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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 CAPITOLE ANNÉE UNIVERSITAIRE 2009-2010 SEMESTRE 4 – Session 1 LICENCE EN DROIT – 2 ème NIVEAU GROUPE DE COURS N° II DROIT ADMINISTRATIF (Cours de M. COULIBALY) Examen (Mardi 4 mai 2010 – 13 h 30 - 16 h 30) Cas pratique : Corrigé

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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 CAPITOLE ANNÉE UNIVERSITAIRE 2009-2010

SEMESTRE 4 – Session 1

LICENCE EN DROIT – 2ème NIVEAU GROUPE DE COURS N° II

DROIT ADMINISTRATIF (Cours de M. COULIBALY)

Examen

(Mardi 4 mai 2010 – 13 h 30 - 16 h 30)

Cas pratique : Corrigé

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M. Jules Borgia, le maire de Trantor-sur-Ciel, la ville fondée par Asimov le Grand, est l’antithèse de tous les hommes politiques accomplis, en devenir ou à naître. Il ne reconnaît, ne salarie ni ne subven-tionne qu’un seul culte, celui de son auguste personne. Candidat, il maniait à merveille la double né-gation : « Moi, je ne dis pas ce que je ne ferai pas, et je ne ferai pas ce que je n’aurai pas dit. » Elu, il fait implanter, le 9 décembre 2005, au cœur de Trantor, un monumental panneau lumineux destiné à rappeler ses promesses d’inaction et de silence. Terrible erreur, comme en font foi certains faits per-tinents survenus dans des circonstances plutôt ordinaires.

« Moi, je ne subventionne pas le football. » L’effet est direct sur l’unique ouvrage public de la ville dédié au sport. Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de la tribune du stade municipal s’effondre, faute d’avoir été restauré dans les coûteuses règles de l’art. Deux personnes en reçoivent chacune un gros morceau sur la tête : d’une part, un spectateur, Léo Laeken, et, d’autre part, Mi-chèle Turino, une passante qui promenait son chien rue Van Damme.

« Je ne salarie pas la fainéantise, moi. » Causalité encore. Xavier Ignaux avait été recruté, pour un mois, par la commune de Trantor en qualité d’agent d’entretien. A la fin du mois, le maire a décidé, par un arrêté en date du 16 avril 2009, de lui verser 642 euros en rémunération du travail accompli. Plus d’un an après, à l’heure même où vous lisez ces lignes, le maire signe, dans le respect des règles de forme et de procédure, un nouvel arrêté par lequel il rapporte l’arrêté du 16 avril 2009 et exige de Xavier Ignaux le remboursement de la somme qui lui a été versée. Motif : l’arrêté du 16 avril 2009 est illégal, car, en réalité, Xavier Ignaux n’a pas effectué le travail pour lequel il avait été engagé. Entre nous, ces deux dernières affirmations, ainsi que les précédentes, sont incontestables, mais là n’est pas la question, comme vous ne tarderez pas à le découvrir.

« Je ne reconnais pas la prééminence d’une consultation sur une élection. » Causalité toujours. Dans la deuxième quinzaine du mois de février 2010, le maire est saisi d’une demande d’autorisation de travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques. Convaincu sans doute que le code de l’urbanisme l’y oblige, quelle que soit la décision qu’il envisage de prendre au sujet de cette de-mande, le maire consulte le préfet. En attendant que ce dernier se prononce, le maire clame urbi et orbi qu’il fera peu de cas de l’avis que donnera le préfet : « Si l’avis est défavorable, j’aurai quand même le droit d’accorder l’autorisation demandée ; si l’avis est favorable, je serai en droit de refuser de délivrer l’autorisation. »

Les questions qui suivent se composent chacune de deux interrogations, et renvoient à différentes parties du cours que vous seriez très mal inspiré(e) de vouloir exposer intégralement – le temps est précieux. En fait, l’auteur du cas pratique vous convie à donner des réponses précises et fondées sur des règles qui soient en rapport direct avec ses questions.

1 – Les deux victimes de l’effondrement du toit de la tribune du stade municipal ont subi de sérieux préjudices corporels ; elles ont décidé, séparément, de saisir le tribunal administratif. Leurs recours respectifs dirigés contre la commune relèvent-ils du même système de responsabilité ? Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

2 – Ainsi donc, le maire de Trantor s’apprête à retirer son arrêté du 16 avril 2009. Ce retrait vous paraît-il légal ? Interrogation indépendante de la précédente : de quelles règles de forme et de procé-dure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

3 – Le maire de Trantor a-t-il raison de soutenir, d’une part, qu’il a le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable, et, d’autre part, qu’il est en droit de refu-ser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?»

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Nota bene : Aucun document n’est autorisé. Le candidat choisit librement l’ordre de ses réponses. Total des points : 20. La répartition est la suivante :

- question n°1 : 7 points - question n°2 : 7 points - question n°3 : 6 points.

***

ANNEXES Code de l’urbanisme

Article L472-2

[Résumé de toutes les dispositions pertinentes de l’article]

L'autorisation d'exécuter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques ne peut être délivrée par le maire qu’à la suite d’un avis favorable du préfet.

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Corrigé didactique du cas pratique N.B. : Ce corrigé a une visée essentiellement didactique. En d’autres termes, l’auteur du

cas pratique ne s’attendait absolument pas à ce que le candidat rende une copie conforme à ce corri-gé. Ce qui compte, c’est le respect des grandes lignes de la démarche.

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] : sans conséquence sur la note

Réponses effectives aux questions posées : elles doivent conclure une démonstration conformément aux directives du bréviaire.

Code du plan hiérarchique suivi dans ce corrigé :

le premier chiffre désigne la question, le second, l’interrogation, le troisième un numéro d’ordre.

Exemple : 2.1.5

2 = deuxième question du cas pratique 1 = première interrogation de cette deuxième question (2) du cas pratique 5 = cinquième étape (ou subdivision) de la réponse à la première interrogation (1)

de la deuxième question (2) du cas pratique.

Avantage : A tout moment, le lecteur saura à quelle question et à quelle interrogation se rapporte la partie ou la sous-partie qu’il a sous les yeux.

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Sommaire (interactif à l’écran)

1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique ........................................................ 6 Les deux victimes de l’effondrement du toit de la tribune du stade municipal ont subi de sérieux préjudices corporels ; ils ont décidé, séparément, de saisir le tribunal administratif. Leurs recours respectifs dirigés contre la commune relèvent-ils du même système de responsabilité ? Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ? ...... 6

Résumé des réponses .............................................................................................................. 6 Versions développées des réponses ......................................................................................... 9

1.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique : .............................. 10 1.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique : .............................. 15 1.3 Réponse à l’interrogation n°3 de la question n°1 du cas pratique : .............................. 20

2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique ...................................................... 23 Ainsi donc, le maire de Trantor s’apprête à retirer son arrêté du 16 avril 2009. Ce retrait vous paraît-il légal ? Interrogation indépendante de la précédente : de quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?.................................................... 23

Résumé des réponses ............................................................................................................ 23 Versions développées des réponses ....................................................................................... 25

2.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique ................................ 26 2.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique ................................ 31

3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique ...................................................... 34 Le maire de Trantor a-t-il raison de soutenir, d’une part, qu’il a le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable, et, d’autre part, qu’il est en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ? ................................ 34

Résumé des réponses ............................................................................................................ 34 Versions développées des réponses ....................................................................................... 35

3.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique ................................ 36 3.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique ................................ 38

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1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique

Les deux victimes de l’effondrement du toit de la tribune du stade municipal ont

subi de sérieux préjudices corporels ; ils ont décidé, séparément, de saisir le tribunal administratif. Leurs recours respectifs dirigés contre la commune relèvent-ils du même système de responsabilité ? Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

Nous exposerons successivement deux versions des mêmes réponses :

a. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner à la question ou à l’interrogation ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pressé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

b. une version « analytique », autrement dit une réponse développée correspon-dant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait formuler une réponse (raisonnablement) développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé des réponses À y réfléchir un peu, force est de concéder que cette question n°1 du cas pratique comporte en fait trois interrogations :

1.1 Interrogation n°1 : De quel système de responsabilité le recours du spectateur, Léo Laeken, relève-t-il ?

1.2 Interrogation n°2 : De quel système de responsabilité le recours de la passante, Michèle Turino, relève-t-il ?

1.3 Interrogation n°3 : Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

Voici le résumé des réponses :

1.1 Interrogation n°1 : De quel système de responsabilité le recours du spectateur, Léo Lae-ken, relève-t-il ?

Le recours du spectateur, Léo Laeken, relève du système de la responsabilité pour faute présumée, à savoir le défaut d’entretien normal d’un ouvrage public. Voici les motifs qui conduisent à cette réponse :

1.1.1 Le stade municipal de Trantor-sur-Ciel est un ouvrage public. À preuve, Dans le cas pratique, il est explicitement qualifié d’ouvrage public. Données pertinentes du cas pratique : « L’effet est direct sur l’unique ou-vrage public de la ville dédié au sport. Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de la tribune du stade municipal s’effondre […] » De surcroît, cette qualification, que nous sommes incité à tenir pour exacte, est en harmonie avec le cours (commentaires et jurisprudence).

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Cours, Le principe de la responsabilité de l’administration, page 58 : « Qu’est-ce qu’un ouvrage public ? Réponse : CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575 : "Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un bien à l’égard de l’usager qui a été victime d’un dommage imputé à ce bien n’est engagée de plein droit pour défaut d’entretien normal, sans que l’intéressé ait à établir l’existence d’une faute à la charge de cette personne publique, qu’à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage public ; […]" Exemples d’ouvrages publics : route, trottoir, pont, amphithéâtre d’université, point d’apport volontaire aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ména-gères, stade municipal (CE, 15 février 1989, Dechaume, n° 48447), etc. »

1.1.2 Léo Laeken était spectateur au stade municipal ; il avait donc la qualité d’usager de cet ouvrage public lorsqu’il a subi un dommage du fait de l’effondrement du toit.

1.1.3 Le dommage subi par Léo Laeken est un dommage de travaux publics. Cours, Le principe de la responsabilité de l’administration, page 42 : « L’expression [« dommages de travaux publics »] désigne aussi bien les dommages causés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui sont dus à l’existence même de l’ouvrage construit. »

1.1.4 En cas de dommage de travaux publics subi par l’usager d’un ouvrage public, la responsabilité encourue par le défendeur (propriétaire ou simplement responsable de l’état de l’ouvrage), est une responsabilité pour faute présumée, à savoir le dé-faut d’entretien normal de l’ouvrage public considéré. Notons, au passage, que l’effondrement du toit s’étant produit « à la surprise géné-rale », le stade municipal n’était pas « exceptionnellement dangereux », ce qui ex-clut la possibilité de retenir la responsabilité sans faute au bénéfice de l’usager. Quant au défaut d’entretien normal, il peut se déduire non seulement de l’effondrement du toit, mais aussi de certains autres indices.

Données pertinentes du cas pratique : « "Moi, je ne subventionne pas le foot-ball." L’effet est direct sur l’unique ouvrage public de la ville dédié au sport. […] le toit de la tribune du stade municipal s’effondre, faute d’avoir été restauré dans les coûteuses règles de l’art. »

1.1.5 En conséquence, le juge saisi va renverser la charge de la preuve et présumer que le dommage subi par Léo Laeken est dû au mauvais entretien du stade municipal par la commune de Trantor. Il appartiendra à cette dernière de prouver qu’elle a entretenu normalement son ouvrage public.

