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Revue française de pédagogie 154 (janvier-mars 2006) La construction des politiques d'éducation : de nouveaux rapports entre science et politique ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Marcel Crahay Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Marcel Crahay, « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation », Revue française de pédagogie [En ligne], 154 | janvier-mars 2006, mis en ligne le 01 mars 2010, consulté le 12 février 2013. URL : http://rfp.revues.org/143 Éditeur : ENS Éditions http://rfp.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://rfp.revues.org/143 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © tous droits réservés

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Revue française de pédagogie154  (janvier-mars 2006)La construction des politiques d'éducation : de nouveaux rapports entre science etpolitique

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Marcel Crahay

Dangers, incertitudes et incomplétudede la logique de la compétence enéducation................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

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Référence électroniqueMarcel Crahay, « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation », Revuefrançaise de pédagogie [En ligne], 154 | janvier-mars 2006, mis en ligne le 01 mars 2010, consulté le 12 février2013. URL : http://rfp.revues.org/143

Éditeur : ENS Éditionshttp://rfp.revues.orghttp://www.revues.org

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Revue française de pédagogie, n° 154, janvier-février-mars 2006, 97-110 97

L’école ressemble à une mer tumultueuse : audéferlement d’une vague fait suite le déferlement

d’une autre. Dans le champ pédagogique, cesvagues ont pour nom : pédagogie active, pédagogiepar centres d’intérêt, pédagogie fonctionnelle, péda-gogie par projets, pédagogie par objectifs et, der-nière écume, pédagogie par compétences. Ces cou-rants successifs ne sont pas des modes : chacun asa logique propre et, généralement, a pour ambitionde combler une défaillance du courant précédentet/ou du système éducatif. Quel(s) problème(s) édu-catif(s) et/ou sociétal (ou sociétaux), l’approche parcompétences a-t-elle l’ambition de résoudre ? Telleest la question que nous abordons dans un premier

paragraphe au sein duquel nous rappelons lescaractéristiques majeures du courant pédagogiquequi est supposé inspirer actuellement les ensei-gnants de la Communauté française de Belgique(CFWB), de Madagascar, du Québec, de plusieurscantons de Suisse romande et, dans une moindremesure, de la France (1). Par la suite – et c’est leprincipal objectif de cet article –, nous proposonsune réflexion critique de ce courant, dont nousavons été nous-même un acteur en CFWB. Le but denotre contribution est d’en anticiper des dérives pos-sibles et, plus encore, de susciter un débat à proposde cette idéologie pédagogique actuellement domi-nante.

L’école est désormais le siège d’une nouvelle doxa : la pédagogie par compétences. Le présent article poseun regard critique sur cette déferlante dont l’origine est, selon l’auteur, externe aux sciences de l’éducation.La définition même du concept de compétence est problématique et semble, en définitive, renvoyer à unenorme qualifiée ici de complexité inédite. En définitive, l’auteur considère que l’approche par compétencess’attaque à un vrai problème – celui de la mobilisation des connaissances en situation de problème – maispropose une solution bancale. Rejetant l’entrée par le disciplinaire, cette approche se confronte à desquestions épineuses sinon impossibles : parmi celles-ci, on trouve la notion de familles de situations. Enconclusion, l’auteur suggère d’oublier la notion de compétence pour repenser celle de l’apprentissage.

Dangers, incertitudes et incomplétude

de la logiquede la compétence en éducation

Marcel Crahay

Descripteurs (TEE) : apprentissage, compétence, matière d’enseignement, transposition didactique.

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LA NOTION DE COMPÉTENCES

Pour Delvaux (2003), le concept de compétencesconstitue un concept étendard dans la mesure où ilréalise, autour de lui, le consensus de groupes depression traditionnellement en opposition. En appa-rence du moins, il opère un compromis entre lesattentes du patronat pour lequel il est urgentd’étendre les savoir-agir et celle de courants péda-gogiques inscrits dans la foulée du pragmatisme deDewey (1886, 1900 & 1990), pour lequel il est impor-tant de développer le pouvoir-agir. Pour Perrenoud(1997) ou Roegiers (2001), le passage de la péda-gogie par objectifs à la pédagogie par compétencescorrespond à la fois à une transformation dans lesréférents théoriques des sciences de l’éducation et àune mutation de la conception du travail dans lemonde des entreprises. Le premier courant pédago-gique, qui date des années 1960, s’inspire des prin-cipes de découpage des tâches d’apprentissagepropres au behaviorisme, ce qui coïncide avec lafragmentation des tâches de production telle qu’ellefût préconisée par le taylorisme. Le courant pédago-gique contemporain, centré sur les compétences, seréfère à la fois aux théories de l’expertise et, secon-dairement, à celle de la cognition située et estconcomitant à une redéfinition de l’organisation dutravail sous la poussée de la psychologie ergono-mique qui vise à redonner du sens aux tâchesprofessionnelles. On a ainsi assisté au passaged’une approche de type analytique à une approcheque l’on qualifiera d’intégrative et de contextualisée.Beckers (2002a) souligne que la pédagogie parcompétences a pour ambition de lutter contre lafragmentation des connaissances et apprentissages,danger que Decroly voulait déjà combattre avec sapédagogie par centres d’intérêt.

La notion de compétences renvoie, en effet, à unréseau intégré de connaissances, susceptibles d’êtremobilisées pour accomplir des tâches. Pour Gillet(1991, cité par Allal, 2002, p. 79), elle se déclineessentiellement selon trois composantes :

• une compétence comprend plusieurs connais-sances mises en relations ;

• elle s’applique à une famille de situations ;

• elle est orientée vers une finalité (2).

Ces trois éléments se retrouvent notamment dansla définition proposée, en CFWB, par la ministreOnkelinx dans le projet de décret « Missions »(article 5) : « mise en œuvre d’un ensemble organiséde savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant

d’accomplir un certain nombre de tâches ». Lors dela discussion de ce décret au Parlement, Hazettequi, à l’époque, était commissaire avant de devenir àson tour ministre de l’éducation proposa un amen-dement. Il demanda l’adjonction du terme aptitudeau début de la définition, arguant que « la compé-tence est une aptitude à mettre en œuvre, non unemise en œuvre ». Cet amendement fut voté à l’una-nimité et, surtout, sans débat contradictoire. Or, lepassage de la mise en œuvre de ressources cogni-tives diverses à l’aptitude à réaliser cette mise enœuvre n’est pas anodin ; nous y reviendrons.

Les trois composantes de base se retrouvent éga-lement dans la définition proposée par Beckers(2002a) qui y ajoute une dimension qui a égalementson importance. Pour cette pédagogue, la compé-tence doit être entendue « comme la capacité d’unsujet à mobiliser, de manière intégrée, des res-sources internes (savoirs, savoir-faire et attitudes) etexternes pour faire face efficacement à une famillede tâches complexes pour lui » (p. 57). Par rapportau décret Missions, (Belgique, 1997) voté au Parle-ment, cette définition ajoute la notion de « famillesde tâches complexes pour lui ». À nouveau, cet ajoutn’est pas anodin.

De manière générale, la notion de compétencerenvoie à un agir « juste » en situation, impliquantla mobilisation articulée de ressources cognitivesmultiples. Elle se veut fédératrice, en proposant aumonde pédagogique un concept unissant la cogni-tion et l’action. Plus précisément, cette notion traduitclairement une perspective utilitariste, chère aumonde anglo-saxon : la cognition est subordonnéeà l’action, elle-même finalisée par un problème àrésoudre. On ne s’étonnera donc nullement que lemonde de l’entreprise y trouve son compte.

POURQUOI LA NORMEDE COMPLEXITÉ INÉDITE ?

