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UNIVERSITE MONTPELLIER II
SCIENCES ET TECHNIQUES DU LANGUEDOC
THESE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE LUNIVERSITE MONTPELLIER II
Discipline : SCIENCES DE GESTION
Formation Doctorale : Science de Gestion
Ecole Doctorale : Economie et Gestion
Prsente et soutenue publiquement par
David VIDAL
Le 4 mai 2009
- JURY -
Pierre-Louis Dubois Rapporteur Professeur - Universit Paris II - Panthon-Assas
Pierre Valette-Florence Rapporteur Professeur - Universit Pierre Mends-France de Grenoble
Philippe Aurier Examinateur Professeur - SupAgro Montpellier
Gilles Pach Examinateur Professeur - Universit de la mditerrane - Aix-Marseille
Herv Fenneteau Directeur de thse Professeur - Universit Montpellier I
Christophe Fournier Directeur de thse Professeur - Universit Montpellier I
Contribution l'analyse des dterminants des
ractions des clients dans le cadre de la dgradation
des relations commerciales
LUniversit nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises par cette thse ; ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur.
A la mmoire de mon grand-pre et de ma grand-mre,
A Anne-Caroline,
A mes parents.
Remerciements
REMERCIEMENTS
Cette thse conclut une aventure de plusieurs annes de travail empreintes de doutes, de
dconvenues, mais aussi d'espoir, de satisfaction et de rencontres sans lesquelles ce travail
n'aurait pu aboutir. Aussi, je tiens exprimer, au travers de ces quelques lignes, toute la
gratitude que j'prouve aujourd'hui leur gard.
Mes premires penses vont, naturellement, au Professeur Herv Fenneteau. Je tiens lui
adresser ma plus sincre reconnaissance pour la confiance qu'il m'a accorde durant toutes ces
annes. Son soutien constant, sa bienveillance, ses conseils aviss et sa rigueur scientifique
ont constitu autant d'atouts qui m'ont permis de mener bien mon projet de recherche et qui
ont contribu la progression et la cohrence de ce travail.
Je tiens galement exprimer ma sincre gratitude au Professeur Christophe Fournier pour
l'aide qu'il a su m'apporter tout au long de ce parcours. Ses remarques et ses rflexions ont
toujours t trs prcieuses pour moi.
Ma reconnaissance va galement au Professeur Pierre Valette-Florence dont l'expertise m'a
t d'un prcieux secours. Je suis particulirement honor qu'il ait accept de siger au jury de
cette thse.
Je tiens galement signifier toute ma gratitude au Professeur Pierre-Louis Dubois. Je lui suis
largement redevable d'avoir accept d'tre rapporteur de cette thse.
J'adresse de vifs remerciements aux professeurs Philippe Aurier et Gilles Pach pour avoir
accept de participer l'valuation de ce travail doctoral.
Remerciements
Plus largement, je tiens remercier les membres du laboratoire (CR2M, Centre de Recherche
sur le Management et les Marchs) qui m'ont accompagn dans l'laboration de ce travail. Les
runions de ce groupe de recherche ont reprsent autant d'occasions de progresser au travers
des conseils, suggestions et dbats enrichissants qu'elles suscitaient.
Je remercie galement l'unit d'enseignement (ISEM Universit Montpellier 1) et son
personnel de m'avoir accueilli au sein de son quipe pdagogique durant ces cinq annes de
doctorat.
Cette thse est galement le fruit de l'implication particulirement notable d'une entreprise
(FabIndus) et des personnes ayant dmontr un intrt tout particulier aux problmatiques
souleves ici. Ma reconnaissance va ainsi Jean-Louis V. (responsable qualit) sans qui cette
recherche n'aurait t possible. Son soutien, sa disponibilit et ses encouragements m'ont t
particulirement prcieux. J'adresse galement de vifs remerciements Christophe C.
(Responsable de la division), Philippe C. (responsable du dpartement "marchs pour
l'industrie"), Christophe M. (responsable du dpartement "aronautique"), Laurence V. (ex-
responsable du dpartement "rparation automobile") ainsi qu' Vronique L. (responsable du
service marketing). Je tiens ici leur exprimer ma plus sincre gratitude pour le soutien et les
recommandations avises qu'ils m'ont prodigu.
Je remercie galement l'ensemble des personnes qui ont contribu la ralisation de cette
enqute au sein de l'entreprise ainsi que les reprsentants de ses partenaires commerciaux qui
ont accept de participer cette recherche.
Je remercie galement Laurent Georges pour sa contribution lors de la rvision de ce travail.
Ses recommandations et ses encouragements ont particip la ralisation de cette thse.
Je tiens remercier Florent Saucde et Stphanie Soulier pour les moments particuliers
d'entraide, de collaboration et de dtente que nous avons partags.
Enfin, j'exprime toute ma reconnaissance ma famille, mes proches et mes amis pour leur
soutien sans faille tout au long de ces (quelques) annes d'tude.
MERCI A TOUS, SINCEREMENT.
Sommaire
i
SOMMAIRE Introduction 1
PARTIE1:ANALYSEDELALITTERATUREETDEFINITIONDUCADRE
CONCEPTUELDELARECHERCHE 12
Chapitre1:Lesrelationscommercialesetleurdynamique 13
1.Dfinitionetcaractristiquesdesrelationscommerciales 14
2.Dynamiqueetfacteursclsdesuccsdesrelationscommerciales 44
Conclusiondupremierchapitre 67
Chapitre2:Dissolutionetrupturedesrelationscommerciales 68
1.Dfinitionetcaractristiquesdelarupture 70
2.L'analysedesvoiesderecherchesactuellesconcernantladissolutionetlarupturedesrelations
commerciales 82
Conclusiondudeuximechapitre 104
Chapitre3:Ladgradationdesrelationsetlesractionsengendres 106
1.Ladgradationdesrelationscommerciales:unobjetderecherchenouveau 108
2.Lescomportementsdesclientsdanslecadredeladgradation 114
Conclusiondutroisimechapitre 138
Chapitre4:Lecadreconceptueldelarecherche 139
1.Positionnementthorique 140
2.Lacadreconceptuelretenu 143
Conclusiondelapremirepartie 148
PARTIE2:LEMODELETHEORIQUE:SONELABORATIONETLAMETHODEDETEST
ENVISAGEE 149
Chapitre5:Uneenquteexploratoireorienteversl'affinementducadreconceptuel 150
1.Lesaspectsmthodologiquesetlesobjectifsdel'enqutequalitative 151
2.Lesprincipauxrsultatsdelarecherchequalitative 171
3.Lesprincipauxapportsdel'enqutequalitativepourladfinitiondumodlethorique 204
Conclusionducinquimechapitre 209
Chapitre6:Lemodlethoriqueetleshypothsesderecherche 210
1.Unencessaireclarificationthorique 211
2.Lemodlethoriqueetleshypothsesderecherche 218
Conclusiondusiximechapitre 252
Sommaire
ii
Chapitre7:Leschoixmthodologiquesetlaprocduredetestappliqueaumodle 253
1.Dfinitionetslectiondel'chantillon 254
2.Lequestionnaire:constructionetmoded'administration 260
3.Choixetdveloppementdesinstrumentsdemesure 265
4.Laprocduredetestappliqueaumodle 299
Conclusiondeladeuximepartie 314
PARTIE3:LETESTDUMODELEETLESRESULTATSDELARECHERCHE 315
Chapitre8:Validitetfiabilitdesinstrumentsdemesure 316
1.Lavalidationdeschellesdemesure:lesrsultatsdel'ACP 317
2.Lavalidationdumodledemesure 341
Conclusionduhuitimechapitre 359
Chapitre9:Prsentation,synthseetdiscussiondesrsultatsdelarecherche 360
1.Lepouvoirexplicatifdumodle 361
2.L'valuationdelavaliditdeshypothsesderecherche 366
3.L'analysedesintermdiations 380
4.L'analysedesliensindirectsetdesrelationsnonpostules 392
5.Synthseetdiscussiondesrsultats 403
Conclusionduneuvimechapitre 434
CONCLUSIONGENERALE 435
1.Ladmarchegnraledelarecherche 436
2.Lesimplicationsdelarecherche 439
3.Leslimitesdelarecherche 457
4.Lesvoiesderecherches 462
References 469
Indexdesfigures 492
IndexdesTableaux 494
Annexes 500
Tabledesmatires 566
Introduction
1
INTRODUCTION
"Le cycle de la vie est inexorable. Ce qui monte descend. Et ce qui grandit rgresse" (Levinger, 1979)
La vogue des approches partenariales lance au dbut des annes 90 a fait prendre conscience
aux managers que le dveloppement d'un avantage concurrentiel reposait, en grande partie,
sur leur capacit collaborer et former des relations de long terme tant avec leurs clients
qu'avec leurs fournisseurs ou leurs concurrents. Ds lors, la coopration devient un moyen
d'acqurir de nouvelles connaissances et comptences, de rduire les cots et les dlais, ou
encore d'amliorer le processus de recherche et dveloppement ; en d'autres termes d'acqurir
un avantage comptitif face la concurrence. Les firmes vont ainsi travailler ensemble afin de
raliser conjointement des objectifs que chacune d'entre elles n'auraient pu atteindre
individuellement. Dans ces conditions, tre "un bon concurrent dans les marchs globaux
actuels exige d'tre un cooprateur efficace" (Morgan et Hunt, 1994).
Pour autant, les cas de rupture de ces partenariats sont nombreux et les journaux abondent
d'exemples de divorces commerciaux : en janvier 2004, les groupes Disney et Pixar, lis
depuis plus de dix ans par des accords de production et de distribution, annoncent la fin de
leur association ; en janvier 2005, Internet Security Systems stoppe son partenariat de quatre
annes avec Nokia ; en aot 2005, Hewlett-Packard dcide de cesser la vente de l'iPod
d'Apple sous son propre rseau de distribution ; dbut 2006, c'est au tour du Crdit Agricole et
d'Intesa-Sanpaolo de mettre fin leur partenariat dans la gestion d'actifs ; en avril 2006, BAE
Systems annonce la rupture de sa relation de plus de trente annes avec Airbus ; en juillet
2006, le partenariat publicitaire entre Yahoo et MSN est rompu d'un commun accord par les
deux socits ; dbut 2007, c'est au tour de Dreamworks Animation et de Aardman
Animations d'annoncer leur intention de mettre un terme leur association dbute en 1999
pour la production de films d'animation ; finalement, fvrier 2008 marque la fin de l'accord de
distribution liant Schneider Novus-Dahle.
