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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 CAPITOLE LICENCE EN DROIT –2 ÈME NIVEAU GROUPE DE COURS N° II DROIT ADMINISTRATIF TRAVAUX DIRIGÉS THÈME N° 5 : Les contrats administratifs Cas pratique n°1 Corrigé À retenir absolument sous peine de ne pas obtenir la moyenne à l'examen Références jurisprudentielles relatives aux contrats administratifs : 1. TC, 21 mars 1983, Union des Assurances de Paris : un contrat conclu entre deux personnes publiques est présumé administratif ; 2. TC, 8 juillet 1963, Entreprise Peyrot contre Société de l’autoroute Esterel-Côte-d’Azur : même en l’absence de mandat, une personne privée peut être réputée agir pour le compte d’une per- sonne publique ; 3. CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt c. Société Mayday Sécurité : personne privée transparente ; 4. CE, 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges : clauses exorbitantes ; 5. CE, Sect., 19 janvier 1973, Société d'Exploitation Électrique de la rivière du Sant : régime exorbi- tant ; 6. CE, Sect., 20 avril 1956, Époux Bertin : relation avec l'exécution d'un service public ; 7. CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône c. Commune de Lambesc : distinction contrat de délégation de service public - marché de service public. (bis) 8. CE, 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux : pouvoir de modification unilatérale ; 9. CE, 31 Mai 1907, Deplanque c. Ville de Nouzon : pouvoir de sanction ; 10. CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux - ou arrêt « Gaz de Bor- deaux » : théorie de l'imprévision. Remarques : 1. Cette liste n'est pas exhaustive. Il s'agit d'un minimum vital destiné à faciliter les révisions. 2. Renoncez à l'espoir d'obtenir la moyenne si vous vous présentez à l'examen sans avoir en tête cette liste – et les autres ! 3. Une relecture hebdomadaire du cours et de toutes les listes est une nécessité absolue.

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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 CAPITOLE

LICENCE EN DROIT – 2ÈME NIVEAU GROUPE DE COURS N° II

DROIT ADMINISTRATIF

TRAVAUX DIRIGÉS

THÈME N° 5 :

Les contrats administratifsCas pratique n°1 – Corrigé

À retenir absolument sous peine de ne pasobtenir la moyenne à l'examen

Références jurisprudentielles relatives aux contrats administratifs :

1. TC, 21 mars 1983, Union des Assurances de Paris : un contrat conclu entre deux personnespubliques est présumé administratif ;

2. TC, 8 juillet 1963, Entreprise Peyrot contre Société de l’autoroute Esterel-Côte-d’Azur : même enl’absence de mandat, une personne privée peut être réputée agir pour le compte d’une per-sonne publique ;

3. CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt c. Société Mayday Sécurité : personneprivée transparente ;

4. CE, 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges : clauses exorbitantes ;5. CE, Sect., 19 janvier 1973, Société d'Exploitation Électrique de la rivière du Sant : régime exorbi-

tant ;6. CE, Sect., 20 avril 1956, Époux Bertin : relation avec l'exécution d'un service public ;7. CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches-du-Rhône c. Commune de Lambesc : distinction contrat

de délégation de service public - marché de service public. (bis)8. CE, 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux : pouvoir de modification

unilatérale ;9. CE, 31 Mai 1907, Deplanque c. Ville de Nouzon : pouvoir de sanction ;10. CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux - ou arrêt « Gaz de Bor-

deaux » : théorie de l'imprévision.Remarques :

1. Cette liste n'est pas exhaustive. Il s'agit d'un minimum vital destiné à faciliter les révisions.2. Renoncez à l'espoir d'obtenir la moyenne si vous vous présentez à l'examen sans avoir en têtecette liste – et les autres !3. Une relecture hebdomadaire du cours et de toutes les listes est une nécessité absolue.

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Votre réputation d’administrativiste hors pair a conquis M. Jean Legrandjacques, directeurgénéral de la société LASCAZ. A preuve, cet extrait de la missive qu’il vous adresse :

« Nous sommes à la veille du dépôt de bilan. Et pourtant, selon la formule consacrée, notresociété semblait promise à un bel avenir.

En 2001, nous avons conclu un contrat avec notre bonne vieille ville de Trantor-Sur-Ciel. Jevous dois un aveu : la défaite de nos concurrents n’est pas imputable à nos seules compétences tech-niques.

En vertu dudit contrat, nous avions en charge l’enlèvement et le traitement des ordures mé-nagères.

Peut-être parce qu’ils doutaient de notre conscience professionnelle, les responsables de lacommune ont inséré dans le contrat ce qu’ils ont appelé - en riant!- des garde-fous : obligationd’assurer une tournée par jour, contrôle permanent de notre activité, achats "massifs" de véhiculesappropriés et possibilité pour la commune de résilier unilatéralement le contrat.

En contrepartie de nos prestations, nous recevions de la ville une certaine rémunération -comprenez ma discrétion.

Nous avons honoré nos engagements contractuels avec une rare conscience professionnelle.En 2005, la commune a même reçu le prix de la ville la plus propre de France ! En vérité, avecl’agrément du maire, notre société s’est fait aider par l’entreprise Tangelp et frères. En vertu d’uncontrat que nous avons conclu avec cette société, elle s’occupait de l’incinération des déchets. Inutilede vous dire que nous avons inséré dans ce contrat certains des garde-fous qui avaient tant fait rireles "responsables" de la commune.

Nos misères ont commencé au lendemain de la dernière élection présidentielle. Sur la foi decertains sondages, nous avions pris le parti de l’un des candidats, au grand dam de notre maire. De-puis, ce dernier n’a eu de cesse de nous faire payer notre engagement imprudent.

Tout d’abord, il nous a contraints à effectuer une tournée quotidienne supplémentaire.Ensuite, il nous a infligé de très lourdes sanctions pécuniaires pour inexécution fautive.

C’était injuste puisque nous étions en décembre 2007 et que, comme chacun le sait, la grève desfonctionnaires battait son plein.

Enfin, il a édicté un décret inique - il est aussi Premier ministre!- mettant au bord de la faillitedes entreprises comme la nôtre (Contraintes financières, sociales…)

Les questions que je soumets à votre sagacité sont les suivantes :1 - Devant quel juge devons-nous porter le litige contractuel qui nous oppose à la com-

mune?2 - La commune avait-elle le droit de nous imposer une tournée supplémentaire? Entre pa-

renthèses, sa décision est-elle une décision de poursuivre ?3 - Le juge a-t-il le pouvoir d’annuler les sanctions pécuniaires prises par le maire à notre

encontre ?4 - Notre société peut-elle, raisonnablement, espérer obtenir une compensation financière

pour le préjudice causé par le décret ?5 - Enfin, je soupçonne la société Tangelp d’avoir partie liée avec le maire. Aussi voudrais-je

obtenir la résiliation du contrat qui nous lie. A quel juge dois-je m’adresser?

PS: Vous remarquerez que je ne vous ai pas demandé de me réciter votre cours.»

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Corrigé didactique du cas pratique

N.B. : Ce corrigé a une visée essentiellement didactique. En d’autres termes, l’auteur ducas pratique ne s’attendait absolument pas à ce que le candidat rende une copie conforme à ce corri-gé. Ce qui compte, c’est le respect des grandes lignes de la démarche.

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] :sans conséquence sur la note

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Sommaire(Cliquez sur une ligne pour accéder directement à la page correspondante)

1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique ........................................................ 5Définitions et compréhension des termes de la question n°1 : ....................................................... 5Compréhension de la question n°1 dans son ensemble : ............................................................... 6Exposé des faits pertinents : ........................................................................................................ 7Exposé et application des règles pertinentes aux faits pertinents : ................................................ 7Conclusion et réponse à la question n° 1 du cas pratique : ......................................................... 16

2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique ...................................................... 171 – Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique : ....................................... 17

Compréhension des termes de l'interrogation n°1 de la question n°2 : .................................... 17Compréhension de l'interrogation n°1 de la question n°2 : ..................................................... 18Faits pertinents : ................................................................................................................... 18Règles pertinentes : .............................................................................................................. 19Application des règles pertinentes aux faits pertinents : ......................................................... 20Conclusion et réponse à l’interrogation n°1 de la question n° 2 du cas pratique : ................... 21

2 – Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique : ....................................... 21Compréhension des termes de l'interrogation n°2 de la question n°2 : .................................... 21Compréhension de l'interrogation n°2 de la question n°2 : ..................................................... 21Faits pertinents : ................................................................................................................... 22Règles pertinentes : .............................................................................................................. 22Application des règles pertinentes aux faits pertinents : ......................................................... 22Conclusion et réponse à l’interrogation n°1 de la question n° 2 du cas pratique : ................... 23

Conclusion synthétique et réponses aux interrogations n°1 et n°2 de la question n° 2 du caspratique : .................................................................................................................................. 23

3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique ...................................................... 24Compréhension des termes de la question n°3 : ......................................................................... 24Compréhension de la question n°3 dans son ensemble : ............................................................. 24Faits pertinents :........................................................................................................................ 25Règles pertinentes : ................................................................................................................... 25Application des règles pertinentes aux faits pertinents :.............................................................. 27Conclusion et réponse à la question n° 3 du cas pratique : ......................................................... 28

4 – Réponse à la question n°4 du cas pratique ...................................................... 29Compréhension des termes de la question n°4 : ......................................................................... 29Compréhension de la question n°4 dans son ensemble : ............................................................. 29Faits pertinents :........................................................................................................................ 30Règles pertinentes : ................................................................................................................... 30Application des règles pertinentes aux faits pertinents :.............................................................. 32Conclusion et réponse à la question n° 4 du cas pratique : ......................................................... 33

5 – Réponse à la question n°5 du cas pratique ...................................................... 35Compréhension des termes de la question n°5 : ......................................................................... 35Compréhension de la question n°5 dans son ensemble : ............................................................. 35Faits pertinents :........................................................................................................................ 36Règles pertinentes : ................................................................................................................... 36Conclusion et réponse à la question n°5 du cas pratique : .......................................................... 41

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1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique

Devant quel juge devons-nous porter le litige contractuel qui nous oppose à lacommune ?

Définitions et compréhension des termes de la question n°1 :

Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles ne sontjamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

commune : personne publique, plus précisément collectivité territoriale ou locale ;litige : un litige est "un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, uneopposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes." - 30 août 1924, Af-faire des concessions Mavrommatis en Palestine. (Voir annexe à l’introduction généraleet au cours sur les juges de l’administration)litige contractuel : un contrat est un acte plurilatéral, c’est-à-dire un acte destiné à régirle comportement de deux ou plusieurs personnes qui en sont, juridiquement, les auteurs.Un litige contractuel est un désaccord relativement à un contrat, ou plus précisément, undésaccord concernant l’une des trois étapes du parcours juridique d’un contrat : la for-mation du contrat, l’exécution du contrat ou la terminaison (ou fin) du contrat. Noussommes en présence de deux contrats engendrant un litige effectif et un litige po-tentiel :

1. Le contrat que la société LASCAZ, l’entreprise de M. Jean Legrandjacques (lenarrateur) a conclu en 2001 avec la commune

Données pertinentes du cas pratique : « Nous sommes à la veille du dépôt de bilan. Etpourtant, selon la formule consacrée, notre société semblait promise à un bel avenir.

En 2001, nous avons conclu un contrat avec notre bonne vieille ville de Trantor-Sur-Ciel[…] » ;

Ce contrat a donné naissance à un premier litige (Questions n°1, 2, 3 et 4).

2. Le contrat que la société LASCAZ, l’entreprise du narrateur, a conclu en 2001avec l’entreprise Tangelp et frères.

Données pertinentes du cas pratique : "En vérité, avec l’agrément du maire, notre so-ciété s’est fait aider par l’entreprise Tangelp et frères. En vertu d’un contrat que nousavons conclu avec cette société, elle s’occupait de l’incinération des déchets."