La juxtaposition de la définition proposée par laministre Onkelinx, de celle adoptée par le décretMissions et de celle proposée par Beckers (2002a)fait apparaître deux glissements conceptuels lourdsde conséquences sur le plan de l’enseignementcomme sur celui de l’évaluation. Mais la dérive duconcept ne s’est pas arrêtée là. Alors que la propo-sition de décret conçoit la compétence comme unréseau de connaissances mobilisables en situation,nombreux sont aujourd’hui les pédagogues qui

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la conçoivent comme la capacité à mobiliserdes ressources cognitives diverses pour affronterdes problèmes complexes et inédits.

Le caractère inédit semble s’être imposé commeune conséquence logique de l’exigence de comple-xité. Or, selon nous, il ajoute incontestablementune dimension. Dans une note intitulée Réfléchirensemble à l’évaluation des compétences et dépo-sée à la Commission de pilotage de la CFWB,Beckers (2002b) écrit : « Pour mobiliser chez l’élèveune activité qui est de l’ordre de la compétence, latâche ne peut pas être du niveau de la restitution(savoir redire, même quelque chose de difficile…), nidu niveau de l’exécution (savoir refaire, mêmequelque chose de difficile…) ; elle sera inédite. » (p. 8)

Ce point de vue est largement partagé comme lesoulignent Rey, Carette et Kahn (2002, p. 77-95)dans une autre note adressée à la même commis-sion. Ils écrivent : « À la suite de Le Boterf (1994), laplupart des auteurs (Perrenoud, 1997 ; Levy-Leboyer, 1996 ; Dolz & Ollagnier, 2002 ; Roegiers,2001, etc. ) insistent sur le fait qu’une compétenceexige non seulement la présence de ressourcescognitives chez le sujet, mais surtout la mobilisationde celles qui conviennent pour traiter une situationqu’il n’a pas nécessairement déjà rencontrée. » (p. 3)

Quelques lignes plus bas, ils explicitent le point devue de cette majorité d’auteurs. « Si l’on veut êtreprécis, deux aspects complémentaires sont impli-qués ici : d’une part, pour faire face à une tâche qu’iln’a jamais rencontrée, l’élève doit choisir, parmi leséléments qu’il possède, celui qui convient. Il s’agitdonc d’une tâche qu’on pourra appeler « nouvelle »ou « inédite » (au sens de nouvelle pour lui) ; d’autrepart, dans la plupart des cas, pour accomplir latâche, il doit choisir non pas seulement un de ceséléments, mais plusieurs. Il s’agit donc d’une tâchecomplexe » (Ibid.).

Tout cela a une conséquence claire à nos yeux : lacomplexité inédite est érigée en norme. Ainsi, uneaction (ou un composite d’actions) adaptée(s) à unesituation « simple » ne pourrait recevoir le titre decompétence. De même, la mobilisation automatiséed’une architecture de connaissances face à unesituation complexe mais coutumière ne mériteraitpas la qualification de compétence. Bref, ce serait letraitement de la complexité inédite qui qualifievéritablement la compétence. En conséquence,un chirurgien, qui réussit pour la quarantième foisune transplantation cardiaque ne fait pas preuve decompétence.

En fait, l’exigence de complexité inédite dévoileimplicitement le cœur ou le noyau dur qui organisele concept de compétence. Certes, la compétenceimplique la mobilisation d’une pluralité de connais-sances ou, mieux, de ressources, mais, comme leprécise Le Boterf (1994, p. 16) : « la compétence neréside pas dans les ressources (connaissances,capacités, etc.) à mobiliser, mais dans la mobilisa-tion même de ces ressources. La compétence est del’ordre du « savoir mobiliser » ». Et Perrenoud (2002)poursuit l’explicitation lorsqu’il écrit que ce « savoirmobiliser » suggère « une orchestration, une coordi-nation de ressources multiples et hétérogènes »(p. 56). Plus loin dans le même texte (p. 57), le mêmeauteur classe parmi les problèmes ouverts « la ques-tion de savoir si ces schèmes de mobilisation fontpartie de la compétence elle-même ou constituentune « méta-compétence », un « savoir-mobiliser »lui-même activé chaque fois qu’on manifeste unecompétence spécifique, donc qu’on mobilise desressources » (3).

Pour nous, ce problème connaît sa solution. Dèslors que l’on spécifie que le dévoilement de lacompétence exige des situations de complexitéinédite, c’est bien qu’il s’agit d’isoler un quelquechose de tout effet direct d’apprentissage etd’enseignement. Considérant que « l’inventaire desressources cognitives d’un sujet est en soi unproblème » (Perrenoud, 2002, p. 55) – idée que nouspartageons évidemment, tout en considérant quel’évaluation des compétences est au moins aussiproblématique –, les adeptes de la logique de lacompétence renoncent à affronter ce problème pouren aborder un autre : l’évaluation du savoir-mobiliser.Or, dès lors qu’on en fait un objet d’évaluation ensoi, ce savoir-mobiliser consacre – quoiqu’en disePerrenoud (2002) – la résurrection du savoir-transfé-rer dont le nom le plus couru est l’intelligence (4),conçue comme l’aptitude à s’adapter aux situationsnouvelles. En définitive, selon nous, la logiquedes compétences véhicule une idolâtrie de laflexibilité (5).

LE CONCEPT DE COMPÉTENCES :UN STATUT SCIENTIFIQUE AMBIGU

Le concept de compétences ne nous vient pasdirectement du champ de la psychologie scienti-fique, mais plutôt du monde de l’entreprise. C’est ceque semblent admettre la grande majorité des

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auteurs (cf. notamment Bronckart & Dolz, 2002 ;Crahay & Forget, à paraître ; Dugué, 1994 ; Hirtt,1996 ; Ropé, 2002). Son parcours de diffusion seraitle suivant : émergence dans le monde de l’entreprise(6), reprise par l’OCDE qui le diffuse parmi les déci-deurs des systèmes éducatifs, propagation dans lesecteur de la formation professionnelle puis danscelui de l’enseignement général et enfin, prise encharge du concept par les sciences de l’éducation.Pareil cheminement d’un concept interpelle le scien-tifique, plus habitué à envisager la diffusion desconnaissances au départ de la science et légitimenotre interrogation : quel statut scientifique attribuerau concept de compétence venu du dehors de lascience ?

Un vrai problème

Pour Perrenoud (1999), la notion de compétence,porteuse de la métaphore de la mobilisation de res-sources, renouvelle la difficile question du transfert.Selon lui la notion de transfert évoque une connais-sance portable et renvoie à l’idée d’utilisation oud’application dans un ailleurs d’un quelque chosedéjà acquis. La métaphore qu’elle véhicule estphysique ou matérialiste en ce sens qu’elle ne faitréférence à aucune transformation, mais juste à unmouvement, un déplacement. À l’inverse, mobiliser,ce n’est pas seulement utiliser ou appliquer ; c’estaussi adapter, différencier, intégrer, généraliserou spécifier, combiner, orchestrer, coordonner,bref conduire un ensemble d’opérations mentalescomplexes qui, en les connectant aux situations,transforment les connaissances plutôt qu’elles ne lesdéplacent. On insiste donc sur une chimie ou unealchimie (Le Boterf, 1994) plutôt que sur une phy-sique des savoirs (Perrenoud, 1999, p. 46).

On saisit dès lors la séduction que peut opérer lanotion de compétences sur bon nombre de péda-gogues. Car, bien évidemment, de tout temps, l’écoles’est donnée pour mission de transmettre desconnaissances avec l’ambition de doter les individusd’outils intellectuels qui leur soient profitables dansleur vie tant professionnelle, citoyenne, sociale queprivée. Or, il faut reconnaître que, sur ce point, l’écolen’est pas sûre d’avoir pleinement réussi sa tâche.

