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LA MÉDIATION CULTURELLE DANS LA VALLÉE-DU-HAUT- SAINT-LAURENT FAITS SAILLANTS D’UNE RERCHERCHE PARTENARIALE Septembre 2014 Chercheur Martin Lussier, UQAM Comité d’encadrement Eva Quintas Josée-Anne Riverin Madeleine Turgeon

Cpt Mediation Rapport Vhsl 5

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  • La mdiation culturelle dans la Valle-du-Haut-Saint-Laurent 1

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    Septembre 2014

    Chercheur Martin Lussier, UQAM

    Comit dencadrement Eva Quintas

    Jose-Anne Riverin Madeleine Turgeon

  • 2 La mdiation culturelle dans la Valle-du-Haut-Saint-Laurent

    Ce document prsente un aperu des faits saillants dune recherche partenariale soutenue par le Service aux collectivits de lUniversit du Qubec Mon-tral (UQAM), en association avec les organismes Culture pour tous et Autour de nous. Sintressant spcifiquement la Valle-du-Haut-Saint-Laurent (VHSL) en Montrgie Ouest, cette recherche porte sur lappropriation de la mdiation culturelle dans la rgion. Le rapport final suivra la fin de lanne 2014.

    Ltude sinscrit dans la foule de la cration dun partenariat rgional visant consolider les initiatives de mdiation culturelle sur ce territoire, mobiliser les acteurs locaux et en valoriser le leadership. Lentente triennale runit la direction rgionale du ministre de la Culture et des Communications, la Confrence rgionale des lus de la VHSL, la municipalit rgionale de comt de Vaudreuil- Soulanges, la Ville de Vaudreuil-Dorion et lorganisme Culturepourtous.

    NOTE MTHODOLOGIQUEDirige par le chercheur Martin Lussier, professeur au Dpartement de communication sociale et publi-que de lUQAM, cette enqute repose sur une stra-tgie mthodologique qualitative trois volets. Elle comporte une recherche documentaire, une srie de 16 entretiens auprs de 18 acteurs slectionns et la cration par ceux-ci de cartes de la mdiation culturelle dans la rgion de la VHSL. Lenqute sest droule sur une priode allant du dbut juillet 2013 jusqu la fin fvrier 2014.

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    TROIS FIGURES CONTRASTESLes interrogations souleves par la dfinition de la mdiation culturelle ont pris une importance consid-rable dans les propos tenus par les gens rencontrs au cours des entretiens. La difficult cerner ce que serait la mdiation culturelle est rgulirement souligne. Cela semble avoir une incidence impor-tante sur les pratiques et les ambiguts vcues par les artistes et les personnes travaillant dans le milieu culturel de la VHSL. Quest-ce que la mdia-tion culturelle ? Y a-t-il une manire rgionale de la dfinir, voire de limaginer ? Ces questions invitent se pencher sur son appropriation plurielle, laquelle induit des figures contrastes et, terme, des pratiques diversifies. Ainsi, quelles sont les figures de la mdiation culturelle qui circulent dans la VHSL ?

    LA RENCONTRELa premire figure de la mdiation culturelle dans la VHSL est celle de la rencontre entre lartiste et le citoyen dune part, et entre des individus dautre part. Cette rencontre est prsente par plusieurs comme une fin en soi. Elle nappartient personne comme tel ou nest le fruit exclusif daucun des parti cipants, ni de lartiste ni du public : la mdia-tion comme rencontre est un espace intermdiaire. En effet, certains avancent que la mdiation peut tre conue comme une rencontre permettant de rassembler les individus : [ ] pour moi, cest de rassembler un groupe de personnes, plusieurs grou-pes de personnes, de vivre un moment ensemble via les arts []. La mdiation, cest toutes sortes de personnages, dlments, dvnements, de milieux diffrents tous rassembls. On est tous connects, on est tous lis. De faon cohrente avec cette vision, plusieurs dcrivent galement leur position lors des actions de mdiation, ou celle du mdiateur en gnral, comme une partie de lensemble : des participantes et participants la rencontre comme les autres. Ce constat nest pas anodin puisquil implique entre autres que la mdiation nest pas un geste politique : elle ne demande pas dexpertise ou de statut particulier. Dans le cadre de cette figure, le mdiateur culturel se reprsente comme un partici-pant au mme titre que tous les autres. Il ny a pas ncessairement de position privilgie socialement.