1.1.6 Le recours de Léo Laeken relève donc bien du système de la responsabilité pour faute présumée (défaut d’entretien normal d’un ouvrage public).

***

1.2 Interrogation n°2 : De quel système de responsabilité le recours de la passante, Michèle Turino, relève-t-il ?

Le recours de la passante, Michèle Turino, relève du système de la responsabilité sans faute fondée sur le risque. Voici les prémisses qui imposent cette conclusion :

1.2.1 Le stade municipal de Trantor-sur-Ciel est un ouvrage public – cf. réponse à l’interrogation précédente.

1.2.2 Michèle Turino, qui ne se trouvait pas dans le stade municipal, ne l’utilisait à au-cun titre (spectatrice, joueuse, arbitre, camerawoman, etc.).

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Données pertinentes du cas pratique : « Michèle Turino, une passante qui promenait son chien rue Van Damme. »

Bien sûr, une imagination débridée pourrait conduire à penser que la rue Van Damme traverse le stade, mais ce serait un singulier défi au bon sens malgré l’existence de complexes sportifs sillonnés d’allées bien achalandées.

1.2.3 En fait, Michèle Turino avait la qualité de tiers par rapport à l’ouvrage public lorsqu’elle a subi un dommage du fait de l’effondrement du toit.

1.2.4 Le dommage subi par Michèle Turino est un dommage de travaux publics. 1.2.5 En cas de dommage de travaux publics subi par un tiers à un ouvrage, la respon-

sabilité encourue par le défendeur (propriétaire ou simplement responsable de l’état de l’ouvrage), est une responsabilité sans faute fondée sur le risque (même si l’ouvrage public n’est pas exceptionnellement dangereux). Autrement dit, la res-ponsabilité de la commune de Trantor peut être retenue sans qu’il soit besoin d’établir qu’elle a ou non commis une faute.

1.2.6 Le recours de Michèle Turino relève donc de la responsabilité sans faute fondée sur le risque.

***

1.3 Interrogation n°3 : Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

Si nous étions l’avocat de la commune, c’est le recours de la passante, Michèle Turino, que nous redouterions le plus, et ce, sur le fondement du raisonnement suivant :

1.3.1 Dans l’absolu une personne contre laquelle un recours X et un recours Y ont été formés peut redouter, par exemple, le recours X plus que le recours Y pour des raisons qu’une imagination fertile déclinera facilement à l’infini : La gravité du préjudice. o Le dommage dont le recours X tend à faire assurer la réparation est plus

grave que celui qui justifie le recours Y ; donc le recours X aboutira peut-être à une condamnation plus lourde du défendeur. o Variante : le recours X met en exergue une multiplicité de dommages,

contrairement au recours Y, ce qui augure d’une longue procédure se concluant certainement par une condamnation plus lourde, etc.

Les moyens de défense. o Recevabilité : les chances sont plus grandes de voir le tribunal adminis-

tratif reconnaître l’irrecevabilité du recours Y. o Bien-fondé : les chances sont plus grandes de voir le tribunal adminis-

tratif juger que les conditions de l’engagement de la responsabilité du défendeur ne sont pas réunies dans l’instance introduite par le recours Y ; ou encore, le défendeur peut (utilement) invoquer plus de causes exonératoires à l’occasion du recours Y, etc.

1.3.2 En l’espèce, seules deux de ces raisons de redouter plus ou moins un recours trouvent un appui dans les données du cas pratique : o la première concerne directement les causes exonératoires, o la seconde raison a trait au caractère fautif du fait générateur et ren-

voie, pour ainsi dire indirectement aux causes exonératoires. Cela dit, l’examen que nous pouvons faire de l’une et l’autre raison sera pure-ment théorique, faute de données plus précises fournies dans le cas pratique. À question de principe, réponse de principe.

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1.3.3 Le recours de Léo Laeken se situera sur le terrain de la responsabilité pour faute présumée, le recours de Michèle Turino sur celui de la responsabilité sans faute.

1.3.4 Raison tirée de la disparité des causes exonératoires. Pour se défendre dans l’instance engagée par Léo Laeken, la commune sera recevable à invoquer, comme dans tous les cas de responsabilité pour faute présumée, trois causes exonératoires : la force majeure, la faute de la victime et le cas fortuit.

1.3.5 Pour contrer Michèle Turino, la commune ne pourra invoquer, comme dans tous les cas de responsabilité sans faute, que deux causes exonératoires : la force majeure et la faute de la victime.

1.3.6 Le nombre de causes exonératoires invocables étant moindre dans l’instance engagée par la passante, il est logique que l’avocat de la commune croie devoir redouter plus le recours de Michèle Turino.

1.3.7 Ainsi que nous l’avons annoncé, ce raisonnement est purement théorique. En effet, il se pourrait que, concrètement, certains faits militent plus en faveur des causes exonératoires dans une espèce, abstraction faite du nombre de ces causes exonératoires. Mais il s’agit là de faits dont le cas pratique ne rend pas compte. Force est donc de s’en tenir, comme nous, à un raisonnement de principe.

1.3.8 Raison tirée du caractère fautif du fait générateur. Dans l’instance engagée par Léo Laeken, la commune pourra utilement prouver qu’elle n’a pas commis la faute présumée sur laquelle le recours du demandeur est fondé, qu’elle a en-tretenu normalement le stade municipal (tribune comprise). Il sera certes diffi-cile, mais pas impossible, d’apporter cette preuve, et donc d’échapper ainsi à une condamnation. En revanche, dans l’instance introduite par Michèle Turino sur le fondement de la responsabilité sans faute, la commune ne pourra pas utilement prouver qu’elle n’a pas commis de faute puisque sa responsabilité sera retenue de plein droit, c’est-à-dire même en l’absence de toute faute de sa part. Ici, la faute n’est pas une condition de la responsabilité.

***

Versions développées des réponses Trois interrogations dans cette question n°1.

1.1 Interrogation n°1 : De quel système de responsabilité le recours du spectateur, Léo Laeken, relève-t-il ?

1.2 Interrogation n°2 : De quel système de responsabilité le recours de la passante, Michèle Turino, relève-t-il ?

1.3 Interrogation n°3 : Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

Il faudra donc veiller à mettre en évidence les réponses globales à ces trois interrogations, c’est-à-dire à les séparer matériellement, tout en se demandant si elles ne sont pas logiquement liées.

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Exposé des faits pertinents communs aux trois interrogations de la question n°1 du cas pratique :

Pour rester dans le ton général du cas pratique, une formule doublement négative en guise d’entame : le maire n’a pas fait ce que le candidat Jules Borgia avait dit qu’il ne ferait pas. Il n’a pas subventionné le sport, ce qui a entraîné une cascade de conséquences : Le vétuste stade municipal de Trantor n’a pas été correctement restauré, car cela aurait coûté fort cher. Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de cet unique ouvrage public dédié au sport s’effondre. Deux personnes sont grièvement blessées : d’une part, un spectateur, Léo Laeken, et, d’autre part, Mi-chèle Turino, une passante qui promenait son chien rue Van Damme. Chacune des deux victimes décide de saisir le tribunal administratif d’une action en responsabilité diri-gée contre la commune.

***

Définition : Ouvrage public : Cours, page 58 :

« Qu’est-ce qu’un ouvrage public ?

Réponse : CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575 :

"Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un bien […] qu’à la condi-tion que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualifi-cation d’ouvrage public ; […]" ».

***

Fin de l’exposé des faits communs aux trois interrogations.

***

1.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique :

De quel système de responsabilité le recours du spectateur, Léo Laeken, relève-t-il ?

Il serait peu judicieux de tenter de répondre à cette interrogation sans la comprendre, et on ne saurait la comprendre si l’on ne se posait pas deux questions préalables :

« De quel recours s’agit-il ? Qu’est-ce qu’un système de responsabilité ? »

Cette compréhension ainsi que les questions qui la gouvernent seront mises en exergue dans notre raisonnement.

Voici la structure de notre réponse :

Interrogation le cas échéant, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

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1.1.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique

M. Léo Laeken assistait à on ne sait quel événement (sportif, musical, politique…) qui se déroulait au stade municipal de Trantor lorsque le toit de la tribune de cet ouvrage public s’est effondré. Grièvement blessé, il a décidé de saisir le tribunal administratif d’un recours dirigé contre la commune de Trantor.

De quel système de responsabilité le recours du spectateur, Léo Laeken, relève-t-il ?

***

Définitions : Recours : en l’espèce, recours contentieux ou action contentieuse, c’est-à-dire démarche con-

sistant à soumettre à une juridiction des prétentions dont on souhaite la voir reconnaître le bien-fondé ;

Système de responsabilité : terrain juridique sur lequel se situe une action contentieuse aux fins d’indemnité, à savoir la responsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute, y compris, le cas échéant, leurs variantes respectives.

***

Compte tenu des faits pertinents ainsi que des définitions, l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique a la signification suivante :

L’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Léo Laeken, spectateur griè-vement blessé par l’effondrement de la tribune du stade municipal, relève-t-elle du système de la responsabilité pour faute ou de celui de la responsabilité sans faute ?

***

1.1.2 Point de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Quelles sont les règles qui permettent de décider qu’une action en responsabilité relève du système de la responsabilité pour faute ou du système de la responsabilité sans faute ?

Au regard de ces règles, l’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Léo Laeken, spectateur grièvement blessé par l’effondrement de la tribune du stade municipal, relève-t-elle du système de la responsabilité pour faute ou de celui de la res-ponsabilité sans faute ?

***

1.1.3 Exposé des règles génériques et nécessité de règles spécifiques

Toute action en responsabilité relève nécessairement soit du système de la responsabili-té pour faute, soit du système de la responsabilité sans faute Cette première règle souffre une dérogation si limitée qu’elle n’en est point affaiblie. En effet, dans son arrêt d’Assemblée Gardedieu du 8 février 2007, le Conseil semble avoir consacré, con-formément aux conclusions de son rapporteur public, un système de responsabilité sui generis pour la réparation « des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnais-sance des engagements internationaux de la France » - CE, Ass., 8 février 2007, M. Gardedieu, n°279522, Cours, page 37. En gardant à l’esprit la réserve susmentionnée, qui au demeurant est manifestement inap-plicable à notre espèce, nous pouvons confirmer la règle selon laquelle toute action en responsabilité relève nécessairement soit du système de la responsabilité pour faute, soit du système de la responsabilité sans faute.

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Il existe donc deux grands systèmes de responsabilité : o la responsabilité pour faute : la responsabilité de l’administration n’est retenue que si

elle a commis une faute et o la responsabilité sans faute : la responsabilité de l’administration peut être retenue

même si elle n’a pas commis de faute.

Cela dit, chaque système de responsabilité comprend plusieurs branches : o Responsabilité pour faute : responsabilité pour faute simple ou responsabilité pour

faute lourde, responsabilité pour faute devant être prouvée par la victime ou respon-sabilité pour faute présumée ; o Responsabilité sans faute : responsabilité sans faute fondée sur le risque et responsa-

bilité sans faute fondée sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques. La responsabilité pour faute constitue le principe, la responsabilité sans faute, naturelle-

ment, l'exception. A l’intérieur de la responsabilité pour faute, constitue le principe la branche « responsabi-lité pour faute devant être prouvée par la victime » ou « responsabilité pour faute présu-mée ».