Introduction
2
Ces quelques exemples sont symptomatiques des problmatiques nouvelles qu'a engendr la
mise en place des approches partenariales et sont fortement dissonants avec l'attention limite
qu'y prte la communaut scientifique. En outre, et en dpit, d'une part, de l'appel lanc ds
1987 par Dwyer, Schurr et Oh et, d'autre part, de la demande grandissante manant des
entreprises, la littrature acadmique consacre la rupture des relations commerciales reste
tonnamment restreinte, particulirement en France. "De toutes les phases potentielles des
relations client/fournisseur, la phase de rupture est parmi les moins tudies" (Halinen et
Thtinen, 2002). Pourtant certaines tudes tmoignent d'un nombre d'checs relativement
levs de ce type de relations. Selon Butzer-Strothmann1 (1999), 25 % des relations d'affaires
(horizontales et verticales) dans le secteur de l'industrie sont destines pricliter. Pour Dean
et Yunus (2001) ce sont prs de 60 % des alliances stratgiques qui seraient voues l'chec.
Ainsi, "Les relations ne sont pas des entits immortelles" (Pressey et Mathews, 2002), "elles
ne demeurent pas indfiniment" (Thtinen et Halinen Kaila, 1997).
Puisque aucune organisation n'est exempte de dfaillances, la vie de toute entreprise est
marque par la dgradation de ses relations commerciales et, de fait, par le mcontentement et
la perte de certains de ses clients. Et quand bien mme une firme serait en mesure d'offrir un
produit ou un service d'une qualit constante, ces phnomnes ne pourraient tre vits en
raison des facteurs et des vnements environnementaux susceptibles d'altrer ces relations.
Par consquent, un manager averti doit non seulement comprendre comment acqurir de
nouveaux clients et dvelopper des relations solides avec eux, mais il se doit galement d'tre
attentif leur dgradation s'il souhaite les maintenir. Aussi, "tout comme la mdecine doit
comprendre la fois la maladie et la bonne sant, le marketing doit comprendre la fois les
relations qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent pas" (Morgan et Hunt, 1994).
Dans ces conditions, la comprhension et l'analyse des lments ayant la capacit d'engendrer
le dclin d'une relation commerciale revtent une importance capitale. De la mme manire,
les rponses apportes par les clients dans le cadre de ces dgradations doivent faire l'objet
d'une attention constante et minutieuse afin de limiter leur dfection aux cas les plus
irrversibles. Aussi, un manager souhaitera comprendre dans quelle mesure il est possible
d'viter de telles situations et, notamment, de rduire la dfection de ses clients. Quels sont les
facteurs qui expliquent le dclin d'une relation commerciale ? Quelles ractions suscite la
dgradation d'une relation chez les clients ? Comment expliquer les diffrences en termes 1 Cit par Pressey et Mathews (2003)
Introduction
3
d'approches ? Notre travail, consacr ces problmatiques, se donne pour objectif d'apporter
des pistes de rponse l'ensemble de ces questions.
- OBJECTIFS ET PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
Si toute relation est potentiellement condamne mourir, une attention toute particulire
devrait tre apporte non seulement aux facteurs assurant son dveloppement et sa
maintenance, mais galement aux phnomnes caractrisant sa dtrioration. En effet, "une
gestion efficace des relations requiert le management simultan de leur croissance et de leur
dclin" (Alajoutsijrvi, Mller et Thtinen, 2000). Dans cette optique, l'analyse des
comportements des parties dans le cadre d'une dgradation relationnelle s'avre
particulirement clairante. La problmatique centrale animant ce travail de recherche
consacr l'analyse de la dgradation des relations commerciales peut tre rsume par la
question suivante :
Quelles sont les principales ractions des clients dans le cadre de la dgradation
de leur relation commerciale et quels en sont les principaux dterminants ?
Cette problmatique appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, nous concentrons notre
recherche sur les ractions mises en uvre par les clients dans le cadre d'une dgradation de
leur relation avec leur partenaire commercial. L'objectif consiste donc cerner les diffrentes
formes de raction des clients en intgrant les apports de la littrature tout en mettant jour
des modalits de rponse alternatives.
De plus, bien que notre analyse se concentre sur les ractions des clients, le point de vue
adopt est celui du fournisseur car, d'une manire gnrale, c'est ce dernier qui se trouve
confront la dcision de rupture de son partenaire. Plus prcisment, cette recherche est
consacre l'tude de relations inter-organisationnelles (fabricant/distributeurs), domaine
dans lequel les investigations semblent les plus prometteuses.
D'autre part, l'objet d'tude de ce travail se focalise sur un pisode relationnel spcifique et
encore peu tudi : la dgradation. En prenant appui sur les conclusions des recherches
relatives la dissolution et la rupture des relations commerciales, nous suggrerons les
spcificits de cette priode particulirement dlicate dans la vie d'un partenariat et nous
dmontrerons l'intrt de son analyse.
Introduction
4
Enfin, cette recherche aura pour but de mettre jour les dterminants de chacune des
modalits de rponse identifies. Dans cette optique, nous tenterons de dmontrer qu'il existe
des antcdents communs tous ces comportements et d'autres qui leurs sont propres. La
combinaison de ces dterminants au sein de configurations spcifiques permettra de rendre
compte du caractre idiosyncrasique de chacune des ractions.
Cette problmatique gnrale, qui guidera l'ensemble de nos dveloppements, peut tre
affine par la formulation de diffrentes questions de recherche :
- Que reprsente la dgradation d'une relation commerciale et comment se manifeste-t-elle ?
Bien que les recherches rcentes apportent des connaissances fondamentales concernant la
rupture et la dissolution des relations inter-organisationnelles, seule une minorit d'entre elles
prend comme base d'tude les phnomnes associs leur dgradation. Ds lors, la dfinition
et la dlimitation de ce concept reprsentent des pralables ncessaires.
- Quels sont les lments susceptibles d'entraner la dgradation d'une relation ?
La littrature consacre la dissolution des partenariats offre galement des pistes pour la
comprhension des causes de rupture. Toutefois, une analyse plus dtaille et spcifiquement
adapte au domaine commercial qui encadre ce travail confrera cette recherche une vision
plus exhaustive des lments susceptibles de gnrer la dgradation dans un contexte inter-
organisationnel.
- Quelles sont les diffrentes ractions des clients lorsqu'ils sont confronts une dgradation
de leur relation ?
Alors qu'un champ de recherches relativement dvelopp a donn naissance des schmas
dominants pour l'analyse des ractions l'insatisfaction dans un contexte grande
consommation, la littrature consacre ces phnomnes en business-to-business apparat
particulirement restreinte. Notre contribution consistera alors intgrer les conclusions des
recherches antrieures, les enrichir et les adapter aux spcificits des relations inter-
organisationnelles.
Introduction
5
- Comment expliquer le recours diffrentes modalits de rponse de la part de ces clients ?
Quels sont les antcdents communs et spcifiques de ces comportements ?
Finalement, il s'agira d'expliquer le recours aux diffrentes ractions identifies par une
analyse de leurs antcdents. Dans cette perspective, une dlimitation des dterminants
communs et spcifiques de chacune des rponses permettra de mieux apprhender ces
diversits comportementales et de rendre compte de leurs singularits.
- POSITIONNEMENT THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Comme nous venons de le souligner, la littrature acadmique concernant la dgradation des
relations commerciales apparat aujourd'hui extrmement limite. Nanmoins, de nombreux
champs de recherches peuvent tre mobiliss comme points de dpart conceptuels pour son
analyse. Aussi, le schma thorique retenu dans le cadre de ce travail est dvelopp aux
frontires de trois courants de recherches complmentaires. La figure ci-dessous rend compte
des principaux emprunts thoriques constitutifs du cadre conceptuel adopt.
Figure 1 : Les champs thoriques mobiliss et leur intgration
Le premier volet thorique mobilis regroupe un ensemble de travaux s'inscrivant dans le
courant du marketing relationnel. Dans cette optique, la littrature consacre aux relations
commerciales de manire gnrale et aux partenariats en particulier sera mobilise. Ces
recherches, qui analysent la formation, le dveloppement, la coordination et la maintenance
des partenariats constituent un premier soubassement notre schma conceptuel.
Cadre conceptuel
Littrature sur le marketing relationnel
Littrature sur la rupture et la dissolution
Le modle EVL et ses raffinements
Introduction
6
D'autre part, les tudes rcentes sur la dissolution et la rupture des relations reprsentent un
second fondement thorique capital sur lequel repose notre cadre conceptuel. Bien que, dans
leur ensemble, ces recherches apportent des connaissances fondamentales dans le cadre de
notre problmatique, un examen critique de leurs diffrentes contributions permettra ce
travail de rvler sa vritable spcificit. Cette analyse aboutira la dlimitation d'un objet de
recherche nouveau : la dgradation des relations commerciales.
Finalement, le troisime emprunt thorique concerne la modlisation des ractions des clients
confronts une dgradation de leur relation. De nombreuses catgorisations ou typologies
ont t dveloppes pour rendre compte des comportements mis en uvre par une partie
insatisfaite de sa relation. Parmi ces schmas, le modle Exit-Voice-Loyalty dvelopp par
Hirschman (1970) se rvle particulirement adapt notre problmatique.
En somme, le cadre conceptuel retenu consiste en une articulation de courants de recherche
varis analysant aussi bien la phase positive des relations commerciales que leur phase
ngative. Cette convergence thorique est rendue possible par une intgration des divers
concepts au sein du cadre fondateur dvelopp par Hirschman (1970) et affin par des
recherches plus rcentes.
- POSITIONNEMENT METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
S'inscrivant dans une approche hypothtico-dductive, ce travail de recherche rpond une
double ambition qui s'articule autour de trois tapes successives et complmentaires.