    Cette figure de la mdiation comme rencontre semble aller de pair avec des objectifs particuliers. Au-del du simple rassemblement dindividus, plu-sieurs soulignent que lobjectif est de retrouver un sentiment dappartenance ou de communaut qui se serait perdu. Cette figure implique un prsup-pos implicite important : sans cette mdiation, les personnes nauraient pas t mises en relation. La mdiation culturelle en tant que rencontre, se juxta-pose un monde clat et individualis.

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    LA DMOCRATISATION DE LA CULTURELa deuxime figure circulant dans la VHSL est celle de la dmocratisation de la culture. Pour certains, la mdiation culturelle participe de stratgies plus larges pour donner un accs physique la culture. Il sagit par exemple damener des gens qui ne viendraient pas , mais galement daller vers eux mme gogra-phiquement. Pour dautres, cette conception soulve la question de lducation, de linterprtation de lart et du transfert des connaissances : au-del de laccs physique, la mdiation comme dmocratisation est aussi une question dapprciation et de comprhen-sion des uvres, notamment par lexprience dun savoir-faire artistique, le dveloppement dune sensibi-lit ou dun got, par exemple. Comme lexprime une artiste rencontre, la mdiation culturelle sert crer un contact entre le public et un intervenant culturel [ ], des gens plongs dans la culture, qui seraient capa-bles de transmettre des valeurs culturelles au public. [] Les sensibiliser, les toucher, leur donner le got, peut-tre. En dfinitive, ce qui merge de cette figure est quelle incarne une forme de transmission , au sens de dplacement travers lespace, dun point un autre. La mdiation culturelle devient un vhicule facilitant la transmission dun point lautre de passion, de savoir-faire ou dinterprtation.

    Cette figure induit la position du mdiateur comme tant la source de la transmission en lui reconnais-sant certaines caractristiques et un savoir qui lui est propre : [] on est diffrents. On a une formation, ce que les gens nont pas ncessairement. En ce sens, le mdiateur est le connaisseur qui transmet ou conseille, ou encore le pdagogue qui accompagne et duque. Plusieurs individus prenant part cette recherche soulignent dailleurs ce passage qui sopre dans la mdiation culturelle, allant de quelquun qui connat ou qui a la passion, quelquun qui pourra la dvelopper. Comme le suggre une artiste : on tire parti de nos forces pour ramener dans le groupe de citoyens un enthousiasme et une expertise. La figure de la mdiation comme dmocratisation implique enfin un prsuppos important : il y aurait une ingalit profonde entre les personnes, que ce soit en matire daccs la culture ou de connais-sances que celle-ci soit pense comme savoir de technique ou de code permettant linterprtation des uvres dart. En dautres mots, la culture serait in-quitablement distribue sur le territoire, et la mdiation viendrait combler en partie ces dficits.

    On tire parti de nos forces pour ramener dans le groupe de citoyens un enthousiasme et une expertise.

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    LE CHANGEMENT SOCIALLa troisime figure de la mdiation culturelle qui circule dans la VHSL et qui merge des propos recueillis est spcifiquement lie au changement social. Pour plusieurs personnes consultes, si l action est volontaire, le changement social accom-pagnant la mdiation culturelle ne lest pas toujours. Il sagirait souvent dimpacts diffrents de ceux initialement prvus : des effets positifs et ngatifs imprvus, des acquis ou des changements dans les situations vcues. Au sein de cette figure, lobjet de lintervention par la mdiation culturelle est le col-lectif. Il sagit alors de le transformer, de le changer pour lamliorer. Il est intressant de constater que trs peu de commentaires ont t faits sur la pos-sibilit que la mdiation culturelle vise une transfor-mation individuelle : il semble que dans cette figure, ce ne soit pas lindividu lui-mme qui soit changer en priorit.

    Les personnes ayant collabor cette recherche font certes rgulirement rfrence cette figure de la mdiation, mais hsitent affirmer quil sagit l de leur pratique : la vraie mdiation culturelle pure 100 %, tu sais, celle qui amne vraiment un chan-gement. [] On en fait de la mdiation, mais pas ce degr-l. Pour plusieurs, telle que cette inter-venante, cette conception est considre comme un idal presque inatteignable : la mdiation comme changement est toujours en fuite.

