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Correction Examen de Philosophie 1 er Semestre Commentaire de texte. Texte : Hegel, Esthétique « Introduction » L'opinion la plus courante qu'on se fait de la finalité que se propose l'art est qu'elle consiste à imiter la nature... [...]Cette définition n'assigne à l'art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est un travail superflu, que ce que nous voyons représenté et reproduit sur de tableaux, à la scène où ailleurs: animaux. paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison [...].En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en-deçà de la nature. Car l'art est limité par ses moyens d'expression, et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu'un seul sens. En fait, quand l'art s'en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie. […] On cite aussi des exemples d'illusions parfaites fournies par des reproductions artistiques. Les raisins peints par Zeuxis ont été donnés depuis l'Antiquité comme le triomphe de l'art et comme le triomphe de l'imitation de 1a nature, parce que des pigeons vivants vinrent les picorer. […] Mais dans des cas de ce genre, on devrait au moins comprendre qu'au lieu de louer des œuvres d'art parce que même des pigeons ou des singes s'y sont laissés tromper, il faudrait plutôt blâmer ceux qui croient avoir porté bien haut l'art, alors qu'ils ne savent lui donner comme fin suprême qu'une fin si médiocre. D'une façon générale, il faut dire que l'art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu'il ressemble à un ver qui s'efforce en rampant d'imiter un éléphant. Hegel Esthétique « Introduction », p.13 puf. Commentaire sur les copies : Notes : entre 7/20 et 15/20. 10 copies ont plus de 10/20. Des résultats donc très satisfaisants et je tiens à vous en féliciter ! Un réel travail, d’un grand sérieux a été effectué

Correction Commentaire Semestre 1

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Correction

Examen de Philosophie

1er Semestre

Commentaire de texte.

Texte   : Hegel, Esthétique « Introduction »

L'opinion la plus courante qu'on se fait de la finalité que se propose l'art est qu'elle consiste à imiter la nature... [...]Cette définition n'assigne à l'art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est un travail superflu, que ce que nous voyons représenté et reproduit sur de tableaux, à la scène où ailleurs: animaux. paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison [...].En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en-deçà de la nature. Car l'art est limité par ses moyens d'expression, et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu'un seul sens. En fait, quand l'art s'en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie. […] On cite aussi des exemples d'illusions parfaites fournies par des reproductions artistiques. Les raisins peints par Zeuxis ont été donnés depuis l'Antiquité comme le triomphe de l'art et comme le triomphe de l'imitation de 1a nature, parce que des pigeons vivants vinrent les picorer. […] Mais dans des cas de ce genre, on devrait au moins comprendre qu'au lieu de louer des œuvres d'art parce que même des pigeons ou des singes s'y sont laissés tromper, il faudrait plutôt blâmer ceux qui croient avoir porté bien haut l'art, alors qu'ils ne savent lui donner comme fin suprême qu'une fin si médiocre. D'une façon générale, il faut dire que l'art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu'il ressemble à un ver qui s'efforce en rampant d'imiter un éléphant.

Hegel Esthétique « Introduction », p.13 puf.

Commentaire sur les copies :

Notes : entre 7/20 et 15/20. 10 copies ont plus de 10/20. Des résultats donc très satisfaisants et je tiens à vous en féliciter ! Un réel travail, d’un

grand sérieux a été effectué en amont, et cela se remarque ! Beaucoup de progrès, tant dans la méthode, dans la compréhension et l’analyse philosophique que dans l’expression française !

Remarques générales :

1/ L’enjeu du texte a été dans l’ensemble assez bien compris. Il s’agit bien entendu de la question de l’art, et plus particulièrement de l’art pictural, ainsi que l’auteur l’évoque. Plus précisément il s’agit – vous l’avez tous bien perçu – de la question de la finalité de l’art. Plus précisément ce texte est une réfutation, une critique de l’art imitatif ou représentatif (au sens premier du terme de « re-présentation »). Il fallait bien noter la position de l’auteur et le ton du texte. C'est un texte polémique que l’on peut même trouver assez virulent, notamment sur la fin du texte. Restez toujours sensible à la lettre du texte et non seulement à son contenu.