Toute action relevant de la responsabilité pour faute est fondée soit sur le régime de la faute simple, soit sur celui de la faute lourde.

Toute action en responsabilité pour faute simple est fondée soit sur le régime de la faute devant être prouvée par la victime, soit sur celui de la faute présumée

Toute action relevant de la responsabilité sans faute a pour fondement soit le risque, soit la rupture de l’égalité devant les charges publiques.

* Comment savoir si une en responsabilité doit se situer sur le terrain de la responsabili-té pour faute ou sur le terrain de la responsabilité sans faute ? La responsabilité pour faute constitue le principe. Le législateur et le juge y ont apporté des exceptions précises : les différents cas de responsabilité sans faute. En conséquence, pour savoir de quel système relève une action en responsabilité, il suf-fit de se demander : cette action en responsabilité figure-t-elle sur la liste limitative des cas de responsabilité sans faute déterminés par le législateur ou le juge ?

Les réponses possibles sont « Oui » et « Non », chacune entraînant les conséquences que l’on devine aisément.

* Comment savoir si une en responsabilité pour faute doit se situer sur le terrain de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime ou sur les autres terrains de la responsabilité pour faute ? Au sein de la responsabilité pour faute, la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime constitue le principe. Le législateur et le juge y ont apporté des exceptions déterminées : les cas de responsabilité pour faute lourde et les cas de res-ponsabilité pour faute présumée. En conséquence, pour savoir de quelle variante de la responsabilité pour faute relève une action en responsabilité pour faute, il suffit de se demander : cette action en res-ponsabilité pour faute figure-t-elle sur la liste limitative des cas de responsabilité pour faute lourde ou des cas de responsabilité pour faute présumée ?

Les réponses possibles sont « Oui » et « Non », chacune entraînant les conséquences que l’on devine aisément.

*

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Comment savoir si une en responsabilité sans faute doit se situer sur le terrain de la responsabilité sans faute fondée sur le risque ou sur le terrain de la responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques ? Ici, il n’y a ni principe, ni exception mais deux listes : celles des cas de responsabilité sans faute fondée sur le risque et celle des cas de responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Pour savoir de quelle variante de la responsabilité sans faute relève une action en res-ponsabilité sans faute, il suffit de parcourir les deux listes.

*** Cet exposé des règles de droit nous permet de donner à l’interrogation n°1 de la ques-tion n°1 du cas pratique une formulation plus précise : L’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Léo Laeken, spectateur grièvement blessé par l’effondrement de la tribune du stade municipal, re-lève-t-elle de l’une des variantes de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité sans faute ? La réponse, c’est-à-dire en fait l’application des règles pertinentes au cas d’espèce, né-cessitera évidemment d’abord la connaissance et la qualification juridique de la situa-tion de la victime au moment où le dommage s’est produit. Notons toutefois que la cloison qui sépare l’exposé des règles de leur application n’est pas étanche, car, au stade de l’application, nous pouvons être amené à faire état de règles supplémentaires dont la pertinence sera mise en lumière à ce moment-là.

Quiconque a lu attentivement une décision juridictionnelle a dû y relever, outre des para-graphes ou considérants consacrés exclusivement à l’exposé des règles pertinentes, des passages où les faits côtoient les règles déjà exposées et des règles apparaissant pour la première fois.

***

1.1.4 Fondement du choix de règles spécifiques

Le bien communal dont l’effondrement a causé de sérieux préjudices corporels à Léo Laeken est un ouvrage public.

Dans le cas pratique, il est explicitement qualifié d’ouvrage public. Données pertinentes du cas pratique : « L’effet est direct sur l’unique ouvrage public de la ville dédié au sport. Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de la tribune du stade municipal s’effondre […] » De surcroît, cette qualification, que nous sommes incité à tenir pour exacte, est en harmonie avec le cours (commentaires et jurisprudence).

* 1.1.5 1er exposé additionnel de règles spécifiques

Cours, page 58 : « Qu’est-ce qu’un ouvrage public ? Réponse : CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575 : "Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un bien à l’égard de l’usager qui a été victime d’un dommage imputé à ce bien n’est engagée de plein droit pour défaut d’entretien normal, sans que l’intéressé ait à établir l’existence d’une faute à la charge de cette personne publique, qu’à la condition que le dommage soit impu-table à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage pu-blic ; […]"

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Exemples d’ouvrages publics : route, trottoir, pont, amphithéâtre d’université, point d’apport volontaire aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ménagères, stade municipal (CE, 15 février 1989, Dechaume, n° 48447), etc. »

Nous sommes donc en présence d’un dommage de travaux publics. Cours, page, 42 : « L’expression [« dommages de travaux publics »] désigne aussi bien les dommages causés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui sont dus à l’existence même de l’ouvrage construit. »

En fonction de la situation juridique de la victime par rapport à l’ouvrage public, l’action en responsabilité pour dommage de travaux publics peut se situer sur le terrain o de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime, o de la responsabilité pour faute présumée, o de la responsabilité sans faute fondée sur le risque ou o de la responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges

publiques. *

1.1.6 Application des règles spécifiques du 1er exposé additionnel

En l’espèce, pour savoir de quelle variante de la responsabilité pour faute ou de la res-ponsabilité sans faute relève l’action en responsabilité engagée par Léo Laeken contre la commune de Trantor, il faut déterminer d’abord la situation juridique du requérant par rapport à l’ouvrage public au moment où il a subi le dommage. Au moment où le toit de la tribune du stade municipal s’est effondré, Léo Laeken était dans le stade en qualité de spectateur, donc d’usager de cet ouvrage public.

Données pertinentes du cas pratique : « […] le toit de la tribune du stade municipal s’effondre, faute d’avoir été restauré dans les coûteuses règles de l’art. Deux personnes en reçoivent chacune un gros morceau sur la tête : d’une part, un spectateur, Léo Laeken […] »

* 1.1.7 2e exposé additionnel de règles spécifiques

La responsabilité encourue par une personne publique pour un dommage de travaux pu-blics causé à l’usager d’un ouvrage public peut faire partie o soit de la (courte) liste des cas de responsabilité pour faute présumée. C’est le prin-

cipe. La juridiction saisie va présumer que le défendeur (propriétaire ou simplement responsable de l’état de l’ouvrage), a commis une faute, qualifiée ici de défaut d’entretien normal de l’ouvrage public considéré ; o soit de la liste non moins réduite des cas de responsabilité sans faute fondée sur le

risque. Ce cas de figure, qui constitue l’exception, n’est retenu que si l’ouvrage public à l’origine du dommage est exceptionnellement dangereux.

* 1.1.8 Application des règles spécifiques du 2e exposé additionnel

En l’espèce, rien ne prouve que le stade municipal fût exceptionnellement dangereux. Bien au contraire, un indice tend à faire penser qu’il ne l’était pas.

Données pertinentes du cas pratique : « Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de la tribune du stade municipal s’effondre […] ».

L’effondrement du toit d’un ouvrage exceptionnellement dangereux ne se produirait pas « à la surprise générale ».

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1.1.9 Conclusion et réponse à l’interrogation n°1

L’action en responsabilité engagée par Léo Laeken contre la commune de Trantor re-lève donc de la responsabilité pour faute présumée. Le tribunal administratif sera conduit à présumer que le préjudice subi par Léo Laeken a pour cause la faute commise par la commune en n’entretenant pas normalement le stade municipal. Il appartiendra à la commune d’essayer de prouver qu’elle a entretenu normalement l’ouvrage public. Y parviendra-t-elle ? Léo Laeken a-t-il fait de la tribune du stade un usage conforme à sa destination ? Ne s’est-il pas comporté en « hooligan », ce qui au-rait provoqué l’effondrement du toit de la tribune ? Gardons-nous de répondre à des questions que l’on ne nous a pas posées. L’interrogation portait, non pas sur la réparation du préjudice, mais sur le système de responsabilité, et nous y avons répondu. N’allons pas plus loin, le temps nous étant compté.

*

À la lumière des points de droit, règles et faits pertinents exposés ci-dessus, notre réponse à l’interrogation n°1 de la question n°1 du cas pratique est la suivante :

Le recours formé contre la commune de Trantor par Léo Laeken relève du système de la responsabilité pour faute présumée, à savoir le défaut d’entretien normal

d’un ouvrage public.

***

1.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique :

De quel système de responsabilité le recours de la passante, Michèle Turino, relève-t-il ?

Comme nous l’avons fait pour l’interrogation n°1, nous ne répondrons pas à cette interrogation n°2 sans la comprendre, et nous ne saurions la comprendre sans nous poser deux questions préalables :

« De quel recours s’agit-il ? Qu’est-ce qu’un système de responsabilité ? »

Nous avons d’ores et déjà la réponse à la dernière des deux questions préalables. Nous la garderons à l’esprit tout en y renvoyant le lecteur : voir donc, plus haut, la réponse à l’interrogation n°1, p. 10.

La structure de notre réponse reste inchangée : Interrogation le cas échéant, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

1.2.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique

Mme Michèle Turino promenait son chien rue Van Damme lorsqu’elle reçut sur la tête un morceau du toit de la tribune du stade municipal qui venait de s’effondrer.

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Grièvement blessée, elle a décidé de saisir le tribunal administratif d’un recours dirigé contre la com-mune de Trantor.

De quel système de responsabilité le recours de Michèle Turino, la passante, relève-t-il ?

***

Définitions : Recours : cf. supra, réponse à l’interrogation n°1;

Système de responsabilité : idem.

***

Compte tenu des faits pertinents et de nos définitions, l’interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique a la signification suivante :

L’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Michèle Turino, la passante grièvement blessée par l’effondrement de la tribune du stade municipal, relève-t-elle du système de l’une des variantes de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité sans faute ?

***

1.2.2 Point de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Nota bene : Le candidat pouvait se contenter d’un renvoi à sa réponse à l’interrogation n°1 puisque les points de droit qui y sont exposés sont rigoureusement identiques à ceux dont il sera fait état ici.

Quelles sont les règles qui permettent de décider qu’une action en responsabilité relève du système de la responsabilité pour faute ou du système de la responsabilité sans faute ?

Au regard de ces règles, l’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Michèle Turino, la passante grièvement blessée par l’effondrement de la tribune du stade municipal, relève-t-elle du système de la responsabilité pour faute ou de celui de la responsabilité sans faute ?

***

1.2.3 Exposé des règles génériques et nécessité de règles spécifiques

Nota bene : Bis repetita. Le candidat pouvait se contenter d’un renvoi à sa réponse à l’interrogation n°1, les règles qui y sont exposées étant rigoureusement identiques à celles dont il sera fait état ici.

Toute action en responsabilité relève nécessairement soit du système de la responsabili-té pour faute, soit du système de la responsabilité sans faute Cette première règle souffre une dérogation si limitée qu’elle n’en est point affaiblie. En effet, dans son arrêt d’Assemblée Gardedieu du 8 février 2007, le Conseil semble avoir consacré, con-formément aux conclusions de son rapporteur public, un système de responsabilité sui generis pour la réparation « des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnais-sance des engagements internationaux de la France » - CE, Ass., 8 février 2007, M. Gardedieu, n°279522, Cours, page 37. En gardant à l’esprit la réserve susmentionnée, qui au demeurant est manifestement inap-plicable à notre espèce, nous pouvons confirmer la règle selon laquelle toute action en responsabilité relève nécessairement soit du système de la responsabilité pour faute, soit du système de la responsabilité sans faute.