Dans son ouvrage The Aims of Education, A. N.Whitehead (1929) soulignait, dès le début du siècle,combien les enseignants devaient prendre garde àne pas encombrer l’enfant d’idées inertes (7). Il écri-vait : « lorsque nous proposons une tâche cognitiveaux enfants, nous devons être conscients du danger

que représente ce que j’appelle les idées inertes ; cesont des idées qui sont réceptionnées par le cerveausans être utilisées, mises à l’épreuve ou combinéesdans des articulations » (p. 1) (8).

Avant lui, dans un livre intitulé Talks to Teachers onPsychology, W. James dénonçait également leformalisme des pratiques d’enseignement les pluscourantes. Partant d’exemples, il explique que, tropsouvent, les élèves disposent de connaissancesqu’ils sont incapables d’utiliser pour résoudredes problèmes quotidiens. Leur aptitude à mobiliserla connaissance adéquate dépend notamment de lafaçon dont la question est posée (9).

Depuis lors, les choses ne semblent guère avoirévolué. Nombreuses sont, en effet, les recherchesqui attestent de ce que l’esprit des élèves est meu-blé de connaissances inertes (Brown, Collins &Duguid, 1989 ; Closset, 1983 ; Covington et al.,1974 ; Crahay & Detheux-Jehin, 2005 ; Glaser, 1984& 1986 ; Jonnaert, 1988 ; Papert, 1981 ; Resnick &Klopfer, 1989 ; Schoenfeld, 1985 ; Vergnaud, 1983 ;Viennot, 1979 ; Whimbey & Lockhead, 1980). Aujour-d’hui encore, beaucoup d’élèves donnent la preuvequ’ils maîtrisent des connaissances mathématiqueset/ou scientifiques pour réussir les épreuves sco-laires, mais ne les mobilisent pas pour résoudre unproblème de la vie quotidienne. Plus grave, il sembleque la plupart des enfants et des adolescents déve-loppent leurs réflexions personnelles en rupture avecla formation qu’ils reçoivent à l’école. Au momentd’aborder la vie active, la plupart des jeunes seraientainsi dotés d’un double répertoire de connaissanceset/ou de compétences : celles qui sont acquises etévaluées à l’école et celles qui sont construites defaçon autonome ou en interaction avec des condis-ciples. Ce second répertoire de connaissancesconstituerait un savoir plus solide et plus profondé-ment assimilé par les élèves. C’est ce savoir qu’ilsutiliseraient pour rendre significatifs les événementsqui composent leur quotidien. En revanche, cesconnaissances seraient d’un niveau de validitémoindre que celles diffusées par l’école ; elles cor-respondraient souvent à des conceptions abandon-nées par le monde scientifique.

Une bonne solution ?

Par sa dimension intégrative, la notion de compé-tence tente de combler le fossé entre les connais-sances construites à l’école et les savoirs mobilisésdans l’action (10). Reste à savoir si la notion decompétence offre un cadre conceptuel à la mesure

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des attentes que focalise sur elle le monde pédago-gique. Sur ce point, il nous faut avouer nos incerti-tudes et même notre scepticisme (11).

La notion de compétence n’est selon nous pasétayée par une théorie scientifiquement fondée de lamobilisation des ressources cognitives. La démarcheargumentative ou explicative des défenseurs de lanotion est éclairante à ce sujet. Dans tous les exer-cices de ce genre que nous avons pu lire, on setrouve en face d’emprunts aux théories psycholo-giques classiques auxquelles il est fait appel à larescousse du vide théorique qu’il s’agit de dissimu-ler. Lorsqu’il rapproche schèmes et compétences,Perrenoud (1997) convoque le constructivisme pia-gétien au berceau de la notion de compétence, bienmalingre sur le plan conceptuel. Et Tardif (1996) faitde même avec la psychologie cognitive ainsi queAllal (1999) avec la théorie de la cognition située. Onse trouve alors face à une effervescence concep-tuelle au sein de laquelle il nous paraît probable quel’enseignant se perde. Car, selon la diversité de seslectures, il lui faut apprendre à jongler avec lesconnaissances déclaratives, procédurales et mêmeconditionnelles (ou stratégiques) sans oublier lesprocessus méta-cognitifs, avant de s’interroger surles rapprochements à faire avec les notions desavoirs, savoir-faire, savoir-être, attitudes, habiletés,capacités, schémas opératoires, représentationdu problème, schèmes, habitus, etc. Or, paradoxeextrême, la notion de compétence prétend fédérertout cet arsenal théorique en un unique concept.

Il est urgent, pensons-nous, d’entreprendre unecritique conceptuelle serrée de la notion de compé-tence afin de dépasser le réductionnisme conceptuelqu’elle tend à instaurer. Sur ce dernier point, nousemboîtons le pas à Bronckart et Dolz (1999) qui écri-vent : « Sans verser dans le purisme conceptuel, ilnous paraît évident qu’on ne peut raisonnablement« penser » la problématique de la formation en usantd’un terme qui finit par désigner tous les aspects dece que l’on appelait autrefois les « fonctionspsychologiques supérieures » […] et qui accueilleet annule tout à la fois l’ensemble des optionsépistémologiques relatives au statut de ces fonc-tions (savoir, savoir-faire, comportement, etc.) et àcelui de leurs déterminismes (sociologiques oubiopsychologiques) » (p. 35).

Dit de façon plus directe, la notion de compétencefait figure de caverne d’Ali Baba conceptuelle danslaquelle il est possible de rencontrer juxtaposés tousles courants théoriques de la psychologie, quandbien même ceux-ci sont en fait opposés.

Soyons clair d’emblée : notre prétention n’est pasici de résoudre pareil problème théorique. Plusmodestement, nous cherchons à mettre en évidencela nécessité et même l’urgence de le poser eu égardaux enjeux auxquels l’école est tenue de faire face.Pour nous, la problématique de la mobilisation ensituation des ressources cognitives du sujet pose unvrai problème à la recherche psychopédagogique,mais nous résistons à l’idée que la notion decompétence lui apporte une solution positive. Bienplus, nous craignons qu’elle précipite le mondepédagogique dans une illusion simplificatrice dont ilrisque d’être difficile de le sortir.

L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES :UNE PÉDAGOGIE DE L’EXTRÊME ?

L’approche par compétences telle qu’elle se popu-larise dans les milieux pédagogiques véhicule unmodèle de l’expertise qui, à travers l’exigence de lacomplexité inédite (cf. ci-dessus), érige en fonction-nement normal le traitement des situations de crise.

Que se passe-t-il lorsqu’un sujet est face à unesituation nouvelle ? Telle est bien la question àlaquelle prétend répondre la notion de compétences.

Notons d’abord que Piaget (1967 & 1970) avaitjustement remarqué qu’il est rare que deux situa-tions soient totalement identiques. Recourant auconcept d’assimilation récognitive, le psychologuegenevois indiquait qu’en mobilisant un schème pré-existant, le sujet reconnaissait des caractéristiquessituationnelles propices à l’utilisation d’un schèmespécifique. Toutefois, dès lors que le schème estconçu comme structure invariante d’une action oud’une opération, on est conduit à l’idée que ce quiest commun dans la mobilisation d’un schème dansplusieurs situations, c’est une sorte de noyau dur.Bref, la répétition pure serait inexistante ou quasiinexistante en psychologie. C’est donc à raison pen-sons-nous que Vergnaud (1998) définit deux catégo-ries de situations : celles pour lesquelles le sujetdispose, à un moment donné de son développementet sous certaines circonstances, des ressourcescognitives nécessaires au traitement relativementimmédiat de la situation et celles pour lesquelles lesujet ne dispose pas de toutes les ressources néces-saires ; cela oblige à un temps d’exploration, deréflexion, d’hésitations ainsi qu’à des tentativesavortées et le conduit parfois à la réussite, parfois àl’échec (12).