La premire partie se donne pour finalit premire la conceptualisation des phnomnes
relatifs notre problmatique. Dans cette optique, une revue de la littrature acadmique aura
comme objet la mise en lumire d'un ensemble initial de concepts associs l'explication des
ractions des clients confronts une dgradation de leur relation commercial ainsi qu' leurs
dterminants. Au terme de cet tat de l'art, une premire grille de lecture, regroupant les
principales variables du cadre conceptuel, sera labore.
Toutefois, le nombre relativement limit de travaux disponibles sur le sujet, notamment en
marketing inter-organisationnel, rend ncessaire l'affinement de cette premire grille
conceptuelle. Aussi, conviendra-t-il d'enrichir, d'adapter et de contextualiser notre schma
Introduction
7
thorique par le biais d'une premire enqute porte exploratoire. Rcoltes sur la base
d'entretiens semi-directifs mens auprs de la population d'enqute, ces premires donnes
qualitatives feront l'objet d'une analyse base sur l'tude des discours rcolts. Les
conclusions de cette analyse seront, par la suite, confrontes aux apports thoriques
initialement mobiliss afin de fixer dfinitivement le cadre thorique de cette recherche.
Le second objectif assign ce travail a trait la modlisation et la validation d'un modle
thorique empiriquement testable. Dans cette optique, il s'agira de construire un systme
hypothtique mettant en relation les ractions des clients avec leurs dterminants respectifs.
Chacune de ces relations sera intgre au sein d'un corpus d'hypothses visant expliquer les
diffrences comportementales des clients dans le cadre d'une dgradation relationnelle. A des
fins de validation, une procdure d'analyse quantitative confirmatoire, base sur la
mthodologie des quations structurelles, sera applique. Chacune des conjectures thoriques
dfendues dans le modle sera ainsi confronte aux donnes issues du terrain d'enqute afin
de juger de sa validit empirique. Au final, l'ensemble de notre construction sera value par
ce biais.
- IMPLICATIONS DE LA RECHERCHE
Les contributions de cette recherche sont de trois ordres et sont rechercher aussi bien dans
les aspects thoriques que mthodologiques ou managriaux.
Sur le plan thorique, tout d'abord, cette recherche contribuera la comprhension des
phnomnes associs la dgradation des relations commerciales. Bien que les recherches sur
la rupture des relations suggrent l'intrt de la dtection des relations en cours de dissolution,
peu d'entre elles adoptent cet pisode relationnel comme objet d'tude. Aussi, le premier
apport de ce travail consistera dlimiter le concept de dgradation relationnelle d'autres
notions proches afin de le caractriser prcisment. D'autre part, en examinant les
comportements mis en uvre par les clients dans le cadre d'une dgradation de leur relation,
cette recherche s'inscrit dans une problmatique gnrale plus large relative aux rponses
l'insatisfaction et aux comportements de rclamation. Bien que ces phnomnes ait fait l'objet
d'un nombre de travaux relativement dvelopp, notamment en marketing grande
consommation, nous nous interrogerons sur la porte des schmas existants dans un contexte
inter-organisationnel. Les cadres thoriques issus de ces recherches sont-ils transposables aux
Introduction
8
relations entre entreprises ? Existe-t-il des modalits de raction spcifiques au domaine
business-to-business ? En apportant des pistes de rponse ces questionnements, cette
recherche permettra d'apprhender plus prcisment les spcificits de ces ractions
comportementales dans un contexte inter-organisationnel. Enfin, notre contribution thorique
concerne l'analyse des dterminants des ractions intgres au sein du modle thorique. Plus
prcisment, cette recherche permettra de cerner les dterminants communs et spcifiques de
chacune de ces rponses. Ce faisant, elle rvlera les conditions suscitant l'emploi de chacune
d'entre elles.
Bien que la structure de cette recherche adopte, sur le plan mthodologique, un schma
relativement classique, les procdures mobilises au cours des diffrentes tapes de ce travail
peuvent tre envisages comme autant d'apports mthodologiques constitutifs de l'originalit
de cette thse. Comme nous le verrons lors de prochains dveloppements, chacune des tapes
de cette recherche fait appel un appareillage mthodologique spcifique qui lui confre sa
singularit. Tout d'abord, les mthodes et les outils analytiques mobiliss lors de la partie
exploratoire de ce travail nous permettront de dpasser les limites de la simple analyse
thmatique manuelle afin de raliser une vritable fouille dans les donnes rcoltes. La partie
confirmatoire contribuera galement la singularit de ce travail. En effet, afin de pallier les
principales difficults inhrentes aux recherches inter-organisationnelles, des mthodes de
collecte des donnes et d'estimation particulires ont t mobilises. Ces dernires offrent, par
exemple, des rponses oprationnelles au problme relatif la constitution d'un chantillon
important, ou encore la collecte et au traitement des donnes quantitatives.
La finalit premire de la recherche en gestion est de s'adresser directement aux praticiens
afin de leur apporter des informations et des outils ncessaires leurs oprations. Dans cette
optique, des implications managriales dcouleront de cette analyse. Notamment, les
managers soucieux de la fidlisation et de la rtention de leurs clientles trouveront des pistes
de travail ainsi que des instruments et des indicateurs leur permettant de rpondre ces
problmatiques. L'examen de la dgradation des relations commerciales apparat, en effet,
comme un travail particulirement fcond dans cette perspective. Tout d'abord, une analyse
approfondie et minutieuse des sources de dfaillance et des principales causes de dgradation
constitue un apport fondamental pour une entreprise dsireuse de maintenir des relations
commerciales de qualit. "Une meilleure comprhension du processus de dissolution et de ses
dterminants permettrait aux managers de rduire la probabilit de son occurrence" (Perrin-
Introduction
9
Martinenq, 2004). Ainsi, la comprhension des motifs de mcontentement ou des facteurs de
dgradation susceptibles de fragiliser les partenariats reprsente une source d'information non
ngligeable dans le cadre d'un management proactif des relations commerciales.
D'autre part, l'identification des premiers signes d'une dgradation relationnelle peut favoriser
la mise en uvre de plans d'actions cibls orients vers la maintenance des relations les plus
profitables. Dans cette perspective, l'identification des ractions des clients, aussi latentes et
implicites soit-elles, s'avre particulirement dcisive. Plus gnralement, l'tude de la
dissolution "peut non seulement permettre de rduire les cots directs associs la
prparation et au droulement d'une action en justice, mais, plus important, de diminuer la
lourde charge de cots indirects en termes de position de march et de rputation" (Vaaland,
2004). La prservation des relations les plus sensibles favoriserait galement le maintien des
investissements spcifiques qui, en cas de rupture, perdent la grande majorit de leur valeur.
Ces quelques pistes de rflexion seront dtailles l'issue de ce travail.
- ORGANISATION DE LA RECHERCHE
Principalement anime par la comprhension des modalits de raction des clients dans le
cadre de la dgradation de leur relation commerciale ainsi que par la dtermination de leurs
antcdents respectifs, cette recherche s'articule autour de trois parties, chacune rpondant
des objectifs spcifiques.
PREMIERE PARTIE : ANALYSE DE LA LITTERATURE ET DEFINITION DU CADRE CONCEPTUEL DE
LA RECHERCHE Traitant prioritairement des aspects conceptuels de cette recherche, la premire partie consiste
en la ralisation d'un tat de l'art dbouchant sur la dfinition du cadre conceptuel encadrant
notre travail.
Appliquant la notion de cycle de vie l'organisation interne de la prsentation, cette analyse
de la littrature dbute par une synthse des recherches consacres aux tapes positives des
partenariats, de leur formation leur maturit (chapitre 1).
Le chapitre suivant prsente un second champ de recherche plus rcent consacr la
dissolution et la rupture des relations commerciales (chapitre 2). Comme nous l'avons
Introduction
10
prcdemment soulign, les relations n'tant pas des entits inaltrables, l'analyse de leur
rupture semble tout aussi essentielle la comprhension de leur dynamique que l'examen de
leur formation ou de leur dveloppement. Dans ce contexte, les travaux traitant de la phase
ngative du cycle de vie d'une relation commerciale sont recenss, explicits et critiqus au
regard de la problmatique animant notre recherche.
L'tude dtaille des recherches concernant la dissolution et la rupture des relations
commerciales aboutira l'identification d'une notion nouvelle, peu tudie, la dgradation, et
nous conduira dmontrer l'intrt de son analyse (chapitre 3).
Au terme de cette premire partie, le cadre conceptuel de la recherche est dfini et comment
(chapitre 4). L'objectif consiste alors prsenter de manire dtaille le positionnement
thorique adopt et expliciter les principales composantes du schma conceptuel.
DEUXIEME PARTIE : LE MODELE THEORIQUE : SON ELABORATION ET LA METHODE DE TEST
ENVISAGEE La seconde partie marque le passage aux tapes empiriques de la recherche. Dans ce cadre,
une enqute exploratoire qualitative oriente vers l'affinement du cadre conceptuel est mene
sur la base d'entretiens raliss auprs de la population concerne (chapitre 5).
Les conclusions de cette tape nous permettent d'enrichir et de contextualiser notre cadre
thorique pour aboutir un modle et des hypothses de recherche testables (chapitre 6). A ce
stade, les principales modalits mthodologiques et la procdure de test applique au modle
sont prsentes (chapitre 7).
TROISIEME PARTIE : LE TEST DU MODELE ET LES RESULTATS DE LA RECHERCHE C'est au cours de la troisime partie que le test du modle et les rsultats de la recherche sont
exposs. Les qualits psychomtriques des instruments de mesure sont, tout d'abord,
examines (chapitre 8).
Par la suite (chapitre 9), nous procdons l'examen de la validit empirique du modle et des
hypothses qui le composent. Dans ce cadre, les rsultats obtenus sont prsents, synthtiss
et discuts la lumire des conclusions des recherches antrieures.
