32
1 #CostingEquity Pour un financement de l’éducation adapté aux besoins des personnes handicapées © LEONARD CHESHIRE DISABILITY / HAMISH ROBERTS

#CostingEquity — Pour un financement de l’éducation adapté ...€¦ · Les gouvernements ont besoin de formules de financement qui tiennent compte des coûts plus élevés pour

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

1

#CostingEquity Pour un financement de

l’éducation adapté aux besoins des personnes handicapées

© L

EON

AR

D C

HES

HIR

E D

ISA

BIL

ITY

/ H

AM

ISH

RO

BER

TS

Remerciements

Ce rapport a été rédigé par Juliette Myers avec le soutien de Helen Pinnock et Soumya Suresh pour la rédaction et les recherches.

Merci au comité de pilotage qui a dirigé les recherches et fourni des contributions écrites : David Archer (Action Aid), Nafisa Baboo (LIGHT FOR THE WORLD), Benjamin Bach (LIGHT FOR THE WORLD), Louise Banham (Partenariat mondial pour l’éducation), Aletheia Bligh Flower (Leonard Cheshire Disability), Ingrid Lewis (Enabling Education Network), Colin Low CBE – Lord Low of Dalston (coprésident du All Party Parliamentary Group Global Education, R.-U.), Nidhi Singal (University of Cambridge), Sian Tesni (CBM).

Les personnes ci-après ont généreusement fourni des contacts, des idées et des informations supplémentaires : Rosangela Berman Bieler (UNICEF), Sandrine Bohan-Jacquot (consultante), Lynn Dudley (consultante GPE), Els Heijnen-Maathuis (Save the Children), Ola Abu Alghaid (Leonard Cheshire Disability), Dr Maria Kett (Leonard Cheshire Disability and Inclusive Development Centre, UCL), Kou Boun Kheang (Save the Children Cambodge), Dr Guy Le Fanu (Sightsavers), Anna MacQuarrie (Inclusion International), Paula Malan (représentante

finlandaise, Éthiopie), Julia McGeown (Handicap International), Polly Meeks (ADD International), Dr Daniel Mont (UCL), Ali Sani Side (Ccnsultant national pour le plan directeur Éducation Inclusive, Éthiopie), Richard Orne (Daisy Consortium), Diane Richler (Inclusion International), Marion Steff (Sightsavers), Anjela Taneja (Campagne mondiale pour l’éducation), Lorraine Wapling (University College de Londres).

La publication de #CostingEquity a été rendue possible grâce au soutien financier de l’Open Society Foundations. La recherche a reçu le soutien du Dr Dragana Sretenov pour le compte du Early Childhood Program (Programme d’éducation de la petite enfance). Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les politiques ou les points de vue de l’Open Society Foundations.

Les recherches ont été coordonnées par LIGHT FOR THE WORLD pour le compte de l’IDDC. CBM, Handicap International, Sightsavers et LIGHT FOR THE WORLD ont apporté un soutien financier supplémentaire à #CostingEquity pour la recherche, la publication, la traduction et l’accessibilité lors de la cérémonie d’inauguration. L’Enabling Education Network (EENET) a contribué au travail éditorial.

Table des matières

Sommaire 4

Contexte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4Les donateurs internationaux. . . . . . . . . . . . . . . . . 4Le financement intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6L’avenir du financement de

l’éducation inclusive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Résumé des recommandations . . . . . . . . . . . . . . . 8

1. Introduction 9

1.1. Les Objectifs de développement durable . 91.2. Contexte général. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.3. Définir l’éducation inclusive . . . . . . . . . . . . . 101.4. L’éducation inclusive est rentable . . . . . . . . 10

2. Les tendances de financement 12

3. Le soutien des donateurs internationaux 13

3.1. Un accent stratégique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.2. Une aide insuffisante et non ciblée . . . . . . 143.3. Les informations et les données . . . . . . . . . 15

4. Le financement intérieur 16

4.1. Tour d’horizon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164.2. Les budgets de l’éducation excluent

les enfants handicapés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164.3. Évaluation des coûts de l’équité

dans l’éducation inclusive . . . . . . . . . . . . . . . 174.4. La budgétisation inclusive. . . . . . . . . . . . . . . 19

5. L’avenir du financement de l’éducation inclusive 20

5.1. L’accroissement du financement intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

5.2. Une utilisation plus rationnelle des ressources existantes et des investissements judicieux . . . . . . . . . . . . . . . 22

5.3. Le financement extérieur . . . . . . . . . . . . . . . . 235.4. De nouvelles sources et un

financement innovant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235.5. Des mesures pour améliorer la

gouvernance, la transparence et la redevabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

6. Conclusions et recommandations 27

Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

International Disability and Development Consortium Inclusive Education Task Group 2016For more information visit: www.iddcconsortium.net/resources-tools/costing-equity

4 COSTING EQUIT Y

Sommaire

ContexteLos Les Objectifs de développement durable (ODD) sont les premiers objectifs mondiaux à mentionner les personnes handicapées et à affirmer clairement que « personne ne doit être laissé pour compte ». L’ODD 4 a pour but d’assurer « l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et de promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». L’atteinte de cet objectif, tel qu’énoncé dans le Cadre d’action Éducation 2030, est un défi de taille : la moitié des 65 millions d’enfants handicapés d’âge scolaire à travers le monde ne sont pas scolarisés.

L’éducation inclusive offre des opportunités d’apprentissage formel et non formel de qualité pour chaque enfant dans un système conventionnel qui s’adapte aux besoins de tous les apprenants. Cela nécessite des changements importants dans la législation, les politiques, le financement, la planification et la mise en œuvre, et l’utilisation d’une double approche qui combine judicieusement les changements systémiques avec un soutien spécifique pour les élèves handicapés.Le coût de l’exclusion du système éducatif est lourd tant pour l’individu que pour le pays, et certains

pays perdent des milliards de dollars de revenus potentiels parce que les personnes handicapées ne sont pas éduquées ou n’ont pas accès à l’emploi. En revanche, l’éducation inclusive, surtout lorsqu’elle est assurée dès la jeune enfance, offre de meilleurs résultats au niveau social, éducatif, sanitaire et économique pour tous les apprenants, et à un coût inférieur à celui de l’éducation spécialisée ou de l’enseignement séparé.

Les fonds alloués à l’éducation sont à la baisse à l’échelle mondiale. L’éducation des jeunes enfants est particulièrement sous-financée malgré les avantages évidents que cela entraîne du point de vue des efforts d’éducation ultérieurs. Les investissements dans le secteur de l’éducation ne constituent pas une priorité pour les gouvernements et les donateurs. La plupart d’entre eux ne surveillent pas la distribution des financements par niveau d’éducation, à plus forte raison la répartition des dépenses concernant les ODD. La situation est tout aussi préoccupante en ce qui concerne l’aide humanitaire pour l’éducation, où le manque cruel de financement affecte de façon disproportionnée les enfants handicapés.

5SOMMAIRE

Les donateurs internationauxPour ce rapport, neuf principaux donateurs bilatéraux et multilatéraux du secteur de l’éducation ont été interrogés sur leurs efforts en faveur d’une éducation intégrant pleinement les personnes handicapées. Cette étude a révélé que la plupart des organisations commencent à s’engager pour l’éducation inclusive et que, depuis peu, certaines organisations mettent davantage l’accent sur le handicap et l’éducation inclusive.

Les engagements n’atteignent pas nécessairement tous les niveaux organisationnels et aucun des donateurs interrogés n’avait une approche axée sur la gestion de portefeuille pour l’éducation inclusive.Dans l’ensemble, l’aide bilatérale et multilatérale pour l’éducation est à la baisse, parfois de façon drastique. La plupart des aides n’incluent pas des fonds affectés au handicap ou à des approches inclusives. Un investissement accru dans le suivi des financements pour l’inclusion et une redevabilité selon les indicateurs d’équité est nécessaire pour la concrétisation des engagements relatifs aux ODD. Le Partenariat mondial pour l’éducation (PME) contribue à stimuler le

financement et à renforcer les systèmes éducatifs en encourageant les donateurs à s’investir dans les questions d’apprentissage, d’équité et d’inclusion. Cependant, le PME devra renforcer les capacités de son Secrétariat et ses outils d’orientation afin de contribuer à une éducation plus sensible aux besoins des personnes handicapées.

Depuis longtemps, le manque de données fiables est le prétexte de l’inaction et cela n’est plus acceptable. L’ODD 4 incite les gouvernements à mesurer les disparités entre les groupes, sur la base du handicap et d’autres indicateurs de l’équité. L’utilisation des Enquêtes par Grappes à Indicateurs Multiples (MICS) de l’UNICEF en collaboration avec le Groupe de Washington sur les statistiques du handicap est une des mesures notables visant à améliorer la qualité des données. Un renforcement des capacités du personnel est toutefois nécessaire pour l’utilisation de tels outils. Les donateurs n’investissent pas suffisamment (et de manière collaborative) dans la production d’outils, de lignes directrices et de données sur les programmes d’éducation inclusive.

