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RAPPORT ANNUEL 2014 Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation

Cour de cassation Rapport 2014 · Deuxième chambre civile : – Mme Laurence Flise, président de chambre ... aurait pour effet d’améliorer les services rendus par notre Cour

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  • RAPPORT ANNUEL 2014

    Le tempsdans la jurisprudencede la Cour de cassation

  • Ayant constat que des tudes ou des commentaires darrts avaient t reproduits sans autorisation, la Cour de cassation entend rappeler ce qui suit :

    Avertissement

    CODE DE LORGANISATION JUDICIAIRE

    Article R. 431-9 (dcret n 2008-522 du 2 juin 2008) : Il est fait rapport annuellement au prsident de la Rpublique et au garde des sceaux, ministre de la justice, de la marche des procdures et de leurs dlais dexcution.Article R. 431-10 (dcret n 2008-522 du 2 juin 2008) : Le premier prsident et le procureur gnral peuvent appeler lattention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour loccasion de lexamen des pourvois et lui faire part des amliorations qui leur paraissent de nature remdier aux difficults constates.

    En application du code de la proprit intellectuelle, toute reproduction ou reprsentation, intgrale ou partielle de la prsente publication, faite par quelque procd que ce soit (reprographie, microfilmage, scannrisation, numrisation), sans le consentement de lditeur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

    Il est galement prcis que lusage abusif et collectif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre.

    Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2015Direction artistique pour la couverture et les pages 1 et 2 : BGC Toscane et Service de communication de la Cour de cassationISBN : 978-2-11-009978-5ISSN : 0984-5925

  • 3

    COMPOSITION DE LA COMMISSION DU RAPPORT ETDESTUDES DE LA COUR DE CASSATION

    Prsidence :

    M. Bertrand Louvel, premier prsident de la Cour de cassation

    M. Jean-Claude Marin, procureur gnral prs la Cour de cassation

    Premire chambre civile :

    Mme Anne-Marie Batut, prsident de chambre

    M. Lonard Bernard de la Gatinais, premier avocat gnral

    M. Philippe Ingall-Montagnier, premier avocat gnral

    Deuxime chambre civile :

    Mme Laurence Flise, prsident de chambre

    Mme Marie-Thrse Lesueur de Givry, premier avocat gnral

    Troisime chambre civile :

    M. Franck Terrier, prsident de chambre

    M. Yves Charpenel, premier avocat gnral

    Chambre commerciale :

    Mme Agns Mouillard, prsident de chambre

    M. Laurent Le Mesle, premier avocat gnral

    Chambre sociale :

    M. Jean-Yves Frouin, prsident de chambre

    M. Robert Finielz, premier avocat gnral

    Chambre criminelle :

    M. Didier Gurin, prsident de chambre

    M. Didier Boccon-Gibod, premier avocat gnral

    Service de documentation, des tudes et du rapport :

    M. Jean-Paul Jean, prsident de chambre

    Secrtariat gnral :

    Mme Marie-Pierre Lanoue, auditeur

    Ayant constat que des tudes ou des commentaires darrts avaient t reproduits sans autorisation, la Cour de cassation entend rappeler ce qui suit :

    Avertissement

    CODE DE LORGANISATION JUDICIAIRE

    Article R. 431-9 (dcret n 2008-522 du 2 juin 2008) : Il est fait rapport annuellement au prsident de la Rpublique et au garde des sceaux, ministre de la justice, de la marche des procdures et de leurs dlais dexcution.Article R. 431-10 (dcret n 2008-522 du 2 juin 2008) : Le premier prsident et le procureur gnral peuvent appeler lattention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour loccasion de lexamen des pourvois et lui faire part des amliorations qui leur paraissent de nature remdier aux difficults constates.

    En application du code de la proprit intellectuelle, toute reproduction ou reprsentation, intgrale ou partielle de la prsente publication, faite par quelque procd que ce soit (reprographie, microfilmage, scannrisation, numrisation), sans le consentement de lditeur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du code de la proprit intellectuelle.

    Il est galement prcis que lusage abusif et collectif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre.

    Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2015Direction artistique pour la couverture et les pages 1 et 2 : BGC Toscane et Service de communication de la Cour de cassationISBN : 978-2-11-009978-5ISSN : 0984-5925

  • Avertissement: sauf indication contraire, les passages souligns lont t par lauteur de la citation.

  • 5

    SOMMAIRE

    COMPOSITION DE LA COMMISSION DU RAPPORT ETDESTUDES DE LA COUR DE CASSATION ................................................................................................................. 3

    LIVRE 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 7

    LIVRE 2SUGGESTIONS DEMODIFICATIONS LGISLATIVES OU RGLEMENTAIRES ...................... 23

    LIVRE 3TUDE ............................................................................................................................................................ 97

    AVANT-PROPOS, par Mme Ccile Chainais ........................................................................................ 99

    LE TEMPS ..................................................................................................................................................... 125

    LIVRE 4JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 411

    LIVRE 5ACTIVIT DELA COUR ............................................................................................................................. 559

    LISTE DES ABRVIATIONS ..................................................................................................................... 671

    TABLE DES MATIRES ............................................................................................................................. 675

  • LIVRE 1

    DISCOURS

  • / Discours du premier prsident

    9

    DISCOURS PRONONC lors de laudience solennelle dedbutdanne judiciaire, le 12janvier 2015, par :

    Monsieur Bertrand Louvel, premier prsident de la Cour de cassation

    Monsieur le Premier ministre,Madame la vice-prsidente de lAssemble nationale,Madame la garde des sceaux,Mesdames, Messieurs,

    Lactualit tragique que traverse notre pays modifie sensiblement lapproche de notre audience de rentre consacre traditionnellement lexamen de lactivit de la Cour et aux perspectives qui souvrent elle.

    Ce qui sest pass, et lincidence particulire que cela comporte pour lautorit judi-ciaire en tant que gardienne des liberts, au premier rang desquelles la scurit des personnes, la libert dexpression et la libert confessionnelle, occupe profondment et occupera durablement nos esprits.

    La libert pour chacun de vivre ses convictions et de les exprimer na cess de grandir et de saffirmer dans notre pays, comme dans toutes les dmocraties, comme le critre sr des progrs des droits de lhomme dans leur ensemble. Cest pourquoi la sauvagerie des crimes des 7, 8 et 9janvier, qui ont rvl notre pays la gravit de la menace terroriste, heurte lextrme notre tat de droit, dont la dfense doit tant, la dmonstration en a t faite, au courage, au professionnalisme et lesprit de sacri-fice de nos forces de scurit.

    Dans ces circonstances, la Cour de cassation, associe de tout cur la douleur des proches des victimes par le profond mouvement de solidarit humaine et de proximit nationale et internationale que ces vnements ont suscit, tient aussi, en tant que juri-diction suprme de lordre judiciaire, manifester sa prsence aux cts des autres ins-titutions de la Rpublique pour la sauvegarde de ltat de droit.

    Il ne sagit pas l dune vaine affirmation. En effet, ceci fait cho tragiquement la dcision adopte en novembre dernier Dakar par le bureau de lAssociation des Hautes juridictions de cassation francophones. Celui-ci a dcid, la demande de la Cour de cassation franaise prsente en liaison avec les Nations unies, dont je salue la prsence cette audience du directeur excutif du Comit contre le terrorisme, MonsieurJean-Paul Laborde, de mettre en place un programme de rapprochement des jurisprudences des Cours suprmes francophones en matire de lutte contre le ter-rorisme, car laction de la justice en ce domaine, comme celle de toutes les autres ins-titutions au service de lhumanit, ne peut tre quinternationale.

    De la sorte, les Cours suprmes de la Francophonie sont appeles dvelopper leur coopration en vue de dgager des standards communs tout la fois pour la rpression mais aussi pour la sauvegarde des droits de lhomme dans la lutte contre le terrorisme.

  • LIVRE 1 / Discours

    10

    Puisse cette initiative trouver son prolongement travers dautres rseaux judiciaires, en particulier en Europe.

    Et quil me soit permis de saluer spcialement la prsence cette audience des nombreux reprsentants des Cours suprmes de la Francophonie et de lEurope, qui nous font lamiti dtre nos cts dans ces circonstances o nous y sommes parti-culirement sensibles.

    On le voit, lautorit judiciaire franaise nest pas inactive sur un sujet aussi essen-tiel lvolution du monde.

    Monsieur le procureur gnral, vous avez la parole.

    []

    Mesdames et Messieurs,

    Je voudrais vous parler de la Cour de cassation en particulier, mais aussi plus gn-ralement de lautorit judiciaire dans son ensemble.

    Les changements du monde npargnent pas la justice. La complexit et linter-nationalisation croissantes du droit comme des contentieux invitent la Cour de cassa-tion sinterroger sur la place quelle occupe dans le paysage juridictionnel et sur les mthodes dexamen des pourvois quelle pratique. Vous lavez indiqu, Monsieur le procureur gnral, des groupes de travail spcialement ddis ont t constitus afin de rflchir en complte libert et transparence aux adaptations rendues ncessaires par ces changements.

    Certaines sont directement notre porte. Il en va ainsi des liens que la Cour sou-haite tablir ou renforcer avec des institutions dont le rle est indissociable du sien, quil sagisse dinstances nationales comme le Conseil dtat ou le Conseil constitu-tionnel, ou internationales comme la Cour de Strasbourg et celle de Luxembourg, ou encore des Cours suprmes trangres appeles mettre en uvre des textes dinspi-ration commune.

    Je suis trs heureux de saluer la prsence solidaire et encourageante de leurs repr-sentants cette audience.

    Ces rapprochements devraient permettre de dvelopper le champ des lments dap-prciation dont notre Cour se nourrit pour traiter les procdures qui lui sont soumises.

    En ce qui concerne le droit europen en particulier, elle devrait y parvenir en contri-buant plus efficacement donner son plein effet au principe de subsidiarit qui assure aux justiciables le bnfice immdiat des liberts consacres par les textes internationaux.

    Il sagit pour la Cour de cassation, dans cette perspective, de procder elle-mme, avec un degr de motivation adapt, aux pleins contrles quimplique lapplication de la Convention europenne des droits de lhomme, sans attendre que la Cour de Strasbourg sy investisse, ds lors que ces contrles incombent en premier lieu aux juridictions nationales. Comment concevoir que lintervention de la Cour suprme de lordre judiciaire dans un procs puisse ne pas tre loccasion dun entier contrle de la bonne application de la Convention europenne des droits de lhomme? Comment concevoir que ce contrle ne puisse tre complet et efficient quune fois le procs sorti de lordre juridique interne?