Introduction
11
Figure 2 : Une reprsentation synthtique de l'organisation de la recherche
PARTIE 1 : Analyse de la littrature et dfinition du cadre conceptuel de la recherche
- CHAPITRE 1 -
Les relations commerciales et leur dynamique
- CHAPITRE 2 -
Dissolution et rupture des relations commerciales
- CHAPITRE 3 -
La dgradation des relations et les ractions engendres
- CHAPITRE 4 -
Le cadre conceptuel de la recherche
PARTIE 2 : Le modle thorique : son laboration et la mthode de test envisage
- CHAPITRE 5 - Une enqute exploratoire oriente vers l'affinement
du cadre conceptuel
- CHAPITRE 6 -
Le modle thorique et les hypothses de recherche
- CHAPITRE 7 - Les choix mthodologiques et
la procdure de test applique au modle
PARTIE 3 : Le test du modle et les rsultats de la recherche
- CHAPITRE 8 -
Validit et fiabilit des instruments de mesure
- CHAPITRE 9 - Prsentation, synthse et
discussion des rsultats de la recherche
12
PARTIE 1 : ANALYSE DE LA LITTERATURE ET DEFINITION DU CADRE CONCEPTUEL
DE LA RECHERCHE
13
PARTIE1:ANALYSEDELALITTERATUREETDEFINITIONDUCADRECONCEPTUELDELARECHERCHE
CHAPITRE1:LESRELATIONSCOMMERCIALESETLEURDYNAMIQUECHAPITRE2:DISSOLUTIONETRUPTUREDESRELATIONSCOMMERCIALESCHAPITRE3:LADEGRADATIONDESRELATIONSETLESREACTIONSENGENDREESCHAPITRE4:LECADRECONCEPTUELDELARECHERCHE
PARTIE 2 : LEMODELE THEORIQUE : SON ELABORATION ET LAMETHODE DE TESTENVISAGEE
CHAPITRE5:UNEENQUETEEXPLORATOIREORIENTEEVERSL'AFFINEMENTDUCADRECONCEPTUEL
CHAPITRE6:LEMODELETHEORIQUEETLESHYPOTHESESDERECHERCHECHAPITRE7:LESCHOIXMETHODOLOGIQUESETLAPROCEDUREDETEST
APPLIQUEEAUMODELE
PARTIE3:LETESTDUMODELEETLESRESULTATSDELARECHERCHE
CHAPITRE8:VALIDITEETFIABILITEDESINSTRUMENTSDEMESURECHAPITRE9:PRESENTATION,SYNTHESEETDISCUSSIONDESRESULTATSDELA
RECHERCHE
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
14
- CHAPITRE 1 - LES RELATIONS COMMERCIALES ET LEUR DYNAMIQUE
Depuis les annes 90, la coopration inter-organisationnelle s'est dveloppe un rythme
soutenu, incitant les firmes tablir des relations privilgies avec certains de leurs clients ou
fournisseurs. L'ancienne conception conomique reposant sur les mcanismes de la
concurrence et du march semble dsormais supplante par une nouvelle approche qui fait des
partenariats et des relations commerciales un facteur dterminant de dveloppement et de
prennit.
Si notre problmatique est oriente vers la dgradation et la rupture des relations, il s'avre
cependant capital de comprendre prcisment ce que reprsente une relation. Aussi, ce
chapitre se propose d'tudier le concept de relation en analysant ses diverses composantes et
caractristiques de manire structurelle (1). La seconde partie, adoptant une approche plus
dynamique, sera consacre l'tude des processus relationnels soutenant le dveloppement
des partenariats dans le temps et des facteurs cls de succs assurant leur prennit (2).
1. Dfinition et caractristiques des relations commerciales Bien que largement utilise dans la littrature acadmique, la notion de relation a fait l'objet
d'un travail plutt restreint pour ce qui concerne la dfinition de ses caractristiques. Au
travers d'une discussion des formes d'changes, nous tenterons de dmontrer les spcificits
d'une relation commerciale en insistant sur son opposition avec une transaction (1.1) et de
dlimiter prcisment ce concept (1.2). Cette discussion nous amnera prsenter les thories
fondatrices des approches relationnelles (1.3) ainsi que les modles intgrateurs recenss dans
la littrature (1.4).
1.1 De la transaction la relation
La littrature marketing d'une manire gnrale, et celle consacre l'tude des relations
commerciales en particulier, a mis en avant l'importance de l'change comme mcanisme
principal de leur fonctionnement. Ainsi, l'change constitue l'lment central du marketing
(Bagozzi, 1975 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Houston et Gassenheimer, 1987 ; Frazier,
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
15
Spekman et O'Neal, 1988 ; Sheth et Parvatiyar, 1995 ; Parvatiyar et Sheth, 1997) et reprsente
l'unit de base lorsqu'il s'agit d'tudier les relations inter-organisationnelles. Les recherches
ont ainsi mis en exergue l'importance de ce concept et ont abouti une distinction entre
diffrentes formes d'change. Bagozzi (1975) distingue l'change utilitaire, qui "est souvent
compar un change conomique", de l'change symbolique qui "fait rfrence au transfert
mutuel psychologique, social ou d'autres entits intangibles entre deux ou plusieurs parties".
Bien que conceptuellement distincts, ces deux types d'change ne sont en aucun cas exclusifs
et dissocis puisque "les changes marketing impliquent la fois des aspects utilitaires et
symboliques" et correspondent, de ce fait, des changes mixtes (Bagozzi, 1975).
Si cette classification a t dveloppe dans une optique sociologique, elle n'en demeure par
sans intrt car elle trouve un cho dans les thories marketing qui sont gnralement
reprsentes sur un continuum opposant les aspects purement conomiques aux phnomnes
davantage ancrs dans la sphre sociale. Ainsi, deux visions du marketing correspondent aux
deux ples de ce continuum : le marketing transactionnel, qui concentre son analyse sur les
transactions et, l'oppos, le marketing relationnel qui s'attache essentiellement expliquer
les relations entre deux parties (Arndt, 1979 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Frazier, Spekman
et O'Neal, 1988 ; Webster, 1992 ; Gundlach et Murphy, 1993 ; Morgan et Hunt, 1994 ; Sheth
et Parvatiyar, 1995 ; Aurier, Evrard et N'Goala, 1998 ; Garbarino et Johnson, 1999 ; Prim-
allaz, 2000). Cette opposition repose sur des approches et des thories distinctes mais
nanmoins complmentaires que nous allons prsenter en distinguant la vision micro-
conomique de l'change (thories classique et noclassique) sur laquelle prend appui le
marketing transactionnel (1.1.1) de la vision plus relationnelle qui guide les thories
marketing actuelles (1.1.2).
1.1.1. Le marketing transactionnel : l'approche micro-conomique de l'change
Prenant pour base de son analyse les hypothses issues des approches conomiques
classiques, le marketing dit "transactionnel" a, pendant longtemps, domin la discipline tant
sur le plan thorique que managrial. Ainsi, bien que les hypothses sur lesquelles il repose
aient fait l'objet de vives critiques, leur pouvoir d'influence reste, encore aujourd'hui,
extrmement puissant. Cette section consistera en une analyse de l'approche micro-
conomique, reposant sur une distinction entre l'approche classique et la perspective
noclassique de l'change.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
16
1.1.1.1. L'approche classique de l'change
Inspire des approches conomiques classiques, cette premire vision de l'change se
concentre sur la maximisation des profits (utilit), assure au travers du fonctionnement des
marchs sur lesquels se rencontrent les acteurs (homo-economicus) pour changer et satisfaire
leurs besoins. Dans cette perspective, les acteurs sont mus par la recherche de leurs propres
intrts, le but ultime tant de raliser des achats au meilleur prix afin de rpondre l'objectif
central d'efficience conomique (Anderson, 1982 ; Frazier, Spekman et O'Neal, 1988 ; Pandya
et Dholakia, 1992 ; Heide, 1994 ; Sheth et Parvatiyar, 1995).
Dans ce cadre, l'unit d'analyse retenue correspond une transaction ponctuelle ralise entre
deux parties totalement indpendantes. Une transaction reprsente ainsi un "change unique
de valeur entre deux parties sans interaction passe ni future" (Webster, 1992). Cette
dfinition fait apparatre les principaux lments d'une transaction :
- Une transaction discrte se limite un change conomique (ou utilitaire) qui correspond
"une opration au cours de laquelle des biens sont changs contre de l'argent ou d'autres
biens" (Bagozzi, 1975). Ainsi, la transaction se limite l'objet de l'change et n'entrane
pas d'interaction sociale entre les parties (Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Rylander, Strutton
et Pelton, 1997 ; Grossman, 1999).
- De ce fait, la communication qui s'instaure entre les parties reste trs limite et se
concentre uniquement sur des aspects purement formels lis l'lment central de
l'change (Macneil, 1978 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Pandya et Dholakia, 1992).
- Une transaction a un commencement et une fin prcis et se trouve tre de trs courte
dure (Macneil, 1978 ; Arndt, 1979 ; Williamson, 1979 ; Gundlach et Murphy, 1993). On
ne peut ainsi parler de rupture dans ce contexte tant donn que la fin de l'change
correspond la ralisation de la transaction. La transaction discrte "dbute par un accord
net et se termine par une performance nette2" (Macneil, 1978).
- Les transactions successives sont totalement indpendantes les unes des autres et ne
s'intgrent pas dans une vision historique. Ainsi, "une vritable transaction d'change
2"Sharp in by clear agreement and sharp out by clear performance" (Macneil, 1978).
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
17
discrte serait entirement spare non seulement de toutes les autres relations prsentes
mais galement de toutes les relations passes et futures" (Macneil, 1978).
- La personnalit de l'acteur avec lequel se ralise la transaction n'a aucune importance
tant donn que le prix constitue le seul dterminant des choix effectus. En effet,
"l'identit des parties une transaction est traite comme non pertinente" (Macneil, 1978 ;
Arndt, 1979 ; Williamson, 1979 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987).
Pour rsumer, "les parties une transaction restent autonomes, poursuivent vigoureusement
leurs intrts et comptent sur les sanctions conomiques et lgales pour assurer l'application
des obligations contractuelles" (Heide, 1994). Nanmoins, il semble que de telles transactions
constituent plutt l'exception et qu'il soit peu raliste de proposer que de tels changes existent
rellement sauf, bien sr, dans des cas de figure extrmement spcifiques3 (Macneil, 1978 ;
Williamson, 1979 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Webster, 1992). C'est pourquoi, les
approches conomiques ultrieures ont eu pour objectif de rendre compte plus fidlement de
la ralit des changes en tentant d'expliquer leur rcurrence.