Le financement intérieurLes ressources nationales sont la source de financement principale pour l’éducation et les normes de références internationales incitent les gouvernements à allouer 4 à 6 % du PIB à ce secteur. Les ménages sont d’importants contributeurs au financement national de l’éducation, et certains pays cherchent à accroître la part de cette contribution ; cela pourrait exacerber l’exclusion scolaire des personnes handicapées qui sont souvent issues des ménages les plus pauvres. Les gouvernements n’engagent généralement pas des ressources suffisantes pour assurer une éducation inclusive et ne spécifient

pas quelles sont les ressources devant être allouées à l’éducation spécialisée ou inclusive. En outre, l’existence d’un plan, d’une politique ou d’une stratégie d’éducation inclusive ne garantit pas un financement adéquat pour leur mise en œuvre.

Les gouvernements ont besoin de formules de financement qui tiennent compte des coûts plus élevés pour les apprenants ayant des besoins spécifiques, et qui sont basées sur une double approche pour éliminer les obstacles à l’inclusion. Différents coûts sont à prendre

6 COSTING EQUIT Y

en compte. Concevoir un environnement d’apprentissage accessible dès le départ est moins coûteux que d’apporter des modifications ultérieurement. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) peuvent aider les enseignants à adapter les leçons et permettre aux enfants d’avoir accès à l’éducation, mais peu de pays à faible revenu ont accès aux TIC. Tous ces coûts doivent être intégrés dans le

financement du secteur éducatif. Cependant, des ressources financières additionnelles ne sont pas toujours requises ; ces coûts pourraient être couverts à travers une allocation stratégique des fonds existants, la promotion de la conception universelle et des accords de coopération entre plusieurs ministères, à condition de renforcer les compétences du personnel en matière de budgétisation inclusive.

L’avenir du financement de l’éducation inclusiveUn financement intérieur accru est essentiel pour parvenir à une éducation inclusive. En particulier, les efforts du gouvernement pour l’élargissement de l’assiette fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale (avec le soutien des donateurs) pourraient changer radicalement le financement de l’éducation. Une utilisation plus stratégique des ressources existantes, la redéfinition des priorités budgétaires, des mesures pour l’amélioration de la qualité (notamment une meilleure formation des enseignants), et un solide leadership politique et communautaire en faveur de l’inclusion sont nécessaires. Des investissements anticycliques et soutenus dans l’éducation seront également utiles.

Le déclin de l’aide doit être inversé, grâce à une augmentation annuelle de l’aide publique au développement de 11 % d’ici 2030 (Commission de l’éducation, 2016). Le PME doit être renforcé pour lui permettre de jouer un rôle plus central dans la promotion du financement de l’éducation inclusive. Des mécanismes pour des financements communs et mixtes ainsi que l’allégement de la dette contre un meilleur financement de l’éducation inclusive sont des options qui doivent être davantage envisagées, et il est essentiel que l’aide soit mieux harmonisée avec les plans nationaux d’éducation inclusive. L’aide privée au développement, qui croît plus rapidement que

l’aide publique au développement (APD), pourrait jouer un rôle de catalyseur dans l’éducation inclusive si des orientations appropriées sont mises en place. Il faudrait étudier davantage les obligations à impact social dans le cadre de la mobilisation de capitaux privés pour l’éducation ; l’utilisation de taxes affectées pourrait également être envisagée pour soutenir des changements systémiques ou des interventions de soutien individuel. La méthodologie des Comptes nationaux de l’éducation peut permettre de rassembler des données utiles à l’identification de lacunes, de chevauchements et de mauvaises utilisations des fonds, et d’aider à planifier et mettre en œuvre des systèmes éducatifs plus inclusifs.

Le renforcement de la transparence budgétaire et de la redevabilité pourrait accroitre les ressources allouées au secteur de l’éducation. Les organisations de la société civile (OSC) et les organisations de personnes handicapées (OPH), si on les aide à renforcer leurs compétences, peuvent contribuer à une meilleure transparence et plaider pour un meilleur financement de l’éducation inclusive. La transparence et la redevabilité pourraient également s’améliorer plus rapidement si les gouvernements publient des données ventilées sur les dépenses, les ressources et les pertes du secteur éducatif.

7SOMMAIRE

Résumé des recommandations

Financement de l’éducation inclusive

Éléments de preuve et les données

• Données mieux ventilées et amélioration de la qualité des données sur l’accessibilité de l’environnement

• Investir dans des éléments de preuve en matière de construction

• Adopter des indicateurs relatifs au handicap• Financements/dépenses répartis conformément

à la CDPH

Le financement extérieur

• Inverser la baisse de l’aide• Intégrer la question du handicap dans les actions• Harmoniser les actions avec les plans nationaux• Nouvelles opportunités de financement et

renforcer le secrétariat• Réunir des éléments de preuve sur l’aide privée

au développement, les OIS, les taxes affectées et les Comptes nationaux de l’éducation

L’accessibilité/les aménagements raisonnables

• Création de normes minimales sur l’accessibilité de l’enseignement/des outils éducatifs

• Liste des produits d’assistance prioritaires de l’OMS – base pour la planification et la budgétisation

Les fondations philanthropiques et le secteur privé

• Participer à la promotion mondiale pour l’éducation inclusive

• Financer des approches innovantes• Soutenir les OSC et demander des comptes au

gouvernement

Le financement intérieur

• Double approche dans le processus de budgétisation

• Se conformer aux repères de financement• Élargir l’assiette fiscale et mettre fin à l’évasion

fiscale• Améliorer l’utilisation des ressources existantes

Le renforcement des capacités

• Comprendre l’observation générale sur l’art. 24 de la CDPH

• Le personnel des ministères de l’Éducation ont besoin de compétences sur les budgets équitables

• Renforcer les compétences en collecte des données et en ventilation

• Budget pour le renforcement des capacités des enseignants

• Collaborer afin d’apprendre

Les situations de crise

• Renforcer les budgets et les plans pour l’éducation inclusive

• Les donateurs du fonds « Education Cannot Wait » doivent soutenir l’éducation Inclusive

La redevabilité

• Transparence budgétaire totale• Les OSC/OPH participent au suivi budgétaire• Analyses du PME sur le handicap : opportunité de

renforcement des plans d’éducation inclusiv

8 COSTING EQUIT Y

1. Introduction

1.1. Les Objectifs de développement durableEn septembre 2015, les dirigeants mondiaux ont adopté un nouveau programme de développement durable promettant des changements progressifs aux niveaux social, économique et environnemental. Les Objectifs de développement durable (ODD) ont un message clair : ne laisser personne pour compte et mobiliser les ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour atteindre ce but. Pour la première fois, les personnes handicapées sont expressément mentionnées dans les objectifs mondiaux. Les engagements pour l’éducation des personnes handicapées jouent un rôle central. Plus précisément, l’ODD 4 vise

à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». Les objectifs mettent l’accent sur l’égalité d’accès à tous les niveaux d’éducation pour les personnes handicapées, des environnements d’apprentissage inclusifs et accessibles pour tous et la nécessité d’assurer un développement et une éducation de qualité pour les jeunes enfants. Le Cadre d’action Éducation 2030 énonce de manière plus approfondie le contenu de l’ODD 4, y compris les principes, le financement et la gouvernance, et donne des conseils pour atteindre l’objectif et assurer une éducation inclusive et de qualité pour tous.

1.2. Contexte généralOn estime qu’environ 65 millions d’enfants en âge scolaire sont des enfants handicapés, dont la moitié ne fréquentent pas l’école (Commission Éducation, 2016).

Un nombre encore plus élevé de jeunes enfants ne peuvent accéder à un développement et une éducation préparatoire de qualité. Les jeunes enfants handicapés sont parmi les plus marginalisés, ne sont souvent pas comptabilisés dans les enquêtes auprès des ménages et du secteur de l’éducation, et sont exclus des stratégies nationales et mondiales ciblant les enfants non scolarisés (UNICEF, 2013a ; Graham, 2014).

La plupart des enfants handicapés ne vont pas au terme de leurs études primaires en Amérique latine, en Asie et en Afrique (Mitra et al., 2013).

Outre les barrières systémiques et pédagogiques (enseignants mal formés, infrastructures et contenus scolaires inaccessibles), les barrières culturelles empêchent les enfants handicapés d’accéder au système éducatif. Les filles, les jeunes femmes et les personnes ayant des déficiences particulières, notamment une déficience intellectuelle, sont victimes des inégalités les plus criantes du système éducatif (LeFanu, 2014 ; Trani et al, 2011).

91. INTRODUC TION

1.3. Définir l’éducation inclusiveL’éducation inclusive offre des opportunités formelles et non formelles d’apprentissage de qualité dans un système traditionnel qui s’adapte à tous les apprenants. Lorsque les enfants apprennent ensemble indépendamment de leurs différences, toute la société en bénéficie à long terme. Une éducation inclusive de qualité peut éliminer les obstacles éducatifs pour tous les enfants, réduire le nombre de personnes non scolarisées, améliorer la transition entre les différents niveaux d’éducation et aider à lutter contre la discrimination en général.Le développement et l’éducation des jeunes enfants sont essentiels car cela leur présence,

participation et réussite scolaires plus tard. La réalisation de ces changements nécessite une transformation profonde de la législation, des politiques, de la planification, de l’administration, du financement et de la mise en œuvre (CDPH, Observation générale, article 24, 2016, paragr. 9).

