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Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de beauté idéale : le cas des publicités cosmétiques Sylvie Borau Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche [email protected] Eric Vernette Professeur [email protected] IAE, Université Toulouse Capitole, CRM- UM CNRS 5303 2 rue du Doyen Gabriel Marty 31042 Toulouse Cedex

Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de ... · Une source perçue comme crédible est généralement plus efficace, plus persuasive qu’une source jugée moins

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Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de beauté idéale :

le cas des publicités cosmétiques

Sylvie Borau

Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche

[email protected]

Eric Vernette

Professeur

[email protected]

IAE, Université Toulouse Capitole, CRM- UM CNRS 5303

2 rue du Doyen Gabriel Marty

31042 Toulouse Cedex

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Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de beauté idéale :

le cas des publicités cosmétiques

Résumé :

Quel est l’impact des annonces contenant un modèle à la beauté plus ou moins idéalisée sur la

persuasion ? Une expérimentation réalisée auprès de 600 femmes manipule le degré de beauté

du personnage féminin (idéal vs non idéal vs absence de personnage) et la catégorie de produit

cosmétique (correcteur vs embellisseur). L’attitude à l’égard de l’annonce pour un produit

correcteur avec un modèle non idéalisé est plus favorable que celle avec un modèle idéalisé.

Ce résultat s’explique par les meilleurs niveaux de fiabilité et d’expertise perçues du modèle

non idéalisé lorsque ce dernier est associé à cette catégorie de produit. En revanche, les

performances des deux modèles sont équivalentes pour le produit embellisseur.

Mots-clés : beauté idéale, crédibilité, catégorie de produit, publicité.

Credibility and efficacy of idealized and non-idealized beauty models: the case of

cosmetics’ advertisings

Abstract:

What is the impact of adverts picturing an idealized or a non-idealized model on the

advertising persuasion process? An experimentation conducted among 600 women aged

between 18 and 35 manipulates the level of the model’s beauty ideal (idealized vs. non

idealized vs. no model) and the cosmetics’ product category (problem solving product vs.

enhancing product) in an advertising context. The advertising for a problem-solving product

picturing a non-idealized model performs better in terms of Aad than the one picturing an

idealized model. This result can be explained by the better scores of expertise and reliability

registered by the non-idealized model when it is associated with this product category.

However, both models perform identically when promoting an enhancing product.

Key-words: idealized beauty, credibility, product category, advertising.

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Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de beauté idéale :

le cas des publicités cosmétiques

Les résultats des recherches relatives au caractère persuasif des annonces publicitaires

contenant des modèles à la beauté plus ou moins idéalisée sont globalement divergents.

Certains montrent la supériorité des modèles attractifs en communication publicitaire (Baker

et Churchill, 1977 ; Caballero et Pride, 1984), d’autres suggèrent que les modèles non

idéalisés pourraient, dans certaines conditions, s’avérer autant, voire plus efficaces (Bower et

Landreth, 2001 ; Caballero et Solomon, 1984 ; Halliwell et Dittmar, 2004). En revanche, il est

admis que l’idéalisme de la beauté du modèle et la catégorie de produit promotionnée doivent

être pris en compte pour une congruence optimale (Kamins, 1990 ; Baker et Churchill, 1977 ;

Solomon, Ashmore et Longo, 1992). Ainsi, la crédibilité perçue du modèle – expertise et

fiabilité - pourrait être affectée par une mauvaise adéquation entre le modèle ou le porte-

parole mis en scène et le type de produit promotionné. Si de nombreuses recherches montrent

la supériorité de l’association d’un modèle très attractif avec un produit lié à la beauté, peu

d’études ont pris en compte la finalité d’utilisation du produit lié à l’attractivité physique, à

savoir corriger un problème esthétique ou mettre en valeur la beauté naturelle (Bower et

Landreth, 2001).

Compte tenu de l’impact potentiellement négatif de l’utilisation de modèles idéalisés sur la

satisfaction corporelle des femmes (Grabe et al., 2008) et des enjeux économiques liés aux

dépenses en communication sur le marché de la beauté1, il semble crucial d’évaluer de

manière plus précise l’efficacité des modèles à la beauté plus ou moins idéale dans le

processus de persuasion publicitaire.