1.1.1.2. L'approche noclassique de l'change
Reposant encore trs largement sur la vision classique de l'change, l'approche noclassique a,
par consquent, des caractristiques et une structure proches de celle dont elle drive. En
effet, l'unit d'analyse reste la transaction et l'objectif principal des acteurs est orient vers la
maximisation de leur utilit, le prix et la qualit des produits demeurant les principaux
lments retenus dans les choix oprs. La principale diffrence distinguant ces deux visions
rside dans le fait que l'approche noclassique considre dsormais les changes rpts entre
les parties et tente d'en expliquer l'mergence. L'change n'est plus conceptualis comme une
transaction unique, mais plutt comme "une succession de transactions indpendantes qui ne
crent aucune interdpendance entre les deux parties" (Webster, 1992).
Dans cette optique, la relation ne perdure que tant que le march n'est pas en mesure d'offrir
une alternative plus attractive. En effet, "si, comme c'est le cas dans les transactions discrtes,
[] aucune autre raison n'existe pour raliser l'change, c'est la fin de celui-ci" (Macneil,
1978 ; Williamson, 1979). D'autre part, la rupture de l'change est anticipe ds la signature 3 L'exemple cit par Macneil (1978) est celui d'un automobiliste qui s'arrterait, sur la route de ses vacances, dans une station essence qu'il n'a jamais frquent auparavant et qu'il ne frquentera peut tre jamais aprs en tre parti.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
18
du contrat par les parties qui s'accordent sur un intervalle de temps au cours duquel leur
association est cense perdurer.
L'lment caractristique de ce cadre d'analyse rside dans la forme particulire du contrat
qu'il implique. Ainsi, bien que reposant encore fortement sur des mcanismes de contrle
externes, le contrat noclassique est plus souple que son prdcesseur dans le sens o il laisse
place certaines incompltudes autorisant un minimum de flexibilit ncessaire aux
ajustements.
Les modles micro-conomiques de l'change et les hypothses sous-jacentes ces approches
ont, pendant longtemps, influenc les thories et les cadres d'analyses dvelopps en
marketing. Base sur une vision ponctuelle de l'change, la principale modalit du marketing
transactionnel consistait, afin d'augmenter la rentabilit d'une firme, largir sans cesse le
portefeuille de clients de l'entreprise4. Orient quasi-exclusivement vers l'acquisition de
nouveaux clients, le marketing transactionnel a ainsi domin la discipline tant sur un plan
thorique que pratique (Grnroos, 1994).
Bien que reprsentant un pas supplmentaire dans l'analyse et l'explication des relations inter-
organisationnelles, cette approche n'est pas en mesure de rendre pleinement compte des
relations qui tendent s'instaurer entre les firmes oprant sur les marchs actuels. Ainsi,
l'approche transactionnelle semble aujourd'hui limite, notamment lorsqu'il s'agit de rendre
compte des relations souvent troites qui s'tablissent entre les entreprises5 (Hkansson,
1982). "Cette vision du marketing ne s'accorde pas trs bien avec la ralit du marketing
industriel et du marketing des services" (Grnroos, 1994). Ainsi, "si nous limitons notre
attention l'tude d'changes uniques, isols, nous ignorons la majeure partie du cur de ce
que nous appelons 'marketing'" (Houston et Gassenheimer, 1987). C'est pourquoi, une vision
concurrente a vu le jour, afin de pallier les incompltudes et les difficults d'interprtation et
de conceptualisation des nouveaux modes d'organisation. Nous allons dsormais prsenter
cette approche en exposant ses principales caractristiques ainsi que ses apports pour la
comprhension de la problmatique qui guide ce travail de recherche.
4 Cette vision tait en adquation avec les proccupations et les problmatiques spcifiques auxquelles taient confrontes les entreprises durant cette poque (Sheth et Parvatiyar, 1995) o consommation et production de masse rythmaient l'activit conomique. 5 Cela ne signifie pas pour autant que la vision transactionnelle ait totalement disparu de la sphre du marketing et des pratiques commerciales actuelles. Il est aujourd'hui plus opportun de penser que marketing transactionnel et relationnel coexistent, les objectifs assigns chacun d'entre eux tant diffrents (Brodie et al., 1997 ; Carson, Gilmore et Walsh, 2004). Dans cette optique, le marketing transactionnel s'avre particulirement efficace pour les campagnes de recrutement de nouveaux clients tandis que le marketing relationnel semble davantage orient vers la prservation et la rtention de ces derniers.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
19
1.1.2. Le marketing relationnel : l'approche relationnelle de l'change
Situ l'antipode de la vision transactionnelle de l'change, le marketing relationnel
reprsente une nouvelle manire d'envisager l'change entre deux partenaires, qui correspond
davantage aux caractristiques des marchs actuels et notamment des marchs industriels. En
effet, ces marchs "sont caractriss par la stabilit plutt que le changement, des relations de
long terme plutt que des transactions de court terme et de la proximit plutt que de la
distance" (Hkansson, 1982, p. 6). Ainsi, pour faire face un environnement de plus en plus
turbulent (Achrol, 1991) et une concurrence de plus en plus froce, les entreprises tendent
nouer de vritables relations de coopration avec leurs clients ou leurs fournisseurs (relations
verticales ou partenariales), voire mme avec leurs concurrents (relations horizontales). En
effet, "tre un comptiteur efficace dans les marchs globaux actuels ncessite d'tre un
cooprateur efficace dans des rseaux d'organisations" (Morgan et Hunt, 1994). C'est en
rponse ces nouveaux modes d'organisation qu'est apparu le marketing relationnel.
Ce passage d'une vision transactionnelle une approche relationnelle de l'change constitue,
pour de nombreux auteurs, un vritable changement de paradigme en marketing6 (Day et
Robin, 1983 ; Achrol, 1991 ; Grnroos, 1994 ; Sheth et Parvatiyar, 1995 ; Aijo, 1996 ; Brodie
et al., 1997 ; Grnroos, 1997 ; Gummesson, 1997 ; Parvatiyar et Sheth, 1997 ; Gummesson,
1998 ; Parvatiyar et Sheth, 1999 ; Sheth et Parvatiyar, 2002 ; Gopalakrishna Pillai et Sharma,
2003). Celui-ci postule qu'il est beaucoup moins coteux de retenir les clients existants plutt
que d'en recruter sans cesse de nouveaux (Reichheld et Sasser, 1990 ; Reichheld, 1993 ; Sheth
et Parvatiyar, 1995 ; Reichheld, 1996). Ainsi, la comptition laisse place la coopration
entre partenaires engags dans une relation de long terme.
Cette focalisation sur ce nouveau paradigme a donn naissance une multitude d'tudes
concernant le marketing relationnel et son impact sur les entreprises. Cette abondante
littrature a engendr des connaissances fondamentales qui servent aujourd'hui de pierres
angulaires la majorit des tudes en marketing. Cette richesse laisse cependant planer
quelques flous conceptuels et notamment en ce qui concerne la dfinition du terme lui-mme.
Cette pluralit d'approches trouve un cho dans les dfinitions retenues par les chercheurs
(Harker, 1999 en compte prs d'une trentaine). Le tableau ci-dessous regroupe les principales
dfinitions utilises pour caractriser le marketing relationnel. 6 Il convient toutefois de noter que tous les auteurs ne partagent pas cette vision et certains considrent le marketing relationnel comme une simple volution de la discipline lie notamment au dveloppement de l'outil informatique (Marion, 2001 ; Rao et Perry, 2002).
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
20
Auteurs (Par ordre alphabtique)
Dfinitions Berry (1983, p. 25) "Le marketing relationnel consiste attirer, maintenir et [] dvelopper les relations clients."
Berry et Parasuraman (1991) "Le marketing relationnel concerne l'attraction, le dveloppement et la rtention des clients."
Carson, Gilmore et Walsh (2004)
"Le marketing relationnel se concentre principalement sur la relation interactive entre deux parties et sur le degr avec lequel la relation permet aux deux parties d'atteindre des objectifs essentiellement de long terme."
Grnroos (1994) Le marketing relationnel "est bas sur l'tablissement et le maintien de relations entre vendeurs et acheteurs et d'autres parties sur le march." Grnroos
(1995)
Le marketing relationnel "consiste identifier, tablir et maintenir des relations avec les clients et les autres parties prenantes de manire ce que les objectifs des partenaires impliqus soient atteints ; et cela passe par un change mutuel et la ralisation des promesses."
Gummesson (1997) "Le marketing relationnel est le marketing en tant que relations, rseaux et interactions."
Jackson (1985) Le marketing relationnel correspond au "marketing orient vers des relations fortes et durables avec des comptes client individuels."
Morgan et Hunt (1994) "Le marketing relationnel fait rfrence toutes les activits orientes vers l'tablissement, le dveloppement et le maintien d'changes relationnels de qualit."
Parvatiyar et Sheth (1999) "Le marketing relationnel est un processus continu d'engagement dans des activits et des programmes coopratifs et collaboratifs avec des clients immdiats et finaux pour crer ou dvelopper une valeur conomique mutuelle, cots rduits".
Perrien et Ricard (1995) "Le marketing relationnel peut tre dfini comme un processus marketing asymtrique et personnalis. Ce processus se droule sur le long terme, entrane des bnfices mutuels et rside dans la comprhension prcise des besoins et des caractristiques des clients."
Rao et Perry (2002) "Le marketing relationnel apparat lorsqu'une organisation s'engage de manire proactive dans la cration, le dveloppement et le maintien d'changes interactifs et bnfiques, avec des clients ou des partenaires slectionns, dans le temps"
Rylander, Strutton et Pelton (1997)
"Le marketing relationnel concentre son attention sur la faon de dvelopper et de maintenir des relations de long terme et fortement intgres entre un client et ses fournisseurs."
