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Contrôle social et déviance http://www.dailymotion.com/video/x68f0c_inpes-non-fumeur-marie_creation Quel est l’objectif de cette publicité ? I. Comment le contrôle social sanctionne-t-il la déviance ? A) La déviance est une transgression des normes 1) Normes et déviance 2) Les normes varient dans le temps et dans l'espace http://www.dailymotion.com/video/xv5cif_la-depenalisation-de-l-homosexualite-2-5_news 1. Au travers de l’exemple de l’homosexualité, montrez que les normes sont variables dans le temps et dans l’espace. 2. Donnez d’autres exemples montrant que les normes varient d’une société à l’autre. B) Le contrôle social 1) Le rôle du contrôle social Document 1 – Fusillés pour l’exemple Quelques 918 militaires français ont été fusillés pour l’exemple pendant la « Grande guerre ». La grande majorité n’a pas été exécutée pendant les mutineries de 1917, mais pendant la première année du conflit, de septembre 1914 à octobre 1915. 918 fusillés pour l’exemple : cela peut sembler statistiquement dérisoire par rapport aux 1,3 million de soldats « morts pour la France ». Mais cette pratique de l’état-major fait peser sur la troupe une menace permanente, quand bien même le recours aux exécutions capitales n’a jamais été systématique. Facilitée par le rétablissement des Conseils de guerre entre 1914 et 1916, la peine de mort est froidement réglementée par un décret de 1909. Une réglementation qui précise même les modalités du coup de grâce, administré « avec un revolver dont le canon est placé juste au-dessus l’oreille et à cinq centimètres du crâne ». Olivier Favier, 29 septembre 2014, http://www.bastamag.net/Grande-Guerre-un-tour-du-monde-des

Contrôle social et déviance - APSES – Association des ... · parkings), la vidéosurveillance semble surtout efficace pour maintenir l’ordre scolaire, sous condition d’une

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Contrôle social et déviance http://www.dailymotion.com/video/x68f0c_inpes-non-fumeur-marie_creation Quel est l’objectif de cette publicité ?

I. Comment le contrôle social sanctionne-t-il la déviance ?

A) La déviance est une transgression des normes

1) Normes et déviance

2) Les normes varient dans le temps et dans l'espace

http://www.dailymotion.com/video/xv5cif_la-depenalisation-de-l-homosexualite-2-5_news

1. Au travers de l’exemple de l’homosexualité, montrez que les normes sont variables dans

le temps et dans l’espace. 2. Donnez d’autres exemples montrant que les normes varient d’une société à l’autre.

B) Le contrôle social

1) Le rôle du contrôle social

Document 1 – Fusillés pour l’exemple Quelques 918 militaires français ont été fusillés pour l’exemple pendant la « Grande guerre ». La grande majorité n’a pas été exécutée pendant les mutineries de 1917, mais pendant la première année du conflit, de septembre 1914 à octobre 1915. 918 fusillés pour l’exemple : cela peut sembler statistiquement dérisoire par rapport aux 1,3 million de soldats « morts pour la France ». Mais cette pratique de l’état-major fait peser sur la troupe une menace permanente, quand bien même le recours aux exécutions capitales n’a jamais été systématique. Facilitée par le rétablissement des Conseils de guerre entre 1914 et 1916, la peine de mort est froidement réglementée par un décret de 1909. Une réglementation qui précise même les modalités du coup de grâce, administré « avec un revolver dont le canon est placé juste au-dessus l’oreille et à cinq centimètres du crâne ».

Olivier Favier, 29 septembre 2014, http://www.bastamag.net/Grande-Guerre-un-tour-du-monde-des

Jacques TARDI, Putain de guerre, 2008

1) Pour quel comportement déviant les soldats sont-ils condamnés ? 2) Pour quelle raison l’armée fusille-t-elle ces soldats ?

Document 2 « Le châtiment est destiné à agir sur les honnêtes gens, non sur les criminels, et nous ne réprouvons pas un acte parce qu'il est criminel, mais il est criminel parce que nous le réprouvons. »

Emile Durkheim, De la Division du travail social, 1893

3) Quel est le rôle du contrôle social selon Durkheim?

2) Contrôle social formel et informel

Le contrôle social formel s’effectue par le biais de procédures explicites et censées être connues de tous. Exemples : peine de prison à la suite d’un procès, exclusion à la suite d’un conseil de discipline, etc. Le contrôle social informel s’opère au travers de sanctions implicites, notamment au cours d’interactions personnelles. Exemple : geste de réprobation Les sanctions peuvent être positives ou négatives. Sanction positive Sanction négative Contrôle social formel Contrôle social informel Classez les exemples suivants dans le tableau :

a. un criminel a été condamné à mort lors d’un procès aux Etats-Unis. b. un élève a obtenu les encouragements lors du conseil de classe. c. un pompier a été décoré de la Légion d’honneur. d. une femme a eu un accident de voiture à la suite d’une vitesse excessive. e. un professeur félicite un élève qui a un bon comportement en classe. f. un élève fait remarquer à un autre que sa tenue vestimentaire n’est pas soignée. g. une mère donne une fessée à son enfant parce qu’il a eu une mauvaise note.