    Des objectifs spcifiques cette figure de la mdia-tion comme changement ont merg des entretiens. Sans surprise, ils se rapprochent des vises de chan-gement social ou de lamlioration de situations pour des groupes cibls. De faon cohrente avec cette figure, la position du mdiateur qui devrait simposer est celle dagent de changement. Cependant, si plu-sieurs des personnes rencontres semblent hsiter dcrire leur pratique comme une forme dinterven-tion, elles hsitent galement se dcrire comme agents de changement. Non seulement cette figure semble dcrire une situation somme toute plutt loi-gne de celle vcue par ces dernires, mais elles ne se reconnaissent pas la lgitimit pour le faire. Cette conception implique comme prsuppos que certains groupes ou collectifs vivent une ou plusieurs difficults et que celles-ci peuvent et doivent tre corriges.

    DES PRATIQUES DISSONANTESAu cours des entretiens, des exemples de pratiques ont t rgulirement donns pour illustrer les dfi-nitions de la mdiation culturelle. de nombreuses reprises, il a t possible de constater une distance entre les propos tenus sur la mdiation culturelle et les pratiques concrtes utilises pour lexempli-fier. Ce constat est intressant dans la mesure o il illustre lun des dfis de la mdiation culturelle dans la VHSL pour de nombreuses personnes rencon-tres : sa dfinition mme. En effet, cette dissonance entre le discours sur la mdiation et la pratique de celle-ci nest pas sans tre accompagne de stra-tgies personnelles pour diminuer la distance entre les deux. Parmi celles-ci, notons la place importante quoccupe lambigut de la dfinition : lenqute constate que ce flou permet darticuler dfinition et pratique en diminuant la dissonance. Plusieurs personnes rencontres ont dailleurs soulign leur apprciation des entretiens qui leur ont offert un moment de rflexivit permettant de jeter un regard sur ces cohrences ou incohrences.

    La culture serait inquitablement distribue sur le territoire, et la mdiation viendrait combler en partie ces dficits.

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    DES ARTISTES AUX RLES MULTIPLESTout autant quaux figures mergentes de la mdia-tion culturelle dans la VHSL, cette enqute sest int-resse aux acteurs qui sen rclament ou qui y sont lis. Parmi ceux-ci, ce sont les artistes qui ont t les plus souvent mentionns. En fait, lorsque les propos portaient sur les mdiateurs culturels, lensemble des personnes rencontres a principalement men-tionn les artistes. Il ne fait aucun doute que pour les intervenantes et intervenants de la VHSL, ceux-ci y tiennent un rle de premier plan.

    LE PROFESSIONNELDe nombreuses personnes ont soulign limpor-tance pour elles ou pour dautres acteurs de la rgion que la mdiation culturelle implique un artiste professionnel. Pour plusieurs, cette exigence fait mme partie intgrante de la dfinition quils don-nent de la mdiation culturelle. Si, pour certains, la prsence dun artiste professionnel au sein des actions de mdiation culturelle impressionne , pour dautres elle garantit surtout une certaine forme de lgitimit un projet, fonde notamment sur le par-cours pralable de lartiste, des gens qui ont consa-cr leur vie a, des gens qui ont pour but dtre des artistes professionnels, et pour qui lart nest pas simplement un passe-temps. En revanche, pour plusieurs artistes rencontrs, lun des dangers des projets de mdiation culturelle dans lesquels ils sen-gagent est quils prennent trop de place au sein de leur pratique artistique. Lquilibre entre une pratique artistique personnelle professionnelle et les actions de mdiation semble en effet un dfi : Quand tu deviens trop mdiateur culturel, il y a peut-tre un danger que les gens ne te connaissent plus en tant quartiste []. Alors il faut que tu sois conscient de a, de bien doser tes activits. Ainsi, pour plusieurs artistes rencontrs, le rle de mdiateur se situe distance de leur pratique professionnelle. Il est une fonction parallle qui, terme, peut influencer leur pratique, voire instiller de nouvelles formes de pra-tiques professionnelles.

    Le mdiateur est une fonction parallle qui peut instiller de nouvelles formes de pratiques professionnelles.