  • / Discours du premier prsident

    11

    Chacun ressent bien comme une anomalie que des notions, qui sont juridiques parce quissues du droit europen, soient apprhendes ici comme du fait, ou mme comme un mlange de droit et de fait, chappant au contrle interne ultime de la Cour de cassation.

    Au-del de cette approche technique, on se plat relever quune telle volution aurait pour effet damliorer les services rendus par notre Cour au plan national, en vitant au justiciable davoir porter ses griefs au niveau europen.

    Il est dautres thmes o ladaptation de notre Cour aux volutions de la pratique du droit doit aussi se manifester, mais o des volutions lgislatives apparaissent utiles ou mme parfois ncessaires.

    Il en va ainsi pour la rduction du nombre des pourvois qui sont demeurs un niveau trop lev en2014 au regard du taux de cassation (19 % de cassation en faisant la moyenne des matires civile et pnale).

    Nous avons encore reu prs de 30 000 pourvois en2014, soit environ un millier de plus quen2013.

    30 000 pourvois et 19 % de cassation. Plus de 80 % des pourvois vous lchec.

    La premire solution pour rduire le nombre des pourvois sans effet utile serait de rendre obligatoire le ministre davocat aux Conseils en matire pnale comme il lest dj en matire civile. La formation, la comptence, le professionnalisme des avocats aux Conseils les ont rendus insparables de lactivit de la Cour de cassation, de la matrise de son contentieux et de la qualit de sa jurisprudence. Leur intervention obligatoire en matire pnale permettrait la chambre criminelle de mieux se consacrer sa mission essentielle qui est de dire le droit dans le domaine si sensible, ainsi quen tmoignent les circonstances que nous traversons, du droit pnal et de la procdure pnale.

    Agirait dans le mme sens lextension du droit dappel en matire contravention-nelle. Est-il normal que les justiciables des infractions les moins graves soient obligs de saisir directement de leur recours la Cour de cassation elle-mme, et soient ainsi privs de leur juge naturel qui est la cour dappel?

    Enfin, faut-il rappeler lattente trs forte de notre Cour, vous y avez insist, Monsieur le procureur gnral, lgard dune rforme constitutionnelle qui alignerait les condi-tions de nomination des membres de notre parquet gnral sur celles des magistrats du sige, cest--dire par un Conseil suprieur de la magistrature o la varit des com-posantes et des origines neutralise pressions et influences la source mme des choix oprer.

    Ce changement statutaire, inscrit dans le marbre de notre Constitution et simpo-sant ainsi titre dfinitif et non circonstanciel, permettrait de consacrer pleinement la qualit des travaux de nos collgues du parquet gnral et le dveloppement de leur contribution lactivit de la Cour. On ne saurait en effet sinstaller durablement dans une situation o on continuerait de se priver dune partie des potentialits consid-rables offertes par notre parquet gnral.

    Dores et dj, et sans attendre lvolution constitutionnelle tant souhaite, nos col-lgues du parquet gnral offrent toute la ressource dune interface idale et indispen-sable louverture de notre Cour en direction de tous les secteurs de la socit. De la sorte, ils peuvent contribuer de manire essentielle linformation pluridisciplinaire

  • LIVRE 1 / Discours

    12

    des chambres en amont de leurs arrts dont la porte doit tre value dans tous les champs de leurs incidences, juridiques et extra-juridiques, en procdant aux recherches quune Cour suprme de notre sicle doit ncessairement effectuer avant de dire le droit applicable tous dans une socit toujours plus complexe et volutive.

    Ces dveloppements sur le parquet gnral mamnent voquer lautorit judi-ciaire dans son ensemble, en commenant par linstitution qui est sa tte, le Conseil suprieur de la magistrature. Ce Conseil est dans lactualit puisque le mandat de quatre ans de ses membres sachve ce mois-ci et quun nouveau Conseil va entrer en fonction. Quil me soit permis mon tour, en cho aux propos de M.le procureur gnral, dexpri-mer au Conseil suprieur de la magistrature et son secrtariat gnral qui vont cesser leurs fonctions, en ma qualit de prsident de la formation plnire et de la formation du sige du Conseil, la gratitude de linstitution pour lampleur de la tche accomplie.

    Il lui est revenu en particulier de mettre en uvre la rforme ayant permis aux jus-ticiables de se plaindre directement auprs du Conseil du comportement dun magis-trat. Le Conseil a reu prs de 1 300 de ces plaintes en quatre ans. La question qui tait pose par la rforme tait celle du quadrillage, suffisant ou non, de la dontologie des magistrats par les anciennes autorits de saisine du Conseil suprieur de la magistra-ture en matire disciplinaire que sont le ministre et les chefs de cour.

    Or, il savre quaucune des plaintes directes des justiciables na donn lieu sanc-tion disciplinaire par le Conseil suprieur de la magistrature sortant. Le corporatisme nen est pas lexplication comme lide pourrait en venir certains. La loi a prvu cet cueil en effet en disposant que la commission dadmission des requtes est compose de quatre membres, deux magistrats et deux non magistrats, et quen cas de partage gal des voix, le magistrat objet de la plainte est renvoy devant le Conseil suprieur de la magistrature.

    La vritable explication de linsuccs de cette nouvelle formule rside en ralit dans la confusion qui sest installe dans lesprit de nombreux plaignants entre la voie de recours ouverte contre une dcision qui dplat et la plainte contre un magistrat qui manque ses devoirs.

    En dpit de cette mprise, le contrle disciplinaire des magistrats demeure effi-cient et efficace. Jen veux pour preuve les 39dcisions rendues durant sa mandature par le Conseil sortant, ce qui montre que lon est bien loin de limpunit parfois all-gue avec lgret.

    Ce constat nous renvoie la question grave et rcurrente de la mconnaissance de linstitution judiciaire par nos concitoyens. Pour un grand nombre dentre eux, elle reste une administration ministrielle suspecte dinfluence et de partialit. Ceci explique pour une bonne part le climat de critique et de pressions sociales dans lequel les juges sont souvent amens remplir leurs fonctions.

    Le Conseil suprieur de la magistrature sortant a rendu sur ce point un avis majeur en rponse une question que lui a pose la garde des sceaux.

    Ce Conseil a expressment invit les chefs de cour et de juridiction ne pas laisser seuls face la critique publique injustifie des magistrats qui ne sont pas en situation de se dfendre, et il a prcis que laptitude exercer cette dfense serait un critre du choix des premiers responsables des cours et tribunaux.

  • / Discours du premier prsident

    13

    Ceci me conduit voquer plus gnralement le rle des chefs de cour dans la dfense de linstitution judiciaire et de son image afin quelles ne souffrent pas de mises en cause sans fondement.

    Les chefs de cour sont aujourdhui confronts la difficult de grer une double crise, matrielle et morale.

    Les difficults conomiques que notre pays traverse ont provoqu dans les juridic-tions une pnurie en personnels et en moyens matriels telle quelles sont aujourdhui exposes de manire indite la ncessit dtablir des priorits dans le traitement des contentieux. Les premiers prsidents des cours dappel runis le 16dcembre dernier ont dnonc cette situation dans une dlibration on ne peut plus proccupante. Je tiens donner cho ici ses termes les plus marquants :

    La confrence des premiers prsidents appelle lattention des autorits de ltat sur la situation critique des juridictions de premire instance et dappel, qui ne sont plus en mesure de faire face dans des conditions satisfaisantes au traitement des conten-tieux qui leur sont soumis

    Les priorits de traitement mises en uvre par les chefs de cour et de juridiction, aussi ncessaires soient-elles, conduisent ce que nombre de contentieux ne sont plus traits dans des dlais raisonnables.

    Au-del de ses aspects institutionnels et de la question de lautonomie budgtaire de linstitution judiciaire quelle pose nouveau, une telle situation ne peut quaggra-ver la crise morale quprouve la magistrature.

    Cette crise morale tient essentiellement ce que la justice est appele intervenir laboutissement de tous les checs sociaux dont elle se trouve ainsi souvent dsigne comme le responsable inapte y porter remde, et ceci dans un contexte damplifica-tion mdiatique et de communication sociale sans prcdent.

    La question du dveloppement de la dlinquance de violences, en particulier chez des mineurs de plus en plus jeunes, est cet gard symptomatique. Pour beaucoup, le laxisme de la justice expliquerait la drive de cette dlinquance. Mais, pourquoi la jus-tice, qui remplit des prisons dj surpeuples, devrait-elle rpondre de la dilution de linstitution familiale et de lencadrement dune jeunesse confronte par ailleurs un taux dinactivit sans prcdent?

    Tous les sociologues srieux conviennent de leffet dterminant sur la dlinquance de ces dsordres communs aux socits modernes et il est illusoire dimaginer que la justice puisse y remdier sans un accompagnement de toutes les structures sociales et de tous les acteurs de la vie quotidienne, commencer par la cellule familiale, ce qui inter-pelle directement nos concitoyens eux-mmes et pas seulement les responsables publics.

    Mais les ides sommaires ne peuvent qutre encourages par les discours qui pr-sentent la justice comme le maillon ultime de la chane pnale, et partant comme son maillon faible, entretenant ainsi le sentiment dun laxisme judiciaire dans lopinion publique.

    Le juge na pas tre un maillon fort ou faible. Il agit dans le respect des rgles qui gouvernent sa mission. Plac la rencontre dintrts contraires entre lesquels il doit arbitrer, il lui revient de dire le droit, avec pour seul guide la dfense des liberts, dont

  • LIVRE 1 / Discours

    14

    la sauvegarde lui est confie, en tenant compte des intrts de la socit qui accuse, de ceux de la victime qui demande rparation, et des droits de laccus qui se dfend. Cest de la confrontation de ces enjeux, par essence contradictoires, que nat la dcision du juge, claire par sa science du droit, sa dontologie, son sens de lquit et sa connais-sance de la socit. Le juge dmontre ainsi son impartialit lgard de tous, y compris lautorit de poursuite. Il est, en cela, le garant de notre tat de droit.

    Certes, les juges portent des apprciations humaines ncessairement sujettes dis-cussion, et cest pourquoi existent des voies de recours. Ces recours offrent la garan-tie, au bout de la chane judiciaire, dune dcision qui, force de critiques et de dbats contradictoires, a tout de mme quelque chance dexprimer en fin de compte un point de vue collectif juridiquement fond et socialement acceptable.

    La maturation de la dcision de justice, reprsentative du peuple franais au nom duquel elle est rendue, fait la difficult crative de la fonction judiciaire, naturellement expose aux commentaires en tous sens. Celles et ceux qui choisissent de lexercer doivent aussi se prparer cette ralit qui nest pas celle dune existence tranquille et protge.