3) Le contrôle social, objet de débats

a) La vidéosurveillance

Document 1 Si elle n’a pas toujours bonne presse, la présence de dispositifs de vidéosurveillance au sein d’établissements scolaires tend à se banaliser. Plus de la moitié des lycées d’Île-de-France, par exemple, sont dotés d’au moins une caméra. L’ambiance devient-elle pour autant orwellienne dans ces établissements ? Le politiste Tanguy Le Goff a mené l’enquête dans 10 lycées franciliens. Les proviseurs qu’il a interrogés mettent en avant différentes raisons pour expliquer la mise en place de la vidéosurveillance : « pression de la délinquance et des désordres du quartier » (avec également mise en place de barrières et de contrôle de l’accès), défauts de conception des établissements entraînant des difficultés à surveiller certains espaces isolés ou surdimensionnés, et enfin survenue d’un événement traumatisant (agression d’un professeur, par exemple). Dans cette logique, ils affirment que les caméras servent alors d’abord à lutter contre les intrusions dans les établissements, secondairement à empêcher les vols et les cambriolages et, dans un dernier temps seulement, à surveiller les élèves. […] D’une efficacité relative sur les intrusions, faible sur les vols et cambriolages (hormis ceux commis sur les parkings), la vidéosurveillance semble surtout efficace pour maintenir l’ordre scolaire, sous condition d’une véritable mobilisation du personnel : quadrillage de l’établissement, communication auprès des élèves sur le dispositif lui-même, ses usages et ses effets. *Tanguy Le Goff, « La vidéosurveillance dans les lycées. De la prévention des intrusions à la régulation des indisciplines », Déviance et Société, vol. XXXIV, n° 3, 2010.

Xavier Molénat, « Lycées : des caméras qui tournent...à vide ? », Sciences humaines, 15 juin 2011

Document 2 Depuis les révélations sur la surveillance des communications téléphoniques et des données personnelles des

internautes par le gouvernement américain, notamment avec le programme Prism, les ventes du roman de référence de George Orwell, 1984, ont augmenté de 6 000 % mardi, rapporte France Info. Le livre est ainsi passé en quelques jours de la 7 636e à la 18e place des meilleures ventes d'Amazon ce mercredi matin, atteignant même la 4e place mardi après-midi, selon NBC News. Le roman de science-fiction, publié en 1949, a fait passer dans le langage courant son célèbre Big Brother, figure de l'Etat totalitaire et du contrôle extrême des libertés et de la vie privée, dont la devise "Big Brother is watching you" ("Big Brother vous regarde"), écrite à chaque coin de rue, se charge de rappeler

l'omniprésence. Cette expression a aussi atteint un pic de recherches sur Google lundi 9 juin, trois jours après le début des révélations sur les programmes de surveillance de la NSA (Agence nationale de la sécurité américaine). Barack Obama a lui-même fait référence au roman vendredi, déclarant devant la presse : "Théoriquement, on peut se plaindre de Big Brother et du fait que ce programme est potentiellement de la folie furieuse, mais, quand vous regardez vraiment dans les détails, je pense qu'on a trouvé le bon équilibre." Même référence chez le journaliste de MSNBC Chris Hayes : "Les enfants vont grandir en sachant que la moindre chose qu'ils font va être enregistrée quelque part dans un fichier. Et je crois que ça va avoir un impact très orwellien et très inhibant sur notre manière de vivre." "Cela va au-delà d'Orwell", a aussi dénoncé Jameel Jaffer, de la grande ONG American Civil Liberty Union.

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr, 12 juin 2013 Document 3 Le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS installé dans le Gard, parle des caméras de vidéosurveillance et de leur impact sur la sécurité. http://www.dailymotion.com/video/xf1jcr_laurent-mucchielli-dans-la-voix-est_news

1) Quel est l’objectif de ces cameras ? 2) Quelles sont les risques de la vidéosurveillance ? 3) Est-ce un moyen efficace d’exercice du contrôle social ?

b) Les contrôles policiers

Document 4- « La tête du client » Les contrôles se feraient à la tête du client, cette idée n’est pas nouvelle. Mais quels sont les critères retenus par les policiers pour cibler une personne plutôt qu’une autre ? Un collectif d’étudiants en sociologie et leur enseignant Nicolas Jounin, de l’université Paris VIII, ont diffusé un questionnaire auprès de 2 363 étudiants d’Île-de-France afin d’analyser leurs expériences du contrôle d’identité. Les résultats de l’étude* tendent à démontrer l’existence d’une « clientèle policière », c’est-à-dire d’une population ciblée par la police. Cette clientèle ne se définit pas par un seul critère mais par un faisceau de suspicions stéréotypées. Un élément peut influer mais c’est souvent l’association des critères qui est déterminante. Pour résumer, l’enquête révèle que vous risquez davantage d’être contrôlé si vous êtes : un homme, non-blanc, au look « banlieusard » type casquette, jogging, capuche (chiffres ci-dessous). Les témoignages rapportent également que les policiers refusent souvent de rendre des comptes aux non-Blancs et se montrent plus facilement agressifs. Parfois, même si le contrôle se termine bien, le contrôlé a néanmoins eu le sentiment d’être un suspect potentiel ou d’avoir été humilié en public. Par ailleurs, le contrôle peut pousser à l’infraction et déboucher sur un « outrage » ou une « rébellion ». Ces réactions renforcent alors la stigmatisation et les discriminations. Un cercle vicieux en somme, symptôme d’un malaise social persistant. *Nicolas Jounin et al., « Le faciès du contrôle. Contrôles d’identité, apparence et modes de vie des étudiant(e)s

en Île-de-France », Déviance et société, vol. XXXIX, n° 1, 2015.

CHIFFRES 60 % des hommes blancs se sont déjà fait contrôler au cours de leur vie contre 31,6 % des femmes blanches. 56 % des non-Blancs se sont fait contrôler plusieurs fois contre 41,4 % des Blancs. 67 % des personnes présentant trois attributs remarquables (casquette, crâne rasé…) ou plus se sont fait contrôler contre 32 % seulement pour ceux ne présentant aucun de ces attributs.