Cet article étudie l’effet de l’exposition à des publicités de produits cosmétiques, utilisant des

modèles idéalisés ou non idéalisés, sur la crédibilité perçue de la source et le caractère

1 Les ventes de parfums, cosmétiques et maquillage ont totalisé 2,86 milliards d’euros en France en 2012 (Le

Figaro, 07/02/12).

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persuasif des publicités. Nous manipulons à la fois le caractère idéalisé du visage et du corps

du personnage féminin (idéal versus non idéal versus absence de personnage) et la catégorie

de produit (produit cosmétique correcteur versus produit cosmétique embellisseur) dans un

contexte publicitaire. Les rôles de l’expertise et de la fiabilité de la source dans le processus

de persuasion publicitaire seront également examinés.

1. Cadre théorique et hypothèses de la recherche

1.1. Images de la beauté féminine dans les publicités cosmétiques

Les images de la beauté idéalisée mettent souvent en scène des mannequins ou des portes

paroles célèbres au physique très attractif et stéréotypé (ratio taille-hanche bas, clarté du teint

et des cheveux, jeunesse, symétrie des traits, taille et longueur des jambes, minceur)

(Amadieu, 2002; Cunningham, 1986; Etcoff, 1999; Jones et Hill, 1993). Les images sont

généralement retouchées numériquement pour atteindre une beauté parfaite, parfois quasi-

irréelle (Duke, 2002 ; Richins, 1991). Enfin, les modèles adoptent souvent une attitude

contrainte, peu naturelle, qui traduit une relation de séduction. Ce choix s’inscrit dans une

stratégie de communication de type aspirationnelle pour accentuer la concurrence

intrasexuelle entre les femmes (Ward et Voracek, 2004 ; Luxen et Van De Vijver, 2006). Ces

trois critères (attractivité physique, irréalisme de l’image et attitude séductrice) sont les piliers

de la représentation idéalisée de la beauté dans les media, et plus particulièrement pour les

publicités cosmétiques. L’idéal étant un modèle de perfection difficile à atteindre (Lockwood

et Kunda, 1999), ces trois critères participent de la perception d’une distance entre le modèle

et la consommatrice. A contrario, les images non idéalisées sont proches des femmes de tous

les jours, avec des modèles au physique ordinaire, une image généralement peu ou pas

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retouchée et une mise en scène du modèle moins travaillée. Le modèle est généralement

souriant, amical et ne joue pas sur le registre de la séduction, comme dans les publicités Dove.

1.2. Congruence perçue entre le personnage et la catégorie de produit

Les modèles attractifs sont généralement jugés plus persuasifs pour des catégories

congruentes, telles que les produits de beauté (Baker et Churchill, 1977 ; Caballero et

Solomon, 1984 ; Till et Busler, 2000). D’autres poussent la congruence plus loin (Bloch et

Richins, 1992 ; Solomon, Ashmore et Longo, 1992) en avançant qu’il y aurait plusieurs types

de beauté ou encore différentes catégories de produit de beauté. Bloch et Richins (1992) et

Bower et Landreth (2001) ont ainsi différencié les produits permettant de résoudre un

problème esthétique (crèmes contre l’acné, shampoings antipelliculaires) et les produits

mettant en valeur la beauté (rouge à lèvre, parfums). Les personnes au physique trop

avantageux étant perçues comme ayant des vies exemptes des problèmes rencontrés par celles

au physique plus ordinaire (Dion, Berscheid, et Walster 1972), leur association avec un

produit censé résoudre un problème esthétique ne serait pas pertinente (Bower et Landreth,

2001). Au final, certains produits cosmétiques, même s’ils sont globalement liés à la notion

d’attractivité, ne seraient pas congruents avec une beauté parfaite, idéale. Dès lors, les

hypothèses suivantes sont proposées :

H1. Un produit correcteur (censé résoudre un problème esthétique) est davantage perçu

comme congruent avec un modèle à la beauté non idéalisée qu’avec un modèle à la beauté

idéalisée.

H2. Un produit embellisseur (censé mettre en valeur la beauté) est davantage perçu comme

congruent avec un modèle à la beauté idéalisée qu’avec un modèle à la beauté non idéalisée.

1.3. Idéalisme de la beauté et crédibilité de la source

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Les chercheurs se penchant sur la congruence entre le personnage inclus dans une annonce et

la catégorie de produit ont, pour la plupart, également étudié la crédibilité perçue de la source

(Bower et Landreth, 2001 ; Kamins, 1990 ; Kamins et Gupta, 1994).

