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35 pratique
suivi officinal
Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011
La maladie hémorroïdaire
suscite de nombreuses
demandes de conseils
à l’officine. Des traitements
adaptés à chacun de ses
quatre stades sont disponibles.
Le pharmacien doit rassurer
le patient sur son caractère
bénin et lui donner des conseils
d’hygiène de vie.
La maladie hémorroïdaire est fréquen te, bénigne, souvent récidivante, sans prévalence de sexe, de race ou de
milieu socioculturel.
Expliquer brièvement la maladie au patient Le tissu hémorroïdal se trouve à la jonction du canal anal et de l’intestin. Il s’agit d’un système veineux circulaire qui soulève la muqueuse, alimenté par trois petites artères. Le volume des hémorroïdes dépend de la régulation du débit de ces artères.“Avoir des hémorroïdes” sous-entend souffrir d’une dilatation exagérée des veines hémorroïdales qui soulèvent anormalement la muqueuse. Deux types d’hémorroïdes sont habituellement distin-gués : les hémorroïdes internes, localisées au niveau de la partie profonde de l’anus, qui ont un aspect de coussinet violacé, et les hémorroïdes externes qui se situent immédiatement à l’entrée de l’anus. La maladie hémorroïdaire est caractérisée par quatre stades (encadré).
Le symptôme le plus fréquent de cette mala-die est une rectorragie (saignements lors de la défécation) rouge claire s’accompagnant d’un prolapsus qui, en devenant chronique, provoque un suintement à l’origine d’un prurit entraînant une irritation péri-anale. Une douleur , d’intensité modérée, peut surve nir lors de la défécation alors qu’un inconfort est ressenti en position assise. Le patient ne souffre pas de douleur inter-mittente ou permanente, mais plutôt d’une gêne. Toute fois, les dilatations veineuses peuvent être le siège de thromboses (caillots) qui génèrent alors de fortes douleurs.
Décrire les facteurs de risqueUn certain nombre de facteurs de risque sont identifiés. La grossesse est une période durant
laquelle la stimulation des récepteurs hormonaux, la congestion pelvienne et la gêne au retour veineux génèrent l’appari-tion des hémorroïdes, majoritairement lors du deuxième trimestre. L’accouchement est propice, en rai-
son des efforts de poussée requis, à la survenue des hémorroïdes mais, dans la majorité des cas, ces symptômes dispa-raissent juste après. La phase lutéale prémenstruelle favo-
rise les poussées hémorroïdaires. Les troubles du transit, constipation
ou diarrhée, sont souvent à l’origine du déclenchement d’une crise. Les irritations locales, dont celles
générées par les agents irritants médica-menteux comme les laxatifs irritants, les suppositoires ou les lavements pratiqués de façon abusive, favorisent les poussées hémorroïdaires.
L’alcool et les épices sont des facteurs déclenchants reconnus. Des efforts physiques violents (équi-
tation, cyclisme…) peuvent aussi être à l’origine d’une crise hémorroïdaire. Un facteur génétique, enfin, serait éga-
lement en cause.
Donner des conseils et rappeler les règles hygiéno-diététiquesLe pharmacien doit rappeler quelques règles hygiéno-diététiques susceptibles de prévenir l’apparition ou la récidive des hémorroïdes :– avoir une alimentation équilibrée, riche en fibres, et boire 1,5 à 2 litres d’eau par jour pour éviter toute constipation ;– éviter les repas déséquilibrés et trop abondants ;– supprimer les épices (poivre, moutarde, cumin, piments, paprika…), l’alcool, le tabac, les excitants (thé, café, coca…) ;– perdre du poids en cas d’obésité ;– éviter les stations assises prolongées et ne pas s’attarder sur le siège des toilettes (pas de lecture…) ;– éviter de pratiquer l’équitation, le cyclisme et préférer la marche, la natation ou la gymnastique ;– traiter la constipation ou la diarrhée qui sont deux facteurs déclenchants et aggravants ;– lutter contre les irritations locales, notamment en préférant, au papier toilet te, un lavage à l’eau, en utilisant un gant de toilette, et sécher plutôt qu’essuyer.
Conseiller des traitements à l’officineLe pharmacien d’officine peut conseiller un traitement à tout patient souffrant d’hémor roï des de stade I et II. Les trai-tements médicamenteux visent à calmer la douleur (médicaments antalgiques ou anti-inflammatoires), à régulariser le transit intestinal (laxatifs), à améliorer le flux veineux (veinotoniques), à diminuer l’œdème et à calmer localement l’inflam-mation (suppositoires ou crèmes).
Conseils à un patient souffrant d’hémorroïdes
Les quatre stades de la maladie hémorroïdaire
© B
SIP
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ans
Hémorroïdes externes.Hémorroïdes internes.Hémorroïdes internes.