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2/ La méthode commence à être bien comprise, mais il reste toujours deux éléments à ne pas oublier : a) L’annonce du plan de l’organisation argumentative dans l’introduction (trop d’oubli !!!) b) Les TRANSITIONS !!!!! Faites un bilan à chaque fin de partie de ce qui a été acquis et de ce qui reste à l’auteur à démontrer.

3/ Restez-en bien au texte. Même si vos remarques sont parfois pertinentes et vos exemples bien illustratifs du propos du texte, il s’agit surtout et seulement d’expliquer ce texte-là !!! Donc n’évoquez ni la danse, ni le théâtre, ni la photographie !! Hegel prend ici très explicitement l’exemple de la peinture, développez le ! Expliquez pourquoi cet exemple etc.

4/ Il faut bien entendu éviter la paraphrase, et pour beaucoup d’entre vous, vous y parvenez de mieux en mieux ! Vous avez tous fait d’indéniables progrès. Néanmoins, il ne faut pas non plus trop s’éloigner du texte. Soyez attentifs, ou du moins plus attentifs à la lettre du texte, à la manière dont l’auteur s’exprime. Trop souvent vous passez à côté d’une expression essentielle, ou alors vous l’évoquez, la recopiez sans l’expliciter. C'est le cas notamment pour le terme « présomptueux », l’expression « caricature de la vie » et surtout, de façon assez surprenante pour la comparaison finale du ver et de l’éléphant !!!! Seulement deux ou trois d’entre vous ont relevé cette expression pourtant virulente et qui sert de conclusion !!! Et dire que le ver représente l’art et l’éléphant la nature ne suffit pas !!!

Correction :

(Introduction)1

[Présentation du texte] Dans ce passage extrait de l’introduction de l’Esthétique,

Hegel s’attache à étudier la question de la finalité de l’art, comprise en tant qu’activité

créatrice de l’homme. Hegel semble opposer deux finalités à l’art, une finalité formelle de

représentation, qui serait donc un travail de reproduction des formes et des couleurs qui se

donnent à voir dans la réalité matérielle, et une finalité supérieure qui doit détacher l’art de sa

stricte tendance imitative et qui serait plus véritablement un travail de création. Ainsi, dans ce

moment de son étude, il s’oppose de façon virulente et polémique à l’idée la plus répandue sur

la finalité de l’art, à savoir celle d’une finalité reproductrice et imitative de la nature crée et

déjà donnée. Il semble ainsi émettre un jugement sévère contre l’art, qui n’est cependant pas

une condamnation de l’art en tant que tel, mais bien d’un certain type d’art : l’art imitatif.

[Problématique du texte] Il s’agit alors pour Hegel de chercher à démontrer que

donner comme but ultime à l’art, cette activité créatrice propre à l’homme, l’imitation des

formes déjà données dans la nature est une mécompréhension de la nature de l’art et donc une

réduction de son but et de sa valeur propre. 1 Ces éléments en italique et entre parenthèses sont des indications formelles qui ne doivent pas apparaître

dans vos devoirs. Ce ne sont que des repères pour vous indiquer ma démarche dans cette correction.

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[Annonce du plan] Dans un premier temps, Hegel s’attache à mettre au jour l’inanité

des œuvres imitatives, et critique ainsi l’assignation d’un but formel à l’art. Par la suite, il

s’attache davantage à l’acte de création lui-même, afin de mettre en évidence l’impossibilité

de rivaliser avec l’acte créateur de la Nature, ce qui démontre soit l’inutilité de l’activité

artistique elle-même, soit une erreur sur la finalité que l’on a pu lui donner. Enfin, il en vient à

remettre en cause la valeur elle-même des chefs-d’œuvre de l’art imitatif, à travers une

analyse critique de la légende de la peinture de Zeuxis.