Le modèle de la crédibilité de la source (Hovland et Weiss, 1951) pose que la crédibilité

dépend de la fiabilité2 et de l’expertise. Or Norman (1976) montre qu’une source perçue

comme physiquement attractive influence les jugements de son entourage, et ce, même

lorsque les arguments sont peu étayés3. Néanmoins, l’impact d’un expert non attrayant, reste

supérieur à celui d’une source attractive, mais peu qualifiée (Norman, 1976).

Ainsi, l’attractivité physique de la source ne serait pas suffisante pour assurer un bon niveau

de crédibilité. Les modèles très attractifs sont davantage crédibles dans le cadre de la

promotion de produits embellisseurs, leurs caractéristiques physiques indiquant que le produit

a été efficace, ce qui sous-entend une certaine expertise basée sur l’expérience (Bloch et

Richins, 1992). En revanche, leur connaissance et leur expérience des produits censés

résoudre un problème esthétique sont a priori plus faibles – leur vie étant perçue comme

davantage exempte de problèmes (Dion, Berscheid et Walster 1972). Un modèle normalement

attractif devrait, dans ce cas, être perçu comme davantage expert. Cette hypothèse, testée par

Bower et Landreth (2001) n’a pourtant pas été validée. Cependant, on observe que les visuels

utilisés au cours de leur étude n’incluaient que le visage du modèle, ne faisaient varier que le

niveau d’attractivité physique (et non toutes les dimensions de l’idéalisme) et portaient sur des

catégories de produit distinctes (soins du visage, maquillage et bijoux). D’où les hypothèses

suivantes :

H3 – Dans le cas d’un produit correcteur, un modèle présentant les critères physiques de la

beauté idéale est perçu comme moins expert qu’un modèle à la beauté non idéale.

2 La fiabilité repose sur l’honnêteté et l’intégrité perçues de l’endosseur et fait référence à la confiance globale éprouvée à

l’égard de la source quant à la manière objective et honnête avec laquelle il délivre l’information. 3 C’est l’effet de halo ou la tendance à attribuer des qualités, parfois non fondées, aux personnes physiquement attractives

(Dion, Berscheid et Walster 1972 ; Caballero, Lumpkin, Madden, 1989).

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H4 – Dans le cas d’un produit embellisseur, un modèle présentant les critères physiques de la

beauté idéale est perçu comme plus expert qu’un modèle à la beauté non idéale.

Si les personnes physiquement attractives sont généralement associées à des stéréotypes

positifs, elles peuvent également générer des jugements négatifs. Ainsi, Dermer et Thiel

(1975) ont démontré que les femmes au physique peu attractif jugeaient les femmes

attractives de manière moins positive que les autres (e.g. vanité, égoïsme). La concurrence

intra-sexuelle – c’est à dire des individus du même sexe qui rivalisent pour obtenir l’attention

d’un partenaire de l’autre sexe – peut expliquer ces résultats (Luxen et Van De Vijver, 2006).

L’attitude et la pose adoptées par les modèles à la beauté idéalisée peuvent également

renforcer cette perception de concurrence intra-sexuelle. De plus, lorsque les images des

modèles idéalisés sont retouchées numériquement, la confiance accordée à la source pourrait

s’éroder, une annonce faite par une source perçue comme biaisée n’étant pas prise en

considération.4 Nous pouvons donc supposer qu’un modèle à la beauté idéalisée sera perçu

comme moins honnête et moins fiable qu’un modèle à la beauté non idéalisée.

H5– Un modèle présentant les critères physiques de la beauté idéale est perçu comme moins

fiable qu’un modèle à la beauté non idéale.

1.4. Crédibilité de la source et efficacité publicitaire

Une source perçue comme crédible est généralement plus efficace, plus persuasive qu’une

source jugée moins crédible (Erdogan, 1999 ; Kelman, 1961 ; Ohanian, 1991), tout en

améliorant l’attitude à l’égard de l’annonce (Kamins 1990 ; Lafferty et Goldsmith 1999 ;

Lafferty, Goldsmith et Newell 2000). D’où l’hypothèse :

4 Bower et Landreth (2001) ont testé le lien entre le niveau d’idéalisme de la source (idéal vs normal) et le niveau d’honnêteté

perçue. L’hypothèse n’a pas été confirmée. A nouveau il est important de préciser que les visuels ne prenaient pas en compte

toutes les dimensions de l’idéalisme de la beauté, ne mettaient en scène que les visages et portaient sur différentes catégories

de produit.