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On trouve des nuances analogues chez Rey et al.(2002) qui distinguent in fine trois degrés de compé-tences, c’est-à-dire : « Savoir exécuter une opération(ou une suite prédéterminée d’opérations) en réponseà un signal (qui peut être, à l’école, une question, uneconsigne, ou une situation connue et identifiable sansdifficulté, ni ambiguïté) ; nous parlerons alors de« procédure de base » ou de « compétence de pre-mier degré » ; Posséder toute une gamme de cesprocédures de base et savoir, dans une situationinédite, choisir celle qui convient ; là une interpréta-tion de la situation (ou un « cadrage » de la situation)est nécessaire ; nous parlerons de « compétence dedeuxième degré » ; Savoir choisir et combiner correc-tement plusieurs procédures de base pour traiter unesituation nouvelle et complexe. Nous parlerons alorsde « compétence de troisième degré » » (p. 6).

Ces recadrages conceptuels sont essentiels car ilsreconnaissent l’utilité des automatismes dans lefonctionnement cognitif des individus. À cet égard,la formule de Bastien (1997) est percutante. Selonlui, « plus on est expert, moins on raisonne et pluson active des connaissances pertinentes et fonction-nellement structurées » (p. 8). Pour cet auteur, l’ex-pertise tient à la fois à la capacité de maîtriser avecsûreté les situations courantes et à celle de faireface avec à propos aux situations inédites.

Dans la vie courante, nous sommes le plus sou-vent – et fort heureusement pour nous – tenus degérer des situations coutumières. À nouveau, ceci nesignifie pas que le monde est immuable, mais que lavariabilité des situations exige seulement des micro-adaptations de nos schèmes pratiques et/ouconceptuels. Certes, il nous arrive de devoir affron-ter des situations extrêmes (crise, accident, deuil,conflit violence, etc.), mais, comme le remarque avecpertinence Perrenoud (1997), ces situations « sortentpar définition de l’ordinaire et ne se reproduisent pasnécessairement » (p. 37). On ne comprend dès lorspas pourquoi l’évaluation des compétences devraitse concentrer sur les situations à la fois complexeset inédites pour l’individu. Pourquoi faire de l’excep-tionnel la norme de la vraie compétence ? Pourquoiévaluer les élèves dans des situations qui ne sereproduiront pas nécessairement ?

PAREILLE EXIGENCE NOUS PARAÎT INJUSTIFIÉEET CELA POUR PLUSIEURS RAISONS

En milieu professionnel, la gestion des événementsréguliers a son importance. À y réfléchir simplement,

la standardisation des procédures a sa pertinence etsa noblesse. Elle relève, pour partie au moins, de lavolonté de l’homme de réduire l’incertitude, l’aléa-toire et l’accidentel dans l’exécution des tâches. Onpeut même avancer que la standardisation des pro-cédures ou opérations professionnelles est d’autantplus pertinente que la tâche est périlleuse. Une inter-vention chirurgicale est affaire délicate et le patienta intérêt à ce que les actes du chirurgien soientaussi automatisés et routinisés que possible. Demême, le voyageur a gagné en sécurité avec la stan-dardisation de l’activité de pilotage des avions.Certes, le chirurgien comme le pilote d’avion doiventpouvoir faire face à l’exceptionnel, mais ils doiventd’abord apprendre à gérer les situations régulières.L’un n’est pas moins nécessaire que l’autre.

Il est peu probable que les entreprises attendentde la majorité de leurs employés l’aptitude à gérerles situations de crise. Certaines grosses entreprisesont créé la fonction de Crisis Manager. C’est parexemple le cas chez Dow Chimical, sans doute laplus grosse entreprise mondiale dans le domaine. Lafonction du Crisis Manager est d’analyser le pro-blème et de fédérer, au sein et éventuellement endehors de l’entreprise, les compétences suscep-tibles de contribuer à la résolution de la crise. Bref,l’entreprise a mis en place un dispositif qui postuleque les crises ne peuvent pas être résolues par unindividu isolé (13). Ce qui est attendu du CrisisManager, c’est de procéder à une première analysedu problème susceptible de l’amener à cernerl’éventail de ressources qu’il convient de mobiliserpour construire progressivement une solution auproblème. Dow Chimical attend de la majorité de sesemployés la maîtrise de compétences spécifiquesdont la plupart sont précisément standardisées. Parailleurs, au fur et à mesure qu’il gère des crises, leCrisis Manager construit un savoir-faire d’expériencepar lequel il se dote d’une classification des crisesainsi que d’un répertoire de procédures adaptées.Bref, au fur et à mesure que le Crisis Manageracquiert de l’expertise, la notion de crise se dissoutprogressivement. Pareil processus est au cœurmême du développement de l’expertise : pluscelle-ci s’amplifie et plus la part d’impondérables seréduit. C’est dans la même perspective que leconcept de transfert d’expertise acquiert toute sasignification : mieux l’expert peut transmettre sonexpertise, moins le novice est confronté à dessituations inédites.

Sur le plan pédagogique, la norme de la comple-xité inédite nous paraît également discutable : elle

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risque très probablement de conduire à l’artificialité.En effet, plus un individu a eu à gérer de situations,plus le champ des situations inédites se restreint etplus leur degré d’exceptionnalité s’accroît. Pourappuyer notre argumentation, imaginons un ensei-gnant qui a le souci de former ses élèves à la ges-tion de situations complexes aussi variées que pos-sible. Au moment où il lui faut retenir une situationd’évaluation certificative, il lui faudra, s’il veut sesoumettre à la norme de la complexité inédite,rechercher une situation qu’il n’a jamais retenue encours de formation. Or, on peut penser que cetenseignant avait au préalable retenu les situationsles plus pertinentes pour nourrir le processus d’ap-prentissage des élèves. Le risque est grand alorsqu’il soit amené à sélectionner à des fins d’évalua-tion une situation exceptionnelle et, en définitive, àce point éloignée de la réalité courante que l’évalua-tion perde toute authenticité. Dit autrement encore,on peut craindre qu’un dispositif de formation quiplace les apprenants dans une multitude de situa-tions authentiques ne débouche, étant donné lanorme de la complexité inédite, sur une évaluationdénuée de toute authenticité.

C’est aussi au nom de la lutte contre l’échec sco-laire qu’il convient de rompre une lance contre lanorme de la complexité inédite. Adopter pour critèrede compétence la résolution de problèmes à la foiscomplexes et inédits, c’est confronter les élèves à unniveau d’exigences extrêmement élevé, niveau quela grande majorité n’atteindra probablement pas dusimple fait de la haute probabilité des erreurs demesure. Par erreur de mesure, nous signifions ici lefait de déclarer incompétents des élèves qui nele sont pas moins que leurs condisciples qui réus-sissent l’épreuve.