Ce contrat pourrait donner naissance à un deuxième litige (Question n°5) ;

litige contractuel qui nous oppose à la commune : désaccord relativement au con-trat que la société LASCAZ (personne morale de droit privé d’où l’appellation de so-ciété) a conclu en 2001 avec la commune.Le désaccord porte sur l’exécution du contrat, et non sur sa formation contrairementà ce que suggère la proposition « Je vous dois un aveu : la défaite de nos concurrentsn’est pas imputable à nos seules compétences techniques. »

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Plus précisément, le désaccord concerne la modification unilatérale des prestations dela société LASCAZ, l’aggravation de ses charges financières et les très lourdes sanc-tions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre 2007 pour inexécution fautive.Données pertinentes du cas pratique : « Nous sommes à la veille du dépôt de bilan […]Tout d’abord, il nous a contraints à effectuer une tournée quotidienne supplémentaire.Ensuite, il nous a infligé de très lourdes sanctions pécuniaires pour inexécution fautive.C’était injuste puisque nous étions en décembre 2007 et que, comme chacun le sait, la grèvedes fonctionnaires battait son plein.Enfin, il a édicté un décret inique - il est aussi Premier ministre!- mettant au bord de la faillitedes entreprises comme la nôtre (Contraintes financières, sociales…) »

devant quel juge devons-nous porter le litige contractuel : quel juge a compétencepour trancher le litige contractuel ? Etant donné que nous composons en droit admi-nistratif et que nous savons que l’administration a deux juges (juge administratif etjuge judiciaire), le juge dont il s’agit peut être, en théorie, soit le juge administratifsoit le juge judiciaire.

Compréhension de la question n°1 dans son ensemble :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°1 nous per-met de comprendre la question n°1 dans son ensemble de la manière suivante :

Devons-nous porter devant le juge administratif ou le juge judiciaire le dé-saccord concernant à la fois la modification unilatérale des prestations denotre société, l’aggravation de ses charges financières et les très lourdessanctions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre 2007 pourinexécution fautive dans le cadre de l’exécution du contrat que notre socié-té a conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Ou encore : Qui du juge administratif ou du juge judiciaire a compétencepour trancher le litige concernant à la fois la modification unilatérale desprestations de notre société, l’aggravation de ses charges financières et lestrès lourdes sanctions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre2007 pour inexécution fautive dans le cadre de l’exécution du contrat quenotre société a conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Nous avons compris la question. Il nous reste à y répondre.

La réponse consistera à appliquer les règles pertinentes aux faits pertinents.

Il nous faut donc découvrir et les faits pertinents et les règles pertinentes.

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Exposé des faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de la question, car on ne peut comprendre une question sans s’appuyer sur lesfaits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère la question n°1.

Données pertinentes : Voir cas pratiqueAinsi donc, les parties au contrat conclu en 2001 sont

d’une part, la société LASCAZ (personne morale de droit privé)et d’autre part la commune de Trantor-Sur-Ciel (personne morale de droit public).

Le contrat a pour objet l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères par la sociétéLASCAZ. Il s’agit bien des ordures ménagères de la ville.

Données pertinentes du cas pratique : « En 2005, la commune a même reçu le prix de la ville laplus propre de France. »

D’autres obligations pèsent sur cette entreprise : obligation d’assurer une tournée par jour,contrôle permanent de son activité, achats "massifs" de véhicules appropriés et possibilité pour lacommune de résilier unilatéralement le contrat.

En contrepartie de toutes ses prestations et obligations, l’entreprise se voit verser un prix parla commune – prix sans doute considérable et complaisamment fixé.

Ultérieurement, trois événements se produisent qui vont engendrer un litige :1. le maire de la commune a contraint l’entreprise privée à effectuer une tournée quoti-

dienne supplémentaire ;2. ensuite, il lui a infligé de très lourdes sanctions pécuniaires pour inexécution fautive ;3. enfin, en sa qualité de Premier ministre, il a édicté un décret inique mettant au bord de la

faillite des entreprises comme la société LASCAZ, l’entreprise du narrateur : Contraintesfinancières, sociales….

Exposé et application des règles pertinentes aux faits pertinents :

Le narrateur nous interroge :

Devons-nous porter devant le juge administratif ou le juge judiciaire le dé-saccord concernant à la fois la modification unilatérale des prestations denotre société, l’aggravation de ses charges financières et les très lourdessanctions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre 2007 pourinexécution fautive dans le cadre de l’exécution du contrat que notre socié-té a conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Ou encore : Qui du juge administratif ou du juge judiciaire a compétencepour trancher le litige concernant à la fois la modification unilatérale desprestations de notre société, l’aggravation de ses charges financières et lestrès lourdes sanctions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre2007 pour inexécution fautive dans le cadre de l’exécution du contrat quenotre société a conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

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Puisqu’il est question de compétences juridictionnelles et de contrats, nous trouverons lesrègles pertinentes dans les parties du cours qui ont trait aux compétences juridictionnelles et aux con-trats.

Le cours nous permettra également d’indiquer la portée et les implications de la question n°1du cas pratique.

1 - Introduction générale au cours : « T.C., 8 février 1873, Blanco La compétence suit le fond. C’est l’équation droit administratif (le fond) = juge ad-

ministratif (la compétence).La compétence est déterminée par les règles qui permettent de trancher le litige. A la

question « devant quel juge doit-on porter tel litige ? » il convient de répondre en envisageantdeux hypothèses :

1. Si le litige doit être tranché sur la base du droit administratif (fond), il ressortit à lacompétence du juge administratif (compétence) ;

2. Si le litige doit être tranché sur la base du droit privé (fond), il relève du juge judi-ciaire (compétence). »

2 - Cours sur les contrats administratifs :« Les contrats de l’administration se répartissent entre deux grandes catégories :

1. les contrats administratifs, qui relèvent du droit administratif et du juge administra-tif,

2. les contrats de droit privé, qui relèvent du droit privé et du juge judiciaire.

Naturellement, la question “ Devant quel juge doit-on porter un litige relatif à tel con-trat ? ” appelle la question “ Quelle est la nature juridique de ce contrat ? ”.

D'une façon générale, il est deux manières de vous interroger sur une chose :1. l'interrogation directe portant sur la chose elle-même (par exemple, y a-t-il du

feu ?)2. et l'interrogation indirecte relative à une conséquence inséparable de la chose (par

exemple, y a-t-il de la fumée ?)S'agissant d'un contrat, voici les deux types d'interrogation :

1. interrogation directe : quelle est la nature juridique du contrat ? (contrat ad-ministratif ou contrat de droit privé ?)

2. interrogation indirecte : devant quel juge doit-on porter les litiges relatifs à cecontrat? ou encore, quel est le droit applicable à ce contrat ? »

La question n°1 du cas pratique correspond à une interrogation indirecte sur la nature ducontrat conclu en 2001.

Rappelons que nous avons compris cette question de la manière suivante : Qui du juge ad-ministratif ou du juge judiciaire a compétence pour trancher le litige concernant à la fois lamodification unilatérale des prestations de notre société, l’aggravation de ses charges finan-cières et les très lourdes sanctions pécuniaires qui lui ont été infligées en décembre 2007 pourinexécution fautive dans le cadre de l’exécution du contrat que notre société a conclu en 2001avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Conformément aux passages pertinents du cours cités ci-dessus, la réponse à la question n°1du cas pratique présuppose la réponse à la question suivante : le contrat passé en 2001 entre la

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société LASCAZ, l’entreprise du narrateur, et la commune de Trantor-Sur-Ciel est-il un con-trat administratif ou un contrat de droit privé ?

Rappel du raisonnement générique qui gouverne la qualification juridique des con-trats :

Au stade de l'identification, c'est-à-dire de la qualification, on peut avoir affaire à deux typesde contrats administratifs :

1. les contrats qui tiennent leur qualification directement ou indirectement de la loi ou d’unevolonté particulière du juge : contrats administratifs par détermination de la loi et con-trats de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence,

2. et les contrats dont la qualification est la conséquence de l’application des critères juris-prudentiels : contrats administratifs et contrats de droit privé.

Voilà pourquoi lorsque l'on veut qualifier un contrat,

1. on doit d'abord se demander s'il s'agit d'un contrat administratif par détermination de laloi ou d'un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence ;

2. en cas de réponse négative à la précédente question, on se demandera ensuite s’il s’agitd’un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence ;

3. les réponses aux deux questions précédentes étant négatives, on doit se demander si lecontrat peut être qualifié de contrat administratif en application des critères jurispruden-tiels.

1 – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel appartient-il à la catégorie des contrats administratifs par détermination de la loi ?

Pour répondre de manière rigoureuse, nous devons confronter le contrat de 2001 à la listedes contrats administratifs par détermination de la loi.

Liste des contrats administratifs par détermination de la loi :les contrats de vente d’immeubles du domaine privé de l’État (loi du 28 pluviôse an VIII- 17 février 1800),les marchés de travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII),les contrats comportant occupation du domaine public (décret-loi du 17 juin 1938).

Il est manifeste que notre contrat n’a pas sa place dans cette liste.

Données pertinentes du cas pratique : « En vertu dudit contrat, nous avions en chargel’enlèvement et le traitement des ordures ménagères. »

Il n’est question ni de vente d’immeubles du domaine privé de l’État, ni d’occupation du do-maine public. Le contrat de 2001 n’a pas davantage pour objet l’exécution de travaux publics, c’est-à-dire la réalisation de travaux sur des immeubles, pour le compte d'une personne publique et dansun intérêt général (cf. cours : T.C., 7 juin 1999, COMMUNE DE VILLENEUVE D'ASCQ).

Nous ne saurions non plus affirmer que le contrat tombe sous le coup des dispositions del’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001. En effet, outre le fait que nous ignorons ladate précise de la conclusion du contrat, rien dans le libellé du cas pratique ne nous permet de soute-nir que le contrat a été passé en application du code des marchés publics, et nous savons que nous nedevons rien ajouter au libellé du cas pratique.

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2 – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel appartient-il à la catégorie des contrats de droit privé par détermination de la loi ou de lajurisprudence ?

Notre démarche sera la même que précédemment.Liste des contrats de droit privé par détermination de la loi :

les contrats d’affermage des taxes communales - loi du 17 mai 1809,les contrats relatifs à l’ordinaire des corps de troupes.

Liste des contrats de droit privé par détermination de la jurisprudence :les contrats conclus entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagersen vue de fournir à ces derniers des prestations de services.

Notre contrat ne figure dans aucune de ces deux listes.

Données pertinentes du cas pratique : « En vertu dudit contrat, nous avions en chargel’enlèvement et le traitement des ordures ménagères. »

L’objet du contrat de 2001 n’est pas l’affermage des taxes communales, et ni la commune nil’entreprise privée n’apparaissent comme des usagers de quoi que ce soit.

Nous sommes donc tenté de conclure que notre contrat n’estni un contrat administratif par détermination de la loi,ni un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

Toutefois, un facteur nous oblige à différer ou à nuancer cette conclusion : la liste des con-trats administratifs par détermination de la loi et les listes de contrats de droit privé par déterminationde la loi ou de la jurisprudence ont été fournies dans le cours à titre d’exemples.

Il se peut que ces trois listes ne soient pas exhaustives, comme il se peut qu’elles lesoient.

A ce stade de notre raisonnement, nous ne pouvons donc pas soutenir sans condition que lecontrat de 2001 n’est

ni un contrat administratif par détermination de la loi,ni un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

La logique nous force à écrire : les connaissances que nous tirons du cours nous autori-sent à dire que le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel n’est

ni un contrat administratif par détermination de la loi,ni un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

3 – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel est-il un contrat administratif en application des critères jurisprudentiels ?

Rappel des critères jurisprudentiels :

Pour pouvoir être qualifié de contrat administratif selon la jurisprudence, un contrat doit sa-tisfaire

au critère organique : il faut qu'au moins une personne publique soit partie à ce contrat(participation directe ou indirecte d'une personne publique)

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et, au moins, à l'un des critères matériels ou complémentaires suivants : clause exorbi-tante, régime exorbitant ou relation avec l'exécution d'un service public.

Application à l’espèce :

1 – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel satisfait-il au critère organique ?

En d’autres termes, une personne morale de droit public y est-elle partie ?

Les parties à ce contrat sontd’une part la commune de Trantor-Sur-Ciel,et d’autre part la société LASCAZ.

La commune de Trantor-Sur-Ciel est bien évidemment une personne morale de droit public,plus précisément une collectivité territoriale, et la société LASCAZ, une personne morale de droitprivé (Cf. supra la compréhension de la question n°1 du cas pratique).

Puisqu’une personne publique y est partie, notre contrat satisfait au critère organique.

