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1 N° 3ème CHAMBRE JUGEMENT DU 14 JANVIER 2008 TRIBUNAL DU TRAVAIL DE LIEGE Répertoire R.G. N°: 370.089 et 371.066 EN CAUSE : N J-L ; Partie demanderesse , comparaissant personnellement et assisté par Me Grégory LAMALLE, avocat; CONTRE : Le Centre Public d’Action Sociale de SERAING….. ; Partie défenderesse , comparaissant par Me MOSSAY loco Me LOURTIE, avocats ; ******** Vu la législation sur l’emploi des langues en matière judiciaire ; Vu le recours introduit par requête déposée au greffe le 28/9/2007 contre la décision du 28/8/2007 prise par le CPAS de Seraing en matière de revenu d’intégration sociale, et notifiée le 3/9/2007; Vu le recours introduit par requête déposée au greffe le 5/11/2007 contre la décision du 11/9/2007 prise par le CPAS de Seraing en matière de revenu d’intégration sociale, et notifiée le 17/9/2007; Vu les pièces de la procédure à la clôture des débats le 10/12/2007, notamment : - les conclusions de la partie demanderesse visées à la même audience ; - les conclusions de la partie défenderesse visées à la même audience ; - le dossier administratif de la partie défenderesse ; - le dossier de la partie demanderesse déposé à la même audience - le dossier de la partie défenderesse déposé à la même audience Entendu les parties à l’audience du 10/12/2007.

CPAS de Seraing condamné (chômeur exclus par ONEM a droit au revenu d'intégration)

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Les CPAS de Seraing, Couvin et Flémalle ont été condamnés par le Tribunal et/ou la Cour du travail à accorder le RI à des chômeurs exclus temporairement ou définitivement par l’ONEM.plus d'info sur : http://das.babelleir.be/article-53-Jurisprudence_chomeurs_exclus_et_CPAS-fr.html

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N° 3ème CHAMBRE JUGEMENT DU 14 JANVIER 2008

TRIBUNAL DU TRAVAIL DE LIEGE Répertoire R.G. N°: 370.089 et 371.066

EN CAUSE : N J-L ; Partie demanderesse , comparaissant personnellement et assisté par Me Grégory

LAMALLE, avocat;

CONTRE : Le Centre Public d’Action Sociale de SERAING….. ;

Partie défenderesse , comparaissant par Me MOSSAY loco Me LOURTIE, avocats ;

********

Vu la législation sur l’emploi des langues en matière judiciaire ;

Vu le recours introduit par requête déposée au greffe le 28/9/2007 contre la décision du 28/8/2007 prise par le CPAS de Seraing en matière de revenu d’intégration sociale, et notifiée le 3/9/2007;

Vu le recours introduit par requête déposée au greffe le 5/11/2007 contre la décision du 11/9/2007 prise par le CPAS de Seraing en matière de revenu d’intégration sociale, et notifiée le 17/9/2007;

Vu les pièces de la procédure à la clôture des débats le 10/12/2007, notamment : - les conclusions de la partie demanderesse visées à la même audience ; - les conclusions de la partie défenderesse visées à la même audience ; - le dossier administratif de la partie défenderesse ; - le dossier de la partie demanderesse déposé à la même audience - le dossier de la partie défenderesse déposé à la même audience Entendu les parties à l’audience du 10/12/2007.

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A. Objet de la demande et position de la partie demanderesse :