Julia Bihl, « Contrôle au faciès : la tête de l'emploi », Sciences humaines, 10 juin 2015

Document 5 –Anthropologie de la police des quartiers L'anthropologue Didier Fassin* […] a pu suivre le quotidien des équipages de la brigade anticriminalité (BAC). Créée en 1971 pour faire du "flagrant délit", cette police en civil est devenue, depuis les années 1990, l'instrument principal de la "police des quartiers" et le bras armé de la politique sécuritaire qui associe immigration, banlieue et délinquance. […] Loin des clichés, celui-ci est essentiellement marqué par l'inaction et la frustration. "Les policiers, note-t-il, attendent de rares appels qui s'avèrent presque toujours vains, soit parce qu'il s'agit d'erreurs ou de plaisanteries, soit parce que les équipages arrivent trop tard ou font échouer leur affaire par leur maladresse, soit enfin parce qu'il n'y a pas matière à interpellation." L'anthropologue s'attache dès lors à décrire le fonctionnement du groupe des "baqueux", cet "Etat dans l'Etat policier" fonctionnant par cooptation et doté d'une large autonomie par rapport à la hiérarchie policière. Les brigadiers qui le composent, souvent des "immigrés de l'intérieur" - enfants de paysans ou de commerçants des petites agglomérations -, sont formés dans la crainte de la "jungle" dans laquelle ils sont appelés à travailler, des

"zones urbaines sensibles" pour l'essentiel. Ils n'y habitent pas et les insignes brodés sur leurs blousons la représentent comme des alignements de barres d'immeubles saisis dans le viseur d'une arme... […] Puisqu'il faut bien donner un sens à ces inutiles courses-poursuites contre les jeunes des quartiers, aux interpellations sans gloire d'étrangers et de "shiteux" pour satisfaire le besoin de chiffres de la hiérarchie, les policiers de la BAC se sont bricolé une morale faite avant tout de discriminations raciales, de vengeances organisées et du recours systématique à la violence psychologique contre ceux qu'ils interpellent. Une morale qu'un brigadier résume ainsi face à Didier Fassin : "Y nous aiment pas, les bâtards. Nous on les aime pas non plus."

Un jour, un policier confie à Didier Fassin qu'il ne comprend pas pourquoi les jeunes des quartiers se mettent toujours à courir quand ils le voient arriver. Le chercheur, lui, a appris de ces mêmes jeunes la façon dont un corps peut mémoriser les humiliations passées et instinctivement s'en protéger. Aussi a-t-il la charité de ne pas rétorquer ceci : le fait que le policier, à son tour, se mette à courir, voilà un mystère encore bien plus épais à percer... * Didier Fassin, La force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Seuil, 2011

Gilles Bastin, le Monde des livres, 27 octobre 2011

1) Quels sont les problèmes soulevés par ces deux documents ? 2) Quelles en sont les conséquences en termes de cohésion sociale ?

II. Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?

A) L'affaiblissement des normes et de la cohésion sociale comme origine de la déviance

Document 1 – les émeutes de 2005 Le jeudi 27 octobre 2005, Zyed, Bouna, Muhittin et sept de leurs copains ont passé l’après-midi à jouer au football. Afin d’être chez eux pour la coupure du jeûne du Ramadan, ils quittent le terrain de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) vers 17 heures, et remontent vers Clichy-sous-Bois. Un voisin croit alors voir deux d’entre eux entrer sur un chantier de construction, un troisième « faire le guet », il appelle la police. Moins de dix minutes plus tard, la brigade anticriminalité (BAC) est sur place : un des jeunes est interpellé, les autres détalent, vite rattrapés par d’autres équipes de la BAC appelées en renfort. Mais Zyed, Bouna et Muhittin s’échappent. Ils ont couru plus loin que les autres, escaladé les 3 mètres de l’enceinte d’une centrale EDF et encore le haut mur du transformateur sans se rendre compte du danger. A 18 h 12, un arc électrique se forme entre Zyed, 17 ans et Bouna, 15 ans, les tuant sur le coup. Muhittin, 17 ans, grièvement brûlé, parvient à appeler les secours. Le soir même, Clichy-sous-Bois connaît sa première nuit d’émeutes. Le lendemain, alors que la ville est sous le choc, le premier ministre Dominique de Villepin et le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy insinuent dans leurs premières déclarations que les victimes seraient des cambrioleurs. De l’huile sur le feu, alors que les policiers de la BAC attestent, dès leurs premières dépositions, n’avoir constaté ni vol ni dégradation sur le chantier visité. Dans la soirée, 300 CRS et gendarmes affrontent à Clichy des pluies de pierres et de cocktails Molotov. Sur TF1, le 30 octobre, Nicolas Sarkozy annonce l’ouverture d’une enquête pour faire toute la « vérité » sur « ce drame » tout en affirmant d’emblée que les « policiers ne poursuivaient pas ces jeunes ». Un point de vue que ne partagent pas les familles des victimes qui déposent plainte contre X pour non-assistance à personne en danger : outre les procès-verbaux des policiers qui font état à plusieurs reprises de « course pédestre », des enregistrements suggèrent qu’ils savaient les jeunes en danger de mort et ne sont pas intervenus. Ce même soir, à Clichy, alors que la police affronte des émeutiers, une grenade lacrymogène explose devant l’entrée de la mosquée Bilal où sont réunis les fidèles, provoquant panique et incompréhension. Les émeutes s’étendent en Ile-de-France. […] Une femme est grièvement brûlée dans l’incendie d’un bus à Sevran, un retraité venu éteindre un feu de poubelles est tué d’un violent coup de poing à Stains, des policiers sont filmés molestant un homme à La Courneuve. Plus de 1 400 voitures brûlent dans la nuit du 7 au 8 novembre. A Nantes, Brest, Strasbourg, Saint-Etienne ou Toulouse, on déplore l’incendie d’écoles, de gymnases, de commerces… Nicolas Sarkozy évoque des actions qui n’ont « rien de spontané » et sont « parfaitement organisées » (un rapport des renseignements généraux affirmera le contraire trois semaines plus tard). Le premier ministre décide de frapper un grand coup : il annonce la mise en place de « l’état d’urgence », une loi conçue durant la guerre d’Algérie. Dès le 9 novembre, un couvre-feu peut être instauré partout où les maires l’estiment nécessaire. Le retour à la normale ne sera acté que dix jours plus tard. Quelque 10 000 véhicules auront été brûlés, 233 bâtiments publics et 74 privés endommagés dans 300 communes. Plus de 4 000 personnes interpellées. En mars 2015, après dix ans de rebondissements judiciaires, deux policiers ont comparu devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne à danger lors de la mort de Zyed et Bouna. Ils ont été définitivement relaxés.

