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RÉGION À LA UNE COURRIER PICARD LUNDI 9 MARS 2015 2 TRE02. C ’est un de ces classements comme la planète média les affectionne, en particulier quand ils permettent de pointer du doigt les élus, les dépenses publiques ou le service du même nom. Et comme souvent, celui-là fait réagir, a fortiori en ces temps de campagne électorale, alors que les élus sont à fleur de peau… BFM Business a sorti il y a quelques jours un classement des départements français les « mieux » et les « moins bien » gé- rés, dans lequel la Somme s’illustre avec un rang qui avoi- sine son numéro dans la nomen- clature des départements : 79 e sur 81 départements de métro- pole ! Dépenses de fonctionnement, d’investissement, effort en fa- veur des collèges et des routes, impôts, dette… Le Samarien moyen, s’il s’en tient aux ta- bleaux figurant sur le site de BFM, ne pourra qu’être effrayé (ou affligé…) à l’idée de résider dans un département « aussi mal géré ». Sauf que la vie et l’interpréta- tion des chiffres sont parfois un peu plus compliqués que ne le laisse croire la TV spectacle. Piqué au vif, le Département de la Somme n’hésite pas à mettre en cause la bonne foi de ceux qui ont réalisé l’enquête : « Une grande partie du classement est fondée sur des à priori idéolo- giques et sur une vision à la sur- face des enjeux, estime le cabinet du président Manable (PS). Pour ne prendre qu’un exemple ; la Somme a fait le choix fort du déve- loppement numérique dans les collèges, cela a permis que les col- légiens samariens disposent d’un ordinateur pour trois élèves quand la moyenne nationale est d’un or- dinateur pour six. On pourrait penser que c’est de la « bonne ges- tion ». Selon BFM Business, c’est le signe d’une mauvaise gestion puisque cela augmente les « frais de fonctionnement » et les « frais de personnels ». Au-delà de la polémique sur fond de campagne électorale, on ne peut que s’interroger sur les critères retenus pour qualifier de « bonne » ou « mauvaise » la ges- tion des départements. Ainsi, l’enquête de BFM Business exclut volontairement les dépenses so- ciales, au motif – juste – qu’il s’agit d’une dépense imposée par l’État et qu’elle ne peut donc pas être imputée aux Départements en termes de choix. Exact. La Somme et l’Aisne versent plus de RSA que les Hauts-de-Seine Sauf qu’elle pèse mécanique- ment sur les dépenses en per- sonnels du Département. Pour instruire les dossiers et payer aux allocataires ce qui leur est dû, il faut des agents. Or tous les dé- partements ne sont pas sur un pied d’égalité. Proportionnelle- ment, la Somme et l’Aisne comptent bien plus d’allocataires du RSA qu’un département comme les Hauts-de-Seine, infi- niment plus riche. Suffit-il de dé- penser moins pour le personnel pour « mieux gérer », sans s’inter- roger sur l’utilité sociale de la dé- pense ? Et la même remarque vaut pour l’investissement. Cette fois, la DÉPARTEMENTALES 2015 S’il suffisait de dépenser moins pour bien gérer… Dépenser moins en personnel et investir un maximum… Voilà à quoi se résumeraient les critères de bonne gestion des départements, selon une enquête de BFM Business. Pas si simple. Les chiffres des finances des collectivités locales (basés sur les comptes administratifs) sont Les 22 et 29 mars, auront lieu des élections départementales qui permettront de renouveler les conseils départementaux. Les équipes sortantes s’efforcent de mettre en avant leur bilan et leur gestion. Une « enquête » réalisée par BFM classe la Somme et l’Aisne aux 79 e et 62 e rangs (sur 81) parmi les Départements les moins biens gérés gérés. L’Oise est 21 e . LES FAITS LES REPÈRES LE FONCIER BÂTI Il représente l’essentiel des recettes fiscales des Départements. De 2011 à 2013, son taux est passé de 24,16 % à 25,54 %, dans la Somme ; il est resté stable à 31,72 %, dans l’Aisne, et à 21,54 %, dans l’Oise. Mais même si le taux n’augmente pas, les bases locatives sur lesquelles sont appliquées les taux sont décidés chaque année par le Parlement. En 2013, par exemple, la revalorisation votée a été deux fois plus forte que l’inflation (1,8 % pour un taux d’inflation de 0,9 %)... LES TRANSPORTS SCOLAIRES représentent une dépense importante pour les départements. Dans l’Oise, le coût est chiffré à 1 100 euros par an et par élève. Ce département a fait le choix de maintenir la gratuité. Au conseil général de l’Oise, on estime que la vraie jauge en matière de gestion reste l’avis délivré par les agences de notation Le très contestable classement de BFM À trois semaines du 1 er tour des élections départementales, BFMBusiness a vou- lu passer au crible la gestion des conseils généraux sortants. Intention louable quand on sait que les 101 départements français gèrent près de 80 milliards d’euros. Mais deux choix de nos confrères ont de quoi laisser sceptiques. Pre- mier élément, et non des moindres : BFM s’est basé sur les budgets primitifs 2014 des départements. Surprenant : le budget primitif est un acte qui pro- gramme des dépenses. Certaines se retrouvent gonflées quand d’autres au contraire sont sous-estimées, comme en témoignent les comptes administra- tifs, véritables et uniques photographies des recettes et dépenses réellement réalisées par les collectivités. Par ailleurs, cette « étude » met sur un pied d’égalité l’ensemble des départements. Comment comparer une collectivité comme le Nord, forte de 2,6 millions d’habitants, avec un département comme la Creuse ou la Lozère (avec respectivement 121 000 et 100 000 habitants), alors que ces départements vivent des réalités forts différentes ? Retrouvez le classement sur internet : http://bfmbusiness.bfmtv.com