La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH, 2006, art. 24) énonce le droit à une éducation inclusive de qualité et gratuite à tous les niveaux pour les enfants, les jeunes et les adultes en situation de handicap, « sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances ». Ces droits s’appliquent également

Élèves sourds et entendants étudiant ensemble dans une école inclusive.

10 COSTING EQUIT Y

aux personnes vivant dans des situations de crise. L’article 32 de la CDPH reconnaît le rôle essentiel des donateurs et de la coopération internationale dans la mise à disposition des ressources techniques et financières à cette fin.

La double approche pour un système éducatif plus inclusif

Un système d’éducation inclusive efficace adopte une double approche et recherche un

équilibre entre les changements au niveau systémique (politiques, pratiques, attitudes) et un soutien spécifique pour les apprenants handicapés (en leur donnant, par exemple, des dispositifs d’assistance). Cependant, la plupart des gouvernements et des financements extérieurs ne tiennent pas compte de l’existence et de l’importance de cette double approche ; trop souvent, ils allouent des budgets limités à l’éducation « spécialisée » et n’investissent pas dans la réforme du système.

1.4. L’éducation inclusive est rentableL’éducation inclusive est un droit humain et une fin en soi, mais elle présente aussi des avantages pour l’économie et la société. Des éléments de preuve au Bangladesh, au Cambodge, en Inde, au Népal et aux Philippines montrent que les retours sur investissement pour l’éducation des personnes handicapées sont deux à trois fois plus élevés que ceux pour les personnes non handicapées (Lamichhane, 2014).

Si une éducation de qualité avec des enseignants bien formés et un bon système d’entraide était mise en place, 80 à 90 % des élèves handicapés pourraient être scolarisés dans les écoles ordinaires avec un petite aide supplémentaire (UNICEF, 2012).À l’inverse, les effets de l’exclusion sur la croissance économique nationale sont extrêmement coûteux et économiquement aberrants (Morgon Banks et Pollack, 2014). Les enfants handicapés qui ne sont pas identifiés tôt ont de moins bons résultats et coûtent plus cher (National Scientific Council on the Developing Child, 2008).

Au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Gambie, au Lesotho, au Libéria, au Mali, au Nigeria, au Sénégal et au Yémen, le coût des enfants non

scolarisés (dont plusieurs ont un handicap) a été estimé comme étant « supérieur à une année entière de croissance du PIB » (Thomas & Burnett, 2013). Au Bangladesh, le manque d’opportunités de scolarisation et d’emploi pour les personnes handicapées et leurs aidants ferait perdre au pays 1,2 milliard de dollars de revenus annuels, soit 1,74 % du PIB (Banque mondiale, 2008).

L’exclusion du système éducatif conduit à l’analphabétisme, à des problèmes de santé, à une réduction drastique de l’accès au marché du travail, à des emplois mal rémunérés, à la malnutrition, à des conditions de vie et de travail dangereuses et au désengagement des services sociaux et autres mécanismes de protection (UNICEF, 2013a ; Mont, 2007). La pauvreté, les inégalités et l’insécurité qui en résultent ont un grave impact sur la société.

En revanche, l’éducation inclusive peut se traduire par de meilleures performances sociales et scolaires pour tous les apprenants et contribuer à l’autonomisation des femmes, la réduction de la criminalité et la maîtrise de la croissance de la population (Holdsworth, 2002 ; Macarthur, 2009 ; Mitchell, 2010 ; Acedo et al. 2011 ; Hanushek & Wößmann, 2007).

1 11. INTRODUC TION

Malgré cela, de nombreux gouvernements n’ont pas la volonté politique de rendre leur système éducatif inclusif et pensent que les investissements visant à scolariser les enfants handicapés ne sont pas rentables (Sæbones et al., 2015). Même lorsque des investissements sont réalisés, le financement de l’éducation spécialisée ou de l’enseignement séparé (traditionnellement les seules possibilités pour les enfants handicapés dans de nombreux pays) continue d’être considéré comme une option plus tangible et plus sûre, en dépit de son coût plus élevé. Au Pakistan, par exemple, l’UNESCO a constaté que les écoles spécialisées coûtaient 15 fois plus cher par élève que la scolarisation des enfants dans des écoles ordinaires (Economist Intelligence Unit, 2014). En Afrique du Sud, le coût moyen de la construction d’une nouvelle école spécialisée en 2012 était de 9 millions de dollars, alors que la mise à niveau des infrastructures d’une école ordinaire pour accueillir des enfants handicapés coûterait environ 366.337 $ (Human Rights Watch, 2015).

Les avantages d’une éducation inclusive précoce

Les interventions au cours de la petite enfance, en particulier, comme le dépistage, l’identification et l’évaluation des handicaps, permettent de s’attaquer rapidement aux retards de développement, d’éviter les risques ultérieurs pour la santé et d’améliorer de manière significative les perspectives d’avenir (UNICEF/Université du Wisconsin, 2008 ; UNICEF, 2012). Investir judicieusement dans l’éducation précoce évite ou réduit les coûts considérables de l’éducation spécialisée, du chômage et de l’institutionnalisation des adultes en situation de handicap, des traitements cliniques, des cours de rattrapage et des formations de remédiation (National Scientific Council on the Developing Child, 2008). Chaque dollar supplémentaire investi dans le développement et l’éducation des jeunes enfants rapporte entre 6 et 17 dollars (Engle et al., 2011).

Assana, une petite fille avec un handicap physique, suivant des cours dans une école du Burkina Faso.

12 COSTING EQUIT Y

2. Les tendances de financement

Au cours des dernières années, le secteur de l’éducation à l’échelle mondiale a été considérablement sous-financé et l’aide internationale pour l’éducation est en baisse (Rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM), 2016). Ces tendances sont particulièrement préoccupantes pour les enfants handicapés, étant donné qu’ils sont déjà les parents pauvres du système. Entre 2002 et 2010, la valeur réelle de l’aide en faveur de l’éducation a plus que doublé, jusqu’à atteindre 14,2 milliards de dollars, mais stagne depuis (GEM, mai 2016). L’aide totale pour l’éducation de base a baissé en 2013-2014car les donateurs bilatéraux ont réduit leur aide de 12 % (ibid.). L’éducation ne constitue un secteur d’investissement prioritaire ni pour les gouvernements, ni pour les donateurs.

En dépit de l’importance de l’éducation préprimaire, les dépenses pour un développement et une éducation de qualité restent particulièrement faibles et ne représentent que 1,15 % (106 millions de dollars) de l’aide totale pour l’éducation en 2014 (Theirworld, 2016). En Afrique subsaharienne, l’éducation préprimaire reçoit seulement 0,3 % des ressources allouées au secteur de l’éducation (Commission Éducation, 2016). D’ici à 2030, le déficit de financement pour la réalisation

de l’éducation préprimaire dans tous les pays à revenu faible ou intermédiaire sera de 31,2 milliards de dollars (Theirworld, 2016). Même les principaux donateurs bilatéraux pour l’enseignement primaire (États-Unis, Royaume-Uni, Norvège) ne considèrent pas le préprimaire comme une priorité (ibid.), ce qui pourrait sérieusement porter atteinte aux acquis de leurs investissements dans l’éducation de base. Cependant, il n’est pas aisé de brosser un tableau fidèle du financement à chaque niveau du système éducatif. Seulement 46 % des pays répartissent leurs dépenses d’éducation de manière à pouvoir identifier les allocations pour chaque niveau (Development Finance International 2015b). La décomposition approfondie nécessaire pour pouvoir suivre les dépenses liées aux ODD fait souvent défaut.

Les carences graves et le manque de souplesse de l’aide humanitaire destinée à l’éducation ont également un impact disproportionné sur les enfants handicapés. Ces enfants n’ont souvent pas accès aux opportunités d’éducation ou aux programmes de protection dans les contextes de crise, en dépit d’être plus vulnérables. Les plans d’intervention humanitaire, les mécanismes de secours et l’évaluation des besoins ne tiennent pas compte des enfants handicapés.

133. LE SOUTIEN DES DONATEURS INTERNATIONAUx

3. Le soutien des donateurs internationaux

Dans le cadre de la recherche #CostingEquity, des représentants des neuf principaux donateurs bilatéraux et multilatéraux du secteur de l’éducation ont été interrogés sur les efforts de leurs organismes en faveur de l’insertion scolaire : le DFAT (Australie), le DFID (Royaume-Uni), l’Union européenne, la GIZ (Allemagne), le Partenariat mondial pour l’éducation, la Norad (Norvège), l’UNICEF, l’USAID (États-Unis) et la

Banque mondiale. Un nombre important de stratégies, de cadres de suivi et de rapports annuels ont été examinés ; ils concernaient de grands donateurs dans le domaine de l’éducation de base, de l’éducation inclusive et du handicap, et des donateurs qui ont rendu compte de leurs actions par rapport à l’article 32 de la CDPH sur la coopération internationale.