La partie demanderesse sollicite condamnation du défendeur au paiement du revenu d’intégration sociale (RIS) au taux isolé pour la période du 31/7/2007 au 27/9/2007, puis à partir du 28/9/2007. Elle conteste le manque de collaboration qui lui est reproché. Elle soutient être disposée à travailler. Ses moyens et arguments sont développés dans ses conclusions. B. Décision dont recours et position du CPAS de Seraing : Par sa première décision, le défendeur refuse à la partie demanderesse le revenu d’intégration sociale au taux isolé à partir du 31/7/2007 , pour les motifs suivants : « …Vu votre manque de collaboration dans l’instruction de votre dossier (non remise des documents demandés) il est impossible de déterminer si les conditions prévues pour l’octroi du revenu d’intégration sont remplies – vous ne vous êtes plus manifesté et ne fournissez pas la preuve de votre disposition à être mis au travail ». Par sa seconde décision, le défendeur refuse à la partie demanderesse le revenu d’intégration sociale au taux isolé à partir du 30/8/2007 , pour les motifs suivants : « …Confirmation de la décision prise en date du 28/8/2007 et maintien du refus de RI au 30/8/2007. Vu votre manque de collaboration dans l’instruction de votre dossier (non remise des documents demandés) il est impossible de déterminer si les conditions prévues pour l’octroi du revenu d’intégration sont remplies . Par ailleurs , vous ne démontrez pas votre disposition à être mis au travail compte tenu de votre exclusion définitive du bénéfice des allocations de chômage pour refus de signature d’un deuxième contrat avec l’ONEm… ». Il demande confirmation de ces décisions. Ses moyens et arguments sont développés dans ses conclusions.

C. Appréciation : Quant à jonction des causes :

Vu la connexité entre les deux causes, il y a lieu de les joindre en application de l’article 30 du Code judiciaire. En effet, leur rapport est si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et juger en même temps, afin d’éviter des solutions qui seraient susceptibles d’être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

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RECEVABILITE : Les recours sont recevables, ayant été introduits dans les formes et délai légaux devant la juridiction compétente.

FONDEMENT : 1. Les faits : Monsieur NATALIS est né le 5/5/1979. Par décision du 17/7/2007, il a fait l’objet par l’ONEm d’une exclusion du bénéfice des allocations d’attente à partir du 23/7/2007, sur base des articles 59 quinquies et 59 sexies de l’AR du 25/11/1991. Cette exclusion totale est fondée sur le fait que le demandeur a refusé de signer le deuxième contrat lui proposé dans le cadre de l’activation de son comportement de recherche d’emploi. Il n’a pas contesté cette décision devant le tribunal du travail, de sorte qu’elle est devenue définitive. Etant sans revenus, le demandeur a sollicité l’aide du CPAS de Seraing, qui a pris les décisions de refus litigieuses. Il s’est inscrit comme demandeur d’emploi au Forem le 31/7/2007. Le demandeur a été condamné à payer une part contributive de 150 € par mois au profit de sa fille Lindsay (jugement du juge de paix du canton de Ciney-Rochefort du 17/1/2007). Son contrat de bail a été résilié (jugement du juge de paix du canton de Seraing du 9/11/2007). Il déclare s’être inscrit auprès de diverses agences intérimaires. Il a travaillé pour le compte de BIK Intérim les 27 et 28/9/2007, et les 4 et 5/10/2007. 2. Appréciation:

Charge de la preuve : En vertu de l’article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge de la preuve des faits qu’elle allègue. Le Conseil d’Etat , en matière d’aide sociale, a jugé que « lorsque l’intéressé forme une demande d’aide sociale, c’est à lui qu’il incombe de prouver son état de besoin. Par contre, lorsque le CPAS veut retirer l’aide précédemment accordée, il lui