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H6– Plus le niveau de crédibilité perçu de la source est élevé, plus l’attitude envers l’annonce

est favorable (et inversement).

Enfin, suite aux hypothèses H3 et H5 relatives aux meilleurs niveaux de fiabilité et

d’expertises perçues d’un modèle non idéalisé dans le cadre de la promotion d’un produit

correcteur, une publicité pour un produit censé résoudre un problème esthétique sera plus

efficace si elle met en scène un modèle non idéalisé. En effet, les dimensions de la crédibilité

(expertise et fiabilité) ont un effet direct et positif sur l’attitude. Dès lors :

H7 – Pour un produit correcteur, l’attitude à l’égard des publicités avec un modèle à la

beauté non idéalisée est plus favorable que l’attitude à l’égard des publicités avec un modèle

à la beauté idéalisée ou n’utilisant aucun modèle (contrôle).

Pour un produit embellisseur, les hypothèses H4 et H5 posent qu’un modèle idéalisé sera

perçu comme plus expert, mais également moins fiable. Cette perception mitigée de la

crédibilité d’un personnage à la beauté idéale, associée à un produit embellisseur, devrait

contrecarrer l’impact positif de la crédibilité de la source sur l’attitude à l’égard de l’annonce.

Nous posons ainsi que les niveaux d’attitudes à l’égard des annonces avec un modèle idéal et

un modèle non idéal devraient être équivalents. En effet, des recherches montrent que les

modèles attractifs peuvent produire des attitudes plus favorables, mais uniquement auprès des

individus du sexe opposé (Baker et Churchill, 1977). Cependant, compte tenu du caractère

persuasif de la présence d’un personnage dans une annonce (Gavard-Perret, 1993), les scores

d’Aad des deux annonces contenant des modèles devraient enregistrer des niveaux en

moyenne supérieurs à ceux obtenus par une annonce sans modèle :

H8 - Pour un produit embellisseur, l’attitude à l’égard des publicités avec un modèle à la

beauté idéalisée ou non idéalisée est plus favorable que l’attitude à l’égard des publicités ne

mettant en scène aucun modèle (contrôle).

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2. Méthodologie

2.1. Protocole de recherche

Nous avons choisi un plan expérimental de type « après seulement » avec un groupe de

contrôle, forme recommandée pour les tests d’efficacité publicitaire (Demirdjian, 1983). Deux

variables ont été manipulées : l’idéal de beauté du modèle dans l’annonce publicitaire (modèle

idéal versus modèle non idéal versus absence de modèle) et la catégorie de produit

promotionnée (produit congruent avec la beauté idéale versus produit non congruent). Les

participantes étaient exposées au visuel avant de répondre au questionnaire. Elles étaient

affectées aléatoirement à l’une des six conditions expérimentales suivantes (cf. Tableau 1).

Conditions expérimentales

Beauté idéale

Beauté non

idéale

Contrôle

(Absence)

Catégorie

de

produit

Produit

correcteur Cellule 1

(N=100) Cellule 3

(N=100) Cellule 5

(N=100)

Produit

embellisseur Cellule 2

(N=100) Cellule 4

(N=100) Cellule 6

(N=100)

Tableau 1 - Plan expérimental de la recherche

2.2. Echantillon

600 femmes âgées de 18 à 35 ans ont été interrogées via un questionnaire on line (Mâge =

26,88 ans, Ecart-type =4,8). L’échantillon est représentatif des femmes françaises âgées de 18

à 35 ans 5. Le recours à un échantillon composé d’individus aux profils variés (cf. Annexe 1).

renforce la validité externe de notre recherche et nous permettra, au moment de l’analyse, de

pouvoir généraliser les résultats (Giannelloni et Vernette, 2012).

2.3. Opérationnalisation des paramètres

Choix des modèles

5 Ce choix s’est vu conforté par les résultats confidentiels d’une étude que nous avons pu consulter - réalisée par L’Oréal en

2010, sur les usages et les attitudes des femmes françaises à l’égard des produits cosmétiques. Il s’avère que cette tranche

d’âge est la plus consommatrice de produits cosmétiques, en particulier de crèmes ou huiles hydratantes et de produits

amincissants. Par souci de confidentialité, nous n’avons pas été autorisés à communiquer ces résultats dans ce document.