Il existe donc deux grands systèmes de responsabilité : o la responsabilité pour faute : la responsabilité de l’administration n’est retenue que si

elle a commis une faute

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o et la responsabilité sans faute : la responsabilité de l’administration peut être retenue même si elle n’a pas commis de faute.

Cela dit, chaque système de responsabilité comprend plusieurs branches : o Responsabilité pour faute : responsabilité pour faute simple ou responsabilité pour

faute lourde, responsabilité pour faute devant être prouvée par la victime ou respon-sabilité pour faute présumée ; o Responsabilité sans faute : responsabilité sans faute fondée sur le risque et responsa-

bilité sans faute fondée sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques.

La responsabilité pour faute constitue le principe, la responsabilité sans faute, naturelle-ment, l'exception.

A l’intérieur de la responsabilité pour faute, constitue le principe la branche « responsabi-lité pour faute devant être prouvée par la victime ou responsabilité pour faute présu-mée ».

Toute action relevant de la responsabilité pour faute est fondée soit sur le régime de la faute simple, soit sur celui de la faute lourde.

Toute action en responsabilité pour faute simple est fondée soit sur le régime de la faute devant être prouvée par la victime, soit sur celui de la faute présumée

Toute action relevant de la responsabilité sans faute a pour fondement soit le risque, soit la rupture de l’égalité devant les charges publiques.

* Comment savoir si une en responsabilité doit se situer sur le terrain de la responsabili-té pour faute ou sur le terrain de la responsabilité sans faute ? La responsabilité pour faute constitue le principe. Le législateur et le juge y ont apporté des exceptions précises : les différents cas de responsabilité sans faute. En conséquence, pour savoir de quel système relève une action en responsabilité, il suf-fit de se demander : cette action en responsabilité figure-t-elle sur la liste limitative des cas de responsabilité sans faute déterminés par le législateur ou le juge ?

Les réponses possibles sont « Oui » et « Non », chacune entraînant les conséquences que l’on devine aisément.

* Comment savoir si une en responsabilité pour faute doit se situer sur le terrain de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime ou sur les autres terrains de la responsabilité pour faute ? Au sein de la responsabilité pour faute, la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime constitue le principe. Le législateur et le juge y ont apporté des exceptions déterminées : les cas de responsabilité pour faute lourde et les cas de res-ponsabilité pour faute présumée. En conséquence, pour savoir de quelle variante de la responsabilité pour faute relève une action en responsabilité pour faute, il suffit de se demander : cette action en res-ponsabilité pour faute figure-t-elle sur la liste limitative des cas de responsabilité pour faute lourde ou des cas de responsabilité pour faute présumée ?

Les réponses possibles sont « Oui » et « Non », chacune entraînant les conséquences que l’on devine aisément.

*

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Comment savoir si une en responsabilité sans faute doit se situer sur le terrain de la responsabilité sans faute fondée sur le risque ou sur le terrain de la responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques ? Ici, il n’y a ni principe, ni exception mais deux listes : celles des cas de responsabilité sans faute fondée sur le risque et celle des cas de responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. Pour savoir de quelle variante de la responsabilité sans faute relève une action en res-ponsabilité sans faute, il suffit de parcourir les deux listes.

***

Cet exposé des règles de droit nous permet de donner à l’interrogation n°1 de la ques-tion n°1 du cas pratique une formulation plus précise : L’action en responsabilité engagée contre la commune de Trantor par Michèle Turino, la passante grièvement blessée par l’effondrement de la tribune du stade municipal, re-lève-t-elle de l’une des variantes de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité sans faute ? La réponse, c’est-à-dire en fait l’application des règles pertinentes au cas d’espèce, né-cessitera évidemment d’abord la connaissance et la qualification juridique de la situa-tion de la victime au moment où le dommage s’est produit. Notons toutefois que la cloison qui sépare l’exposé des règles de leur application n’est pas étanche, car au stade de l’application nous pouvons être amené à faire état de règles supplémentaires dont la pertinence sera mise en lumière à ce moment-là.

Quiconque a lu attentivement une décision juridictionnelle a dû y relever, outre des para-graphes ou considérants consacrés exclusivement à l’exposé des règles pertinentes, des passages où les faits côtoient les règles déjà exposées et des règles apparaissant pour la première fois.

***

1.2.4 Fondement du choix de règles spécifiques

Le bien communal dont l’effondrement a causé de sérieux préjudices corporels à Michèle Turino est un ouvrage public.

Dans le cas pratique, il est explicitement qualifié d’ouvrage public. Données pertinentes du cas pratique : « L’effet est direct sur l’unique ouvrage public de la ville dédié au sport. Le 26 mars 2009, à la surprise générale, le toit de la tribune du stade municipal s’effondre […] » De surcroît, cette qualification, que nous sommes incité à tenir pour exacte, est en harmonie avec le cours (commentaires et jurisprudence).

* 1.2.5 1er exposé additionnel de règles spécifiques

Cours, page 58 : « Qu’est-ce qu’un ouvrage public ? Réponse : CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin, n° 204575 : "Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un bien à l’égard de l’usager qui a été victime d’un dommage imputé à ce bien n’est engagée de plein droit pour défaut d’entretien normal, sans que l’intéressé ait à établir l’existence d’une faute à la charge de cette personne publique, qu’à la condition que le dommage soit impu-table à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage pu-blic ; […]"

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Exemples d’ouvrages publics : route, trottoir, pont, amphithéâtre d’université, point d’apport volontaire aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ménagères, stade municipal (CE, 15 février 1989, Dechaume, n° 48447), etc. »

Nous sommes donc en présence d’un dommage de travaux publics. Cours, page, 42 : « L’expression [« dommages de travaux publics »] désigne aussi bien les dommages causés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui sont dus à l’existence même de l’ouvrage construit. »

En fonction de la situation juridique de la victime par rapport à l’ouvrage public, l’action en responsabilité pour dommage de travaux publics peut se situer sur le terrain o de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime, o de la responsabilité pour faute présumée, o de la responsabilité sans faute fondée sur le risque ou o de la responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l’égalité devant les charges

publiques. *

1.2.6 Application des règles spécifiques du 1er exposé additionnel

En l’espèce, pour savoir de quelle variante de la responsabilité pour faute ou de la res-ponsabilité sans faute relève l’action en responsabilité engagée par Michèle Turino contre la commune de Trantor, il faut déterminer d’abord la situation juridique de la requé-rante par rapport à l’ouvrage public au moment où elle a subi le dommage. Au moment où le toit de la tribune du stade municipal s’est effondré, Michèle Turino promenait son chien rue Van Damme, elle n’était pas dans le stade, elle ne l’utilisait en aucune façon, elle était donc un tiers par rapport à cet ouvrage public.

Données pertinentes du cas pratique : « […] le toit de la tribune du stade municipal s’effondre, faute d’avoir été restauré dans les coûteuses règles de l’art. Deux personnes en reçoivent chacune un gros morceau sur la tête : d’une part, un spectateur, Léo Laeken, et, d’autre part, Michèle Turino, une passante qui promenait son chien rue Van Damme […] »

* 1.2.7 2e exposé additionnel de règles spécifiques

La responsabilité encourue par une personne publique pour un dommage de travaux pu-blics causé à un tiers par rapport à l’ouvrage public en cause fait partie de la (courte) liste des cas de responsabilité sans faute fondée sur le risque.

* 1.2.8 Application des règles spécifiques du 2e exposé additionnel

L’action en responsabilité engagée par Michèle Turino contre la commune de Trantor re-lève donc de la responsabilité sans faute fondée sur le risque. Le principe est que le tribunal administratif sera conduit à retenir la responsabilité de la commune sans devoir s’assurer que celle-ci a ou non commis une faute. La commune sera-t-elle effectivement condamnée ? Michèle Turino a-t-elle commis une faute ? Encore une fois, gardons-nous de répondre à des questions que l’on ne nous a pas posées. L’interrogation portait, non pas sur la réparation du préjudice, mais sur le système de res-ponsabilité, et nous y avons répondu. N’allons pas plus loin, le temps nous est compté.

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1.2.9 Conclusion et réponse à l’interrogation n°2

À la lumière des points de droit, règles et faits pertinents exposés ci-dessus, notre réponse à l’interrogation n°2 de la question n°1 du cas pratique est la suivante : Le recours formé contre la commune de Trantor par Michèle Turino relève du système

de la responsabilité sans faute fondée sur le risque.

***

1.3 Réponse à l’interrogation n°3 de la question n°1 du cas pratique :

Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel de ces deux recours redouteriez-vous le plus ?

Comme nous l’avons fait pour les interrogations précédentes, nous ne répondrons pas à cette inter-rogation n°3 sans la comprendre, et nous ne saurions la comprendre sans nous poser deux ques-tions préalables : « De quels recours s’agit-il ? Qu’entend-on ici par "redouter"»

Nous avons d’ores et déjà la réponse à la dernière des deux questions préalables. Nous la garderons à l’esprit tout en y renvoyant le lecteur : voir donc, plus haut, la réponse à l’interrogation n°1.

Nous ne voyons aucune raison de changer la structure de notre réponse : Interrogation éventuellement, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

***

1.3.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°3 de la question n°1 du cas pratique

Pas de faits additionnels propres à cette interrogation n°3. Cf. exposé des faits pertinents communs aux deux interrogations, supra, page 10 . Une fois n’est pas coutume : nous ne reformulerons pas l’interrogation, car dans le cas contraire, nous dévoilerions prématurément et inopportunément le raisonnement permettant d’y répondre. Nous nous bornons à y insérer, entre parenthèses, une précision :

Si vous étiez l’avocat(e) de la commune, lequel des deux recours [celui de Léo Laeken ou celui de Michèle Turino] redouteriez-vous le plus ?

***

1.3.2 Point de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

D’une manière générale, quels motifs peuvent conduire à la conclusion qu’un recours X en responsabilité est plus à redouter qu’un autre recours Y en responsabilité ?

Concrètement, en l’espèce, quels motifs peuvent conduire à la conclusion que le recours en responsabilité de l’une des victimes (Léo Laeken ou Michèle Turino) de

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l’effondrement de la tribune du stade municipal est plus à redouter que le recours en res-ponsabilité de l’autre victime ?

***

1.3.3 Règles pertinentes

Les motifs susceptibles de conduire à la conclusion qu’un un recours X en responsa-bilité est plus à redouter qu’un autre recours Y en responsabilité. Ces motifs consistent dans les différences propices au recours X, et relevées, notamment, sur les points suivants : La gravité du préjudice. Le dommage dont le recours X tend à faire assurer la répara-

tion est plus grave que celui qui justifie le recours Y ; donc le recours X aboutira peut-être à une condamnation plus lourde du défendeur. Variante : le recours X met en exergue une multiplicité de dommages, contrairement au recours Y, ce qui augure d’une longue procédure se concluant certainement, là encore, par une condamnation plus lourde, etc.

Les moyens de défense. La recevabilité. Les chances sont plus grandes de voir le tribunal administratif recon-naître l’irrecevabilité du recours Y : non-respect de la prescription quadriennale ou du délai de recours, non-respect de la règle de la décision (qui ne s’applique pas ici, nous parlons de généralités), conclusions non chiffrées (cela peut se corriger), recours non dirigé contre la bonne personne publique, etc.

