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Internationaux Magazine du Comité Français de la Chambre de Commerce Internationale Internationaux N° 105 - Avril 2016 © MEDEF – 2016 Pierre Gattaz « Ceux qui investissent doivent bénéficier de sécurité et de lisibilité dans le traitement fiscal ». Michel SAPIN, Ministre des Finances et des Comptes publics « Le cadre de l’OMC est le seul cadre garant des règles multilatérales applicables à tous ». Pierre GATTAZ Interview exclusive Président du Medef DOSSIER Fiscalité internationale

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« Ceux qui investissent doivent bénéficier de sécurité et de lisibilité dans le traitement fiscal ».

Michel SAPIN, Ministre des Finances et des Comptes publics

« Le cadre de l’OMC est le seul cadregarant des règles multilatérales applicables à tous».

Pierre GATTAZInterview exclusive

Président du Medef

D O S S I E R

Fiscalité internationale

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ÉCHANGES INTERNATIONAUXEST LE SEUL MAGAZINE D’INFORMATION

D’ICC FRANCE, COMITÉ NATIONAL FRANÇAISDE LA CHAMBRE DE COMMERCE

INTERNATIONALE

Éditeur : Comité Français de la Chambrede Commerce Internationale9 rue d’Anjou - 75008 Paris Tél : 01 42 65 12 66 Fax : 01 49 24 06 39www.icc-france.fr

Directeur de la publication : Gérard WORMS

Rédacteur en chef : François GEORGES

Conseillère éditoriale : Marie-Paule VIRARD

Régie publicitaire : Éditions OPAS 41, rue Saint-Sébastien - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 11 00 Fax : 01 49 29 11 46

Éditeur conseil : Jean-Pierre KALFON

Directeur commercial : David ADAM

Dépôt légal 92892

Imprimeur :

PrintCorp

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ECHANGES INTERNATIONAUXMagazine du Comité Français de laChambre de Commerce Internationale

Avril 2016 - N°105

ICC France à l'initiative sur de nombreuxdossiers………………………………………………………………………………2

par Gérard WORMS, Président d’ICC France

INTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ,Président du Medef« Le cadre de l’OMC est le seul cadre garant des règles multilatérales applicables à tous »…………………………………… 3

POLITIQUE GÉNÉRALE

■ La transaction en droit de la concurrence,

une idée neuve en Europe ………………………… 7Noëlle LENOIR, Partner, Kramer Levin Naftalis et Frankel

Dan ROSKIS, Partner, Eversheds

et Jean-Paul TRAN-THIET, Partner, White & Case

■ Les sanctions douanières seront-elles enfin

harmonisées au sein de l’UE ? ………………… 8Odile COURJON, Avocat associée, Taj

■ La portée juridique de l'Accord de Paris

sur le changement climatique……………………… 9Patrick THIEFFRY, Avocat, Arbitre et Professeur

associé de droit de l’environnement à l’École

de Droit de la Sorbonne

AUTORÉGULATION

■ Nouvelle Déclaration ICC sur la liberté de

communication commerciale …………………… 11Stéphane MARTIN, Directeur général de l’Autorité de

régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

■ L'ICC prépare un contrat modèle

de joint-venture………………………………………… 12Isabelle SMITH MONNERVILLE, Avocat associée,

Smith D’Oria

RÉSOLUTION DES LITIGES

■ Des avantages de l’expertise dans

la médiation internationale ……………………… 13Jean-Luc FOURNIER, Expert-comptable agréé par la Cour

de cassation et inscrit près la Cour d’appel

■ Dispute Boards : le nouveau

règlement ICC…………………………………………… 14José ROSELL, Partner/Avocat au Barreau de Paris,

Hugues Hubbard & Reed LLP

■ Un rapport ICC sur les décisions relatives

aux coûts dans l’arbitrage international … 15Philippe CAVALIEROS, Avocat au Barreau de Paris,

Associé Winston & Strawn LLP, co-président du groupe

de travail de la commission de l’Arbitrage & ADR d’ICC

DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

S O M M A I R E

POINTS DE VUE

■ La CGPME aide les PME à booster leur chiffre d’affaires à l’international ……… 30François TURCAS, Vice-président de la CGPME en

charge de l'International

■ Levée des sanctions internationales contre l’Iran : les effets du dégel et du snap back …………………………………………………… 31Jean-François ADELLE, Associé, Jeantet, Finance

et Hélène PAYEN, Avocat, Jeantet, Finance

ÉVÉNEMENTS

■ Le Trade Finance en 2016 au programmed'un récent séminaire ICC France………………… 32Claude CAGNONCLE, Président de Crédimpex France

■ BEPS : un rendez-vous manqué ? ………… 22Catherine HENTON, Directrice fiscale, groupe Sanofi

■ Lutter contre la fraude à la TVAdans le e-commerce ………………………………………… 24Eric ANTHOINE, Directeur fiscal, groupe Carrefour

■ Vers une certification fiscale ? ………………… 25Gianmarco MONSELLATO, Président de la

commission Fiscale du Comité Français,

Avocat associé, Taj, Membre de Deloitte

■ Rapport BEPS 2015 : L’OCDE augmente les risques de doubles impositions ………………………………… 27Eric LESPRIT, Avocat associé, Taj

■ Présentation du dossier ………………………………… 17

François GEORGES, Délégué général d'ICC France

■ Un cadre fiscal équitable, efficace

et stable, c'est la clé de la réussite de nos entreprises à l'international ……………… 18Michel SAPIN, Ministre des Finances et des Comptes

publics

■ Plan BEPS : un tournant majeur dans

l’histoire de la fiscalité internationale … 20Pascal SAINT-AMANS, Directeur du Centre de politique

et d’administration fiscales de l’Organisation de

Coopération et de Développement Économiques

(OCDE)

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Le Comité Français de la Chambre de Commerce Internationale a développé,au cours de ces derniers mois, un grand nombre d’initiatives, et il me paraîtutile de retracer ici quelques unes d’entre elles.

Dans le prolongement de la COP21, nous allons d’une part suivre les progrèsdes entreprises de notre pays dans la mise en œuvre des recommandationsque nous avions émises. C’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon…Nous allons d’autre part organiser une concertation entre les aspects« Trade » et l’instauration espérée d’un prix du carbone au niveau mondial,en vue d’un travail en commun sur ce sujet lors du prochain « Business andClimate Summit » qui se tiendra fin juin à Londres. S’agissant de l’OMC,nous participons activement à la rencontre prévue fin mai entre ses dirigeants

et ceux de l’ICC, rencontre destinée, six mois après la Conférence de Nairobi, à faire le point des avancéesqu’elle aura permises. Nous avons par ailleurs invité Pascal Lamy à être notre intervenant principal lors del’Assemblée Générale qui aura lieu le 5 juillet prochain. Ses propos devraient être d’un particulier intérêt en ces temps où le commerce international ne croît plus à un rythme supérieur à celui de la croissance,contrairement à ce qui fut le cas, y compris dans un passé récent.

Certaines causes de cette évolution sont certes naturelles, par exemple la part croissante des services dansle PIB mondial, services qui engendrent moins d’échanges commerciaux transfrontières que l’industrie.Mais d’autres facteurs plus préoccupants sont à l’œuvre, telle la montée des protectionnismes, et c’est le rôlede l’ICC, à nos yeux, que d’essayer de faire la part de ces diverses composantes dans la chute de l’élasticitédu commerce mondial par rapport au PIB de la planète. Pascal Lamy nous donnera sûrement là-dessus despistes de travail.

Une autre de nos priorités, à laquelle nous venons de consacrer un séminaire, et que notre Conseild’Administration nous a incités à accentuer, porte sur les méfaits d’un excès d’application des procédures ditesd’extraterritorialité, qu’on voit notamment poindre, à des fins non désintéressées, dans les modalités de levéeprogressive des sanctions internationales à l’encontre de certains pays. Il est, là aussi, du ressort de l’ICC, quil’a déjà fait dans le passé, de faire connaître ses vues sur ce sujet, capital pour les entreprises exportatrices.

La présente livraison de notre magazine Échanges Internationaux fait par ailleurs écho à deux renforcementsrécents des activités d’ICC France : le premier concerne la fiscalité internationale, à laquelle est consacré ledossier thématique de ce numéro, et qui, de l’avis même du nouveau Président de notre commission Fiscale,Gianmarco Monsellato, pèse de plus en plus sur les choix des entreprises dans leurs investissements. Je remercie au passage le ministre Michel Sapin d’avoir bien voulu exposer dans nos colonnes ses vues surle sujet. Je remercie également Pascal Saint-Amans qui dirige le Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE pour avoir accepté d'éclairer le débat fiscal dans notre magazine. Le second renforcementest celui de notre coopération avec le Medef, qui a toujours été cordiale, mais dont il a été convenu lors d’unerencontre avec Pierre Gattaz, lui aussi invité de ce numéro, qu’elle pourrait être développée, notamment lorsqu’une position française devait trouver un relais international, que nul mieux que l’ICC ne peut rechercher. C’est ce qui s’est produit sur le sujet de l’évaluation en douane et des prix de transfert, où lesrecommandations du Medef sur ce sujet complexe ont pu être reprises par l’ICC et acheminées avec succèsauprès de l’Organisation Mondiale des Douanes qui les a publiées dans son guide destiné aux États-membres.

Plus généralement, les modes de travail d’ICC France font de plus en plus appel aux partenariats avecd’autres organisations professionnelles, comme le Cercle Montesquieu sur des sujets comme la justice transactionnelle dans la lutte contre la corruption ou avec l’AFJE sur l’application extraterritoriale des droitsnationaux, ou encore, avec ces deux organisations et d’autres, dans la création récente de l’association ParisPlace de Droit.

N’hésitez pas, chers lecteurs, nos partenaires vous aussi, à nous questionner sur tout cela, ou à vous adresser vos suggestions. Nous les accueillerons avec beaucoup d’intérêt.

ICC France à l'initiative surde nombreux dossiers

ÉDITORIAL

Gérard WORMS

Président d’ICC FrancePrésident d’honneur de la Chambre de Commerce Internationale

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Au moment où le pays est secoué par le débat autour de la loi Travail, le Président duMedef, Pierre Gattaz, réaffirme sa foi dans la capacité des entreprises françaises à fairevaloir leurs atouts dans la mondialisation et fait le point sur les initiatives que le Medefcompte prendre dans les mois qui viennent pour les accompagner à l'international.

« Le cadre de l’OMC est le seul cadre garantdes règles multilatérales applicables à tous »

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ, PRÉSIDENT DU MEDEF

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La mondialisation est un accélérateur de croissance et une source d’opportunitésavec plus de 7 milliards d’individus à équiper aujourd’hui, et près de 10 milliards d’ici à 2050.

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Brexit. La construction européennedoit sans doute être réinventée, dumoins améliorée. Mais en aucun cascela ne doit décourager nos entrepri-ses de l’aventure internationale.

E.I. Quel message souhaitez-vous

faire passer pour défendre la

mondialisation comme vecteur de

croissance et de développement

pour nos entreprises ? Quels sont

les atouts des firmes françaises ?

P.G. La mondialisation n’est pas uneoption, c’est une réalité devenueincontournable : la conquête de marchés à l’export est indispensablepuisque 90 % de la demande mondia-le se feront hors de l’UE d'ici 10 à 15 ans. Dans un contexte de croissancefrançaise faible, elle incarne un levierde compétitivité et de développement.La mondialisation est un accélérateurde croissance et une source d’oppor-tunités avec plus de 7 milliards d’individus à équiper aujourd’hui, etprès de 10 milliards d’ici à 2050.Ensemble, l’Europe et les pays émer-gents offrent des perspectives decroissance importantes comme entémoigne l’émergence d’une classemoyenne estimée à 4 milliards d’indi-vidus d’ici 15 ans. Et la France a des

atouts formidables à faire valoir ! Nosentreprises ont des savoir-fairereconnus à l’international. Elles peuvent aussi s’appuyer sur la francophonie, l’innovation et la« French touch » pour davantage tirerprofit des marchés internationaux.

E.I. Vous avez indiqué récemment

avoir l'intention de vous impliquer

personnellement pour promouvoir

les entreprises françaises à

l'international et l'attractivité de

notre pays dans la mondialisation.

Concrètement, quelles sont les

actions que le Medef va engager au

cours des prochains mois ?

P.G. Le Medef s’est toujours engagéau quotidien auprès des entreprisespour leur permettre de rayonner et defaire valoir leurs savoir-faire. Cetteannée, il renforcera son action au travers d’un projet articulé autour de5 axes :• Convaincre et sensibiliser les

entreprises aux opportunités de lamondialisation, et leur donner enviede s’internationaliser.

• Commercialiser et valoriser nosatouts et savoir-faire français pourfaciliter la vente de nos produits etattirer davantage d’investissementsétrangers.

• Chasser en meute afin, en jouantcollectif, de conquérir les marchésinternationaux.

• Coopérer et fédérer les différentsacteurs du commerce extérieur enFrance afin de faciliter la lecturedes dispositifs existants par lesentreprises, à l’image par exempledu portail France-International quirassemble tous les acteurs de l’export.

• Créer et contribuer au renforce-ment de l’influence normative etréglementaire française en Europeet à l’international. Ceci placera lesentreprises françaises en positionde force dans la mondialisation.

E.I. Vous avez participé récemment

au salon de la high tech à Las Vegas

où la French Tech a fait parler

d'elle. Qu'est-ce qui vous paraît

particulièrement encourageant

quant au potentiel des jeunes pousses

françaises dans ce secteur ?

P.G. Cette délégation a permis dedonner de la visibilité aux start-ups

Échanges Internationaux. La

croissance mondiale et les

échanges donnent des signes

de ralentissement tandis que l'on

parle de plus en plus de « démon-

dialisation ». Êtes-vous préoccupé

de voir cette tendance s'installer ?

Pierre Gattaz. En dépit du ralentisse-ment de la croissance des échangesinternationaux, parler de « démon-dialisation » est exagéré au sens où lecommerce international continue à seconstruire autour d’une logique dechaînes de valeur qui dépassent les frontières géographiques. Cela traduit parfois une incompréhension et une méconnaissance de la « mondialisation » alors qu’elle esttrès concrète et ancrée dans notrequotidien puisque vous pouvez, parexemple, acheter sur Internet desvêtements qui ne sont pas vendus enFrance. La mondialisation est uneopportunité majeure pour nos entre-prises, qu’elles soient industrielles,de service, du commerce ou du bâtiment. C’est un levier de croissanceet de création d’emplois pour notre pays.

E.I. Quels sont, de ce point de vue,

les principaux risques qui pèsent

sur les perspectives de développe-

ment des entreprises françaises à

l'international en 2016 ?

P.G. Les entreprises doivent s’adapteren permanence dans un contexteactuel marqué par les tentations derepli protectionniste et des tensionsgéopolitiques. L’Europe traverse éga-lement des défis auxquels font faceles entreprises comme en témoignele sujet migratoire ou le débat sur le

Bio Express. Pierre Gattaz.

Pierre Gattaz, 56 ans, est Président du Medef depuis juillet 2013.Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Télécommunications

de Bretagne et titulaire d’un « Certificate in Administrative Management »à Georges Washington University (USA), il a débuté comme ingénieur d’affaires et chef de projet export chez Dassault Électronique avant de poursuivre sa carrière comme directeur général de Fontaine Électronique,puis de Convergie (filiale du Groupe Dynaction). Nommé directeur général del'entreprise familiale Radiall (composants électroniques) en décembre 1992,il est Président du directoire depuis janvier 1994. Pierre Gattaz a publiénotamment Les 7 piliers de la croissance où il analyse les difficultés denotre pays et développe ses propositions pour renouer avec la création derichesses et d'emplois. Dans le débat sur la réforme du Code du travail, il a souligné combien le retrait du projet de loi serait « dramatique » pour lepays.

INTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ, PRÉSIDENT DU MEDEF

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françaises qui ont pu témoigner deleurs talents et de leurs savoir-faire, y compris sur des technologies derupture qui feront les marchés dedemain. J’ai été particulièrementmarqué par l’accueil positif fait à l’écosystème tricolore symbolisé par laFrench tech , par des investisseurs etdes entreprises internationalementreconnues pour leurs innovations.Cela témoigne aussi d’une Francepleinement investie dans la révolutiondu numérique, et qui est capable departir à la conquête des marchésinternationaux indépendamment dela taille de ses entreprises.

E.I. Les milieux économiques

internationaux voient encore sou-

vent la France comme le pays des

35 heures et de l'hyper taxation.

Quelles sont les mesures à prendre

en priorité pour envoyer un signal

positif aux entreprises et aux

investisseurs étrangers ?