    Or, prcisment, la fonction judiciaire, dans le contexte psychologique et social dif-ficile que je viens de dcrire, continue dattirer les volontaires, et cest un grand signe despoir, parmi notre jeunesse. Les candidats admis se prsenter aux concours dentre lcole nationale de la magistrature en2014 ont t de 50 % plus nombreux quen2010.

    Au-del des efforts de la direction de lcole, que je salue chaleureusement, pour atteindre ce rsultat, il y a l la marque dune confiance toujours vive qui unit notre jeunesse, notre universit et notre magistrature.

    Cest sur cette marque despoir que je souhaite terminer mon propos, en faisant droit vos rquisitions, Monsieur le procureur gnral, et en dclarant ainsi ouverte sur les promesses de lavenir lanne judiciaire2015.

    Monsieur le procureur gnral, souhaitez-vous reprendre la parole?

    Mesdames et Messieurs, la Cour avait prvu de clturer cette audience par un cock-tail. Vous comprendrez que les circonstances nous aient conduits ne pas le maintenir.

    Cest pourquoi, aprs avoir reconduit Monsieur le Premier ministre et les person-nalits qui lentourent, Monsieur le procureur gnral et moi-mme nous tiendrons seulement votre disposition pour vous saluer, si vous le voulez bien, dans la salle des dlibrs attenante cette Grandchambre.

    Laudience solennelle est leve.

  • / Discours du procureur gnral

    15

    DISCOURS PRONONC lors de laudience solennelle dedbutdanne judiciaire, le 12janvier 2015, par :

    Monsieur Jean-Claude Marin, procureur gnral prs la Cour de cassation

    Monsieur le premier prsident, vos propos tmoignent de lmotion et du senti-ment de lensemble des magistrats et des fonctionnaires de notre Cour ainsi que des membres de lordre des avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation.

    Notre dmocratie, notre Rpublique est lgitimement bouleverse devant toutes ces victimes unies dans un mme destin terrible et macabre parce quelles taient, tou-tess, les symboles de nos valeurs.

    Libert de pense et libert dexpression dabord que lon veut punir et billonner au nom usurp dun prophte pour tenter dhabiller un obscurantisme absurde et criminel.

    Certains sont en effet morts parce quils portaient haut et fort la bannire de lar-ticle11 de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen qui proclame, je cite, que la libre communication des penses et des opinions est un des droits les plus pr-cieux de lhomme .

    Les chiens de garde de la dmocratie , selon lexpression employe par la Cour europenne des droits de lhomme dans un de ses arrts, ont pay de leur vie leur vigi-lance sur le respect de nos principes rpublicains de libert.

    Mais notre Rpublique, notre Dmocratie est aussi atteinte au cur par ces morts dans lexercice de leur mission de protection de nos concitoyens et de garantie de la paix civile, parce quils taient les reprsentants visibles dun tat o la force illgitime et la violence ravalent leur superbe devant la loi et le droit.

    Les autres victimes sont aussi celles dont le sort bafoue nos valeurs les plus essen-tielles, droit la vie, lacit, tolrance, libert dopinion et de religion.

    En effet, et cest ici, la Cour de cassation quil faut le raffirmer. Contre ceux qui commettent de tels actes innommables, quels que soient les sentiments de rpulsion voire de vengeance quils peuvent susciter, seules la Loi et la Justice sont les armes dignes de notre tat de droit, et cest avec celles-l et celles-l seules quils doivent tre combattus.

    Alors totale sera leur dfaite et complte la victoire de la Dmocratie.

    Hier, notre belle devise de Libert, dgalit et de Fraternit a t porte haut et fort non seulement par les citoyens de France mais aussi par tous ceux qui, de par le monde, se reconnaissent dans ces belles valeurs humanistes.

    Monsieur le Premier ministre, au cur de cette tempte qui requiert toute votre disponibilit, et vos cts Madame la vice-prsidente de lAssemble nationale et Madame la garde des sceaux, mais aussi tant de personnalits de France, dEurope et du monde entier, vous venez, ici, o le droit et la protection des liberts sont la raison dtre.

  • LIVRE 1 / Discours

    16

    Cest videmment un signe pour tous nos concitoyens.

    Aussi compte tenu de ces circonstances limiterai-je mon propos ce qui me parat tre lessentiel.

    Dans un monde qui sinterroge et au moment mme o le recours au droit savre cardinal, comment laisser les institutions, et, tout particulirement, linstitution judi-ciaire, hors du champ dune rflexion sur lexercice de sa fonction de rgulateur social en y procdant la fois par la voie intimiste de lintrospection et par linterpellation que constituent le jugement et le regard des autres?

    Au cur de tous les grands dbats qui agitent et branlent les fondements de notre vision de la socit et des normes qui lorganisent, la Cour de cassation est minem-ment concerne par ce mouvement.

    Elle doit le faire en sinterrogeant sur sa place dans le concert des juridictions suprmes nationales et europennes, en veillant ce que, cinq sicles aprs lOrdon-nance du 25aot1539, ses arrts, je cite, [] soient faits et crits si clairement, quil ny ait ni puisse avoir aucune ambigut ou incertitude ni lieu demander interprtation .

    En un mot, la Cour, dans toutes ses composantes, remplit-elle bien sa fonction la fois originelle et moderne en dlivrant, par ses dcisions, une lecture intelligible et comprhensible de la norme juridique concerne ou critique?

    Cette interrogation, qui nest pas ou ne devrait pas tre nouvelle, simpose dautant plus que le nombre de normes sest considrablement accru, que les acteurs nationaux ou internationaux de linterprtation du droit se sont multiplis et que le juge suprme dun ordre de juridictions doit aussi prendre lhabit de lacteur dun dialogue complexe entre les juges et les magistrats nationaux ou internationaux.

    Le nombre de normes sest non seulement accru mais, dans le mme temps, la qua-lit de la loi sest affaiblie, rendant plus importante la mission dinterprtation confie lautorit judiciaire.

    En cela, simpose le constat du Professeur Xavier Lagarde pour qui labondance de normes, au lieu de mieux encadrer loffice du juge, en amplifie le rle dautant que, par ailleurs, ce dernier doit sinterroger sur lapplicabilit de textes de valeur norma-tive suprieure quils soient dessence nationale ou supranationale.

    Contrle de conventionnalit qui permet dcarter lapplication de la loi dans le litige, primaut et effet direct du droit de lUnion, jurisprudence du Conseil constitu-tionnel qui a une autorit absolue, cette multiplication des sources appelle un dialogue des juges et nous savons que ce dialogue peut parfois tre compliqu par la difficile arti culation entre les divers contrles de fondamentalit.

    Ainsi, linterprtation diffrente de la porte et du primtre de la rgle non bis in idem par les juridictions nationales et les juridictions europennes offre un premier exemple de cette difficult.

    Un autre exemple nous est fourni par lactualit rcente.

    Le dialogue entre le juge national et les juges europens, voire entre les juges euro-pens entre eux, nest en effet pas toujours ais et clairant.

  • / Discours du procureur gnral

    17

    Ainsi, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux, le juge national agit sous le double regard de la Cour europenne des droits de lhomme, qui lui demande dappliquer la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fonda-mentales, et de la Cour de justice de lUnion europenne, qui interprte de manire imprative la Charte europenne des droits fondamentaux.

    Or, lavis rendu le 18dcembre2014 par lequel cette dernire a jug que laccord dadhsion de lUnion europenne la Convention de sauvegarde nest pas compatible avec le droit de lUnion ne va pas faciliter la tche des juges nationaux.

    Une lecture sans doute trop rapide de larticle6 du trait sur lUnion europenne (TUE) selon lequel lUnion adhre la Convention de sauvegarde avait peut-tre fait oublier que le protocole no8 prcise que le trait dadhsion doit, je cite, reflter la ncessit de prserver les caractristiques spcifiques de lUnion et du droit de lUnion .

    La Cour de justice de lUnion a donc constat que laccord dadhsion na prvu aucune disposition pour assurer la coordination entre les niveaux de protection confrs respectivement par la Charte des droits fondamentaux de lUnion et par la Convention de sauvegarde.

    Elle a galement remarqu que laccord dadhsion aurait pour effet dautori-ser la Cour europenne des droits de lhomme se prononcer sur la conformit la Convention de certains actes relevant de la Politique extrieure et de scurit com-mune, dite PESC, alors que la Cour de justice de lUnion na pas elle-mme comp-tence pour contrler la lgalit de ces actes, ladhsion ayant pour effet de transfrer de facto ce contrle un organe extrieur lUnion.

    On le voit, la coordination des contrles de conformit la Convention de sauve-garde, dune part, et la Charte des droits fondamentaux dautre part, nest pas chose facile et le juge national ne risque-t-il pas, en interprtant une norme de son droit natio-nal, de recueillir la bndiction de Luxembourg et de subir les foudres de Strasbourg ou inversement?

    Ces difficults ne peuvent quinciter les juges nationaux dvelopper et approfon-dir le dialogue avec les Cours europennes afin de parvenir une interprtation har-monieuse des normes protectrices des droits fondamentaux des citoyens mais aussi avec les juridictions nationales soumises aux mmes exigences.

    Le parquet gnral de la Cour de cassation, doit, par ses avis et conclusions, par-ticiper ce dialogue et proposer chacune des chambres des voies dharmonisation propres liminer ces tensions.

    Par ailleurs, dans un monde o le droit mou sinsinue dans notre tradition de droit dur, la lisibilit et la prvisibilit de lapplication des normes, quelles soient nationales ou internationales et notamment europennes, autrement dit les termes de la scurit juridique et de la confiance lgitime que doivent avoir les citoyens dans leurs institu-tions sont plus que jamais des sujets qui non seulement intressent les relations inter-personnelles et interinstitutionnelles mais sont des marqueurs pertinents de la ralit dun tat de droit et donc de lattractivit dun pays ou dun systme.

    Vous avez ds votre arrive, Monsieur le premier prsident, et vous allez en parler dans un instant, lanc une vaste rflexion sur lensemble de ces thmes : filtrage des

  • LIVRE 1 / Discours

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    pourvois, intensit du contrle, place du parquet gnral, dialogue avec les autres ins-titutions nationales ou europennes.

    Vous le savez, le parquet gnral tout entier est vos cts et aux cts des magis-trats du sige et des avocats aux Conseils dans cet immense travail salutaire de rflexion sur nos mthodes de travail et notre place dans le concert des juridictions.