Pour développer notre raisonnement, supposonsune épreuve confrontant les élèves à une situationinédite requérant la mobilisation selon un ordre strictde six procédures. Pour résoudre ce type de pro-blème, les élèves doivent d’abord maîtriser séparé-ment chacune des six procédures ; dès lors qu’ils nemaîtrisent pas ou qu’ils maîtrisent imparfaitementune seule des procédures, ils sont incapables deréussir l’épreuve. Mais, comme nous l’avons montrépar ailleurs (Crahay & Detheux-Jehin, 2005), la maî-trise des six procédures est une condition néces-saire mais pas suffisante. En situation d’évaluation,face à un problème de ce niveau de complexité,l’élève doit songer à mobiliser chacune de ces sixprocédures et les assembler de façon adéquatepour aboutir à la solution correcte. L’enjeu majeur

pour l’élève consiste à construire une représentationmentale adéquate du problème et, probablement, àélaborer un plan de résolution spécifiant les sous-problèmes à résoudre et permettant en conséquencela récupération des procédures adaptées dans lamémoire à long terme ainsi que leur mise en appli-cation selon une séquence appropriée. Il convientsans doute d’ajouter une difficulté qui traversel’ensemble de la démarche : vu la lourdeur desdémarches mentales à mobiliser en mémoire de tra-vail, les élèves risquent à n’importe quel moment lasurcharge cognitive (14). On le voit, les occasions decommettre une erreur fatidique sont nombreuses et,par voie de conséquence, le risque d’une erreur demesure est d’ampleur équivalente. Dit autrement, ilsuffit que l’élève construise une représentation duproblème partiellement erronée ou qu’il trébuchedans la mobilisation d’une procédure ou qu’il soitvictime de surcharge cognitive pour échouer irrémé-diablement à l’ensemble de l’épreuve.

Tout aussi grave à nos yeux : dans l’approche parcompétences, le risque de confusion entre situationsd’apprentissage et d’évaluation est maximal. Perre-noud (1997) lui-même n’échappe pas, craignons-nous, au piège lorsqu’il définit l’action compétentecomme « une intervention bien tempérée, une varia-tion sur des thèmes partiellement connus, une façonde réinvestir le déjà vécu, déjà vu, déjà compris oumaîtrisé, pour faire face à des situations juste assezinédites pour que la pure et simple répétition soitinadéquate, juste assez familières pour que le sujetne se sente pas totalement démuni » (p. 40). De quois’agit-il ? De situation d’apprentissage, de situationd’évaluation ou des deux indistinctement ? Le textene le précise pas comme si la distinction n’avait plusde raison d’être. Pour nous, la dérive est au seuil decette pédagogie par compétences. Pour évaluer lesavoir-mobiliser, il faut placer l’élève en situation derésolution de problèmes nouveaux comme on pres-crit de le faire pour susciter l’apprentissage. On nevoit pas dès lors pourquoi on s’abstiendrait d’évaluerl’élève de façon permanente en situation d’appren-tissage. Or, ce faisant, on lui retire le droit à l’erreuren phase de construction des compétences.

L’ÉPINEUSE QUESTION DES FAMILLESDE SITUATIONS

Selon nous, la notion de famille de situations estégalement problématique. À notre connaissance,elle n’est ni opérationalisée, ni conceptualisée. Nous

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pensons même qu’elle est érigée sur un vide théo-rique. Il importe par conséquent de l’interroger ;nous le ferons sur la base d’un exemple.

Dans le domaine de la résolution de problèmesmathématiques, il est traditionnel de distinguer lesproblèmes additifs et les problèmes multiplicatifs(Vergnaud, 1983). Mais, sans doute, peut-on aussidistinguer les problèmes de distance, de surface, devolume, de durée, de vitesse, etc. À notre connais-sance, seuls les problèmes additifs simples – dési-gnés classiquement par l’expression Word Problems– ont été l’objet d’un nombre significatif derecherches. Il semble acquis de les considérercomme une catégorie de problèmes comportant descaractéristiques communes, mais aussi des subdivi-sions identifiables. Ainsi, est-il devenu classique dedistinguer, à la suite de Riley, Greeno & Heller(1983), quatre groupes de problèmes en fonction dela relation sémantique impliquée : changement, com-binaison, comparaison et égalisation. Mais la dimen-sion sémantique ne suffit pas pour anticiper laconduite des élèves et prédire leurs réussites ouéchecs. Il faut également tenir compte de l’opérationà mobiliser (addition ou soustraction), de la taille desdonnées numériques, de la position de l’inconnueet de la formulation de l’énoncé. Riley et al. (1983),mais aussi Hudson (1983), Corte et Verschaffel(1987), ainsi que Fagnant (2005) ont montré que lestaux de réussite variaient en fonction de ces diffé-rents paramètres (15). Bref, il semble que tous leséléments de la situation affectent la performance desélèves. Peut-on, alors, encore parler de famille desituations dans le cas des Word Problems ? Onarguera que oui, dès lors que, dans tous les cas,quel que soit le rôle des différents paramètres situa-tionnels, l’élève doit mobiliser une opération arith-métique spécifique : l’addition ou, son inverse, lasoustraction (16). Cet argument conduit à l’idéequ’une famille de situations correspond à unensemble de tâches ou de problèmes qui partagenten commun le fait d’être résolus par une procédureou un ensemble spécifié de procédures spécifique(s)et ceci, quelles que soient les caractéristiques desurface. Dit autrement, c’est la (ou les) procédure(s)– ou, si l’on veut, la (ou les) compétence(s) – mobili-sée(s) qui permet(tent) de définir la famille de situa-tions et non l’inverse. Or, qu’on le veuille ou non, lesopérations telles qu’additionner, soustraire, multi-plier, diviser, etc., sont des constructions humaines,élaborées tout au long du processus de civilisationet rassemblées au sein d’une discipline : les mathé-matiques. Bref, il nous paraît difficile de sortir du dis-ciplinaire et la façon dont les socles et/ou référentiel

de compétences ont été rédigés dans différentspays (CFBW et Suisse romande, notamment), nousrenforce dans cette idée.

En clair, il nous paraît urgent de plaider en faveurd’une restauration du disciplinaire.

Sans doute, cette prise de position risque-t-elled’être vécue comme sacrilège par rapport au nou-veau dogme des compétences transversales. Mais,en définitive, de quelle réalité mentale parle-t-onlorsqu’on agglomère ces deux mots ? Rey (1996) estle premier à avoir pris une position critique à cetégard. Dans son ouvrage sobrement intitulé Lescompétences transversales en question, il montreque le concept ne résiste pas à une analyse scienti-fique sérieuse. Depuis lors, d’autres lui ont emboîtéle pas : Perrenoud (1997), Johsua (2002), notam-ment. Car, mis à part l’écoute, la parole, la lectureet peut-être l’écriture, existe-t-il des capacitésdont l’adéquation traverse la quasi-totalité dessituations ? Par ailleurs, avec Johsua (2002), il fautremarquer le paradoxe auquel nous confrontece pseudo-concept : « Comment des compétences,uniquement repérables en situation, peuvent-ellesêtre transversales ? » (p. 116).

Au nom du constructivisme piagétien (17), ilimporte de démonter la nouvelle doxa des compé-tences méta-disciplinaires. Car, bien évidemment,les compétences disciplinaires ou spécifiques sonten bas de l’échelle dans les modèles hiérarchiquesdes compétences et celles qui sont supposéestransversales ou démultiplicatrices ou encore dyna-miques sont au sommet (18). Or, comme l’a montréPiaget à de multiples reprises, un concept est à lafois le fruit d’un processus de structuration (oud’équilibration) et le point de départ de nouvellesstructurations. Prenons pour exemple une notion lar-gement malmenée au niveau pédagogique : celui decapitale. Combien d’élèves n’ont-ils pas eu (et ontencore) à étudier par cœur le nom des capitales despays d’Europe, voire du monde ? Très souvent, cetapprentissage est traité sur le mode de la puremémorisation d’informations purement convention-nelles. Or, pour comprendre la notion de capitale, ilfaut impérativement maîtriser l’inclusion de classescar dire que Paris est la capitale de la France, c’estconcevoir deux entités spatiales dont l’une estemboîtée dans l’autre. Mais, ce n’est pas suffisant !Pour comprendre pleinement un énoncé en appa-rence aussi simple que celui que nous analysons, ilfaut saisir la notion de ville et celle de pays. Qu’est-ce qu’une ville ? Comment, à ce sujet, dépasser l’in-tuition que nous avons de cette réalité de tous les