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    LOUTILAmene expliquer son rle dans des mdiations visant le changement social, une artiste souligne : des fois, je suis un outil qui aide faire ces cho-ses-l []. Plusieurs personnes interroges ont galement exprim des craintes lies linstrumenta-lisation possible de la pratique des artistes ou de leur renomme, au profit dautres causes, notamment sociales, au sein des projets en mdiation culturelle. Pour certains, les artistes sont peut-tre des outils, mais ce sont leurs caractristiques personnelles ou celles de leur pratique qui en justifient linstrumen-talisation. Il sagit dassurer que les caractristiques perues ou senties des participants aux ateliers et des artistes soient compatibles. Comme le souli-gne un intervenant, cest de choisir le bon artiste avec le bon groupe. Il y a une partie thorique, mais il y a une partie feeling aussi. De faon intres-sante, aucun artiste na dit se sentir instrumentalis ou dcrire ce phnomne ngativement dans les actions de mdiation culturelle auxquelles il ou elle a pu participer : linstrumentalisation est toujours dcrite comme le fait dautres intervenants .

    LE REPRSENTANTDans le cadre de cette recherche, un autre rle de lartiste a merg : celui de reprsentant. En effet, plusieurs commentaires semblaient proposer une conception de lartiste comme un ambassadeur culturel au sein des projets de mdiation. Le rle de lartiste est, non seulement de parler pour les arts et plus largement pour la culture, mais galement de constituer ce quest lart ou la culture pour les personnes prsentes : on est un peu des ambas-sadeurs de la culture. [] on reprsente la ville. On reprsente aussi une sorte dimage de la culture. Lartiste est galement le (re)prsentant, au sens o il prsente de nouveau lart ou la culture, mais dune faon diffrente. En cela, il est le guide, ou le pda-gogue. Pour quelques artistes rencontrs, ce rle de guide qui rassure ncessite mme loubli dun autre, celui dartiste professionnel.

    LE TRAVAILLEUR OU LENTREPRENEURDe nombreuses personnes rencontres ont gale-ment mentionn quil ne fallait pas omettre que le rle de lartiste tait celui dun travailleur ou dun entrepreneur. Pour plusieurs, la mdiation culturelle leur permet davoir un revenu sans trop sloigner de leurs pratiques professionnelles : elle est une rponse au travail prcaire. limage de la force de travail prcaire sen ajoute une autre : celle de lartiste- entrepreneur. Il est alors peru comme un sujet conomique en comptition au sein dun march. Lartiste-entrepreneur est responsable de garantir ses revenus et il doit moduler ses actions en ce sens : [] on est des entrepreneurs, on est des travailleurs autonomes ! [] [Avec la mdiation] cest tout toi qui gres, tu es ta compagnie, de lachat des trombones pour faire des factures jusqu la pose du clou pour accrocher le tableau. Au-del de ses tches artistiques, lartiste-entrepreneur est amen remplir des fonctions traditionnellement associes la gestion. La frontire traditionnelle entre la gestion et le travail semble ici disparatre au profit dune intgration des deux dans la figure de lentrepreneur. lartiste comme entrepreneur est associe la cra-tion concomitante dun march au sein duquel les uns sont en concurrence avec les autres. Comme le souligne une participante, cette concurrence semble se confirmer, car cest un peu comptitif entre les artistes de la VHSL. Une des conditions dmer-gence de cette concurrence est la perception que les ressources du march sont rares ou limites.

    On est un peu des ambassadeurs de la culture

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    LIMPULSION ET LENCADREMENT DES MUNICIPALITS Les commentaires recueillis dans le cadre de len-qute ont fait galement ressortir les acteurs lorigine des projets de mdiation culturelle dans la VHSL. Le plus souvent, ceux-ci sont situs dans les milieux administratifs lis la culture : municipa-lits et muses en premier lieu. En effet, les tmoi-gnages signalent limportance des administrations municipales comme principales bailleresses de fonds pour lancer ou proposer des projets de mdiation culturelle. Au-del de leur levier principal dinter-vention, plusieurs personnes dcrivent galement les municipalits comme des initiatrices de projets pour lesquels elles ne sont pas reconnues comme telles. En effet, les municipalits, ou du moins le per-sonnel municipal ou issu de diffrentes couches de ladministration locale sont souvent limpulsion la ralisation dactions spcifiques. De manire cons-quente la conception de la mdiation culturelle comme pratique distancie de la pratique artistique professionnelle, les actions de mdiation ne sont que rarement dcrites dans les entretiens comme le rsultat unique dun projet artistique. Lorsquappe-les expliciter comment elles en taient venues participer leurs premires actions en mdiation