3.1. Un accent stratégiqueL’examen a révélé que la plupart des principaux organismes donateurs commencent à s’engager en faveur de l’éducation inclusive. Plusieurs organismes parmi les plus importants ont déclaré avoir accordé aux personnes handicapées et à l’éducation inclusive une priorité nettement plus forte au cours des deux dernières années.Le DFID a apporté des changements importants en vue de promouvoir l’éducation inclusive dans les stratégies organisationnelles, les cadres de suivi et la sensibilisation du personnel, tout comme l’UNICEF. Le DFAT a exprimé son engagement pour l’inclusion scolaire beaucoup plus clairement dans ses stratégies et ses rapports depuis 2014. Cependant, dans chacune de ces trois organisations, des cadres stratégiques et des principes d’action ne sont pas toujours mis en place dans toutes les équipes de pays, et seuls quelques membres du personnel pourraient être considérés comme étant pleinement engagés dans la promotion de l’éducation inclusive.

Malgré les priorités thématiques accordées au handicap et à l’inclusion et quelques partenariats nationaux solides, l’USAID et l’UE n’ont pas encore fait preuve d’une stratégie axée sur l’éducation inclusive dans leurs partenariats et leurs actions.

Plusieurs donateurs affirment qu’ils encouragent le financement de l’éducation inclusive dans les plans et programmes nationaux, mais aucun n’a pu montrer une approche de portefeuille. Les donateurs ont donc encore beaucoup à faire pour promouvoir pleinement les éléments structurels de l’éducation inclusive au niveau des pays. Le PME dit avoir élaboré des outils pour aider les pays à gérer et assurer le suivi des questions d’équité et d’inclusion, mais les progrès ont ralenti depuis 2014 et les capacités sont limitées au niveau du Secrétariat du PME. Le PME joue un rôle essentiel dans la stimulation des financements et le renforcement des systèmes

14 COSTING EQUIT Y

éducatifs dans les pays en développement en encourageant les donateurs à investir dans les questions d’apprentissage, d’équité et d’inclusion. Si le Secrétariat renforce ses capacités et ses

outils d’orientation, il pourrait fournir aux États les informations dont ils ont besoin pour mettre en place des plans et des budgets pour l’inclusion scolaire.

3.2. Une aide insuffisante et non cibléeLa crise financière mondiale de 2008 a conduit à une baisse de l’aide des donateurs bilatéraux et au délaissement de l’éducation de base. La France, le Japon, les Pays-Bas et l’Espagne ont tous réduit leur aide pour l’éducation de base d’au moins 40 % (GEM, mai 2016). La plupart des grands donateurs financent des programmes d’éducation de base dans les pays en développement (y compris en

préprimaire) sans affecter de fonds spécifiques aux approches d’inclusion scolaire. La Norad (2016) fait exception en démontrant que 29 % de ses fonds pour l’éducation sont alloués à l’éducation inclusive. Pour les autres grands organismes donateurs, le manque de données sur les affectations de fonds laisse penser que le handicap et l’éducation inclusive ne sont pas encore une priorité.

3.3. Les informations et les donnéesDepuis longtemps, le manque de données fiables est le prétexte de l’inaction et des lenteurs. À l’heure actuelle, les données sur les enfants dans des situations de conflits et de crises prolongées ne sont pas vraiment rigoureuses, mais personne ne se refuserait à agir en attendant l’arrivée de données fiables. Il devrait en être de même pour la question du handicap. En vertu de l’ODD, les gouvernements s’engagent à mesurer les disparités entre les groupes sur la base du handicap et d’autres indicateurs ; on devrait donc voir des efforts accrus en matière de données ventilées et d’outils d’inclusion scolaire.

Les Enquêtes par grappes à indicateurs multiples (MICS) de l’UNICEF promettent des changements positifs, car elles permettent d’étudier comment le handicap affecte les enfants lors des enquêtes sur les ménages, en association avec le Groupe de Washington sur la mesure des incapacités et le Guide de l’UNICEF pour l’inclusion du handicap dans les Systèmes d’information pour

la gestion de l’éducation (UNICEF, 2016). Le DFID préconise également une utilisation plus agressive d’indicateurs sur les handicaps dans le cadre des ODD (DFID, 2015). Cependant, le succès de ces initiatives repose sur les investissements dans le renforcement des capacités du personnel.

Pour l’instant, les donateurs ne soutiennent pas fortement le développement d’outils, d’aides et de preuves à l’échelle requise pour rendre inclusifs les plans et programmes du secteur de l’éducation. Il est de la responsabilité des donateurs de combler les lacunes en termes de connaissances et de capacités grâce à des outils élaborés en commun. Malheureusement, la lenteur avec laquelle les éléments de preuve sont produits ou documentés actuellement par de petites équipes au sein des organisations risque de retarder les actions en faveur de l’inclusion scolaire. L’accentuation de ces efforts donnerait plus de clarté aux investissements des donateurs et permettrait l’augmentation de fonds destinés à l’éducation inclusive.

154. LE FINANCEMENT INTÉRIEUR

4. Le financement intérieur

4.1. Tour d’horizonLes ressources nationales continueront d’être la source de financement la plus importante pour l’éducation. La Déclaration d’Incheon exhorte les pays à se conformer aux critères de référence pour le financement national de l’éducation (4 à 6 % du PIB et/ou au moins 15 à 20 % des dépenses publiques). Des mesures d’aménagement raisonnable (telles que des infrastructures, un enseignement et des outils pédagogiques adaptés) réduiraient les inégalités dont sont victimes les élèves handicapés et permettraient aux États d’atteindre les limites supérieures de ces critères (Éducation 2030, 2015, paragr. 105 ; Commission de l’enseignement, 2016). Les ménages contribuent de façon considérable au financement intérieur de l’éducation. Dans les pays à faible revenu, les contributions des ménages au financement de l’éducation peuvent représenter

près de la moitié du financement intérieur (Brookings, 2015a), voire dépasser les dépenses consacrées par l’État à l’éducation (GEM, Juillet 2015).

Comme la pauvreté des ménages et le handicap sont souvent intrinsèquement liés, il n’est pas surprenant que les enfants handicapés soient plus exposés à l’exclusion scolaire.En Éthiopie, où 96 % des enfants handicapés ne sont pas scolarisés, le plan sectoriel de l’éducation prévoit de combler le déficit de financement grâce aux contributions des ménages et des communautés (Gouvernement éthiopien, Ministère fédéral de l’éducation, 2015b). S’appuyer davantage sur les ménages pour financer l’éducation risque d’exacerber l’exclusion scolaire des personnes handicapées.

4.2. Les budgets de l’éducation excluent les enfants handicapés

Très peu de gouvernements engagent des ressources suffisantes pour assurer une éducation inclusive. Une étude récente pour le rapport GEM 2016 a révélé que seulement 31 pays à revenu faible et intermédiaire (sur 76) disposent d’allocations budgétaires spécifiques pour les enfants handicapés ou pour l’éducation spécialisée (Development Finance International, 2016) 1. Ces lignes budgétaires ne montrent d’ailleurs pas clairement si les fonds sont destinés

à l’éducation spécialisée ou à l’éducation inclusive.L’inclusion du handicap ou des besoins éducatifs spéciaux dans le plan sectoriel de l’éducation d’un pays est un bon indicateur prévisionnel des allocations budgétaires. Malheureusement, l’existence d’un plan, d’une politique ou d’une stratégie d’éducation inclusive ne garantit pas un financement adéquat. Le Livre blanc de l’Afrique du Sud sur l’éducation inclusive fut un plan très bien accueilli pour l’élaboration d’un système

16 COSTING EQUIT Y

éducatif inclusif, mais l’absence d’avancées dans sa mise en œuvre a été attribuée à des problèmes de financement (Wildeman & Nomdo, 2007 ; Human Rights Watch, 2015).

Lorsque les gouvernements ne parviennent pas à prendre des mesures budgétaires en faveur de l’éducation inclusive, les enfants handicapés continuent d’être marginalisés. Par exemple, au Pérou, seulement 0,05 % du budget total

du ministère de l’Éducation est alloué aux écoles spécialisées et le budget national 2010 ne comportait pas de chiffres sur l’éducation inclusive. Cela explique certainement pourquoi 87,1 % des enfants et des adolescents péruviens en situation de handicap ne sont pas scolarisés. Les organisations de la société civile soulignent que ce manque d’investissement illustre l’exclusion des personnes handicapées du système éducatif (CONFENADIP, 2011).

L’éducation pour tous les enfants est primordial pour le développement social et économique d’un pays.

174. LE FINANCEMENT INTÉRIEUR

4.3. Évaluation des coûts de l’équité dans l’éducation inclusive

Pour mettre en place une éducation inclusive, il faut investir considérablement dans les réformes systémiques, à travers une double approche. Il existe déjà divers modèles de financement pour soutenir l’éducation inclusive dans les pays en développement, tels que les transferts de fonds, les subventions bien ciblées pour l’amélioration de l’éducation et les fonds pour des aménagements raisonnables. Cependant, tous les gouvernements doivent de toute urgence développer leurs propres modes de financement tenant compte des coûts plus élevés associés à certains apprenants aux besoins supplémentaires (Commission de l’éducation, 2016).

Les enfants ayant divers handicaps (et tous les autres enfants) bénéficieront d’un environnement plus sûr et plus convivial. Par exemple, les salles de classe, les terrains de jeux et les installations d’eau et d’assainissement doivent tous être rendus accessibles. Si l’accessibilité est intégrée dès la phase de conception, les coûts additionnels sont négligeables (augmentation de 1 %), tandis que la mise en conformité des écoles pourrait coûter 20 % plus cher (Steinfeld, 2005).