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jours pour accéder à une définition stricte et précise,qui permette de distinguer clairement les villes desvillages et ceux-ci des banlieues, des hameaux,etc. ? De même, qu’est-ce qu’un pays ? Une réalitésocio-historique qui correspond à une délimitationspatiale ou géographique qui a varié dans le tempset peut encore changer, mais aussi à une organi-sation politique d’une portion d’espace : en effet,la grande majorité des pays sont composés derégions, et/ou de provinces, ou de cantons, etc.Bref, la notion de capitale bien comprise est néces-sairement l’aboutissement d’une structurationcognitive qui implique la construction d’un réseauconceptuel. Dès lors que l’élève maîtrise cettenotion, il dispose d’un outil intellectuel qu’il peutmobiliser à d’autres occasions. Le nom d’un paysévoque d’emblée en lui l’idée que celui-ci possèdeune capitale et le nom d’une ville suscite naturelle-ment la question de savoir si celle-ci est ou noncapitale. De plus, l’élève peut découvrir que lesorganisations politiques modernes renvoient souventà une structuration hiérarchique en matière de capi-tales. Ainsi, certaines villes sont des capitales régio-nales ou cantonales, d’autres sont des capitalesnationales ou fédérales et d’autres encore jouent unrôle à un niveau supérieur encore, notamment dansle cas de l’Union européenne et des États-Unisd’Amérique.

L’idée que nous cherchons à soutenir ici est qu’ileût été plus fécond d’explorer la notion de champsconceptuels élaborée par Vergnaud (1987) dans lacontinuité de la théorie piagétienne plutôt quede faire feu de tout bois en optant pour la logique dela compétence. Car, qu’est-ce qu’un champ concep-tuel ? C’est un ensemble de situations dont le traite-ment implique des schèmes, concepts et théorèmesen étroites connexions, ainsi que les représentationslangagières et symboliques, susceptibles d’être utili-sées pour les représenter. Pour nous, l’intérêt decette notion est évident et multiple. D’abord, elleaffirme d’emblée la liaison inéluctable entre le traite-ment des situations et la mobilisation de schèmes,concepts et théorèmes. Impossible dans cette pers-pective de dissocier les processus de traitement desconnaissances. Or, aujourd’hui, une des principalesdérives de l’approche par compétences est la relé-gation des savoirs au rayon des garnitures intellec-tuelles. Ensuite, le champ conceptuel stipule claire-ment que c’est le schème ou le concept ou encorele théorème qui constitue le noyau structurant desdomaines de situations. Alors que la logique descompétences pose la relation inverse ou reste ambi-guë sur cette question. Enfin, la notion de champ

conceptuel explicite le lien des concepts avec lesreprésentations, ce que la vulgate de la compétencelaisse totalement dans l’ombre.

DU DISCIPLINAIRE,OUI MAIS PAS N’IMPORTE COMMENT !

Revenons au problème à résoudre : dépasser l’ac-quisition de savoirs morts, ce qui suppose de rendrel’élève autant que faire se peut capable de mobiliserdes ressources cognitives pour résoudre des pro-blèmes. Pour affronter pareil défi, il est plus utile dese doter d’un modèle conceptuel que de s’accrocherà un mot (19). Pour développer notre réflexion, nousoptons pour le modèle conceptuel proposé parRichard en 1995.

Pour Richard, agir de façon adaptée en situation,c’est d’abord comprendre cette situation. Pour cefaire, il convient de mobiliser ou de construire unereprésentation particularisée de celle-ci. Dans cer-tains cas, la situation évoque d’emblée une repré-sentation appropriée ; cela se produit lorsque l’indi-vidu a déjà rencontré des situations équivalentes.Dans d’autres cas, il lui faut construire cette repré-sentation. Cette construction se fait généralementpar analogie avec une situation préalablementconnue. Toujours selon ce modèle, l’individu déve-loppe à partir de sa représentation particulariséede la situation une série de raisonnements, dont laplupart peuvent mobiliser des inférences pourcomprendre et des inférences pour agir.

Dans cette perspective, le rôle joué par lesconnaissances, qu’elles soient générales ou spéci-fiques, relationnelles (20) ou procédurales, etc. estdéterminant. Elles affectent les représentations quele sujet se construit en situation, mais aussi ellesdéterminent trois catégories d’activités possibles :activités d’exécution automatisées, activités nonautomatisées et résolution de problèmes par élabo-ration de procédures. En clair, les connaissancessont nécessaires au fonctionnement cognitif dusujet, mais ne sont pas suffisantes. Pour nous, aveccette affirmation, nous touchons au cœur du pro-blème pédagogique à résoudre. Par le passé, l’en-seignement s’est pratiqué comme si la maîtrise deconnaissances était à la fois nécessaire et suffisante.Désormais, leur nécessité doit être reconnue sans,pour autant, qu’on s’en satisfasse (Crahay, 1996).L’innovation lexicale apportée par le terme de com-pétence n’aide pas à bien poser le problème ; elle

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induit l’idée qu’il faut faire table rase du passé pourfaire quelque chose de tout à fait autre. Plus graveencore, elle induit l’idée que les connaissances sontsecondaires, voire ne sont pas nécessaires.

La psychologie cognitive est actuellement traver-sée par un courant désigné par l’expression cogni-tion située. Selon Brown et al. (1989), figure de prouecontemporaine de ce courant enraciné dans lapensée de Dewey (1886, 1900 & 1990), il convientd’amener les enseignants à modifier radicalementleur façon de concevoir les rapports entre connais-sances et résolution de problèmes ou entre savoir etsavoir-faire ou encore entre connaissances et pra-tique. L’objectif est de cesser de considérer la pra-tique comme un exercice ou une répétition en vue defixer une règle ou un principe ; la pratique est à lafois la source de la connaissance, sa finalité et sonlieu de validation. Entre le faire et le connaître, lesrelations sont de nature dialectique et c’est ainsiqu’il faut les faire vivre à l’école. Or, actuellement,constatent Brown et al. (1989), « beaucoup de pro-cédés didactiques reposent sur la séparation entreconnaître et faire et, plus fondamentalement, sur laconviction qu’il est possible de considérer laconnaissance comme une entité autosuffisante,théoriquement indépendante de la situation danslaquelle elle est apprise et utilisée » (p. 32). Ontouche ici au noyau dur des présupposés épistémo-logiques qui traversent l’école depuis le Moyen-Âge(Durkheim, 1990) et qui remontent à Platon en pas-sant par toutes les philosophies idéalistes : il existedes connaissances universelles, une vérité absolue,intemporelle, valide en tout lieu. À l’opposé de cetteconception essentialiste des connaissances, Dewey(1990), penseur pragmatiste, et, à sa suite, tout lecourant de la connaissance située, considère quetout savoir est contextualisé. Ce qui fait écrire àBrown et al. (1989) que « la situation et l’activitédans lesquelles la connaissance se développe, nesont pas des éléments parallèles à l’apprentissageet à la cognition ; elles en sont une composanteessentielle. On pourrait dire que les situations copro-duisent la connaissance à travers l’activité del’apprenant. On peut aujourd’hui affirmer que l’ap-prentissage et la cognition sont fondamentalementcontextualisés » (p. 32) (21).

La contextualisation des apprentissages paraîtdésormais indispensable car les connaissancesn’acquièrent de réelle signification pour le sujet quesi les éléments les définissant sont appréhendés parle sujet en référence à des situations particulières.Comme indiqué ci-dessus, l’élève doit construire les

particularisations qui permettent les bonnes généra-lisations. Or, en favorisant l’apprentissage par réso-lution de problèmes, on incite les élèves à construireles connaissances dans le contexte même de leurfuture utilisation.