P.G. Dans une stratégie fiscale d’im-plantation, les principaux critèresretenus sont le taux d’imposition surles résultats, le poids de la fiscalitésur les facteurs de production, la simplicité et la stabilité des règlesd’assiette et de contrôle. Or, la fiscalitéfrançaise s’est excessivement alourdieau cours des dernières années. Pourles investisseurs étrangers, la Franceest enfermée dans un carcan fiscal etune instabilité chronique de sa régle-mentation. Elle cumule impôts sur lesrésultats et impôts sur la productiontrès élevés et à la hausse, alors que lesautres pays connaissent une baisseconstante, ce qui conduit la France àavoir la pression fiscale la plus forted’Europe selon Eurostat. Le taux d’im-position sur les sociétés est désormaissupérieur à 38 % alors que la moyenneeuropéenne est de 23 % et que laconcurrence avec nos partenaireseuropéens s’accentue afin d’attirer lesgroupes internationaux. Tel est le caspar exemple de la Grande-Bretagne,avec un taux annoncé de 18 % en 2020.Le surcoût fiscal net supporté par lesentreprises françaises dû au poids desimpôts sur les facteurs de productions’élevait en 2014 à 40 milliards d’eurospar rapport à l’Allemagne et à 27 milliards d’euros par rapport auRoyaume-Uni.La comparaison avec l’Allemagne està cet égard sans appel. En France, 44 nouvelles taxes ont été créées

entre 2010 et 2014, contre 2 enAllemagne. Cette inflation normativeet le nombre de prélèvements obliga-toires qui en résulte, sources de com-plexité et d’imprévisibilité, sont autantd’éléments qui pénalisent la France. Afin de faire de la politique fiscale unecomposante majeure de l’attractivitéde notre territoire, c'est donc unevision globale qu’il convient de mettreen œuvre, qui intègre une réductionvéritablement significative et immé-diate de la fiscalité sur les facteurs de production et sur les résultats etune simplicité et stabilité des règlesdu jeu fiscales. C’est une conditionindispensable pour permettre à laFrance de retrouver son aura écono-mique internationale.

E.I. Quelle est la position du Medef

sur la question de l'architecture de

la fiscalité internationale, de la

lutte contre l'optimisation fiscale

(le projet BEPS) ?

P.G. On ne peut qu’être favorable à lalutte contre la fraude fiscale qui portepréjudice à tous les contribuables,personnes physiques comme entre-prises. L’objectif du projet BEPS estdonc à saluer. Néanmoins, les travaux de l’OCDE ontété menés à terme en à peine deux ans, sans évaluation d’impact

Le surcoût fiscal net supporté parles entreprises françaises dû aupoids des impôts sur les facteurs de production s’élevait en 2014 à 40 milliards d’euros par rapport àl’Allemagne et à 27 milliards d’eurospar rapport au Royaume-Uni.

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INTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ, PRÉSIDENT DU MEDEFINTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ, PRÉSIDENT DU MEDEF

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suffisamment fiable, alors qu’il s’agitd’une réforme technique à l’ampleuret aux enjeux inégalés. Il en résultesouvent un manque de ciblage appro-prié des « fraudeurs », avec pourcorollaire un durcissement des légis-lations nationales et une augmenta-tion significative des obligations etdes coûts à la charge des entreprises.Il est donc primordial, pour assurer lacompétitivité de nos entreprises, quela mise en œuvre des mesures BEPSsoit effectuée de façon coordonnée et concomitante au niveau non seule-ment européen mais aussi mondial,notamment avec nos grands parte-naires économiques comme la Chineou les USA. Il est également nécessaireque les doubles impositions consécuti-ves à ce nouveau corpus de principeset de réglementations fassent l’objetd’une résolution effective et rapidepar les administrations compétentes.C’est aux États signataires de ces travaux BEPS de garantir aux entreprises un environnement fiscalpropice à leur développement, y compris à l’international.

E.I. Pensez-vous que le multilaté-

ralisme constitue la meilleure

manière d'harmoniser le commerce

mondial au bénéfice de tous les

acteurs ?

P.G. Le Medef est très attaché auxavancées faites par l’Organisationmondiale du commerce (OMC). Lecadre de l’OMC est le seul cadregarant de règles multilatérales appli-cables à tous, et permet d’éviter à nosentreprises, d’avoir à gérer de multi-ples règles. Au regard des résultatscontrastés de la dernière Conférenceministérielle de Nairobi, le Medefréfléchit avec ses membres à dessolutions pragmatiques qui permettrontaux entreprises de bénéficier d’unenvironnement propice à leur développement international.

E.I. Dans la négociation Europe-

États-Unis (TTIP), à quoi faut-il

veiller afin de préserver les inté-

rêts des firmes européennes et

françaises ?

P.G. Le Medef est favorable aux négo-ciations commerciales UE-États-Unisà condition qu’elles aboutissent à unpartenariat ambitieux et équilibré. Cetaccord est en effet l’opportunitéunique d’approfondir nos liens avec nos partenaires américains, et

d’ouvrir à nos entreprises de nouvellesopportunités à l’export. Le Medef est donc vigilant à ce que le TTIPaboutisse notamment à la facilitationdes exportations de biens et de services au travers, notamment maispas seulement, de la coopérationréglementaire ; une plus grandeouverture des marchés publics américains notamment au niveausub-fédéral ; l’inclusion des servicesfinanciers dans la négociation.

E.I. Que pensez-vous des dernières

propositions de l’UE relatives à la

constitution d’un tribunal perma-

nent de 15 magistrats pour traiter

des litiges liés aux investisse-

ments ?

P.G. En ce qui concerne la protectiondes investissements, la propositioneuropéenne va dans le sens de plu-sieurs de nos demandes, notammenten matière d’éthique et de transpa-rence. En revanche, nous avons desinquiétudes majeures en matièred’indépendance, de neutralité et d’efficacité de la justice. Comme tousles justiciables, les entreprises attendent une justice exemplaire etefficace. Nous travaillons donc à l’élaboration de propositions qui irontdans ce sens.

E.I. L'Union européenne doit-elle

reconnaître d'ici à la fin 2016 à la

Chine le statut d'« économie de

marché » et à quelles conditions,

selon vous, pour préserver les

intérêts de nos entreprises ?

P.G. La Chine est un partenaire com-mercial majeur pour les entreprisesfrançaises. Près de 1 400 d’entre ellessont implantées en Chine, pays quiest devenu notre 5ème fournisseurdevant les États-Unis et le Royaume-Uni. S’agissant du statut d’économiede marché, c’est un sujet sur lequel leMedef est très attentif, compte tenudes enjeux économiques qui y sontassociés. Il recommande aux autoritésfrançaises et européennes de : • Motiver toute décision qu’elles

prendraient à ce sujet, non seule-ment par l’angle juridique ou politique, mais aussi et surtout parl’angle économique. À cet effet, uneétude d’impact chiffrée sur l’emploien Europe et les échanges écono-miques entre la Chine et l’Unioneuropéenne est indispensable : laCommission devrait la réaliser.

• Associer les entreprises et les com-munautés d’affaires européennesau processus de décision, et veillerà la bonne informat ion desParlements nationaux et européensur le sujet.

• Engager un dialogue avec leurshomologues, notamment au Japonet aux États-Unis, avant de prendretoute décision, afin d’éviter des distorsions commerciales qui pourraient voir le jour si l’UEoctroyait le statut, alors que ses partenaires et néanmoins concurrentsdécidaient de ne pas le faire.

• Engager rapidement avec la Chineun dialogue au sujet des critèresfixés par la législation européenneencadrant l’octroi du statut d’écono-mie de marché.

• Continuer et renforcer le combatcontre le dumping et toutes les formes de concurrence déloyale engénéral, quel que soit le pays de sonorigine. Le Medef est très attaché àce que les instruments de défensecommerciale de l’Union européennesoient adaptés pour protéger effica-cement nos entreprises contre ledumping et les subventions dansune économie mondiale ouverte etde plus en plus intégrée.

E.I. Qu'attendez-vous d'une collabo-

ration féconde avec ICC France ?

Quelles sont les actions communes

que vous souhaiteriez mettre en

œuvre ?

P.G. Le Medef se réjouit des travauxconjoints menés au service du développement des entreprises, etnous aspirons bien sûr à continuerde porter conjointement cette ambi-tion. La Chambre de CommerceInternationale, dont nous sommesun membre actif, nous permet departiciper au débat mondial sur lesrègles du commerce international et de faire valoir nos positions. Je prendrai l’exemple des recom-mandations d’ICC sur les prix detransfert et la valeur en douane, très largement inspirées des propositions du Medef. Celles-ci ont ensuite été adoptées parl’ O rg a n i s a t i o n M o n d i a le d e sDouanes et diffusées auprès desÉtats-membres dans le guide consa-cré à ce sujet

INTERVIEW EXCLUSIVE DE PIERRE GATTAZ, PRÉSIDENT DU MEDEF

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La transaction en droit de laconcurrence, une idée neuveen Europe

Alors que la procédure américainedu plea bargaining renvoie àune tradition ancienne, la trans-

action n’a fait son entrée dans le droit de l’Union qu’en 2008 suivantdes modalités précisées par uneCommunication de la Commissioneuropéenne (2008/C 167/01 JOUE du2 juillet 2008). Celle-ci a déjà rendu,entre 2010 et 2015, 17 décisions aprèstransaction, soit près de 60 % desaffaires d’ententes à ce niveau. Si laCommission a la maîtrise de la procé-dure de transaction, l’allègement dutravail qui en résulte pour elle ne doitpas se faire au détriment des garan-ties du contradictoire devant précéderle prononcé de toute sanction.

I. Une procédure de transaction sous

l’entière maîtrise de la Commission.

Le but de la transaction n’est pas laconciliation, mais le renforcement del’efficacité du système de sanction. Il s’agit, selon la Communication de2008, de « traiter les affaires en plus grand nombre avec les mêmes ressources » pour pouvoir infligerdavantage de « sanctions efficaces etprononcées à temps, tout en renfor-çant, d’une manière générale, la dissuasion ». La conclusion d’unetransaction est récompensée par uneréduction de 10 % du montant de l’amende calculée sur la base deslignes directrices de la Commissionsur le calcul des amendes. L’opportunité d’une transaction,ouverte en principe à l’ensemble desparticipants à une entente, relève dela décision de la Commission enfonction de la « probabilité de parvenir dans un délai raisonnable[…] à une appréciation commune sur l’étendue des griefs ». La

Commission peut mettre un terme àtout moment à la transaction, dontpeuvent également se retirer desentreprises ayant initialement acceptéd’y participer. Dans un tel cas detransaction « hybride », l’instructionse poursuit pour ces entreprises suivant la procédure ordinaire. L’entreprise partie à une transactionn’entre pas en « négociation » avec laCommission qui la convie à de sim-ples « discussions bilatérales » auxtermes desquelles elle lui indique cequ'elle a retenu des faits, de leurqualification et de leur part deresponsabilité. L’entreprise est infor-mée oralement de la « fourchetted'amende probable » correspondantà ce à quoi elle peut s’attendre aumaximum, en fin de transaction. Sielle agrée à ce schéma, l’entreprisefait une proposition de transactionreprenant in fine les conclusions dela Commission, proposition reflétéedans la communication des griefsensuite notifiée à l’entreprise, puisdans la décision finale.

II. La nécessité de mieux préserver

les garanties du contradictoire

L’entreprise qui participe à une transaction est encouragée par laCommission à coopérer de manière àcapitaliser les réductions d’amendeauxquelles s’ajoutera le bonus de 10 %pour transaction. Ce bonus serait à lui seul peu attractif ; aussi laCommunication de 2008 insiste-t-ellesur un possible cumul de rabais(notamment pour clémence et pourtransaction), indiquant que « pourautant que la coopération fournie parune entreprise relève de deux commu-nications de la Commission, elle peutêtre récompensée à un double titre ».

Un tel cumul peut conduire à unereconnaissance très large de laresponsabilité des entreprises. C’estd’autant plus problématique que, dansses communiqués, la Commissionencourage les tiers à poursuivre aucivil les entreprises sanctionnées,avec à la clé le risque de dommages-intérêts très importants s’ajoutantdonc à des amendes souvent pharami-neuses. Ainsi, la Commission indiqueque « toute personne ou entrepriselésée par des pratiques anticoncur-rentielles (…) peut saisir les juridic-tions des États-membres pour réclamer des dommages et intérêts.La jurisprudence de la Cour de justicede l’Union européenne et le Règlementnº 1/2003 concernant les pratiquesanticoncurrentielles confirment tousdeux que, dans les affaires portéesdevant les juridictions nationales, unedécision de la Commission constitueune preuve contraignante de l’existen-ce et du caractère illicite des pratiquesen cause. Même si la Commission ainfligé des amendes aux entreprisesconcernées, des dommages et inté-rêts peuvent être accordés sans que lemontant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission ». Quant à la transaction hybride, ellemériterait d’être mieux encadrée afinde garantir à l’entreprise qui refuse detransiger, une véritable protection de ses droits, voire une égalité de traitement avec les entreprises ayanttransigé. Bien que de création récente(2008 dans l’UE et 2015 en vertu de la loi Macron mettant fin enFrance à la non-contestation desgriefs), la transaction doit être améliorée. Un groupe de travail, créé au sein de la commissionC o n c u r r e n c e d ' I C C F r a n c e , formulera des propositions.

Présente dans le droit de l'Union européenne depuis 2008 seulement, la transaction s'installeprogressivement dans le paysage européen. Toutefois, la procédure doit être encore amélioréeafin de préserver pleinement les garanties du contradictoire.

Noëlle LENOIR, Partner, Kramer Levin Naftalis et Frankel, Dan ROSKIS, Partner, Eversheds et Jean-Paul TRAN-THIET, Partner,

White & Case

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Les sanctions douanièresseront-elles enfin harmoniséesau sein de l’UE ?

Sur le principe, l’initiative ne peutqu’être saluée, puisque chaqueÉtat-membre dispose actuelle-

ment d’une totale autonomie pourconcevoir les sanctions et procéduresapplicables aux infractions douanières.Une situation qui conduit inévitable-ment à des différences de traitementet à l'apparition de voies de contour-nement qui vont au-delà de la simplefac i l i tat ion du dédouanement accordée aux opérateurs écono-miques : le traditionnel « customsshopping » se convertit parfois en« customs dumping ». Toutefois, sur le fond, la propositionde Directive n’est pas satisfaisante. Tout d’abord, il n'y a pas de coordi-

nation entre ce projet et le Code des

douanes de l’Union (CDU) applicable

à compter du 1er mai 2016. L’article42(1) du CDU dispose que « chaqueÉtat membre prévoit des sanctionsen cas d’infraction à la législationdouanière » quand le projet deDirective reste silencieux sur cesujet. Par ailleurs, les dispositionssur la prescription douanière ne sontpas davantage coordonnées. Dansson article 103, le CDU prévoit desdélais de reprise et de prescriptionde l’action en recouvrement de 3 ans,ou de 5 à 10 ans si le fait générateurest constitutif d’une infraction passible de poursuites pénales, alorsque le projet de Directive envisageune prescription de l’action enrépression d’une infraction douanièred’au minimum 4 ans et d’au maxi-mum 8 ans (art. 13).

Ensuite, le projet prévoit une typolo-

gie des infractions douanières

fondée sur le niveau de manque-

ment de l’opérateur :

• infractions douanières de respon-sabilité stricte : responsabilité sansfaute (avec une liste des situationsconcernées) ;

• infractions douanières commisespar négligence : responsabilitépour faute (négligence) (avec liste) ;

• infractions douanières commisesintentionnellement (avec liste).

Les sanctions prévoient une sorte debarème avec des plafonds en pour-centage de la valeur ou en montantforfaitaire, mais sans que le principede proportionnalité soit nécessaire-ment respecté, puisque certainesinfractions graves sont susceptiblesde sanctions plus faibles que cellesprévues pour les agissements demoindre importance. Ce systèmeintroduirait d’ailleurs une perturba-tion dans le régime français où l’échelle des peines est instrumenta-lisée par les transactions douaniè-res, parfois plus favorables que dessanctions forfaitaires. En revanche,le caractère opaque de l’échelle despeines disparaîtrait.Le catalogue des infractions devraêtre revu. Pour sanctionner les simples négligences administratives,telles que les erreurs de déclara-tions, il conviendrait d’introduire unesanction administrative sans carac-tère pénal. Les infractions sans fautedevraient aussi être supprimées, afinde ne sanctionner que les situationsassociées à une négligence inten-tionnelle de la part de l’opérateur.

D'où la nécessité de définir l’élément« intentionnel » de l’infraction.Enfin, le projet envisage d’harmoni-

ser les prescriptions douanières.

En plus des délais de 4 et 8 ans, il prévoit, qu’en matière d’infractionscontinues ou répétées, la prescrip-tion commence à courir le jour oùl’acte ou l’omission constitutif de l'infraction cesse (art. 13(2)). Celareviendrait à prendre en compte ladate de l’apurement de la dernièreopération et non la date d’entrée desmarchandises. Les infractions conti-nues ou répétées se multiplieraientet deviendraient imprescriptibles.Ainsi, dans sa version actuelle, le projet n’est pas en adéquation avecles intérêts des opérateurs écono-miques français. Déjà échaudés parl’allongement du droit de repriseadopté par anticipation pour d'autresÉtats membres, les opérateurs fran-çais devront faire entendre leur voixet suggérer des amendements. Maisla Douane française aussi doit évoluer : le CDU et ce projet deDirective lui offrent deux occasions depromouvoir une Douane moderneadaptée aux besoins des entreprisesde bonne foi, en dépénalisant leserreurs ou négligences administrati-ves non intentionnelles, qui ne devraitplus revêtir de caractère pénal et quidevraient continuer à relever d’undroit de reprise de 3 ans selon le CDU.La situation actuelle, qui ne se justifieque pour la lutte contre la fraude oule grand banditisme, doit évoluer afinde favoriser l’attractivité du territoirefrançais dans un environnement économique mondialisé.