Courrier Picard départementales

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RÉGION À LA UNECOURRIER PICARD LUNDI 9 MARS 2015

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TRE02.

RÉGION À LA UNELUNDI 9 MARS 2015 COURRIER PICARD

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TRE02.

C’est un de ces classementscomme la planète média lesaffectionne, en particulier

quand ils permettent de pointerdu doigt les élus, les dépensespubliques ou le service du mêmenom. Et comme souvent, celui-làfait réagir, a fortiori en ces tempsde campagne électorale, alorsque les élus sont à fleur depeau… BFM Business a sorti il y aquelques jours un classementdes départements français les« mieux » et les « moins bien » gé-rés, dans lequel la Sommes’illustre avec un rang qui avoi-sine son numéro dans la nomen-clature des départements : 79e

sur 81 départements de métro-pole !

Dépenses de fonctionnement,d’investissement, effort en fa-veur des collèges et des routes,impôts, dette… Le Samarienmoyen, s’il s’en tient aux ta-bleaux figurant sur le site deBFM, ne pourra qu’être effrayé(ou affligé…) à l’idée de résiderdans un département « aussi malgéré ».

Sauf que la vie et l’interpréta-tion des chiffres sont parfois unpeu plus compliqués que ne lelaisse croire la TV spectacle.

Piqué au vif, le Département dela Somme n’hésite pas à mettreen cause la bonne foi de ceux quiont réalisé l’enquête : « Unegrande partie du classement estfondée sur des à priori idéolo-giques et sur une vision à la sur-face des enjeux, estime le cabinetdu président Manable (PS). Pourne prendre qu’un exemple ; laSomme a fait le choix fort du déve-loppement numérique dans lescollèges, cela a permis que les col-légiens samariens disposent d’unordinateur pour trois élèves quandla moyenne nationale est d’un or-dinateur pour six. On pourraitpenser que c’est de la « bonne ges-tion ». Selon BFM Business, c’est lesigne d’une mauvaise gestionpuisque cela augmente les « fraisde fonctionnement » et les « fraisde personnels ».

Au-delà de la polémique surfond de campagne électorale, onne peut que s’interroger sur lescritères retenus pour qualifier de« bonne » ou « mauvaise » la ges-

tion des départements. Ainsi,l’enquête de BFM Business exclutvolontairement les dépenses so-ciales, au motif – juste – qu’ils’agit d’une dépense imposée parl’État et qu’elle ne peut donc pasêtre imputée aux Départementsen termes de choix. Exact.

La Somme et l’Aisne versent plus de RSA que les Hauts-de-SeineSauf qu’elle pèse mécanique-

ment sur les dépenses en per-sonnels du Département. Pourinstruire les dossiers et payer auxallocataires ce qui leur est dû, ilfaut des agents. Or tous les dé-partements ne sont pas sur unpied d’égalité. Proportionnelle-ment, la Somme et l’Aisnecomptent bien plus d’allocatairesdu RSA qu’un départementcomme les Hauts-de-Seine, infi-niment plus riche. Suffit-il de dé-penser moins pour le personnelpour « mieux gérer », sans s’inter-roger sur l’utilité sociale de la dé-pense ?