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incombe de prouver le motif qu’il invoque (15 janvier 1981, n°20859) » (cité par V. Lebbe dans Le minimex et l’aide sociale, Actualités du droit 1993.4, Revue Faculté de droit de l’ULG). La Cour du travail de Liège a jugé que « …Il appartient au CPAS qui prend une décision de révision ou de retrait du minimex antérieurement accordé d'établir que le bénéficiaire ne satisfait plus à l'une des conditions légales. S'agissant d'une révision d'office et donc d'un revirement d'attitude du CPAS, les principes généraux imposent à l' auteur de la décision une motivation et une justification accrue de la nouvelle balance d'éléments qu'il prend en considération. La résidence effective peut être prouvée par indices et témoignages. La cohabitation ne doit pas être confondue avec l'entraide occasionnelle. Selon l'article 6, §1er de la loi du 7 août 1974, le bénéficiaire du minimex doit faire la preuve qu'il est disposé à être mis au travail, à moins que cela s'avère impossible pour des raisons de santé ou d'équité. Généralement, les raisons d'équité ont été examinées pour des étudiants, les études rendant impossible une disposition complète au travail. Rien n'empêche de considérer que l'équité peut avoir un sens plus large et notamment qu'elle peut impliquer de tenir compte de critère comme celui de l'analphabétisme couplé à des efforts vains pour tenter d'y remédier » (CT Liège, 8e ch, 26/2/2003, RG 30.649/02, sommaire publié sur le site internet du SPF Justice). En l’espèce, s’agissant d’une décision de refus à partir du 31/7/2007, il appartient à la partie demanderesse d’établir qu’elle satisfait aux conditions d’octroi du RIS durant la période litigieuse. Application à l’espèce : Quant au manque de collaboration : L’article 19 de la loi du 26/5/2002 sur le droit à l’intégration sociale énonce notamment que : « § 2. L'intéressé est tenu de fournir tout renseignement et autorisation utile à l'examen de sa demande ». La Cour du travail a encore jugé, en matière d’aide sociale, que « des réponses inexactes, évasives, incomplètes ou imprécises qui entraînent une absence de connaissance suffisante de la situation du demandeur d’aide sociale , justifient qu’il ne puisse être fait droit à sa demande » (CT Liège,5e ch.,28/4/2004, RG n°30.197/01) (arrêt cité par A. Havenith, « Conditions d’octroi de l’aide sociale », p.71, contribution publiée dans l’ouvrage Actualités de la sécurité sociale, Evolution législative et jurisprudentielle, CUP Liège, De Boeck et Larcier 2004). En l’espèce, le demandeur a été sanctionné par l’ONEm parce qu’il n’a pas rempli ses obligations minimales en matière de recherche d’emploi (activation de son comportement).

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Il n’a pas contesté la décision d’exclusion de l’ONEm. Même si elle s’en approche, la législation relative à la collaboration et à la disposition au travail en matière de chômage n’est pas la même que celle en vigueur en matière de droit à l’intégration sociale. Le tribunal ajoute que la disposition au travail du demandeur doit être examinée lors de sa demande du 31/7/2007, soit une période postérieure au comportement lui reproché par l’ONEm. En l’espèce, il apparaît que le demandeur n’a pas parfaitement collaboré à l’enquête sociale entre le 31/7/2007 et le 30/8/2007. C’est seulement le 30/8/2007 qu’il a déposé certains des documents lui demandés, soit après la décision de refus prise le 28/8/2007. Le tribunal estime que le demandeur, pourtant informé de l’importance de son obligation de collaboration (ce comportement est à l’origine de son exclusion par l’ONEm), a montré une certaine légèreté dans le respect de ce devoir de collaboration entre le 31/7/2007 et le 30/8/2007. Le première décision de refus du RIS au 31/7/2007 doit être confirmée. En revanche, le tribunal considère que le demandeur démontre avoir satisfait à son devoir de collaboration à partir du 30/8/2007 (par le dépôt des différents documents lui demandés).. Etudes et disposition au travail : L’article 3 de la loi du 26/5/2002 concernant le droit à l’intégration sociale dispose que pour pouvoir bénéficier du droit à l’intégration sociale, le bénéficiaire doit notamment : … 5° être disposé à travailler , à moins que des raisons de santé ou d’équité l’en empêchent …». L’article 21 de l’AR du 11/7/2002 portant règlement général en matière de droit à l’intégration sociale énonce les conditions spécifiques pour un projet individualisé d’intégration sociale en matière d’études de plein exercice. La partie demanderesse a 28 ans et ne dispose pas d’un diplôme particulier sur le marché de l’emploi. Il déclare avoir déjà travaillé dans le secteur de la construction , ainsi que dans d’autres secteurs. Il déclare s’être inscrit auprès de diverses agences intérimaires.