Aline Leclerc, En 2005, trois semaines d’émeutes qui ont ébranlé la France, Le monde, 26 octobre 2015

1) Quelles sont les causes directes des émeutes de Clichy-sous-Bois ? 2) Quelles sont les raisons qui conduisent les émeutiers à transgresser les normes ? 3) Les mécanismes de contrôle social sont-ils efficaces dans cette situation ?

Document 2 – le concept d’anomie Selon Durkheim, les sociétés [modernes] accordent une place plus significative à l’autonomie individuelle. La dimension « individualiste » de la personnalité tend ainsi à se renforcer au détriment du collectif. Cela ne signifie pas que les institutions n’exercent plus aucune contrainte sur les individus mais que leur pouvoir s’affaiblit. Pour Durkheim, le risque de cette poussée d’individuation caractéristique des sociétés modernes est celui d’« anomie ». Il y a situation d’anomie lorsque les normes sociales s’imposent aux individus avec moins d’efficacité. Durkheim parle également de perte de repères. Concrètement, une situation anomique a des effets négatifs sur le corps social, conduisant notamment à une augmentation de phénomènes pathologiques dont le suicide peut être une manifestation.

David Ledent, Émile Durkheim - L'invention du social, Sciences humaines, 28 février 2013

4) Grâce à ce document proposez une explication de certains comportements déviants.

B) Un étiquetage qui enferme les individus dans la déviance

Document 3 - Le processus d'étiquetage Tous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et dans certaines circonstances. Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportement appropriés à celles-ci : certaines actions sont prescrites (ce qui est “ bien ”), d’autres sont interdites (ce qui est “mal ”). Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu’il soit perçu comme un type particulier d’individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s’accorde le groupe. Cet individu est considéré comme étranger au groupe (outsider). […] Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants. De ce point de vue, la déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l’application, par les autres, de normes et de sanctions à un “ transgresseur ”. Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette.

H. Becker, Outsiders (1963), Éditions A.M. Métailié, 1985.

Document 4 – la « carrière déviante » Dans Outsiders, Howard S. Becker analyse les trois étapes de la carrière déviante : la transgression d’une norme ne suffit pas à entrer dans la carrière, encore faut-il attendre le moment de la désignation publique pour savoir si l’individu est prêt à s’engager davantage, puis l’adhésion à un groupe déviant organisé qui permet de justifier son engagement dans la carrière déviante. La notion est également considérée à la fois dans sa dimension objective, comme la situation officielle de l’individu, et dans sa dimension subjective ce qui permet de décrire les changements subjectifs d’un individu (significations intimes, image de soi).

Corinne Rostaing, « Carrières », Les 100 mots de la sociologie, dir. Serge Paugam, PUF, 2010

1) Qu’est-ce qu’un « outsider » dans le premier texte ? 2) Expliquez la phrase soulignée. 3) Selon H. Becker, qu’est-ce qui rend un individu ou un acte déviants ? 4) Quelles sont les étapes de la « carrière déviante » ?

C) La déviance comme moyen de parvenir à des fins

Pour Merton, la déviance correspond à une non-concordance entre les buts valorisés par la société et les possibilités d'accès aux moyens légitimes pour les atteindre. Par exemple, la société américaine valorise l'enrichissement et la réussite individuelle. Le moyen légitime d'y accéder est le travail. Mais dans la réalité, il ne suffit pas de travailler dur pour s'enrichir. Les individus qui n'ont pas les moyens légitimes pour atteindre ce but ont deux possibilité : soit ils renoncent aux buts, soit ils utilisent des moyens illégitimes pour atteindre ces buts et entrent alors dans un comportement déviant. Merton distingue 5 types de comportements individuels : Conformisme : l'individu choisit de se conformer aux objectifs de la société et qui utilise les moyens usuels

pour parvenir à ses fins. Innovation : l'individu poursuit les objectifs reconnus par la société mais utilise d'autres moyens pour les

atteindre que ceux qui ne sont pas conformes aux normes sociales. Ritualisme : l'individu applique aveuglément les règles prescrites par la société sans se soucier de leur

adaptation aux buts poursuivis. Evasion : l'individu se retire de la société dont il refuse les valeurs. Rébellion : l'individu cherche à imposer un nouvel ordre social en rejetant les valeurs en vigueur dans la

société. 1) Parmi ces types de comportements, lesquels sont déviants ? 2) Classez les exemples suivants dans la typologie de Merton :

a) Alain vole un Iphone 6S Gold parce qu’il veut pouvoir le montrer à ses copains. b) Bernard ne sait pas ce qu’est un smartphone et cela ne l’intéresse pas du tout. c) Christian s’achète un Iphone 6S Gold mais il met une coque verte en plastique. d) Daniel fait brûler le magasin Apple pour dénoncer les excès de la consommation. e) Edouard économise pour acheter l’Iphone 6S Gold.

III. La mesure de la délinquance Article La délinquance est-elle mesurable? Arnaud Parienty, Alternatives Economiques n° 280 - mai 2009 QUESTIONS

1) Qu'est-ce que la délinquance ? 2) Qu'est-ce que le « chiffre noir » de la délinquance ? 3) A l'aide du tableau statistique, montrez qu'une grande partie des faits criminels et délictueux

échappent aux statistiques administratives ? 4) Qu'est-ce qu'une enquête de victimation ? 5) Synthèse : pourquoi la délinquance est-elle difficile à mesurer ?