(1ère Partie)

[Présentation de la thèse de la 1ère partie] Dans un premier moment du texte, Hegel

présente la thèse la plus courante sur la finalité de l’art et réfute tout d’abord celle-ci à travers

une critique des œuvres s’efforçant de représenter la nature.

[Commentaire de la 1ère partie : de « L’opinion la plus courante » à « dans notre

maison »] Hegel s’attache dans ce texte à la question de la finalité de l’art et cherche donc à

déterminer quel est le but ultime de l’art, compris en tant qu’activité créatrice de l’homme, un

être doué de raison. Pour cela, il évoque dans un premier moment de ce texte la thèse la plus

généralement admise, qui est celle selon laquelle l’art doit imiter le plus parfaitement possible

la nature, ou plus précisément les objets crées par la nature. Il s’agit donc pour l’art de re-

produire ce que la nature a, elle, crée. L’artiste en ce cas ne doit se faire créateur et inventeur

qu’en ce qui concerne les moyens de rendre compte fidèlement des objets donnés dans la

réalité extérieure, dans l’invention de techniques qui permettraient de donner un effet de réel.

L’imitation de la nature, qui est selon Hegel, l’idée que l’opinion commune se fait de l’art, qui

est en effet le standard de l’art classique, est présentée tout d’abord comme une imitation des

« formes », de ce que l’on voit. L’artiste doit s’efforcer de reproduire, avec réalisme,

strictement ce qui lui est donné à voir, en rapportant les formes et les couleurs, dans le cas de

la peinture par exemple. C'est pourquoi, selon Hegel, cette finalité de l’art est une finalité

toute formelle. Cela est particulièrement remarquable dans le cas paradigmatique de la

peinture qui sert de fil conducteur à la critique de l’art imitatif pour Hegel. En effet, la

peinture re-présente dans une image plane ce que la nature a créé. En ce sens, la critique de ce

but formel de représentation et d’imitation, se fonde sur l’idée que les œuvres ainsi produites

ne font que redoubler ce qui est déjà donné. Les productions artistiques (que l’on ne saurait

considérer alors comme des créations) sont « superflues » c'est-à-dire qu’elles ne sont qu’un

surajout dont la réalité naturelle n’a aucunement besoin. L’art ainsi considéré n’ajoute rien et

ne répondrait à aucun besoin. Il ne serait qu’un « jeu », c'est-à-dire une activité tout au plus

Page 4: Correction Commentaire Semestre 1

ludique mais sans valeur et sans nécessité. Assigner à l’art ce but formel d’imitation des

œuvres de la Nature c'est le condamner à ne représenter qu’un « travail superflu » c'est-à-dire

une activité productrice non nécessaire, voire embarrassante, encombrante car il ne donne

naissance qu’à des doubles de ce qui existe déjà et qui existe réellement. L’art ainsi compris

encombre la réalité de re-productions, d’images planes de ce qu’elle est. C'est donc ici

l’inanité des œuvres reproductrices qui est ainsi mise en avant ; en tant qu’elles redonnent à

voir ce qui est déjà donné à voir, et plus précisément ce que l’on peut voir réellement

facilement. En effet, Hegel évoque des exemples de reproductions d’objets et de scènes

quotidiennes et surtout ordinaires, donc accessibles à tous et fréquemment. En ce cas l’activité

artistique semble redondante et vide de sens.

[Transition !!] Hegel élabore dans ce texte une critique de l’art, ou plus précisément de

l’art imitatif, qui s’assigne comme tâche ultime la reproduction formelle et fidèle de la réalité

naturelle. L’art ainsi conçu ne produit que des doubles inutiles dénués d’intérêt. Il réfute ainsi

l’opinion commune, ou la conception classique de l’art selon laquelle l’artiste doit imiter la

nature. Dans un premier temps Hegel a réfuté cette thèse du point de vue des produits de

l’activité artistique, c'est-à-dire des œuvres ainsi produites, en mettant en avant leur inanité. Il

s’agit maintenant pour lui de réfuter cette finalité assignée à l’art non plus en considération

des œuvres, mais de l’activité de production elle-même

[Deuxième partie]

[Présentation de la deuxième partie] Non seulement imiter la nature n’a pas d’intérêt

au sens où les œuvres qui résultent d’une telle activité ne sont que des doubles de ce que la

nature a déjà donnée, mais cela semble aussi être une entreprise ou bien vaine ou bien

« présomptueuse » selon Hegel. Hegel réfute ainsi à nouveau la thèse de la finalité imitative

de l’art, en critiquant non plus seulement les œuvres, mais l’activité artistique imitative elle-

même.