2 – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel remplit-il au moins l’un des critères matériels ou complémentaires exigés pour la qualifi-cation de contrat administratif ?

a – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel comporte-t-il des clauses exorbitantes du droit commun ?

C.E., 31 juillet 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges

Définitions :Clause = disposition d'un contratexorbitante = ex orbita, hors de la voie tracée, hors du droit commun, différente d’uneclause de droit privé.

Il y a deux manières d'entendre la différence :1. la clause exorbitante, clause introuvable dans les contrats de droit privé parce

qu’elle y serait illégale. C'est “la clause ayant pour objet de conférer aux partiesdes droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature àceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadredes lois civiles et commerciales ” - C.E., Sect. 20 octobre 1950, Stein.Exemple : la faculté de prononcer la résiliation unilatérale du contrat, sans mise en de-meure préalable et sans indemnité.

2. la clause exorbitante, clause inhabituelle en droit privé parce que fort inégali-taire :Exemple : la clause permettant à l'administration de contrôler l’activité, les résultats finan-ciers, les tarifs ou le personnel de son cocontractant.

Notre contrat contient-il des clauses de cette nature ?

Données pertinentes du cas pratique : "Peut-être parce qu’ils doutaient de notreconscience professionnelle, les responsables de la commune ont inséré dans le contrat cequ’ils ont appelé - en riant!- des garde-fous : obligation d’assurer une tournée par jour,

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contrôle permanent de notre activité, achats "massifs" de véhicules appropriés et possibilitépour la commune de résilier unilatéralement le contrat."

Ces garde-fous constituent autant de clauses exorbitantes du droit commun !

A ce stade de notre raisonnement, nous pouvons affirmer que le contrat passé en 2001entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel est un contrat administratif enapplication des critères jurisprudentiels.

En effet,d’une part il ne s’agit pas d’un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de lajurisprudenced’autre part, il satisfait

au critère organique une personne publique y est partie, à savoir la commune deTrantor-Sur-Ciel)et au moins à une des conditions matérielles complémentaires (il contient desclauses exorbitantes du droit commun).

Nous pourrions nous en tenir là.Toutefois, en confrontant le contrat de 2001 aux autres critères matériels, nous pourrons

peut-être déterminer la catégorie de contrats administratifs à laquelle appartient ce contrat.

b – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel a-t-il été conclu sous un régime exorbitant ?

C.E., 19 janvier 1973, Société d'Exploitation Électrique de la rivière du Sant

Définition :Le régime exorbitant rappelle la clause exorbitante mais en diffère sur un point : la clause

exorbitante est un élément, une disposition, une clause du contrat. A l’inverse, le régime exorbitantest constitué d'éléments extérieurs au contrat. C'est l'ambiance juridique exorbitante dans laquellebaigne le contrat.

Notre contrat a-t-il été conclu sous un tel régime ?

Tous les éléments exorbitants que nous relevons sont des dispositions des clauses du contratde 2001.

Comme nous ne devons rien ajouter au libellé du cas pratique, nous pouvons donc affirmerque le contrat n’a pas été conclu sous un régime exorbitant.

c – Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Ciel est-il en relation avec l'exécution d'un service public ?

Définitions :Un service public est une activité assurée par une personne publique ou par une personne

privée - sous le contrôle d'une personne publique et sous un régime partiellement public - en vue,principalement, de donner satisfaction à un besoin d'intérêt général.

La relation d’un contrat avec l’exécution d’un service public peut prendre l’une des troisformes suivantes :

1. Le contrat d’habilitation à gérer un service public : le contrat a pour objet de confier aucocontractant de la personne publique la gestion d'un service public - C.E., Sect., 20 avril1956, Époux Bertin;

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2. Le contrat de recrutement d’une personne dans un service public administratif - T.C., 25mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône et autres c/ Conseil deprud'hommes de Lyon - ou arrêt Berkani ;

3. Le contrat conclu avec l’usager d’un service public administratif - mais non d’un servicepublic industriel et commercial - : C.E., 20 avril 1956, Consorts Grimouard. Rappelonsqu’au triple point de vue de son objet, de l’origine de ses ressources et des modalités deson fonctionnement, le service public à caractère administratif se distingue des entre-prises privées - C.E., Ass., 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronau-tiques. Il en va bien sûr différemment du service public à caractère industriel et commer-cial.

Le libellé du cas pratique nous incite d’emblée à écarter les deuxième et troisièmeformes : confier à une entreprise l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville, cen’est ni procéder à un recrutement ni conclure un contrat avec l’usager d’un service public.

Il reste alors à examiner l’hypothèse d’un contrat d’habilitation à gérer un service public.En confiant à la société LASCAZ, l’entreprise du narrateur, l’enlèvement et le traitement des

ordures ménagères de la ville, la commune lui a-t-elle ipso facto confié la gestion d’un service pu-blic ?

Autrement dit, l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville consti-tuent-ils une activité de service public ?

La réponse à cette question est indissociable des réponses qui seront données à deux autresquestions :

1. Quels sont les critères nécessaires à la qualification de service public ?2. L’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville satisfont-ils aux critères

nécessaires à la qualification de service public ?

1 – Les critères nécessaires à la qualification de service public.Ils découlent de la définition même du service public. Pour qu'une activité soit considérée

comme un service public, elle doit remplir les deux critères suivants :a. caractère essentiellement d’intérêt général de l’activité ;b. lien direct ou indirect avec une personne publique.

Définitions et précisions :

a - Caractère essentiellement d’intérêt général de l’activité : la satisfaction d’un besoind’intérêt général doit constituer la raison d’être de cette activité.

La définition de l'intérêt général se révèle malaisée. Elle se fonde pourtant sur deux certi-tudes.

En premier lieu, l'intérêt général - ou public - ne s'oppose pas nécessairement à l'intérêt parti-culier ou privé. Par exemple, l'activité des théâtres municipaux sert, peut-être un intérêt public. Ce-pendant, elle sert, aussi et surtout, l'intérêt particulier des amateurs de théâtre - qui ne sont pourtantpas légion.

En second lieu, l'intérêt général n'est pas une simple somme d'intérêts particuliers. Parexemple, dans certains cas, il y aurait, quelque paradoxe à vouloir additionner l'intérêt particulier deschauffards et celui des victimes d'accidents de la route, l'intérêt particulier des bouilleurs de cru etcelui des victimes de l'alcoolisme - ou de leurs…conjoints.

La combinaison de ces deux certitudes autorise une certaine approximation de la notiond'intérêt général. L'intérêt général coïncide nécessairement avec les intérêts des administrés, doncavec des intérêts particuliers. Mais pas avec tous les intérêts particuliers. En effet, ceux-ci sont sou-

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vent contradictoires ou contraires. Par conséquent, l'intérêt général est souvent le résultat d'un arbi-trage entre différents intérêts particuliers. L'arbitrage a lieu :

soit sur le fondement d'un critère quantitatif : l'intérêt du plus grand nombre - éventuel-lement revu et corrigé par les gouvernants,soit sur le fondement d'un critère qualitatif : sur des valeurs.

b - Lien direct ou indirect avec une personne publique. Par cette formule, il faut entendrececi : l’activité est gérée soit par une personne morale de droit public soit par une personne privéesous le contrôle d’une personne morale de droit public.

Dans l’hypothèse d’un lien direct avec une personne publique, c’est une personne publique -État, collectivité locale…- qui gère directement une activité d'intérêt général avec ses propresmoyens humains et matériels. Si l'activité d'intérêt général relève de la responsabilité de la personnepublique qui la gère, on parle d'une gestion en régie du service public, sinon il s’agit d’une gestiondéléguée au sens large défini ci-dessous..

Dans l’hypothèse du lien indirect, c’est une personne privée qui gère une activité d'intérêt gé-néral, mais sous le contrôle d’une personne publique - cf., par exemple, C.E., 22 mars 2000, La-saulce, à propos des garagistes agréés pour le dépannage et le remorquage des véhicules sur lesautoroutes.

On parle alors de gestion déléguée - au sens large de l’expression. La personne privée est ha-bilitée par une personne publique à gérer un service public. Plusieurs cas de figure se présentent:

i. La personne privée est une société dont le capital est, au moins, majoritairement public;ii. La personne privée a reçu d’une personne publique une autorisation unilatérale à l’effet

de gérer un service public - habilitation unilatérale ;iii. La personne privée a conclu un contrat avec une personne publique. Et en vertu de ce

contrat, elle gère un service public - habilitation contractuelle.

2 – L’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville satisfont-ils aux cri-tères nécessaires à la qualification de service public exposés ci-dessus ?

a. L’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville répondent-ils essentiel-lement à un besoin d’intérêt général ?

Sauf à nier la nécessité de préserver l’hygiène et la salubrité publiques, force est de re-connaître que cette activité répond essentiellement à un besoin d’intérêt général.

b. L’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville de Trantor-Sur-Cielsont-ils effectués sous le contrôle d’une personne publique ?

Cette activité est exercée par la société LASCAZ, l’entreprise privée du narrateur, envertu d’un contrat passé avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.La condition du lien avec une personne publique est remplie car, comme nousl’avons déjà établi, c’est une personne publique – la commune – qui a confié l’activitéà une personne privée.L’activité sera donc gérée par une personne privée sous le contrôle d’une personnepublique – lien indirect.Sauf à imaginer que la commune se désintéresse complètement de l’enlèvement et dutraitement des ordures ménagères de la ville, ce qui serait absurde et en contradictionavec les fameux garde-fous et le caractère administratif du contrat que nous avons

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démontré – dans tout contrat administratif, la personne publique conserve un pouvoirde contrôle et de direction.

Nous pouvons donc soutenirque l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville satisfont aux critèresnécessaires à la qualification de service public (caractère essentiellement d’intérêt généralde l’activité et lien indirect avec une personne publique)et que, par voie de conséquence, le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et lacommune de Trantor-Sur-Ciel est en relation avec l'exécution d'un service public.

Nous sommes en présence d’un contrat d’habilitation à gérer un service public.

Comme nous savons qu’il existe deux grandes catégories de contrats d’habilitation à gérer unservice public (les contrats de délégation de service public et les marchés de service public), noussommes en droit de nous interroger : le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et lacommune de Trantor-Sur-Ciel est-il un contrat de délégation de service public ou un marchéde service public ?

Nous ne pouvons répondre à cette question que sur la basedes définitions de ces deux types de contrats d’habilitation à gérer un service publicet donc du critère juridique de leur distinction.

C’est le mode de rémunération du cocontractant de la personne publique qui permet de diffé-rencier le contrat de délégation de service public et le marché de service public - C.E., 15 avril 1996,Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de Lambesc (Rec. p.137).

Pour le Conseil d’État, constitue un contrat de délégation de service public tout contrat danslequel la rémunération du cocontractant de l'administration est substantiellement assurée par les ré-sultats de l'exploitation du service public.

Constitue, en revanche, un marché de service public tout contrat dans lequel la rémunérationdu cocontractant de l'administration n'est pas substantiellement assurée par les résultats de l'exploita-tion du service public.

Comment, en l’espèce, est rémunérée la société LASCAZ signataire du contrat passé en 2001avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Réponse : la rémunération de la société LASCAZ procède substantiellement d’unprix versé par la personne publique.

Données pertinentes du cas pratique : « En contrepartie de nos prestations, nous recevionsde la ville une certaine rémunération - comprenez ma discrétion. » Un prix sans aucun doutefixé avec complaisance. Un prix sans doute substantiel.

Comme il n’est point question dans le cas pratique d’un autre mode de rémunération etcomme nous ne devons rien ajouter au libellé du cas pratique, nous pouvons affirmer ce-ci : la rémunération du cocontractant de l'administration n'est pas substantiellement assu-rée par les résultats de l'exploitation du service public.

Le contrat passé en 2001 entre la société LASCAZ et la commune de Trantor-Sur-Cielest un marché de service public.

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Conclusion et réponse à la question n° 1 du cas pratique :

C’est devant le juge administratif que le narrateur et sa société, la société LAS-CAZ, doivent porter le litige contractuel qui les oppose à la commune.Autrement dit, c’est le juge administratif qui a compétence pour trancher le litige concer-nant à la fois la modification unilatérale des prestations de la société LASCAZ,l’aggravation de ses charges financières et les très lourdes sanctions pécuniaires qui luiont été infligées en décembre 2007 pour inexécution fautive dans le cadre de l’exécutiondu contrat que ladite société a conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.