Dans un souci d'harmonisation entre les États-membres, la proposition deDirective sur les infractions douanières et leurs sanctions est en discussion auParlement européen. L'initiative doit être saluée dans son principe, mais, sur lefond, le texte mérite débat. Un groupe de travail d'ICC France y apportera sacontribution.

Odile COURJON, Avocat associée, Taj, société d’avocats, Membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited, Membre de l’A3F

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La portée juridique de l'Accordde Paris sur le changement climatique

Contraignant », l’Accord de Parisl’est du point de vue du droitpublic international, c’est-à-

dire des relations inter-étatiques.D’une part, il revêt la forme d’un traité – il s’inscrit dans le cadre normatif de la Convention Cadre desNations Unies sur les ChangementsClimatiques (CCNUCC) –, ou plusexactement il s'y inscrira lorsqu’ilentrera en vigueur après avoir étésigné et ratifié par au moins 55 paysresponsables d’au moins 55 % desémissions estimées de gaz à effet deserre (GES), même s’il ne porte pasle nom de protocole afin de resterdans le champ des « executivepowers » du Président des États-Unis et éviter d’être soumis auCongrès majoritairement hostile.D’autre part, il contient la mêmeclause de règlement des différendsque celle de la Convention, mais une clause qui ne s’applique qu’aux différends entre les États-parties.Cependant, la situation est moinsclaire quant à la valeur normative deces dispositions, et en particulierquant à leur incidence pour l’Unioneuropéenne et ses États-membrescomme pour les entreprises ou lasociété civile.

Communiquer les contributions tous

les cinq ans

Ces dispositions sont apparues bienmoins contraignantes d’un point devue médiatico-politique, du fait qu’ellesne comprennent pas d’engagementindividuel chiffré de réduction des

émissions de GES comparables àcelles du protocole de Kyoto, engage-ment qui n’avait pas paru acceptableà quelques uns des acteurs majeurstels que les États-Unis. De la mêmefaçon, l’accord « vise » seulement à maintenir l’augmentation de la température globale moyenne « bienen dessous » de 2°C sous les niveauxpréindustriels et à « poursuivre desefforts » pour la limiter à 1,5°C. Deplus, les contributions des partiessont « déterminées nationalement »(les fameuses « NDCs ») même sielles « doivent » constituer pour lesdifférents pays des « efforts ambitieux(…) en vue d’atteindre » ces objectifs.À l’inverse, ces dispositions sontcependant plus contraignantes en ceque les parties « doivent » communi-quer leurs contributions tous les 5 ans, chacune représentant une pro-gression par rapport à la précédente.Cependant, les pays développés« devraient » tout au plus - ils ne le« doivent » pas - prendre l’initiativeen souscrivant des objectifs deréduction absolus tous secteursconfondus. Toutes les parties – paysdéveloppés comme pays en développe-ment - « doivent », de la même façon,se doter d’une planification de l’adaptation au changement clima-tique, laquelle est « établie » comme« objectif global », même si leursefforts à cet égard peuvent n’êtrequ’« appropriés ». Les pays en développement ontbeaucoup œuvré pour qu’un soutien« doive » leur être apporté pour lamise en œuvre de leurs efforts deréduction des émissions de gaz à

effet de serre aussi bien que d’adap-tation aux changements climatiques.Toutefois, cette obligation est cruelle-ment frappée d’indéterminationquant à ses débiteurs et à sesmoyens. D’ailleurs, les pays développésse limitent à assumer un rôle de leadership pour « mobiliser la financeclimatique d’une diversité de sources,instruments et canaux ». Peut-être plus important, du point de vue de l’effectivité de l’accord, les Etats-parties « doivent » rendrecompte de leurs contributions. Et on peut imaginer que la soumission de l’information ainsi rapportée à une « revue » d’expertise technique constitue un bon rempart à la procrastination ou à la négligence …Cependant, le « cadre de transparen-ce améliorée pour l’action et le soutien » qui est établi a pour objectifde construire une « confiancemutuelle » autant que de promouvoirune mise en œuvre effective del’Accord de Paris, le tout avec unegrande flexibilité. Il sera ainsi mis enœuvre d’une « manière facilitative,non intrusive, non punitive, dans lerespect de la souveraineté nationaleet en évitant d’imposer des fardeauxindus aux parties ».

Accord de Paris, société civile et

entreprises

Les obligations de « soft law »conviennent particulièrement endroit public international aux situationsdans lesquelles il est impossible ou prématuré pour les États de souscrire des engagements forts.L’Accord de Paris, sur le fond sinon

Être contraignant ou ne pas l'être… La question fut particulièrement débattuependant la COP21. Les conciliations opérées pour parvenir à l’adoption, par voiede consensus, de l’Accord de Paris sur le changement climatique, le 12 décembre2015, ne seront pas sans incidence sur sa portée juridique, tant à l’égard desentreprises que de la société civile.

Patrick THIEFFRY, Avocat, Arbitre et Professeur associé de droit de l’environnement à l’École de Droit de laSorbonne

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dans sa forme, en est un exemple. Les 195 pays participant à la COP21 y ont reconnu formellement le besoin« d’une réponse effective et progressiveà la menace urgente du changementcl imat ique », tout autant que « les besoins spécifiques et les circonstances spéciales des pays endéveloppement », la priorité « fonda-mentale » de préserver la sécuritéalimentaire ou encore l’importancede l’engagement à tous les niveauxd’administration ainsi que des différents acteurs. La communautéinternationale admet ainsi la nécessitéque tous les pays agissent, même sichacun le fait à sa façon. Carences, abstentions ou actionsinsuffisantes constituent de ce fait unenjeu juridique, que ce soit au regarddu droit international, régional ounational. Des juridictions de certainspays tiraient déjà à la veille de la COP21 les conséquences de tellesdéfaillances à l’instigation de lasociété civile, en fonction de la place- de plus en plus importante - qui luiest donnée par leurs systèmes juri-diques respectifs. Elles ne pourrontqu’être renforcées dans leur démar-che en lisant dans le préambule del’Accord de Paris que le changementclimatique est une préoccupationcommune de l’humanité et que, dansleur action dans le domaine clima-tique, les États devraient « respecter,promouvoir et prendre en considéra-tion leurs obligations respectives »au titre de divers droits fondamen-taux, notamment les droits de l’Homme, les droits à la santé, audéveloppement et même à l’« équitéintergénérationnelle ».Quant aux milieux d’affaires, on peutaussi bien relever leur absence formelle du texte de l’Accord de Parisqu’y observer leur omniprésenceimplicite. Sur qui d’autre, en effet, lesEtats-parties pourraient-ils se reposerpour donner une réalité pratique aux ambitieuses mesures esquisséesen faveur des soutiens financiers et technologiques aux pays en déve-loppement ? De manière plus immé-diate, il est vraisemblable que lesgrands groupes y trouvent un signalsuffisant pour conforter des stratégiesde moyen et long termes intégrant ladimension climatique. C’est peut-être moins évident pour la multitudedes autres acteurs, PME et consom-mateurs, dont une partie ne ressentpas encore la nécessité de modifierson comportement. À leur égard, et

de manière toute prosaïque, il fauts’attendre à ce que soient prises desmesures de droit positif, tangiblescar réglementaires, économiques ou fiscales, qui seront, un jour ou l’autre, décisives. Cela ne résulte pasdirectement de l’Accord de Paris,mais celui-ci constitue assurémentun aiguillon pour les législateurseuropéen et français.

Accord de Paris, droits français et

européen

La politique d’exemplarité qui avaitconduit l’Union européenne à anticipersur la mise en œuvre du protocole de Kyoto, puis sur la conférence deCopenhague, a cette fois-ci été repriseà son compte par le législateur français. L’ambition normative aussibien que programmatique de la loi du17 août 2015 relative à la transitionénergétique pour la croissance verteest ainsi considérable. Sans doute

appartenait-il à la France, en tantque pays hôte de la COP21 de sepositionner ainsi. Toutefois, il reste àmettre en œuvre, financer, contrôler,sanctionner, ces milliers de disposi-tions. Quant à l’Union européenne, elle asurtout brillé par sa discrétion, alorsmême que certains préconisaientqu’elle se voit conférer une compé-tence climatique exclusive, prévalantau besoin sur les préoccupationse n v i ro n n e m e n ta le s ( p a y s a g e ,ressources en eau ou biodiversité). Sisa contribution déclarée à hauteur de40 % de réduction des émissions d’ici 2030 par rapport à 1990, paraîtacquise, la question des instrumentsjuridiques pour y parvenir a été

réservée par le Conseil européen jusqu’après la Conférence de Paris. Certes, pour les plus grands émetteurs, la mise aux enchèresprogressive des quotas d’émission etleur réduction linéaire sont en place,et ne demandent plus qu’à être ren-forcées. La pertinence des soutiensfinanciers aux secteurs économiquesconfrontés à des risques significatifsou importants de « fuites de carbone »- lisez de délocalisation de produc-tion – est en tout cas confirmée par lamarge de manœuvre laissée parl’Accord à nos grands compétiteurs.Or, ces soutiens relèvent du contrôled e s a i d e s d ’ É ta t d o n c d e l aCommission européenne, souscontrôle juridictionnel restreint, etnon pas politique, ce qui peut paraîtrediscutable mais ne suscite pas de réactions des États-membrespropres à y faire obstacle, s’agissantde la moins mauvaise solution enl’absence de volonté politique des 28 États-membres. En tout état decause, il était sans doute impossiblede faire mieux, et il faut noter quecelui-ci observe un mutisme éclatantsur les « mesures climatiques » d’ajustement aux frontières par ledroit du commerce international,déférence obligée à l’égard de l’autreenceinte universelle qu’est l’OMC au sein de laquelle il est tout aussidifficile d’obtenir un accord pourremettre en cause les « disciplines »du libre-échange. Quant au « reste de l’effort à accom-plir », le principe d’un relèvement del’énergie de sources renouvelables à27 % dans le mix énergétique euro-péen et d’un relèvement à 27 % del’effort d’efficacité énergétique estégalement acquis. Cependant, leurmise en œuvre devrait relever deplans nationaux dont la compatibilitéavec ces object i fs de l’Union européenne serait assurée par unprocessus de « gouvernance » dontl’ a n i m a te u r s e ra i t e n co re l aCommission, sous contrôle juridic-tionnel limité.En d’autres termes, droit européen etinternational sont aussi contraintsl’un que l’autre par des compétencesnationales plus vindicatives quejamais. Ils n’en sont pas moinsaiguillonnés par un activisme judi-ciaire naissant, lui-même attisé parla société civile et, peut-on penser,par une impatience croissante desmilieux d’affaires en quête d’antici-pations vertueuses sur le marché.

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AUTORÉGULATION

Nouvelle Déclaration ICC sur la liberté de communicationcommerciale

La préservation de la confiancedu consommateur dans lapublicité est, depuis 1937, le

fondement même du Code consolidéICC sur les pratiques de marketing et de communication commerciale1,un code actualisé pour la neuvièmefois en 2011. La commission ICCMarketing et publicité, qui veille surce socle éthique de la publicité, etreprésente plus de 6 millions d'en-treprises, de chambres de commerceet d'associations économiques dansplus de 130 pays, protège et promeutla liberté de communication com-merciale au nom de tous ces professionnels responsables.Après avoir exprimé sa position sur lesujet en 2003 (document 240/474),l'ICC vient de rendre publique unenouvelle Déclaration de politiquegénérale sur la liberté de communi-cation commerciale. Cette publicationintervient dans un contexte où de plusen plus de gouvernements, quel quesoit le niveau de développement économique du pays, mais aussi degrandes institutions (Commissioneuropéenne, Nations Unies, OCDE…),préconisent ou prennent des mesuresrestrictives relatives à la publicité, quece soit à l’encontre de secteurs écono-miques dans leur ensemble, depublics visés, et/ou de supports publicitaires, dont les supports numé-riques : alimentation, notammentinfantile, jouets, enfants/mineurs,données personnelles, dispositifs devapotage, services financiers, etc. Lefondement de ces initiatives, alimen-tées par des activistes, des ONG ouautres autorités morales et scienti-fiques, et souvent adoptées in fine

démocratiquement, peut apparaîtrede prime abord légitime, car partagédans l’esprit par la communauté desprofessionnels du marketing et de lapublicité, qui se rejoignent sur la justeprotection du consommateur.

Liberté, autodiscipline et responsa-

bilité

Comme toujours, la commissionMarketing et publicité, dont l’Autoritéde régulation professionnelle de lapublicité (ARPP) est membre, et lescomités nationaux ICC, ont contribuéactivement à la rédaction de ce texteau cours d'un processus itératiféprouvé, de janvier 2014 à son adoption le 19 novembre 2015 parl’ICC Executive Board, rappelant enparticulier aux professionnels l’im-portance de prendre en considérationet de prêter la plus grande attentionà toute communication commerciales’adressant à des enfants.Il s'agit d'une Déclaration de portéemondiale, qui souligne les principes duCode ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale relatifs à la liberté decommuniquer, et entend soutenir lesentreprises dans leur démarche d'auto-discipline et de reconnaissance de leurresponsabilité vis-à-vis des consomma-teurs afin de leur proposer une publici-té décente, loyale et véridique.Cette Déclaration vient aussi soulignerque la liberté du discours publicitaireest la pierre angulaire d’une économiede marché libre et concurrentielle,essentielle pour les médias et le com-merce. Toutes restrictions éventuelles« ne devraient jamais imposer deslimitations concernant des communi-

cations sur l’existence ou ladisponibilité de biens ou de services, qui sont légalementmis sur le marché ». Traduite en français, elle avocation à être largement diffu-sée au sein des entreprises,auprès des décideurs et detoute partie prenante concer-née. Elle réaffirme que pour« profiter de la liberté de com-munication commerciale, les opéra-teurs s’engagent à agir de façonresponsable » par une autodisciplineeffective, comme en France, partoutoù des restrictions générales impac-teraient cette liberté induisant desrisques dans les marchés ouverts, lecommerce transfrontière et le choixoffert aux consommateurs.

Une task force sur l'étiquetage et le

packaging

La commission Marketing et publi-cité de l’ICC poursuit cette action enconstituant une task force conjointeavec la commission ICC Propriétéintellectuelle sur l’accroissementdans de nombreux pays de contrain-tes réglementaires sur l’étiquetageet le packaging, qui s’expriment parexemple par l’obligation de picto-grammes ou mentions alarmistes,jusqu’au « paquet neutre », qui dénietout signe distinctif et élémentsconstitutifs d’une marque, étantl’illustration extrême, aussi légitimessoient les object i fs de santépublique. Les conclusions de ses travaux seront rapportées dans unprochain numéro.

La nouvelle Déclaration de politique générale sur la liberté de communicationcommerciale de l'ICC précise les dispositions du Code ICC destinées à défendrela liberté de communication commerciale tout en accompagnant les professionnelsdans leur démarche de responsabilité vis-à-vis du consommateur.

Stéphane MARTIN, Directeur général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)

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1. A consulter en plusieurs langues sur www.codescentre.com

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AUTORÉGULATION

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L'ICC prépare un contrat modèle de joint-venture

Le contrat modèle de consortiumd’ICC est maintenant disponi-ble1. ICC France proposera pro-

chainement une conférence-débatpour le présenter aux utilisateurs. Le groupe de travail qui en est l’auteur finalise actuellement lecontrat modèle de joint-venture.Toujours orienté « grands projets»mais déclinable dans d’autres domaines,le contrat modèle de joint-venture traitera, comme le contrat de consor-tium, des groupements temporairesmais des groupements où, cette fois,les membres partagent les résultats,pertes ou profits de l’opération. Dans la joint-venture, le partage desrésultats implique une organisationet une gouvernance plus marquéesque dans le cas du consortium oùseuls les risques sont partagés, enraison de la responsabilité solidairedes membres.Il suppose aussi la tenue d’unecomptabilité séparée de la joint-venture et une organisation voisinede celle du contrat de société, parcontraste avec le consortium où lagouvernance est minimale puisquechaque membre conserve la pleinegestion des ressources nécessaires à l’exécution de son lot propre de travaux. Dans la joint-venture, enrevanche, les apports et ressourcesdes membres sont souvent gérés parles organes de gouvernance de lajoint-venture. En vérité, la joint-venture (« JV »)n’est autre que la vieille société en participation de notre CodeNapoléon, société non immatriculéeet sans personnalité morale. Sesimplications fiscales doivent être

bien anticipées par les membres de la JV, surtout dans un contexte international. Une nouvelle normecomptable internationale (IFRS 11)traite au demeurant de la comptabili-sation des travaux en cours et autresactifs dans le cadre d’une joint-venture.

