UNE ÉTUDE DES RÉSULTATS DES PROGRAMMES MIS EN ŒUVRE PAR L'UNESCO EN LA MATIÈRE

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Cent soixante-dix-neuvième session

179 EX/INF.6 Corr. PARIS, le 28 mars 2008 Anglais et français seulement