Contrôle social et déviance http://www.dailymotion.com/video/x68f0c_inpes-non-fumeur-marie_creation Quel est l’objectif de cette publicité ? Dans le chapitre sur la socialisation, on a vu que celle-ci permettait aux individus d'apprendre et d'intérioriser les normes de la société dans laquelle ils vivent.

Nous allons voir dans ce chapitre comment s'exerce plus largement le contrôle social, c'est-à-dire comment la société s'assure de la conformité des comportements aux normes (première partie)

Mais il y a tout de même des comportements non-conformes aux normes, nous allons voir quelles sont les causes et les conséquences de la déviance. (deuxième partie)

La délinquance est difficile à mesurer, nous verrons quels problèmes se posent pour cette mesure. (troisième partie)

IV. Comment le contrôle social sanctionne-t-il la déviance ? La déviance se définit comme l’envers de la norme qu’elle transgresse. Elle suppose la conjonction de trois éléments : une norme, une transgression de cette norme, et une « réaction sociale » à la transgression de cette norme.

A) La déviance est une transgression des normes

1) Normes et déviance

Les normes sont des règles ou usages socialement prescrits. La déviance se définit comme la transgression des normes, un acte déviant est un acte qui n'est pas conforme aux normes de la société. On parle de délinquance pour désigner les infractions au droit pénal. Trois catégories d'infractions sont distinguées dans le droit pénal : les crimes, les délits et les contraventions.

2) Les normes varient dans le temps et dans l'espace

http://www.dailymotion.com/video/xv5cif_la-depenalisation-de-l-homosexualite-2-5_news

3. Au travers de l’exemple de l’homosexualité, montrez que les normes sont variables dans

le temps et dans l’espace. 4. Donnez d’autres exemples montrant que les normes varient d’une société à l’autre.

B) Le contrôle social

1) Le rôle du contrôle social

Document 1 – Fusillés pour l’exemple Quelques 918 militaires français ont été fusillés pour l’exemple pendant la « Grande guerre ». La grande majorité n’a pas été exécutée pendant les mutineries de 1917, mais pendant la première année du conflit, de septembre 1914 à octobre 1915. 918 fusillés pour l’exemple : cela peut sembler statistiquement dérisoire par rapport aux 1,3 million de soldats « morts pour la France ». Mais cette pratique de l’état-major fait peser sur la troupe une menace permanente, quand bien même le recours aux exécutions capitales n’a jamais été systématique. Facilitée par le rétablissement des Conseils de guerre entre 1914 et 1916, la peine de mort est froidement réglementée par un décret de 1909. Une réglementation qui précise même les modalités du coup de grâce, administré « avec un revolver dont le canon est placé juste au-dessus l’oreille et à cinq centimètres du crâne ».

Olivier Favier, 29 septembre 2014, http://www.bastamag.net/Grande-Guerre-un-tour-du-monde-des

Jacques TARDI, Putain de guerre, 2008

4) Pour quel comportement déviant les soldats sont-ils condamnés ? 5) Pour quelle raison l’armée fusille-t-elle ces soldats ?

Document 2 « Le châtiment est destiné à agir sur les honnêtes gens, non sur les criminels, et nous ne réprouvons pas un acte parce qu'il est criminel, mais il est criminel parce que nous le réprouvons. »

Emile Durkheim, De la Division du travail social, 1893

Quel est le rôle du contrôle social selon Durkheim?

2) Contrôle social formel et informel

Le contrôle social formel s’effectue par le biais de procédures explicites et censées être connues de tous. Exemples : peine de prison à la suite d’un procès, exclusion à la suite d’un conseil de discipline, etc. Le contrôle social informel s’opère au travers de sanctions implicites, notamment au cours d’interactions personnelles. Exemple : geste de réprobation Les sanctions peuvent être positives ou négatives. Sanction positive Sanction négative Contrôle social formel B C A Contrôle social informel E F G Classez les exemples suivants dans le tableau :

h. un criminel a été condamné à mort lors d’un procès aux Etats-Unis. i. un élève a obtenu les encouragements lors du conseil de classe. j. un pompier a été décoré de la Légion d’honneur. k. une femme a eu un accident de voiture à la suite d’une vitesse excessive. l. un professeur félicite un élève qui a un bon comportement en classe. m. un élève fait remarquer à un autre que sa tenue vestimentaire n’est pas soignée. n. une mère donne une fessée à son enfant parce qu’il a eu une mauvaise note.

Pour la D, il ne s’agit pas de contrôle social. Remarque : Les formes acceptables du contrôle social sont elles aussi variables dans le temps et dans l’espace. Ainsi, la peine de mort n’existe pas dans tous les pays et la fessée est interdite dans certains pays.

3) Le contrôle social, objet de débats

c) La vidéosurveillance

Document 1 Si elle n’a pas toujours bonne presse, la présence de dispositifs de vidéosurveillance au sein d’établissements scolaires tend à se banaliser. Plus de la moitié des lycées d’Île-de-France, par exemple, sont dotés d’au moins une caméra. L’ambiance devient-elle pour autant orwellienne dans ces établissements ? Le politiste Tanguy Le Goff a mené l’enquête dans 10 lycées franciliens. Les proviseurs qu’il a interrogés mettent en avant différentes raisons pour expliquer la mise en place de la vidéosurveillance : « pression de la délinquance et des désordres du quartier » (avec également mise en place de barrières et de contrôle de l’accès), défauts de conception des établissements entraînant des difficultés à surveiller certains espaces isolés ou surdimensionnés, et enfin survenue d’un événement traumatisant (agression d’un professeur, par exemple). Dans cette logique, ils affirment que les caméras servent alors d’abord à lutter contre les intrusions dans les établissements, secondairement à empêcher les vols et les cambriolages et, dans un dernier temps seulement, à surveiller les élèves. […] D’une efficacité relative sur les intrusions, faible sur les vols et cambriolages (hormis ceux commis sur les parkings), la vidéosurveillance semble surtout efficace pour maintenir l’ordre scolaire, sous condition d’une véritable mobilisation du personnel : quadrillage de l’établissement, communication auprès des élèves sur le dispositif lui-même, ses usages et ses effets *Tanguy Le Goff, « La vidéosurveillance dans les lycées. De la prévention des intrusions à la régulation des indisciplines », Déviance et Société, vol. XXXIV, n° 3, 2010.