Et la même remarque vaut pourl’investissement. Cette fois, la

prime de bonne gestion décernéepar BFM Business, va aux Dépar-tements qui dépensent le plus.Mais là encore, sans s’interrogersur le « pourquoi » ni le « com-ment ». Si l’on prend l’exempledes collèges, les situations serontlà encore, contrastées selon lesdépartements ; état général desétablissements, nombre dejeunes en âge de fréquenter uncollège... Pourquoi faudrait-il in-vestir dans des constructionsquand les collèges sont ennombre suffisant ? Autreexemple les routes. Les départe-ments ruraux et/ou très étendus,n’ont pas le même réseau que lesdépartements urbanisés, etc.

À la direction financière duconseil général de la Somme onrappelle qu’il faut distinguer « si-tuation financière » et « qualitéde la gestion ». Or, se contenterde relever le montant de l’inves-tissement sur une année précise,c’est en réalité faire état d’une si-tuation financière à un instant« T ».

Même dans l’Oise, départementplutôt bien placé dans le classe-ment BFM Business (21e rang), onrappelle que ce genre d’enquêtea essentiellement pour vocationde faire le buzz. La vraie jauge enmatière de gestion, restant l’avisdélivré par les agences de nota-tion, telle que Standard & Poor’s,

et les mesures concrètes prisespour rationaliser les dépenses.

Et le cabinet d’Yves Rome, pré-sident du conseil général, de ci-ter en exemple la question destransports scolaires : « Nousavons fait le choix de maintenir lagratuité, mais avec une cartetransport à 50 euros, qui limitel’emprunt des cars scolaires sanscontrôle et permet d’ajuster l’offreau nombre réel des enfants trans-portés. »

De quoi rappeler qu’effective-ment, la vie est parfois plus com-pliquée que ne le laissent en-tendre les classements de cetype.

PHILIPPE FLUCKIGER

DÉPARTEMENTALES 2015

S’il suffisait dedépenser moinspour bien gérer…Dépenser moins en personnel et investirun maximum… Voilà à quoi se résumeraientles critères de bonne gestion des départements, selon une enquête de BFM Business. Pas si simple.

Les chiffres des finances des collectivités locales (basés sur les comptes administratifs) sont

59,4 % des dépensesde

fonctionnement du départementde l’Aisne vont à l’action sociale.

LE CHIFFRE« Comparer un département breton,qui compte 8 % de chômeurs, et l’Aisne,qui en compte 14 %, ça n’a véritablementaucun sens »Yves Daudigny, président du Département de l’Aisne

LA PHRASEDOTATIONS DE L’ÉTAT ▶ Le Départementde la Somme, comme d’autres, réclame à l’État un important arriéré pour les prestations sociales qui ne sont plus couvertes par les dotations d’État. Ce dernier s’était pourtant engagé à compenser ces dépenses.

Si une partie des droites départe-mentales s’est fait un plaisir de sau-ter sur les résultats de cette enquêtepour critiquer les exécutifs en place,les ténors aux conseils généraux dela Somme et de l’Oise sont en re-vanche restés plus prudents.C’est le cas de Daniel Dubois, séna-teur et leader de l’opposition dans laSomme qui sait, pour avoir été pré-sident du conseil général de 2005 à2008, que la gestion d’un départe-ment ne se résume pas à quelqueschiffres : « Quand on entreprend untravail de ce type, il faut évidemmentcomparer des choses qui sont compa-rables. S’agissant de Départements, ilfaut au minimum prendre des collec-tivités de strates et de configurationscomparables. ». Même discours ducôté de Franck Pia, candidat de ladroite unie, avec Nadège Lefebvre,dans le canton de Beauvais sud. « Cesétudes me laissent perplexes », dit-il.Pour Daniel Dubois, l’élément cléqui rend ce classement sujet à cau-tion, c’est le choix qui a été fait, pa-radoxalement, d’exclure les dé-penses sociales : « Comment peut-onréaliser une enquête en zappant unposte qui représente 50 % des dé-penses, et si vous ne prenez pas encompte l’état social du départe-ment ? »

Frank Pia (candidat de droitedans l’Oise) : « Cela peut servirde système d’alarme »