En effet, le contrat conclu en 2001 estun contrat administratif (une personne publique y est partie, il contient des clauses exor-bitantes et, au surplus, il est en relation avec l’exécution d’un service public)et plus précisément un marché de service public (la rémunération du cocontractant del'administration n'est pas substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation duservice public).

Cette dernière assertion sonne comme un paradoxe.

En effet, puisque ledit contrat est un marché, il a peut-être été passé en application des dispo-sitions du code des marchés publics, ce qui en ferait un contrat administratif par détermination del’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001.

Or nous avons écarté plus haut l’application de ces dispositions.

Paradoxe mais pas contradiction :

nous ne pouvions affirmer d’emblée que le contrat avait été passé en application des dis-positions du code des marchés publics, sauf à ajouter au libellé du cas pratique ;seule l’application des critères jurisprudentiels (contrat et service public) nous a permisde conclure à la qualification de marché, faute de pouvoir retenir celle de contrat de dé-légation de service public ;la qualification juridique de marché n’implique pas en soi le fait que la commune a ef-fectivement passé ce contrat conformément aux dispositions du code des marchés pu-blics : distinction entre l’obligation juridique et le comportement réel (sein et sollen disaitKelsen), sans compter les exceptions prévues par le code lui-même à sa propre applica-tion (Article 3). Au surplus, cette qualification est ici accessoire ;cf. aussi remarque de la page 8 de ce corrigé : « Toutefois, un facteur nous oblige à dif-férer ou à nuancer cette conclusion […] »

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2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique

La commune avait-elle le droit de nous imposer une tournée supplémentaire? Entre pa-renthèses, sa décision est-elle une décision de poursuivre ?

Deux interrogations dans cette deuxième question :

1. La commune avait-elle le droit de nous imposer une tournée supplémentaire ?2. Entre parenthèses, sa décision est-elle une décision de poursuivre ?

Une question doit immédiatement venir à l'esprit : ces deux interrogations sont-ellessolidaires ? En d'autres termes, la réponse donnée à l'une conditionne-t-elle la réponse exigée parl'autre ?

A ce stade, on ne peut répondre à cette question, mais il faut l'avoir constamment présente àl'esprit en traitant les deux interrogations.

1 – Réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique :

La commune avait-elle le droit de nous imposer une tournée supplémentaire ?

Compréhension des termes de l'interrogation n°1 de la question n°2 :

Rappel : Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles nesont jamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

imposer une tournée supplémentaire : l’expression ne peut se comprendre qu’à la lu-mière de l’objet du contrat conclu en 2001 entre la société LASCAZ et la commune deTrantor-Sur-Ciel, à savoir l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères. Pours’acquitter de ses obligations contractuelles, la société LASCAZ utilise des véhiculesadaptés.Données pertinentes du cas pratique : « […] achats "massifs" de véhicules appropriés ».Selon les termes du contrat, ces véhicules doivent sillonner la ville une fois par jour envue du ramassage des ordures ménagères.Sauf à violenter le libellé du cas pratique, on doit entendre par « tournée supplémen-taire » le fait que désormais l’entreprise privée est obligée de faire sillonner la ville parses véhicules deux fois par jour, et cela en vertu non du contrat mais d’une décision dumaire prise malgré l’opposition de la société privée.Données pertinentes du cas pratique : « Entre parenthèses, sa décision est-elle une décisionde poursuivre ? »

Définitions :une décision administrative est un acte administratif unilatéral qui affectel’ordonnancement juridique ;

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un acte administratif unilatéral est un acte de droit public destiné à régir le com-portement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étrangères tantôt associées àson édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Nous sommes donc en présence d’une modification unilatérale du contrat conclu en2001.

la commune avait-elle le droit de…: la décision du maire étant intervenue dans le cadrede l’exécution d’un contrat administratif, « avoir le droit de…» signifie ici agir en accordavec les règles qui gouvernent l’exécution des contrats administratifs.

Compréhension de l'interrogation n°1 de la question n°2 :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de l’interrogation n°1 de laquestion n°2 nous permet de comprendre cette interrogation n°1 dans son ensemble de la manièresuivante :

Les règles qui gouvernent l’exécution des contrats administratifs permettaient-ils à lacommune de modifier unilatéralement le contrat administratif qui nous liait depuis 2001 ennous obligeant à procéder à l’enlèvement des ordures ménagères deux fois par jour et non plusune fois par jour comme le stipulait initialement le contrat ?

Nous avons compris la question. Il nous reste à y répondre.

La réponse consistera à appliquer les règles pertinentes aux faits pertinents.

Il nous faut donc découvrir et les faits pertinents et les règles pertinentes.

Faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de cette interrogation, car on ne peut comprendre une question sanss’appuyer sur les faits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère l’interrogation n°1.

Données pertinentes : Voir cas pratiqueInitialement, le contrat passé en 2001 entre la commune de Trantor-Sur-Ciel et la société

LASCAZ imposait certaines obligations à cette dernière :obligation d’assurer une tournée par jour,soumission à un contrôle permanent de son activité,achats "massifs" de véhicules appropriés (obligation plutôt imprécise soit dit en passant).La première obligation correspond à une prestation déterminée et précise.C’est cette prestation que la commune a décidé unilatéralement de modifier : l’obligationd’assurer une tournée par jour est transformée en obligation d’assurer deux tournées parjour.

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Règles pertinentes :

Les règles qui gouvernent l’exécution des contrats administratifs permettaient-ils à la com-mune de modifier unilatéralement le contrat administratif qui liait depuis 2001 la commune à la socié-té LASCAZ en obligeant celle-ci à procéder à l’enlèvement des ordures ménagères deux fois par jouret non plus une fois par jour comme le stipulait initialement le contrat ?

L’exposé des faits pertinents et une compréhension analytique de l’interrogation (cf. supra)nous permettent de choisir dans le cours les règles pertinentes - notons au passage que le cas pra-tique ne comporte pas d’annexe où seraient consignées des règles complémentaires.

Puisqu’il est question du droit de modifier unilatéralement les prestations du cocontractant del’administration à l’occasion de l’exécution d’un contrat administratif (et uniquement de cela), noustrouverons les règles pertinentes dans les parties du cours sur les contrats administratifs qui ont traitau pouvoir de modification unilatérale.

Il ne nous reste plus qu’à exposer les règles qui encadrent ce pouvoir en gardant à l’esprit lesfaits pertinents auxquels nous appliquerons ensuite lesdites règles.

Définition : le pouvoir de modification unilatérale est un pouvoir reconnu à l’administrationde modifier, en cours d’exécution, l’étendue des prestations à effectuer par le cocontractant.

Il a pour effet soit une augmentation, soit une diminution de ces prestations.Moyens utilisés : des actes administratifs unilatéraux individuels dénommés ordres de service.

L’acte individuel est un acte qui a pour destinataires une ou plusieurs personnes qu’il désigne nom-mément ou nominativement.

Ne sont vraiment unilatérales que les modifications apportées au contrat après la signature decelui-ci.

Quatre observations s’imposent :

1. Le pouvoir de modification unilatérale est un pouvoir détenu de plein droit parl’administration. L’administration détient ce pouvoir, que cela soit ou non stipulé dans lecontrat - C.E., 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux. Lepouvoir de modification unilatérale s’applique à tous les contrats administratifs. Il a étéreconnu d’abord implicitement par l’arrêt C.E., 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle dugaz de Déville-lès-Rouen, puis plus nettement par l’arrêt C.E., 21 mars 1910, Compa-gnie générale française des tramways ;

2. Comme contrepartie de la modification unilatérale et de l’aggravation de ses charges, lecocontractant a droit à une indemnité versée par l’administration contractante ;

3. Mais ce pouvoir est exclu à l’égard de certaines clauses du contrat : par exemple, lesclauses relatives au prix versé au cocontractant, exception faite des erreurs purement ma-térielles.Il n’est pas possible non plus de modifier unilatéralement et directement un contrat dontle contenu est "entièrement défini par voie législative et réglementaire" – C.E., 6 mai1985, Ricard, arrêt précité relatif à l’ancien contrat d’abonnement téléphonique ;

4. Les modifications ne doivent pas dépasser certaines limites. Des prestations totalementnouvelles, qui changent l’objet du contrat, donnent naissance, de fait, à un nouveau con-trat ; le cocontractant pourrait refuser de les exécuter et demander la résiliation du con-trat. Qui plus est, les modifications prescrites ne doivent être ni imprécises ni impossiblesà exécuter (C.E., 5 avril 2002, SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES).

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Évidemment, une modification unilatérale fautive engage la responsabilité contractuellede l’administration (CAA de Paris, 27 février 1997, SARL ARM PAJANI).

Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

Le contrat de 2001 étant un contrat administratif (notons au passage le lien avec la réponse àla question n°1 du cas pratique qui concernait indirectement la nature du contrat), il est certain, au vudes règles exposées ci-dessus, que la commune de Trantor-Sur-Ciel avait le droit de le modifier uni-latéralement malgré le silence du contrat que suggère le narrateur.

Le principe de la modification unilatérale étant acquis, il reste à savoir si la commune a res-pecté les limites et modalités qui s’imposaient à elle.

Il résulte des faits pertinents que la commune a exercé son pouvoir de modification uni-latérale conformément aux règles et principes ci-dessus exposés :

i. le caractère administratif du contrat rend inopérant l’éventuel moyen tiré de ce que lecontrat ne prévoyait pas expressément une modification unilatérale (Le pouvoir de modi-fication unilatérale est un pouvoir détenu de plein droit par l’administration.L’administration détient ce pouvoir, que cela soit ou non stipulé dans le contrat - C.E., 2février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux) ;

ii. certes, il n’est pas indiqué que la commune a indemnisé son cocontractant en raison de lamodification unilatérale et de l’aggravation de ses charges ; mais une éventuelle carencede la commune à cet égard, qui pourrait engager sa responsabilité contractuelle, ne faitpas obstacle à l’exercice du pouvoir de modification unilatérale ; même observation con-cernant le fait qu’en 2005, la commune a reçu le prix de la ville la plus propre deFrance moyennant une seule tournée par jour (la ville a peut-être changé : plusd’habitants, etc.) ;

iii. rien, dans le libellé du cas pratique, n’indique que le contrat de 2001 ait un contenu "en-tièrement défini par voie législative et réglementaire" ;

iv. le narrateur laisse entendre que la modification unilatérale décidée par la commune ré-sulte d’un acte administratif individuel.Données pertinentes du cas pratique : « Tout d’abord, il nous a contraints à effectuer unetournée quotidienne supplémentaire […]La commune avait-elle le droit de nous imposer une tournée supplémentaire? » ;

v. la modification unilatérale décidée par la commune ne porte pas sur des clauses sous-traites en principe à toute modification unilatérale (exemple : clauses financières) ; elle atrait à des prestations en rapport avec le service public dont la mutabilité et la continuitépeuvent justifier ici l’exercice du pouvoir de modification unilatérale. Le but d’intérêt gé-néral poursuivi par la modification unilatérale rend inopérant tout moyen tiré del’animosité politique du maire suggérée par le narrateur (pas de détournement de pou-voir : voir futur cours sur la légalité en ce qui la coexistence d’un bon but d’intérêt géné-ral et d’un but d’intérêt privé ou politique) ;

vi. la modification unilatérale décidée par la commune est circonscrite dans des limites rai-sonnables ; elle n’impose pas des prestations totalement nouvelles et n’emporte donc pasnovation du contrat.

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Conclusion et réponse à l’interrogation n°1 de la question n° 2 du cas pra-tique :

La commune avait le droit d’imposer à la société LASCAZ une tournée supplé-mentaire.En effet, dans le cadre du contrat administratif passé entre la société LASCAZ et lacommune de Trantor-Sur-Ciel, celle-ci a exercé son pouvoir de modification unilatéraledans le respect des limites et modalités imposées par la légalité.

***

2 – Réponse à l’interrogation n°2 de la question n°2 du cas pratique :

Entre parenthèses, sa décision est-elle une décision de poursuivre ?