Plus de risques, mais aussi plus de

flexibilité

Le nouveau modèle fourni par ICC estcelui d’une joint-venture contractuelle,sans personnalité morale. Les usagers doivent être conscients qu’avec l’absence de personnalitémorale, ils ne sont pas protégés parla limitation de responsabilité qui est la caractéristique des sociétésimmatriculées (incorporated). Lacontrepartie de l’exposition accrue aurisque est la plus grande flexibilitéofferte par le caractère purementcontractuel de l’organisation, quiéchappera donc aux règles toujourscontraignantes du droit des sociétésqui peuvent s’avérer dangereuseslorsqu’on ne les maîtrise pas,comme c’est souvent le cas dans unprojet à l’étranger. Pour une meilleure maîtrise desrisques, l’association en joint-ventureest souvent réservée à des acteursayant une bonne compréhensionmutuelle de leurs activités et

domaines respectifs. Lorsque cen’est pas le cas, une coopération enconsortium est à privilégier.

Un outil de développement straté-

gique rapide

Comme les autres contrats modèlesd’ICC, le contrat modèle de JV est le fruit d’un travail de co-développe-ment, basé sur le partage d’expé-riences d’entreprises internationalesde divers secteurs et de spécialistesde la gestion de contrat et du conten-tieux internationaux, venant de toutes les régions du monde.Il est destiné à fournir aux acteurs ducommerce international un outil dedéveloppement stratégique rapide.La JV est en effet un excellent outild’entrée sur un nouveau marché et lacoopération avec un acteur local permet à la fois de mieux contrôlerson investissement et d’accélérerl’apprentissage du nouvel entrant. Le contrat modèle de JV prend encompte l’impératif, pour les entreprises,de se concentrer sur leur cœur demétier et le projet. Il propose desfilets de sécurité juridiques prêts àl’emploi ainsi que des méthodesd’anticipation, de prévention et derèglement des difficultés, incidents,différends et accidents qui sont inhérents à toute activité humaine.Une langue anglaise simple a étéemployée, évitant dans toute lamesure du possible les termes tech-niques, afin de permettre un accèsaisé à des utilisateurs ayant peu oupas de connaissances juridiques.Bien entendu, le contrat modèle nepeut être le substitut d’un avis juridique et fiscal spécifique.

Après le contrat modèle de consortium, l’ICC prépare un contrat modèle de joint-venture contractuelle. Ce contrat a vocation à fournir aux acteurs ducommerce international, quelle que soit leur taille, un outil de développementstratégique rapide.

Isabelle SMITH MONNERVILLE, Avocat associée, Smith D’Oria

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1. http://store.iccwbo.org/icc-model-contract-consortium-agreement

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Des avantages de l’expertise dans la médiation internationale

Il n’est pas courant de parler del’expertise dans le cadre desmédiations internationales. En

effet, l’expertise judiciaire, prévuepar les articles 232 et suivants duCode de procédure civile, peut appa-raître comme un facteur d’alour-dissement et de prolongation ducontentieux. A contrario, la média-tion internationale a vocation à êtrerapide et peu coûteuse. À premièrevue, l’alliance des deux (expertise etmédiation) pourrait donc semblerantinomique. Pourtant, l’apport del’expertise dans la médiation inter-nationale peut être très utile, facili-tant la conclusion d’un accord entreles parties. Cette procédure soupleet efficace se rapproche du systèmedes Dispute Boards.

La souplesse de l’expertise

À l’inverse de l’expertise judiciaire,procédure assez lourde, l’expertiseréalisée dans le cadre d’une média-tion internationale offre une grandesouplesse. Elle est en effet soumiseà des contraintes procéduralesréduites et repose uniquement sur lavolonté des parties. Ces dernièressont tout d’abord libres de déciderde demander un avis d’expert dansle cadre de la médiation. Elles choisiront celui-ci d’un communaccord – souvent sur une liste dedeux ou trois experts proposés par lemédiateur. Cependant, il n’existe pasde règles prédéfinies en la matière :les parties peuvent ainsi décider d’avoir recours à deux experts ce quileur permettra ensuite de fonderleur accord sur une solution repre-nant les deux avis combinés. Demême, l’avis de l’expert ne s’imposepas aux parties, à moins qu’elles en

aient convenu autrement. Les partiesfixent donc librement les règles deprocédure ce qui permet d’éviter lescontraintes de l’expertise judiciaire.À titre d’exemple, elles peuvent décider que le principe de la contra-diction (base de l’expertise judiciai-re) ne sera pas respecté, autorisantalors l’expert à entendre séparémentles parties. Toutefois, celui-ci restetenu par la confidentialité pendant etaprès la médiation.

Le rôle de l’expert

Dans le cadre d’une médiation inter-nationale, l’expert joue, avant tout,un rôle de facilitateur technique. Il vanon seulement s’entretenir avec lesparties mais il va aussi les amener àdialoguer afin qu’elles s’« accordentsur leurs désaccords » sur le plantechnique (par exemple, la détermi-nation d’un EBITDA, la distinctionentre dettes certaines, charges àpayer et provisions). Mais, il estimportant que sa mission soit défi-nie précisément lors de la premièreréunion avec les parties et le média-teur. Cette démarche permet degagner du temps et de limiter lamission aux points essentiels avecles coûts associés. Dans le cadred’apartés, l’expert peut aussi

amener une partie réticente à divulguer une information facilitantl'accord. En instaurant cette dyna-mique de dialogue, il s’assure qu’infine son avis sera mieux compris etdonc mieux accepté par les parties. Par ailleurs, l’expert joue un rôle defacilitateur en ce qu’il est un desacteurs en vue d’un accord entre lesparties ; il apparaît parfois commeune sorte de « co-médiateur ». Eneffet, de son avis dépendra souventl’issue du différend, d’autant plusqu’il pourra généralement permettreà une partie de conforter ou non sa position et d’évaluer ainsi seschances de succès. L’expert peutêtre considéré comme porteur d’unecertaine compétence technique, dontle médiateur ne dispose pas néces-sairement. Il peut être égalementdésigné uniquement pour assister lemédiateur face à des avis techniquesdivergents communiqués par lesparties.

Un mécanisme efficace

L’expertise dans le cadre d’unemédiation peut servir utilement etefficacement la conclusion d’unaccord entre les parties. Celles-ciont donc tout à gagner à recourir àune expertise dans le cadre d’unemédiation internationale afin delever un doute et d'être éclairées surun ou plusieurs points techniques,ceci dans un délai raisonnable carles points à examiner sont souventcirconscrits. Cette pratique de l’expertise ad hoc, dans le cadre derèglement amiable des litiges etavant toute saisine d’un juge ou d’unarbitre, tend à se développer, voire às’imposer.

A priori, expertise et médiation internationale ne font pas forcément bon ménage.Mais, dans la pratique, le recours à un expert dans le cadre d’une médiation favoriserasouvent la conclusion d’un accord entre les parties.

Jean-Luc FOURNIER, Expert-comptable agréé par la Cour de cassation et inscrit près la Cour d’appel de Paris

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RÉSOLUTION DES LITIGES

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Dispute Boards : le nouveaurèglement ICC

Comme par le passé, les partiespeuvent confier l'administra-tion de la procédure au Centre

International d'ADR d'ICC (le Centre)en échange d'une rémunération pourchaque service rendu. Ainsi, celui-cipeut nommer les membres duDispute Board, fixer le montant deleurs honoraires, examiner leursdécisions ou recommandations et, lecas échéant, les récuser. L'introduction de la notion de rôlepréventif du Dispute Board dans lecas où celui-ci décèle un désaccordpotentiel entre les parties (article 16)constitue l'une des innovations duRèglement DB 2015. Cette disposi-tion revêt toute son importance dès lors que le Dispute Board estconstitué dès la signature du contratpermettant ainsi aux parties depoursuivre sans interruption la miseen œuvre du projet.

Respect du contradictoire

Alors que le Dispute Board peutéchanger ou se réunir avec les par-ties, séparément, pendant la phased'assistance informelle (article 17), ilne peut en revanche plus le faire dèslors que l'une d'entre elles lui a formellement soumis un désaccordpour conclusion (article 18). Ainsi, lerespect du contradictoire fait sonentrée dans la procédure lorsquecelle-ci est dans sa phase formelle. Par ailleurs, le Règlement DB 2015permet désormais, de manière explicite, aux parties de demander desmesures provisoires ou conservatoi-res, en cas de soumission formelleau Dispute Board d'un désaccord àfin de conclusion (article 19(1)). Surce point, les pouvoirs de celui-ci se

rapprochent de ceux des tribunauxarbitraux. En pratique, il sera intéressant d'observer dans quelles circonstances les parties aurontrecours à cet article 19(1), les critèresqui seront retenus par les DisputeBoards dans leurs prises de déci-sions ainsi que la nature de celles-ci. Avec le nouveau texte, les parties ont- comme avec le règlement 2004 - lapossibilité d'avoir recours à troistypes de structures : les DisputeAdjudication Boards (DABs), lesDispute Review Boards (DRBs) et lesCombined Dispute Boards (CDBs). Les DABs rendent des décisions quidoivent être respectées sans délainonobstant toute manifestation dedésaccord (article 5(2)). Si aucune des parties ne fait connaître son désaccord dans un délai de 30 jours,la décision demeure obligatoire etdevient définitive, et les parties nepeuvent plus la contester, à moinsque cela ne soit interdit par la loi applicable (article 5(3)). LeRèglement DB 2015 introduit lecaractère définitif de la décision etfait référence à la loi applicable plutôtqu'à la validité de la convention entreles parties. Pour autant, sa décisionn'est pas équivalente à une sentencearbitrale. L'article 1(2) précise bienque les Dispute Boards ne sont pasdes tribunaux arbitraux et que leursdécisions n'ont pas force exécutoire.Il conviendra de suivre de près lajurisprudence issue de l'interpréta-tion donnée au nouvel article 5(3). Pour leur part, les DRBs émettent desrecommandations qui ne lient pasimmédiatement les parties, maisdeviennent obligatoires et définitivessi aucune d'entre elles ne manifesteson désaccord dans les 30 jours

(article 4(3)). Comme pour les DABs,elles ne peuvent contester les déci-sions obligatoires et définitives, àmoins que celles-ci soient contrairesà la loi applicable.Quant aux CDBs, ils peuvent formulerdes recommandations ou des déci-sions si l'une des parties le demandeet que les autres ne s'y opposent pasou si le Dispute Board le décide dansles cas prévus à l'article 6(3).

Possibilité de recours à l'arbitrage

Le recours à l'arbitrage ou à la juridiction étatique, selon les cas,sera possible si une partie ne seconforme pas à une décision ou àune recommandation obligatoire,sans devoir en référer au préalableau Dispute Board (articles 4(4) et5(4)). De même, dans les cas où (i)l'une des parties notifie un désaccordsur une décision dans le délai de 30 jours, (ii) le Dispute Board ne rendpas sa décision dans ce délai, ou (iii)est dissous avant une prise de décision concernant un différend,celui-ci sera tranché soit par un tribunal arbitral, soit par le juge,selon les cas, à moins que ceux-cin'en décident autrement (article 5(6)). Les parties et les membres du DisputeBoard conviennent d'une rémunéra-tion pour ces derniers, et s'ils ne parviennent pas à trouver un accord,le Centre interviendra dès que l'undes acteurs lui en fera la demande(article 28(4)). Il s'agit là d'une autrenouveauté intéressante du RèglementDB 2015 car elle peut permettre auxdifférents acteurs de sortir d'uneimpasse. À noter enfin que le texte2015 inclut, en annexe, un modèle decontrat de membre du Dispute Boardassorti de clauses type.

Après onze années d'existence, le Règlement relatif aux Dispute Boards d'ICC vientde faire l'objet d'une révision approfondie. Le nouveau texte est entré en vigueur le1er octobre 2015. En voici les principales caractéristiques.

José ROSELL, Partner/Avocat au Barreau de Paris, Hugues Hubbard & Reed LLP

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Un rapport ICC sur les décisionsrelatives aux coûts dans l’arbitrage international

Dans la lignée de ses précédentsrapports pour une gestion plusefficace de la procédure arbi-

trale, la commission de l’Arbitrage & ADR de l’ICC a publié à la fin de l’année dernière un important rapport, fruit de quatre années derecherches, sur les décisions relativesaux coûts en arbitrage internationaldont j'ai eu le privilège de co-présiderles travaux (avec le ProfesseurBernard Hanotiau, le ProfesseurJulian Lew et Me Wendy Miles, QC). Au regard de l’étendue du pouvoir desarbitres en la matière, les utilisateursde l’arbitrage – les entreprises – nesont pas nécessairement en mesurede prédire concrètement, si ellesseront susceptibles de récupérer les sommes, parfois conséquentes,qu’elles auront engagées pour finan-cer la procédure, y compris naturelle-ment les frais et honoraires d’avocat.En outre, en présence de parties quibloquent ou retardent délibérémentla procédure, la question de leursanction par les coûts se pose.

454 sentences ICC étudiées

Fort des importantes contributionsdes membres du groupe de travail etdes comités nationaux d’ICC, dont le Comité national français, et de l’examen, par la secrétaire de lacommission, de 454 sentences ICCrendues entre 2008 et décembre2014, le rapport tire certains grandsenseignements. Le postulat dedépart est que toute décision sur lescoûts, à défaut d’accord des parties,repose sur le règlement d’arbitrage

applicable. Or, il constate que lesrèglements diffèrent significative-ment, et peuvent être classés endeux catégories principales : ceuxqui contiennent une présomptionréfragable aux termes de laquelle lapartie qui prévaut peut prétendre auremboursement de ses frais, et ceuxqui n’en contiennent pas, comme leRèglement ICC. Cependant – et c’est sans doute undes enseignements principaux de cedocument – quel que soit le règle-ment applicable, les tribunaux arbi-traux en matière commerciale, dansleur immense majorité, adoptent le principe « costs follow the event »comme point de départ de leur déci-sion en matière de coûts, principeselon lequel la répartition des fraisde la procédure est calquée sur lerésultat de la sentence au fond. Si,pour le praticien de l’arbitrage, cetenseignement n’est pas une surpri-se, il permettra sans doute d’apaiserles craintes des utilisateurs en quêtede prédictibilité. Mais ce principe connaît naturelle-ment de nécessaires ajustements,puisque selon la plupart des règle-ments, les tribunaux arbitraux sontaussi généralement tenus d’évaluerle caractère raisonnable des fraisengagés par les parties, et n’hésitentpas en pratique à réduire le montantfinalement alloué à ce titre. Ici, enl’absence de définition précise, lerapport propose plusieurs approches,visant notamment à apprécier si lesfrais engagés sont raisonnables nonseulement par rapport au montant

en litige, mais aussi en proportion d’un ensemblede facteurs, comme lacomplexité ou la longueurde la procédure.Enfin, les tribunaux arbi-traux tiennent aussi de plusen plus compte de l’attitudeprocédurale des parties. Ici, le rapport recense plu-sieurs déviances ou autres « guerillatactics » susceptibles d’être sanc-tionnées par les tribunaux arbitraux.

Le rôle des arbitres

Dès lors, il ne resterait plus qu’àinformer les parties en amont, autout début de la procédure arbitrale,des critères susceptibles d’être retenus en matière de répartitiondes coûts, ce que font déjà en pra-tique certains arbitres chevronnés. En effet, consulter et informer lesparties dès le début de la procéduresur ces critères, ainsi que sur lesmodalités pratiques de recensementdu temps passé (ce qui peut s’avérerutile notamment concernant lescoûts internes de l’entreprise) a pouravantage de lever les incertitudes,préciser quelles sont les attentes dutribunal arbitral en terme d’attitudeprocédurale, et permettre ainsi auxparties en connaissance de caused’adopter les tactiques qu’elles estimeront appropriées. C’est en faisant bon usage de ce pouvoir discrétionnaire, en toutetransparence, et sans rogner surleurs prérogatives, que les arbitrescontribuent utilement à une meilleureefficacité de la procédure arbitrale.

Un rapport de la commission de l’Arbitrage & ADR d’ICC sur les décisions relativesaux coûts dans les sentences arbitrales recense les approches adoptées par lestribunaux arbitraux en matière de répartition des coûts de l’arbitrage, et pointel’importance du pouvoir discrétionnaire des arbitres, comme instrument de contrôlede la procédure.

Philippe CAVALIEROS, Avocat au Barreau de Paris, Associé Winston & Strawn LLP, co-président du groupede travail de la commission de l’Arbitrage & ADR d’ICC

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RÉSOLUTION DES LITIGES

Pour télécharger le rapport « Decisions on Costs in International Arbitration » : wwwwww..iiccccwwttoo..oorrgg

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Les questions fiscales internationales sont plus que jamais au cœur des préoccupations des entreprises.