Xavier Molénat, « Lycées : des caméras qui tournent...à vide ? », Sciences humaines, 15 juin 2011

Document 2 Depuis les révélations sur la surveillance des communications téléphoniques et des données personnelles des

internautes par le gouvernement américain, notamment avec le programme Prism, les ventes du roman de référence de George Orwell, 1984, ont augmenté de 6 000 % mardi, rapporte France Info. Le livre est ainsi passé en quelques jours de la 7 636e à la 18e place des meilleures ventes d'Amazon ce mercredi matin, atteignant même la 4e place mardi après-midi, selon NBC News. Le roman de science-fiction, publié en 1949, a fait passer dans le langage courant son célèbre Big Brother, figure de l'Etat totalitaire et du contrôle extrême des libertés et de la vie privée, dont la devise "Big Brother is

watching you" ("Big Brother vous regarde"), écrite à chaque coin de rue, se charge de rappeler l'omniprésence. Cette expression a aussi atteint un pic de recherches sur Google lundi 9 juin, trois jours après le début des révélations sur les programmes de surveillance de la NSA (Agence nationale de la sécurité américaine). Barack Obama a lui-même fait référence au roman vendredi, déclarant devant la presse : "Théoriquement, on peut se plaindre de Big Brother et du fait que ce programme est potentiellement de la folie furieuse, mais, quand vous regardez vraiment dans les détails, je pense qu'on a trouvé le bon équilibre." Même référence chez le journaliste de MSNBC Chris Hayes : "Les enfants vont grandir en sachant que la moindre chose qu'ils font va être enregistrée quelque part dans un fichier. Et je crois que ça va avoir un impact très orwellien et très inhibant sur notre manière de vivre." "Cela va au-delà d'Orwell", a aussi dénoncé Jameel Jaffer, de la grande ONG American Civil Liberty Union.

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr, 12 juin 2013 Document 3 Le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS installé dans le Gard, parle des caméras de vidéosurveillance et de leur impact sur la sécurité. http://www.dailymotion.com/video/xf1jcr_laurent-mucchielli-dans-la-voix-est_news

4) Quel est l’objectif de ces cameras ? 5) Quelles sont les risques de la vidéosurveillance ? 6) Est-ce un moyen efficace d’exercice du contrôle social ?

d) Les contrôles policiers

Document 4- « La tête du client » Les contrôles se feraient à la tête du client, cette idée n’est pas nouvelle. Mais quels sont les critères retenus par les policiers pour cibler une personne plutôt qu’une autre ? Un collectif d’étudiants en sociologie et leur enseignant Nicolas Jounin, de l’université Paris VIII, ont diffusé un questionnaire auprès de 2 363 étudiants d’Île-de-France afin d’analyser leurs expériences du contrôle d’identité. Les résultats de l’étude* tendent à démontrer l’existence d’une « clientèle policière », c’est-à-dire d’une population ciblée par la police. Cette clientèle ne se définit pas par un seul critère mais par un faisceau de suspicions stéréotypées. Un élément peut influer mais c’est souvent l’association des critères qui est déterminante. Pour résumer, l’enquête révèle que vous risquez davantage d’être contrôlé si vous êtes : un homme, non-blanc, au look « banlieusard » type casquette, jogging, capuche (chiffres ci-dessous). Les témoignages rapportent également que les policiers refusent souvent de rendre des comptes aux non-Blancs et se montrent plus facilement agressifs. Parfois, même si le contrôle se termine bien, le contrôlé a néanmoins eu le sentiment d’être un suspect potentiel ou d’avoir été humilié en public. Par ailleurs, le contrôle peut pousser à l’infraction et déboucher sur un « outrage » ou une « rébellion ». Ces réactions renforcent alors la stigmatisation et les discriminations. Un cercle vicieux en somme, symptôme d’un malaise social persistant. *Nicolas Jounin et al., « Le faciès du contrôle. Contrôles d’identité, apparence et modes de vie des étudiant(e)s

en Île-de-France », Déviance et société, vol. XXXIX, n° 1, 2015.

CHIFFRES 60 % des hommes blancs se sont déjà fait contrôler au cours de leur vie contre 31,6 % des femmes blanches. 56 % des non-Blancs se sont fait contrôler plusieurs fois contre 41,4 % des Blancs. 67 % des personnes présentant trois attributs remarquables (casquette, crâne rasé…) ou plus se sont fait contrôler contre 32 % seulement pour ceux ne présentant aucun de ces attributs.

Julia Bihl, « Contrôle au faciès : la tête de l'emploi », Sciences humaines, 10 juin 2015

Document 5 –Anthropologie de la police des quartiers L'anthropologue Didier Fassin* […] a pu suivre le quotidien des équipages de la brigade anticriminalité (BAC). Créée en 1971 pour faire du "flagrant délit", cette police en civil est devenue, depuis les années 1990, l'instrument principal de la "police des quartiers" et le bras armé de la politique sécuritaire qui associe immigration, banlieue et délinquance. […] Loin des clichés, celui-ci est essentiellement marqué par l'inaction et la frustration. "Les policiers, note-t-il, attendent de rares appels qui s'avèrent presque toujours vains, soit parce qu'il s'agit d'erreurs ou de plaisanteries, soit parce que les équipages arrivent trop tard ou font échouer leur affaire par leur maladresse, soit enfin parce qu'il n'y a pas matière à interpellation." L'anthropologue s'attache dès lors à décrire le fonctionnement du groupe des "baqueux", cet "Etat dans l'Etat policier" fonctionnant par cooptation et doté d'une large autonomie par rapport à la hiérarchie policière. Les brigadiers qui le composent, souvent des "immigrés de l'intérieur" - enfants de paysans ou de commerçants des