    Cette rflexion a montr, ds le dbut, lactualit, ici, de linjonction socratique du connais-toi toi-mme, tant au fil des premiers travaux sest rvle lexistence de rgles internes particulires, de modalits de fonctionnement ou de ralits inconnues des uns ou des autres.

    Cette entreprise est essentielle et suscite de nombreuses attentes.

    Sagissant du parquet gnral, son effort portera aussi sur lactualit de lopinion dissidente mise, en mars1998, par le juge de Meyer dans laffaire Reinhardt et Slimane-Kad contre France sagissant de la critique, au nom de lgalit des armes et du procs quitable, de la communication, en vue de laudience, aux avocats gnraux du rap-port et du projet darrt tablis par le conseiller rapporteur. Cette opinion tait ainsi exprime et je cite :

    Quel mal y a-t-il tout cela? En quoi cela porterait-il atteinte au caractre qui-table du procs? Les magistrats du parquet de la Cour de cassation ne sont-ils pas, aussi bien que ceux du sige, et notamment les conseillers rapporteurs, indpendants, impartiaux et objectifs, en droit et en fait? ce mme juge poursuivant ainsi [] Le fait quils se les communiquent mutuellement avant laudience, sans en faire part aux parties, ne porte en aucune manire atteinte au caractre quitable de la procdure .

    Comment ne pas penser aux motifs figurant dans le considrant34 de la dci-sion Marc-Antoine contre France rendue quinze plus tard par la 5e section de la Cour de Strasbourg sur la communication du projet de dcision au rapporteur public?

    Et je souhaiterais, cet instant prcis, raffirmer que, si le parquet gnral de la Cour de cassation espre voir un jour consacr le principe du choix de ses membres par le Conseil suprieur de la magistrature, comme le sont les membres du sige de notre Cour, cette importante question statutaire ne doit pas tre perue comme un pralable incontournable toute volution de son rle au sein de notre Cour.

    En effet, ds lors que les deux derniers gardes des sceaux se sont engags respec-ter les avis mis par la formation du Conseil suprieur de la magistrature comptente pour les magistrats du parquet, dont lavis devient, de facto, un avis conforme, le pro-cessus de nomination apparat en ltat au moins quivalent celui de plus de 80 % des magistrats du sige nomms sur proposition du garde des sceaux et dont lindpen-dance et limpartialit ne sauraient faire dbat.

    Mais, le parquet gnral a confiance dans le processus, ncessairement long, que vous avez mis en place, Monsieur le premier prsident, et nous travaillerons ensemble cette recherche dun meilleur fonctionnement de notre Cour.

    Je voudrais maintenant marrter un instant sur le Conseil suprieur de la magistra-ture dont de nombreux membres sont prsents aujourdhui quils finissent leur mandat ou quils sapprtent lentamer.

  • / Discours du procureur gnral

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    Issu des rformes constitutionnelles et organiques de 2008 et 2010, le Conseil sup-rieur de la magistrature qui a, dans ce nouveau cadre institutionnel, tenu sa premire runion au dbut du mois de fvrier2011, a su donner une image forte de cette insti-tution en se dotant dune doctrine et de protocoles de fonctionnement propres lui confrer une indpendance et une impartialit reconnues.

    Elaborant, avec lengagement prcieux de la garde des sceaux, des rgles assurant une totale transparence, quels que soient les postes concerns, ce Conseil a su, je crois, gagner la confiance des magistrats et celle de nos concitoyens.

    Les membres, magistrats, qui sont minoritaires, et non magistrats, majoritaires, les lacs, comme disent nos amis italiens, ont ralis un travail considrable dans le res-pect de la libert de parole et dopinion de chacun, que certains commentateurs ont voulu rcemment ternir, respect et libert qui ont contribu la qualit des dcisions et avis rendus.

    Nominations, discipline, plaintes des justiciables, toutes les prrogatives du Conseil ont ainsi t mises en uvre dans le souci dlaborer, au fil de ces quatre annes du mandat qui sachve, des rgles propres assurer la lisibilit et la prvisibilit que tous sont en droit dattendre.

    Ce travail na pu se faire sans la comptence, le dynamisme et la tnacit du secr-taire gnral du Conseil et de tous ses collaborateurs qui doivent videmment tre associs cet hommage.

    Quils en soient ici remercis.

    Quant aux membres nouveaux qui vont prendre leurs fonctions dans quelques semaines, je leur souhaite la bienvenue par anticipation.

    Tout nest pas parfait et certaines critiques lgitimes mritent quon sy arrte.

    Il reste en effet beaucoup faire, notamment dans le champ du statut des magis-trats, particulirement du ministre public, en esprant que viendra bientt un temps o les stratgies cderont devant le constat dun consensus sur la ncessit dune rforme constitutionnelle indispensable pour la justice de notre pays, rforme qui devra aussi porter sur la place, les comptences et le fonctionnement du Conseil.

    Enfin je voudrais terminer en madressant aux magistrats du ministre public.

    Certes, le procureur gnral de la Cour de cassation nest pas membre de la chane hirarchique qui va des parquets la chancellerie. Mais il me semble lgitime qu cet instant prcis, je madresse eux.

    Les membres du ministre public sinterrogent aujourdhui sur leur statut, leur rle, leur avenir alors quils sont aux postes les plus avancs de la reprsentation de lautorit judiciaire et de laction de la justice en matire pnale, commerciale et citoyenne avec, pour corollaires, des contraintes et des astreintes de plus en plus lourdes.

    Ces questionnements naltrent en rien limplication de nos parquetiers, prpars ces dfis par notre cole nationale de la magistrature.

    Ils ont cependant une consquence que le Conseil suprieur de la magistrature na pas manqu dobserver en constatant une certaine dsaffection pour les postes du

  • LIVRE 1 / Discours

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    parquet, non raison de la nature des fonctions mais essentiellement eu gard la pesanteur des contraintes.

    Il ne sagit pas ici denvisager lensemble des rponses quappelle une telle situation.

    Certaines dentre elles existent dj : les membres du ministre public sont des magistrats part entire et protgs en tant que tels sous le contrle du Conseil sup-rieur de la magistrature, organe constitutionnel unique limage du corps judiciaire.

    Le malaise vient aussi parfois dun malentendu.

    La lecture parfois trop rapide de dcisions rendues, notamment par la Cour de Strasbourg, ou de commentaires quelles provoquent fait natre le sentiment que leur qualit de membre de lautorit judiciaire serait conteste voire ne serait pas reconnue.

    Or, sagissant de la Cour europenne des droits de lhomme, ce nest pas le sens, mon avis, quil faut donner certains considrants de dcisions qui dnient aux membres du ministre public franais la seule qualit de juge au sens de larticle5,3, de la Convention, ce qui ne saurait tre critiqu.

    Une partie des difficults, lie au poids des fonctions et des astreintes y affrentes, peuvent et doivent trouver une rponse par une meilleure allocation, par la chancelle-rie, de moyens humains, et pas ncessairement en magistrats, mais aussi par une gestion de lensemble des ressources humaines plus rigoureuse, notamment en termes dorga-nisation des services et daffectation des profils.

    Mais, je sais quil est des parquets o tout a t tent en ce domaine et que les limites des outils de gestion des ressources tant humaines que matrielles ont t atteintes.

    Ce constat a, bien sr, t fait par la commission prside par Monsieur Jean-Louis Nadal dans son rapport sur la refondation du ministre public.

    Autre rponse qui devra intervenir et qui pse sur les magistrats des parquets : la direction de lactivit de police judiciaire proclame par larticle12 du code de pro-cdure pnale.

    Des entretiens qua le Conseil suprieur de la magistrature avec les magistrats pro-poss des fonctions de chefs de cour ou de parquet, il ressort que cette direction recle aujourdhui des paradoxes.

    Dun ct, les magistrats sont de plus en plus en relation avec des femmes et des hommes totalement investis dans leurs missions mais dont les cadres intermdiaires ou suprieurs se sont parfois, sauf dans les services spcialiss, retirs des fonctions denqutes. Ds lors le parquetier devient lenquteur en chef et non le chef de len-qute judiciaire.

    Dun autre ct, ces magistrats sinterrogent dans le mme temps sur la ralit de leur matrise sur la direction des enqutes judiciaires.

    Dautres causes de cette morosit sont connues : explosion du traitement tlpho-nique, de la rponse pnale non matrise, des missions hors du cur de mtier et bien dautres encore quil nest pas possible dvoquer ici.

    Certes, la rforme statutaire tant attendue doit aussi jouer un rle essentiel le jour o elle sera rendue possible. Jen ai parl il y a un instant.

  • / Discours du procureur gnral

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    Ce ne peut tre la seule rponse aux attentes des parquets.

    Dabord par circulaire volontariste puis par la loi du 25juillet2013, il a t mis fin aux pouvoirs que le garde des sceaux tenait de larticle30 du code de procdure pnale de donner des instructions de poursuites crites, motives et verses au dossier dans des procdures particulires.

    Si le signal donn dun retrait de lexcutif de la conduite des procdures indi-viduelles est un signal fort, la consquence ngative, mcaniquement induite par ce renoncement, est la disparition du fdrateur, au niveau national, de laction publique.

    Or un instrument de cohsion de laction publique est indispensable et ne saurait tre confi la confrence des 36procureurs gnraux ou tout autre organe, sans un dbat institutionnel de fond.

    Le temps nest-il pas venu de rompre compltement le lien entre ministre public et pouvoir excutif en instituant un procureur de la Rpublique franaise, responsable du ministre public national et de son action, limage de ce parquet europen ind-pendant de lexcutif communautaire que dessine larticle86 du Trait sur le fonction-nement de lUnion europenne?

    Alors serait paracheve luvre que vous avez entreprise, Madame la garde des sceaux et confirm le principe fondamental qui est que lindpendance du ministre public ne signifie ni atomisation ni disparition du lien hirarchique.

    Je requiers quil plaise la Cour constater quil a t satisfait aux prescriptions du code de lorganisation judiciaire, me donner acte de ces rquisitions et dire que du tout il sera dress procs-verbal pour tre vers au rang des minutes du greffe.

  • LIVRE 2

    SUGGESTIONS DEMODIFICATIONS LGISLATIVES OU RGLEMENTAIRES

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    / Propositions de rforme en matire civile

    I. PROPOSITIONS DE RFORME EN MATIRE CIVILE

    Le comit de suivi, compos des membres du bureau de la Cour de cassation ainsi que de la directrice et des membres de la direction des affaires civiles et du sceau, sest runi le 9fvrier 2015 afin, dune part, dexaminer les suites rserves aux propositions de rforme des dispositions de nature lgislative et rglementaire en matire civile figu-rant dans les prcdents Rapports annuels et, dautre part, dvoquer les propositions nouvelles de la Cour de cassation.