Le caractère contextualisé des connaissancesparaît incontournable, du moins dans les phases ini-tiales de la conquête d’un savoir. L’observation réa-lisée par Lawler (1981) de la façon dont sa filleMyriam a reconstruit l’addition, en milieu non-sco-laire, est instructive à cet égard. Notant quotidienne-ment ses tâtonnements, il constate que celle-ci estcapable ou non de résoudre la même opérationselon qu’elle porte sur de la monnaie ou sur un sup-port abstrait. Plus généralement, pour le chercheuraméricain, le fonctionnement cognitif de sa fillesuggère l’existence de Micro-Worlds ou d’îlotsde connaissances dont la mobilisation dépend deconditions très spécifiques. Pareille parcellisation dusavoir a été observée bien avant le psychologueaméricain par la plupart des pédagogues qui, seréclamant de l’Éducation nouvelle (Decroly, en parti-culier), déploraient ce fait et en attribuaient la res-ponsabilité à l’école et, plus particulièrement, à l’en-seignement traditionnel incriminé de se centrer surles savoirs. Or, dans le cas précis de Myriam, on nepeut imputer la nature parcellisée de ses cognitionsau caractère artificiel d’un enseignement scolaire. Ceque montrent les fines observations de Lawler(1981), c’est que la parcellisation des connaissancesconstitue une étape de leur développement ; elle estla contre-partie, inévitable pensons-nous, de lacontextualisation des savoirs initiaux.

Si la contextualisation des connaissances consti-tue une première étape du processus de construc-tion cognitive, leur décontextualisation en constituela seconde. Bref, de façon complémentaire à lacontextualisation des savoirs, il faut planifier leurdécontextualisation ou leur généralisation. Ce pro-blème est très justement posé par Fayol (1989) dansle domaine des apprentissages mathématiques. Ilécrit à ce sujet : « La question la plus essentielleest […] celle du passage de réussites locales noncoordonnées et liées à des paramètres contextuelsdivers à une compréhension généralisée et néces-sairement plus abstraite » (p. 195).

Trois pistes de travail semblent devoir être coor-données : la diversification des contextes d’appren-tissage ou des problèmes, la conceptualisationet l’intégration de tout concept nouveau dansun réseau (ou, pour reprendre la terminologie de

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Vergnaud, dans un champ conceptuel) et la stimula-tion de la réflexion métacognitive.

• Corte et Verschaffel (1987) ont montré, au départd’un échantillon de classes primaires de laCommunauté flamande de Belgique, que lesélèves n’avaient pas l’occasion d’explorer l’entiè-reté du champ conceptuel des structures addi-tives. Certaines catégories sémantiques sontsur-représentées parmi l’éventail des problèmesobservés ; à l’inverse, aucun problème de typecombinaison n’est recensé. Par ailleurs, en s’ap-puyant sur les recherches de Mayer (1981 &1985), Fayol (1989) souligne que les types deproblèmes les plus rares (dans les livres ouexemples fournis dans les cahiers d’élèves) sontaussi les plus mal réussis. On pourrait résumerces constats en affirmant que l’usage des opéra-tions arithmétiques semble trop strictement cir-conscrit à certains types de problèmes et ce, enraison du caractère trop peu diversifié des oppor-tunités d’apprentissage présentées aux élèves.

• Complémentairement à la diversification dessituations d’apprentissage, Klahr (1984) suggèrede solliciter de la part des élèves une démarchecognitive qui s’apparente à l’abstraction réflé-chissante chère à Piaget. Dans le modèle deKlahr, le sujet constitue un stock de connais-sances déclaratives et procédurales, chacuneappropriée, au fur et à mesure de ses expé-riences successives, à une classe de situations.De façon spontanée ou sollicitée, il se livre à desanalyses et réflexions à partir des régularitésconstatées, ceci afin de construire une architec-ture de connaissances de plus en plus généraleet abstraite.

Bref, pour assurer la mobilisation des connais-sances en des contextes diversifiés, il faut sansdoute articuler trois moments didactiques : d’abord,une phase de construction des apprentissages encontexte ; ensuite, une phase de décontextualisationou de transfert (ou encore de diversification contex-tuelle) et, enfin, une phase de retour réflexif ou méta-cognitif sur ces apprentissages.

EN GUISE DE CONCLUSION :OUBLIER LA COMPÉTENCEPOUR REPENSER L’APPRENTISSAGE.

Le statut scientifique du concept de compétencesest incertain. Les emprunts opérés par différentsauteurs aux diverses théories psychologiques pour le

légitimer ne sont pas pleinement convaincants. Nouslui reconnaissons un seul mérite : celui d’avoir remisau-devant de la scène pédagogique la problématiquede la mobilisation des ressources cognitives en situa-tion de résolution de problèmes. Vrai problèmeauquel le concept de compétence apporte, selonnous, une mauvaise réponse car il institue unmonisme conceptuel et diffuse une illusion simplifica-trice qui n’aidera pas l’école à progresser dans lavoie du guidage constructif de l’activité cognitive del’élève. En s’accrochant au terme de compétence, lemonde pédagogique renoue avec le nominalisme,attitude intellectuelle dont on sait combien elle estsclérosante. Nous arguons qu’il est plus fécond defonder la réflexion pédagogique et/ou didactique surles modèles conceptuels de l’activité cognitive del’élève. Parmi d’autres, celui de Richard (1995) offrel’opportunité de réfléchir l’activité cognitive de façonplus différenciée que le pseudo-concept de compé-tence.

Pour nous, il serait salutaire de renoncer à la doxade la compétence, de ressusciter la notion de champconceptuel chère à Vergnaud (1987) et, ainsi outillésur le plan théorique, de restaurer et de revivifierle disciplinaire. Cette restauration du disciplinairedevrait s’accompagner d’une réflexion sur le proces-sus d’apprentissage et, dans la foulée, du dévelop-pement de dispositifs d’enseignement articulant troismoments didactiques (cf. ci-dessus).

Soulignons, au moment de conclure, que lamobilisation de ressources cognitives en situation-problème n’est pas toute l’activité intellectuelle del’élève. Il y a, comme le disait Piaget (1974), le réus-sir et le comprendre. Si l’accent sur la mobilisationdes ressources cognitives est justifié, il doit êtrecomplété par un accent équivalent porté sur lespratiques d’intelligibilité ou, en termes plus précis,sur les démarches de conceptualisation et/ou demodélisation du réel. L’école doit pailler à l’incom-plétude de l’approche par compétences en appre-nant à mieux gérer l’articulation de ces deux mouve-ments complémentaires de l’activité intellectuelle.

Mais l’école ne peut en rester là. Elle doit contri-buer à la naissance du Sujet (Touraine, 1992).Actuellement envahie par une idéologie économistepour ne pas dire capitaliste, l’école tend à privilégierla rationalité instrumentale. Il n’est évidemment pasquestion de rejeter cette dimension, mais elle nepeut avoir le monopole sur la formation dispenséeà l’école. Elle en cache même la moitié : la cons-truction du sujet comme acteur qui, situé dansune société et une époque, revendique une marge

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d’autodétermination ; ce qui implique, pensons-nous, de se situer dans l’histoire pour mieux se posi-tionner dans l’actuel. Avec les mots d’Habermas(1987), on dira que l’école ne peut se limiter à l’agirinstrumental, elle doit aussi féconder l’agir communi-cationnel.

La naissance du Sujet chère à Touraine (1992),l’agir communicationnel chez Habermas (1987) c’estla promotion du Soi chez Bruner (1996). En défini-

tive, si nous appelons à une contestation de la doxade la compétence, c’est au nom qu’une conceptionémancipatrice de l’école, c’est-à-dire d’une écolequi contribue à la construction du Sujet en tantqu’acteur social, pétri de liberté, de création etd’engagement.