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Il a travaillé pour le compte de BIK Intérim les 27 et 28/9/2007, et les 4 et 5/10/2007. Le seul fait que le demandeur a été sanctionné par l’ONEm à partir du 23/7/2007 ne suffit pas à justifier le refus du RIS sollicité par le demandeur : les législations applicables aux deux matières sont différentes et les périodes sur lesquelles l’examen de la disposition au travail doit porter sont également différentes. Il est certain que le demandeur a , dans un passé proche, manqué à son devoir de recherche d’emploi, qui l’a conduit dans la situation délicate qu’il connaît actuellement. Cependant, il démontre actuellement accomplir des efforts pour trouver du travail (la preuve en est qu’il a travaillé deux jours en septembre et 2 jours en octobre comme intérimaire). Il est aussi indéniable qu’il doit encore augmenter et multiplier ses efforts de recherches d’emploi. Sa persévérance sera sans doute récompensée. Le tribunal ajoute que la mission du CPAS de Seraing est de l’assister dans ses démarches de recherches d’emploi ou de formation professionnelle (activation du droit à l’intégration sociale). Le tribunal estime que le demandeur démontre actuellement sa disposition à travailler. Son état de besoin n’est pas formellement contesté , et est établi par la production de différentes pièces. Le tribunal considère qu’il y a lieu de condamner le CPAS de Seraing à octroyer au demandeur le droit à l’intégration sociale à partir du 31/8/2007, sous la forme d’un revenu d’intégration sociale au taux isolé, sous déduction de la rémunération perçue par le demandeur en septembre 2007 et octobre 2007 (et toute rémunération ultérieure). Enfin, le tribunal note que le demandeur a plus de 25 ans. L’article 13 de la loi du 26/5/2002 concernant le droit à l’intégration sociale dispose que : « § 1. Le droit à l'intégration sociale peut être réalisé soit par l'octroi d'un revenu d'intégration, soit par un emploi lié à un contrat de travail tel que visé aux articles 8 et 9. § 2. L'octroi et le maintien d'un revenu d'intégration peuvent être assortis d'un projet

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individualisé d'intégration sociale visé à l'article 11, §§ 1 et 3, soit à la demande de l'intéressé lui-même, soit à l'initiative du centre. § 3. Les dispositions prévues à l'article 6, § 3, sont d'application lorsque dans le cadre de son droit à l'intégration sociale, l'intéressé se voit proposer un emploi ou un projet individualisé d'intégration sociale ».

Le tribunal invite les parties à envisager très rapidement la conclusion d’un projet individuel d’intégration sociale. Eu égard aux circonstances particulières de la cause, il va de soi que l’octroi futur du revenu d’intégration sociale au demandeur pourra être soumis par le CPAS de Seraing à la conclusion d’un projet individualisé d'intégration sociale et à l parfaite collaboration du demandeur dans le cadre de ce PIIS. PAR CES MOTIFS, Le Tribunal, Statuant contradictoirement, et sur avis verbal non conforme de Madame G. FOXHAL, Substitut de l’Auditeur du travail, donné à l’audience du 10/12/2007, Ordonne la jonction des cause inscrites sous les numéros de rôle général 370.089 et 371.066. Dit la demande recevable et partiellement fondée. Confirme la décision de refus du RIS au 31/7/2007. Réforme la décision de refus du RIS au 30/8/2007. Condamne le CPAS de Seraing à octroyer au demandeur le droit à l’intégration sociale à partir du 31/8/2007, sous la forme d’un revenu d’intégration sociale au taux isolé, sous déduction de la rémunération perçue par le demandeur en septembre 2007 et octobre 2007 (et toute rémunération ultérieure).

Invite les parties à envisager très rapidement la conclusion d’un projet individuel d’intégration sociale.

Condamne la partie défenderesse aux dépens , liquidés au montant de 111,55 € dans le chef de la partie demanderesse , en application de l’article 1017 alinéa 2 du Code judiciaire. Ainsi jugé par la 3e chambre du tribunal du travail de Liège composée de MMs : D. MARECHAL, juge, présidant la chambre,

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R. LOMMEL, juge social au titre d’employeur, V. FOUARGE, juge social au titre de travailleur, assistés de M. MASSART, Greffier. et prononcé en langue française à l’audience publique de la 3ème chambre du Tribunal du travail de Liège le quatorze janvier deux mille huit, par Mr D. MARECHAL, Président de la chambre; En présence d’un représentant de Me l’Auditeur du Travail. Le greffier, Les juges sociaux, Le juge,