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Notre étude a privilégié une approche plus globale du caractère idéal de la beauté en incluant

d’autres dimensions que l’attractivité ou la minceur. Ce parti-pris nous permet de coller

davantage à la réalité des stratégies de communication adoptées par les annonceurs (stratégie

aspirationnelle vs. stratégie de proximité) et éviter une manipulation trop grossière des

visuels. Nous avons ainsi sélectionné deux images différentes mettant en scène des femmes

adoptant la même posture et portant le même maillot. Avec l’aide d’infographistes, nous

avons réalisé quelques retouches (couleurs du maillot, recadrage des corps) pour les rendre

similaires. Au final, les modèles sélectionnés pour les deux conditions expérimentales

diffèrent sur trois aspects : 1) le caractère stéréotypé de la beauté (critères physiques que la

collectivité estime être parfaits), 2) le caractère irréel, fictif, imaginaire (retouches de

l’image), 3) le caractère inatteignable renforcé par l’attitude du modèle (artificielle et

séductrice vs. naturelle et amicale).

Choix de la catégorie de produit, de la marque et des slogans

Suite aux résultats d’un pré-test portant sur 25 produits cosmétiques différents - réalisé auprès

de 39 femmes âgés de 25 à 58 ans -, nous avons associé chacun des modèles avec une crème

anti-cellulite (produit correcteur) et une huile de beauté (produit embellisseur). Nous utilisons

une marque fictive afin de limiter l’influence des croyances envers la marque sur les réactions

suscitées par la publicité.6 Un pré-test, réalisé auprès de 41 femmes âgées de 25 ans à 59 ans a

conduit au choix, parmi 12 noms de marques fictifs, de la marque « Ella Skincare » sur la

base de ses taux d’agrément (le plus élevé) et de notoriété assistée (le plus faible). Nous avons

également créé deux slogans, congruents avec la catégorie de produit à laquelle ils se réfèrent.

Opérationnalisation des publicités

Nous avons modifié le fond d’image, retiré les éléments originaux des visuels (produits,

visuels, texte) et les avons remplacés par le logo de la marque fictive (créée par un

6 On notera cependant que des recherches montrent que des attitudes se forment également sur le nom de marque, et ce,

indépendamment de la notoriété de la marque (Zinkhan, Martin, 1987)

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infographiste), les produits anticellulite et huile de beauté ainsi que leur texte respectif. Deux

annonces témoins ont également été créées (cellules de contrôle) : elles présentent

uniquement les produits, sans les personnages, avec le même visuel de fond et le même texte

que les autres annonces. Les visuels créés sont présentés dans l’annexe 2. Un pré-test réalisé

auprès de 168 femmes âgées de 18 à 50 ans a validé la perception des différents traitements

effectués.

2.4. Echelles de mesure

Les échelles ont également été pré-testées sur l’échantillon précédent. Les analyses

confirmatoires montrent une bonne validité et fiabilité des mesures. Afin de s’assurer de la

congruence perçue entre le modèle et la catégorie de produit, nous avons adapté l’échelle

créée par Lombardot (2007) qui évalue le caractère cohérent et pertinent entre deux éléments

(e.g. « le modèle convient bien au produit présenté »). La crédibilité perçue de la source est

mesurée par l’échelle d’Ohanian (1990) qui intègre l’expertise, la fiabilité et l’attractivité de

la source. Cependant, l’attractivité physique du modèle étant dans notre cas une variable

manipulée, seules les dimensions « expertise » et « fiabilité » sont considérées (cf. Annexe 3).

Pour l’attitude à l’égard de la publicité, nous utilisons l’échelle d’Holbrook et Batra (1987),

l’attitude à l’égard de la marque et l’intention d’achat sont mesurées par des échelles adaptées

de Spears et Singh (2004). Le niveau d’idéalisme socioculturel est mesuré par 3 items (e.g.

« ressemble aux mannequins que l’on voit majoritairement dans les magazines »)7. Enfin,

deux variables de contrôle ont été mesurées : l’attitude à l’égard de la publicité en général

(MacKenzie et al., 1986) et l’implication dans la catégorie de produit (Strazzieri, 1994). Les

Rhô de Jöreskog de toutes les échelles mentionnées ci-dessus varient entre 0,923 et 0,961.

