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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6 474 quant 2 600 patients souffrant de polypes coliques (pour lesquels l’effet escompté du rofecoxib était la prévention de la dégénérescence cancéreuse) qui a priori étaient indem- nes de maladie cardio-vasculaire puisqu’il s’agissait d’un cri- tère d’exclusion, la prévalence des infarctus du myocarde et des infarctus cérébraux était de 3,5 % contre 1,9 % dans le groupe témoin soit un « excès » de 16 infarctus pour 1 000 patients. Au vu de ces résultats, cette étude fut inter- rompue. Extrapolés aux 10 millions de patients qui ont reçu du rofecoxib, ces résultats donneraient selon EJ Topol 160 000 infarctus potentiellement attribuables au rofe- coxib. Ce qui n’est pas dit, toutefois, c’est que la durée d’exposition joue certainement un rôle important. En effet l’incidence cumulée d’infarctus diverge significativement du groupe témoin après une année de prescription conti- nue. Il serait donc plus logique d’exprimer le risque par patient et par an ou par patient et par mois. Quoi qu’il en soit ces spéculations soulèvent une sérieuse inquiétude et des questions quant au mécanisme responsable. Francis BONNET Hôpital Tenon, Paris. Coxibs and cardiovascular disease Garret A. Fitzgerald N Engl J Med 2004;351:1709-11 Le risque cardio-vasculaire est-il limité au rofecoxib ? Les inhibiteurs des cyclooxygénases n’affectent pas la synthèse de thromboxane et n’inhibent pas l’agrégation plaquettaire. Cet effet est présenté comme un avantage par rapport aux inhibiteurs non sélectifs des anti-inflammatoires non stéroï- diens en égard au risque hémorragique encouru notamment dans certaines chirurgies. AINS et COXibs inhibent pareille- ment la synthèse de prostaglandine I2, qui est physiologi- quement produite dans les plaquettes et les cellules endothéliales vasculaires et provoque une vasodilatation et inhibe la prolifération des cellules musculaires lisses vascu- laires in vitro. Les effets de la prostaglandine I2 contre balancent donc ceux du thromboxane. La synthèse de pros- taglandine I2 sous l’action des COX2 endothéliales pourrait être le facteur prédisposant à la survenue de thrombose et donc d’infarctus. L’action au long cours des COXibs ne résulterait donc pas uniquement d’une absence de protec- tion liée à l’absence d’inhibition plaquettaire mais d’un effet prothombotique lié à la synthèse persistante de prostaglan- dine I2. L’accroissement du risque cardiovasculaire pourrait s’étendre à tous les COXibs. Quelles que soient les déci- sions des firmes pharmaceutiques dans les semaines et mois à venir, il semble donc prudent d’éviter cette prescription chez les patients à risque cardio-vasculaire augmenté. Francis BONNET Hôpital Tenon, Paris. Risque, sécurité sanitaire et processus de décision. Michel Setbon. Collection Médecine des risques. Elsevier Paris 2004, 176 p. Les risques sanitaires sont devenus un sujet récurrent de controverse sociale, de débat scientifique et d’intervention publique. Sida, vache folle, amiante, OGM, rayonnements ionisants et autres légionelloses représentent autant de phénomènes qui ont pour dénominateur commun leur qua- lification publique de risque sanitaire. Le récent développe- ment de la sécurité sanitaire comme champ spécifique de la santé publique fait écho à une explosion de la demande sociale de protection contre tous les dangers et risques, qui semblent caractériser nos sociétés modernes. Discerner les risques représentant une réelle menace pour les popula- tions concernées et déterminer les mesures appropriées capables d’en prévenir l’extension représentent l’enjeu cen- tral permanent auquel se trouve confronté ce nouveau dis- positif. Les processus de décision organisés autour d’une expertise scientifique mandatée par les gestionnaires politi- ques en représentent l’étape clé. L’ouvrage expose les résultats d’une recherche collective portant sur huit processus de décision initiés pour répon- dre à des dangers ou à des risques relevant des trois sec- teurs concernés : le système de santé, l’alimentation et l’environnement. Il s’agissait, après avoir identifié les prin- cipaux éléments, d’en déterminer les variables et les logi- ques structurantes, ainsi que le degré de cohérence entre la connaissance produite et l’action décidée. Il a été ainsi pos- sible de vérifier dans quelle mesure les conclusions de l’expertise se retrouvaient dans les décisions prises, d’iden- tifier les facteurs de divergence et, plus largement, de ren- dre compte des voies par lesquelles se construit l’action publique face aux risques sanitaires. Francis BONNET Hôpital Tenon, Paris.