Des outils didactiques adaptés tels que des livres en braille, la langue des signes, le sous-titrage, des livres audio, des livres en gros caractères et des livres faciles à lire sont souvent extrêmement rares dans les pays à faible revenu. Par exemple, on estime que moins de 1 % des outils sont disponibles dans des formats accessibles pour les lecteurs aveugles ou ayant une déficience visuelle (Union Mondiale des Aveugles, 2013), alors que la réussite scolaire pourrait progresser de 20 % si ces élèves avaient des manuels adaptés (Commission Éducation, 2016).Le Traité de Marrakech sur le droit d’auteur, entré en vigueur le 30 septembre 2016, nécessitera

certainement la production de livres dans des versions accessibles pour les personnes aveugles, les malvoyants et les personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le secteur de l’éducation peut changer la donne. Ces outils peuvent aider les enseignants à adapter les leçons et la présentation du contenu et des exercices, aider les élèves ayant une déficience visuelle à utiliser des formats accessibles qui stimulent leur participation et permettre aux personnes ayant des troubles de la communication de s’exprimer en utilisant des technologies de reconnaissance et de synthèse vocale ou des logiciels à base de symboles. Dans la plupart des pays à faible revenu, seulement 5 à 15 % des personnes qui ont besoin d’appareils et accessoires fonctionnels y ont accès. Les coûts élevés sont un obstacle majeur, de même que le manque de sensibilisation sur les fonctions d’accessibilité disponibles sur des produits technologiques tels que les ordinateurs portables et les tablettes (UNICEF, 2013b). La Commission sur le financement des opportunités éducatives recommande des investissements intersectoriels pour un accès à Internet pour toutes les écoles et pour la mise en place de l’infrastructure numérique nécessaire à l’apprentissage (Commission Éducation, 2016). Des investissements similaires sont nécessaires pour s’assurer que les enseignants, les décideurs et d’autres acteurs clés disposent de l’information et des compétences permettant une utilisation optimale de la technologie pour l’accessibilité de l’apprentissage et de l’enseignement.

Les appareils et accessoires fonctionnels restent trop chers pour de nombreuses familles d’enfants handicapés, même si leur acquisition bénéficie

18 COSTING EQUIT Y

dans certains pays d’allègements fiscaux. Une étude au Kenya a révélé les prix élevés des appareils importés, la faible demande contribuant à la hausse des coûts (GCE UK/APPG EFA, 2015). Les divers coûts associés aux appareils et accessoires fonctionnels sont entre autres la recherche et

le développement, l’approvisionnement, la maintenance et la distribution, le personnel spécialisé, la formation des enseignants et l’élaboration ou la mise en œuvre des politiques (UNESCO/G3ict, 2014).

4.4. La budgétisation inclusiveLes budgets nationaux jouent un rôle clé dans l’égalisation des chances des différents groupes d’enfants concernant l’accès à l’éducation. Tout comme la budgétisation sensible au genre a joué un rôle crucial dans la compréhension de l’impact des budgets sur les filles et les garçons (Unterhalter, 2007), la budgétisation sensible aux besoins des personnes handicapées au niveau national et décentralisé est nécessaire pour atténuer les désavantages que rencontrent les apprenants ayant différents types de handicap et assurer une éducation de qualité (GCE Global, 2014 ; GEM, juillet 2015).

Les budgets inclusifs ciblent les groupes les plus marginalisés, en veillant à ce que des fonds soient disponibles pour soutenir des réformes spécifiques et dépensés de façon équitable et efficace pour un impact optimal. Il ne suffit pas d’affecter des budgets nominaux à « l’éducation spécialisée » et d’attendre un soutien adéquat de l’éducation des enfants handicapés. Les budgets que les gouvernements affectent au secteur de l’éducation devraient viser à améliorer et à soutenir l’ensemble du système éducatif en gardant à l’esprit la question de l’inclusion, et des mesures spécifiques d’adaptation devraient être prévues en cas de besoin. Malheureusement, cela est rarement le cas dans les pays à faible revenu. Par exemple, une récente étude en Papouasie-Nouvelle-Guinée a constaté que les fonds publics pour les apprenants en situation de handicap ne profitent qu’à ceux qui étudient dans les centres d’éducation spécialisée

gérés par des ONG ; cela constitue donc un frein majeur à l’inclusion des enfants handicapés dans les écoles ordinaires gérées par le gouvernement (Kett et al., 2016).

Les équipes techniques au sein des ministères de l’Éducation doivent être suffisamment qualifiées pour élaborer des budgets équitables. L’examen conjoint du secteur de l’éducation au Cambodge en 2015 a constaté que le manque de coordination a donné lieu à des insuffisances dans l’élaboration des budgets et qu’en outre les budgets alloués à l’équité étaient sous-utilisés (Joint Government – Development Partners, avril 2015). Dans les systèmes éducatifs décentralisés, la compréhension de l’éducation inclusive et l’engagement peuvent varier d’une province à l’autre, affectant les allocations budgétaires et les dépenses. Par exemple, cinq des neuf provinces d’Afrique du Sud n’ont pas alloué de ressources au développent de l’éducation inclusive en 2014 et quatre d’entre elles n’avaient jamais alloué aucun budget à l’inclusion ; cela a « entraîné de sérieux retards dans la mise en œuvre » de la politique d’inclusion scolaire (Human Rights Watch, 2015).

195. L’AvENIR DU FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION INCLUSIvE

5. L’avenir du financement de l’éducation inclusive

Des financements supplémentaires réguliers, innovants et bien ciblés seront nécessaires pour la réalisation de l’ODD 4. Par ailleurs, les ressources existantes doivent être gérées de façon plus stratégique, en accentuant le soutien aux groupes marginalisés, la lutte contre le gaspillage et la corruption et en améliorant la transparence et la redevabilité. La répartition équitable des ressources est une innovation à laquelle tous les pays doivent travailler. Les financements viables de l’éducation

doivent provenir des ressources nationales et être soutenus par la croissance économique, une fiscalité progressive, une gouvernance efficace et des institutions transparentes.Comme le réaffirme le Programme d’action d’Addis-Abeba, les investissements à long terme dans l’éducation sont essentiels et rentables sur la durée, alors que les engagements à court terme et/ou les augmentations soudaines des dépenses ont une efficacité limitée.

5.1. L’accroissement du financement intérieurPour les gouvernements, un financement intérieur accru est le moyen le plus important et le plus durable de parvenir à l’éducation inclusive.

La Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives mondiales (Commission Éducation, 2016) met en évidence la nécessité pour les gouvernements de développer des modes de financement et d’exploiter des technologies qui soutiennent davantage les enfants dans le besoin, tels que les enfants handicapés. Elle estime que les gouvernements des pays à revenu faible ou intermédiaire doivent accroître les ressources nationales pour l’éducation de 1 billion de dollars environ en 2015 à 2,7 billions de dollars à l’horizon 2030 grâce à une série de mesures, notamment l’augmentation des impôts, une croissance soutenue et l’augmentation de la part de l’éducation dans les dépenses publiques.

L’imposition progressive est la plus importante source de revenus pour les gouvernements (Action Aid, 2009) 2. L’élargissement de l’assiette fiscale dans les pays en développement, associé à des mesures agressives contre l’évasion fiscale et les incitations néfastes, pourrait conduire à des progrès spectaculaires dans le financement de l’éducation. Les donateurs peuvent y contribuer en renforçant les capacités et les systèmes fiscaux, et en révisant les traités fiscaux qui nuisent aux pays en développement (Action Aid 2015). Le Consensus de Copenhague estime que chaque dollar dépensé pour moderniser et réformer les systèmes d’imposition rapporte 45 dollars en recettes fiscales (Brookings, 2015a).L’impact des systèmes fiscaux inéquitables sur la capacité d’un pays à atteindre les objectifs d’éducation inclusive ne doit pas être sous-estimé. Au Nicaragua, les exonérations fiscales équivalent à deux fois et demi le budget de l’éducation. En

20 COSTING EQUIT Y

Zambie, l’évasion fiscale des entreprises représente plus de deux fois le budget total de l’éducation. En Tanzanie, les revenus perdus à cause de l’évasion fiscale pourraient couvrir le coût de la formation de tous les enseignants du primaire non formés et de 70.000 nouveaux enseignants, la construction de 97.000 nouvelles salles de classe accessibles et permettrait de fournir à chaque enfant des manuels de lecture et de calcul (GCE Global, 2013).