Le bien-fondé Les conditions d’engagement de la responsabilité. Les chances sont plus grandes de voir le tribunal administratif juger que ces conditions ne sont pas réunies dans l’instance introduite par le recours Y : absence de préjudice, de lien de causalité adéquate, de faute, etc. Les causes exonératoires. Soit le défendeur peut invoquer plus de causes exonéra-toires à l’occasion du recours Y, soit il peut les invoquer avec plus de chance de succès à l’occasion de ce même recours Y.

* Les motifs susceptibles de conduire à la conclusion que le recours en responsabilité de l’une des victimes (Léo Laeken ou Michèle Turino) de l’effondrement de la tri-bune du stade municipal est plus à redouter que le recours en responsabilité de l’autre victime. Seuls deux des motifs susexposés en termes généraux trouvent un appui dans les données

du cas pratique, y compris les autres interrogations : le premier motif concerne directe-ment les causes exonératoires, le second motif a trait au caractère fautif du fait généra-teur et renvoie, pour ainsi dire, indirectement aux causes exonératoires.

Cela dit, l’examen que nous pouvons faire de l’un et l’autre motif sera purement théo-rique, faute de données plus précises fournies dans le cas pratique.

Le motif tiré des causes exonératoires A l’occasion d’un recours en responsabilité sans faute, le défendeur ne peut invoquer que deux causes exonératoires pour atténuer sa responsabilité ou pour échapper à toute condamnation : la force majeure et la faute de la victime ; En cas de recours en en responsabilité pour faute présumée, le défendeur est rece-vable à invoquer trois causes exonératoires : la force majeure, la faute de la victime et le cas fortuit.

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Le motif tiré du caractère fautif du fait générateur Dans une instance engagée sur le terrain de la responsabilité pour faute présumée, le défendeur est recevable à prouver qu’il n’a pas commis la faute présumée sur laquelle le recours du demandeur est fondé, et ce, pour échapper à une condamnation. En revanche, dans une instance introduite sur le fondement de la responsabilité sans faute, le défendeur ne sera pas admis à prouver qu’il n’a pas commis de faute puisque sa responsabilité sera retenue de plein droit, c’est-à-dire même en l’absence de toute faute de sa part. Ici, la faute n’est pas une condition de la responsabilité.

***

1.3.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents

Le motif tiré des causes exonératoires Le recours de Michèle Turino relevant de la responsabilité sans faute, la défenderesse, la commune de Trantor ne peut utilement invoquer que deux causes exonératoires pour atténuer sa responsabilité ou pour échapper à toute condamnation : la force ma-jeure et la faute de la victime (Michèle Turino). Le recours de Léo Laeken se situe sur le terrain de la responsabilité pour faute pré-sumée ; dès lors, la commune peut utilement invoquer trois causes exonératoires : la force majeure, la faute de la victime (Léo Laeken) et le cas fortuit. Au regard des possibilités d’exonération, il semble donc que le recours de Michèle Turino soit plus à redouter que celui de Léo Laeken : trois causes exonératoires contre deux seulement.

Soulignons toutefois que le raisonnement que nous avons suivi est purement théorique. En effet, il se pourrait que, concrètement, certains faits militent plus en faveur des causes exonératoires dans une espèce, abstraction faite du nombre de ces causes exonératoires. Mais il s’agit là de faits dont le cas pratique ne rend pas compte. Force est donc de s’en tenir, comme nous, à un raisonnement de principe.

* Le motif tiré du caractère fautif du fait générateur

Dans l’instance engagée Léo Laeken sur le terrain de la responsabilité pour faute pré-sumée, la commune de Trantor pourra utilement prouver qu’elle n’a pas commis la faute présumée sur laquelle le recours du demandeur est fondé, qu’elle a entretenu normalement le stade municipal (tribune comprise), et ce, pour échapper à une con-damnation. En revanche, dans l’instance introduite par Michèle Turino sur le fondement de la responsabilité sans faute, la commune ne pourra pas utilement prouver qu’elle n’a pas commis de faute puisque sa responsabilité sera retenue de plein droit, c’est-à-dire même en l’absence de toute faute de sa part. Ici, la faute n’est pas une condition de la responsabilité. Ainsi, à la lumière du motif tiré du caractère fautif du fait générateur, il semble éga-lement que le recours de Michèle Turino soit plus à redouter que celui de Léo Laeken.

Signalons à nouveau que nous nous en tenons à un raisonnement de principe, car il se pourrait que des données plus précises, qui ne figurent pas dans le cas pratique, fassent apparaître que la commune n’a aucune chance de prouver qu’elle n’a pas commis de faute.

***

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1.3.5 Conclusion et réponse (de principe) à l’interrogation n°3 de la question n°1 du cas pratique

Si nous étions l’avocat de la commune, nous redouterions plus le recours de Mi-chèle Turino que celui de Léo Laeken.

*****

2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique

Ainsi donc, le maire de Trantor s’apprête à retirer son arrêté du 16 avril 2009.

Ce retrait vous paraît-il légal ? Interrogation indépendante de la précédente : de quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

Nota bene : Les faits et les actes sur lesquels se fonde cette question correspondent à la ver-

sion simplifiée d’une espèce jugée par le Conseil d’État dans une décision annexée au présent cor-rigé : CE, 12 décembre 2008, Commune d'Ignaux, n°300635.

Nous exposerons successivement deux versions des mêmes réponses : c. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner à la

question ou à l’interrogation ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pressé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

d. une version « analytique », autrement dit une réponse développée correspon-dant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait formuler une réponse (raisonnablement) développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé des réponses Deux interrogations dans cette question n°2 du cas pratique :

2.1 Interrogation n°1 : Le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 vous paraît-il légal ?

2.2 Interrogation n°2 : De quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

Voici le résumé des réponses :

2.1 Interrogation n°1 : Le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 vous paraît-il légal ?

Non, le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 ne nous paraît pas légal. Voici les motifs qui conduisent à cette réponse :

2.1.1 L’arrêté du 16 avril 2009 est une décision individuelle explicite créatrice de droits. Une décision : l’arrêté du 16 avril 2009 modifie l’ordonnancement juridique, en créant une norme nouvelle selon laquelle une rémunération sera versée à Xavier Ignaux ;

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Une décision individuelle : le destinataire de l’arrêté, Xavier Ignaux, est forcé-ment nommé dans cette décision ; il faut bien indiquer expressément à qui l’argent public sera versé ; Une décision explicite : l’arrêté est daté, ce qui exclut qu’il ait été implicite-ment pris. Au demeurant, on imagine mal un comptable se contenter d’une déci-sion implicite ; Une décision créatrice de droits : l’arrêté procure à son destinataire, Xavier Ignaux, un avantage juridiquement protégé.

Cours, Les prescriptions du principe de légalité (2/2), page 14 : « [U]ne décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de re-fuser cet avantage - C.E., 6 novembre 2002, Mme Soulier, req. n°223041. »

Qui plus est, rien n’incite à croire que l’arrêté du 16 avril 2009 ait été obtenu par fraude, ni qu’il soit entaché d’inexistence juridique. En somme, l’arrêté du 16 avril 2009 est une décision individuelle explicite créa-trice de droits.

2.1.2 Le retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits est régi par un principe assorti d’exceptions (demande du bénéficiaire, dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires).

2.1.3 En l’espèce, le retrait ne relevant pas des exceptions, il y a lieu de faire application du principe.

2.1.4 Le principe est que l’autorité administrative ne peut retirer une décision indivi-duelle explicite créatrice de droits que si deux conditions cumulatives sont réunies- CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, req. n°197018 :

la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale et le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de la décision individuelle explicite créatrice de droits.

2.1.5 En l’espèce, nous avons la certitude que l’une des deux conditions fait défaut : le retrait intervient plus de quatre mois (en fait, plus d’un an) après la prise de l’arrêté.

2.1.6 Nous pouvons d’ores et déjà conclure que le retrait est illégal, sans devoir nous demander si l’autre condition (la première) est remplie. En effet, même si la pre-mière condition était remplie, le retrait serait illégal, étant donné que la seconde condition ne l’est pas et que la légalité du retrait est subordonnée à la réunion des deux conditions. Cette manière de gagner du temps dans le raisonnement corres-pond à ce que l’on appelle l’économie du raisonnement ou le principe du rasoir d’Occam.

2.1.7 Cela dit, même si nous n’étions pas tenu de le démontrer, signalons tout de même que l’arrêté du 16 avril 2009 était illégal. Il est en effet intervenu en méconnais-sance d’une règle de comptabilité publique : la règle du traitement après service fait. En vertu de cette règle, une rémunération ne doit être versée que pour un ser-vice réellement effectué, et nous savons que Xavier Ignaux n’a pas accompli le tra-vail pour lequel il avait été engagé.

2.1.8 En somme, l’acte retiré est tout aussi illégal que l’acte qui le retire.

***

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2.2 Interrogation n°2 : De quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

Dans l’exposé des faits pertinents, il est question de la motivation et de la procédure con-tradictoire, et ce, pour les raisons qui suivent :

2.2.1 Une règle de forme et une règle de procédure sont susceptibles de s’imposer au respect de l’autorité administrative qui veut procéder au retrait d’une décision indi-viduelle explicite créatrice de droits :

la motivation et la procédure contradictoire. Bien entendu, sous réserve de normes supérieures contraires, de compétence liée, de cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles.

2.2.2 Premièrement, quelle que soit l’initiative dont il procède (initiative de l’autorité administrative, demande du bénéficiaire, etc.), le retrait d’une décision individuelle explicite créatrice de droits doit toujours être motivé, en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'améliora-tion des relations entre l'administration et le public.

2.2.3 Deuxièmement, sauf s’il intervient à la demande du bénéficiaire de la décision in-dividuelle explicite créatrice de droits, le retrait doit être précédé d’une procédure contradictoire.

2.2.4 En l’espèce, les conditions étaient réunies pour que le maire soit obligé de respec-ter ces deux règles de forme :

l’acte retiré, l’arrêté du 16 avril 2009, est une décision individuelle (explicite) créatrice de droits ; le retrait n’est pas intervenu à la demande du bénéficiaire, Xavier Ignaux ; aucune des dérogations possibles au respect de ces règles ne trouve un appui dans le cas pratique : par exemple, les circonstances sont qualifiées d’ordinaires.

2.2.5 Au surplus, argument déterminant, il est indiqué dans le cas pratique que « le maire signe, dans le respect des règles de forme et de procédure » l’arrêté par le-quel il retire l’arrêté du 16 avril 2009, décision individuelle (explicite) créatrice de droits.

***

Versions développées des réponses Deux interrogations dans cette question n°2.

2.1 Interrogation n°1 : Le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 vous paraît-il légal ?

2.2 Interrogation n°2 : De quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

Il faudra donc veiller à mettre en évidence les réponses globales à ces deux interrogations, c’est-à-dire à les séparer matériellement, tout en se demandant si elles ne sont pas logiquement liées.