Tableau 1 : Les principales dfinitions du marketing relationnel
Les dfinitions prsentes ci-dessus, bien que marques par une certaine htrognit
concernant l'angle d'approche adopt, laissent nanmoins entrevoir les principales
caractristiques qui forment le cur du marketing relationnel. Selon Prim-allaz (2000), elles
sont au nombre de deux ; nous y ajoutons une troisime dimension (la rciprocit) :
- Une dimension temporelle : comme nous l'avons dj suggr, le marketing relationnel se
distingue par l'unit d'analyse temporelle qu'il adopte. "Dans une approche rellement
relationnelle, le point de rfrence est la relation toute entire" (Williamson, 1979) et non
la transaction discrte (Macneil, 1978 ; Aurier, Evrard et N'Goala, 1998). Chaque
transaction est, de ce fait, value en tenant compte de son pass, mais galement des
interactions futures (Burgess, 1981 ; Hinde, 1981 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Gundlach
et Murphy, 1993 ; Holmlund et Trnroos, 1997 ; Grossman, 1999). Cette orientation de
long terme que partagent les participants se matrialise par la ralisation d'investissements
ddis qui marquent l'engagement des parties dans la relation, mais qui engendrent, dans
le mme temps, une certaine dpendance vis--vis du partenaire. Cette dpendance aura
pour effet de rendre la rupture coteuse et incertaine, ce qui augmentera les incitations
maintenir la relation dans le temps (Williamson, 1979 ; Blois, 1996 ; Bozzo, 2000).
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
21
- Une dimension sociale : contrairement la vision micro-conomique qui n'envisage que
les changes conomiques de type utilitaire entre deux parties totalement indpendantes,
le marketing relationnel reconnat l'existence d'un autre type d'changes : les changes
symboliques (Bagozzi, 1975) qui correspondent aux aspects non conomiques d'une
relation. Appliquant la mtaphore du mariage aux relations commerciales, de nombreux
chercheurs ont envisag les relations commerciales comme un mariage entre un acheteur
et un vendeur, leur rupture pouvant tre envisage comme leur divorce (Dwyer, Schurr et
Oh, 1987 ; Gundlach et Murphy, 1993 ; Perrien et Ricard, 1995 ; Holmlund et Trnroos,
1997). Dans cette optique, des liens troits se tissent entre les reprsentants des deux
firmes partenaires qui dveloppent, paralllement une satisfaction conomique drive
des activits commerciales, une satisfaction trouvant ses origines dans la sphre sociale et
personnelle.
- Si les dimensions sociale et temporelle forment la base du marketing relationnel, il
convient nanmoins d'ajouter ces deux caractristiques la notion de rciprocit7 sans
laquelle de tels changes ne pourraient avoir lieu. En effet, la continuit de la relation
repose essentiellement sur la coopration entre les partenaires. Ces derniers doivent tre
guids par un tat d'esprit "win-win" et collaboratif plutt que par une concentration sur
des objectifs personnels et une vision "win-lose" de l'change, l'objectif ultime tant de
parvenir maximiser les profits raliss par les deux parties prenantes. De ce fait, les
partenaires sont prts accepter des pertes de court terme car ils savent, ou plutt parce
qu'ils ont acquis la certitude, en raison du niveau de confiance lev qui caractrise leur
relation, que ces dficits seront corrigs dans un avenir plus ou moins proche en vertu de
cette norme de solidarit. En d'autres termes, "un change relationnel est moins dict par
le prix et est davantage bas sur une forte reconnaissance d'un engagement mutuel entre
les partenaires d'change" (Frazier, Spekman et O'Neal, 1988). Dans ce contexte, les
mcanismes de march ne jouent plus qu'un rle mineur dans le sens o la ralisation des
promesses est davantage dicte par la mutualit des intrts plutt que par les obligations
contractuelles qui encadrent l'change (Reve et Stern, 1979 ; Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ;
Heide, 1994). En d'autres termes, "les fonctions d'utilit individuelles sont dpasses par
l'utilit globale du systme" (Heide, 1994) et les conflits sont grs par la ngociation
plutt que par des mcanismes externes (Macneil, 1978 ; Gundlach et Murphy, 1993 ; 7 Pour Pandya et Dholakia (1992), "la rciprocit est une forme d'change de cadeaux au cours duquel les membres appartenant un rseau sont obligs de donner et de recevoir des biens et services. L'obligation de donner et de recevoir est gnralement implicite. Plus les membres d'un groupe sont proches les uns des autres, plus la tendance dvelopper des relations rciproques est importante".
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
22
Dabholkar, Johnston et Cathey, 1994).
D'une manire plus synthtique, le marketing relationnel adopte l'approche inverse du
marketing transactionnel dans le sens o il considre l'change non plus dans une optique
ponctuelle mais inscrite dans la dure, o il reconnat que la coopration peut tre prfrable
la comptition et que les parties peuvent partager davantage que des biens et des services en
change d'une contrepartie financire mais qu'elles peuvent galement prendre part des
changes symboliques et sociaux. Ganesan (1994) rsume clairement les diffrences
fondamentales qui distinguent ces deux approches :
"Les firmes avec une orientation de court terme comptent sur l'efficience des
changes de march pour maximiser leurs profits au cours d'une transaction, alors
que les firmes avec une orientation de long terme s'appuient sur des changes
relationnels pour maximiser leurs profits sur une srie de transactions".
Le tableau ci-dessous reprsente les principales caractristiques des approches micro-
conomiques (classique et noclassique) et relationnelle de l'change et fait apparatre les
diffrences qui les caractrisent.
Vision classique Vision noclassique Vision relationnelle Contrat type Classique Noclassique Relationnel
Unit d'analyse Transaction discrte Transactions rptes Relation
Paradigme dominant Economie de march Thorie des cots de transaction Thorie des contrats incomplets Thorie de l'change social Marketing relationnel
Perspective temporelle Ponctuelle Court/Moyen terme Orientation long terme Type d'change Utilitaire Utilitaire Mixte (utilitaire et symbolique)
Facteurs prdominants Prix Produit (qualit) Cots
Prix Produit (qualit) Cots
Satisfaction Confiance Engagement
Vision Unilatrale Win-lose Unilatrale Win-lose
Dyadique Win-win
Source de satisfaction Economique Economique Economique et sociale
Communication Limite Formelle Limite Formelle
Etendue Informelle
Importance du partenaire Nulle Totalement transfrable Limite Facilement transfrable
Forte Non transfrable
Niveau de dpendance Indpendance Dpendance mutuelle Interdpendance Gestion des conflits Externe (systme juridique) Externe (arbitrage) Interne (ngociation)
Rupture de l'change Se termine avec la ralisation de la transaction Programme dans le contrat Relation dure indtermine
Tableau 2 : Une comparaison des approches micro-conomique et sociale de l'change
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
23
1.2. La notion de relation
La perspective relationnelle de l'change, comme nous venons de le constater, reprsente
dsormais une approche omniprsente dans les tudes marketing et notamment en business-
to-business. Le paradigme relationnel est aujourd'hui bien tabli et sa lgitimit n'est plus
dmontrer. Ds lors, il semble ncessaire de s'interroger prcisment sur la relation en elle-
mme afin d'en fournir une dfinition explicite (1.2.1), de comprendre les diffrentes forces
susceptibles de modeler son volution (1.2.2) et d'analyser ses caractristiques intrinsques
(1.2.3).
1.2.1. Une tentative de dfinition
Le terme "relation", bien qu'utilis de manire rgulire par les auteurs en marketing, n'a
cependant suscit qu'un effort limit lorsqu'il s'agit de le dfinir et de le limiter
conceptuellement (Arantola, 2002, p. 40). Cette constatation nous amne ainsi nous
interroger sur la manire de dfinir une relation ainsi que sur ses caractristiques. Le tableau
ci-dessous tente de recenser les principales dfinitions adoptes afin d'en induire les
caractristiques associes une relation de type client/fournisseur.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
24
Auteurs (Par ordre alphabtique) Dfinitions
Anderson et Narus (1990)
Un partenariat reflte "le degr avec lequel il y a une reconnaissance et une comprhension que le succs de chacune des firmes dpend en partie de l'autre firme, chacune effectuant des actions afin de fournir un effort coordonn orient vers la satisfaction conjointe des besoins du march".
Barnes (1997)
"Pour qu'une relation existe, [] il faut un contact continu avec l'entreprise et les interactions doivent impliquer davantage que de simples transactions".
Bendapudi et Berry (1997)
"Une relation existe ds lors qu'un change individuel est valu non pas de manire isole, mais dans la continuit des changes passs et censs perdurer dans le futur".
Grgoire et Fisher (2006)
Une relation correspond "une connexion psychologique entre un consommateur et une firme, une marque ou un employ du fournisseur".
Hkansson et Snehota (1995)
"Une relation est un espace o des interactions prennent place, et o quelque chose est produit ; o des liens d'activits, de ressources et d'acteurs sont tablis".
Han, Wilson et Dant (1993)
"Une relation client/fournisseur de long terme permet d'obtenir certains bnfices qui ne seraient pas ralisables au travers du modle concurrentiel traditionnel".
Holmlund et Trnroos (1997)
"Une relation est dfinie comme un processus interdpendant d'interactions et d'changes continus entre au moins deux acteurs, dans un contexte de rseau commercial"
Holmlund et Trnroos (1997)
"Les relations commerciales constituent l'aspect central qui connecte des acteurs, des ressources et des activits dans un rseau commercial".
Johnson et Selnes (2004)
"Nous dfinissons une relation d'change comme un mcanisme permettant la cration de valeur au travers de la coordination de la production, de la consommation et des activits conomiques relies entre un client et un fournisseur".
Marion (2001) "La relation est considre comme un processus d'interaction tendue et durable".
Mohr et Spekman (1994)
"Les partenariats sont dfinis comme des relations stratgiques dlibres entre des firmes indpendantes qui partagent des buts compatibles, essayent d'obtenir des bnfices mutuels, et partagent un niveau lev d'interdpendance mutuelle".
Seabright, Levinthal et Fichman (1992)
"Une relation d'change consiste en un ensemble d'arrangements formels ou informels entre organisations indpendantes impliquant le transfert de ressources ou de services".