Dans un univers mondialisé, l'obsolescence des règles nationales, associée au phénomène croissant des

doubles impositions, contribuent en effet à fragiliser le commerce mondial.

Consciente que dynamique des échanges et fiscalité sont intimement liées, la Chambre de Commerce

Internationale, et notamment son Comité Français, ICC France, ont à cœur de participer – en nourrissant le

débat et en formulant des propositions - à toute évolution des politiques fiscales internationales porteuse

d'ouverture et de croissance. Les différents travaux menés par la commission Fiscale d'ICC France, présidée

par Gianmarco Monsellato, s'inscrivent pleinement dans cette démarche et le dossier de ce numéro d’Échanges

Internationaux a vocation à nourrir ce débat.

Nous remercions ici Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics, Pascal Saint-Amans, Directeur

du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, ainsi que tous les grands praticiens de la fiscalité

internationale qui ont bien voulu en éclairer les enjeux pour les entreprises.

Le sommaire de ce dossier est le suivant :

■ Un cadre fiscal équitable, efficace et stable, c'est la clé de la réussite de nos entreprises

à l'international Michel SAPIN

■ Plan BEPS : un tournant majeur dans l’histoire de la fiscalité internationale

Pascal SAINT-AMANS

■ BEPS : un rendez-vous manqué ?

Catherine HENTON

■ Lutter contre la fraude à la TVA dans le e-commerce

Eric ANTHOINE

■ Vers une certification fiscale ?

Gianmarco MONSELLATO

■ Rapport BEPS 2015 : L’OCDE augmente les risques de doubles impositions

Eric LESPRIT

François GEORGES, Délégué général, ICC France

DOSSIER DOSSIER

Fiscalité InternationaleFiscalité Internationale

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

Un cadre fiscal équitable,efficace et stable, c'est la clé dela réussite de nos entreprises à l'international

Depuis 2012, le gouvernements’est engagé pour redresser lacompétitivité des entreprises

françaises. Le diagnostic, posé parLouis Gallois dès l’automne 2012, estconnu : dans la décennie qui précède,marquée par la montée en puissancede nouveaux acteurs dans le com-merce mondial, dont la Chine, laFrance avait plus perdu de parts de marché que ses partenaires euro-péens. Il était temps d’agir !Amorcé avec le Crédit d’impôt pour laCompétitivité et l’emploi (CICE), lePacte de responsabilité représentera41 milliards d’euros de réduction defiscalité et de cotisations sociales sur le travail à horizon 2017, dont 33 milliards déjà effectifs en 2016.Depuis le 1er janvier 2015, l’employeurd’un salarié au Smic ne paie déjà plusaucune cotisation de sécurité sociale.Ce mouvement est amplifié au 1er avril 2016 avec la baisse de 1,8point des cotisations famille pour lessalaires compris en 1,6 et 3,5 Smic,pour un montant de 4 milliards d’eurospar an. Au total, les cotisations aurontbaissé pour plus de 90 % des salariés.Les secteurs qui bénéficieront le plusde cette nouvelle baisse du coût dutravail sont aussi ceux qui sont le plusexportateurs. Parallèlement, le gouvernement aentamé une baisse de l’impôt sur lerevenu pour les ménages à revenusmodestes ou moyens. Ce sont en2016 deux tiers des foyers fiscauximposables qui en auront bénéficié.

Les derniers développements écono-miques indiquent que cette politiquecommence à porter ses fruits. Lesrécentes prévisions de l’Insee confir-ment que l’hypothèse de croissancedu gouvernement de +1,5 % en 2016est atteignable ; les exportations ontété deux fois plus dynamique en en2015 qu’en 2014 ; le taux de margedes entreprises devrait retrouver sonniveau d’avant crise en milieu d’an-née 2016 ; l’investissement reprend ;et la consommation est dynamique.

« La lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale abusive estune priorité du gouvernementdepuis 2012 ».Cette baisse des prélèvements obli-gatoires n’est possible que si chacunacquitte sa juste part de la contribu-tion aux charges publiques, qui est aucœur du Pacte républicain. Dans unepériode où il a été demandé un effortparticulier pour redresser les comptesdu pays, nous nous devons d’êtrepleinement mobilisés quand certainscherchent à échapper à leur contribu-tion pour la reporter sur les autres.C’est pourquoi la lutte contre la fraudeet l’optimisation fiscale abusive estune priorité du gouvernement depuis2012. Les conclusions du plan del’OCDE et du G20 contre l’érosion desbases fiscales et le transfert de profit,plus connu sous l’acronyme anglo-saxon de « BEPS », ont été adoptéespar les chefs d’État et de gouverne-ment à Antalya en novembre 2015 et

permettront des avancées majeuresdans la lutte contre l’optimisation des multinationales. Les différents mécanismes à l’œuvre, souvent trèscomplexes, conduisent à une perte derecettes d’impôt sur les sociétés de4 % à 10 % à l’échelle de la planète.Ce sont ainsi d’après l’OCDE 100 à240 milliards de dollars d’impôts quine sont pas payés par les grandsgroupes multinationaux grâce à desstratégies d’évitement de l’impôt. Auniveau du G20, comme au niveaueuropéen, la France soutient desavancées pour mettre fin à ces situa-tions de non paiement de l’impôt : unedirective européenne sur la transpa-rence des rulings a été adoptée le 8 décembre 2015 ; la France a instauréle reporting pays par pays en loi de finance pour 2016 et les pays européens se sont engagés le 8 marsdernier à l’appliquer dans l’ensemblede l’Union européenne ; enfin, une directive transposant plusieursrecommandations majeures de BEPSest en cours de discussion européen.Je souhaite que les pays européensarrivent à un accord rapide.

« En France, nous ne faisons pasd'arrangements, c'est la loi fiscale,toute la loi, rien que la loi qui s'applique ». Là encore, de premiers résultats sontau rendez-vous. En 2015, la lutte contrela fraude fiscale a conduit à un montant de redressements notifiésdépassant pour la première fois les

Michel Sapin, Ministre des Finances et des Comptes publics, réaffirme ici les prioritésde Bercy en matière fiscale et revient sur les actions entreprises par la France tantsur le plan national qu'européen et multilatéral afin de lutter contre la fraude etl'optimisation fiscale abusive et de garantir un cadre fiscal lisible et stable aux chefsd'entreprise.

Michel SAPIN, Ministre des Finances et des Comptes publics

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

20 milliards d’euros. À titre de compa-raison, sous la majorité précédente, lalutte contre la fraude fiscale ne repré-sentait que 16 milliards d’euros par anen moyenne. Le montant des sommesencaissées au titre de la lutte contrela fraude fiscale a lui aussi fortementprogressé, passant de 10,4 milliards à12,2 milliards d’euros en 2015. Il n’estdonc plus exact de dire, comme onpeut parfois le lire, que les grandesmultinationales parviennent à échapperà l’impôt. En France nous ne faisonspas d’arrangements, c’est la loi fiscale, toute la loi, rien que la loi quis’applique ! Et nous y parvenons carde nouveaux outils ont permis à l’administration fiscale de suivre les fluxfinanciers internationaux, notammenten contrôlant les prix de transfert quepratiquent entre elles, pour rémuné-rer des ventes ou des services, lesentreprises membres d’un mêmegroupe multinational. Depuis 2013,ces entreprises ont l’obligation, souspeine de sanction, d’adresser à l’administration fiscale une déclarationde prix de transfert lui permettant decomparer les prix pratiqués avec ceuxdu marché. Il s’agit d’éviter que lesprix de transfert ne servent qu’àdéplacer l’assiette imposable dans lespays à faible fiscalité. Au total, la luttecontre la fraude fiscale internationalea conduit à rétablir 5 milliards d’eurosd’assiette au profit de la France en2015. C’est un progrès notable.

« Il est nécessaire que ceux quiinvestissent disposent d'unesécurité et d'une visibilité sur letraitement fiscal qui les attend ». Lutter contre l’optimisation fiscalen’est pas contradictoire avec notrevolonté de favoriser un climat sereinentre l’administration fiscale et lescontribuables, en particulier lesentreprises. La lutte contre la frauden’exclut pas, bien au contraire, desrelations de qualité entre l’adminis-tration fiscale et les contribuables.Pour accompagner la reprise, il estnécessaire que ceux qui investissent,innovent et embauchent disposentd’une sécurité et d’une visibilité sur letraitement fiscal qui les attend. J’enveux pour exemples la charte de non-rétroactivité fiscale que j’ai signée enfin d’année 2014 et qui est respectée,ou encore les nouveaux outils mis enplace au printemps dernier. Nousavons également, l’an dernier, sou-haité tenir compte de la situation deplus petites entreprises qui peuvent

se laisser tenter par de fausses bonnes idées. Pour ces contribuablesplus vulnérables, nous avons mis enligne une carte des pratiques et mon-tages abusifs. Il y en a 19 aujourd’hui.Elle donne simplement à voir, entoute transparence, ce qui est admiset ce qui ne l’est pas dans un souci deprévisibilité.

« La force de la France, c'est sonréseau de 125 conventions fiscalesbilatérales qui est parmi l'un desplus développé du monde ». Parmi les entreprises qui font l’objetd’un redressement, il y a les entreprisesde mauvaise foi, qui ont l’intentiondélibérée de diminuer illégalementleur charge fiscale. Elles doivent êtresanctionnées et les pénalités doiventleur être appliquées. Mais il y a aussiles contribuables, personnes phy-siques ou entreprises qui, de bonnefoi peuvent commettre des erreurs.Afin de mieux répondre aux attentesdes opérateurs économiques, unemission spécialisée dans les prix detransfert et dédiée à l’élimination desdoubles impositions est opération-nelle depuis le mois de septembre2013 et a en charge l’instruction des

accords préalable en matière de prixde transferts (APP) et des procéduresamiables. En cas de contrôle fiscalportant sur les exercices couverts parl’APP, les investigations du vérifica-teur ne peuvent conduire à remettreen cause les termes de cet accord.Trop d’entreprises ignorent qu’ellespeuvent demander à l’administrationfiscale ce type d’accord pour sécuriserleur situation.La force de la France, c’est enfin sonréseau de 125 conventions fiscalesbilatérales qui est parmi l’un des plusdéveloppé du monde et qui permet desécuriser les règles de taxation pourles entreprises qui interviennent àl’étranger. Ces conventions serontadaptées d’ici la fin de l’année, dansle cadre de l’OCDE par un traité mul-tilatéral, qui permettra d’uniformiserles pratiques dans tous les pays poursécuriser davantage le traitement fiscal des opérations transnationales. Soutenir le dynamisme des entrepri-ses sur le territoire par les baisses decharges, lutter contre l’optimisationfiscale abusive et contre la fraude,sécuriser et donner de la lisibilité auxentreprises en matière de fiscalité, cesont les trois clés de la réussite denos entreprises à l’international.

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

Plan BEPS : un tournant majeurdans l’histoire de la fiscalitéinternationale

L’intégration des économies etdes marchés nationaux a connuune accélération marquée ces

dernières années, mettant à l’épreuvele cadre fiscal international, conçuvoilà plus d’un siècle. Les règles enplace ont laissé apparaître des fragi-lités qui sont autant d’opportunitéspour des pratiques d’érosion de labase d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS), appelant uneaction résolue de la part des diri-geants pour restaurer la confiancedans le système et faire en sorte queles bénéfices soient imposés là où les activités économiques sontréalisées et là où la valeur est créée.Lors de leur réunion de Saint-Pétersbourg, en septembre 2013, lesdirigeants du G20 ont approuvé unPlan d’action exhaustif et ambitieuxconcernant le BEPS. Établis en seulement deux ans, les 13 rapportsissus du projet BEPS décrivent desstandards internationaux nouveauxou renforcés ainsi que des mesuresconcrètes grâce auxquelles les payspourront lutter contre les pratiquesde BEPS.

I. les enjeux considérables de BEPS

ont incité le G20 et l’OCDE à

travailler à la remise à niveau des

normes fiscales internationales.

Les enjeux de l’érosion de la based’imposition et le transfert de béné-fices sont considérables. Sur la basedes données recueillies par l’OCDE,les pertes de recettes au titre del'impôt sur les bénéfices des sociétésau niveau mondial imputables auxpratiques de BEPS peuvent être esti-mées entre 4 % et 10 % du montantdes recettes tirées de cet impôt, soit

100 à 240 milliards de dollars par an. Plusieurs facteurs sont ici en cause,notamment la planification fiscaleagressive de la part de certainesentreprises multinationales, le chevauchement de règles fiscalesnationales, le manque de transpa-rence ou de coordination entre lesadministrations fiscales, les ressourceslimitées des États dans l’applicationde leurs règles nationales et les pratiques fiscales dommageables.

La combinaison de ces facteurs est àl'origine des nombreuses failles dansle système fiscal international quipermettent de produire légalementde la double non- imposi t ion, c'est-à-dire de produire des résultats clairement contraires aux politiquesfiscales qui ont initialement présidé à l'introduction de ces normes.À cet égard, le projet BEPS n'incrimi-ne pas une ou plusieurs entreprisesmultinationales en particulier et neremet pas en cause les principes fondamentaux qui structurent le système fiscal international hérité duXXe siècle. Le projet BEPS s'attaqueaux racines du problème : l'inactiondes pouvoirs publics et du législateur(y compris de l'OCDE) qui ont laisséle système fiscal international sedétériorer au détriment de l'équitéfiscale et du principe de neutralité.

II. Le Projet BEPS est né sous la

pression du G20 et grâce à la capa-

cité de l’OCDE à proposer des bases

de négociation à un ensemble élargi

de juridictions.

L o r s d u s o m m e t d e S a i n t -Pétersbourg, en 2013, les pays duG20 et l’OCDE ont considéré que des actions devaient être menéesd’urgence pour rétablir la confiancedes citoyens dans le système fiscalinternational, instaurer des règlesde jeu équitables pour toutes lesentreprises et fournir aux États desoutils plus efficaces pour leurs politiques fiscales nationales. Il importait aussi d’agir vite pourlimiter les risques d’apparition demesures unilatérales, non coordon-nées, susceptibles de remettre encause les grands principes de la fiscalité internationale qui constituent

L'accélération de l'intégration des économies et des marchés nationaux met à l'épreuve le cadre fiscalinternational à la fois sur le plan de l'équité fiscale et du principe de neutralité. Le projet BEPS de luttecontre l'érosion de la base fiscale constitue l'initiative la plus importante engagée depuis un sièclepour moderniser et coordonner les politiques fiscales des pays.

Pascal SAINT-AMANS, Directeur du Centre de politique et d'administration fiscales OCDE

Entré à l'OCDE en septem-bre 2007, Pascal Saint-Amans dirige le Centre

de politique et d'administration fiscales depuis février 2012.Licencié en histoire, diplômé del'IEP Paris et ancien élève de l'ENA (promotion VictorSchoelcher), ce grand fiscalisteavait auparavant occupé diffé-rentes fonctions au sein duministère français des Finances,notamment au se in de laDirection de la législation fiscale.

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

un cadre pérenne favorable auxinvestissements internationaux. Il importait également que les mesures prises en réponse n’abou-tissent pas à une double imposition.Les cas de double imposition porte-raient préjudice aux entreprisesmultinationales, qui ont contribué à stimuler les échanges et l’in-vestissement à l’échelle mondiale,soutenant la croissance, créant desemplois, favorisant l’innovation etoffrant des moyens de sortir de lapauvreté. De plus, la double imposi-tion augmente le coût du capital etpeut pénaliser l’investissement dansles économies concernées.Dans ce contexte, le projet BEPS abénéficié d’une implication et d’unemobilisation sans précédent : plusde 60 pays ont pris part directementaux groupes techniques et davantageencore sont intervenus dans l’élabo-ration des conclusions au travers d’initiatives régionales de consulta-tion. En outre, des organisations fiscales régionales, comme le Forumsur l’administration fiscale africaine(ATAF), le Centre de rencontres et d’études des dirigeants des administrations fiscales (CREDAF),et le Centre interaméricain desadministrations fiscales (CIAT), onttravaillé aux côtés d’organisationsinternationales, telles que le Fondsmonétaire international (FMI), laBanque mondiale et les NationsUnies. Les parties prenantes,notamment des représentants d’en-treprises et d’organisations de lasociété civile, ont été associées auxtravaux et ont apporté une contribu-tion précieuse en soumettant plus de12 000 pages d’observations relativesaux 23 projets de rapport publiés etdébattus au cours de 14 réunionspubliques de consultation, tandisque les sessions interactives quel’OCDE a diffusées sur le Web ontattiré plus de 40 000 visiteurs.Le simple fait que les pays aient étéaussi nombreux à prendre part auxtravaux et à coopérer pour définir leschangements à apporter à l'environ-nement fiscal international est, enlui-même, une réussite notable duprojet. Dans ce cadre, l’ensembledes rapports issus du projet BEPS aété établi et approuvé par les pays enl'espace de deux ans.

III. Les mesures destinées à lutter

contre le phénomène de BEPS sont

articulées autour de trois piliers.