Coxibs and cardiovascular disease

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 6474quant 2 600 patients souffrant de polypes coliques (pourlesquels l’effet escompté du rofecoxib était la prévention dela dégénérescence cancéreuse) qui a priori étaient indem-nes de maladie cardio-vasculaire puisqu’il s’agissait d’un cri-tère d’exclusion, la prévalence des infarctus du myocardeet des infarctus cérébraux était de 3,5 % contre 1,9 % dansle groupe témoin soit un « excès » de 16 infarctus pour1 000 patients. Au vu de ces résultats, cette étude fut inter-rompue. Extrapolés aux 10 millions de patients qui ontreçu du rofecoxib, ces résultats donneraient selon EJ Topol160 000 infarctus potentiellement attribuables au rofe-coxib. Ce qui n’est pas dit, toutefois, c’est que la duréed’exposition joue certainement un rôle important. En effetl’incidence cumulée d’infarctus diverge significativementdu groupe témoin après une année de prescription conti-nue. Il serait donc plus logique d’exprimer le risque parpatient et par an ou par patient et par mois. Quoi qu’il ensoit ces spéculations soulèvent une sérieuse inquiétude etdes questions quant au mécanisme responsable.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

Coxibs and cardiovascular disease

Garret A. Fitzgerald N Engl J Med 2004;351:1709-11

Le risque cardio-vasculaire est-il limité au rofecoxib ? Lesinhibiteurs des cyclooxygénases n’affectent pas la synthèsede thromboxane et n’inhibent pas l’agrégation plaquettaire.Cet effet est présenté comme un avantage par rapport auxinhibiteurs non sélectifs des anti-inflammatoires non stéroï-diens en égard au risque hémorragique encouru notammentdans certaines chirurgies. AINS et COXibs inhibent pareille-ment la synthèse de prostaglandine I2, qui est physiologi-quement produite dans les plaquettes et les cellulesendothéliales vasculaires et provoque une vasodilatation etinhibe la prolifération des cellules musculaires lisses vascu-laires in vitro. Les effets de la prostaglandine I2 contrebalancent donc ceux du thromboxane. La synthèse de pros-taglandine I2 sous l’action des COX2 endothéliales pourraitêtre le facteur prédisposant à la survenue de thrombose etdonc d’infarctus. L’action au long cours des COXibs nerésulterait donc pas uniquement d’une absence de protec-tion liée à l’absence d’inhibition plaquettaire mais d’un effetprothombotique lié à la synthèse persistante de prostaglan-

dine I2. L’accroissement du risque cardiovasculaire pourraits’étendre à tous les COXibs. Quelles que soient les déci-sions des firmes pharmaceutiques dans les semaines et moisà venir, il semble donc prudent d’éviter cette prescriptionchez les patients à risque cardio-vasculaire augmenté. ■

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

Risque, sécurité sanitaire et processus de décision. Michel Setbon.

Collection Médecine des risques. Elsevier Paris 2004, 176 p.

Les risques sanitaires sont devenus un sujet récurrent decontroverse sociale, de débat scientifique et d’interventionpublique. Sida, vache folle, amiante, OGM, rayonnementsionisants et autres légionelloses représentent autant dephénomènes qui ont pour dénominateur commun leur qua-lification publique de risque sanitaire. Le récent développe-ment de la sécurité sanitaire comme champ spécifique dela santé publique fait écho à une explosion de la demandesociale de protection contre tous les dangers et risques, quisemblent caractériser nos sociétés modernes. Discerner lesrisques représentant une réelle menace pour les popula-tions concernées et déterminer les mesures appropriéescapables d’en prévenir l’extension représentent l’enjeu cen-tral permanent auquel se trouve confronté ce nouveau dis-positif. Les processus de décision organisés autour d’uneexpertise scientifique mandatée par les gestionnaires politi-ques en représentent l’étape clé.

L’ouvrage expose les résultats d’une recherche collectiveportant sur huit processus de décision initiés pour répon-dre à des dangers ou à des risques relevant des trois sec-teurs concernés : le système de santé, l’alimentation etl’environnement. Il s’agissait, après avoir identifié les prin-cipaux éléments, d’en déterminer les variables et les logi-ques structurantes, ainsi que le degré de cohérence entre laconnaissance produite et l’action décidée. Il a été ainsi pos-sible de vérifier dans quelle mesure les conclusions del’expertise se retrouvaient dans les décisions prises, d’iden-tifier les facteurs de divergence et, plus largement, de ren-dre compte des voies par lesquelles se construit l’actionpublique face aux risques sanitaires.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.