Compréhension des termes de l'interrogation n°2 de la question n°2 :

Rappel : Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles nesont jamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

entre parenthèses : l’expression montre, si besoin est, le lien entre cette interrogationn°2 et l’interrogation précédente ;sa décision : encore une illustration de la nécessité de lire toutes les questions avantd’esquisser la moindre réponse ! Au vu de l’interrogation n°1 de la question n°2, « sa dé-cision » désigne la décision par laquelle la commune a imposé une tournée supplémen-taire à la société LASCAZ.Définitions (rappel) :

une décision administrative est un acte administratif unilatéral qui affectel’ordonnancement juridique ;un acte administratif unilatéral est un acte de droit public destiné à régir le com-portement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étrangères tantôt associées àson édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

une décision de poursuivre : indépendamment de son sens ordinaire et manifeste,l’expression a une signification spécifique dans le droit des contrats administratifs sur le-quel fait fond ce cas pratique : décision par laquelle l'administration ordonne à son co-contractant de poursuivre les prestations au-delà du montant initial fixé par le marché(article 118 du Code des marchés publics).

Compréhension de l'interrogation n°2 de la question n°2 :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de l’interrogation n°2 de laquestion n°2 nous permet de comprendre cette interrogation n°2 dans son ensemble de la manièresuivante :

La décision par laquelle la commune de Trantor-Sur-Ciel a modifié unilatéralement lecontrat administratif qui la liait depuis 2001 à la société LASCAZ en obligeant celle-ci à pro-céder à l’enlèvement des ordures ménagères deux fois par jour et non plus une fois par jourcomme le stipulait initialement le contrat peut-elle être qualifiée de décision de poursuivre ?

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Faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de cette interrogation, car on ne peut comprendre une question sanss’appuyer sur les faits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère l’interrogation n°2.

Données pertinentes : Voir cas pratiqueInitialement, le contrat passé en 2001 entre la commune de Trantor-Sur-Ciel et la société

LASCAZ imposait certaines obligations à cette dernière :obligation d’assurer une tournée par jour,soumission à un contrôle permanent de son activité,achats "massifs" de véhicules appropriés.

La première obligation correspond à une prestation déterminée et précise.C’est cette prestation que la commune a décidé unilatéralement de modifier : l’obligation

d’assurer une tournée par jour est transformée en obligation d’assurer deux tournées par jour.

Règles pertinentes :

La décision par laquelle la commune de Trantor-Sur-Ciel a modifié unilatéralement le contratadministratif qui la liait depuis 2001 à la société LASCAZ en obligeant celle-ci à procéder àl’enlèvement des ordures ménagères deux fois par jour et non plus une fois par jour comme le stipu-lait initialement le contrat peut-elle être qualifiée de décision de poursuivre ?

L’exposé des faits pertinents et une compréhension analytique de l’interrogation (cf. supra)nous permettent de choisir dans le cours les règles pertinentes - notons au passage que le cas pra-tique ne comporte pas d’annexe où seraient consignées des règles complémentaires.

Puisqu’il est question du droit de modification unilatérale et de décision de poursuivre, noustrouverons les règles pertinentes dans les parties du cours sur les contrats administratifs qui ont traitau pouvoir de modification unilatérale et à la décision de poursuivre.

Nous avons déjà exposé les règles relatives à la modification unilatérale proprement dite (cf.supra réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 du cas pratique). Nous n’y reviendrons.

Il reste à préciser les règles relatives à la décision de poursuivre.Elles sont exposées dans le cours sous la forme d’une mise en garde :« Il convient de ne pas confondre le pouvoir de modification unilatérale avec les techniques sui-

vantes : avenant, décision de poursuivre et marché complémentaire.La décision de poursuivre est une décision unilatérale de l'administration donnant ordre à l'entrepre-

neur de poursuivre les prestations au-delà du montant initial fixé par le marché. Elle ne peut être prise quelorsque le montant des prestations effectuées atteint le montant prévu au marché sans que l’objet de celui-cis’en trouve atteint. Elle ne saurait donc être utilisée pour modifier l’objet du marché ni le volume des presta-tions prévues par le contrat. »

Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

La décision par laquelle la commune de Trantor-Sur-Ciel a modifié unilatéralement le contratadministratif qui la liait depuis 2001 à la société LASCAZ en obligeant celle-ci à procéder àl’enlèvement des ordures ménagères deux fois par jour et non plus une fois par jour comme le stipu-lait initialement le contrat peut-elle être qualifiée de décision de poursuivre ?

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Réponse formelle : étant donnéque le cours distingue la modification unilatérale de la décision de poursuivreet que nous avons déjà analysé la décision en question comme une décision modifiantunilatéralement le contrat (cf. supra, réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2 ducas pratique),

nous devons affirmer que ladite décision ne peut être qualifiée de décision de poursuivre.

Mais n’avons-nous pas eu tort de la présenter comme une décision modifiant unilatéralementle contrat ? Ne pouvons-nous pas envisager de la qualifier de décision de poursuivre ?

Réponse approfondie :i. La décision litigieuse ne remplit pas les critères nécessaires à la qualification de décision

de poursuivre.ii. En effet, le libellé du cas pratique n’incite nullement à penser que l’objet du contrat serait

la fourniture par le cocontractant de prestations dont le montant (assumé par ledit cocon-tractant) aurait été défini initialement avec précision et dépassé en raison de la décision li-tigieuse prise par la commune.

iii. La mention des achats "massifs" de véhicules appropriés a une autre implication quecelle-là (cf. question n°4, d’où encore l’intérêt qu’il y a à lire toutes les questions).

iv. Bien entendu, toute modification unilatérale faite dans le sens d’une augmentation del’étendue des prestations du cocontractant entraîne une aggravation des charges du co-contractant, mais l’aggravation des charges résultant d’une décision de poursuivre pré-suppose

que le contrat comporte un termeet que ce terme étant atteint, l’administration exige que son cocontractant continued’assurer ses prestations, poursuive l’exécution de ses obligations, lesquelles res-tent inchangées, non modifiées.

Conclusion et réponse à l’interrogation n°1 de la question n° 2 du cas pra-tique :

Sa décision n’est pas une décision de poursuivre.En d’autres termes, pour les raisons indiquées ci-dessus, la décision par laquelle la com-mune de Trantor-Sur-Ciel a modifié unilatéralement le contrat administratif qui la liaitdepuis 2001 à la société LASCAZ en obligeant celle-ci à procéder à l’enlèvement des or-dures ménagères deux fois par jour, et non plus une fois par jour comme le stipulait ini-tialement le contrat, ne peut être qualifiée de décision de poursuivre.Cette décision procède plutôt de l’exercice du pouvoir de modification unilatérale.

Notons au passage que les deux interrogations sont qui composent la question n°2 du caspratique sont solidaires au sens indiqué plus haut au stade de la compréhension de cette question.

Conclusion synthétique et réponses aux interrogations n°1 et n°2 de la ques-tion n° 2 du cas pratique :

Pour les raisons exposées plus haut,1. la commune avait le droit d’imposer à la société LASCAZ une tournée supplémen-

taire,2. sa décision n’est pas une décision de poursuivre.

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3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique

Le juge a-t-il le pouvoir d’annuler les sanctions pécuniaires prises par le maire à notreencontre ?

Compréhension des termes de la question n°3 :

Rappel : Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles nesont jamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

sanctions pécuniaires prises par le maire à notre encontre : une sanction est une me-sure prise avec comme « élément déterminant, la volonté de punir une faute commise parcelui auquel elle est infligée ». Une sanction pécuniaire se présente comme une mesurepunitive à caractère financier. En l’espèce, il s’agit des mesures punitives à caractère fi-nancier prises par la commune de Trantor-Sur-Ciel à l’encontre de la société LASCAZdans le cadre du contrat de 2001 ; le caractère administratif de ces sanctions pécuniairesne fait pas de doute ;le juge : il s’agit du juge administratif compte tenu du fait que nous avons affaire à uncontrat administratif (cf. supra réponse à la question n°1 du cas pratique) ;peut annuler : pouvoir annuler, c’est avoir le droit de faire disparaître rétroactivementde l’ordonnancement juridique (Celui-ci se définit comme l'ensemble des règles de droitqui régissent un milieu social et des situations juridiques dont sont titulaires les per-sonnes) ; comme le juge ne peut s’autosaisir, la question de savoir s’il peut annuler lessanctions pécuniaires ne se pose que si la société LASCAZ saisit le juge d’un recoursdans ce sens (recours de plein contentieux).

Compréhension de la question n°3 dans son ensemble :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°3 nous per-met de comprendre cette question dans son ensemble de la manière suivante :

Saisi par nous d’un recours en ce sens, le juge administratif aurait-il le pouvoir,d’annuler, c’est-à-dire de faire faire disparaître rétroactivement de l’ordonnancement juri-dique les sanctions pécuniaires prises par le maire à l’encontre de notre société dans le cadredu contrat administratif qui nous lie depuis 2001 ?

Nous avons compris la question. Il nous reste à y répondre.

La réponse consistera à appliquer les règles pertinentes aux faits pertinents.

Il nous faut donc découvrir et les faits pertinents et les règles pertinentes.

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Faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de la question, car on ne peut comprendre une question sans s’appuyer sur lesfaits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère la question n°3.

Depuis 2001, un contrat administratif lie la commune de Trantor-Sur-Ciel et la société LAS-CAZ, l’entreprise du narrateur.

Le contrat a pour objet l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville par lasociété LASCAZ.

En décembre 2007, le maire de Trantor-Sur-Ciel, personne responsable du marché, a infligé àla société LASCAZ de très lourdes sanctions pécuniaires pour inexécution fautive. Le narrateurlaisse entendre que l’inexécution fautive était due à la paralysie économique engendrée par la grèvedes fonctionnaires.

Règles pertinentes :

Saisi par le cocontractant d’un recours en ce sens, le juge administratif aurait-il le pouvoir,d’annuler, c’est-à-dire de faire faire disparaître rétroactivement de l’ordonnancement juridique lessanctions pécuniaires prises par le maire à l’encontre de la société LASCAZ dans le cadre du contratadministratif de 2001 ?

L’exposé des faits pertinents et une compréhension analytique de l’interrogation (cf. supra)nous permettent de choisir dans le cours les règles pertinentes - notons au passage que le cas pra-tique ne comporte pas d’annexe où seraient consignées des règles complémentaires.

Puisqu’il est question de sanctions infligées au cocontractant et du contrôle exercé par le jugesur ces sanctions, nous chercherons les règles pertinentes dans les parties du cours sur les contratsadministratifs qui ont trait aux sanctions contractuelles et au contrôle exercé par le juge sur ces sanc-tions.

Nous relevons d’abord que le pouvoir de sanction vise à réprimer les défaillances contrac-tuelles. Il se fonde sur la nécessité d’assurer, directement ou indirectement, malgré lesdites défail-lances, la continuité du service de l’intérêt général, du service public et le bon fonctionnement decelui-ci.

Trois remarques s’imposent :

1. C’est un pouvoir détenu de plein droit par l’administration : l’administration détient cepouvoir, que cela soit ou non stipulé dans le contrat.

2. L’administration ne peut infliger de sanctions à son cocontractant sans l’avoir mis endemeure d’exécuter ses obligations - respect des droits de la défense oblige, sauf ur-gence ou clause contraire.