Ce qui ne veut pas dire pour autant,que l’élu centriste décerne un satis-fecit à la gestion rose-rouge-vertede la Somme, estimant par exemple,qu’il y aurait probablement moyende faire mieux en termes de rationa-lisation des dépenses de personnels.Un des chevaux de bataille de ladroite dans les collectivités est le

montant des dépenses de fonction-nement censées grever les possibili-tés d’investissement.S’il n’accorde que peu d’importanceau classement établi par BFM,Franck Pia estime en revanche qu’ilpeut servir de « système d’alarme »sur la gestion des finances pu-bliques. « Il y en a certaines que l’onaurait pu éviter », tranche-t-il. Et deciter les « 39 millions d’euros dépen-sés depuis 2009 » par le conseil géné-ral de l’Oise pour équiper les collé-giens en matériel informatique dansl’opération Ordi-60. Si l’intentionest louable, les dérives existent et dumatériel payé par le contribuables’est quelque fois retrouvé sur lessites de petites annonces. « Le Dé-partement est fortement endetté, etles impôts sont très élevés, noteFranck Pia. Nous serons confrontés àdes choix. Il y aura des arbitrages àfaire entre les dépenses dont certainestiennent surtout de la communica-tion. »

▶ Les 22 et 29 mars, auront lieudes élections départementalesqui permettront de renouvelerles conseils départementaux.▶ Les équipes sortantess’efforcent de mettre en avantleur bilan et leur gestion.▶ Une « enquête » réalisée parBFM classe la Somme et l’Aisneaux 79e et 62e rangs (sur 81)parmi les Départements lesmoins biens gérés gérés. L’Oise est 21e.

LES FAITS

LESREPÈRES

LE FONCIER BÂTI ▶ Il représente l’essentiel des recettes fiscales desDépartements. De 2011 à 2013, son taux est passé de 24,16 % à 25,54 %,dans la Somme ; il est resté stable à 31,72 %, dans l’Aisne, et à 21,54 %,dans l’Oise. Mais même si le taux n’augmente pas, les bases locativessur lesquelles sont appliquées les taux sont décidés chaque année par leParlement. En 2013, par exemple, la revalorisation votée a été deux foisplus forte que l’inflation (1,8 % pour un taux d’inflation de 0,9 %)...

LES TRANSPORTS SCOLAIRES ▶représentent une dépense importantepour les départements. Dans l’Oise, le coût est chiffré à 1 100 euros par anet par élève. Ce département a faitle choix de maintenir la gratuité.

Même l’opposition de droitedemeure prudente

Yves Daudigny, président socialiste du conseil général de l’Aisne : « Pas grand chose à dire »

« Il n’y a pas grand chose à dire de ce type de classement, tout simple-ment parce qu’il y a une très forte disparité de situation entre les départe-ments... » À Laon, Yves Daudigny, le président socialiste du conseil géné-ral de l’Aisne ne se fait pas un monde de sa peu enviable 62e place (sur 81départements de métropole) dans le classement, même s’il s’attend à cequ’elle soit exploitée politiquement, campagne électorale oblige. « Compa-rer un département breton qui compte 8 % de chômeurs et l’Aisne qui encompte 14 %, ça n’a véritablement aucun sens. » Interrogé sur l’envolée del’endettement du département entre 2008 et 2013, le président assume :« C’est un choix que nous avons fait dans un contexte de crise, d’emprun-ter 45 M € pour soutenir l’investissement. Mais si nous l’avons fait, c’estaussi parce que les taux étaient historiquement bas... »

Au conseil général de l’Oise, on estimeque la vraie jaugeen matière de gestionreste l’avis délivré parles agences de notation

« Comment peut-onréaliser une enquête en zappant le social, qui représente 50 % des dépenses »Daniel Dubois, sénateur UDI