De nombreux pays qui luttent pour atteindre les objectifs d’éducation ne parviennent pas à tirer parti de leur assiette fiscale de façon satisfaisante. Si l’on renforçait modérément les efforts de recouvrement de l’impôt dans 34 pays d’Afrique subsaharienne et si un cinquième seulement des ressources issues de ces efforts étaient consacrées au secteur de l’éducation, le secteur récolterait alors 4,5 milliards de dollars (EFA GMR, 2013-14). Une étude a estimé que « les pays en développement perdent 139 milliards de dollars par an, uniquement à cause des exonérations de l’impôt sur le revenu des sociétés. Si ces ressources étaient canalisées là où elles sont le plus nécessaires, un peu plus de deux mois suffiraient à combler le déficit de financement annuel mondial pour l’éducation de base » (Action Aid, 2016). Parmi les pays en développement, l’Éthiopie a l’un des ratios impôts/PIB les plus faibles (12 %), en grande partie en raison des exonérations fiscales généreuses (équivalant

à environ 4,2 % du PIB en 20082009). Si l’Éthiopie supprimait ces exemptions et allouait 10 % des nouvelles recettes à l’éducation de base, alors 1,4 million sur 1,7 million d’enfants non scolarisés (dont beaucoup sont des enfants handicapés) pourraient avoir accès à l’éducation et les ambitieux objectifs d’éducation inclusive contenus dans le cinquième Plan de développement du secteur éducatif pourraient être atteints (EFA GMR 2013-2014).Les gouvernements perdent également de l’argent lorsqu’ils vendent des concessions de ressources naturelles en dessous de leur valeur réelle. Au Pérou, les pertes dues à la non-perception de redevances minières entre 1994 et 2006 auraient pu financer quatre années d’école pour 500. 000 enfants non scolarisés (GCE Global, 2016).

Les efforts visant à renforcer les systèmes d’impôt progressif et lutter contre l’évasion fiscale peuvent permettre de récolter des sommes énormes : 139 milliards de dollars par an si l’on convainc les ministères des Finances et les autorités du fisc à mettre fin aux incitations fiscales dommageables et 100 à 200 milliards de dollars par an si des mesures efficaces sont prises pour mettre fin à l’évasion fiscale agressive dans les pays en développement (Action Aid, à paraître en 2016). Si 6 % de ces fonds étaient investis dans l’éducation, des résultats exceptionnels pourraient être obtenus dans l’éducation inclusive.

5.2. Une utilisation plus rationnelle des ressources existantes et des investissements judicieux

Une éducation inclusive de qualité est le résultat non seulement d’un financement suffisant, mais aussi d’une utilisation stratégique des ressources existantes, d’une législation inclusive, de politiques et de programmes de réforme systémique, de partenariats efficaces, d’un leadership fort et de la mise en place de priorités efficaces. La qualité est

non seulement tributaire d’une gestion efficace des facteurs liés à l’offre tels que la formation des enseignants, la disponibilité du personnel (assistants pédagogiques, travailleurs sociaux, thérapeutes, agents de RBC), mais aussi de la qualité des programmes, des manuels et du soutien parental (Commonwealth Education

215. L’AvENIR DU FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION INCLUSIvE

Hub, 2015). Pour les ressources existantes, une budgétisation inclusive, équitable et adaptée aux besoins des personnes handicapées est nécessaire afin de donner à tous les mêmes opportunités en matière d’éducation ; en outre, des approches par étapes peuvent être plus efficaces que les efforts visant à réformer tous les niveaux du système éducatif en même temps (Fonds Malala, 2015). Des investissements contre-cycliques et expansionnistes pourraient avoir un rôle à jouer, en veillant à ce que les budgets de l’éducation ne soient pas affectés par des mesures d’austérité

et en s’assurant que les ministères des Finances prennent en compte les rendements à long terme dans les dépenses prévisionnelles à moyen terme (GCE mondial, 2016).

La révision des priorités budgétaires peut permettre aux gouvernements de poursuivre les objectifs de l’éducation inclusive sans qu’il n’y ait d’importants coûts additionnels. Par exemple, les révisions déjà planifiées et budgétisées pour la formation des enseignants pourraient être utilisées pour renforcer le contenu relatif aux

Les besoins spécifiques et systémiques des personnes handicapées doivent être pris en compte dans la budgétisation.

22 COSTING EQUIT Y

pédagogies et approches inclusives, sans coûts supplémentaires. Lorsque les budgets sont limités, un enseignant qualifié, efficace et bien rémunéré travaillant dans un environnement favorable à l’inclusion scolaire dans lequel il bénéficie du soutien des dirigeants et de la communauté peut avoir plus d’impact sur la qualité et l’équité que toute autre intervention (qui coûterait sans doute plus cher). Un leadership fort pour l’éducation des personnes handicapées et une volonté politique clairement affichée peuvent également jouer un rôle important dans la lutte contre la stigmatisation et les barrières psychologiques à l’inclusion – et le leadership et

la volonté politique ne dépendent pas du budget.Selon la Commission internationale sur le financement des opportunités éducatives mondiales (2016), les effets conjugués de l’amélioration des méthodes d’enseignement, de la fourniture de matériel didactique et du soutien scolaire pour les élèves en difficulté peuvent améliorer les résultats d’apprentissage de 25 à 53 %. Les investissements intelligents identifiés pour améliorer la qualité de l’éducation et les résultats d’apprentissage sont les mêmes investissements qui peuvent améliorer l’inclusion des personnes handicapées dans le système éducatif.

5.3. Le financement extérieurLe déclin de l’aide doit être inversé et la plupart des ressources doivent aller aux pays qui en ont le plus besoin et à ceux qui sont en situation d’urgence.

Le total de l’aide publique au développement (APD) pour l’éducation doit augmenter en moyenne de 11 % par an d’ici à 2030 et passer de 16 à 89 milliards de dollars (Commission Éducation, 2016). La Commission demande aux donateurs d’accroître considérablement les investissements dans le secteur de l’éducation ; il faudra également augmenter la part du PIB alloué à l’aide publique au développement qui est actuellement de 10 % (pour qu’elle atteigne 15 %) et veiller à ce que l’éducation reçoive 4 à 6 % du total de l’aide humanitaire. Cela devra s’accompagner d’une amélioration générale de l’efficacité de l’aide (Education 2030, 2015).

Le Programme d’action d’Addis-Abeba (2015) fournit un cadre global pour le financement des ODD. Il reconnaît l’importance d’offrir une éducation de qualité aux enfants handicapés dans des « environnements d’apprentissage inclusifs et efficaces pour tous » (ibid., paragr.78) et s’engage

à renforcer les investissements et la coopération internationale, à renforcer le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), à augmenter le nombre d’enseignants qualifiés et à améliorer les structures d’éducation inclusive. Il rappelle aussi que les investissements internationaux peuvent améliorer la perception des impôts et créer des environnements favorables (paragr.54).

Des mécanismes de cofinancement et de financement mixte pourraient aider à débloquer des ressources supplémentaires, mais d’autres recherches sont nécessaires sur l’impact des partenariats public-privé en matière d’inclusion scolaire. Dans les pays qui consacrent une part importante de leur budget au remboursement de la dette, son allégement pourrait permettre une hausse des dépenses dans le secteur de l’éducation et dans d’autres secteurs sociaux (GCE Global, 2016). Il faudrait renforcer l’harmonisation et la coordination afin d’améliorer l’efficacité de l’aide : les fonds et l’assistance technique doivent être associés à des plans nationaux qui privilégient spécifiquement l’éducation des personnes handicapées et adoptent la double approche.

235. L’AvENIR DU FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION INCLUSIvE

5.4. De nouvelles sources et un financement innovant

Le rôle des acteurs non étatiques dans l’éducation reste controversé. Néanmoins, des financements innovants et de nouveaux partenariats sont nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux des ODD. En 2012, l’aide privée au développement en provenance des pays de l’OCDE, y compris les subventions des organisations caritatives, religieuses et privées, a atteint un montant total de 30 milliards de dollars, soit environ 25 % du montant net de l’aide publique au développement. L’aide privée au développement connaît une croissance plus rapide que l’aide publique au développement, avec une augmentation de 51 % entre 2006 et 2011 (Brookings, 2015a), mais l’éducation ne fait pas partie des secteurs prioritaires. Des fondations et d’autres donateurs dans les économies émergentes pourraient s’intéresser davantage au secteur éducatif. Une étude sur les donateurs arabes « a constaté que les traditions culturelles et religieuses sont une base solide pour un engagement plus fort à l’avenir, car les préceptes islamiques encouragent les dons pour l’éducation » (Brookings, 2015a).Avec des conseils appropriés sur les approches d’investissement dans l’éducation inclusive et le respect des droits de l’homme, les organisations caritatives et le secteur privé pourraient jouer un rôle de catalyseur dans l’éducation inclusive en ciblant les personnes les plus marginalisées et en mobilisant des ressources et de l’expertise dans des domaines clés.

Les obligations à impact social

Les obligations à impact social (OIS) pourraient permettre la collecte de fonds privés au profit de services publics comme l’éducation. Tout comme pour les financements axés sur les résultats (FAR), le paiement des prestataires de services travaillant dans le cadre des OIS dépend de leur réussite.

Cependant, les OIS diffèrent des FAR puisque les investisseurs investissent en amont dans un fonds d’obligations. Les investisseurs recouvrent leur argent avec des intérêts si le prestataire de services atteint les résultats attendus. Lorsque ces résultats sont atteints, les donateurs ou le gouvernement remboursent le coût de l’initiative. Si le résultat de l’investissement est négatif, ce sont les investisseurs qui assument le coût. Ce modèle peut inciter les donateurs à investir dans le développement social, car ils ne paieraient que pour des services ayant un vrai impact.