    A. Suivi des suggestions de rforme

    Actes ltranger

    Rtablissement dans la loi de lexigence de lgalisation des actes deltatcivil tranger

    Les Rapports2009,2010,2011,2012 et 2013 1 ont propos daffirmer, en droit posi-tif, le principe dobligation de lgalisation des actes de ltat civil tranger, qui relve, depuis labrogation de lordonnance royale daot1681 par une ordonnance no2006-460 du 21avril2006 ratifie par la loi no2009-526 du 12mai2009 de simplification et de clarification du droit, de la coutume internationale. Lobjectif consiste assurer la stabilit et la scurit juridique que requiert un principe comme la lgalisation des actes de ltat civil tranger.

    La direction des affaires civiles et du sceau considre dsormais opportun, la lumire notamment dun rcent arrt de la Cour de cassation qui prcise les modalits ncessaires la lgalisation des actes (1reCiv., 3dcembre2014, pourvoi no13-27.857, en cours de publication), denvisager une clarification par la loi de ce mcanisme, ce qui permettra aussi den asseoir le principe, sans prjudice de la ncessaire mise en coh-rence de cette modification avec les instruments internationaux en matire dapostille ou europens en matire de libre circulation des documents publics.

    Actions possessoires

    Les Rapports2009,2010,2011,2012 et 2013 2 relevaient que les propositions de lassociation Henri Capitant pour une rforme du droit des biens incluaient notam-ment la suppression des actions possessoires et, corrlativement, du principe du non-cumul du ptitoire et du possessoire.

    1. Rapport2009, p.20 ; Rapport2010, p.18 ; Rapport2011, p.20 ; Rapport2012, p.41 ; Rapport2013, p.31.2. Rapport2009, p.17 ; Rapport2010, p.13 ; Rapport2011, p.13 ; Rapport2012, p.36 ; Rapport2013, p.31.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

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    Cette proposition a t suivie deffet.

    Larticle9 de la loi no2015-177 du 16fvrier2015 relative la modernisation et la simplification du droit et des procdures dans les domaines de la justice et des affaires intrieures a abrog larticle2279 du code civil.

    Bail rural

    Modification de larticle L.411-74 du code rural

    Les Rapports2012 et2013 3 avaient propos la modification des dispositions de larticle L.411-74, alina2, infine, du code rural et de la pche maritime, considres comme dates, dapplication difficile et porteuses dune rupture dgalit.

    Cette proposition a t suivie deffet.

    Larticle9 de la loi no2014-1170 du 13octobre2014 davenir pour lagriculture, lalimentation et la fort dispose :

    I.La seconde phrase du deuxime alina de larticle L.411-74 du [code rural et de la pche maritime] est complte par les mots : et gal au taux de lintrt lgal mentionn larticle L.313-2 du code montaire et financier major de trois points.

    II. Le I.sapplique aux instances en cours la date dentre en vigueur de la pr-sente loi.

    Modification de larticle L.411-32 du code rural

    Le Rapport2013 4 a propos de modifier larticle L.411-32 du code rural et de la pche maritime qui voque les zones urbaines des plans locaux durbanisme (pour ouvrir un droit au bailleur la rsiliation du bail rural) alors que cette catgorie nest pas reconnue par la loi no2000-1208 du 13dcembre2000 relative la solidarit et au renouvellement urbains, pour correspondre celles vises par le code de lurbanisme, dans un souci de cohrence et de scurit juridique.

    La direction des affaires civiles et du sceau indique que cette question sera exper-tise lors de la prochaine recodification du livreIer (partie lgislative et partie rgle-mentaire) du code de lurbanisme. Larticle171 de la loi no2014-366 du 24mars2014 pour laccs au logement et un urbanisme rnov (dite loi Alur ) a en effet habilit le gouvernement procder par voie dordonnance la recodification du livreIer du code de lurbanisme. Cette ordonnance doit tre prise dans le dlai de dix-huit mois suivant la publication de la loi Alur. La recodification de la partie rglementaire se fera en mme temps.

    3. Rapport2012, p.53 ; Rapport 2013, p.32.4. Rapport2013, p.62.

  • 27

    / Propositions de rforme en matire civile

    Baux dhabitation

    Modification de larticle17, c, de la loi no89-462 du 6juillet1989, relatif la rvaluation du loyer manifestement sous-valu au moment durenouvellement du bail

    Les Rapports2009,2010,2011, 2012 et2013 5 avaient propos de complter les dis-positions de larticle17, c, de la loi no89-462 du 6juillet1989, relatif la rvaluation du loyer manifestement sous-valu au moment du renouvellement du bail.

    Larticle6 de la loi no2014-366 du 24mars2014 dite loi Alur a insr un article17-2 dans la loi no89-462 du 6juillet1989, encadrant, pour tous les locataires, la fixation du loyer lchance du bail.

    Cette modification rend la proposition sans objet.

    Droit de la construction

    Abrogation de larticle1792-4 du code civil

    La suggestion, plusieurs fois formule 6, dabroger, en raison de son imprcision et de son faible intrt, larticle1792-4 du code civil qui dfinit les lments dquipe-ment entranant la responsabilit solidaire (habituellement appels EPERS), na tou-jours pas t suivie deffet.

    La direction des affaires civiles et du sceau nest toujours pas favorable cette pro-position et maintient ses prcdentes observations 7.

    Coproprit

    Conditions dans lesquelles un juge peut habiliter un copropritaire leffet de convoquer une assemble gnrale

    Les Rapports2009,2010,2011,2012 et 2013 8 ont propos daligner larticle50 du dcret no67-223 du 17mars1967 pris pour lapplication de la loi no65-557 du 10juil-let1965 fixant le statut de la coproprit des immeubles btis sur les autres textes rela-tifs au droit de la coproprit prvoyant une saisine du juge en la forme des rfrs. Il a ainsi t propos de rdiger larticle50 comme suit : [] le prsident du tribunal de grande instance, statuant comme en matire de rfr [] .

    5. Rapport2009, p.12 ; Rapport2010, p.11 ; Rapport2011, p.11 ; Rapport2012, p.35 ; Rapport2013, p.33.6. Rapport2007, p.17 ; Rapport2008, p.12 ; Rapport2009, p.12 ; Rapport2010, p.11 ; Rapport2011, p.11 ; Rapport2012, p.34 ; Rapport2013, p.34.7. Rapport2013, p.34.8. Rapport2009, p.16 ; Rapport2010, p.12 ; Rapport2011, p.12 ; Rapport2012, p.36 ; Rapport2013, p.34.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

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    La direction des affaires civiles et du sceau nest toujours pas favorable cette modi-fication et maintient ses prcdentes observations 9.

    Expropriation

    Modification de larticle R.12-5-1 du code de lexpropriation

    Les Rapports2011,2012 et2013 10 avaient propos de modifier larticle R.12-5-1 du code de lexpropriation.

    Cette suggestion a t suivie deffet.

    Le nouvel article L.223-2 du code de lexpropriation pour cause dutilit publique, issu de lordonnance no2014-1345 du 6novembre2014 relative la partie lgislative du code de lexpropriation pour cause dutilit publique, dispose que :

    Sans prjudice de larticle L.223-1, en cas dannulation par une dcision dfini-tive du juge administratif de la dclaration dutilit publique ou de larrt de cessibi-lit, tout expropri peut faire constater par le juge que lordonnance portant transfert de proprit est dpourvue de base lgale et demander son annulation.

    Aprs avoir constat labsence de base lgale de lordonnance portant transfert de proprit, le juge statue sur les consquences de son annulation.

    Larticle R.223-2 du code de lexpropriation pour cause dutilit publique, issu du dcret no2014-1635 du 26dcembre2014 relatif la partie rglementaire du code de lexpropriation pour cause dutilit publique dispose :

    peine dirrecevabilit de sa demande tendant faire constater le manque de base lgale de lordonnance dexpropriation, lexpropri saisit le juge dans un dlai de deux mois compter de la notification de la dcision dfinitive du juge administratif annu-lant la dclaration dutilit publique ou larrt de cessibilit.

    Si lexpropri na pas t partie la procdure devant la juridiction administrative, le dlai de deux mois court compter de la rception de la lettre dinformation prvue larticle R.223-3.

    Larticle R.223-3 du mme code, issu du dcret prcit, ajoute :

    Pour les expropris qui navaient pas la qualit de partie linstance devant le juge administratif ayant dcid lannulation de la dclaration dutilit publique ou de lar-rt de cessibilit, le dlai de deux mois mentionn larticle R.223-2 ne court qu compter de la date laquelle ils sont informs de cette annulation par lexpropriant.

    Linformation incombant lexpropriant est faite par lettre recommande avec demande davis de rception ou par voie de signification. La lettre dinformation vise les articles R.223-1 R.223-3.

    9. Rapport2013, p.34.10. Rapport2011, p.31 ; Rapport2012, p.35 ; Rapport2013, p.35.

  • 29

    / Propositions de rforme en matire civile

    Vices cachs

    Modification de larticle1644 du code civil

    Le Rapport2013 avait propos de supprimer le dernier membre de phrase de lar-ticle1644 du code civil 11.

    Cette suggestion a t suivie deffet.

    Larticle10 de la loi no2015-177 du 16fvrier2015 relative la modernisation et la simplification du droit et des procdures dans les domaines de la justice et des affaires intrieures a supprim, la fin de larticle1644 du code civil, les mots : ,telle quelle sera arbitre par experts .

    Fonds de garantie

    Harmonisation des textes relatifs la charge des frais et dpens affrents aux procdures judiciaires, en cas de mise en cause dun fonds de garantie

    Les Rapports2011,2012 et2013 12 ont propos que des dispositions lgislatives ou rglementaires prcisent, voire harmonisent, les textes relatifs aux frais et dpens pour tous les fonds de garantie ou dindemnisation mis en place ces dernires annes.

    La direction des affaires civiles et du sceau nmet pas un avis dfavorable, mais rappelle ses prcdentes observations.

    Contributions indirectes

    Les Rapports2012 et 2013 13 ont suggr de clarifier les rgles de procdure appli-cablespralablement la saisine du tribunal dinstance la contestation de lassiette des contributions indirectes recouvres par ladministration des douanes qui sont pr-vues par le livre des procdures fiscales (articles R.190-1, R.196-1, R.198-1, R.198-10 et R.199-1) et par le code des douanes (articles345 349bis).

    Les dlais et les formes de la contestation ne sont pas identiques dans les deux sries de textes.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable cette proposition mais souligne que cette dernire ne relve pas de ses attributions.