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Faits pertinents communs aux deux interrogations de la question n°2 du cas pratique :

Xavier Ignaux avait été recruté, pour un mois, par la commune de Trantor en qualité d’agent d’entretien. A la fin du mois et donc au terme du contrat, le maire a décidé, par un arrêté en date du 16 avril 2009, de lui verser 642 euros en rémunération du travail accompli. Plus d’un an après, à l’heure même où nous composons, le maire signe, dans le respect des règles de forme et de procédure, un nouvel arrêté par lequel il rapporte l’arrêté du 16 avril 2009 et exige de Xa-vier Ignaux le remboursement de la somme qui lui a été versée. Pour justifier sa décision le maire invoque un motif dont les éléments de fait et de droit sont donnés comme incontestables par l’auteur du cas pratique : l’arrêté du 16 avril 2009 est illégal, car, en réalité, Xavier Ignaux n’a pas effectué le travail pour lequel il avait été engagé.

Définitions :

arrêté : dénomination de la quasi-totalité des décisions administratives ; le mot de décret ser-vant à désigner les décisions du Président de la République et du Premier ministre ;

rapporter : retirer, c’est-à-dire supprimer (un acte) à la fois pour le passé et pour l’avenir.

***

2.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique

Le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 vous paraît-il légal ?

La structure de notre réponse reste inchangée : Interrogation éventuellement, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

2.1.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique

Pas de faits additionnels propres à cette interrogation n°1. Cf. exposé des faits pertinents communs aux deux interrogations, supra, page 26 . Les faits pertinents communs aux deux interrogations permettent de reformuler cette interrogation de la manière suivante :

L’arrêté que signe en ce moment même le maire de Trantor à l’effet de retirer l’arrêté du 16 avril 2009 par lequel il avait décidé de verser une rémunération à Xavier Ignaux vous paraît-il légal ?

***

2.1.2 Points de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Quels sont les principes qui régissent le retrait des décisions administratives ?

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Au regard de ces principes, quelles sont les règles spécifiques dont le respect s’imposait au maire à l’occasion du retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 ?

***

2.1.3 Principes pertinents

Le contenu des règles dont le respect s’impose à l’auteur du retrait d’un acte varie en fonction d'un certain nombre de paramètres : o le caractère individuel ou réglementaire de l'acte, o le fait que l'acte individuel a créé ou non des droits, o le caractère définitif ou non de l'acte, o le caractère explicite ou implicite de l'acte, o le caractère légal ou illégal de l'acte, o le fait que l'acte est ou non l'objet d'un recours contentieux ou administratif, o le fait que le retrait est demandé ou non par le destinataire de l'acte retiré, etc.

Nous ne pouvons exposer les règles spécifiques applicables au retrait opéré par une auto-rité administrative qu'en examinant à la lumière des distinctions susmentionnées les cir-constances dans lesquelles ce retrait est intervenu.

***

2.1.4 Application des principes pertinents à l’espèce et, ipso facto, détermination des caractéristiques de l’arrêté du 16 avril 2009

Confrontés aux principes susénoncés, les faits pertinents de l’espèce font apparaître que l’arrêté du 16 avril 2009 est

Une décision : l’arrêté du 16 avril 2009 modifie l’ordonnancement juridique, en créant une norme nouvelle selon laquelle une rémunération sera versée à Xavier Ignaux ;

Une décision individuelle : le destinataire de l’arrêté, Xavier Ignaux, est forcément nommé dans cette décision ; il faut bien indiquer expressément à qui l’argent public sera versé ;

Une décision explicite : l’arrêté est daté, ce qui exclut qu’il ait été implicitement pris. Au demeurant, on imagine mal un comptable se contenter d’une décision implicite ;

Une décision créatrice de droits : l’arrêté procure à son destinataire, Xavier Ignaux, un avantage juridiquement protégé.

Cours, Les prescriptions du principe de légalité (2/2), page 14 : « [U]ne décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refu-ser cet avantage - C.E., 6 novembre 2002, Mme Soulier, req. n°223041. »

Qui plus est, rien n’incite à croire que l’arrêté du 16 avril 2009 ait été obtenu par fraude ni qu’il soit entaché d’inexistence juridique.

En définitive, l’arrêté du 16 avril 2009 est une décision individuelle explicite créatrice de droits. Les caractéristiques de l’arrêté du 16 avril 2009 déterminées, nous sommes à même d’indiquer les règles applicables à son retrait.

***

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2.1.5 Exposé du principe permettant d’indiquer les règles pertinentes applicables, de manière spécifique, au retrait de l’arrêté du 16 avril 2009

Ce principe s’énonce comme suit : si l’on considère une décision individuelle explicite créa-trice de droits donnée, son retrait est régi

o soit par des règles correspondant au principe consacré en la matière, o soit par des règles constituant des exceptions au principe et fondées sur une de-

mande du bénéficiaire de la décision retirée, ou encore sur des dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires.

Il nous faut appliquer toute de suite ce raisonnement aux faits pertinents pour déterminer si le retrait opéré par le maire relève du principe ou des exceptions.

***

2.1.6 Application du principe permettant d’indiquer les règles pertinentes applicables au retrait de l’arrêté du 16 avril 2009

Le retrait opéré par le maire relève-t-il, en ce qui concerne son régime juridique, du prin-cipe ou des exceptions ?

Le lecteur se souvient sans doute de l’adage que nous n’avons eu de cesse de défendre et d’illustrer tout au long du cours : Exceptio firmat regulam in casibus non exceptis. Un adage dont le langage courant n’a gardé que la version tronquée, qui est absurde : l’exception confirme la règle. Dans sa version longue et authentique, énoncée ci-dessus, cet adage juridique signifie : o tout à fait littéralement : l’exception confirme la règle pour les cas qui n’en sont

pas exceptés, o moins littéralement : soit une règle X et une liste exhaustive d’exceptions à

cette règle. L’existence de la liste exhaustive d’exceptions nous permet de prendre la bonne décision en ce qui concerne l’applicabilité de la règle à des cas qui ne figurent pas sur la liste des exceptions o très concrètement : nous avons une règle et une liste exhaustive des exceptions à

cette règle. On nous soumet un cas. Nous nous demandons si ce cas relève de la règle ou des exceptions. L’existence de la liste des exceptions nous permet de parvenir à la bonne conclusion : il nous suffit de parcourir la liste des exceptions pour y chercher le cas qui nous est soumis ; s’il y figure, l’application de la règle est écartée ; s’il n’y figure, pas nous lui appliquerons la règle.

En l’espèce, le retrait opéré par le maire figure-t-il parmi sur la liste des exceptions ? Autrement dit, ce retrait o est-il intervenu à la demande du bénéficiaire de l’arrêté du 16 avril 2009 ? o est-il régi par des dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires ?

La réponse à chacune de ces deux questions est négative : o dans le cas pratique, il n’est nullement question d’une demande de retrait émanant du

bénéficiaire de l’arrêté du 16 avril 2009 : o qui plus est, nous ne trouvons ni dans le cours, ni dans les annexes au cas pratique

des dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires applicables au retrait ef-fectué par le maire.

Ne figurant pas parmi les exceptions, le retrait opéré par le maire relève des règles consti-tutives du principe consacré pour le retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits. Règles qu’il y a lieu maintenant d’exposer avant d’en faire application à l’espèce.

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2.1.7 Exposé des règles pertinentes constitutives du principe applicable au retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits, et donc à l’arrêté du 16 avril 2009

Ces règles, qui rappelons-le, constituent le principe qui seul nous intéresse ici, ont été énoncées avec clarté dans la décision CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, req. n°197018.

Leur substance se laisse exposer de la manière suivante. L’autorité administrative ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice

de droits que si deux conditions cumulatives sont réunies : o la décision individuelle explicite créatrice de droits est illégale o le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de la décision

individuelle explicite créatrice de droits. De surcroît, le retrait doit être motivé et précédé d’une procédure contradictoire. Si une seule de ces conditions ou règles est méconnue, le retrait est illégal, sous

réserve de circonstances particulières : compétence liée, urgence, circonstances exceptionnelles.

***

2.1.8 Application à l’arrêté du 16 avril 2009 des règles pertinentes constitutives du principe régissant le retrait des décisions individuelles explicites créatrices de droits

Nous sommes sur le point de donner notre réponse effective à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 est-il légal ?

Au vu des règles constitutives du principe régissant le retrait des décisions indivi-duelles explicites créatrices de droits, cette réponse effective est en fait la somme des réponses aux questions suivantes : o L’arrêté du 16 avril 2009 est-il illégal ? o Le retrait est-il intervenu dans le délai de quatre mois suivant la prise de

l’arrêté du 16 avril 2009, c’est-à-dire au plus tard le 16 août 2009 ? o Le retrait a-t-il été motivé et précédé d’une procédure contradictoire ?

Les conditions de la légalité du retrait étant cumulatives, si une seule de ces questions reçoit une réponse négative, nous pourrons o nous dispenser de répondre aux autres questions et o considérer que notre tâche est terminée et dire : en principe, le retrait de

l’arrêté du 16 avril 2009 est illégal. Nous reviendrons sur l’usage de la formule « en principe ».

En l’espèce, la réponse à la deuxième question est négative : le retrait est intervenu plus de quatre mois (en fait plus d’un an) après la prise de l’arrêté du 16 avril 2009.

Nous pouvons d’ores et déjà conclure que le retrait est illégal, sans devoir répondre aux autres questions. En effet, même si les deux autres conditions étaient remplies, le retrait serait illégal étant donné que la condition relative au délai ne l’est pas et que la légalité du retrait est subordonnée à la réunion des conditions. Cette manière de gagner du temps dans le raisonnement correspond à ce que l’on appelle l’économie du raisonnement ou le principe du rasoir d’Occam.

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Cela dit, même si nous n’y sommes pas tenu, nous allons répondre aux autres ques-tions dont les réponses conditionnent la légalité du retrait. o L’arrêté du 16 avril 2009 est-il illégal ? o Réponse : oui, l’arrêté du 16 avril 2009 était illégal. Il est en effet intervenu en

méconnaissance d’une règle de comptabilité publique : la règle du traitement après service fait. En vertu de cette règle, une rémunération ne doit être versée que pour un service réellement effectué, et nous avons que Xavier Ignaux n’a pas accompli le travail pour lequel il avait été engagé.

o Le retrait a-t-il été motivé et précédé d’une procédure contradictoire ? o Réponse : oui. Données pertinentes du cas pratique : « […] le maire signe,

dans le respect des règles de forme et de procédure, un nouvel arrêté par lequel il rapporte l’arrêté du 16 avril 2009 […] »

Soit dit en passant, cette question relative aux règles ouvre la voie à la réponse qu’appelle l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique.

2.1.9 Conclusion et réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique

Ainsi donc, le retrait de l’arrêté du 16 avril est en principe illégal. Pourquoi faisons-nous montre de prudence en nous servant de l’expression « en prin-

cipe ». La réponse est que nous ne nous sommes pas encore prononcé sur la nature des cir-

constances dans lesquelles le retrait a eu lieu, ni sur la nature de la compétence dont disposait le maire.

En effet, ce qui apparaît normalement comme une illégalité peut ne pas l’être vérita-blement o en cas d’urgence, o dans une période de circonstances exceptionnelles o ou en cas de compétence liée. Définition : Il y a compétence liée lorsqu’en présence

de certaines circonstances - de certains motifs de fait - l’autorité administrative est léga-lement tenue d’agir ou de décider dans un sens déterminé sans pouvoir choisir une autre solution ni apprécier librement lesdites circonstances de fait - CE, Sect., 3 février 1999, M. Montaignac, n°149722, (AJDA juillet-août 1999).