Thtinen (2001a)
"Une relation [] est compose de processus d'interaction produisant des liens en termes d'activits, de ressources et d'acteurs entre les entreprises".
Van de Ven (1976)
"Une relation inter-organisationnelle exhibe les proprits de base de toute forme organise de comportement collectif : les comportements sont orients vers des objectifs, une interdpendance existe entre les membres et elle peut agir comme une unit ayant une identit distincte de celle de ses membres".
Webster (1992)
Au sein d'un partenariat, "chaque partenaire approche de la dpendance totale vis--vis de l'autre dans certaines activits et la confiance mutuelle remplace les hypothses concurrentielles".
Tableau 3 : Les principales dfinitions du concept de relation
Bien que disparates et conceptuellement htroclites, les dfinitions prsentes ci-dessus nous
permettent de souligner les principales caractristiques d'une relation inter-organisationnelle.
Figure 3 : Les principales caractristiques d'une relation commerciale
Relation
Dpendance au contexte
Objectifs communs
Interactions interdpendantes
Aspect dynamique
Liens conomiques
Liens sociaux
Mutualit Stabilit temporelle
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
25
Tout d'abord, et nous l'avons dj soulign, une relation entre deux partenaires est
conditionne par la rptition d'interactions interdpendantes et stables sur une priode de
temps relativement longue (Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Gundlach et Murphy, 1993 ;
Storbacka, Strandvik et Grnroos, 1994 ; Barnes, 1997 ; Bendapudi et Berry, 1997 ;
Holmlund et Trnroos, 1997 ; Grnhaug, Henjesand et Koveland, 1998 ; Marion, 2001 ; Rao
et Perry, 2002 ; Trnroos, 2003 ; Holmlund, 2004).
Toutefois, la stabilit temporelle n'engendre pas pour autant la stabilit des changes et des
processus internes la relation. La rptition des interactions n'est donc pas, elle seule,
suffisante pour caractriser la relation. Ainsi, la seconde caractristique majeure d'une relation
est son aspect dynamique (Holmlund et Trnroos, 1997 ; Grnhaug, Henjesand et Koveland,
1998 ; Holmlund, 2004). Une relation commerciale, l'image d'une relation interpersonnelle,
est en constante volution, ses frontires devenant, au fil du temps, de plus en plus floues et
de moins en moins troites, mesure que les changes s'intensifient entre les parties.
Au fur et mesure que la relation se dveloppe, son intensit augmente, intensit qui est
matrialise par la force et la multitude des liens qui se tissent entre les partenaires. A ce sujet,
les travaux mens par les chercheurs associs au groupe IMP semblent clairants. Selon le
modle ARA (Activits, Ressources, Acteurs) dvelopp par Hkansson et Snehota (1995),
pour raliser leurs activits, les acteurs doivent parvenir se procurer certaines ressources
dont ils ne disposent pas en interne. Ces composantes vont ainsi engendrer le dveloppement
de liens d'activits (interdpendances techniques, commerciales ou juridiques) ou de
ressources (technologiques, matrielles, financires, humaines,) entre les organisations. Ces
deux types de liens font rfrence ce que certains (Holmlund et Trnroos, 1997 ; Rao et
Perry, 2002) dsignent comme des liens structurels qui reprsentent les aspects visibles et
explicites d'une relation commerciale. Cependant, le dveloppement de ces liens structurels
s'accompagne gnralement de liens plus sociaux, lis aux acteurs eux-mmes qui se
matrialisent par l'apparition de la confiance, de l'attachement ou de l'engagement entre les
personnes travaillant aux frontires des deux entreprises. Ces liens sociaux sont davantage
ancrs dans la sphre personnelle qu'organisationnelle (Rao et Perry, 2002) et, en ce sens,
permettent d'envisager une relation comme un vritable systme social (Van de Ven, 1976).
D'autre part, une relation commerciale est gnralement forme pour atteindre des objectifs
spcifiques et difficilement ralisables unilatralement (Van de Ven, 1976 ; Reve et Stern,
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
26
1979 ; Anderson et Narus, 1990 ; Han, Wilson et Dant, 1993 ; Mohr et Spekman, 1994 ;
Johnson et Selnes, 2004). En effet, la cration d'un partenariat est motive par la
reconnaissance d'un besoin auquel il s'avre difficile voire impossible de rpondre de manire
isole et pour lequel le recours la coopration semble indispensable.
Dans cette perspective, une relation ne peut natre que si les deux partenaires la dsirent et
font preuve d'une dmarche active pour la dvelopper. Ainsi une certaine mutualit doit
exister dans la volont de coopration (Campbell, 1990 ; Ford, Hkansson et Johanson, 1990 ;
Blois, 1996 ; Barnes, 1997 ; Holmlund et Trnroos, 1997 ; Grnhaug, Henjesand et Koveland,
1998). A cet effet, il est indispensable que les deux entreprises entrevoient les bnfices
escompts de cette relation plus ou moins long terme, bnfices qui doivent tre suprieurs
aux investissements ncessaires et quitablement rpartis entre les membres.
La dernire caractristique d'une relation commerciale tient dans le fait qu'elle soit
dpendante du contexte dans lequel elle est intervient (Ford, Hkansson et Johanson, 1990 ;
Holmlund et Trnroos, 1997). Cette notion met l'accent sur le fait que toute relation est
insre dans un rseau d'autres relations.
Pour conclure, il est possible de dfinir une relation commerciale comme une srie
d'interactions interdpendantes, continues et durables entre deux partenaires
mutuellement motivs par l'atteinte d'objectifs communs. Elle se matrialise par le
dveloppement de liens structurels et sociaux engendrant une situation de
dpendance entre les membres encastrs dans un rseau commercial.
1.2.2. Les forces affectant une relation
Les travaux raliss par Levinger (1979) semblent fertiles lorsqu'il s'agit de rendre compte des
principaux lments composant et affectant une relation. Adoptant une approche sociale de
l'change, cet auteur reprsente une relation entre deux partenaires (P et O) par la figure
suivante :
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
27
Figure 4 : Une reprsentation d'une relation entre deux partenaires (Levinger, 1979)
La partie hachure correspond la taille de l'interaction, c'est--dire au niveau
d'interdpendance qui caractrise la relation. Comme nous le constatons, cette zone
d'interdpendance est affecte par plusieurs facteurs :
- Les attractions positives ("+") qui reprsentent les rcompenses issues de la relation.
- Les attractions ngatives ("-") qui ont un effet oppos sur la relation et qui correspondent
aux divers cots engendrs par sa maintenance et son dveloppement.
- Les barrires la sortie ("b") qui favorisent la continuation de la relation. Toutefois, "les
barrires [] affectent le comportement d'un individu seulement lorsqu'il souhaite quitter
la relation" (Levinger, 1979).
- D'autre part, une relation dyadique faisant partie d'un environnement, les attractions
alternatives vont galement avoir un impact, essentiellement en influenant le niveau de
comparaison des alternatives (CLalt).
L'ide centrale dfendue par Levinger (1979) est que la maintenance d'une relation dpend :
"de la somme nette des attractions et des barrires caractrisant la relation
minores des attractions et des barrires associes l'alternative la plus saillante."
Ce modle permet de souligner qu'un individu peut dvelopper des sentiments positifs et
ngatifs l'gard d'une mme relation. D'autre part, diffrentes forces affectent la relation soit
en favorisant son maintien (attractions positives et barrires la sortie) soit, au contraire, en
encourageant sa rupture. Toutefois, la principale limite associe ce modle est de
conceptualiser la relation sous un aspect statique qui, bien qu'il permette de rendre compte des
diffrentes forces affectant la relation, ne permet pas de comprendre prcisment de quoi elle
se compose et comment elle volue dans le temps.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
28
1.2.3. Les composantes principales d'une relation
Les divers travaux mens aussi bien en marketing qu'en psychosociologie aboutissent, d'une
manire gnrale, la conclusion qu'une relation est compose de diffrents aspects qui
relvent la fois du comportemental (interactions entre les parties) et du psychologique
(perceptions). Ainsi, "des dimensions comportementales aussi bien que mentales existent au
sein d'une relation" (Liljander et Strandvik, 1995). Une relation existe donc la fois dans
l'esprit des parties qui la composent et dans leurs interactions et leurs comportements. En
partant de ce constat, des auteurs comme kerlund (2004a) ont avanc l'ide selon laquelle
l'intensit d'une relation peut tre mesure au travers de quatre grandes composantes
renvoyant l'une ou l'autre de ces dimensions.
- La composante cognitive renvoie aux aspects informationnels de la relation c'est--dire
aux connaissances et aux informations dtenues par les parties. Elle intgre, par exemple,
les valeurs des partenaires, les cots et bnfices associs la relation, ou encore sa
qualit et son importance pour les parties.
- La composante affective correspond davantage aux sentiments et aux motions associes
la relation. On y retrouve diverses variables attitudinales comme la satisfaction,
l'implication ou les diffrentes motions qui peuvent apparatre durant le dveloppement
de la relation (joie, plaisir, colre,).
- La composante conative est associe aux intentions des individus ou leurs motivations.
Elle reprsente ainsi des dispositions comportementales, c'est--dire des prdispositions
agir d'une certaine manire, et regroupe des aspects tels que l'engagement, les attentes ou
les cots de changement.
- La composante comportementale est la consquence des autres lments de la relation et
constituent l'aspect le plus visible de celle-ci. Ainsi, "une relation implique une srie
d'interactions entre deux personnes, qui gnrent des changes dans le temps" (Hinde,
1997, p. 37). Elle se manifeste notamment au travers des interactions (nature des contacts,
frquence,) et des comportements d'achat (volume, frquence,).