Si l’Artiste doit être créateur, cela ne saurait être au même sens, ni de la même

manière que la nature. Imiter la nature, assigner à l’art la finalité d’imiter l’acte créateur de la

nature semble pour Hegel « présomptueux ». En effet, l’artiste ne saurait être considéré

comme un créateur en reproduisant sur une surface plane ce que la nature, elle, a créé. Il n’est

dans ce cas qu’un reproducteur, un producteur d’images, de doubles. Il ne crée rien, il recopie.

Se considérer comme l’égal de la Nature dans ce cas est fautif, exagéré. L’artiste, selon ce but

formel de l’art, reproduit alors que la Nature crée les objets. L’artiste qui se considère dans ce

cas-là comme créateur, est donc bien prétentieux ! Concurrencer la nature sur son domaine

Page 5: Correction Commentaire Semestre 1

n’a pas de sens. Une telle finalité imitative, qui vise à reproduire le plus fidèlement possible

ce que la nature a créé est donc une entreprise par trop ambitieuse et qui plus est vaine et

perdue d’avance. En effet, ainsi que le souligne encore Hegel, les reproductions de la nature

sont nécessairement de moindre qualité. L’art n’ayant pas les moyens de la nature, il peut

inventer des moyens de compenser certains aspects, telle que la perspective, les jeux d’ombres

ou autre subterfuge, mais il ne reproduira pas l’objet créé, il ne reproduira qu’une image

partielle de cet objet dans sa structure et forme générale. En ce sens, l’art imitatif est voué à

l’échec du but qu’il s’assigne. Il ne peut re-créer car son acte n’est pas créateur au même sens

que la nature et il ne peut donc que produire des images déficientes de ce qui existe dans la

nature, des « illusions partielles ». En effet, l’art imitatif reproduit des formes de la réalité qui

permettent de reconnaître l’objet représenté, mais que l’on ne saurait prendre pour l’objet réel.

Il lui manquera toujours justement une certaine réalité, qui se manifeste selon le texte par une

complétude sensorielle. La reproduction artistique est limitée par ses moyens, et ne reproduira

donc pas l’objet dans sa pleine complexité, mais seulement un aspect de l’objet. C'est

pourquoi l’art imitatif ne trompe pas, ou il « ne trompe qu’un seul sens », car l’objet d’art ne

touche qu’un seul type de sensation quand l’objet réel est perceptible par différents sens. Cela

est particulièrement manifeste en peinture, exemple paradigmatique de l’art, ici pris comme

fil conducteur de la réflexion de l’auteur, puisque l’objet reproduit est seulement accessible à

la vue, dans ce cas précis. Qui plus est, il n’est pas en réel relief. On remarque alors une nette

déficience par rapport à l’objet existant à l’extérieur. La représentation d’une orange n’est que

la reproduction de l’image de l’orange, de sa forme sphérique et de sa couleur. La peinture ne

saurait concurrencer l’orange réelle, rugueuse, juteuse, sucrée et odorante. L’objet réel est

saisissable par les différents sens, quand l’art ne rendrait cet objet accessible qu’au travers des

caractéristiques ne touchant qu’un seul sens. L’artiste pour bien re-présenter la nature doit

donc reproduire non pas l’objet dans sa totalité – ce qui lui est impossible – mais les

caractéristiques essentielles de l’objet permettant son identification par le spectateur. En ce

sens, ce n’est bel et bien pas la vie qu’il reproduit, mais un double grossier de la réalité, une