3. Le juge contrôle la légalité des sanctions. Mais, en principe, le juge ne peut pas annulerles sanctions prises par l’administration. S’il les trouve injustifiées, il peut seulement con-damner l’administration à verser une indemnité. Par exception, dans le cas de certainscontrats, le juge pourra annuler les sanctions irrégulières. Il s’agit des contrats suivants(a et b) :

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a. contrats de concession et autres contrats impliquant des investissements im-portants (le juge peut annuler uniquement les mesures de résiliation prises parl’administration) :C.E., Sect., 26 novembre 1971, Société Industrielle Municipale et Agricole de fer-tilisants humiques et de récupération (S.I.M.A.)CAA de Paris, 29 décembre 1989, MAISON DE SANTE DE VIEILLE-EGLISE : « Considérant que, si le juge des contestations relatives aux contrats administratifs n'a pas,en principe, le pouvoir de prononcer l'annulation des mesures de résiliation prises parl'administration à l'encontre de son cocontractant et s'il lui appartient seulement de recher-cher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir au profit de ce-lui-ci un droit à indemnité, il en est autrement lorsqu'il s'agit de contrats de concession oude contrats de longue durée nécessitant des investissements importants dont l'amortis-sement doit être effectué pendant toute la durée du contrat et comportant pour le cocon-tractant de l'administration des garanties analogues à celles accordées aux concessionnaires; […]»

b. contrats conclus entre personnes publiques et ayant pour objet l’organisationd’un service public (le juge peut annuler toute mesure contraire aux clauses ducontrat) :C.E., 31 mars 1989, DEPARTEMENT DE LA MOSELLE.C.E., 13 mai 1992, Commune d'Ivry-sur-Seine :« Considérant que si le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à lademande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie comme con-traires aux clauses du contrat et s'il lui appartient seulement de rechercher si ces mesuressont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité, il en va au-trement lorsqu'il s'agit d'un contrat passé entre deux personnes publiques et ayant pour ob-jet l'organisation d'un service public […]»

Pour résumer, il y a trois hypothèses :

1. sanctions prises par l’administration dans le cadre d’un contrat n’impliquant pasdes investissements importants et non intervenu entre deux personnes pu-bliques : le juge ne peut annuler ces sanctions ; s’il les estime irrégulières, il secontentera d’accorder une indemnité au cocontractant ;

2. sanctions prises par l’administration dans le cadre d’un contrat impliquant desinvestissements importants mais non intervenu entre deux personnes publiques :le juge ne peut annuler ces sanctions que si elles mettent fin aux relations con-tractuelles et à condition, bien sûr, qu’elles soient irrégulières ;

3. sanctions prises par l’administration dans le cadre d’un contrat intervenu entredeux personnes publiques et ayant pour objet l’organisation d’un service public:s’il les estime irrégulières, le juge peut annuler ces sanctions, quel que soit leurobjet.

Quelles sanctions l’administration peut-elle prononcer ?

L’administration peut prononcer

1. une résiliation-sanction. Elle vise à réprimer un manquement, une faute grave du co-contractant. Elle met fin au contrat. Dans le cadre d’une concession, l’administration nepeut, en principe, prononcer une résiliation-sanction. En principe toujours, seul le juge ale pouvoir de prononcer une telle sanction dénommée déchéance du concessionnaire (à

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condition que le cocontractant ait commis une faute d’une particulière gravité – C.E., 12mars 1999, MERIBEL) ;

2. des sanctions pécuniaires. Il s’agit de pénalités ou d’amendes. Les premières sontfixées à l’avance par le contrat et revêtent un caractère forfaitaire1 ;

3. des sanctions coercitives. Elles permettent à l’administration d’évincer son cocontrac-tant.

Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

Au vu des règles qui précèdent, on ne peut affirmer, sans analyse préalable, que, saisi par lecocontractant d’un recours en ce sens, le juge administratif aurait ou n’aurait pas le pouvoir,d’annuler, c’est-à-dire de faire faire disparaître rétroactivement de l’ordonnancement juridique lessanctions pécuniaires prises par le maire à l’encontre de la société LASCAZ dans le cadre du contratadministratif de 2001.

Etant donnéqu’en principe le juge ne peut pas annuler les sanctions contractuelles prises parl’administration,et qu’il y a deux exceptions (d’ailleurs de portée inégale) à ce principe,

nous devons nous demander si le contrat de 2001 peut être rattaché à l’une de ces deux ex-ceptions (a et b).

a – Le contrat de 2001 est-il soit un contrat de concession, soit un contrat impliquantdes investissements importants ?

Définition : un contrat de concession est un contrat par lequel une personne publique - dé-nommée autorité concédante - confie à une personne privée ou publique - dénommée le concession-naire - le soin de gérer un service public à ses frais et risques, et moyennant la perception de rede-vances sur les usagers de ce service.

Il s’agit d’une espèce dans le genre contrat de délégation de service public.Ayant déjà démontré qu’en raison du mode de rémunération du cocontractant le contrat de

2001 était, non un contrat de délégation de service public, mais un marché de service public, nouspouvons dire qu’il ne s’agit point d’un contrat de concession.

S’agit-il d’un contrat impliquant des investissements importants ?

A l’évidence, oui.

Le ramassage et le traitement des ordures ménagères d’une ville nécessitent des investisse-ments importants, à moins que nous ne soyons en présence d’une toute petite ville, ce que dément lecas pratique.

Données pertinentes du cas pratique : « […] achats "massifs" de véhicules appropriés […] ». Aquoi on peut ajouter la durée relativement longue du contrat.

Ainsi donc le contrat de 2001 est un contrat impliquant des investissements importants.Dans ce type de contrat, le juge ne peut annuler les sanctions contractuelles que si elles met-

tent fin aux relations contractuelles et à condition, bien sûr, qu’elles soient irrégulières.Ayant établi que le contrat de 2001 impliquait des investissements importants, il nous reste à

répondre à la question : les sanctions infligées à la société LASCAZ mettent-elles fin aux rela-tions contractuelles qui unissent celle-ci à la commune ?

Ÿ L’administration les inflige à son cocontractant sans avoir à démontrer qu’elle a subi un préjudice.

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De toute évidence, la réponse est négative.On entend par « sanction mettant fin aux relations contractuelles » une mesure punitive de ré-

siliation unilatérale.Or, en l’espèce, la commune a prononcé des sanctions pécuniaires.Certes, on pourrait soutenir que de facto ces sanctions pécuniaires - que le narrateur qualifie

de très lourdes - mettront la société dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat et en-traîneront à terme la résiliation du contrat.

Mais justement, qu’elles puissent entraîner la résiliation du contrat montre bien qu’elles nesauraient être confondues avec cette résiliation.

Au demeurant, faute de pouvoir obtenir du juge l’annulation de ces sanctions, la société peutprétendre à une indemnité si le juge tient les sanctions pour irrégulières.

Il suffira au narrateur d’exposer au juge les arguments qu’il met en avant dans le cas pra-tique : détournement de pouvoir (s’agissant des sanctions et non de la modification unilatérale), er-reur manifeste d’appréciation, etc.

Données pertinentes du cas pratique : « Nos misères ont commencé au lendemain de la dernièreélection présidentielle. Sur la foi de certains sondages, nous avions pris le parti de l’un des candidats, au granddam de notre maire. Depuis, ce dernier n’a eu de cesse de nous faire payer notre engagement imprudent […]

Nous avons honoré nos engagements contractuels avec une rare conscience professionnelle. En 2005,la commune a même reçu le prix de la ville la plus propre de France ! […]

C’était injuste puisque nous étions en décembre 2007 et que, comme chacun le sait, la grève des fonc-tionnaires battait son plein. […] »

En définitive, les sanctions prises par le maire ne se rattachent pas à la première desdeux exceptions au principe selon lequel le juge ne peut pas annuler les sanctions contrac-tuelles prises par l’administration.

Relèvent-elles de la seconde exception ?

b – Le contrat de 2001 est-il un contrat intervenu entre deux personnes publiques etayant pour objet l’organisation d’un service public ?

La réponse ne peut être que négative.

Certes,une personne publique est partie à ce contrat : la commune de Trantor-Sur-Ciel ;et le contrat a pour objet la gestion d’un service public.

Mais le cocontractant de la commune, la société LASCAZ, est une personne morale de droitprivé (appellation de société, cf. supra).

Conclusion et réponse à la question n° 3 du cas pratique :

Le juge n’a pas le pouvoir d’annuler les sanctions pécuniaires prises par le maire àl’encontre de la société LASCAZ.En effet, pour les raisons exposées ci-dessus, les sanctions prises par le maire ne relèventd’aucune des deux exceptions au principe selon lequel le juge ne peut pas annuler lessanctions contractuelles prises par l’administration.Le cas échéant, le cocontractant pourrait prétendre à une indemnité (s’il s’avère que lessanctions sont irrégulières).

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4 – Réponse à la question n°4 du cas pratique

Notre société peut-elle, raisonnablement, espérer obtenir une compensation financièrepour le préjudice causé par le décret ?

Compréhension des termes de la question n°4 :

Rappel : Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles nesont jamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

notre société : la société dont il est fait mention est bien sûr la société LASCAZ, en tantque partie au contrat de 2001peut-elle, raisonnablement, espérer obtenir : a-t-elle des arguments fondés - en droitdes contrats - à faire valoir devant l’administration et, le cas échéant, devant le juge ad-ministratif, à l’appui d’une éventuelle demande ?une compensation financière pour le préjudice causé par le décret : une indemnité,une somme d’argent comme contrepartie de l’aggravation des charges contractuelles dueà l’édiction, par le Premier ministre, d’un décret imposant à des sociétés comme la socié-té LASCAZ des contraintes financières, sociales…La question relève du droit des con-trats et non du droit de la responsabilité extracontractuelle.Définitions :

"Décret" est le nom donné, en principe, à une décision administrative émanant duPrésident de la République ou du Premier ministre.Une décision administrative est un acte administratif unilatéral qui affectel’ordonnancement juridique.Un acte administratif unilatéral est un acte de droit public destiné à régir lecomportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étrangères tantôt associéesà son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs.

Compréhension de la question n°4 dans son ensemble :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°4 du cas pra-tique nous permet de comprendre cette question dans son ensemble de la manière suivante :

En tant que partie au contrat de 2001, la société LASCAZ a-t-elle des arguments fon-dés - en droit des contrats - à faire valoir devant l’administration et, le cas échéant, devant lejuge administratif, à l’appui d’une éventuelle demande tendant à l’obtention d’une indemnitécomme contrepartie de l’aggravation des charges contractuelles due à l’édiction, par le Pre-mier ministre, d’un décret imposant à des sociétés comme la société LASCAZ des contraintesfinancières, sociales… ?

Nous avons compris la question. Il nous reste à y répondre.

La réponse consistera à appliquer les règles pertinentes aux faits pertinents.

Il nous faut donc découvrir et les faits pertinents et les règles pertinentes.

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Faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de la question, car on ne peut comprendre une question sans s’appuyer sur lesfaits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère la question n°4.

Depuis 2001, un contrat administratif lie la commune de Trantor-Sur-Ciel et la société LASCAZ,l’entreprise du narrateur.

Le contrat a pour objet l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville par la sociétéLASCAZ.

En cours d’exécution, un fait nouveau va considérablement aggraver les charges financières de la so-ciété LASCAZ en tant que partie au contrat de 2001 : l’édiction, par le Premier ministre, d’un décret imposantà des sociétés comme la société LASCAZ des contraintes financières, sociales…

Règles pertinentes :

En tant que partie au contrat de 2001, la société LASCAZ a-t-elle des arguments fondés - endroit des contrats - à faire valoir devant l’administration et, le cas échéant, devant le juge administra-tif, à l’appui d’une éventuelle demande tendant à l’obtention d’une indemnité comme contrepartie del’aggravation des charges contractuelles due à l’édiction, par le Premier ministre, d’un décret impo-sant à des sociétés comme la société LASCAZ des contraintes financières, sociales… ?

L’exposé des faits pertinents et une compréhension analytique de l’interrogation (cf. supra)nous permettent de choisir dans le cours les règles pertinentes - notons au passage que le cas pra-tique ne comporte pas d’annexe où seraient consignées des règles complémentaires.

Puisqu’il est question de faits nouveaux et d’indemnités, nous trouverons les règles perti-nentes dans les parties du cours sur les contrats administratifs qui ont trait aux faits nouveaux et auxindemnités.

Les faits nouveaux et l’indemnisation qui en découle se rattachent à des principes et théoriesqui se répartissent entre deux catégories : d’une part, les principes et théories applicables aux faitsnouveaux imputables à l’administration contractante (1), et d’autre part les principes et théories ap-plicables aux faits nouveaux non imputables à l’administration contractante (2).

1 – Les principes et théories applicables aux faits nouveaux imputables àl’administration contractante

a - L'équation financière

Définition : théorie permettant l’indemnisation du cocontractant lorsque l'administrationcontractante, agissant en tant que partie au contrat, modifie unilatéralement et directement les moda-lités d'exécution du contrat ou les prestations du cocontractant.

Dans ce cas de figure, l'administration ne fait qu’user de son pouvoir de modification unilaté-rale.