    culturelle, les personnes rencontres ont massive-ment rpondu que la ville, des personnes y travaillant, ou certains organismes rgionaux, y taient pour une part importante : des commentaires tels que jai t approche par la Ville , cest venu moi ou encore ils vont solliciter les artistes , ont t nombreux au cours des entretiens. Pour plusieurs, cette part dinitiative est centrale dans la forme que prennent les actions concrtes en mdiation cultu-relle. En effet, plusieurs soulignent limpact dune commande sur les objectifs et, terme, la forme artistique que peut prendre laction. La responsabi-lit de linitiative influence la forme que prendra la mdiation culturelle : elle encadre laction en en fixant des paramtres ou des contraintes. Pour certains, mme lorsque les actions en mdiation ne relvent pas directement dune initiative des administrations locales, les formes quelles prennent ont tendance en respecter les orientations : Les gens compren-nent le corridor dans lequel la ville aime circuler le corridor de la mdiation culturelle, grossirement nomm. Ainsi, les projets semblent se conformer des paramtres rels ou perus attribus au milieu municipal.

    Les municipalits sont des initiatrices de projets.

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    DES TERRITOIRES ABSENTSLune des particularits de la mdiation culturelle dans la VHSL et qui tend corroborer lhypothse quelle se prsente distance de la pratique artisti-que, en suivant une logique qui lui est propre, est son rapport au territoire. En effet, alors que prs dune personne sur deux vivant dans les zones les plus densment peuples de la rgion doit se dplacer Montral pour y travailler, il peut tre surprenant de constater que cette ville nest mentionne que trs rarement dans les propos des personnes sondes. Alors quelles sont appeles dessiner la carte de la mdiation culturelle, et malgr la proximit de lle, aucune de ces personnes ny ajoute Montral. Dans un portrait culturel de la rgion publi en 2013, on apprenait pourtant que la population des zones les plus populeuses et les plus proches de lagglom-ration montralaise est influence par la dynamique mtropolitaine au regard de sa consommation de la culture et que plus de 70 % de la population de la rgion dclare aller gnralement voir des spectacles Montral 1. Lorsque Montral est mentionne, cela est uniquement dans des commentaires sur le par-cours personnel de chacun, passant gnralement par Montral, et sur des collaborations avec des artistes situs sur lle. Si cette absence de Montral peut tonner, elle est en revanche un bon indice que la mdiation culturelle nest pas une sous-catgorie de loffre ou de la consommation culturelle tradition-nelle et quelle rpond sa propre logique territoriale.

    1 CR Valle-du-Haut-Saint-Laurent, Conseil montrgien de la culture et des communications, Ministre de la Culture et des Communications. (2013). Portrait culturel actualis de la Valle-du-Haut-Saint-Laurent.

    Pour quelques autres participantes et participants cette recherche, la mdiation culturelle est une notion qui na pas t approprie sur tout le terri-toire de la VHSL. Les entretiens mens tmoignent dune conception de la mdiation comme une notion dinitis , propre certaines portions de la rgion. Pour certains, cela est d non pas un manque de volont, mais un manque dappui : il y aurait une rpartition ingale des infrastructures permettant dentreprendre ou de valoriser des projets de mdia-tion culturelle. Pour plusieurs, ces rgions ne sont pas rendues l : ceci implique notamment que la mdiation culturelle est perue comme une tape subsquente au dvelop pement des infrastructures culturelles ou artisti ques. Au contraire de lide selon laquelle la mdiation se dvelopperait en parallle de la pratique artistique, ici elle est perue comme sa suite possible sur le territoire. Lune des particularits de ces zones o la mdiation na pas encore t dveloppe est que lorsque ces rgions sont asso-cies des projets, ceux-ci proviennent des milieux urbains, initis dans ces zones plus populeuses.

    La mdiation culturelle est perue comme une tape subsquente au dveloppement des infrastructures culturelles ou artistiques.

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    DES ENJEUX CONCRETSLorsque questionns sur les dfis quils doivent rele-ver dans le cadre de leurs activits en mdiation culturelle, les gens ont signal de faon rcurrente quelques aspects de leur pratique.