Le très contestable classement de BFMÀ trois semaines du 1er tour des élections départementales, BFMBusiness a vou-lu passer au crible la gestion des conseils généraux sortants. Intention louablequand on sait que les 101 départements français gèrent près de 80 milliardsd’euros. Mais deux choix de nos confrères ont de quoi laisser sceptiques. Pre-mier élément, et non des moindres : BFM s’est basé sur les budgets primitifs2014 des départements. Surprenant : le budget primitif est un acte qui pro-gramme des dépenses. Certaines se retrouvent gonflées quand d’autres aucontraire sont sous-estimées, comme en témoignent les comptes administra-tifs, véritables et uniques photographies des recettes et dépenses réellementréalisées par les collectivités. Par ailleurs, cette « étude » met sur un piedd’égalité l’ensemble des départements. Comment comparer une collectivitécomme le Nord, forte de 2,6 millions d’habitants, avec un département commela Creuse ou la Lozère (avec respectivement 121 000 et 100 000 habitants), alorsque ces départements vivent des réalités forts différentes ?Retrouvez le classement sur internet : http://bfmbusiness.bfmtv.com

consultables sur www.collectivites-locales.gouv.fr. Seule l’Aisne n’a pas communiqué les données que nous lui réclamions.

RÉGION À LA UNECOURRIER PICARD LUNDI 9 MARS 2015

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TRE02.

RÉGION À LA UNELUNDI 9 MARS 2015 COURRIER PICARD

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TRE02.

C’est un de ces classementscomme la planète média lesaffectionne, en particulier

quand ils permettent de pointerdu doigt les élus, les dépensespubliques ou le service du mêmenom. Et comme souvent, celui-làfait réagir, a fortiori en ces tempsde campagne électorale, alorsque les élus sont à fleur depeau… BFM Business a sorti il y aquelques jours un classementdes départements français les« mieux » et les « moins bien » gé-rés, dans lequel la Sommes’illustre avec un rang qui avoi-sine son numéro dans la nomen-clature des départements : 79e

sur 81 départements de métro-pole !

Dépenses de fonctionnement,d’investissement, effort en fa-veur des collèges et des routes,impôts, dette… Le Samarienmoyen, s’il s’en tient aux ta-bleaux figurant sur le site deBFM, ne pourra qu’être effrayé(ou affligé…) à l’idée de résiderdans un département « aussi malgéré ».

Sauf que la vie et l’interpréta-tion des chiffres sont parfois unpeu plus compliqués que ne lelaisse croire la TV spectacle.

Piqué au vif, le Département dela Somme n’hésite pas à mettreen cause la bonne foi de ceux quiont réalisé l’enquête : « Unegrande partie du classement estfondée sur des à priori idéolo-giques et sur une vision à la sur-face des enjeux, estime le cabinetdu président Manable (PS). Pourne prendre qu’un exemple ; laSomme a fait le choix fort du déve-loppement numérique dans lescollèges, cela a permis que les col-légiens samariens disposent d’unordinateur pour trois élèves quandla moyenne nationale est d’un or-dinateur pour six. On pourraitpenser que c’est de la « bonne ges-tion ». Selon BFM Business, c’est lesigne d’une mauvaise gestionpuisque cela augmente les « fraisde fonctionnement » et les « fraisde personnels ».

Au-delà de la polémique surfond de campagne électorale, onne peut que s’interroger sur lescritères retenus pour qualifier de« bonne » ou « mauvaise » la ges-

tion des départements. Ainsi,l’enquête de BFM Business exclutvolontairement les dépenses so-ciales, au motif – juste – qu’ils’agit d’une dépense imposée parl’État et qu’elle ne peut donc pasêtre imputée aux Départementsen termes de choix. Exact.

La Somme et l’Aisne versent plus de RSA que les Hauts-de-SeineSauf qu’elle pèse mécanique-

ment sur les dépenses en per-sonnels du Département. Pourinstruire les dossiers et payer auxallocataires ce qui leur est dû, ilfaut des agents. Or tous les dé-partements ne sont pas sur unpied d’égalité. Proportionnelle-ment, la Somme et l’Aisnecomptent bien plus d’allocatairesdu RSA qu’un départementcomme les Hauts-de-Seine, infi-niment plus riche. Suffit-il de dé-penser moins pour le personnelpour « mieux gérer », sans s’inter-roger sur l’utilité sociale de la dé-pense ?

Et la même remarque vaut pourl’investissement. Cette fois, la

prime de bonne gestion décernéepar BFM Business, va aux Dépar-tements qui dépensent le plus.Mais là encore, sans s’interrogersur le « pourquoi » ni le « com-ment ». Si l’on prend l’exempledes collèges, les situations serontlà encore, contrastées selon lesdépartements ; état général desétablissements, nombre dejeunes en âge de fréquenter uncollège... Pourquoi faudrait-il in-vestir dans des constructionsquand les collèges sont ennombre suffisant ? Autreexemple les routes. Les départe-ments ruraux et/ou très étendus,n’ont pas le même réseau que lesdépartements urbanisés, etc.