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b - Le fait du prince

Définition : théorie permettant l’indemnisation du cocontractant lorsque l'administrationcontractante, bien qu’elle n’agisse pas en tant que partie au contrat, modifie unilatéralement et indi-rectement les modalités d'exécution du contrat ou les prestations du cocontractant.

L'administration intervient non en sa qualité de partie mais en tant que puissance publique(d’où Prince), sur le fondement de ses compétences générales, au moyen, en principe, d’un acte ré-glementaire (une des différences avec la modification unilatérale directe – Cf. supra l’étude de cepouvoir). Elle peut intervenir, par exemple, sur le fondement de ses compétences de police.

2 – Les principes et théories applicables aux faits nouveaux non imputables àl’administration contractante

a - La théorie de l’imprévisionLes principes de l’imprévision ont été dégagés par deux décisions complémentaires : C.E., 30

mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux (Rec. p.125) - ou arrêt Gaz de Bordeaux ;C.E. Ass., 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg (Rec. p. 1050).

Définition : théorie permettant d’obliger l'administration contractante à aider financièrementson cocontractant lorsqu'un événement imprévisible, anormal et indépendant de la volonté des partiesbouleverse l'économie du contrat.

b - La théorie des sujétions imprévuesElle a pour justification la nécessité d’assurer, directement ou indirectement, la continuitédu service de l’intérêt général et du service public.Elle est propre aux marchés de travaux publics.Elle s'applique en cas de difficulté d'ordre matériel que les parties ne pouvaient prévoir.Difficulté aggravant anormalement les charges de l'entrepreneur - roche particulièrementdure, nappe d’eau inattendue.

c - La force majeureC'est un événement susceptible de libérer le cocontractant de ses obligations contractuelles.On en sait les caractères :

indépendant de la volonté des parties,imprévisible dans sa survenanceet irrésistible dans ses effets : elle rend absolument impossible l'exécution du contrat - Ilne s’agit pas d’une simple difficulté d’exécution.

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Application des règles pertinentes aux faits pertinents :

A quelle catégorie de principes et théories (1 ou 2) se rattache la compensation finan-cière souhaitée par la société LASCAZ ?

La réponse à cette question présuppose la réponse à la question suivante : le décret imposantà des sociétés comme la société LASCAZ des contraintes financières, sociales, etc. émane-t-il de lacommune de Trantor-Sur-Ciel partie au contrat de 2001 ?

La réponse à cette dernière question ne peut être que négative :i. "Décret" est le nom donné, en principe, à une décision administrative émanant du Prési-

dent de la République ou du Premier ministre. Les décisions de la commune reçoivent lenom d’arrêtés ou de délibérations.

ii. En l’espèce, le décret aggravant les charges financières émane bien du Premier ministre.iii. L’hésitation était cependant permise, car le maire de la commune contractante et le Pre-

mier ministre sont une seule et même personne physique !iv. Mais le maire et le Premier ministre n’agissent pas au nom de la même personne

morale.v. En tant qu’organe de la commune, le maire agit au nom de la commune.

vi. Comme organe de l’Etat, le Premier ministre agit au nom de l’Etat, mis à part quelquesexceptions dont aucune n’est réalisée ici.

vii. Lorsqu’elle a pris le décret en cause, la personne physique qui cumule les fonctionsde maire et de Premier ministre agissait en tant que Premier ministre, d’où juste-ment le nom de décret donné à sa décision.

viii. En conséquence, l’aggravation des charges résultant du décret imposant des contraintesfinancières, sociales, etc. est imputable non pas à la commune (qui est partie au contrat)mais à l’Etat (qui lui n’est pas partie au contrat).

ix. Ajoutons qu’il ne faut pas commettre l’erreur de croire que la personne physiquequi cumule les fonctions de maire et de Premier ministre est partie au contrat.C’est la COMMUNE qui est partie au contrat.En tant que maire, notre "cumulard" n’est que la personne responsable du marché : lapersonne physique habilitée à signer le marché au nom de la personne morale de droitpublic, à savoir la commune, qui est la véritable partie au marché.

Nous pouvons donc affirmer :le décret imposant à des sociétés comme la société LASCAZ des contraintes financières,sociales, etc. n’émane pas de la commune de Trantor-Sur-Ciel partie au contrat de 2001,mais de l’État, lequel n’est pas partie à ce contrat;la compensation financière souhaitée par la société LASCAZ se rattache aux principes etthéories applicables aux faits nouveaux non imputables à l’administration contractante(2).

Il nous reste à choisir parmi les trois théories qui composent cette catégorie : la compensa-tion financière souhaitée par la société LASCAZ se rattache-t-elle à la théorie del’imprévision, à la théorie des sujétions imprévues ou à la théorie de la force majeure ?

Nous sommes en droit d’écarter d’embléela théorie des sujétions imprévues : elle est propre aux marchés de travaux publics ; orcomme nous l’avons déjà établi, le contrat de 2001 est un marché de service public ;la théorie de la force majeure : on sait que la force majeure rend impossible la poursuitede l’exécution du contrat. Certes, l’aggravation des charges financières consécutive audécret semble considérable.

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Données pertinentes du cas pratique : « Nous sommes à la veille du dépôt de bilan […][…] mettant au bord de la faillite des entreprises comme la nôtre […] »Toutefois, rien dans le libellé du cas pratique n’indique directement que la société LAS-CAZ soit dans l’impossibilité, du fait du décret, de poursuivre l’exécution du contrat.Au contraire, le fait que cette société songe uniquement à une compensation financière etnon à une résiliation juridictionnelle milite en faveur de l’exclusion de la force majeure.

Ayant écarté la théorie des sujétions imprévues et la théorie de la force majeure, noussommes naturellement conduit à nous demander : la compensation financière souhaitée par lasociété LASCAZ se rattache-t-elle à la théorie de l’imprévision ?

La traduction pratique de cette question est la suivante : l’aggravation des charges découlantdu décret présente-t-elle les caractères d’une imprévision ?

Force est de passer en revue d’une manière interrogative les conditions de l’imprévision.

a – L’édiction du décret était-elle un événement imprévisible (et donc anormal) en2001, année de la signature du contrat ?

L’édiction d’un décret en général ou même d’un décret imposant des contraintes financières,sociales, etc. n’est pas un événement imprévisible.

Mais est sans conteste imprévisible l’édiction d’un décret inique qui, d’une part paraît procé-der d’une animosité personnelle liée au résultat d’une élection présidentielle, et, d’autre part, met desentreprises au bord de la faillite.

b - L’édiction du décret est-elle un événement étranger à la volonté des parties ?Nous répondrons par l’affirmative puisque le décret est imputable non pas à la commune (qui

est partie au contrat) mais à l’Etat (qui lui n’est pas partie au contrat).

c - L’édiction du décret est-elle un événement bouleversant l’économie du contrat ?Oui, si l’on en croit le narrateur.Données pertinentes du cas pratique : « Nous sommes à la veille du dépôt de bilan […][…] mettant au bord de la faillite des entreprises comme la nôtre […] »

Les conditions d’application de l’imprévision sont donc réunies.

En voici les conséquences :1. En dépit de ses nouvelles charges, la société LASCAZ doit exécuter intégralement ses

obligations, à savoir l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville -continuité du service de l’intérêt général et du service public oblige.

2. Elle a droit à une compensation financière appelée indemnité d'imprévision. Faute d'ac-cord entre les parties, c'est le juge qui en fixe le montant. L'indemnité ne couvre pas latotalité des charges extra-contractuelles - 90 à 95%. Elle n’a ni pour objet ni pour effetd’enrichir le cocontractant qui doit supporter la part imputable aux aléas ordinaires,c’est-à-dire la partie des nouvelles charges liée à l’évolution économique normale.

Toutefois, la théorie de l'imprévision s'applique à des situations temporaires. Si le déficit de-vient permanent et définitif, les difficultés sont assimilées à la force majeure. Chacune des partiespeut, alors, demander au juge la résiliation du contrat : C.E., Ass., 9 décembre 1932, Compagnie destramways de Cherbourg.

Nous ne pouvons affirmer, sur la foi du libellé du cas pratique, que le déficit de la sociétéLASCAZ est ou sera permanent.

Conclusion et réponse à la question n° 4 du cas pratique :

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La société LASCAZ peut, raisonnablement, espérer obtenir une compensation fi-nancière pour le préjudice causé par le décret.En tant que partie au contrat de 2001, la société LASCAZ a des arguments fondés - endroit des contrats administratifs - à faire valoir devant l’administration et, le cas échéant,devant le juge administratif, à l’appui d’une éventuelle demande tendant à l’obtentiond’une indemnité comme contrepartie de l’aggravation des charges contractuelles due àl’édiction, par le Premier ministre, d’un décret imposant à des sociétés comme la sociétéLASCAZ des contraintes financières, sociales…Pour les raisons exposées plus haut, l’aggravation des charges résultant du décret se rat-tache à la théorie de l’imprévision.

Entre parenthèses, la société LASCAZ serait fondée à solliciter, sur le fondement del’équation financière une indemnité en raison de la modification unilatérale effectuée par la commune(tournée supplémentaire ; voir réponse à l’interrogation n°1 de la question n°2).

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5 – Réponse à la question n°5 du cas pratique

Enfin, je soupçonne la société Tangelp d’avoir partie liée avec le maire. Aussivoudrais-je obtenir la résiliation du contrat qui nous lie. A quel juge dois-je

m’adresser?

Compréhension des termes de la question n°5 :

Rappel : Les définitions liminaires ne sont pas toujours obligatoires (Cf. méthodologie), mais elles nesont jamais inutiles dans la mesure où elles aident à (mieux) comprendre la question posée.

société Tangelp : personne morale de droit privé, d’où l’appellation de société et l’autredénomination "Entreprise Tangelp et frères"contrat qui nous lie : le second des deux contrats dont il est question dans le cas pra-tique. Ce second contrat lie la société LASCAZ et la société Tangelp.Données pertinentes du cas pratique : « En vérité, avec l’agrément du maire, notre sociétés’est fait aider par l’entreprise Tangelp et frères. En vertu d’un contrat que nous avons concluavec cette société, elle s’occupait de l’incinération des déchets. Inutile de vous dire que nousavons inséré dans ce contrat certains des garde-fous qui avaient tant fait rire les "responsables" dela commune. »La société Tangelp apparaît donc comme une entreprise sous-traitante.Définition : le sous-traitant, c’est la personne à laquelle le titulaire du marché confiepar un sous-traité, et sous sa responsabilité, une partie du marché conclu avec la per-sonne publique.La société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marché de servicepublic conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.A quel juge dois-je m’adresser : qui du juge administratif ou du juge judiciaire a com-pétence pour prononcer la résiliation du contrat passé entre la société LASCAZ et la so-ciété Tangelp ?

Compréhension de la question n°5 dans son ensemble :

La compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°5 nous per-met de comprendre cette question dans son ensemble de la manière suivante :

Qui du juge administratif ou du juge judiciaire a compétence pour prononcer la rési-liation du contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partiedu marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Nous avons compris la question. Il nous reste à y répondre.

La réponse consistera à appliquer les règles pertinentes aux faits pertinents.

Il nous faut donc découvrir et les faits pertinents et les règles pertinentes.

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Faits pertinents :

Nous avons déjà exposé partiellement les faits pertinents, ce qui nous a permis de mieuxcomprendre les termes de la question, car on ne peut comprendre une question sans s’appuyer sur lesfaits auxquels elle se réfère.

Il s’agit à présent d’exposer intégralement les faits pertinents, c’est-à-dire les faits auxquels seréfère la question n°5.

Depuis 2001, un contrat administratif lie la commune de Trantor-Sur-Ciel et la société LASCAZ,l’entreprise du narrateur.

Le contrat a pour objet l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères de la ville par la sociétéLASCAZ.

Avec l’agrément du maire de Trantor-Sur-Ciel, la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelpune partie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.

La société LASCAZ souhaite saisir le juge d’une action tendant à la résiliation de ce sous-traité.

Règles pertinentes :

Qui du juge administratif ou du juge judiciaire a compétence pour prononcer la résiliation ducontrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marché deservice public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

L’exposé des faits pertinents et une compréhension analytique de l’interrogation (cf. supra)nous permettent de choisir dans le cours les règles pertinentes - notons au passage que le cas pra-tique ne comporte pas d’annexe où seraient consignées des règles complémentaires.