7 La problématique centrale de cette recherche repose sur l’étude de l’efficacité publicitaire de visuels mettant en scène des

modèles féminins à la beauté plus ou moins idéale, telle que présentée en majeur ou en mineur dans les médias. Afin de

capturer la globalité de ce concept et éviter toute subjectivité dans la perception de la beauté des modèles, une échelle de

mesure de l’idéalisme socioculturel telle que présenté dans les médias a été créée.

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3. Résultats

Les tests de vérification de la manipulation indiquent que les deux modèles sont bien perçus

de manière significativement différente en termes d’idéalisme (MIdéal =5,9 ; MNonIdéal =3,5 ;

t=13,785, p < 0,001)8. De plus, la crème anti-cellulite est davantage perçue comme un produit

correcteur que comme un produit embellisseur (T_correcteur=76% vs T_embellisseur=24%) et l’huile

de beauté davantage comme un produit embellisseur que correcteur (T_embellisseur 84,5% vs.

T_correcteur =15,5%).

3.1. Congruence produit - modèle

Les résultats montrent que dans le cadre d’un produit correcteur (anti-cellulite), l’association

avec un modèle à la beauté non idéale est perçue comme plus adéquate (M_congruence= 4,62)

que l’association avec un modèle à la beauté idéale (M_congruence= 3,49) (F(198)=17,741 ;

p<0,001). H1 est validée. En revanche, dans le cadre de la promotion d’un produit

embellisseur (huile de beauté), aucune différence significative n’a été relevée en termes de

congruence perçue entre le type de produit et le type de modèle (F(198)=0,199 ; p=0,656).

Ainsi, contrairement à ce que nous avions supposé, un modèle à la beauté idéale n’est pas

perçu comme plus adéquat pour promotionner un produit embellisseur. H2 n’est pas validée.

3.2. Effet de l’exposition à un visuel publicitaire mettant en scène un modèle à la

beauté idéalisée ou non idéalisée sur la crédibilité perçue de la source

Dans le cadre de la promotion d’un produit correcteur (anti-cellulite), le caractère idéal de la

beauté du modèle a un effet significatif sur la crédibilité perçue de la source, que ce soit pour

8 Notons que le modèle « non idéal » est perçu comme un modèle « normal » puisque la moyenne d’idéalisme perçu est de

3,5 sur une échelle en 7 points et que sa corpulence est jugée moyenne (taille 38-40). Son niveau d’attractivité physique est

relativement élevé (4,7/7). Enfin, les participantes se perçoivent comme plus similaires physiquement au modèle non idéalisé

qu’au modèle idéalisé (MNonIdéal = 2,62 ; MIdéal = 2,05, t=-3,720, p<0,001).

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la fiabilité perçue de la source (t =-3,749, p<0,05) ou pour l’expertise perçue de la source (t =-

3,921, p<0,001). Les participantes jugent de manière significativement plus positive la

fiabilité et l’expertise d’un modèle non idéalisé versus un modèle idéalisé, lorsqu’il s’agit de

promouvoir un produit anti-cellulite (Fiabilité : M_NonIdéal = 3,75 ; M_Idéal = 3,27 ; Expertise :

M_NonIdéal = 3,51 ; M_Idéal = 2,56). Les hypothèses H3 et H5 sont donc validées. Pour la

promotion d’un produit embellisseur (huile de beauté), l’effet du caractère idéal de la beauté

du modèle n’est significatif que pour la variable fiabilité (Fiabilité : t = -3,18, p< 0,005), et

non pour la variable expertise (Expertise : t = 0,138, p = 0,890). Ainsi, lorsque la publicité a

pour objet la promotion d’une huile de beauté, le modèle non idéalisé est à nouveau perçu

comme plus fiable que le modèle idéalisé (Fiabilité : M_NonIdéal= 4,38 ; M_Idéal= 3,72).

L’hypothèse H5 est donc à nouveau validée. En revanche, les niveaux d’expertise perçue

des deux modèles sont équivalents (Expertise : M_NonIdéal = 3,69 ; M_Idéal = 3,73).

L’Hypothèse H 4 est rejetée. Le tableau 2 synthétise ces différents résultats.