Marcel [email protected]

Universités de Genève & de Liège.

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NOTES

(1) La déferlante des compétences touche également d’autrespays, mais nous sommes dans l’incapacité d’en faire l’inventairecomplet.

(2) Plus loin, dans le même texte, Allal (1999, p. 81) propose la défi-nition du terme compétence : « un réseau intégré et fonctionnelconstitué de composantes cognitives, affectives, sociales, sen-sorimotrices, susceptible d’être mobilisé en actions finaliséesface à une famille de situations ». Voilà la définition aveclaquelle nous nous accordons le plus car elle s’abstient, d’unepart, de remettre en scène les concepts d’aptitude et/ou decapacité et, d’autre part, d’ajouter les adjectifs complexeet inédit. Seule la notion de famille de situations, que nousdiscuterons plus loin, nous pose problème.

(3) La position de Perrenoud est bien plus nuancée dans l’ouvrageConstruire des compétences dès l’école, paru en 1997. Il écritnotamment : « Le Boterf qui a développé l’idée fondamentale demobilisation, risque de brouiller les cartes en définissant lacompétence comme un « savoir-mobiliser ». C’est une belleimage, qui nourrit cependant un risque de confusion, dans lamesure où la mobilisation de ressources cognitives n’est pasl’expression d’un savoir-faire spécifique qu’on nommerait le« savoir-mobiliser » […] Il n’existe pas, cependant, de « savoir-mobiliser » universel, qui serait à l’œuvre dans toute situation ets’appliquerait à n’importe quelles ressources cognitives, ou alors ilse confond avec l’intelligence du sujet et sa quête de sens » (p. 35).

(4) L’adjonction du terme aptitude par Hazette à la définition de lacompétence telle qu’elle avait été proposée par la ministreOnkelinx prend ici tout son sens.

(5) Ceci conduit à interroger les options idéologiques qui sous-tendent la notion de compétence (cf. notamment à ce sujetBronckart & Dolz, 2002 ; Crahay & Forget, à paraître ; Dugué,1994 ; Hirtt ; 1996 ; Ropé, 2002 ; Stroobants, 2002).

(6) En linguistique où elle fait couple avec le concept de perfor-mance, Chomsky (1955) a donné à la compétence un statutscientifique.

(7) Il est courant aujourd’hui de renvoyer à Bransford et al. (1986)pour donner une définition des connaissances inertes. On ferade même ici-même si nous avons voulu indiquer les originesplus lointaines de l’expression : « This is knowledge that couldand should be applicable to a wide range of situations but isonly applied to a restricted set of circumstances » (Bransfordet al., 1986, p. 1080).

(8) La citation anglaise est la suivante : « In training a child to acti-vity of thought, above all things we must beware of what I willcall inert ideas – that is to say, ideas that are merely receivedinto the mind without being utilized or tested, or thrown intofresh combinations » (Whitehead, 1929, p. 1).

(9) L’auteur raconte notamment l’anecdote suivante : « A friend ofmine, visiting a school, was asked to examine a young class ingeography. Glancing at the book, she said : « Suppose youshould dig a hole in the ground, hundred of feet deep, how

should you find it at the bottom – warmer or colder than ontop ? » None of the class replying, the teacher said : « I’m surethey know, but I think you don’t ask the question quite rightly.Let me try. » So, taking the book, she asked : « In what conditionis the interior of the globe ? » and received the immediate ans-wer from half the class at once : « The interior of the globe is in acondition of igneous fusion ». » (James, 1912, p. 150)

(10) Ainsi, en CFWB, la brochure De deux ans et demi à dix-huit ans,réussir l’école... est explicite à ce sujet. On y lit : « Un savoir quine se traduit pas en possibilité d’accomplir une tâche ou uneaction est un savoir mort. Traduire les programmes en listes decompétences, c’est demander aux enseignants de ne pas avoircomme seul objectif de « voir la matière » ou de « boucler le pro-gramme », mais d’inciter les apprenants à utiliser leur savoir, parexemple pour résoudre les problèmes et réagir efficacement auxsituations » (Belgique, 1996, p. 20).

(11) En définitive, la compétence constitue une éphéméride : dèsque ce sujet a démontré sa compétence en accomplissant latâche complexe et inédite auquel on le confronte pour évaluerdans quelle mesure il est compétent, sa compétence se dissoutcar, s’il répète la solution qu’il vient d’inventer, il ne fait pluspreuve de compétence.

(12) Cette distinction est également proposée par Perrenoud (1997)qui distingue deux cas, que nous considérons comme les pôlesextrêmes d’un continuum. Il y aurait « d’une part, des cas où onn’observe presque aucun décalage entre le moment où la situa-tion se présente et le moment où le sujet réagit ; cela ne signifiepas alors qu’il n’y a aucune mobilisation, mais qu’elle est quasiinstantanée ; la compétence prend alors les allures d’un schèmecomplexe stabilisé ; d’autre part, des situations dans lesquellescette mobilisation ne va pas de soi, n’est pas routinière,demande réflexion, délibération intérieure, voire consultation deréférences ou de personnes ressources » (p. 32).

(13) Cette organisation illustre parfaitement le concept d’individuplus proposé par Perkins (1995).

(14) Ce dernier point est crucial et trop souvent négligé par lesenseignants et pédagogues.

(15) Les situations de type changement comme la transformationpar ajout ou retrait et les situations de type combinaison sontmieux réussies par les enfants que les problèmes de typecomparaison et égalisation. Cela s’observe jusqu’à un niveauavancé de scolarisation (3e primaire). La position de l’inconnueinflue également sur la performance des élèves. D’une manièregénérale, la recherche d’un état final dans les problèmes detype changement et combinaison ne pose guère de difficultésaux enfants et cela dès l’école maternelle. En revanche, larecherche de l’état initial (par exemple « X avait des billes. Y luien donne cinq. X en a huit maintenant. Combien en avait-il ? »)ou la recherche d’un des sous-ensembles dans les problèmesde combinaison (par exemple, « X et Y ont ensemble huit billes.X en a trois. Combien en a Y ? ») leur fait difficulté (Fayol, 1989).

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(16) On remarquera que les jeunes enfants ne traitent pas nécessai-rement les situations du type combinaison ou égalisationcomme les situations de type changement et qui sont globale-ment maîtrisées avant les autres. L’élément commun aux WordProblems consisterait dans la compétence formelle, jugée adé-quate par les adultes.

(17) Réfutons d’avance une objection que certains seront tentés denous faire. En argumentant en faveur d’une certaine restaura-tion du disciplinaire, nous ne renions pas nos convictionsconstructivistes. Il convient ici de rappeler que toute l’œuvre dePiaget constitue, en définitive, une psychogenèse desconcepts logico-mathématiques, physiques, spatiaux et biolo-giques.

(18) Le modèle à quatre étages de Leclercq (1987) est prototypiqueà cet égard : à la base, on trouve les compétences spécifiques ;

viennent ensuite, dans l’ordre, les compétences dé multiplica-trices, les compétences stratégiques et enfin les compétencesdynamiques.

(19) La notion de mobilisation de ressources fait référence à un pro-cessus dynamique, qu’il paraît d’emblée réducteur d’essayer derenfermer dans un mot.

(20) Richard (1995) préfère l’expression « connaissances relation-nelles » à l’expression « connaissances déclaratives ».

(21) La même idée se retrouve chez Glaser (1986) qui, s’efforçantd’élaborer sa réflexion pédagogique à partir d’une connais-sance approfondie des processus cognitifs, écrit : « les proces-sus de pensée efficaces seraient le fruit d’une connaissanceacquise en contexte, c’est-à-dire d’une connaissance qui n’estpas dissociée des conditions et des contraintes de son appli-cation » (p. 268).

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