Puisqu’il est question de compétences juridictionnelles et de contrats, nous trouverons lesrègles pertinentes dans les parties du cours qui ont trait aux compétences juridictionnelles et aux con-trats.

1 - Introduction générale au cours : « T.C., 8 février 1873, Blanco La compétence suit le fond. C’est l’équation droit administratif (le fond) = juge ad-

ministratif (la compétence).La compétence est déterminée par les règles qui permettent de trancher le litige. A la

question « devant quel juge doit-on porter tel litige ? » il convient de répondre en envisageantdeux hypothèses :

1. Si le litige doit être tranché sur la base du droit administratif (fond), il ressortit à lacompétence du juge administratif (compétence) ;

2. Si le litige doit être tranché sur la base du droit privé (fond), il relève du juge judi-ciaire (compétence). »

2 - Cours sur les contrats administratifs :« Les contrats de l’administration se répartissent entre deux grandes catégories :

1. les contrats administratifs, qui relèvent du droit administratif et du juge adminis-tratif,

2. les contrats de droit privé, qui relèvent du droit privé et du juge judiciaire.

Naturellement, la question “ Devant quel juge doit-on porter un litige relatif à tel con-trat ? ” appelle la question “ Quelle est la nature juridique de ce contrat ? ”.

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D'une façon générale, il est deux manières de vous interroger sur une chose :1. l'interrogation directe portant sur la chose elle-même (par exemple, y a-t-il du

feu ?)2. et l'interrogation indirecte relative à une conséquence inséparable de la chose

(par exemple, y a-t-il de la fumée ?)S'agissant d'un contrat, voici les deux types d'interrogation :

3. interrogation directe : quelle est la nature juridique du contrat ? (contrat ad-ministratif ou contrat de droit privé ?)

4. interrogation indirecte : devant quel juge doit-on porter les litiges relatifs à cecontrat? ou encore, quel est le droit applicable à ce contrat ? »

La question n°5 du cas pratique correspond à une interrogation indirecte sur la nature ducontrat conclu en 2001. Rappelons que nous avons compris cette question de la manière suivante :Qui du juge administratif ou du juge judiciaire a compétence pour prononcer la résiliation ducontrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marchéde service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel ?

Conformément aux passages pertinents du cours cités ci-dessus, la réponse à la question n°5du cas pratique présuppose la réponse à la question suivante : le contrat par lequel la sociétéLASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marché de service public conclu en2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel est-il un contrat administratif ou un contrat dedroit privé ?

Rappel du raisonnement générique qui gouverne la qualification juridique des con-trats :

Au stade de l'identification, c'est-à-dire de la qualification, on peut avoir affaire à deux typesde contrats administratifs :

1. les contrats qui tiennent leur qualification directement ou indirectement de la loi ou d’unevolonté particulière du juge : contrats administratifs par détermination de la loi et con-trats de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence,

2. et les contrats dont la qualification est la conséquence de l’application des critères juris-prudentiels : contrats administratifs et contrats de droit privé.

Voilà pourquoi lorsque l'on veut qualifier un contrat,

1. on doit d'abord se demander s'il s'agit d'un contrat administratif par détermination de laloi ou d'un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence ;

2. en cas de réponse négative à la précédente question, on se demandera ensuite s’il s’agitd’un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence ;

3. les réponses aux deux questions précédentes étant négatives, on doit se demander si lecontrat peut être qualifié de contrat administratif en application des critères jurispruden-tiels ;

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1 – Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel appartient-il à la catégorie des contrats administratifs par détermination de la loi ?

Pour répondre de manière rigoureuse, nous devons confronter le contrat à la liste des con-trats administratifs par détermination de la loi.

Liste des contrats administratifs par détermination de la loi :les contrats de vente d’immeubles du domaine privé de l’État (loi du 28 pluviôse an VIII- 17 février 1800),les marchés de travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII),les contrats comportant occupation du domaine public (décret-loi du 17 juin 1938),les marchés (contrats) conclus en application du code des marchés publics. La loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF (Mesures Urgentes de Réformes àCaractère Economique et Financier),les contrats de partenariat (ordonnance du 17 juin 2004).

Il est manifeste que notre contrat n’a pas sa place dans cette liste – précisons qu’aucune desdeux parties n’est assujettie au code des marchés public en tant que pouvoir adjudicateur ou entitéadjudicatrice.

2 – Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel appartient-il à la catégorie des contrats de droit privé par détermination de la loi ou de lajurisprudence ?

Notre démarche sera la même que précédemment.Liste des contrats de droit privé par détermination de la loi :

les contrats d’affermage des taxes communales - loi du 17 mai 1809,les contrats relatifs à l’ordinaire des corps de troupes - loi du 22 avril 1905.

Liste des contrats de droit privé par détermination de la jurisprudence :les contrats conclus entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagersen vue de fournir à ces derniers des prestations de services.

Notre contrat ne figure dans aucune de ces deux listes.

Nous sommes donc tenté de conclure que notre contrat n’est ni un contrat administratif pardétermination de la loi, ni un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

Toutefois, un facteur nous oblige à différer ou à nuancer cette conclusion : la liste des con-trats administratifs par détermination de la loi et les listes de contrats de droit privé par déterminationde la loi ou de la jurisprudence cités dans le cours ont été fournies à titre d’exemples. Il se peut queces trois listes ne soient pas exhaustives, comme il se peut qu’elles le soient.

A ce stade de notre raisonnement, nous ne pouvons donc pas soutenir sans condition que lecontrat en question est ou n’est ni un contrat administratif par détermination de la loi, ni un contratde droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

La logique nous force à écrire : les connaissances que nous tirons du cours nous autori-sent à dire que le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Cieln’est

ni un contrat administratif par détermination de la loi,ni un contrat de droit privé par détermination de la loi ou de la jurisprudence.

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3 – Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel est-ilun contrat administratif en application des critères jurisprudentiels ?

Rappel des critères jurisprudentiels :

Pour pouvoir être qualifié de contrat administratif selon la jurisprudence, un contrat doit sa-tisfaire

au critère organique : il faut qu'au moins une personne publique soit partie à ce contrat(participation directe ou indirecte d'une personne publique)et, au moins, à l'un des critères matériels ou complémentaires suivants : clause exorbi-tante, régime exorbitant ou relation avec l'exécution d'un service public.

Application à l’espèce :

1 – Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel sa-tisfait-il au critère organique ?

En d’autres termes, une personne morale de droit public y est-elle partie ?Les parties à ce contrat sont

d’une part la société LASCAZ, personne morale de droit privé,et d’autre part la société Tangelp, personne morale de droit privé.

Il est manifeste qu’aucune personne publique n’est directement partie à ce contrat.

Mais il se pourrait qu’une personne publique soit indirectement partie à ce contrat. Autre-ment dit, une deux des personnes privées (sinon les deux !) pourrait avoir représenté une personnepublique à la conclusion de ce contrat.

La représentation d’une personne publique à un contrat peut prendre la formedu mandatde l’action pour le compte de…ou encore de la personne publique transparente - CE, 21 mars 2007, Commune de Bou-logne-Billancourt c. Société Mayday Sécurité (req. n° 281796).

Selon l’article 1984 du code civil, « le mandat ou procuration est un acte par lequel une per-sonne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. »

La personne publique - le mandant - donne mandat à une personne privée - le mandataire -pour conclure un contrat au nom et pour le compte de la personne publique.

Quant à l’action pour le compte de…, c’est une formule étrange illustre une situation quirappelle le mandat mais qui en diffère.

Bien sûr, lorsque l’on est le mandataire d’une personne on agit pour le compte de cette per-sonne.

Mais le juge admet que l’on puisse agir pour le compte d’une personne sans être son manda-taire, ni explicitement ni implicitement - T.C., 8 juillet 1963, Entreprise Peyrot contre Société del’autoroute Esterel-Côte-d’Azur.

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En l’espèce pouvons-nous affirmer que l’une des deux personnes privées (société LASCAZou société Tangelp) a agi comme mandataire d’une personne publique ou pour le compte d’une per-sonne publique ?

La réponse ne peut qu’être négative :l’hypothèse du mandat doit être écartée : le cas pratique ne fait nullement référence à unquelconque mandat ;nous ne pouvons pas davantage retenir l’hypothèse d’une action pour le compte d’unepersonne publique : en effet le domaine d’application de la formule "action pour lecompte de…" est limité à des domaines précis (construction d’autoroutes,l’aménagement du territoire, construction de centrales nucléaires) ; l’enlèvement et letraitement des ordures ménagères n’en font pas partie. L’agrément donné par la com-mune ne s’oppose point à cette réponse. Autoriser quelqu’un à faire quelque chose, cen’est pas ipso facto faire soi-même directement ou non cette chose ;enfin, rien ne nous permet de soutenir que l’une des deux parties n’est qu’une personneprivée transparente – cf. cours.

En définitive, aucune personne publique n’est partie directement ou indirectement aucontrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marchéde service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.

Nous sommes donc d’ores et déjà fondé à arrêter notre quête : étant donné qu’aucune per-sonne publique n’y est partie directement ou indirectement, le contrat par lequel la société LASCAZa sous-traité à la société Tangelp une partie du marché de service public conclu en 2001 avec lacommune de Trantor-Sur-Ciel

n’est pas un contrat administratif,mais un contrat de droit privé.

Mais il peut être intéressant d’observer que ce contrat semble satisfaire aux critères matérielscomplémentaires exigés pour la qualification de contrat administratif.

2 – Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp unepartie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel sa-tisfait à deux critères matériels ou complémentaires exigés pour la qualification de contratadministratif, sans que cela change sa nature de contrat de droit privé.

a - Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une par-tie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel comporte des clauses exorbitantes

Données pertinentes du cas pratique : « Inutile de vous dire que nous avons inséré dans ce con-trat certains des garde-fous qui avaient tant fait rire les "responsables" de la commune. »

Etant donnéque nous avons déjà qualifié ces garde-fous de clauses exorbitantesque nous tenons ce contrat pour un contrat de droit privé,

la question se pose de la licéité de telles clauses dans un contrat de droit privé.

Ce sera au juge judiciaire d’y répondre. Gageons que sa réponse ne fera pas rire le narra-teur…

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a - Le contrat par lequel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une par-tie du marché de service public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel est lié àl’exécution d’un service public

En effet,d’une part, le contrat dont il s’agit a été conclu en vue de l’enlèvement et du traitementdes ordures ménagèresd’autre part, nous avons déjà qualifié d’activité de service public l’enlèvement et le trai-tement des ordures ménagères (cf. réponse à la question n°1 du cas pratique).

Que ce second contrat remplisse deux des critères matériels complémentaires exigés pour laqualification de contrat administratif (pas de régime exorbitant, tout de même) ne change rien à sanature de contrat de droit privé car aucune personne publique n’y est partie directement ou indirec-tement.

Exemple voisin cité dans le cours :« Considérant que l'action engagée par la SCM MOMBAZET à l'encontre de la sociétéACTRA tend au paiement du solde du prix des travaux qu'elle prétend avoir réalisés en saqualité de sous-traitante pour le compte de la RATP, maître de l'ouvrage ; qu'ainsi son ac-tion contre cette société ne peut avoir d'autre fondement que le contrat de sous-traitance con-clu entre elles ; qu'alors même qu'il est relatif à l'exécution de travaux publics, ce con-trat, conclu entre deux personnes de droit privé, présente le caractère d'un contrat dedroit privé ; qu'il suit de là qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître de celitige ; » - T.C., 26 septembre 2005, Société de Constructions Métalliques MOMBAZET.

Conclusion et réponse à la question n°5 du cas pratique :

Le narrateur doit s’adresser au juge judiciaire.C’est le juge judiciaire qui a compétence pour prononcer la résiliation du contrat par le-quel la société LASCAZ a sous-traité à la société Tangelp une partie du marché de ser-vice public conclu en 2001 avec la commune de Trantor-Sur-Ciel.En effet, ce contrat est un contrat de droit privé.Il ne peut être tenu

ni pour un contrat administratif par détermination de la loi,ni pour un contrat administratif en application des critères jurisprudentiels (aucunepersonne publique n’y est partie directement ou indirectement même s’il comporte,sans doute irrégulièrement, des clauses exorbitantes et même s’il est lié àl’exécution d’une mission de service public).

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