petites agglomérations -, sont formés dans la crainte de la "jungle" dans laquelle ils sont appelés à travailler, des "zones urbaines sensibles" pour l'essentiel. Ils n'y habitent pas et les insignes brodés sur leurs blousons la représentent comme des alignements de barres d'immeubles saisis dans le viseur d'une arme... […] Puisqu'il faut bien donner un sens à ces inutiles courses-poursuites contre les jeunes des quartiers, aux

interpellations sans gloire d'étrangers et de "shiteux" pour satisfaire le besoin de chiffres de la hiérarchie, les policiers de la BAC se sont bricolé une morale faite avant tout de discriminations raciales, de vengeances organisées et du recours systématique à la violence psychologique contre ceux qu'ils interpellent. Une morale qu'un brigadier résume ainsi face à Didier Fassin : "Y nous aiment pas, les bâtards. Nous on les aime pas non plus." Un jour, un policier confie à Didier Fassin qu'il ne comprend pas pourquoi les jeunes des quartiers se mettent toujours à courir quand ils le voient arriver. Le chercheur, lui, a appris de ces mêmes jeunes la façon dont un corps peut mémoriser les humiliations passées et instinctivement s'en protéger. Aussi a-

t-il la charité de ne pas rétorquer ceci : le fait que le policier, à son tour, se mette à courir, voilà un mystère encore bien plus épais à percer... * Didier Fassin, La force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Seuil, 2011

Gilles Bastin, le Monde des livres, 27 octobre 2011

3) Quels sont les problèmes soulevés par ces deux documents ? 4) Quelles en sont les conséquences en termes de cohésion sociale ?

V. Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?

A) L'affaiblissement des normes et de la cohésion sociale comme origine de la déviance

Document 1 – les émeutes de 2005 Le jeudi 27 octobre 2005, Zyed, Bouna, Muhittin et sept de leurs copains ont passé l’après-midi à jouer au football. Afin d’être chez eux pour la coupure du jeûne du Ramadan, ils quittent le terrain de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) vers 17 heures, et remontent vers Clichy-sous-Bois. Un voisin croit alors voir deux d’entre eux entrer sur un chantier de construction, un troisième « faire le guet », il appelle la police. Moins de dix minutes plus tard, la brigade anticriminalité (BAC) est sur place : un des jeunes est interpellé, les autres détalent, vite rattrapés par d’autres équipes de la BAC appelées en renfort. Mais Zyed, Bouna et Muhittin s’échappent. Ils ont couru plus loin que les autres, escaladé les 3 mètres de l’enceinte d’une centrale EDF et encore le haut mur du transformateur sans se rendre compte du danger. A 18 h 12, un arc électrique se forme entre Zyed, 17 ans et Bouna, 15 ans, les tuant sur le coup. Muhittin, 17 ans, grièvement brûlé, parvient à appeler les secours. Le soir même, Clichy-sous-Bois connaît sa première nuit d’émeutes. Le lendemain, alors que la ville est sous le choc, le premier ministre Dominique de Villepin et le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy insinuent dans leurs premières déclarations que les victimes seraient des cambrioleurs. De l’huile sur le feu, alors que les policiers de la BAC attestent, dès leurs premières dépositions, n’avoir constaté ni vol ni dégradation sur le chantier visité. Dans la soirée, 300 CRS et gendarmes affrontent à Clichy des pluies de pierres et de cocktails Molotov. Sur TF1, le 30 octobre, Nicolas Sarkozy annonce l’ouverture d’une enquête pour faire toute la « vérité » sur « ce drame » tout en affirmant d’emblée que les « policiers ne poursuivaient pas ces jeunes ». Un point de vue que ne partagent pas les familles des victimes qui déposent plainte contre X pour non-assistance à personne en danger : outre les procès-verbaux des policiers qui font état à plusieurs reprises de « course pédestre », des enregistrements suggèrent qu’ils savaient les jeunes en danger de mort et ne sont pas intervenus. Ce même soir, à Clichy, alors que la police affronte des émeutiers, une grenade lacrymogène explose devant l’entrée de la mosquée Bilal où sont réunis les fidèles, provoquant panique et incompréhension. Les émeutes s’étendent en Ile-de-France. […] Une femme est grièvement brûlée dans l’incendie d’un bus à Sevran, un retraité venu éteindre un feu de poubelles est tué d’un violent coup de poing à Stains, des policiers sont filmés molestant un homme à La Courneuve. Plus de 1 400 voitures brûlent dans la nuit du 7 au 8 novembre. A Nantes, Brest, Strasbourg, Saint-Etienne ou Toulouse, on déplore l’incendie d’écoles, de gymnases, de commerces… Nicolas Sarkozy évoque des actions qui n’ont « rien de spontané » et sont « parfaitement organisées » (un rapport des renseignements généraux affirmera le contraire trois semaines plus tard). Le premier ministre décide de frapper un grand coup : il annonce la mise en place de « l’état d’urgence », une loi conçue durant la guerre d’Algérie. Dès le 9 novembre, un couvre-feu peut être instauré partout où les maires l’estiment nécessaire. Le retour à la normale ne sera acté que dix jours plus tard. Quelque 10 000 véhicules

auront été brûlés, 233 bâtiments publics et 74 privés endommagés dans 300 communes. Plus de 4 000 personnes interpellées. En mars 2015, après dix ans de rebondissements judiciaires, deux policiers ont comparu devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne à danger lors de la mort de Zyed et Bouna. Ils ont été définitivement relaxés.