En l’espèce, nous sommes fondé à soutenir o que le retrait n’est survenu ni dans une situation d’urgence, ni dans des circons-

tances exceptionnelles. Données pertinentes du cas pratique : « Terrible erreur, comme en font foi certains faits pertinents survenus dans des circonstances plutôt ordi-naires. », et

o que le maire n’avait pas compétence liée pour procéder au retrait. Rien ne permet de prétendre le contraire, et nous savons que nous ne devons rien ajouter aux données du cas pratique.

Tout en respectant la formule de l’auteur du sujet, nous pouvons donc nous départir de notre prudente réserve et indiquer notre réponse définitive à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique :

Le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009 ne nous paraît pas légal parce qu’il est intervenu au-delà du délai de quatre mois dont le respect s’impose lorsqu’il s’agit de rapporter une décision individuelle explicite créatrice de droits.

***

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2.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique

De quelles règles de forme et de procédure est-il question dans l’exposé des faits pertinents ?

La structure de notre réponse reste inchangée :

Interrogation éventuellement, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

***

2.2.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique

Pas de faits additionnels propres à cette interrogation n°2. Cf. exposé des faits pertinents communs aux deux interrogations, supra, page 26 .

***

Définitions :

règle de forme : formalité, norme régissant la présentation d’un acte juridique ;

règle de procédure : formalité, norme régissant l’édiction d’un acte juridique.

***

Dans les faits pertinents communs aux deux interrogations (voir page), le membre de phrase « dans le respect des règles de forme et de procédure » souligne une idée intéressante : le maire a observé les règles de forme et de procédure qu’il devait respecter.

L’interrogation n°2 se laisse donc reformuler utilement de la manière suivante :

Quelles règles régissant la présentation des actes et quelles règles régissant l’édiction des actes le maire a-t-il respectées lorsqu’il a signé la décision par laquelle il a retiré l’arrêté du 16 avril 2009 ?

***

Nota bene : l’interrogation n°2, qui nous occupe ici, présente une particularité. En effet, la réponse qu’elle appelle a une structure différente de celle des réponses aux autres interrogations du cas pra-tique.

Cette structure n’est pas, comme on pouvait s’y attendre :

faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à l’interrogation.

La structure de la réponse à l’interrogation n°2 est plutôt :

faits pertinents points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit et, ipso facto, réponse effective à l’interrogation.

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On aura noté la différence : dans la réponse à l’interrogation n°2, il n’y aura pas d’étape consistant à appliquer les règles aux faits pertinents, car nous sommes seulement convié à découvrir les règles qui ont (déjà) été appliquées par le maire lorsqu’il a retiré son arrêté du 16 avril 2009.

***

2.2.2 Point de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Quelles sont les caractéristiques juridiques pertinentes de l’acte auquel se rapportent les règles de forme et de procédure dont il est question dans le cas pratique ?

Eu égard à ces caractéristiques juridiques pertinentes, au respect de quelles règles de forme et de procédure, l’auteur de l’acte, le maire, était-il en principe tenu ?

***

2.2.3 Caractérisation de l’acte et exposé des règles

Les caractéristiques juridiques pertinentes de l’acte auquel se rapportent les règles de forme et de procédure dont il est question dans le cas pratique. Comme nous l’avons découvert en répondant à l’interrogation n°1, relative à la légalité du retrait, l’acte dont il est question ici est o un acte pris par le maire, spontanément donc sans demande préalable de Xavier

Ignaux et o un acte qui a pour objet le retrait de l’arrêté du 16 avril 2009, c’est-à-dire d’une déci-

sion (individuelle explicite) créatrice de droits. Eu égard à ces caractéristiques juridiques pertinentes, les règles de forme et de pro-

cédure au respect de quelles l’auteur de l’acte, le maire, était en principe tenu sont :

o La motivation. Définition : c’est l’action par laquelle l’autorité administrative ex-pose les motifs de sa décision, c’est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justifient sa décision. Le maire devait indiquer (et il l’a fait) dans le texte même de sa décision les raisons de fait et de droit pour lesquelles il retirait l’arrêté du 16 avril 2009 : non-accomplissement par Xavier Ignaux du travail pour lequel il avait été engagé, viola-tion de la règle du traitement après service fait, donc illégalité de l’arrêté du 16 avril 2009.

o La procédure contradictoire. Définition : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure individuelle d’une certaine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation personnelle, ne peut être prise par l’administration sans que soit entendue, au préalable, la personne qui est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure. » - Bruno Genevois. Après avoir informé, dans un délai raisonnable, Xavier Ignaux de son projet de retrait et des griefs qui le motivent, le maire devait (et il l’a fait) permettre à l’intéressé de présenter ses moyens de défense, avant de procéder au retrait de l’arrêté du 16 avril 2009.

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2.2.4 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique

La réponse à l’interrogation n°2 s’énonce donc comme suit :

Les règles de forme et de procédure dont il est question dans les faits perti-nents sont la motivation et la procédure contradictoire.

C’est là une réponse de principe à une question de principe.

Question concrète, que l’on ne nous a évidemment pas posée : le maire était-il vrai-ment tenu de respecter ces deux règles ?

Réponse concrète : oui, et ce, compte tenu

o de l’objet de sa décision (voir ci-dessus : retrait, indépendamment d’une de-mande de son bénéficiaire, d’une décision créatrice de droits)

o et du fait que rien ne permet de conclure à l’existence d’une compétence liée, d’une situation d’urgence ou de circonstances exceptionnelles.

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3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique

Le maire de Trantor a-t-il raison de soutenir, d’une part, qu’il a le droit

d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable, et, d’autre part, qu’il est en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favo-rable ?

Nous exposerons successivement deux versions des mêmes réponses :

a. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner à la question ou à l’interrogation ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pressé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

b. une version « analytique », autrement dit une réponse développée correspon-dant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait formuler une réponse (raisonnablement) développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé des réponses Deux interrogations dans cette question n°3 du cas pratique :

3.1 Interrogation n°1 : Le maire de Trantor a-t-il le droit d’accorder l’autorisation deman-dée si l’avis du préfet est défavorable ?

3.2 Interrogation n°2 : Le maire de Trantor est-il en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?

Voici le résumé des réponses :

3.1 Interrogation n°1 : Le maire de Trantor a-t-il le droit d’accorder l’autorisation deman-dée si l’avis du préfet est défavorable ?

Non, le maire n’a pas le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable. Cette réponse est adossée aux motifs qui suivent :

3.1.1 L’auteur de la demande adressée au maire souhaite obtenir l’autorisation d'exécu-ter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques.

3.1.2 En vertu de l’article L472-2 du code de l’urbanisme, une telle autorisation ne peut être délivrée par le maire qu’à la suite d’un avis favorable du préfet.

3.1.3 La décision d’accorder l’autorisation est ainsi soumise à la formalité de la consul-tation obligatoire avec avis conforme. Autrement dit, le maire est tenu au respect de deux obligations : o en premier lieu, l’obligation de consulter le préfet, o en second lieu, (subtilité juridique) l’obligation de se conformer à l’avis dé-

favorable du préfet, c’est-à-dire l’obligation de s’abstenir de délivrer l’autorisation demandée si l’avis du préfet n’est pas favorable.

3.1.4 Le maire a consulté le préfet. o Il a donc satisfait à la première des deux obligations qui s’imposaient à lui s’il

souhaitait accorder l’autorisation.

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o En revanche, s’il accordait l’autorisation malgré l’avis défavorable du préfet, il manquerait à la seconde obligation : ne délivrer l’autorisation que si l’avis du préfet est favorable, donc ne pas passer outre à l’avis défavorable du préfet, s’y conformer.

3.1.5 L’avis défavorable du préfet lie le maire, faisant ainsi obstacle à la délivrance de l’autorisation.

3.1.6 Le maire n’a donc pas le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du pré-fet est défavorable.

***

3.2 Interrogation n°2 : Le maire de Trantor est-il en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?

Oui, le maire est en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable. Les motifs de cette réponse sont :

3.2.1 Nous nous souvenons, bien entendu (cf. réponse ci-dessus, p. 34), que l’auteur de la demande adressée au maire souhaite obtenir l’autorisation d'exécuter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques de droits.

3.2.2 L’article L472-2 du code de l’urbanisme subordonne la décision de délivrer l’autorisation à l’avis favorable du préfet.

3.2.3 Il oblige ainsi le maire à n’accorder l’autorisation qu’après avoir consulté le préfet et obtenu son avis favorable.

3.2.4 L’article L472-2 ne subordonne pas, en revanche, le refus de délivrer l’autorisation à l’avis du préfet, quel que soit le sens de cet avis.

3.2.5 Il n’oblige donc pas le maire à accorder l’autorisation, une fois qu’il a consulté le préfet et obtenu son avis favorable.

3.2.6 En conséquence, le maire peut refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable.

3.2.7 L’avis favorable du préfet ne lie pas le maire, contrairement à son avis défavo-rable.

3.2.8 Plus concrètement encore, la consultation comme l’avis du préfet sont facultatifs si le maire envisage de refuser l’autorisation, obligatoire et conforme, respective-ment, si le maire souhaite l’accorder.

***

Versions développées des réponses Deux interrogations dans cette question n°3.

3.1 Interrogation n°1 : Le maire de Trantor a-t-il le droit d’accorder l’autorisation deman-dée si l’avis du préfet est défavorable ?

3.2 Interrogation n°2 : Le maire de Trantor est-il en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?

Il faudra donc veiller à mettre en évidence les réponses globales à ces deux interrogations, c’est-à-dire à les séparer matériellement, tout en se demandant si elles ne sont pas logiquement liées.

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Faits pertinents communs aux deux interrogations de la question n°3 du cas pratique :

Dans la deuxième quinzaine du mois de février 2010, le maire de Trantor-sur-Ciel est saisi d’une de-mande d’autorisation de travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques. Même s’il préfère les consultations électorales aux consultations administratives, il estime qu’en pareil cas le code l’urbanisme l’oblige à solliciter l’avis du préfet, et ce, quelles que soient les suites qu’il sou-haite donner à la demande. Avant que le préfet ne se prononce, le maire fait savoir qu’il ne tiendra aucun compte de l’avis, que ce-lui-ci soit favorable ou non.

Le maire de Trantor a-t-il raison de soutenir, d’une part, qu’il a le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable, et, d’autre part, qu’il est en droit de refuser de déli-vrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?

***

Définitions :

consultation (administrative !) : formalité consistant, de la part d’une autorité administrative, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant de prendre une dé-cision ;

avis : position exprimée sur un projet de décision, au moyen d’un acte juridique, par l’autorité ou l’organisme consulté.

***

3.1 Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Le maire de Trantor a-t-il le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable ?

La structure de notre réponse reste inchangée : Interrogation éventuellement, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

3.1.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Pas de faits additionnels propres à cette interrogation n°1. Cf. exposé des faits pertinents communs aux deux interrogations, supra, page 36 . Les faits pertinents communs aux deux interrogations permettent de reformuler cette interrogation de la manière suivante :

Le maire de Trantor a-t-il le droit d’accorder l’autorisation d’exécuter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques si l’avis du préfet est défavorable ?

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3.1.2 Points de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Quelle est la nature juridique de la relation entre la décision du maire d’accorder l’autorisation demandée et l’avis défavorable du préfet ?

Quelle est la portée juridique de l’avis défavorable du préfet ?