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suivi officinal
Actualités pharmaceutiques n° 504 Mars 2011
Par voie oraleLes veinotoniques, utilisés, au moment des crises, à fortes doses durant 3 ou 4 jours diminuent la sensation doulou-reuse et les rectorragies : diosmine, Ging ko biloba, marron d’Inde, vigne rouge, cyprès, feuille de myrtille, fragon, rusco-sides, troxerutine (Cirkan®, Cyclo 3 Fort®, Daflon®, Esberiven®, Ginkor fort®…).Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS (ibuprofène, kétoprofène…) et les antalgiques (en évitant l’aspirine) réduisent la symptomatologie douloureuse.Des traitements homéopathiques peuvent être conseillés : Aesculus hippo-castanum 5 CH, 5 granules 4 fois par jour ; Lachesis 5 CH, 5 granules 3 à 4 fois par jour ; Hamamelis 7 ou 9 CH lorsque les hémorroïdes sont très rouges, enflammées et saignantes, 5 granules 2 à 3 fois par jour ; Collinsonia 5 CH lorsque les hémor-roïdes sont accompagnées de prurit, de saignements et améliorées par la chaleur, à raison de 5 granules 4 fois par jour. Par voie locale
La crise hémorroïdaire peut être soulagée par l’application de pommade après un bain de siège ou d’un suppositoire administré le soir. Ces traitements locaux contiennent des veinotoniques à visée protectrice capillaire (esculoside, marron d’Inde…), des anes-thésiques locaux pour calmer la douleur (butoforme, benzocaïne, lidocaïne…), des anti-inflammatoires (enoxolone…), des antiseptiques (dodeclonium...) ou des cica-trisants (vitamine A, oxyde de zinc…).
Les topiques sans corticoïde et sans anesthésique local (Anusol®, Avenoc®, HEC pommade rectale®, Titanoréïne®…) et topiques sans corticoïde avec anesthé-sique local (Sédorrhoïde®, Phlébocrème®, Titanoréïne à la lidocaïne®…) ne sont jus-tifiés que sur de courtes périodes, n’excé-dant pas 1 à 2 semaines (les médicaments contenant des anesthésiques locaux ne doivent pas être utilisés plus de 8 jours). Il est aussi important de rappeler au patient qu’ils ne protègent pas des récidives. Régulariser le transit intestinal
La constipation est un facteur déclenchant de la maladie hémorroïdaire, notamment lorsque les selles sont dures et déshy dra-tées. Les laxatifs stimulants doivent être proscrits, ainsi que l’util isation régulière de laxa-tifs par voie rectale (suppositoires, lave-ments…). Il est aussi important de rappeler les règles hygiéno-diététiques aux patients constipés : boire au moins 2 litres d’eau par jour, privilégier les légumes verts, les fruits frais et secs (figues, pruneaux, abricots…), les céréales, le pain complet, le son de blé… Les laxatifs de lest, les laxatifs lubrifiants, les laxatifs osmotiques ou les laxatifs sucrés peuvent, par ailleurs, être conseillés.
Dispenser les traitements prescrits et informer sur les traitements chirurgicauxLes traitements locaux contenant des corticoïdes sont réservés à la prescription (Cirkan à la prednacinolone®, Deliproct®, Ultraproct®).Les traitements par voie orale comme les AINS (acide tiaprofénique, diclofénac, naproxène, kétoprofène…) sont réguliè-rement prescrits lors de la polythrombose hémorroïdaire interne, extériorisée et œdé-
mateuse. Les corticoïdes peuvent aussi être utilisés en courte durée et à fortes doses.Les traitements chirurgicaux sont réservés au traitement des hémorroïdes évoluées de stade III, en cas d’échec du traitement médical, et de stade IV.Les traitements instrumentaux effectués en ambulatoire utilisent des techniques telles les injections sclérosantes (de moins en moins utilisées), la coagulation par infrarouge ou la ligature élastique. Il est bon de prévenir le patient que ces traitements n’éliminent pas les hémorroï-des et peuvent occasionner des effets secondaires qui doivent faire consulter en urgence (douleurs importantes, fièvre,
rétention urinaire, saignements.. . ) et que leur effet diminue au cours du temps.Le traitement chirur-gical se résume en
deux interventions principales :– l’hémorroïdectomie de Milligan et Morgan (exérèse du plexus hémorroïdaire) qui se réalise sous anesthésie générale et occasionne souvent des douleurs pendant 3 à 4 semaines ;– la méthode de Longo (agrafage circulaire) qui est moins douloureuse et plus rapide.
Orienter vers le médecinUne consultation médicale en urgence est indiquée lorsque :– les douleurs sont intenses à la défécation et à la contraction du sphincter (fissure…) ;– les douleurs sont importantes, continues, pulsatiles durant 2 à 3 jours (thrombose, fistule, étranglement hémorroïdaire) ;– en cas de cancers colorectaux, de recti-tes, colites, fistule, abcès… ;– en cas de fortes douleurs abdominales associées ;– en cas d’hémorragies importantes (diver-ticule).Une attention particulière doit être portée aux personnes âgées de plus de 60 ans, à risque de cancers colorectaux, de rectites ou de colites. �
Stéphane Berthélémy
Pharmacien, Royan (17)
Hémorroïdes, grossesse et allaitement
per os
Hémorroïdes, les questions à poser au comptoir
Les personnes âgées de plus de 60 ans souffrant d’hémorroïdes, à risque
de cancers colorectaux, de rectites ou de colites, doivent être surveillées