    11. Rapport2013, p.62.12. Rapport2011, p.29 ; Rapport2012, p.35 ; Rapport2013, p.35.13. Rapport2012, p.56 ; Rapport2013, p.37.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

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    Procdures collectives

    Article L.624-6 du code de commerce

    la suite de la dcision du Conseil constitutionnel du 20janvier2012 ayant dclar larticle L.624-6 du code de commerce contraire la Constitution (Cons. const., 20jan-vier2012, dcision no2011-212 QPC, Mme Khadija A., pouse M.[Procdure collec-tive : runion lactif des biens du conjoint]), les Rapports2012 et 2013 14 ont suggr de procder un toilettage ou un nettoyage des dispositions du code de commerce relatives au statut du conjoint du dbiteur et notamment du conjoint commun en biens et dengager une rflexion plus gnrale sur les droits du conjoint dans la pro-cdure collective.

    La direction des affaires civiles et du sceau indique que, dans la continuit de la dcision QPC du 20janvier2012 prcite ayant abrog les dispositions de larticle L.624-6 du code de commerce (qui ouvraient une action permettant de runir lac-tif de la procdure collective les biens acquis par le conjoint avec des valeurs fournies par le dbiteur, et ce, quelle que soit la part contributive de ce dernier), le ministre de la justice a engag une rflexion sur les droits du conjoint du dbiteur en procdure collective, et notamment sur ses biens personnels mentionns larticle L.624-5 du code de commerce. La question de lamlioration de la situation du conjoint du dbi-teur est apparue comme une proccupation dans les rponses au questionnaire diffus en 2012 linitiative du ministre de la justice et destin alimenter la rflexion sur la rforme de la justice commerciale. La loi no2014-1 du 2janvier2014 habilitant le gouvernement simplifier et scuriser la vie des entreprises na cependant pas habilit ce dernier rformer le domaine des rapports entre le droit patrimonial de la famille et le droit des procdures collectives.

    Article L.631-5, alina1er, du code de commerce

    la suite de la dcision du Conseil constitutionnel du 7dcembre2012 ayant dclar contraires la Constitution les mots se saisir doffice ou figurant larticle L.631-5, alina1er, du code de commerce (Cons. const., 7dcembre2012, dcision no2012-286 QPC, Socit Pyrnes services et autres [Saisine doffice du tribunal pour louverture de la procdure de redressement judiciaire]), les Rapports2012 et2013 15 ont propos de supprimer tous les cas de saisine doffice du tribunal de commerce chaque fois quil ny a pas de motif dintrt gnral et que ne sont pas institues des garanties propres.

    Cette suggestion a t suivie deffet.

    Larticle49, I, de lordonnance no2014-326 du 12mars2014 portant rforme de la prvention des difficults des entreprises et des procdures collectives dispose :

    larticle L.631-3, les mots : peut galement se saisir doffice dans le mme dlai et sont supprims.

    14. Rapport2012, p.55 ; Rapport2013, p.38.15. Rapport2012, p.56 ; Rapport2013, p.38.

  • 31

    / Propositions de rforme en matire civile

    Larticle60 de cette mme ordonnance ajoute :

    Larticle L.640-5 est ainsi modifi :

    1 Au premier alina, les mots : se saisir doffice ou sont supprims [...].

    Droit des socits

    Les Rapports2012 et 2013 16 ont propos de substituer une nullit facultative la nullit obligatoire actuellement prvue par larticle L.225-121 du code de commerce pour les dlibrations dassembles gnrales des socits anonymes prises sur des ques-tions qui ntaient pas inscrites lordre du jour. cette fin, il a t suggr de modi-fier ce texte afin quil prvoie que peuvent tre annules les dlibrations prises par les assembles en violation, soit seulement du troisime alina de larticle L.225-105, soit, de manire plus gnrale, de lensemble des dispositions de ce texte, et il a t pro-pos de rdiger larticle L.225-121 de la faon suivante :

    Les dlibrations prises par les assembles en violation des articles L.225-95, L.225-97, L.225-98, des troisime et quatrime alinas de larticle L.225-99 et du deuxime alina de larticle L.225-100 sont nulles.

    En cas de violation des dispositions des articles L.225-105, L.225-115 et L.225-116 ou du dcret pris pour leur application, lassemble peut tre annule.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure oppose cette modification.

    Elle expose que la nullit imprative de larticle L.225-121 sanctionne une rgle essentielle au bon fonctionnement des socits anonymes. En effet, lordre du jour permet aux actionnaires de connatre lavance les questions qui seront dbattues lors de lassemble et, par consquent, de prparer leurs interventions et de rflchir au sens de leur vote ou dtablir une procuration conforme lordre du jour. Ce fonction-nement permet notamment de protger un actionnaire minoritaire ou un actionnaire absent contre un autre actionnaire qui tenterait dimposer par surprise une dlibra-tion sur une question qui ntait pas prvue.

    Elle ajoute que la rigueur des consquences dune nullit automatique est att-nue par les possibilits de rgularisation aposteriori. Ainsi, larticle L.235-3 du code de commerce dispose quune nullit peut tre couverte jusqu ce que le tribunal ait statu sur le fond en premire instance. De plus, selon larticle L.235-4 du mme code, le tribunal de commerce, saisi dune action en nullit, peut, mme doffice, fixer un dlai pour permettre de couvrir les nullits, ou accorder le dlai ncessaire pour que les associs puissent prendre une nouvelle dcision sil est justifi dune convocation rgulire de lassemble.

    Pour ces raisons, la direction des affaires civiles et du sceau considre que la modi-fication de larticle L.225-121 du code de commerce napparat pas justifie.

    16. Rapport2012, p.54 ; Rapport2013, p.39.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    32

    Surendettement des particuliers

    Les Rapports 2012 et 2013 17 ont suggr douvrir la voie de lappel contre les dci-sions statuant sur la recevabilit de la demande du dbiteur tendant voir traiter sa situation financire aux dbiteurs mcontents dune dcision dirrecevabilit ainsi quaux cranciers contestant une dcision de recevabilit.

    La proposition est expressment maintenue.

    La direction des affaires civiles et du sceau na pas dobjection de principe une telle perspective de rforme, mais souhaite quelle soit expertise dans un cadre plus gnral, tant observ que la procdure dappel est lun des lments constitutifs de la rforme relative la justice du xxiesicle.

    Procdure civile

    Modification de larticle424 du code de procdure civile

    Il a t propos, dans les Rapports2004,2010,2011,2012 et 2013 18, dajouter un alina second larticle424 du code de procdure civile, destin largir en toute matire et pour tous les recours la solution pose par larticle L.661-8 du code de commerce (ancien article L.623-8 dudit code) rservant au seul ministre public le pourvoi en cas-sation pour dfaut de communication de certaines procdures en matire commerciale.

    La direction des affaires civiles et du sceau maintient son avis dfavorable.

    Modification de larticle526 du code de procdure civile

    Larticle526 du code de procdure civile a t modifi par le dcret no2005-1678 du 28dcembre2005 relatif la procdure civile, certaines procdures dexcution et la procdure de changement de nom, entr en vigueur le 1ermars2006.

    Ds sa promulgation, la doctrine sest interroge sur de possibles imperfections tech-niques de cet article, susceptibles dentraver le droit daccs au juge dappel. Figurait notamment parmi ces imperfections la question de linterruption du dlai de premp-tion de linstance dans le cas de la radiation de laffaire.

    Les Rapports2012 et 2013 19 ont propos daligner le rgime de larticle526 du code de procdure civile sur celui de larticle1009-2 de ce code, en prvoyant que le dlai de premption de linstance dappel court compter de la notification de la dci-sion ordonnant la radiation du rle de laffaire pour inexcution de la dcision frappe dappel. Il tait galement suggr un alignement plus complet de larticle526 sur les articles1009-11009-3.

    17. Rapport2012, p.47 ; Rapport2013, p.41.18. Rapport2004, p.14 ; Rapport2010, p.10 ; Rapport2011, p.10 ; Rapport2012, p.34 ; Rapport2013, p.42.19. Rapport2012, p.45 ; Rapport2013, p.42.

  • 33

    / Propositions de rforme en matire civile

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable cette suggestion, qui pourra tre intgre dans le cadre de la rforme de lappel.

    Plus gnralement, la direction des affaires civiles et du sceau accueille favora-blement lide dun alignement plus complet de larticle526 sur les articles1009-1 1009-3du code de procdure civile.

    Recevabilit des contestations en matire lectorale prudhomale

    Le Rapport 2013 20 a point une incertitude concernant les conditions de recevabi-lit du recours relatif la validit des lections internes au conseil de prudhommes. Il a donc t suggr une modification lgislative afin de scuriser cette question, dans le sens de la jurisprudence la plus rcente, sans quil soit besoin dattendre la naissance dun contentieux. Elle pourrait prendre la forme dun alina supplmentaire dans lar-ticle L.1423-5 du code du travail :

    Les conseillers prudhommes salaris lisent un prsident ou un vice-prsident ayant la qualit de salari.

    Les conseillers prudhommes employeurs lisent un prsident ou un vice-prsident ayant la qualit demployeur.

    Aucune contestation relative llection ou lligibilit nest recevable de la part dun conseiller qui nappartient pas au collge concern.

    Le vote par mandat est possible. Toutefois, un conseiller ne peut dtenir quun seul mandat.

    La direction des affaires civiles et du sceau maintient ses observations prcdentes selon lesquelles cette proposition doit faire lobjet dune expertise. Elle institue un droit lire enserr dans les limites de son collge dappartenance. Elle mrite rflexion ds lors quelle repose sur une conception sparatiste du paritarisme, qui soppose une conception unificatrice fonde sur lgalit, la complmentarit et lide de tout mandat impratif. La rforme de la juridiction prudhomale en cours a dailleurs pour objectif de crer une culture et un sentiment dappartenance commune entre conseil-lers prudhommes. Au demeurant, la direction des affaires civiles et du sceau sinter-roge sur le point de savoir si on doit exclure, sans carter pour autant le risque de litiges opportunistes, tout ventuel intrt attach la contestation de llection du membre dun collge auquel on nappartient pas.

    Enfin, la direction des affaires civiles et du sceau observe quil apparat que la pro-blmatique de la qualit contester lligibilit dun conseiller se trouve restreinte aux lections internes, savoir celle du prsident et du vice-prsident du conseil de prudhommes, en raison de la loi no2014-1528 du 18dcembre2014 relative la dsignation des conseillers prudhommes habilitant le gouvernement prendre par ordonnance des dispositions prvoyant la dsignation des conseillers prudhommes en fonction de laudience des organisations syndicales de salaris et des organisations professionnelles demployeurs.