    PASSER DE LIDE LACTELun des dfis les plus rgulirement mentionns est celui de loprationnalisation. En effet, plusieurs ont soulign que les difficults rencontres dans leur pratique de mdiation culturelle ne se situaient pas dans les ides elles-mmes, mais dans les faons par lesquelles celles-ci sont concrtises dans des ateliers ou des activits. Dautres encore pointent le dcalage invitable entre la mdiation telle quimagi-ne par la personne amorant le projet et le rsultat final. Pour plusieurs, cette difficile oprationnali-sation de lide est lie lvaluation pralable du projet de mdiation culturelle lui-mme. Dautres personnes rencontres soulignent, pour leur part, que les contraintes extrieures mdium artistique choisi, public, budget, temprature, lieu, etc. sont lorigine de la distance ressentie entre lide et sa matrialisation. Il est intressant de constater que de nombreux artistes ont soulign linvestissement important en temps quils doivent souvent ajouter afin de diminuer la distance entre lide initiale et le projet final : par exemple, certains doivent souvent terminer les uvres produites dans le contexte des ateliers au-del de la fin de lactivit de mdiation elle-mme. Pour une part importante des personnes rencontres, lun des dfis de la mdiation se situe dailleurs dans lorganisation en dtail des tapes de ralisation dun projet afin dassurer que son droulement soit tel que planifi. Dans tous les cas, loprationnalisation de la mdiation culturelle sem-ble reprsenter un dfi dimportance pour la pratique des acteurs du territoire.

    Loprationnalisation de la mdiation culturelle semble reprsenter un dfi dimportance pour la pratique des acteurs du territoire.

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    FINANCERLun des enjeux centraux de la mdiation culturelle est le financement. En effet, il apparat clairement des tmoignages colligs que la mdiation repr-sente une occasion de financement pour les acteurs de la rgion, quils soient artistes ou travailleurs et travailleuses culturels. Plusieurs ajoutent que le syntagme mdiation culturelle a t appropri de faon spcifique par une partie des acteurs du territoire pour des raisons essentiellement financi-res : les bailleurs de fonds proposant de financer des projets de mdiation culturelle, celle-ci apparat comme une perspective intressante du point de vue du revenu. La mdiation culturelle a galement t dcrite comme une opportunit de multiplier les sources potentielles de financement. En effet, pour certains, la mdiation reprsente ce qui permet de rassembler diffrents partenaires et leur financement dans la ralisation commune dun projet. Pour quel-ques artistes, la mdiation est galement loccasion de promouvoir leur propre pratique artistique : elle reprsente en quelque sorte une forme de promo-tion de leurs uvres et une occasion de vendre les produits de leur travail artistique. Dans tous les cas, la mdiation culturelle semble reprsenter un lieu o lenjeu du financement et de la circulation des capitaux est important.

    LE STATUT DE LUVREPour de nombreuses personnes rencontres dans le cadre de cette recherche, le statut de luvre dart dans le contexte de projets en mdiation culturelle est un enjeu qui mrite de sy attarder. Plusieurs ont soulign quils considraient le processus de production de luvre comme le cur et la raison dtre dune mdiation culturelle. Cependant, pres-que tous les artistes affirment avoir tout de mme des proccupations concernant la distance esthti-que qui stablit parfois entre luvre, telle quima-gine, et le rsultat obtenu la fin des ateliers. Cet cart est expliqu par de nombreux facteurs, allant de la nature collective dune part importante des uvres produites aux contraintes de tout ordre qui limitent les possibilits. Pour certains artistes, le fait que leur nom soit associ luvre implique que celle-ci intgrera en partie leur portfolio et quune attention particulire doit y tre apporte. Luvre sert alors de carte de visite pour lartiste, do limportance de la qualit esthtique. En ce sens, limportance relative de la question de la qualit plasti que de luvre est tributaire du rapport ana-logue qui la lie lartiste lui-mme. Le corollaire de cette question est savoir qui est lauteur de cette uvre : les participants, lartiste ou les deux ? Qui doit en tre signataire ? Il est intressant de consta-ter que la mdiation culturelle telle que dveloppe au sein des institutions musales, ne remet pas en question le statut mme de luvre : elle permet de la comprendre, dy avoir accs, etc. Au contraire, sur le territoire de la VHSL, la mdiation culturelle est lun des lieux o ce statut est quelque peu suspendu, remis en question et dbattu.

    La mdiation reprsente une occasion de financement pour les acteurs de la rgion.

  • Chercheur : Martin LussierComit dencadrement : Eva Quintas. Jose-Anne, Riverain, Madeleine TurgeonPartenaires :

    Nous reconnaissons la contribution du Programme daide financire la recherche et la cration du Service aux collectivits de lUQAM pour la ralisation de cette recherche.

    Septembre 2014