Anti-cellulite Huile de beauté

Idéal Non Idéal p Idéal Non Idéal p

Fiabilité 3,27 3,75 0,027 3,72 4,38 0,002

Expertise 2,56 3,51 0,000 3,73 3,69 0,890

Tableau 2 - Fiabilité et expertise du modèle selon la catégorie de produit

3.3. Effet de l’exposition à une publicité avec un modèle à la beauté idéalisée vs non

idéalisée sur les variables de persuasion publicitaire (Aad, Ab et Ib)

Nous avons mené une série d’ANCOVA9 sur l’attitude à l’égard de la publicité, l’attitude à

l’égard de la marque et l’intention d’achat afin d’identifier un éventuel effet de l’idéalisme de

la beauté du modèle sur ces variables. Les résultats de l’ANCOVA menée uniquement sur les

individus exposés aux visuels promotionnant un produit anticellulite révèlent un effet direct

9 Comme indiqué précédemment, deux variables verront leur effet statistiquement contrôlé au cours de l’analyse des

résultats : l’attitude à l’égard de la publicité en général et l’implication dans la catégorie de produit.

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de l’idéalisme de la beauté du modèle sur l’attitude à l’égard de la publicité (F(2,291)=7,767,

p<0,001). Comme attendu, les répondantes exposées à une publicité avec un modèle à la

beauté non idéalisée déclarent une attitude à l’égard des images plus positive que celles

exposées à une publicité avec un modèle à la beauté idéalisée (M_NonIdéal = 3,92 versus M_Idéal

= 3,29, p<0,001) ; ou à une publicité sans modèle (M_NonIdéal = 3,92 versus M_Contrôle = 3,20,

p<0,000). L’hypothèse H7 est validée. (cf .Tableau 3). En revanche, pour la publicité

promotionnant une « huile de beauté », le niveau d’idéalisme de la beauté du modèle

n’impacte pas significativement l’attitude à l’égard de la publicité (F(2,291)=1,294, p=0,276).

Les répondantes exposées à un modèle idéalisé montrent un agrément à l’égard de la publicité

équivalent à celui des participantes exposées à un modèle à la beauté non idéalisée (M_Idéal =

3,78 versus M_NonIdéal = 4,07, p=0,127) ou encore à un visuel sans personnage (M_Idéal = 3,78

versus M_Contrôle = 3,47, p=0,107). L’hypothèse H8 est rejetée (cf .Tableau 3).

Nous avons également mené une série d’Ancova sur l’attitude à l’égard de la marque et

l’intention d’achat pour chaque catégorie de produit (anticellulite et huile de beauté). Les

résultats montrent uniquement un effet d’interaction significatif sur l’attitude à l’égard de la

marque (F (2,291) = 5,279, p=0,006). Cependant, aucune différence significative n’a été

relevée entre la cellule « modèle idéal » et la cellule « modèle non idéal ». Il apparaît

simplement que, dans le cadre de la promotion d’un produit embellisseur, la présence d’un

modèle (que sa beauté soit idéale ou pas) engendre une attitude à l’égard de la marque plus

favorable que dans le cadre d’un visuel sans personnage (cf .Tableau 3). En termes d’intention

d’achat, aucune différence significative n’a été relevée – l’efficacité des trois visuels n’est pas

significativement différente, quel que soit le degré de beauté du modèle.

Anti-cellulite Huile de beauté

Idéal Non Idéal Contrôle p Idéal Non Idéal Contrôle p

Aad 3,29 3,92 3,20 0,000 3,78 4,07 3,47 0,107

Ab 3,45 3,69 3,46 0,234 3,87 3,96 3,44 0,006

Ib 2,69 2,88 2,68 0,456 2,95 3,06 2,70 0,124

Tableau 3- Aad, Ab et Ib selon la catégorie de produit

Page 15: Crédibilité et efficacité des modèles selon leur degré de ... · Une source perçue comme crédible est généralement plus efficace, plus persuasive qu’une source jugée moins

13

3.4. Rôle de la crédibilité de la source dans le processus de persuasion publicitaire

En ligne avec les hypothèses formulées, les rôles de l’expertise et de la fiabilité dans le

processus de persuasion publicitaire ont été examinés à l’aide des équations structurelles (cf.