« caricature de la vie ». Ainsi, alors que l’artiste pense être en mesure de donner une image

fidèle de la vie, Hegel remarque que ne pouvant rendre compte, du fait des limites

intrinsèques des moyens de production de l’art, que d’une partie caractéristique de cette vie, la

peinture est comparable à une caricature laquelle a pour fin de reproduire en mettant en avant

– souvent à des fins humoristiques – les traits saillants d’un objet ou d’une personne,

permettant ainsi la reconnaissance malgré l’essentielle déformation. Par ce terme, Hegel

décrédibilise le sérieux de la finalité imitative de l’art, en la mettant en lien avec un jeu

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intentionnel de déformation telle qu’elle est menée dans la caricature. Ils ont en effet en

commun le principe de représentation, la ressemblance partielle avec le modèle, et la

nécessaire déformation de la réalité, à cette différence que l’art imitatif ne semble pas avoir

conscience de ce que la caricature a le mérite de faire volontairement. Loin de reproduire la

vie, d’imiter l’acte créateur de la nature, l’art qui se veut imitatif ne peut au mieux que donner

un semblant de réalité. Cette entreprise apparaît ainsi selon Hegel comme ridicule au sens où

elle est vouée d’avance à l’échec dans sa réalisation et du fait de moindre valeur des

productions.

[Transition] Hegel réfute ainsi au travers d’une critique acerbe l’idée d’une finalité

toute formelle de l’art voué à tenter d’imiter la nature tant dans la reproduction de ses œuvres

que dans son acte créateur. Il refuse tout statut sérieux à un tel art, ne voyant en lui qu’une

activité secondaire tout au plus ludique, un « jeu », une « caricature » qui a l’audace de se

prendre au sérieux, perdant par là même les qualités inhérentes au jeu ou à la caricature elle-

même. Ainsi, après avoir mis en avant l’inanité et l’impossibilité d’une telle finalité pour l’art,

Hegel, au travers de l’exemple de la peinture imitative de Zeuxis, porte une attention

axiologiquement marquée à ces œuvres qui sont censées avoir représentée le triomphe de

l’art.

[Troisième partie]

Après avoir démontré qu’une telle finalité est impossible et présomptueuse, Hegel

entend finaliser sa critique de l’art imitatif en lui refusant toute valeur et en condamnant ceux

qui lui assigne un tel but. Pour cela, il analyse la légende de l’œuvre de Zeuxis, qui représente

traditionnellement le triomphe de l’art.

L’art imitatif, en ce qu’il ne tromperait qu’un seul sens ne produit selon Hegel que des

« illusions partielles » comme on n’a pu le remarquer. Cependant, Hegel évoque ici une

légende relatant une peinture d’une force imitative supérieure, qui représenterait la réalisation

parfaite de ce but, et donc le triomphe de l’art. L’art aurait atteint sa perfection dans la

représentation picturale des raisins de Zeuxis, perçue comme un cas « d’illusions parfaites ».

L’on retrouve dans cet exemple, l’idée de représentation des éléments naturels ordinaires, en

ce qu’il s’agit d’une peinture du type de la Nature-morte. Zeuxis aurait, selon la légende,

réussi à produire une imitation picturale qui semble au plus près de la re-production de ce qui

est. Il a produit de ses mains d’artiste comme un double parfait des raisins que la nature a

créés. La preuve de la perfection de la reproduction étant l’effet produit sur les animaux. Cette

représentation a pu tromper les pigeons. Hegel, loin de considérer cette méprise des oiseaux

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comme une preuve de la valeur du tableau, comme cela a été le cas, en fait au contraire

l’illustration même de sa critique de l’œuvre imitative. En effet, il remarque d’une part que

l’illusion ne touche tout d’abord que des animaux, donc des êtres dénués de raison. En ce sens

il n’y a pas de gloire selon Hegel pour un homme de tromper un animal. D’autre part, l’on

peut remarquer que cet exemple, « d’illusions parfaites » n’est en fait rien de moins au

contraire que l’exemple par excellence de ce qu’il appelait « l’illusion partielle », car les

raisins de Zeuxis n’ont pu être pris pour de réels raisins, si ce n’est par la vue. Un seul sens a