À la direction financière duconseil général de la Somme onrappelle qu’il faut distinguer « si-tuation financière » et « qualitéde la gestion ». Or, se contenterde relever le montant de l’inves-tissement sur une année précise,c’est en réalité faire état d’une si-tuation financière à un instant« T ».

Même dans l’Oise, départementplutôt bien placé dans le classe-ment BFM Business (21e rang), onrappelle que ce genre d’enquêtea essentiellement pour vocationde faire le buzz. La vraie jauge enmatière de gestion, restant l’avisdélivré par les agences de nota-tion, telle que Standard & Poor’s,

et les mesures concrètes prisespour rationaliser les dépenses.

Et le cabinet d’Yves Rome, pré-sident du conseil général, de ci-ter en exemple la question destransports scolaires : « Nousavons fait le choix de maintenir lagratuité, mais avec une cartetransport à 50 euros, qui limitel’emprunt des cars scolaires sanscontrôle et permet d’ajuster l’offreau nombre réel des enfants trans-portés. »

De quoi rappeler qu’effective-ment, la vie est parfois plus com-pliquée que ne le laissent en-tendre les classements de cetype.

PHILIPPE FLUCKIGER

DÉPARTEMENTALES 2015

S’il suffisait dedépenser moinspour bien gérer…Dépenser moins en personnel et investirun maximum… Voilà à quoi se résumeraientles critères de bonne gestion des départements, selon une enquête de BFM Business. Pas si simple.

Les chiffres des finances des collectivités locales (basés sur les comptes administratifs) sont

59,4 % des dépensesde

fonctionnement du départementde l’Aisne vont à l’action sociale.

LE CHIFFRE« Comparer un département breton,qui compte 8 % de chômeurs, et l’Aisne,qui en compte 14 %, ça n’a véritablementaucun sens »Yves Daudigny, président du Département de l’Aisne

LA PHRASEDOTATIONS DE L’ÉTAT ▶ Le Départementde la Somme, comme d’autres, réclame à l’État un important arriéré pour les prestations sociales qui ne sont plus couvertes par les dotations d’État. Ce dernier s’était pourtant engagé à compenser ces dépenses.

Si une partie des droites départe-mentales s’est fait un plaisir de sau-ter sur les résultats de cette enquêtepour critiquer les exécutifs en place,les ténors aux conseils généraux dela Somme et de l’Oise sont en re-vanche restés plus prudents.C’est le cas de Daniel Dubois, séna-teur et leader de l’opposition dans laSomme qui sait, pour avoir été pré-sident du conseil général de 2005 à2008, que la gestion d’un départe-ment ne se résume pas à quelqueschiffres : « Quand on entreprend untravail de ce type, il faut évidemmentcomparer des choses qui sont compa-rables. S’agissant de Départements, ilfaut au minimum prendre des collec-tivités de strates et de configurationscomparables. ». Même discours ducôté de Franck Pia, candidat de ladroite unie, avec Nadège Lefebvre,dans le canton de Beauvais sud. « Cesétudes me laissent perplexes », dit-il.Pour Daniel Dubois, l’élément cléqui rend ce classement sujet à cau-tion, c’est le choix qui a été fait, pa-radoxalement, d’exclure les dé-penses sociales : « Comment peut-onréaliser une enquête en zappant unposte qui représente 50 % des dé-penses, et si vous ne prenez pas encompte l’état social du départe-ment ? »

Frank Pia (candidat de droitedans l’Oise) : « Cela peut servirde système d’alarme »

Ce qui ne veut pas dire pour autant,que l’élu centriste décerne un satis-fecit à la gestion rose-rouge-vertede la Somme, estimant par exemple,qu’il y aurait probablement moyende faire mieux en termes de rationa-lisation des dépenses de personnels.Un des chevaux de bataille de ladroite dans les collectivités est le

montant des dépenses de fonction-nement censées grever les possibili-tés d’investissement.S’il n’accorde que peu d’importanceau classement établi par BFM,Franck Pia estime en revanche qu’ilpeut servir de « système d’alarme »sur la gestion des finances pu-bliques. « Il y en a certaines que l’onaurait pu éviter », tranche-t-il. Et deciter les « 39 millions d’euros dépen-sés depuis 2009 » par le conseil géné-ral de l’Oise pour équiper les collé-giens en matériel informatique dansl’opération Ordi-60. Si l’intentionest louable, les dérives existent et dumatériel payé par le contribuables’est quelque fois retrouvé sur lessites de petites annonces. « Le Dé-partement est fortement endetté, etles impôts sont très élevés, noteFranck Pia. Nous serons confrontés àdes choix. Il y aura des arbitrages àfaire entre les dépenses dont certainestiennent surtout de la communica-tion. »