3.1.3 Règles pertinentes

La nature juridique de la relation entre la décision du maire d’accorder l’autorisation demandée et l’avis défavorable du préfet. L’avis défavorable du préfet est une des expressions de la procédure au terme de laquelle

le maire accorde l’autorisation d’exécuter des travaux portant sur la réalisation de re-montées mécaniques.

Il s’agit de la procédure consultative. Définition : (rappel) : formalité consistant, de la part d’une autorité administrative, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant de prendre une décision.

Il existe trois hypothèses de consultation : 1. la consultation facultative avec avis facultatif : dans cette hypothèse, l'administration

consulte sans que les textes l'y obligent. Pourquoi le fait-elle alors ? Pour s'informer et réfléchir avant d'agir. Dans ce cas, l'administration n'est ni obligée de consulter (con-sultation facultative) ni obligée de suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif),

2. la consultation obligatoire avec avis facultatif : dans cette hypothèse, les textes obli-gent l'administration à consulter (consultation obligatoire) mais ils ne l'obligent pas à suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif) ;

3. la consultation obligatoire avec avis conforme : dans cette hypothèse, les textes obli-gent l'administration à consulter (consultation obligatoire) et ils l'obligent également à suivre l'avis qui lui est délivré, à s'y conformer (avis conforme).

La portée juridique de l’avis défavorable du préfet. En substance, l’article L472-2 du code de l’urbanisme dispose : l'autorisation d'exécuter

des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques ne peut être délivrée par le maire qu’à la suite d’un avis favorable du préfet.

Ainsi sommes-nous en présence d’un cas de consultation obligatoire avec avis conforme. Démonstration :

Avis conforme : il doit y avoir concordance, conformité entre la décision du maire d’accorder l’autorisation demandée et l’avis du préfet ; la décision d’accorder l’autorisation demandée n’est légale que si elle fait suite à un avis favorable du préfet. L’accord du maire et l’accord du préfet sont nécessaires pour que l’autorisation soit va-lablement accordée. Le maire, qui intervient en dernier lieu, est obligé de respecter le dé-saccord, c’est-à-dire l’avis défavorable du préfet, de s’y conformer. L’avis défavorable du préfet lie le maire. Consultation obligatoire : étant donné que l’avis favorable du préfet est requis pour que l’autorisation soit valablement accordée, le maire est obligé de consulter le préfet s’il veut accorder l’autorisation demandée.

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3.1.4 Application des règles pertinentes à l’espèce et, ipso facto, réponse à l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Il résulte des règles pertinentes susexposées que la décision d’accorder une autorisation d’exécuter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques s’inscrit dans le contexte d’une consultation obligatoire avec avis conforme.

Le maire est tenu o de consulter le préfet (ce qu’il a du reste fait) o et, le cas échéant, de se conformer à l’avis défavorable du préfet (ce qu’il prétend

avoir le droit de ne pas faire). Le maire est lié par l’avis défavorable du préfet. Nous avons notre réponse à l’interrogation n°1 :

Le maire de Trantor n’a pas le droit d’accorder l’autorisation demandée si l’avis du préfet est défavorable.

***

3.2 Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique

Le maire de Trantor est-il en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable ?

La structure de notre réponse ne surprendra guère : Interrogation éventuellement, faits pertinents propres à l’interrogation points de droit soulevés par ces faits pertinents règles pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, ré-ponse effective à l’interrogation.

***

3.2.1 Faits pertinents propres à cette interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique

Pas de faits additionnels propres à cette interrogation n°2. Cf. exposé des faits pertinents communs aux deux interrogations, supra, page 36 . Les faits pertinents communs aux deux interrogations permettent de reformuler cette interrogation de la manière suivante :

Le maire de Trantor est-il en droit de refuser de délivrer l’autorisation d’exécuter des travaux por-tant sur la réalisation de remontées mécaniques si l’avis du préfet est favorable ?

***

3.2.2 Points de droit (Étape formelle, facultative, mais on ne peut plus utile)

Quelle est la nature juridique de la relation entre la décision du maire de refuser d’accorder l’autorisation demandée et l’avis favorable du préfet ?

Quelle est la portée juridique de l’avis favorable du préfet ?

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3.2.3 Règles pertinentes

La nature juridique de la relation entre la décision du maire de refuser d’accorder l’autorisation demandée et l’avis favorable du préfet. L’avis favorable du préfet est une des expressions de la procédure au terme de laquelle le

maire refuse l’autorisation d’exécuter des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques.

Il s’agit de l’un des éléments constitutifs de la procédure consultative. Définition (rap-pel) : la procédure consultative, c’est la formalité consistant, de la part d’une autorité administra-tive, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un organisme avant de prendre une décision.

Il existe trois hypothèses de consultation : 1. la consultation facultative avec avis facultatif : dans cette hypothèse, l'administration

n'est ni obligée de consulter (consultation facultative) ni obligée de suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif),

2. la consultation obligatoire avec avis facultatif : dans cas, les textes obligent l'adminis-tration à consulter (consultation obligatoire) mais ils ne l'obligent pas à suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif) ;

3. la consultation obligatoire avec avis conforme : les textes obligent l'administration à consulter (consultation obligatoire) et ils l'obligent également à suivre l'avis qui lui est délivré, à s'y conformer (avis conforme).

* La portée juridique de l’avis favorable du préfet. L’article L472-2 du code de l’urbanisme dispose en substance : l'autorisation d'exécuter

des travaux portant sur la réalisation de remontées mécaniques ne peut être délivrée par le maire qu’à la suite d’un avis favorable du préfet.

L’avis défavorable du préfet lie le maire dans la mesure où, comme nous l’avons déjà dé-montré (Cf. réponse à l’interrogation n°1), cet avis défavorable oblige le maire à refuser d’accorder l’autorisation sollicitée.

En revanche, l’avis favorable du préfet ne lie pas le maire en ce sens qu’il ne l’oblige ni à accorder, ni à refuser d’accorder l’autorisation demandée.

L’avis favorable du préfet apparaît ainsi comme un avis facultatif, tandis que l’avis défa-vorable du préfet est un avis conforme. Le maire ne peut faire abstraction d’un avis défa-vorable du préfet, mais il a le droit de passer outre à un avis favorable du préfet.

Au surplus, une lecture littérale de l’article L472-2 du code de l’urbanisme permet d’affirmer, contrairement à ce que pense le maire, que la consultation du préfet n’est obligatoire que si le maire envisage d’accorder l’autorisation demandée.

*** 3.2.4 Application des règles pertinentes à l’espèce et, ipso facto, réponse à

l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Il résulte des règles pertinentes susexposées qu’au contraire de son avis défavorable, l’avis favorable du préfet ne lie pas le maire.

Il est à peine besoin de formuler notre réponse à l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique :

Le maire de Trantor est en droit de refuser de délivrer l’autorisation même si l’avis du préfet est favorable.

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Source d’inspiration pour la question n°2, relative au retrait.

La question de droit posée au Conseil d’État était plus ardue, car il lui fallait déduire l’existence de la décision créatrice de droits des circonstances de l’espèce.

*

Conseil d'État N° 300635 Mentionné au tables du recueil Lebon Section du Contentieux M. Vigouroux, président M. Xavier Domino, rapporteur M. Glaser Emmanuel, commissaire du gouvernement SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY, avocats Lecture du vendredi 12 décembre 2008

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et 16 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour la COMMUNE D'IGNAUX, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville d'Ignaux (09110) ; la COM-MUNE D'IGNAUX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé l'arrêté du 28 mai 2003 du maire d'Ignaux demandant à M. A le remboursement de la somme de 3 105,61 euros correspondant à des rémunérations qu'il aurait indûment perçues, ainsi que le titre exécutoire du 2 juin 2003 émis en vue du recouvrement de ladite somme, et d'autre part, déchargé M. A de cette somme ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

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Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE D'IGNAUX et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, recruté par la COM-MUNE D'IGNAUX en qualité d'agent d'entretien à temps complet par contrats à durée déterminée pour des périodes comprises entre le 1er février et le 15 avril 2000 d'une part et entre le 18 décembre 2000 et le 17 mars 2001 d'autre part, M. A a été rémunéré pour un montant total de 2 483,29 euros ; que, deux ans après le paiement de ces sommes, qui avait donné lieu à la délivrance de bulletins de paye, la COMMUNE D'IGNAUX, estimant que le service n'avait en réalité pas été fait, a convoqué M. A devant le conseil municipal le 21 mars 2003 ; qu'à la suite de cette séance, le maire d'Ignaux a pris, le 28 mai 2003, un arrêté constatant que l'intéressé n'avait pas effectué la totalité de ses heures de service entre 2000 et 2001 et a émis, le 2 juin suivant, un titre exécutoire correspondant au mon-tant des heures non effectuées ; que la COMMUNE D'IGNAUX se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. A, l'arrêté du 28 mai 2003 et le titre de perception du 2 juin 2003 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait statué irrégulièrement en fon-dant sa décision sur le moyen, qui n'était pas soulevé devant lui, tiré de ce que le versement des trai-tements en cause était révélateur d'une décision créatrice de droits manque en fait dès lors qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, M. A invoquait devant lui un moyen d'erreur de droit tiré de ce que les déci-sions attaquées remettaient en cause des droits pécuniaires acquis notamment du fait de la remise de bulletins de salaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en soulevant d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration était tenue de refuser cet avantage ; que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, l'administration ne peut dès lors reti-rer sa décision explicite, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans le délai de quatre mois suivant son édiction ; que, pour l'application de ces règles, doit être assimilée à une décision explicite accordant un avantage financier celle qui, sans avoir été formalisée, est révélée par des agissements ultérieurs ayant pour objet d'en assurer l'exécution ; que l'existence d'une décision de cette nature peut par exemple, en fonction des circonstances de chaque espèce, être mani-festée par le versement à l'intéressé des sommes correspondantes, telles qu'elles apparaissent sur son bulletin de paye ; que ces règles ne font obstacle ni à la possibilité, pour l'administration, de

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demander à tout moment le reversement des sommes attribuées par suite d'une erreur dans la procé-dure de liquidation ou de paiement ou d'un retard dans l'exécution d'une décision de l'ordonnateur, ni à celle de supprimer pour l'avenir un avantage dont le maintien est subordonné à une condition dès lors que celle-ci n'est plus remplie ;

Considérant que le versement de son traitement à un agent par l'administration, à laquelle il incombe de s'assurer de l'accomplissement effectif par l'intéressé de son service, manifeste, lorsque le traitement est versé en dépit de l'absence de service fait, l'existence d'une décision implicite d'octroi d'un avantage financier, créatrice de droits ;

Considérant qu'en regardant les faits qui lui étaient soumis comme révélant l'existence d'une déci-sion de rémunération créatrice de droits, le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de qualification juridique ; qu'en en déduisant que l'arrêté du 28 mai 2003 du maire d'Ignaux demandant à le remboursement de la somme de 3 105,61 euros correspondant à des rémunérations qu'il aurait indûment perçues en l'absence de service fait ainsi que le titre exécutoire du 2 juin 2003 émis en vue du recouvrement de ladite somme, devaient être annulés, le tribunal administratif n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'IGNAUX n'est pas fondée à de-mander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 novembre 2006 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement des mêmes disposi-tions, de mettre à la charge de la COMMUNE D'IGNAUX une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

-------------- Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE D'IGNAUX est rejeté.

Article 2 : La COMMUNE D'IGNAUX versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'IGNAUX, à M. Bruno A et au mi-nistre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.