Certaines mesures préconisées per-mettent d'améliorer la cohérencedes règles fiscales entre les pays (parexemple, les mesures anti-hybrides),d'autres de renforcer les exigencesrelatives à la substance des activités(par exemple, le standard minimumcontre l'utilisation abusive desconventions fiscales), et d'autresenfin de garantir plus de transparenceet de sécurité juridique (par exemple,la nouvelle documentation des prix de transfert avec un rapport pays par pays , le renforcement des mécanismes conventionnels derèglement des différends).Toutes ces mesures ont une viséepratique. Elles énoncent des règlesdétaillées et présentent des outils de mise en œuvre, accompagnés dedispositions types à inclure dans lesconventions fiscales et/ou dans leslégislations nationales, ainsi que demodèles et d'instructions pratiques. Ces mesures sont classées en quatrecatégories : des nouveaux standardsminimums, des amendements auxstandards fiscaux existants, desapproches communes qui facilite-ront la convergence des pratiquesnationales, et des orientations fondées sur les bonnes pratiques.

IV. Les priorités sont désormais

la mise en œuvre coordonnée du

Projet BEPS et l’élargissement des

parties prenantes.

Les parties prenantes du projetBEPS vont dorénavant se focalisersur l'introduction rapide des mesu-res du paquet. Certaines mesuressont immédiatement applicables,comme les l ignes directr ices révisées sur les prix de transfert.D'autres mesures nécessitent demodifier les conventions fiscalesbilatérales, à l'instar du standardminimum contre l'utilisation abusivedes conventions fiscales. Le travailportant sur l'élaboration d'un instru-

m e n t m u l t i l a t é r a l d e s t i n é à accélérer et coordonner ces mesu-res qui nécessitent de modifier lesconventions fiscales bilatérales adéjà commencé. Le groupe ad hocchargé de négocier cet instrumentréunit déjà plus de 90 pays sur unpied d'égalité, et le produit finaldevrait être ouvert à la signature detous les pays intéressés en 2016. Dans tous ces cas de figure, leseffets escomptés de ces mesuresanti-BEPS ne porteront leurs fruitsqu'après une mise en œuvre effecti-ve et coordonnée dans tous les payspertinents. Les pays de l'OCDE et duG20 sont déjà convenus de se soumettre à un mécanisme de suiviet d'accompagnement ciblés pour lamise en œuvre des mesures dupaquet. Ces actions de suivi pren-dront la forme d'une évaluation durespect et de la mise en œuvre desrègles, en particulier des standardsminimums acceptés dans les domaines de l'utilisation abusive des conventions, du règlement des différends, de l'établissement dedéclarations pays par pays et despratiques fiscales dommageables. Enfin, l’OCDE met en place un nouveau mécanisme qui permettra àtous les pays intéressés de rejoindreles pays de l’OCDE et du G20 sur unpied d’égalité au sein du Comité desaffaires fiscales. Ce cadre inclusifsera extrêmement ouvert en assu-rant aux pays en voie de développe-ment les mêmes droits que les paysdu G20 et de l’OCDE dans le débatfiscal international. Le prochain évènement en ce domaine est prévuà Tokyo, en juin 2016. L’OCDE souhaite réunir les pays de l’OCDE,les pays du G20 et tous les pays etjuridictions souhaitant participer àl’élaboration des normes sur lesproblématiques liées à BEPS, à larévision et au suivi de la mise enœuvre du paquet BEPS. Par l’articulation d’une dynamiquepolitique, celle du G20, d’une exper-tise fiscale, celle de l’OCDE, et del’accord des États par consensus,une nouvelle forme de régulation fiscale internationale a été décidéeavec le projet BEPS. L’ampleur des enjeux, le nombre de partiesprenantes, la rapidité de conception,l’ambition des accords et les pre-miers résultats de mise en œuvrefont de ce projet BEPS un tournantmajeur dans l’histoire de la fiscalitéinternationale.

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BEPS : un rendez-vous manqué ?

La globalisation de l'économie etla révolution technologiqueremettent en cause bien des

équilibres. Le nouveau monde effaceles frontières, le numérique boule-verse le fonctionnement des entre-prises. Si ce constat et la nécessitéd'adapter la fiscalité internationale àce monde numérique et globaliséfont consensus, le plan d’action del’OCDE baptisé « BEPS » répond-il à ces enjeux ? Qu'en est-il pour les entreprises ? Le plan d’action del'OCDE aurait pu avoir comme objec-tif d’adapter les règles de la fiscalitéinternationale à cette nouvelle économie. Mais BEPS signifie BaseErosion Profit Shifting, et l'ambitiondevient soudain plus limitée.La légitimité du projet BEPS repose,en premier lieu, sur les réactions del’opinion publique internationale etdes politiques face à la situation fiscale des « GAFA » (Google, Apple,Facebook et Amazon), et particuliè-rement à la modestie de l'impôt payéen Europe. Le G20 a alors mandatél'OCDE afin de trouver des solutionspour remédier à cette situation. Pour autant, rares sont les gouver-nements et les administrations àvouloir assumer (ou à avoir compris)que l’agressivité fiscale supposée de

certaines entreprises multinationa-les ne résulte en fait que de l'appli-cation de législations fiscales votéespar des États dont le choix politiqueest de favoriser l’expansion à l’étrangerde ses groupes nationaux ou d'attirer de l'activité sur leur territoire.A titre d'illustration, un groupe américain ne sera taxé sur ses profits mondiaux que si ceux-ci sont rapatriés sur le sol américain,conduisant au « stockage » dans despays à fiscalité privilégiée d’impor-tantes réserves qui attendent d’êtreréinvesties à l’étranger. C’est bien là un avantage compétitif pour lesgroupes américains. Le fait pour cesmêmes groupes d'avoir transféréhors des USA la propriété intellec-tuelle développée aux USA est unequestion fiscale américaine. On lecomprend aujourd'hui quand les rappels d'impôts acceptés par les « GAFA » en Europe sont très éloignés des milliards annoncés.

Les entreprises doivent gérer leur

charge fiscale au mieux de leurs

intérêts et de ceux de leurs action-

naires.

Les entreprises ne peuvent qu’appli-quer les règles, même si elles nesont pas satisfaisantes, dès lors qu’il ne leur appartient pas de les

changer. Elles doivent gérer leurcharge fiscale au mieux de leursintérêts et de ceux de leurs action-naires. Le rôle premier du directeurfiscal est de s’assurer que le grouperespecte les lois fiscales là où songroupe opère, en coordonnant desprincipes locaux et internationauxqui ne sont pas forcément compati-bles, et en composant avec les dispa-rités locales. Ces principes commeces divergences trouvent leur sourcedans l’exercice de la souverainetédes États, souveraineté certes difficile à préserver dans un mondede plus en plus globalisé. Les États sont assez divers dans leurpolitique fiscale et plus ou moinsinterventionnistes. La politique fiscale de certains a pour objet d'orienter par l'impôt les comporte-ments des acteurs économiques.Les régimes fiscaux nationaux ontune certaine cohérence interne maispas nécessairement entre eux. D'oùles situations de double imposition(dont on parle peu) et plus rarementde non-imposition du fait de lacaractérisation différente d'un pointde vue comptable, juridique et/oufiscal de certains revenus ou chargesdifférentes selon les États. Cessituations de non-imposition ont trèssouvent été exagérées soit dans leur

Le plan d’action BEPS de l’OCDE a inscrit la fiscalité en haut de l'agenda politique.Mais répond-il vraiment à la nécessité d'adapter la fiscalité internationale à lanouvelle économie née de la globalisation et de la révolution numérique ? L'analysede la directrice fiscale d'une grande multinationale française de la pharmacie.

Catherine HENTON, Directrice fiscale, groupe Sanofi

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

occurrence soit dans leur montant.S'il peut choquer a priori, elles sont parfois le reflet de situationscependant légitimes. Lorsqu’un gouvernement met enplace des régimes incitatifs, il estbien sûr légitime pour les sociétésimplantées dans ce pays d’en bénéfi-cier (de bonne foi, bien entendu). À titre d'illustration, le Brésil permetla déduction fiscale, par la sociétédistributrice, du dividende versé auxinvestisseurs étrangers. C’est unchoix politique du Brésil en faveurdes investissements étrangers. LaFrance peut-elle s’opposer, parexemple, à l’application à ce dividen-de du régime mère-fille lorsquecelui-ci est payé à un investisseurfrançais et l'imposer ? Elle bénéfi-cierait alors d'une rentrée fiscaleexceptionnelle, liée à la législation duBrésil et payée effectivement par leBrésil. N'est-ce pas une interférenceavec la souveraineté de ce pays ?Dans de telles situations, quel pays araison ou tort ? La véritable questionporte bien sûr sur la compatibilitédes souverainetés fiscales des Étatset l'OCDE ne peut répondre sur cepoint éminemment politique. Des dispositions pour combattre lesabus ou l'application de mauvaise foides textes fiscaux doivent être com-prises dans la loi. Cependant, dansune course au mieux disant fiscalque BEPS a créé, certains gouverne-ments font adopter des dispositionsqui en visant légitimement les abus(dont le chiffrage pose cependantquestion quand il existe) couvrentaussi des situations économiques« normales ». Ceci aboutit nécessai-rement à certains arbitrages par lesentreprises.

Les régimes fiscaux sur les fruits

de l'innovation (action 5) : critère de

Nexus pour les régimes d’IP boxes.

Parmi les mesures issues du projetBEPS, l'action 5 vise à « lutter plusefficacement contre les pratiquesfiscales dommageables, en prenanten compte la transparence et la substance ». Pour combattre un supposé abus, la recommandationde l'OCDE est de conditionner lebénéfice de ces régimes à la réalisa-tion matérielle des opérations deR&D dans le pays qui accorde cerégime, critère dit de Nexus.L'innovation est la source principalede valeur dans beaucoup d'industrieset les pays ont intérêt à conserver

l'exploitation de cette innovationdans leur pays et dans des juridic-tions où la propriété industrielle estrespectée. L'adoption des recom-mandations de l'action 5 conduirait àrattacher les revenus éligibles à unrégime favorable aux seuls pays oùles chercheurs sont effectivementbasés en fonction d'un simple proratade dépenses. Envisagée de manièreuniforme pour toutes les industries,quelle que soit la durée de leur cyclede R&D, que la recherche soit plusou moins globale, cette approchepose des problèmes pratiques com-plexes d'application. La recommandation de l'OCDE aboutirait en fait à inciter les entreprises à localiser en un mêmepays les opérations de R&D, leurfinancement et donc l'investisse-ment en capital et le risque associéet la propriété des droits. Or, lesdépenses de R&D ne sont plus réalisées dans un seul pays. Parexemple, une partie du développe-ment d'un médicament contre unemaladie tropicale doit nécessaire-ment être réalisée où les patientsrésident. Les filiales n'ont pas nécessairement les moyens financiersd'investir les sommes nécessaires ni de supporter le risque d'échec, etce alors que les décisions sont souvent prises ailleurs. Enfin, onpeut s'interroger sur la compatibilitéde telles mesures avec les traitéseuropéens et sur l'absence d'effica-cité sur les structures adoptées parles « GAFA ».

Le Country-by-Country Reporting

(action 13), pourquoi pas ?

Autre mesure phare, le Country-by-Country Reporting remporte un vifsuccès auprès des États qui l’ontpromptement adopté. Dans unmonde globalisé, il ne semble pasanormal d’expliquer à l’administra-tion fiscale la géographie des profits.C’est d’ailleurs une opportunité depréciser sa politique fiscale et demontrer pourquoi nous respectonsnotre obligation légale et morale de

payer correctement et justementl’impôt partout où nous opérons. Toutefois, il faut se demander quelusage sera fait par les administra-tions des données des différentspays? On peut redouter que lorsqu’uneentrepr ise sera importatr ice, l'administration locale soit tentée decontester la rémunération allouéeaux inventeurs et/ou fabricantsétrangers appartenant au mêmegroupe. En conséquence, les paysexportateurs où se concentrent l'innovation et le savoir-faire dans lestrès grandes entreprises seront plusexposés que les autres. Plus lesexportations sont concentrées surdes très grandes entreprises dans unpays, plus le nombre de litiges avecles pays de marché augmenteront. Au-delà de la question des ressour-ces que les pays vont devoir mettreen œuvre pour faire face aux litigesassociés à des situations de doubleimposition, le risque de pertes derecettes fiscales induites pour leurpays d’origine est réel. Sera-t-ilcompensé par la possible opportunitéde recettes plus importantes venantdes « GAFA » ? Ceci est une vraie question pour nos dirigeants poli-tiques européens.La publicité de ces données estencore une autre affaire, surtout sides pays majeurs n'ont pas la mêmeexigence, notamment les États-Unis.Pour certaines activités, la publicitéde ces informations (chiffre d'affaires,profit, effectifs et actifs corporels)peut être dommageable et commu-niquer aux concurrents des donnéesqu'ils n'auront pas eux-mêmes àfournir. Il est donc essentiel quecette publicité soit concomitante etréciproque au moins entre grandespuissances économiques.Pour l’heure, l’Europe est placée faceà ces défis. Va-t-elle décider dedéfendre ses champions ou s’engagerdans une lutte fratricide contrequelques-uns de ses membres sanspréparer la bataille face aux géantsmondiaux, anciens et nouveaux ? Lespremiers drafts de directive dite « antiBEPS » ne le laisse pas penser.

Pour en savoir plus sur le projet OCDE/G20 de lutte contre l’érosion de labase d’imposition et le transfert de bénéfices, notamment pour consulterl’Exposé des actions 2015, les rapports issus du Projet BEPS publiés en2015, les informations générales et les questions/réponses, rendez-vousà l’adresse suivante :

http://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps-rapports-finaux-2015.htm

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Lutter contre la fraude à la TVAdans le e-commerce

La collecte de la TVA dans l’éco-nomie numérique est l’un desplus grands défis que doivent

relever les États. En 2014, les ventesen ligne en B2C dépassaient 1 400milliards USD au niveau mondial.Selon les prévisions, elles devraientatteindre 2 400 milliards USD par and’ici à 2018. Selon l’OCDE, cette fortecroissance des ventes en ligne s’accompagne d’une augmentationdes risques de fraude à la TVA lorsqueles biens et services sont acquis pardes particuliers auprès de fournisseursétrangers (Action 1 du rapport « BaseErosion and Profit Shifting »).Sur de nombreuses gammes de produits, le consommateur prend sadécision d’achat sur la base du prixde vente affiché. Cette sensibilité auprix est encore plus importante pourles ventes sur Internet car l’ordred’apparition des sites marchandssur les moteurs de recherche tientcompte du prix. Pour certains produits électroniques de marque,une différence de prix de 1 % peutsuffire à exclure une entreprise de lapremière page des résultats d’unmoteur de recherche, entraînant unmanque à gagner significatif.En proposant des produits non alimentaires à des prix parfois trèsinférieurs à ceux pratiqués par ladistribution traditionnelle, Internetpeut apparaître comme un eldoradopour les consommateurs. La fraudetotale ou partielle à la TVA (taux nor-mal de 20 % en France) est souvent àl’origine de ce différentiel de prix etpeut revêtir des formes diverses.En effet, il est aujourd’hui possibled’acheter des produits électroniqueset textiles sur Internet en les com-mandant auprès de fournisseurs ou

« market places » hors Unioneuropéenne sans acquitter la TVAd’importation, lorsque ces biens sontlivrés par la poste ou par destransporteurs express. Il suffit auvendeur de déclarer frauduleuse-ment un échantillon ou une valeurinférieure à 22 euros afin de bénéfi-cier du régime d’exonération desbiens de faible valeur. Par manquede moyens, les contrôles douaniersqu’impose ce nouveau type de venteà distance sont insuffisants pourmettre fin à ce commerce lucratif enplein essor.Les différences de taux favorisent

la fraude. Au sein de l’Union européenne, la fraude à la TVA utilisela différence de taux pouvant existerentre les États (1 % entre la France et l’Allemagne) ou certains régimesd’exonération locale, couplés au régime des ventes à distance. En application de ce régime, un four-nisseur européen doit facturer de laTVA française sur les produits com-mandés sur Internet par des clientsfrançais lorsque ses ventes sur leterritoire excèdent 35 000 euros paran. En deçà de ce seuil, c’est la TVA du pays du fournisseur qui s’applique. Or, des États exonèrentla vente de certains produits de TVA(par exemple, la vente de vêtementspour enfants en Grande-Bretagne oucelle d’appareils électroménagersen République Slovaque). Il suffitdonc à des fournisseurs établis dansces pays de ne pas déclarer à l’admi-nistration française le franchisse-ment du seuil de 35 000 euros, pourne pas avoir à facturer de TVA à leursclients français. En pratique, il esttrès difficile pour les autorités fisca-les de contrôler le chiffre d’affaires,dont la progression peut être très

importante, d’opérateurs qui dispa-raissent parfois rapidement.La fraude peut aussi porter sur l’assiette de calcul de la TVA. Lesparticuliers qui achètent un ordina-teur en ligne pour 100 ignorent quele prix est parfois alloué à deux outrois entités juridiques distinctes. La première vend une prestation de transport international exonéréepour 15, la deuxième un servicefinancier également exonéré pour 5,la troisième pour 80 le bien qui esttaxé à 20 % (soit une TVA de 16). Si cet ordinateur est acheté enmagasin, le transport internationalet le service financier seront considéréscomme un accessoire de la vente etle prix de 100 sera soumis à la TVA(soit une TVA de 20).Des solutions encore insuffisantes. Ilest urgent de réagir afin de mettreun terme à ces fraudes, source dedistorsions de concurrence entre lesdifférents opérateurs économiques,de protéger le budget des États etd’éviter l'impact sur l’emploi dansles magasins. Les solutions envisa-gées, notamment par l’Unioneuropéenne (simplification des procédures), vont dans la bonnedirection mais sont insuffisantes. Tout d’abord, il serait possible d’améliorer la transparence de l’ information communiquée auconsommateur, qui la plupart dutemps ne sait pas que tout ou partiede la TVA n’a pas été payée, en rendant obligatoire l’émission d’unefacture mentionnant la TVA. Ilconviendrait également, comme lepropose le rapport de l’OCDE, des’appuyer sur les intermédiaires à la vente pour collecter la TVA à l’im-portation : les transporteurs et/ou la banque du consommateur.