Les OIS peuvent aider à combler les déficits de financement là où les ressources nationales sont insuffisantes et là où il a été démontré que les investissements sociaux sont économiquement rentables à long terme. Les OIS mettraient l’accent sur les actions de renforcement des capacités des enseignants, des professionnels de la santé, des acteurs de l’éducation de la petite enfance et des agents de RBC plutôt que sur les infrastructures, domaine traditionnel des partenariats public-privé (Brookings, 2015b).Toutefois, les preuves de l’efficacité des OIS sont encore récentes et proviennent principalement des pays développés. En outre, étant donné que les OIS requièrent de la part des investisseurs la capacité de fonder leurs décisions d’investissement sur des faits tirés d’approches probantes, il faudrait améliorer la qualité et la quantité des recherches sur les approches et les effets de l’éducation inclusive et en distribuer les résultats afin d’attirer des investissements à impact social.

Les taxes affectées

Les taxes affectées canalisent des recettes fiscales définies vers un secteur donné (l’éducation par exemple) ; elles sont utilisées

24 COSTING EQUIT Y

comme source de financement exclusive ou associées à d’autres sources de financement pour la mise en œuvre de programmes. Elles peuvent être inscrites dans une loi ou une politique (Action Aid, 2016). Au Ghana, le Fonds d’affectation spéciale pour l’éducation est financé à 2,5 % par la TvA, tandis que le Fonds d’affectation spéciale pour l’enseignement

supérieur au Nigeria est financé à 2 % par les bénéfices imposables des sociétés (Action Aid, 2016). Toute nouvelle taxe affectée générant des recettes en plus des allocations budgétaires existantes pourrait stimuler ponctuellement le financement des changements systémiques ou du soutien individuel à apporter dans le cadre de l’éducation inclusive.

5.5. Des mesures pour améliorer la gouvernance, la transparence et la redevabilité

L’amélioration de la transparence et de la redevabilité peut donner des résultats positifs inattendus. Une meilleure transparence budgétaire peut conduire à un accroissement des

niveaux de dépenses. Les pays qui ont amélioré leur transparence budgétaire au cours de la dernière décennie des Objectifs du Millénaire pour le Développement ont augmenté plus

Renforcer le personnel pour une éducation inclusive de qualité

255. L’AvENIR DU FINANCEMENT DE L’ÉDUCATION INCLUSIvE

rapidement leurs dépenses et ont réalisé des progrès plus importants que les autres pays (Development Finance International, 2015b).

Les organisations de la société civile (OSC) ont joué un rôle clé dans l’amélioration de la redevabilité et la transparence dans les processus budgétaires du secteur de l’éducation ; on peut citer par exemple le suivi citoyen participatif de la COSYDEP au Sénégal (GCE Global, 2014) et NEP Cambodge qui est membre du Groupe de travail sur le secteur de l’éducation nationale (voir le rapport intégral #CostingEquity pour plus d’informations). Les OSC pourraient s’en inspirer pour plaider en faveur d’une plus grande allocation de ressources à l’éducation inclusive.

Le suivi du secteur de l’éducation peut accroître considérablement les fonds reçus par les établissements scolaires (Cadre d’action Éducation 2030, paragr. 108), mais il doit y avoir une redevabilité mutuelle, de la transparence et les ressources doivent être allouées aux plus vulnérables, notamment les enfants handicapés et les pays les moins avancés. Les OPH et les organisations intervenant dans le secteur de l’éducation inclusive doivent être pleinement engagées et bien représentées dans ces procédures. Elles doivent également être suffisamment qualifiées et se départir de l’engagement purement symbolique qui caractérise certains groupes locaux de l’éducation au niveau des pays.

L’ODD 4 engage les gouvernements à mesurer les disparités entre les groupes sur la base du handicap et d’autres marqueurs d’équité ; par conséquent, on devrait observer davantage d’investissements dans des outils de planification inclusive et de collecte de données ventilées. Des progrès plus rapides pourraient être réalisés en matière de transparence et de responsabilisation à peu de frais si les gouvernements partageaient publiquement

des documents et des données dans lesquels les dépenses sont ventilées par sexe, région et groupe de bénéficiaires. Ceci est particulièrement important pour vérifier l’équité dans l’allocation des ressources pour les apprenants handicapés.

Il serait utile d’analyser chaque année, de façon détaillée, les publications relatives aux recettes fiscales (par type d’impôt, par secteur, par taille d’entreprise), les pertes de revenus (exonérations et incitations) et d’analyser également les politiques fiscales et publiques pour déterminer si elles luttent contre les inégalités. Les donateurs extérieurs doivent également améliorer et publier leurs données sur l’aide, en les ventilant par secteur, sous-secteur, sexe, handicap et selon d’autres indicateurs d’équité.

Un nouveau projet pour le développement de Comptes nationaux de l’éducation dans huit pays pourrait nous aider à mieux comprendre comment l’éducation est financée (donateurs publics, privés et externes). Une méthodologie comparative au niveau mondial est en cours d’élaboration ; elle permet la compilation d’informations pour identifier les lacunes, les chevauchements et les détournements de fonds.

En cas de succès, les Comptes nationaux de l’éducation permettront de planifier et mettre en œuvre des systèmes éducatifs plus performants et plus inclusifs. Le manque de données sur les dépenses peut ne pas être dû à un manque de volonté politique, mais à un manque de capacités techniques et à l’absence d’exigences de redevabilité la part des parlementaires et de la société civile. La sensibilisation et le renforcement des connaissances techniques, en particulier au sein des OPH, ainsi qu’un plaidoyer pour des données de meilleure qualité sont donc essentiels pour une meilleure redevabilité en matière d’équité dans le financement de l’éducation.

26 COSTING EQUIT Y

6. Conclusions et recommandations

ConclusionMalgré un intérêt et des efforts croissants, il y a un manque de ressources techniques et financières pour atteindre les objectifs d’éducation inclusive de qualité énoncés dans les ODD. Des approches inclusives plus équitables sont nécessaires pour l’allocation et la budgétisation des ressources. Il faut notamment des financements innovants et flexibles pour soutenir les apprenants handicapés dans les écoles ordinaires du préscolaire, du primaire et du secondaire, et pour les apprenants ayant des handicaps complexes et nécessitant des méthodes alternatives de scolarisation. L’éducation inclusive ne fonctionnera que si elle est bien soutenue par une forte équité intersectorielle et une coordination au niveau central, régional et local.Plusieurs acteurs ont des rôles importants à jouer. Les gouvernements des pays à faible revenu doivent combler le fossé entre les politiques

d’éducation inclusive et les pratiques, et assurer un financement intérieur adéquat ; cependant, ils ne peuvent y arriver seuls. Les réformes systémiques nécessaires pour améliorer l’équité exigent des ressources, de l’expertise et des interventions stratégiques de diverses parties prenantes.Les efforts nationaux, la coopération internationale et les partenariats public-privé doivent veiller à ce que les coûts associés à l’inclusion des élèves handicapés, y compris les plus marginalisés, soient prévus dans les budgets de l’éducation. Les ONG/OPH/OSC ont besoin de financements et d’opportunités d’offrir leur expertise technique aux ministères ainsi que de ressources pour la promotion et le suivi budgétaire de l’éducation inclusive. Une meilleure coordination est nécessaire aux niveaux national et mondial, tout comme une coopération plus étroite quant à la mise en œuvre, le suivi et la redevabilité.

RecommandationsNous appelons tous les acteurs à donner suite aux recommandations suivantes :

Les éléments probants et les données

• Toutes les parties prenantes devraient collaborer et utiliser le Groupe de Washington/le module de l’UNICEF sur la petite enfance pour renforcer les enquêtes nationales, les recensements et les données du Système d’information de gestion de l’éducation (SIGE) afin assurer la disponibilité

de données ventilées sur le handicap et la collecte d’informations sur les obstacles environnementaux à l’éducation.

• Des données précises sur les enfants handicapés, ventilées par sexe, âge et type de handicap, ainsi que des données concernant l’accessibilité des écoles et la formation des enseignants, sont nécessaires pour assurer la disponibilité de ressources adéquates à tous les niveaux du secteur éducatif.

• Investir dans la création d’une base d’approches

276. CONCLUSIONS E T RECOMMANDATIONS

efficaces et éprouvées qui améliorent la réussite scolaire des apprenants handicapés et la qualité de l’éducation inclusive par le biais d’évaluations rigoureuses. Ces approches contribueraient à définir de nouvelles normes et des objectifs communs pour l’éducation inclusive, en s’appuyant sur l’Observation générale sur l’article 24 de la CDPH.

• Les donateurs devraient adopter des indicateurs pour les programmes relatifs aux personnes handicapées, y compris le sexe, la zone géographique et l’âge, ainsi que des indicateurs d’accessibilité physique.

• Les donateurs et les gouvernements devraient être tenus de produire et examiner régulièrement des données ventilées par niveaux d’éducation, handicap et selon d’autres indicateurs d’équité, et de vérifier si les dépenses respectent les prescriptions de la CDPH.

• L’Approche systémique pour de meilleurs résultats en matière d’enseignement de la Banque mondiale et la « Research on Improving Systems of Education » (RISE) du DFID doivent recueillir et analyser des données dans les pays afin de déterminer le niveau d’inclusion de leur système éducatif.