bien été trompé, et les raisins de Zeuxis ne rentrent en aucune façon en concurrence avec les

raisins réels que l’on peut effectivement manger. De cette façon, Hegel détourne la légende de

la peinture de Zeuxis, traditionnellement admirée et considérée comme le triomphe de l’art, en

la présentant comme l’illustration même de sa critique de la finalité formelle de l’art imitatif,

inversant ainsi le jugement axiologique sur cette œuvre. Cette œuvre, loin d’être digne

d’admiration, est selon Hegel médiocre. Non pas dans sa réalisation, en ce qu’effectivement

elle représente bien la réalisation la plus parfaite de la finalité imitative, mais en ce qu’elle est

considérée comme le triomphe de l’art lui-même. A travers cette analyse de l’œuvre de

Zeuxis, ce n’est donc pas la peinture de l’artiste lui-même que critique Hegel, mais le projet

qui animait son auteur, la finalité donnée à l’art et la réaction des spectateurs. Hegel ne

condamne pas l’art en général et ne blâme pas les œuvres imitatives, qui ne sont pas

considérées selon un jugement axiologique, mais seulement perçues comme inutiles au début

du passage, il blâme les artistes, les spectateurs, c'est-à-dire les hommes qui pensent,

apprécient et font l’art. Ceux sont eux qui se méprennent et donc qu’il faut « blâmer ». Hegel

détoure ainsi le jugement esthétique en un jugement de valeur qui ne va pas aux œuvres, mais

aux hommes qui pensent et font l’art. Il s’agit en effet dans ce texte, non pas de la question du

jugement esthétique et de l’appréciation possible des imitations, mais bien de la finalité de

l’art, et plus précisément de la finalité que l’on doit assigner à l’art. A l’issue de ce texte,

Hegel n’a pas donc pas précisé quel était cette « fin suprême » de l’art en tant que telle, mais

il a écarté de façon radicale et définitive une finalité possible, celle de redonner à voir la

nature. Pour entériner son jugement et sa réfutation il a alors recourt à une comparaison

virulente, du ver et de l’éléphant. L’art imitatif, comme le ver de terre est insignifiant en

comparaison à la nature créatrice comparée à un éléphant, soit un animal incomparablement

plus imposant. L’art quand il se fait imitatif est donc comparable à un petit animal, vil

ordinaire, qui attire une certaine aversion et considéré comme un nuisible. L’on remarque

néanmoins que l’art imitatif et la nature sont tous deux comparés à des animaux. Ils auraient

donc une essence commune, ils ont un certain lien. Tous deux en effet sont en un certain sens

Page 8: Correction Commentaire Semestre 1

créateur. Mais quand l’art n’est qu’imitation, il est un incommensurablement moindre que la

nature, ce qui rend son acte dérisoire et méprisable en comparaison à celui de la nature. L’art

pour regagner de la valeur doit donc cesser de vouloir entrer en compétition avec la Nature,

avec la Nature comme point de repère et référence et devenir lui-même, créateur et non plus

reproducteur. Alors il réalisera son essence, sera digne d’un acte humain et sera comparable à

l’acte de la nature.

[Conclusion]

De cette manière Hegel développe dans cet extrait une critique virulente à l’encontre

de l’art imitatif, en fondant sa critique tout d’abord sur une analyse des œuvres produites par

un tel art permettant de mettre au jour leur inanité, puis sur l’acte créateur lui-même pour

enfin condamner définitivement non plus les œuvres ou l’activité artistique elle-même, mais

les artistes et les spectateurs qui se méprennent sur les finalités de l’art. Il s’oppose ainsi non

pas à l’art en lui-même mais à une certaine finalité de l’art, une finalité formelle et imitative.

Cette réfutation de l’esthétique classique lui permettra alors d’évoquer ce qu’il entend par

« fin suprême » de l’art, la vraie finalité de cette activité créatrice de l’homme, où l’art ne sera

plus un acte de servile reproduction, mais un réel acte de création porteur de la raison

humaine.