La forte croissance des ventes en ligne s’accompagne d’une augmentation desrisques de fraude à la TVA. Les entreprises doivent réagir sans tarder, notammentau moyen d'une plus grande transparence de l'information et de la mise en œuvredes récentes propositions de l'OCDE.

Eric ANTHOINE, Directeur fiscal, groupe Carrefour

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Vers une certification fiscale ?

Au début du XXIe siècle, et sousl’égide de quelques grandsacteurs dont l’ICC, le système

fiscal international entamait unelibéralisation destinée à favoriser lacroissance du commerce mondial.Celle-ci avait pour priorité de luttercontre les doubles impositions pourencourager l’investissement inter-national. Mais, depuis 2008, les États-membresdu G20 ont entamé un retour vers le protectionnisme. L’imposition ducommerce mondial devient la priori-té, au détriment de la lutte contre lesdoubles impositions. La croissancedu commerce mondial ne constitueplus une priorité : d’ailleurs, il secontracte désormais dans les économies du G20. Pour les entreprises internationales,la question la plus urgente n’est pasde juger des mérites de ce protec-tionnisme fiscal, mais d’adapterleurs gouvernances à cette nouvelledonne afin de préserver leur compé-titivité. Cette conduite du changement estparticulièrement importante pourles entreprises européennes qui,contrairement à leurs concurrentesaméricaines, sont confrontées à un marché régional fragmenté fisca-lement et à des administrationsnationales moins protectrices deleurs intérêts économiques. Une telle évolution impose l'ouvertu-re de trois chantiers : 1 - sécuriser les organisations

matricielles ; 2 - mettre en place des outils de

reporting interne ;3 - s’assurer que la répartition

mondiale de leurs comptes derésultats fiscaux reflète l’imagesincère et fidèle de la réalité économique.

1 – Sécuriser les organisations

matricielles, et notamment des

business models centralisés.

Les nouvelles obligations en matièrede transparence de la charge fiscalepar pays vont mettre en évidence lesdistorsions entre répartition de labase fiscale et localisation des actifséconomiques. Chacun de ces écartsdevra être justifié ou ajusté. Cela vacontraindre les entreprises à justi-fier la répartition des comptes derésultats fiscaux, et donc sociaux, auregard de leur création de valeurajoutée. Cette démarche d’alignement desrésultats sociaux avec l’analyse de laperformance économique n’entrepas aujourd’hui dans la gestion desgroupes. La gestion du changementsera majeure et passera par troisenjeux.La répartition des gains de localisa-

tion. L’économie, donc le profitnotionnel, engendrée par les locali-sations dans les pays émergents doitdésormais être partagée avec cesderniers, alors qu’auparavant, elleétait allouable à l’investisseur.Partage et fiscalité font mauvaisménage. Ce nouveau principe internationalentraînera de nombreuses doublesimpositions contre lesquelles lesentreprises ne pourront se prémunirque par, en amont, une structurationappropriée de l’investissement, ou,en aval, par la gestion du contentieuxfiscal international. Toutes les entre-prises doivent revoir la rentabilité deleurs capacités de production dansces pays, ne fût-ce que pour repen-ser leurs investissements futurs. Le partage des synergies intra-

groupe. L’activité de centralisationdoit être rémunérée comme un service et les gains résultant des synergies partagées au sein du

groupe répartis en fonction de lacontribution de chacun à ces syner-gies. Cette approche contraint àrepenser un grand nombre de struc-turations internationales mises enplace au cours des dernières années. Il est désormais nécessaire d’alignerrépartition du retour sur investisse-ment et allocation des actifs incor-porels et humains au sein du groupe.Cet alignement est complexe car ilforce la translation des organisa-tions matricielles dans une grilled’analyse de comptabilité sociale quin’a pas été conçue pour un tel exer-cice. Les déploiements d’ERP et laréalité des marchés vont continuer àinciter les groupes à se centraliser,ce qui doit les amener à aligner leurstructure opérationnelle avec lastructure fiscale.La révision du seuil de déclenche-

ment de l’imposition locale. Lesentreprises qui génèrent des ventesrégulières sur un territoire via un commissionnaire ou un agentdeviennent taxables localement, saufsi ces derniers sont indépendants.Mais ne peut être indépendant qu’uncommissionnaire ou un agent qui n’aque son groupe comme client. Plus généralement, la fiscalité inter-nationale s’oriente vers une logiqued’imposition locale à partir dumoment où l’entreprise génère uneactivité significative avec des moyenslocaux. Ce changement de paradigme obligeà revoir l’ensemble des structuresjuridiques et des contrats pour s’assurer que les résultats fiscauxsont bien déclarés dans les pays quiont les droits d’imposer.

2 - Élaborer un système de repor-

ting lié aux prix de transfert.

Les obligations documentaires enprix de transfert ont pris une telle

Le retour du protectionnisme fiscal invite les entreprises internationales à adapterleur gouvernance afin de préserver leur compétitivité. Trois chantiers sont à l'ordredu jour : sécuriser les organisations matricielles, mettre en place des outils dereporting interne et adopter une démarche de certification fiscale.

Gianmarco MONSELLATO, Président de la commission Fiscale du Comité Français, Avocat associé, Taj,Membre de Deloitte

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ampleur qu’elles ne peuvent êtretraitées par la seule interventionhumaine. Les entreprises doiventmettre en place collecte, centralisa-tion et archivage des données d’ori-gine, et le cas échéant des résultatsintermédiaires, concernant leurstransactions intra-groupe et leurspositions fiscales dans tous les pays.Cela équivaut à faire entrer lesentreprises européennes dans unsystème de bénéfice mondial allégé.La mise en place de tels systèmessuppose à la fois la capacité techno-logique et l’expertise fiscale pourdéterminer les critères de reportingadéquats.Le plan de la nouvelle documentationprix de transfert permet de visualiserl’ampleur du chantier. Elle suit troisparties, certaines anciennes maisrenforcées, d’autres nouvelles.Le masterfile. Il est constitué par lesiège mondial et doit être communi-qué aux filiales, soit directement,soit par le biais des communicationsentre administrations fiscales. Il prévoit les éléments suivants : - une description organisationnelle

du groupe ;- une descript ion économique

détaillée ; - l’analyse des incorporels ; - l’analyse du financement ;- les positions financières et fiscales

du groupe.Le local file. Il est destiné à l’entitélocale pour servir de support aucontrôle fiscal.

Il comprend : - la description de la structure

locale ; - la définition d’un seuil de matéria-

lité ;- l’analyse des transactions impac-

tant l’entité locale - l'analyse économique.Le reporting par pays. Il fera figurerla liste complète des entités dugroupe et le montant de l’impôt dû,hors impôts différés, par pays, avecla qualification normée de l’activitédes pays. Il représente un puissantoutil de contrôle de cohérence desprix de transfert.Sur le processus en tant que tel, unrapport prix de transfert établi seloncette norme s’apparente à un rapport d’audit. Outre les diligencesimportantes qu’il suppose, il entraî-ne la constitution et l’archivaged’une piste d’audit qui lie la docu-mentation fiscale avec la donnéed’origine comptable, contractuelleou économique. Pour réaliser cetexercice, les fiscalistes devrontencore plus s’impliquer au cœur desopérations.

3 – Adopter une démarche de certi-

fication fiscale.

Les nouveaux principes en matièrede prix de transfert marquent unerupture par rapport au passé, en cesens qu’ils privilégient les logiquesde partage de profits pour justifier dela répartition des bases fiscalesentre les pays. Cela accroît fortement

la subjectivité des analyses prix detransfert, et dès lors les risques dedoubles impositions. L’intérêt d’un chantier documentaireest par conséquent de renverser lacharge de la preuve sur l’administra-tion, d’éviter les pénalités mais ausside bénéficier d’une présomptiond’innocence vis-à-vis des partiesprenantes non fiscales : médias,ONG, salariés. On ne peut pas y parvenir sans une démarche de certification de la documentation,qu’elle soit interne, externe oumixte.Cette certification est rendue d’au-tant plus complexe par le traitementdes incorporels et avantages concur-rentiels, qui doivent désormais fairel’objet de partage de la base imposa-ble entre les différentes parties dugroupe selon leurs contributionsrespectives à la création de valeur.La nouvelle structure documentairepréconisée oblige les groupes àaborder ce partage de manièretransparente et approfondie. Cesanalyses figurent parmi les pluscomplexes de la micro-économie etn’appellent jamais de réponses univoques. Ainsi, pour sécuriser l’incertain et le subjectif, la mise enplace d’une procédure certifiant laconformité de la politique fiscaledevient inévitable.Dès lors, la convergence vers lesproblématiques d’audit apparaîtclairement, ce qui n’est pas para-doxal dans la mesure où les prix detransfert représentent le sous-jacent des comptes sociaux. De lamême façon que les entreprises doivent faire certifier la sincérité deleur communication financière, lanouvelle donne fiscale fait qu’ellesdevront désormais attester de la sincérité de leur communication fiscale, ce qui permettra de traiterpar là même les risques d’image.En conclusion, les entreprises sontdurablement confrontées à une nouvelle forme de gestion du TauxEffectif d’Impôt (TEI). Jusqu’à présent,elles géraient le niveau et la volatilité.Désormais, elles doivent aussi revoirla décomposition géographique etintégrer la communication aux parties prenantes non fiscales. Àchaque fois qu’un dirigeant prendraconnaissance de son TEI, il devraavoir quatre questions en tête : est-ilexact, est-il compétitif, est-il stable,est-il acceptable ?

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Rapport BEPS 2015 : L’OCDEaugmente les risques de doubles impositions

Fondé en 1648 sur le principedes États-nations, et à traverseux des souverainetés abso-

lues de chaque État, le systèmeinternational porte en lui l’exclusivitéde la compétence fiscale pourchaque pays, que même l’Europen’est pas encore parvenue à effaceren matière de fiscalité directe.Pour accompagner l’explosion deséchanges internationaux et assouplirles frontières, l’OCDE a joué un rôleimportant pour éviter l’empilementdes impositions dans chaque pays et,à défaut de l’éviter, proposer auxadministrations fiscales des moyensde s’entendre pour éliminer les doubles impositions (pour simplifier,les cas dans lesquels les groupesmultinationaux doivent payer deuxfois l’impôt sur un même revenudans deux pays différents).Les rapports BEPS (Base Erosionand Profit Shifting) publiés parl’Organisation en octobre 2015, quivisent très schématiquement à luttercontre la fraude fiscale internationale,marquent toutefois un profond changement d’approche. Désormais,le Château de la Muette s’éloigne deson objectif initial pour privilégierl’application de la règle fiscale, aurisque de complexifier et de brider lecommerce international.Un consensus se dégage pour recon-naître que ces recommandationsvont augmenter les risques de doubles impositions des groupesinternationaux. Mais ces dernierspeuvent adapter leur stratégie afinde limiter ce risque. Ils peuvent aussirevendiquer des actions destinées

à traiter plus convenablement cessituations pénalisantes pour leuractivité et leur trésorerie.

Le risque de doubles impositions

est inhérent aux recommandations

BEPS.

Concrètement, les rapports BEPSrenforcent les règles de fiscalitéinternationale et font peser de nou-velles obligations sur les groupesmultinationaux. Cette action légitimede la part des États n’est pas contestable. Reste que certainesrecommandations remettent encause plusieurs principes jusque-làétablis, sans toutefois proposer derègle alternative claire destinée à s’y substituer (tel est le cas en particulier dans le domaine de lalutte contre l’abus des traités ou lesprix de transfert).De leur côté, fortes de ce signalenvoyé par l’OCDE, certaines admi-nistrations fiscales ne manquerontpas d’y puiser la légitimité pourdévelopper des actions de contrôleagressives, orienter leurs investiga-tions sur ces sujets complexes par-fois mal maîtrisés par leurs services(notamment dans certains pays nonmembres de l’OCDE, associés à cestravaux engagés sous l’égide duG20), voire augmenter le montantdes corrections (dans des domainesoù la détermination des chiffres s’avère complexe, à défaut de référent indiscutable).Les administrations fiscales dispo-seront également d’une meilleureinformation pour engager leursactions de contrôle, grâce aux nouvelles

obligations que l’OCDE fait peser surles groupes multinationaux, dans saquête d’une plus grande transparencefiscale, notamment le rapport pays par pays que devront préparerles groupes internationaux les plusimportants. Pour simplifier à l’extrê-me, des données sur l’ampleur desactivités développées dans un paysau regard des impôts acquittés dansce pays seront dévoilées. Désormaisà disposition des administrations,elles faciliteront la programmationdes actions de contrôle et nul nepeut exclure qu’elles soient égale-ment utilisées pour fonder certainsredressements, même si l’OCDE s’endéfend.L’issue d’une telle concentration del’attention sur ces sujets de fiscalitéinternationale ne fait guère de doute.Quelles en seront les conséquen-ces ?Elle aura d'abord un impact sur lesinvestissements directs étrangers,traditionnellement sensibles auxfacteurs de risque fiscal (incertitudesur les conditions d’imposition etdouble imposition potentielle). Elleaugmentera aussi de manière signi-ficative les intérêts de retard et lespénalités qui accompagneront lesrectifications en matière de fiscalitéinternationale, en particulier enmatière de prix de transfert. Enfin,elle ne sera pas sans incidence surles comptes et la trésorerie desgroupes appelés à faire face à cesrectifications, qu’il s’agisse desmontants à provisionner, des impôtsà payer le temps des procédures par lesquelles les groupes se

Le paysage de la fiscalité internationale a profondément changé avec la publicationen octobre 2015 des rapports BEPS de l’OCDE. Les conséquences de ce changementauront un impact sur les doubles impositions subies par les groupes internationauxqui doivent adapter leur stratégie et faire entendre leur voix.

Eric LESPRIT, Avocat associé, Taj

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défendront, ou bien encore des ressources qu’elles devront dédierà ces dossiers.

Pour s’adapter, les groupes inter-

nationaux doivent développer de

nouvelles stratégies.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler une évidence : la majoritédes ajustements en matière de fisca-lité internationale portent non passur des schémas de fraude vers desparadis fiscaux mais sur des fluxentre des pays de l’OCDE aux tauxd’imposition généralement compa-rables. Pourtant, ces derniers nesont pas en mesure de s’entendre.Le nombre de procédures d’élimina-tion des doubles impositions encours de traitement dans les pays del’OCDE a été multiplié par 2 en 7 anset le délai moyen de traitement esten augmentation.L’OCDE a timidement tenté d’améliorerles voies de résolution desconflits entre administrationsfiscales, alors que ses propresstatistiques font ainsi étatd’une dégradation continue desconditions d’élimination desdoubles impositions. Elle a jetéles bases de ce qui pourraitapporter une amélioration àterme. La Commission euro-péenne vient également de lan-cer une consultation publiquepour évaluer la perception decette procédure par les opérateurséconomiques, bien consciente desefforts à consentir. En attendant, lesgroupes doivent s’adapter à cecontexte particulier.Pour les années passées qui ferontl’objet de vérifications fiscales, ilsdoivent rapidement s’investir dans la défense de leur position en fournissant les informations utiles eten apportant la contradiction auvérificateur, au plus tôt durant lecontrôle. Un accord avec le servicede vérification pourra éventuelle-ment être recherché. Cette solutiondevra néanmoins être examinée avecprécaution, dès lors qu’un tel accordpeut dans certains pays s’avérer unobstacle pour engager une procédureamiable.Or, cette dernière ne doit pas êtreexclue a priori. Certes, elle peut

s’avérer longue mais elle est enprincipe gage d’une éliminationcomplète de la double imposition,soit parce que la convention le prévoit en tant que telle, soit parceque l’expérience montre que lesadministrations atteignent quasisystématiquement cet objectif. Entout état de cause, elle s’avère de cepoint de vue plus protectrice qu’uncontentieux dont l’issue reste incer-taine (en cas de résultat défavorable,la double imposition demeure).Pour autant, les groupes pourrontégalement s’engager dans la voiecontentieuse, en utilisant les voiesde recours internes, qui s’avèrentsouvent fructueuses (à tout le moinspour limiter les montants des rectifications), voire en engageantdes procédures juridictionnelles,lorsque les éléments réunis sem-blent suffisamment solides pouremporter la conviction du juge.