▶ Les 22 et 29 mars, auront lieudes élections départementalesqui permettront de renouvelerles conseils départementaux.▶ Les équipes sortantess’efforcent de mettre en avantleur bilan et leur gestion.▶ Une « enquête » réalisée parBFM classe la Somme et l’Aisneaux 79e et 62e rangs (sur 81)parmi les Départements lesmoins biens gérés gérés. L’Oise est 21e.

LES FAITS

LESREPÈRES

LE FONCIER BÂTI ▶ Il représente l’essentiel des recettes fiscales desDépartements. De 2011 à 2013, son taux est passé de 24,16 % à 25,54 %,dans la Somme ; il est resté stable à 31,72 %, dans l’Aisne, et à 21,54 %,dans l’Oise. Mais même si le taux n’augmente pas, les bases locativessur lesquelles sont appliquées les taux sont décidés chaque année par leParlement. En 2013, par exemple, la revalorisation votée a été deux foisplus forte que l’inflation (1,8 % pour un taux d’inflation de 0,9 %)...

LES TRANSPORTS SCOLAIRES ▶représentent une dépense importantepour les départements. Dans l’Oise, le coût est chiffré à 1 100 euros par anet par élève. Ce département a faitle choix de maintenir la gratuité.

Même l’opposition de droitedemeure prudente

Yves Daudigny, président socialiste du conseil général de l’Aisne : « Pas grand chose à dire »

« Il n’y a pas grand chose à dire de ce type de classement, tout simple-ment parce qu’il y a une très forte disparité de situation entre les départe-ments... » À Laon, Yves Daudigny, le président socialiste du conseil géné-ral de l’Aisne ne se fait pas un monde de sa peu enviable 62e place (sur 81départements de métropole) dans le classement, même s’il s’attend à cequ’elle soit exploitée politiquement, campagne électorale oblige. « Compa-rer un département breton qui compte 8 % de chômeurs et l’Aisne qui encompte 14 %, ça n’a véritablement aucun sens. » Interrogé sur l’envolée del’endettement du département entre 2008 et 2013, le président assume :« C’est un choix que nous avons fait dans un contexte de crise, d’emprun-ter 45 M € pour soutenir l’investissement. Mais si nous l’avons fait, c’estaussi parce que les taux étaient historiquement bas... »

Au conseil général de l’Oise, on estimeque la vraie jaugeen matière de gestionreste l’avis délivré parles agences de notation

« Comment peut-onréaliser une enquête en zappant le social, qui représente 50 % des dépenses »Daniel Dubois, sénateur UDI

Le très contestable classement de BFMÀ trois semaines du 1er tour des élections départementales, BFMBusiness a vou-lu passer au crible la gestion des conseils généraux sortants. Intention louablequand on sait que les 101 départements français gèrent près de 80 milliardsd’euros. Mais deux choix de nos confrères ont de quoi laisser sceptiques. Pre-mier élément, et non des moindres : BFM s’est basé sur les budgets primitifs2014 des départements. Surprenant : le budget primitif est un acte qui pro-gramme des dépenses. Certaines se retrouvent gonflées quand d’autres aucontraire sont sous-estimées, comme en témoignent les comptes administra-tifs, véritables et uniques photographies des recettes et dépenses réellementréalisées par les collectivités. Par ailleurs, cette « étude » met sur un piedd’égalité l’ensemble des départements. Comment comparer une collectivitécomme le Nord, forte de 2,6 millions d’habitants, avec un département commela Creuse ou la Lozère (avec respectivement 121 000 et 100 000 habitants), alorsque ces départements vivent des réalités forts différentes ?Retrouvez le classement sur internet : http://bfmbusiness.bfmtv.com

consultables sur www.collectivites-locales.gouv.fr. Seule l’Aisne n’a pas communiqué les données que nous lui réclamions.