    20. Rapport2013, p.63.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    34

    Modification des procdures de rcusation et de suspicion lgitime

    Ces procdures, souvent inadaptes et complexes, mriteraient dtre simplifies afin de rpondre lobjectif gnral daccs un juge impartial. Cependant, la pra-tique dmontre un rel manque deffectivit de ces procdures, prjudiciable limp-ratif defficacit de la justice.

    Le Rapport 2013 21 indiquait que plusieurs pistes pourraient tre explores pour rationaliser ce contentieux, parmi lesquelles les deux suivantes :

    rendre la reprsentation par avocat obligatoire dans lhypothse o la procdure pen-dant au fond exige elle-mme une telle reprsentation ;

    modifier la procdure en matire de suspicion lgitime : lorsquelle ne vise quune chambre de la juridiction et non pas la juridiction en sa totalit, le prsident de la juri-diction se prononcerait par une ordonnance, qui pourrait tre frappe de recours devant la juridiction suprieure, ce recours tant form obligatoirement par ministre davocat.

    La direction des affaires civiles et du sceau maintient ses prcdentes observations favorables, sous rserve dune expertise.

    Droit du travail

    Protection des conseillers prudhommes

    Il avait t suggr sept reprises 22 dans les Rapports annuels de modifier les dispo-sitions de larticle L.1442-19 du code du travail pour clarifier la dure de la protec-tion du conseiller prudhomme salari et prciser les consquences dun licenciement prononc en mconnaissance de son statut.

    Cette question a trouv sa solution dans une rserve dinterprtation du Conseil constitutionnel (Cons. const., 14mai2012, dcision no2012-242 QPC, Association Temps de vie [Licenciement des salaris protgs au titre dun mandat extrieur lentreprise]) dont il tait fait tat dans le Rapport 2013 23 et sur laquelle sest cale la chambre sociale de la Cour de cassation dans deux arrts du 14septembre2012 (Soc., 14septembre2012, QPC no11-28.269, Bull.2012, V, no229 et Soc., 14septembre2012, pourvoi no11-21.307, Bull.2012, V, no230).

    La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi dcid :

    larticle L.2411-1 16 du code du travail et les articles L.2411-3 et L.2411-18 du mme code doivent tre interprts en ce sens que le salari protg nest pas en droit de se prvaloir de la protection rsultant dun mandat extrieur lentreprise lorsquil est tabli quil nen a pas inform son employeur au plus tard lors de lentretien pra-lable au licenciement (Soc., 14septembre2012, QPC no11-28.269, prc.).

    21. Rapport2013, p.64.22. Rapport2007, p.14 ; Rapport2008, p.12 ; Rapport2009, p.11 ; Rapport2010, p.14 ; Rapport2011, p.14 ; Rapport2012, p.36 ; Rapport2013, p.44.23. Rapport2013, p.45.

  • 35

    / Propositions de rforme en matire civile

    Retenues sur salaire des cadres au forfait en jours pour faits de grve demoins dune journe ou demi-journe

    Il a t suggr dans les Rapports2008,2010,2011,2012 et 2013 24 dintgrer dans le code du travail la solution adopte en la matire par la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrt du 13novembre2008 (pourvoi no06-44.608, Bull.2008, V, no211), sagissant du mode de calcul de la retenue sur salaire des cadres au forfait en jours pour faits de grve de moins dune journe ou demi-journe, lorsque laccord collectif ne comporte pas de dispositions sur ce point.

    En lien avec cette proposition, il a t propos de modifier larticle L.3121-45 du code du travail, afin de prvoir que laccord collectif instituant les conventions de for-fait en jours comporte les modalits de dcompte des absences non comptabilisables en journe ou demi-journe et qu dfaut daccord lemployeur ait lobligation duti-liser un mode de dcompte dfini rglementairement.

    La direction des affaires civiles et du sceau nest toujours pas favorable ces pro-positions qui relvent principalement des comptences de la direction gnrale du tra-vail, laquelle a mis un avis rserv.

    Rupture du contrat de travail conclu avec un agent de scurit encasderetrait de son agrment par lautorit administrative

    Les Rapports2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 25 ont propos dajouter larticle6 de la loi no83-629 du 12juillet1983 rglementant les activits prives de scurit un alina prvoyant quen cas de recours contre la dcision administrative de retrait dagrment le contrat de travail est suspendu, et de prciser, au premier alina, que la rupture de plein droit du contrat de travail est acquise au terme du dlai de recours.

    La direction des affaires civiles et du sceau maintient sa position sur la ncessit daborder globalement les effets de lannulation par le juge administratif dun agr-ment administratif qui conditionne lexercice dune activit par un salari. Elle fait observer que dans le cas particulier des activits prives de surveillance et de gardien-nage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires, lagrment administratif mentionn larticle L.612-6 du code de la scurit intrieure nest pas accord aux salaris participant lexercice de ces activits mais aux exploitants, personnes, physiques ou morales, qui exercent directement ces acti-vits, en application de larticle L.612-1 dudit code. Pour leur part, les salaris, pour pouvoir exercer leur activit, doivent dtenir une carte professionnelle, carte qui peut tre retire par lautorit administrative en application des trois derniers alinas de lar-ticle L.612-20 du code prcit. Et, conformment larticle suivant, lorsque la carte professionnelle est retire pour lun des motifs mentionn aux 1, 2 ou 3 de larticle L.612-20, le contrat de travail est rompu de plein droit.

    24. Rapport2008, p.16 ; Rapport2010, p.14 ; Rapport2011, p.14 ; Rapport2012, p.37 ; Rapport2013, p.45.25. Rapport2009, p.17 ; Rapport2010, p.15 ; Rapport2011, p.15 ; Rapport2012, p.37 ; Rapport2013, p.46.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    36

    La direction des affaires civiles et du sceau ajoute que, sans ngliger la rflexion conduire sur la suggestion de la Cour de cassation, il convient dores et dj dobserver que larticle L.612-21 du code prcit conforte la jurisprudence de la Haute Juridiction, en vertu de laquelle, en principe, le retrait dune habilitation administrative condition-nant lexercice salari dune activit ne constitue pas un cas de force majeure de nature dispenser lemployeur des consquences du licenciement.

    Information des salaris quant au transfert de leur contrat de travail par application de larticle L.1224-1 du code du travail (anciennement L.122-12) en labsence de reprsentants du personnel dans lentreprise : transposition de la directive2001/23/CE du Conseil du 12mars2001, article7, alina6 (elle-mme ayant repris une prcdente directive 98/50/CE du Conseil du 29juin1998)

    La directive2001/23/CE du Conseil du 12mars2001 dispose :

    Les tats membres prvoient que, au cas o il ny aurait pas dans une entreprise ou un tablissement de reprsentants des travailleurs pour des motifs indpendants de leur volont, les travailleurs concerns doivent tre informs pralablement :

    de la date fixe ou propose pour le transfert ;

    du motif du transfert ;

    des consquences juridiques, conomiques et sociales du transfert pour les travailleurs.

    Cette directive europenne na pas encore t transpose en droit interne.

    Les Rapports2009,2010,2011,2012 et 2013 26 ont donc soulign la ncessit, pour le droit interne, de se conformer au droit de lUnion europenne.

    La direction des affaires civiles et du sceau maintient ses prcdentes observations, favorables la suggestion.

    Modification rglementaire des articles R.2143-5, R.2314-29 et R.2324-25 du code du travail relatifs la procdure dexamen descontestations des dsignations de dlgus syndicaux et des lections professionnelles par le juge dinstance

    Lapplication des articles R.2143-5, R.2314-29 et R.2324-25 du code du tra-vail ayant soulev des difficults, tenant la brivet du dlai davertissement des par-ties intresses par la contestation et la forme de cet avertissement, ralis par lettre simple, il a t propos, dans les Rapports2008,2009,2010,2011,2012 et 2013 27, de modifier ainsi quil suit le troisime alina de larticle R.2143-5 et le premier alina des deux autres articles :

    26. Rapport2009, p.18 ; Rapport2010, p.15 ; Rapport2011, p.15 ; Rapport2012, p.38 ; Rapport2013, p.46.27. Rapport2008, p.13 ; Rapport2009, p.12 ; Rapport2010, p.16 ; Rapport2011, p.16 ; Rapport2012, p.39 ; Rapport2013, p.47.

  • 37

    / Propositions de rforme en matire civile

    Il [Le tribunal] statue dans les vingt jours sans frais ni forme de procdure et sur avertissement donn dans les huit [quinze] jours lavance par lettre recommande avec demande davis de rception toutes les parties intresses.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable, sur le principe, cette proposition et renvoie ses prcdentes observations.

    Recours contre les dcisions rendues en matire dlections professionnelles et de dsignation des reprsentants syndicaux

    Les Rapports2011,2012 et 2013 28 avaient fait tat dun projet de dcret rformant la procdure en matire de contentieux lectoral professionnel, en cours dexamen en2011, prvoyant louverture dun appel dans les diffrents contentieux lectoraux, selon une procdure spciale et rapide, ainsi que lextension de la reprsentation obli-gatoire pour les pourvois forms dans cette matire, lequel rpondait aux suggestions prsentes en ce sens dans les Rapports2008,2009,2010 et2011 29.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable cette proposition, mais rappelle que le projet de dcret a suscit une grande rserve de la part de la direc-tion gnrale du travail et de certains partenaires sociaux.

    Cration dun bloc de comptences en matire de droit syndical etdlections professionnelles

    Afin dunifier le contentieux en la matire, les Rapports2011,2012 et 2013 30 avaient propos que soit prvu de manire gnrale dans le code du travail que :

    Article R.2221-1 : Les contestations relatives la dsignation ou llection des reprsentants du personnel et syndicaux prvus conventionnellement, y compris ceux mis en place par les groupes spciaux de ngociation, sont formes, instruites et juges dans les conditions prvues par les articles R.2324-24 et R.2324-25.

    La direction des affaires civiles et du sceau indique que la rpartition des comp-tences entre juge judiciaire et autorit administrative en matire dlections profes-sionnelles peut conduire un certain enchevtrement des comptences qui attente la lisibilit du droit pour les entreprises et les place dans une situation dincertitude sur leurs obligations. Elle fait observer que, pour corriger cette situation, larticle87 du projet de la loi pour la croissance, lactivit et lgalit des chances conomiques pro-pose de supprimer, au profit du tribunal dinstance, la comptence administrative en matire prlectorale pour les lections des reprsentants du personnel, ainsi que la comptence de linspecteur du travail en matire de drogations aux conditions dan-ciennet pour les lections professionnelles.