Pour l’avenir, les groupes doiventdésormais s’engager résolumentdans une stratégie proactive. Il nefait aucun doute en effet que les opé-rations internationales feront l’objetd’une surveillance attentive de lapart des administrations fiscales.Les opérations internationales, et enparticulier les transactions intra-groupes, doivent faire l’objet d’unerobuste documentation, destinée àdétailler les conditions dans lesquellesles groupes développent leur activitéopérationnelle, à justifier les choixretenus et les chiffres utilisés (tauxde marge, base de calcul, clefs derépartition...) mais également àdémontrer la bonne application de laméthode choisie.Les groupes ne doivent pas négligerle recours à l’accord préalable sur

prix de transfert, proposé par denombreux pays et dont l’utilité a étérappelée par les rapports de l’OCDEde fin d’année 2015. Impossible évidemment de s’engager dans unetelle procédure avec tous les paysdans lesquels un groupe développeses activités.En revanche, un choix judicieux depays clefs (les plus importants ouporteurs des plus gros risques) peutoffrir une protection non négligeableen ce que l’accord apporte un argu-ment de poids lors des discussionsavec les administrations des autrespays.

Œuvrer pour améliorer le traite-

ment des doubles impositions.

Des revendications peuvent égale-ment être portées devant les organi-sations internationales, qu’il s’agissede l’OCDE ou de la Commission

e u r o p é e n n e , v o i r e d e sNations Unies. Elles sont denature à améliorer rapidementle traitement des doublesimpositions :• le recours systématique àl’arbitrage lorsqu’il existe (ausein de l’Union européenne,grâce à la convention de 1990entre les États-membres, ouprévue par les conventions,telle que celle entre la Franceet les États-Unis) ;

• la négociation entre administra-tions sur les principes, afin d’anti-ciper certaines difficultés récur-rentes et clarifier les règles, pouréviter les redressements ou/etrégler plus rapidement les doublesimpositions ;

• l’information des groupes sur lesbases techniques ayant permis detrouver les solutions aux procéduresamiables, afin de leur fournir une base pour le traitement à l’avenir des opérations en cause.

Une stratégie robuste sur la base deces recommandations ne permettracertainement pas d’éviter les situations difficiles dont sera porteusela mise en œuvre des recommanda-tions de l’OCDE. Elle permettra enrevanche au groupe qui l’aura définied'attendre le contrôle fiscal avecsérénité.

Pour consulter l'intégralité des rapports BEPS : www.oecd.org/tax/beps-2015-final-reports.htm

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DOSSIER : FISCALITÉ INTERNATIONALE

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La CGPME aide les PME à booster leur chiffre d’affaires à l’international

Amorcer une démarche à l’inter-national n’est pas toujourschose aisée pour un chef

d’entreprise : appréhension et/oumauvaise connaissance des marchésvisés, besoin d’un retour sur investisse-m e n t , m a n q u e d e t ré s o re r i e immédiate, crainte de ne pas avoir decarnet de rendez-vous BtoB qualifiésde façon pertinente par rapport à sesobjectifs… Sans compter les aspectsliés à la logistique, les différencesinterculturelles ou encore tout sim-plement la barrière linguistique.Pour autant, face à la crise que nousvivons actuellement, les marchésinternationaux sont une alternativeindispensable pour aller chercher lacroissance là où elle se trouve.Avec la CGPME, c'est tout un réseauqui s’engage pour aider les PME àl'international : des femmes et deshommes issus des CGPME départe-mentales et régionales ainsi que desdifférentes branches professionnellesmobi l i sés sur l’ensemble du territoire pour réussir collectivementle pari de l’international. La régionRhône-Alpes-Auvergne, pionnièredes actions internationales au seinde la CGPME, active sur le sujetdepuis de très nombreuses annéesmet ses succès et son expérience auservice de l’ensemble des autresentités régionales.

Neuf missions en 2016.

Pour l’année en cours, ce ne sont pasmoins de neuf missions qui sont pro-posées aux chefs d’entreprises desPME, TPE et ETI : Maroc, Roumanie,Iran, Russie, Tunisie, Vietnam,Algérie, Dubaï et Chili. Les missions

consistent soit en la participation à unsalon, soit à une mission de prospec-tion, soit les deux combinés ensem-ble. L’objectif est de proposer auxchefs d’entreprise un large paneld’opportunités de croissance afinqu'ils puissent choisir la ou les missions qui correspondent le mieuxà leurs besoins et secteurs d’activité,après présentation de chaque missionpar la CGPME lors de soirées pays oud’ateliers plus spécifiques comme lesfinancements à l’international.Les destinations ne sont naturelle-ment pas choisies au hasard. Nousprivilégions les pays à forte valeurajoutée potentielle pour les PME etsommes toujours à l’affût de nouvellesopportunités pour les entreprisesfrançaises. L’Iran en est un parfaitexemple avec la levée des sanctionsinternationales. Pour ce faire, laCGPME s’entoure de partenaires« terrain » rigoureusement sélection-nés pour garantir les meilleureschances de succès dans le cadre desmissions réalisées. La diversité des acteurs alliée à leurexpertise et leur réactivité est gagede service optimum et de résultatspour les entreprises qui bénéficientde nos services. Nous travaillons en étroite collaboration avec les professionnels du secteur : la BPI et la COFACE pour accompagner lesentreprises en termes de finance-ments et des couvertures de risques,Business France, le réseaux desChambres de Commerce à l’étranger,les structures privées rassembléesau sein de l’OSCI (la fédération des opérateurs du commerce international), les agences gouverne-mentales étrangères, le réseau des

CCEF pour le suivi post-mission pourne citer que les principaux.

Un accompagnement total.

La confiance et le partage sont lespiliers sur lesquels sont bâties lesmissions CGPME : à la fois moteur etfacteur de rassemblement, chaquemission - si elle se doit de répondre àdes objectifs individuels très précis -est aussi la somme des énergiesconjuguées. Partage de réseaux, miseà disposition de contacts opération-nels et business, mise en relation avecdes contacts locaux au plus hautniveau : tel est l’esprit de la CGPME etrien ne vaut, lors des missions collec-tives, la rencontre de chefs d’entrepri-ses qui, loin de leurs bases, échangentleurs expériences, partagent leurs difficultés et leurs succès. Convivialité,partage, professionnalisme et culturedu résultat sont autant d’éléments aucœur des missions CGPME, le toutdans une logique de mutualisation desbesoins et des compétences… Ce que la CGPME propose, c’est unaccompagnement total de l’entreprisedepuis le moment où elle porte unintérêt à une destination cible jusqu’ausuivi post-mission des contacts prissur place. Nous aimons à dire que nousmaternons nos PME, et le mot n’estpas vain. Pour un succès optimal desmissions, l’entrepreneur doit pouvoirse concentrersur une seulechose : « faireson business ».P o u r t o u t l ereste, il y a – et ily aura toujours -à ses côtés le collectif CGPME.

Depuis plus de 20 ans, la CGPME accompagne les entreprises françaises dansleur développement à l’international. Plus de 2 000 chefs d’entreprises, du primo-exportateur à l’exportateur confirmé, ont déjà pu bénéficier de l’un des servicesphares de la CGPME.

François TURCAS, Vice-président de la CGPME en charge de l'International

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POINT DE VUE

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POINT DE VUE

Levée des sanctions interna-tionales contre l’Iran : les effetsdu dégel et du snap back

La levée de l’embargo et la remi-se dans le circuit économiquedes quelque 29 milliards de

dollars d’actifs gelés, à la suite du rapport favorable de l’AgenceInternationale de l'Énergie Atomique,constitue un événement clé pour lareprise des investissements étran-gers sur le marché iranien. Les sanctions procèdent de troisniveaux de textes édictés par leConseil de sécurité (CSNU), l’Unioneuropéenne (UE) et les États (princi-palement les États-Unis). La levéedes sanctions depuis le 18 janvier2016 (« Implementation Day »), bienque régie par des principes com-muns, met en œuvre des mécanis-mes différenciés selon leur origine.

Des processus différenciés. La tota-lité des sanctions onusiennes liéesau nucléaire iranien sont levées.S’agissant des mesures américaineset européennes, elles maintiennentles sanctions primaires, c'est-à-direles mesures de gel et embargo visantles personnes désignées impliquéesdans des activités terroristes et militaires prohibées et dans des violations de droits de l’Homme. Les sanctions américaines secondai-res, visant les activités menées pardes personnes non américaines quine sont pas détenues ou contrôléespar des entités américaines, sontlibérées notamment dans les sec-teurs de l’énergie et des ressourcespétrolières, la construction navale, letransport maritime, l’automobile, etles activités financières et bancaires. L’UE a pour sa part levé les sanctions

financières, les sanctions écono-miques relatives à l’importation depétrole et gaz iranien ainsi que cellesfrappant les secteurs des transportset des métaux précieux. L’attributioneffective de fonds ou ressources éco-nomiques gelés à une entité iranienneanciennement sous sanction requiertune autorisation, qui en France estdélivrée par la direction du Trésor. Les sanctions restantes ont vocationà être levées pour le dixième anniver-saire de l’Implementation Day, soit le18 janvier 2025 (Termination Day). Les avoirs gelés englobent tousactifs financiers et avantages écono-miques liés à des contrats conclusavec des entités sous sanctions.Celles-ci n’ont pas fait disparaître lecontrat ni l’obligation mais en inter-disaient l’exécution et prescrivaientla consignation ou l’immobilisationde l’avoir ou la suspension de l’obli-gation de faire ou de payer au titre ducontrat principal ou de la garantie.Par suite de leur levée et sous réserved’autorisation, le débiteur d’une obligation de livrer à une partie soussanction doit s’exécuter, le bénéfi-ciaire sous sanction d’un crédit oud’une garantie peut obtenir le paie-ment des sommes tirées ou appeléesmais non payées et le prêteur ou legarant peut consentir une remise dedette à une contrepartie iraniennesous sanction.

Un mécanisme de réversibilité, le

snap back. La levée des sanctionsiraniennes comporte un mécanismede réversibilité, le snap back, action-né par le CSNU si l’un des signataires

de l’accord de Vienne constatait quel’Iran vient à manquer à ses engage-ments nucléaires. L’exécution decontrats conclus après la levée dessanctions deviendrait illicite après lesnap back. En revanche, ce mécanismen’affecterait pas rétroactivement lavalidité des contrats conclus entre le18 janvier 2016 et la réintroductiondes sanctions. La levée des sanctions a des effetssur les procédures judiciaires et arbitrales. Elle permet de reprendredes procédures à fin de transfert defonds ou ressources économiquessuspendues en raison du gel, etd’exécuter les décisions ou senten-ces ne pouvant recevoir exécution auprofit d’une partie sous sanction. Le snap back devrait quant à luiemporter le retour au statu quo antedes sanctions et faire immédiatementéchec à l’adjudication de mesures detransfert de fonds ou ressources économiques sur le fondement decontrats conclus avant le snap back,sous réserve de la notion de protec-tion adéquate des cocontractants departies iraniennes qui seraient ànouveau sous sanctions. Il est diffici-le de savoir quelle interprétation lesjuridictions donneront de ce principedestiné à éviter que l’embargo ou legel ne lèsent les co-contractants defaçon indue. Cette protection devrait limiter lesincertitudes sur l'arbitrabilité du litigeou la reconnaissance et l'exécution dela sentence ou du jugement, qui reçoi-vent parfois des solutions différentesselon les pays en raison de la natured'ordre public des sanctions.

Le plan d’action global commun conclu à Vienne le 14 juillet 2015entre l’Iran et les membres permanents du Conseil de sécuritédes Nations-Unies plus l’Allemagne est entré en vigueur le 18 janvier 2016. Revue des effets du dégel et du snap back surles obligations financières et les litiges.

Jean-François ADELLE, Associé, Jeantet, Finance

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et Hélène PAYEN, Avocat, Jeantet, Finance

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ÉVÉNEMENTS

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Le Trade Finance en 2016 au programme d'un récent séminaire ICC France

Le programme de ce séminaire,qui réunissait plus de 40 partici-pants principalement issus du

secteur bancaire, était cette annéeparticulièrement riche et couvraittous les aspects du Trade Finance :contraintes réglementaires, nouvellestechnologies et nouveaux acteurs,travaux de la commission Bancaired’ICC ainsi que de la commissionDroit et pratiques du commerceinternational.François Georges, Délégué générald’ICC France, a présenté GeorgesAffaki, le nouveau Président de lacommission Bancaire d’ICC France.Après avoir rappelé que la commissionb a n ca i re e st l a p l u s g ra n d e commission technique d’ICC avec plusde 600 membres dans 100 pays, celui-ci a rapidement brossé untableau des nombreuses activités dela commission : Trade Register,Global Survey on Trade Finance,rédaction des règles et pratiquesstandard. Sur ce dernier point, il aprécisé que plusieurs chantiersétaient en cours : projet de Guidelinesfor BPO Customer Agreements, définitions standardisées pour les différentes techniques de SupplyChain Finance, sondage en cours surl’utilisation des Règles uniformesrelatives aux garanties sur demande(RUGD 758) en vue de la rédaction depratiques standard en matière degaranties (ISDGP).

Défis réglementaires.

Mais c’est sans conteste la partieconsacrée aux nouveaux défis régle-mentaires auxquels les banques setrouvent confrontées qui a fait l’objetdes discussions les plus animées avecl’auditoire, à commencer par la directive

BRRD 2014/59 Redressement etRésolution, article 55, qui, tout en partant d’une intention louable, pose denombreux problèmes d’interprétation. Le deuxième défi réglementaire estcelui découlant de la transposition del’article 194 du CRR RèglementUE575/2013, qui impose aux banquesd’être en mesure de produire un avis juridique indépendant pour toutcrédit consenti. En raison de contraintes réglemen-taires de plus en plus pressantes, unnombre croissant d’établissementsfinanciers renonce à travailler danscertains pays ou sur certains marchés. Ce phénomène de « De-Risking » a pris une ampleur inquié-tante qui débouche dans certains cassur une situation de « De-Banking ». La présentation d’André Casterman,membre du comité exécutif de lacommission Bancaire d’ICC, étaitensuite consacrée à l’impact dunumérique sur le Trade Finance. Side nombreuses innovations ont vu lejour ces dernières années, un sondageréal isé lors du dernier SibosCorporate Forum est révélateur. Ilplace en première position des développements récents le connaisse-ment électronique, suivi des messa-ges MT 798 et du BPO. Chaque banquedevra se déterminer quant au marchéqu'elle souhaite attaquer, en se rappe-lant qu’en la matière le changementvient du monde de l’entreprise et nondes banques. Quant à Alain Verschueren, de BNPParibas, il a exposé le mécanisme dela blockchain et expliqué pourquoi lacommunauté bancaire s’intéresseaux possibilités ouvertes par cettetechnologie. Il s’agit d’un grand livreélectronique ouvert à tous ses

utilisateurs dans lequel les donnéessécurisées de propriété qui y sontentrées, sont enregistrées de façonpermanente et dont la chaîne estconsultable à tout moment. Degrands groupes bancaires tels queBNPP, Barclays, UBS, BNY Mellonmais également SWIFT ont mis enplace des équipes dédiées à ce projet.

Risques « compliance ».

Vincent Duclos intervenait sur unsujet qui est également au cœur despréoccupations des banques, celui dela conformité. Après un tour d’hori-zon de l’actualité réglementaire en matière de sanction/embargo etd’AML, il a développé une approchedes risques « compliance » sur quatreaxes : pays, connaissance des inter-venants, nature de la marchandise etmontage/structuration de l’opéra-tion. Si les impacts négatifs sont déjàidentifiés, des solutions commencentà voir le jour comme celles de SWIFTavec le KYC Registry et le RMA+.Christoph Martin Radtke, Présidentde la commission Droit et pratiquesdu commerce international d’ICCFrance, a commenté le résultat del’enquête auprès des utilisateurs desIncoterms 2010. Il a par ailleurs infor-mé les participants de la publication àvenir courant 2016 d’un guide sur letransport et les Incoterms. Enfin, en tant que Président deCrédimpex France, j'ai présenté unesérie d’Opinions officielles récentesde la commission Bancaire, outilsdont la connaissance est indispensa-ble à tout praticien des crédits documentaires. Une formation surles Opinions officielles a été mise au catalogue 2016 des formationsdiffusées par ICC France.

Comme chaque année, ICC France, en partenariat avec Crédimpex France, a organiséun séminaire destiné à faire le point sur l’actualité et les innovations en matièrede Trade Finance. L'occasion de fructueux échanges de haut niveau.

Claude CAGNONCLE, Président de Crédimpex France

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