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
29
L'tude dtaille de la notion de relation nous a permis de mettre en exergue des lments
fondamentaux dans la comprhension des phnomnes qui lui sont associs. Une relation est
ainsi compose de liens organisationnels, lis aux activits et aux ressources partages par les
firmes ainsi que de liens interpersonnels, sociaux, dvelopps entre les individus travaillant
aux frontires de ces organisations et assurant la coordination du partenariat. Chacun de ces
lments a un impact sur son volution, notamment lorsqu'il s'agit de sa dissolution. Nous
avons galement suggr et distingu les diffrentes forces, internes ou externes, susceptibles
d'encourager le dveloppement d'une relation, de contraindre sa maintenance ou encore de
favoriser sa dissolution. Finalement, la prsentation des diverses composantes d'une relation
commerciale (affective, cognitive, conative et comportementale) nous a permis de
comprendre plus prcisment les lments constitutifs d'une telle association. L'existence de
dimensions distinctes et reposant sur des phnomnes spars, bien que fortement
interdpendantes, nous permet de mieux apprhender les facteurs pouvant connatre une
dgradation et, par consquent, d'mettre l'hypothse selon laquelle diffrents types de
dgradation sont envisageables.
Si la dfinition et la caractrisation de la notion de relation constituent des pralables
ncessaires une analyse prcise des problmatiques qui lui sont associes, il s'avre tout
aussi indispensable d'analyser les principales thories mobilises pour en rendre compte.
1.3 Les thories fondatrices des approches relationnelles
Afin d'tudier les relations commerciales, les chercheurs ont emprunt de nombreux concepts
des thories diverses, dveloppes aussi bien par des conomistes, que des
psychosociologues, des politicologues, des juristes ou encore des chercheurs en management
des organisations. Ainsi, les avances thoriques ralises ont gnralement t le fruit d'un
recours des cadres d'analyse plus ou moins loigns du marketing, mais dont les objets
d'tude et les conclusions ont t transposs avec succs au champ de la gestion. Les
principales contributions sont rechercher dans le courant de la nouvelle conomie
institutionnelle (thorie des cots de transaction), la thorie des organisations (thorie de la
dpendance des ressources) ainsi que la psychologie sociale (thorie de l'change social).
Cette partie se propose de prsenter, de manire critique, ces trois approches afin de
dmontrer leurs apports ainsi que leurs principales limites dans l'explication des phnomnes
lis au dveloppement des relations inter-organisationnelles.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
30
1.3.1. La thorie des cots de transaction
Dans un article fondateur de 1937, Coase va poser les bases de cette cole de pense en
expliquant l'existence des firmes par la prsence de cots inhrents au fonctionnement du
march : les cots de transaction. Selon cette thorie, l'entreprise et le march constituent
deux modes de gouvernance alternatifs, substituables l'un l'autre, les incitations tant
assures respectivement par la hirarchie ou le systme de prix et le choix entre les deux tant
dict par un objectif de minimisation des cots de production et de transaction.
Selon Williamson (1975 ; 1979), cinq facteurs permettent d'expliquer l'imperfection du
march, deux tant lis aux individus (rationalit limite et opportunisme) et les trois autres
la transaction elle-mme (spcificits des actifs, incertitude et frquence des transactions).
La question centrale laquelle tente de rpondre l'analyse des cots de transaction est de
savoir s'il est prfrable de raliser une transaction au travers du systme de prix (march) ou
en l'internalisant (hirarchie). L'hypothse de base de cette thorie concernant le choix de la
structure de gouvernance adopter est la suivante :
"Les transactions, qui diffrent selon leurs attributs, sont alignes avec des
structures de gouvernance, qui diffrent selon leurs cots et leurs comptences de
manire discriminante (essentiellement, une conomie en termes de cots de
transaction)" (Williamson, 1991) .
En se basant sur ces hypothses, Williamson (1975 ; 1979) va prsenter un modle permettant
de dfinir la structure de gouvernance adopter en fonction, d'une part, du degr de
spcificit des actifs et, d'autre part, de la frquence des transactions. Selon lui, trois
institutions concurrentes peuvent tre mises en place :
- Le recours au march s'impose lorsque la spcificit des actifs est minimale.
- La hirarchie, quant elle, serait davantage adapte dans les cas de spcificit extrme et
lorsque les transactions sont rcurrentes. Nanmoins, dans les situations o la frquence
des transactions est faible, le recours la hirarchie sera encore possible si aucune
alternative n'est offerte par le march.
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
31
- Enfin, les formes hybrides (le contrat) permettraient d'atteindre une meilleure efficience
tant en termes de cots de transaction que de production lorsque la spcificit des actifs
est moyenne. Dans le cadre d'changes occasionnels, le recours la gouvernance
trilatrale semble suffisant, alors qu'en cas de frquence leve, il sera ncessaire
d'instaurer un dispositif spcifique aux deux parties.
L'conomie institutionnelle dans son ensemble et la thorie des cots de transaction en
particulier, en expliquant l'existence des firmes ainsi que les circonstances propices
l'tablissement de relations inter-organisationnelles, a eu un impact fondamental dans la
recherche en marketing notamment (Bowen et Jones, 1986 ; Heide et John, 1988 ; Rindfleisch
et Heide, 1997 ; Geyskens, Steenkamp et Kumar, 2006). Ainsi, "il semble aujourd'hui difficile
sinon impossible de parler de firme, de march ou d'organisation sans rfrence la thorie
des cots de transaction" (Coriat et Weinstein, 1995).
La principale contribution de cette approche dans l'optique de la problmatique qui anime
cette recherche est la mise en exergue de l'impact des investissements spcifiques sur
l'volution des relations commerciales et, plus prcisment, de la place cruciale qu'ils sont
susceptibles d'occuper lors de leur rupture. Du fait de leur spcificit extrme, ces actifs
augmentent le niveau de dpendance vis--vis de l'autre partie et reprsentent d'importantes
barrires la sortie, qui favorisent la continuation et rduisent la probabilit de rupture.
Toutefois, certaines critiques ont t nonces concernant le pouvoir explicatif de la thorie
des cots de transaction, la plus virulente d'entre elles insistant sur l'hypothse de
comportements systmatiquement opportunistes de la part des acteurs (Heide et John, 1988).
En effet, comment justifier l'apparition et le dveloppement de relations durables bases sur la
confiance entre organisations dans un cadre thorique plaant l'opportunisme au cur de son
analyse8 ? D'autre part, la concentration sur les transactions uniques a entran certains auteurs
critiquer la thorie des cots de transaction en raison de son incapacit rendre compte de la
nature temporelle et processuelle des relations inter-organisationnelles (Rindfleisch et Heide,
1997).
8 Une rponse apporte cette critique consiste rpliquer que "la thorie des cots de transaction ne suppose pas que tous les acteurs sociaux sont enclins l'opportunisme, seulement que certains le sont, et qu'il est difficile et coteux d'identifier les acteurs opportunistes ex ante" (Rindfleisch et Heide, 1997).
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
32
1.3.2. La thorie de la dpendance des ressources
Situe l'intersection des thories sociologiques et des sciences politiques, la thorie de la
dpendance des ressources a t dveloppe par Pfeffer et Salancik (1978) par intgration de
diffrents travaux au sein d'un cadre d'analyse permettant de rendre compte des relations
inter-organisationnelles. Partant du postulat selon lequel toute organisation a besoin, pour
raliser ses activits, de disposer de diverses ressources9 (capital, travail, matires premires,
informations,) qui ne sont pas toutes sous son contrle, les auteurs suggrent que pour
survivre et prosprer, les organisations sont contraintes d'tablir des relations avec d'autres
organisations (Jacobs, 1974 ; Van de Ven, 1976 ; Pfeffer et Salancik, 1978 ; Reve et Stern,
1979 ; Provan, Beyer et Kruytbosch, 1980 ; Andaleeb, 1996 ; Casciaro et Piskorski, 2005).
Autrement dit, "sous des conditions de raret, les changes inter-organisationnels sont
essentiels l'atteinte des objectifs" (Levine et White, 1961).
Nanmoins, le corollaire ces changes est l'apparition d'une situation de dpendance de la
firme vis--vis de son environnement et, plus prcisment, des organisations qui sont en
mesure de lui fournir les ressources qui lui font dfaut. Selon Emerson (1962), la dpendance
d'une partie sur une autre est fonction de deux facteurs principaux :
"La dpendance d'un acteur A sur un acteur B est (1) directement proportionnelle
aux investissements de A dans des objectifs mdiatiss par B et (2) inversement
proportionnelle la possibilit de raliser ces objectifs en dehors de la relation A-B",
Le niveau de dpendance caractrisant une relation entre deux parties est donc conditionn
par l'importance des ressources changes, mais galement par la prsence de sources
alternatives offrant des ressources similaires sur le march. En d'autres termes, "moins il
existe de sources potentielles pour la fourniture des ressources, et plus ces ressources sont
essentielles pour l'organisation, plus la dpendance sera importante" (Jacobs, 1974).
Le fait, pour une firme, de disposer de ressources ncessaires aux activits d'autres firmes cre
donc une certaine dpendance de ces dernires et augmente le pouvoir de celle qui les dtient.
9 Pour Wernerfelt (1984), une ressource correspond "aux actifs (tangibles et intangibles) qui sont lis de manire semi-permanente la firme". Teece, Pisano et Shuen (1997) affinent cette dfinition en prcisant que "les ressources sont des actifs spcifiques une firme qui sont difficiles voire impossibles imiter".
Chapitre 1 : Les relations commerciales et leur dynamique
33
Pour Emerson (1962), le pouvoir d'un acteur sur un autre10 est donc inversement corrl son
niveau de dpendance et peut tre dfini de la manire suivante :
"Le pouvoir de contrler ou d'influencer l'autre rside dans le fait de contrler
des choses qui ont de la valeur pour lui, c'est--dire dont il est dpendant".
Un acteur qui a du pouvoir sur un autre peut amener ce dernier se conformer ses souhaits
et mettre en uvre des actions qu'il n'aurait pas ralis autrement11 (Dahl, 1957 ; Reve et
Stern, 1979).
Les thoriciens de la dpendance des ressources caractrisent donc les liens qui s'tablissent
entre les organisations comme un jeu de relations de pouvoir bases sur l'change de
ressources ncessaires leurs activits (Ulrich et Barney, 1984 ; Dabholkar, Johnston et
Cathey, 1994), les deux variables motivant l'instauration d'une relation inter-organisationnelle
tant l'incertitude associe l'approvisionnement en ressources et la dpendance vis--vis des
partenaires d'change (Mindlin et Aldrich, 1975 ; Van de Ven, 1976 ; Heide, 1994). Ainsi,