    28. Rapport2011, p.17 ; Rapport2012, p.39 ; Rapport2013, p.48.29. Rapport2008, p.13 ; Rapport2009, p.15 ; Rapport2010, p.17 ; Rapport2011, p.17.30. Rapport2011, p.32 ; Rapport2012, p.39 ; Rapport2013, p.48.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    38

    Sort des actes conclus par des reprsentants syndicaux oudesreprsentants du personnel dont le mandat a t annul

    La loi ne prvoyant aucune disposition particulire quant la validit des actes qui ont pu tre conclus par un reprsentant dont la dsignation ou llection est ultrieu-rement annule, et lannulation rtroactive de tels actes tant susceptible de crer une situation dinscurit dangereuse pour les entreprises et les salaris, il tait propos, dans les Rapports2008,2009,2010,2011,2012 et 2013 31 dajouter, pour chacune des institutions reprsentatives du personnel, un article ainsi rdig :

    Lannulation de llection [ou de la dsignation] du reprsentant du personnel na pas deffet sur la validit des actes conclus par ce reprsentant avant la dcision dannulation.

    La direction des affaires civiles et du sceau reste favorable, sur le principe, cette suggestion, sous rserve de lavis de la direction gnrale du travail.

    Salaris mis disposition

    Il a t suggr, dans les Rapports2009,2010,2011,2012 et 2013 32 de complter les articles L.2314-18-1 et L.2324-17-1 du code du travail, prvoyant un droit dop-tion pour les salaris mis disposition qui devront choisir dtre lecteurs soit chez leur employeur, soit dans lentreprise daccueil , afin de prciser les modalits dexer-cice de ce droit, en dterminant notamment quel moment et de quelle faon il devait tre mis en uvre.

    Cette suggestion na toujours pas t suivie deffet.

    La direction des affaires civiles et du sceau rappelle que cette question relve de la comptence de la direction gnrale du travail.

    Dlai de dpt du mmoire en demande en matire dlections professionnelles

    Les Rapports2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 33 ont propos une harmonisation des rgles relatives au point de dpart du dlai de dpt du mmoire en demande respecti-vement prvues, dune part, par larticle989 du code de procdure civile, applicable en matire de procdure sans reprsentation obligatoire et qui dispose que le dlai court compter de la remise ou de la rception du rcpiss de la dclaration, et, dautre part, par larticle1004 du mme code, applicable en matire dlections professionnelles et qui fait courir ce mme dlai compter de la dclaration de pourvoi.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable cette proposition.

    31. Rapport2008, p.16 ; Rapport2009, p.13 ; Rapport2010, p.17 ; Rapport2011, p.18 ; Rapport2012, p.40 ; Rapport2013, p.49.32. Rapport2009, p.34 ; Rapport2010, p.18 ; Rapport2011, p.18 ; Rapport2012, p.40 ; Rapport2013, p.49.33. Rapport2009, p.19 ; Rapport2010, p.18 ; Rapport2011, p.18 ; Rapport2012, p.41 ; Rapport2013, p.50.

  • 39

    / Propositions de rforme en matire civile

    Possibilit pour le juge de dcider dune prorogation du mandat desreprsentants du personnel dans lentreprise

    Les Rapports2010,2011,2012 et 2013 34 ont suggr dintroduire une disposition lgale autorisant le juge dinstance, si les circonstances lexigent, proroger les man-dats en cours pour une dure prcise en fonction de la date fixe pour le renouvelle-ment des institutions reprsentatives.

    La direction des affaires civiles et du sceau confirme quelle est favorable une rflexion sur la question, et maintient les pistes alternatives quelle avait suggres 35, tudier en lien avec la direction gnrale du travail.

    Elle observe toutefois que, sans quil soit besoin de lintervention de nouvelles dis-positions lgislatives, et en application dune jurisprudence constante de la Cour de cassation, il est dj loisible aux organisations syndicales prsentes au sein de lentre-prise dengager une ngociation avec lemployeur aux fins de fixer par voie daccord, adopt lunanimit, le principe de prorogation des mandats en cours, dans lattente de prochaines lections.

    Fixation dun dlai pour les recours contre les dcisions du mdecin dutravail en matire dinaptitude

    Les Rapports2011, 2012 et 2013 36 avaient suggr de prvoir un dlai pour encadrer le recours dirig contre la dcision du mdecin du travail prvu larticle L.4624-1 du code du travail.

    La proposition a t suivie deffet.

    Larticle1er du dcret no2012-135 du 30janvier2012 relatif lorganisation de la mdecine du travail a modifi les articles R.4624-35 et R.4624-36 du code du travail, qui disposent dsormais :

    Article R.4624-35

    En cas de contestation de cet avis mdical par le salari ou lemployeur, le recours est adress dans un dlai de deux mois, par lettre recommande avec avis de rcep-tion, linspecteur du travail dont relve lentreprise. La demande nonce les motifs de la contestation.

    Article R.4624-36

    La dcision de linspecteur du travail peut tre conteste dans un dlai de deux mois devant le ministre charg du travail.

    34. Rapport2010, p.26 ; Rapport2011, p.19 ; Rapport2012, p.41 ; Rapport2013, p.50.35. Rapport2013, p.50.36. Rapport2011, p.32 ; Rapport2012, p.41 ; Rapport2013, p.51.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    40

    Comit dhygine, de scurit et des conditions de travail (CHSCT)

    Les Rapports2012 et 2013 37 ont suggr une modification de larticle L.4613-1 du code du travail relatif aux conditions de mise en place du CHSCT.

    Le CHSCT est une institution reprsentative qui a pris une place de plus en plus importante en entreprise compte tenu des impratifs renforcs en matire dhygine, de scurit et des conditions de travail des salaris. Or les conditions de la mise en place de linstitution sont trs sommairement voques par larticle L.4613-1 du code du travail.

    Le Rapport 2013 38 a expos les raisons pour lesquelles une intervention lgislative pour fixer les conditions concrtes de dtermination des modalits lectorales devient indispensable. Il serait notamment opportun, sagissant de la dsignation des membres du CHSCT, de prvoir dans les textes de confier soit aux organisations syndicales, soit au collge dsignatif, le soin de conclure, comme pour les lections, un protocole prlec-toral avec lemployeur. Outre la scurisation juridique du processus, une telle prcision lgislative permettrait galement de susciter de manire plus efficace les candidatures des salaris intresss aux questions voques devant le CHSCT.

    La direction des affaires civiles et du sceau demeure favorable cette proposition, sous rserve de lavis de la direction gnrale du travail. Elle ajoute quen amont de toute intervention lgislative, cette question semblerait pouvoir tre soumise la ngo-ciation entre les partenaires sociaux dans le cadre des rflexions en cours sur la rno-vation de la dmocratie sociale.

    Instauration dune question prjudicielle dans les rapports delaCourdecassation avec le Conseil dtat

    Les Rapports2012 et 2013 39 avaient suggr dinstaurer la possibilit pour la Cour de cassation, et en particulier pour la chambre sociale, de poser elle-mme une ques-tion prjudicielle au Conseil dtat ou aux juridictions administratives.

    Cette proposition figure galement dans le rapport LAvenir des juridictions du tra-vail : vers un tribunal prudhomal du xxiesicle remis par M.Alain Lacabarats, prsident de chambre la Cour de cassation, la garde des sceaux le16juillet 2014 (ci-aprs le rapport Lacabarats ).

    La direction des affaires civiles et du sceau indique que le dcret no2015-233 du 27fvrier2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions prjudicielles organise le mcanisme de questions prjudicielles entre juridictions de lordre administratif et juridictions de lordre judiciaire.

    Larticle47 du dcret insre au chapitre Ier du titreVII du livreVII du code de jus-tice administrative une section2 intitule La question prjudicielle et comprenant trois articles.

    37. Rapport2012, p.57 ; Rapport2013, p.51.38. Rapport2013, p.51.39. Rapport2012, p.57 ; Rapport2013, p.52.

  • 41

    / Propositions de rforme en matire civile

    En particulier, le nouvel article R.771-2 du code de justice administrative dispose :

    Lorsque la solution dun litige dpend dune question soulevant une difficult srieuse et relevant de la comptence de la juridiction judiciaire, la juridiction admi-nistrative initialement saisie la transmet la juridiction judiciaire comptente. Elle sur-soit statuer jusqu la dcision sur la question prjudicielle.

    Larticle48 du dcret prcit modifie le code de procdure civile, en compltant son article49 et en insrant au livre Ier un titreVter, intitul La procdure sur question prjudicielle de la juridiction administrative et compos de deux articles.

    Larticle49 du code de procdure civile est ainsi complt par lalina suivant :

    Lorsque la solution dun litige dpend dune question soulevant une difficult srieuse et relevant de la comptence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet la juridiction administrative comptente en application du titre Ier du livreIII du code de justice administrative. Elle sursoit sta-tuer jusqu la dcision sur la question prjudicielle.

    Enfin, la direction des affaires civiles et du sceau fait observer qu la suite de la remise du rapport du groupe de travail charg de la rforme du Tribunal des conflits prsid par M.Jean-Louis Gallet, vice-prsident de ce tribunal, la garde des sceaux le 10octobre2013, larticle13 de la loi no2015-177 du 16fvrier2015 relative la modernisation et la simplification du droit et des procdures dans les domaines de la justice et des affaires intrieures a modifi la loi du 24mai1872, dont larticle12 dis-pose dsormais :

    Le Tribunal des conflits rgle le conflit dattribution entre les deux ordres de juri-diction, dans des conditions prvues par dcret en Conseil dtat : []

    2 Lorsque les juridictions de lun et lautre ordre se sont dclares respectivement incomptentes pour connatre dun litige ayant le mme objet ;

    3 Lorsquune juridiction de lun ou lautre ordre lui a renvoy la question de com-ptence souleve dans un litige.

    Larticle 12, 3, de la loi du 24mai 1872 permet ainsi toute juridiction de saisir le Tribunal des conflits en cas de doute sur sa propre comptence, sans quil soit nces-saire quune juridiction de lautre ordre se soit dj dclare incomptente. Cela sera de nature prvenir les problmes de comptence.

    Contrat de travail : expiration de la priode dessai et du dlai deprvenance (article L.1221-25 du code du travail)

    Les Rapports2012 et 2013 40 ont soulign une contradiction interne de larticle L.1221-25 du code du travail et suggraient une mise en cohrence du texte.

    Cette proposition a t suivie deffet.

    40. Rapport2012, p.58 ; Rapport2013, p.53.

  • LIVRE 2 / Suggestions d