Aline Leclerc, En 2005, trois semaines d’émeutes qui ont ébranlé la France, Le monde, 26 octobre 2015

5) Quelles sont les causes directes des émeutes de Clichy-sous-Bois ? 6) Quelles sont les raisons qui conduisent les émeutiers à transgresser les normes ? 7) Les mécanismes de contrôle social sont-ils efficaces dans cette situation ?

Document 2 – le concept d’anomie Selon Durkheim, les sociétés [modernes] accordent une place plus significative à l’autonomie individuelle. La dimension « individualiste » de la personnalité tend ainsi à se renforcer au détriment du collectif. Cela ne signifie pas que les institutions n’exercent plus aucune contrainte sur les individus mais que leur pouvoir s’affaiblit. Pour Durkheim, le risque de cette poussée d’individuation caractéristique des sociétés modernes est celui d’« anomie ». Il y a situation d’anomie lorsque les normes sociales s’imposent aux individus avec moins d’efficacité. Durkheim parle également de perte de repères. Concrètement, une situation anomique a des effets négatifs sur le corps social, conduisant notamment à une augmentation de phénomènes pathologiques dont le suicide peut être une manifestation.

David Ledent, Émile Durkheim - L'invention du social, Sciences humaines, 28 février 2013

8) Grâce à ce document proposez une explication de certains comportements déviants.

B) Un étiquetage qui enferme les individus dans la déviance

Document 3 - Le processus d'étiquetage Tous les groupes sociaux instituent des normes et s’efforcent de les faire appliquer, au moins à certains moments et dans certaines circonstances. Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportement appropriés à celles-ci : certaines actions sont prescrites (ce qui est “ bien ”), d’autres sont interdites (ce qui est “mal ”). Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu’il soit perçu comme un type particulier d’individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s’accorde le groupe. Cet individu est considéré comme étranger au groupe (outsider). […] Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants. De ce point de vue, la déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l’application, par les autres, de normes et de sanctions à un “ transgresseur ”. Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette.

H. Becker, Outsiders (1963), Éditions A.M. Métailié, 1985. Document 4 – la « carrière déviante » Dans Outsiders, Howard S. Becker analyse les trois étapes de la carrière déviante : la transgression d’une norme ne suffit pas à entrer dans la carrière, encore faut-il attendre le moment de la désignation publique pour savoir si l’individu est prêt à s’engager davantage, puis l’adhésion à un groupe déviant organisé qui permet de justifier son engagement dans la carrière déviante. La notion est également considérée à la fois dans sa dimension objective, comme la situation officielle de l’individu, et dans sa dimension subjective ce qui permet de décrire les changements subjectifs d’un individu (significations intimes, image de soi).

Corinne Rostaing, « Carrières », Les 100 mots de la sociologie, dir. Serge Paugam, PUF, 2010

5) Qu’est-ce qu’un « outsider » dans le premier texte ? 6) Expliquez la phrase soulignée. 7) Selon H. Becker, qu’est-ce qui rend un individu ou un acte déviants ? 8) Quelles sont les étapes de la « carrière déviante » ?

L’étiquetage (assignation de l’identité) est le point de départ d’un processus au terme duquel l’étiqueté va être amené à accepter puis à revendiquer son identité déviante. Ce processus est assimilé par Becker à une «carrière déviante» : le déviant adopte progressivement les normes du groupe auquel le rattache l’étiquette qu’on lui a imposée et se détache par conséquent du reste de la société : c’est le passage d’une identité imposée à une identité revendiquée. On distingue la déviance primaire qui est la transgression d’une norme et la déviance secondaire qui désigne la reconnaissance de cette transgression par la société.

C) La déviance comme moyen de parvenir à des fins

Pour Merton, la déviance correspond à une non-concordance entre les buts valorisés par la société et les possibilités d'accès aux moyens légitimes pour les atteindre. Par exemple, la société américaine valorise l'enrichissement et la réussite individuelle. Le moyen légitime d'y accéder est le travail. Mais dans la réalité, il ne suffit pas de travailler dur pour s'enrichir. Les individus qui n'ont pas les moyens légitimes pour atteindre ce but ont deux possibilité : soit ils renoncent aux buts, soit ils utilisent des moyens illégitimes pour atteindre ces buts et entrent alors dans un comportement déviant. Merton distingue 5 types de comportements individuels : Conformisme : l'individu choisit de se conformer

aux objectifs de la société et qui utilise les moyens usuels pour parvenir à ses fins. Innovation : l'individu poursuit les objectifs reconnus par la société mais utilise d'autres moyens pour les

atteindre que ceux qui ne sont pas conformes aux normes sociales. Ritualisme : l'individu applique aveuglément les règles prescrites par la société sans se soucier de leur

adaptation aux buts poursuivis. Evasion : l'individu se retire de la société dont il refuse les valeurs. Rébellion : l'individu cherche à imposer un nouvel ordre social en rejetant les valeurs en vigueur dans la

société.

1) Parmi ces types de comportements, lesquels sont déviants ? 2) Classez les exemples suivants dans la typologie de Merton :

f) Alain vole un Iphone 6S Gold parce qu’il veut pouvoir le montrer à ses copains. g) Bernard ne sait pas ce qu’est un smartphone et cela ne l’intéresse pas du tout. h) Christian s’achète un Iphone 6S Gold mais il met une coque verte en plastique. i) Daniel fait brûler le magasin Apple pour dénoncer les excès de la consommation. j) Edouard économise pour acheter l’Iphone 6S Gold.

VI. La mesure de la délinquance Article La délinquance est-elle mesurable? Arnaud Parienty, Alternatives Economiques n° 280 - mai 2009 QUESTIONS

6) Qu'est-ce que la délinquance ? 7) Qu'est-ce que le « chiffre noir » de la délinquance ? 8) A l'aide du tableau statistique, montrez qu'une grande partie des faits criminels et délictueux

échappent aux statistiques administratives ? 9) Qu'est-ce qu'une enquête de victimation ? 10) Synthèse : pourquoi la délinquance est-elle difficile à mesurer ?