Tous les enfants ont le droit de recevoir une éducation de qualité

Tous les enfants ont le droit de recevoir une éducation de qualité

28 COSTING EQUIT Y

Le financement intérieur

• Les gouvernements devraient financer une double approche de l’éducation inclusive (des changements systémiques en même temps que des initiatives spécifiques pour soutenir les besoins des élèves en situation de handicap), avec le soutien de tous les donateurs.

• Les gouvernements devraient considérer comme une priorité l’atteinte des objectifs du financement de l’éducation convenus au niveau international : 4 à 6 % du PIB et/ou 15 à 20 % des dépenses publiques. Toutefois, les pays les moins avancés doivent atteindre ou dépasser les limites supérieures fixées afin de satisfaire aux besoins d’accessibilité des personnes handicapées et lutter contre les circonstances qui aggravent les inégalités et les vulnérabilités.

• Les gouvernements devraient élargir les sources de financement nationales à travers des impositions progressives, des investissements anticycliques et la lutte contre l’évasion fiscale.

• Les gouvernements devraient adopter des processus budgétaires adaptés au handicap et s’en servir pour une utilisation plus stratégique des ressources existantes ; ils devraient aussi élaborer des modes de financement qui tiennent compte des surcoûts liés à l’inclusion des apprenants ayant des besoins spécifiques.

Le financement extérieur

• Tous les donateurs devraient inscrire l’inversion de la baisse de l’aide à l’éducation dans leurs priorités.

• Les donateurs devraient intégrer la prise en compte du handicap comme critère de base dans le financement du secteur éducatif, dans leurs relations aussi bien avec les gouvernements partenaires (comme le fait l’UNICEF) qu’avec les partenaires de mise en œuvre (consultants, ONG, etc.). Cela devrait se traduire par des politiques et stratégies sur le handicap et l’inclusion que tous les membres du personnel des donateurs utiliseront comme lignes directrices.

• Les donateurs devraient veiller à ce que le financement de l’éducation soit en harmonie avec les plans nationaux sur l’éducation inclusive.

• Les donateurs devraient examiner toutes les politiques fiscales et commerciales afin d’évaluer leur impact sur les pays en développement, procéder à des révisions là où des risques existent et soutenir la création d’un organisme fiscal international ayant une affiliation universelle.

• Le PME devrait mettre en place de nouvelles opportunités de financement ou une nouvelle initiative en faveur de l’éducation inclusive, avec un accent explicite sur la double approche afin de catalyser des financements supplémentaires et faire en sorte que les financements des donateurs soient mieux ciblés et soutiennent des composantes clés des plans sectoriels de l’éducation. Cette opportunité qu’offre le PME pourrait susciter l’engagement du secteur privé, des organisations caritatives et d’autres donateurs, permettant ainsi de nouveaux partenariats et de la flexibilité dans l’allocation des ressources. Les subventions innovantes et la production de données à grande échelle devraient devenir une priorité. Les ONGI et les OPH pourraient être une force motrice de l’initiative et participer à la conception, la supervision, la mise en œuvre et la gestion. Pour ce faire, le Secrétariat du PME devra être renforcé.

• Il faudra investir dans la production de données probantes sur les financements alternatifs par l’aide privée au développement, les obligations à impact social (OIS), les taxes affectées et les Comptes nationaux de l’éducation.

La redevabilité

• Des mécanismes de transparence et de redevabilité doivent être mis en place et des données budgétaires améliorées doivent être collectées et partagées. Les OSC/OPH et les associations de parents d’élèves devraient être soutenues pour leur permettre de participer aux procédures et au suivi budgétaires.

296. CONCLUSIONS E T RECOMMANDATIONS

• Les prochains examens des actions relatives au handicap dans le cadre du PME devraient être utilisés pour faciliter la révision des plans des pays et des partenaires afin de mettre davantage l’accent sur la question du handicap dans l’éducation le cas échéant. Un groupe de travail intégrant des organisations de la société civile (l’IDDC, l’UNICEF et la Campagne mondiale pour l’éducation) devrait apporter son soutien à ces examens.

L’accessibilité/ les aménagements raisonnables

Pour les donateurs et les gouvernements, il existe différents moyens pour une meilleure définition des besoins et une planification/budgétisation plus appropriée :• Les donateurs et les gouvernements doivent

adopter des normes minimales pour l’accessibilité visuelle, linguistique et physique dans le secteur de l’éducation ; ces normes pourraient être similaires aux Lignes directrices d’accessibilité des contenus du Web 2.0.

• La nouvelle liste des appareils fonctionnels de l’OMS comprend 12 solutions technologiques qui pourraient aider les enfants handicapés à accéder à l’éducation et pourrait être un point de départ pour la planification et la budgétisation.

Le renforcement des capacités

• Les équipes techniques au sein des ministères de l’Éducation doivent être suffisamment qualifiées pour définir, gérer/répartir et surveiller les budgets de manière à garantir l’équité.

• Les donateurs, les gouvernements et les ONG / OSC / OPH doivent être mieux sensibilisés et outillés pour la collecte de données appropriées et ventilées.

• Les exigences budgétaires essentielles sont entre autres des mesures pour le renforcement des capacités du personnel enseignant grâce à des réformes de leurs formations initiale et continue,

un soutien permanent et un perfectionnement professionnel, ainsi que le renforcement des effectifs avec des assistants pédagogiques, des thérapeutes, des travailleurs sociaux, etc.

• La collaboration est essentielle pour en apprendre davantage sur l’éducation inclusive, de sorte que tous les intervenants doivent participer activement à des partenariats pour le partage de l’information, le renforcement des capacités et la mise à disposition de ressources adéquates.

Les situations d’urgence

• Les budgets humanitaires, les plans d’intervention, les mécanismes de secours et l’évaluation des besoins doivent être renforcés et doivent prévoir des mesures d’inclusion scolaire.

• Le nouveau fonds « Education Cannot Wait » lancé lors du Sommet humanitaire mondial de mai 2016 a attiré des investissements initiaux d’un montant de 42 millions de dollars pour le Yémen, le Tchad et la Syrie. Les principaux contributeurs (États-Unis, Royaume-Uni, Norvège et Union européenne) doivent poursuivre leur soutien à l’éducation des personnes handicapées dans le cadre de ce fonds.

Les fondations philanthropiques et le secteur privé

• Ces organismes doivent s’impliquer dans les efforts de promotion à l’échelle mondiale et dans la recherche en vue d’influencer les gouvernements et les principaux acteurs bilatéraux et multilatéraux.

• Ils devraient s’engager et financer des approches novatrices d’éducation inclusive en harmonie avec les plans sectoriels nationaux, qui auront vocation à être élargis.

30 COSTING EQUIT Y

1 Ces pays sont : l’Angola, le Bangladesh, le Bénin,

le Bhoutan, la Bolivie, le Cap-vert, la Colombie, El

Salvador, les Îles Fidji, le Ghana, le Honduras, l’Inde, le

Kosovo, le Libéria, le Malawi, le Mozambique, le Népal,

le Nicaragua, le Pakistan, le Pérou, le Rwanda, São Tomé

et Príncipe, le Sri Lanka, les Îles Salomon, la Tanzanie,

le Timor Leste, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe

(Development Finance International, 2016).

2 En Afrique subsaharienne, en Asie et en Amérique

latine, les recettes fiscales représentent près de 80 % du

total des revenus. Les recettes non fiscales comprennent

l’aide, les revenus provenant de l’extraction des

ressources naturelles et les frais administratifs (Action

Aid, 2009).

3 L’Approche systémique pour de meilleurs résultats en

matière d’enseignement (SABER) permet l’identification

de meilleures pratiques éprouvées pour les réformes

systémiques. Le SABER évalue la qualité des différents

systèmes et politiques des pays en utilisant diverses

méthodes de collecte de données (analyse des

politiques, opinions d’experts, etc.) pour examiner les

progrès réalisés dans des domaines tels que la dotation

en personnel enseignant, le leadership, les ressources

financières, l’équité et l’inclusion.

Notes

31NOTES

L’IDDC (International Disability and Development Consortium) est un consortium mondial d’ONG intervenant dans les domaines du handicap et du développement, d’ONG de développement traditionnelles et d’organisations de personnes handicapées qui soutiennent des actions de développement dans plus de 100 pays à travers le monde.

Le but de l’IDDC est de promouvoir un développement inclusif à l’échelle internationale.Le développement inclusif signifie le respect des droits humains de chaque personne, la reconnaissance de la diversité, l’éradication de la pauvreté et la pleine inclusion de toutes les personnes afin qu’elles participent activement aux processus et activités de développement indépendamment de l’âge, du sexe, du handicap, de l’état de santé, de l’origine ethnique ou de toute autre caractéristique.

Pour une liste complète des références citées dans le présent rapport de synthèse, veuillez visiter notre page web : www.iddcconsortium.net/resources-tools/costing-equity

Publications

Responsable du contenu : © IDDC Inclusive Education Task Team, 2016

International Disability and Development Consortium (IDDC) Rue de l’Industrie 10 B-1000 Bruxelles Belgique www.iddcconsortium.net

Crédits photos : LIGHT FOR THE WORLD, Alexandra Pawloff/Roeland Hoekstra, Sightsavers International, Peter Caton/Peter Nicholls Graphisme : Barbara Weingartshofer, www.nau-design.at

Tous les contenus et les données datent de septembre 2016.