Figure 1). La qualité d’ajustement du modèle est satisfaisante (cf. Tableau 4) avec des

indicateurs qui se situent dans les fourchettes de seuils recommandées (Roussel et al., 2002).

Khi-2/ddl RMSEA SRMR GFI AGFI NFI CFI AIC

M0 63,047 10818

M1 2,167 0,054 0,051 0,921 0,898 0,970 0,984 404

Tableau 4 - Les indicateurs de la qualité d’ajustement du modèle

Les résultats (cf. Tableau 5) montrent que le niveau de crédibilité perçue de la source

influence bien de manière significative l’attitude à l’égard de l’annonce. L’expertise perçue de

la source (t=5,165, p<0,001) et la fiabilité perçue de la source (t=8,847, p<0,001) influencent

de manière significative et positive l’attitude à l’égard de la publicité. H6 est validée. Notons

le poids plus prépondérant de la fiabilité (B=0,471) par rapport à l’expertise (B=0,270). Enfin,

les influences positives de l’attitude à l’égard de la publicité sur l’attitude sur l’égard de la

marque (t=20,003, p<0,001), et de l’attitude à l’égard de la marque sur l’intention d’achat

(t=14,837, p<0,001) sont également vérifiées.

Figure 1 – Modèle de l’influence la crédibilité de la source

Expertise

Fiabilité

Aad Ab Ib

0,270***

0,471***

0,809*** 0,689***

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Coef rég. non

stand.

Coef. Rég.

stand.

t de

Student

Sign.

Echantillon

global

(n=400)

Aad <--- Expert ,259 ,270 5,165 ,000

Aad <--- Fiabilité ,504 ,471 8,847 ,000

Ab <--- Aad ,681 ,809 20,003 ,000

Ib <--- Ab ,790 ,689 14,837 ,000

R² Aad = 0,46; R² Ab=0,65; R² Ib=0,48

Tableau 5 - Tests de l’influence de la crédibilité de la source sur les variables de

persuasion publicitaire

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Les résultats de cette expérimentation réalisée auprès de femmes âgées de 18 à 35 ans

apportent plusieurs contributions fortes :

1) Nous montrons tout d’abord l’impact négatif du caractère idéal de la beauté sur la

crédibilité perçue de la source et l’attitude à l’égard d’une annonce publicitaire, lorsque

l’objet de la publicité porte sur la promotion d’un soin cosmétique destiné à résoudre un

problème esthétique (ici, une crème anti-cellulite). Pourquoi un tel effet ? Il est vraisemblable

que les personnes très attractives sont perçues comme exemptes des problèmes rencontrés par

les gens « normaux » (Dion et al., 1972). Dès lors, l’association d’un produit cosmétique

correcteur avec un modèle à la beauté non idéale est perçue comme plus cohérente que si la

publicité s’appuie sur un modèle à la beauté idéale. Ce dernier n’a visiblement pas besoin

d’utiliser un tel produit !10

Effectivement, les scores d’expertise et de fiabilité perçues de la

source avec un physique non idéal sont plus élevés, et l’attitude à l’égard de l’annonce est

plus favorable. Ces résultats, déjà postulés dans la littérature, n’avaient, à notre connaissance,

jamais été démontrés.

2) En revanche, cet effet d’interaction disparaît partiellement d’une publicité pour un

produit cosmétique mettant en valeur la beauté (huile de beauté) : les deux modèles sont

perçus comme aussi congruents, experts et efficaces en terme de persuasion publicitaire.

10 Notons qu’il était possible à l’œil nu d’observer la présence de cellulite sur le corps du modèle à la beauté non idéale.

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3) On observe néanmoins que le niveau de fiabilité perçue de la source idéale reste, que

ce soit pour la promotion d’un produit correcteur ou embellisseur, inférieur à celui obtenu par

le modèle non idéal. La proximité perçue du modèle non idéalisé (jugé davantage semblable

au physique de la majorité des répondantes), l’absence de jeu de séduction et le réalisme de

l’image expliquent probablement ce résultat.

4) Ainsi, comme l’avaient souligné Bloch et Richins (1992), ces résultats montrent

l’importance, lors de l’exécution d’une campagne publicitaire, de la prise en considération de

la catégorie de produit et de sa fonction - solution d’un problème esthétique ou

embellissement corporel – et de la crédibilité perçue de la source.

5) Cette étude montre également le poids prépondérant de la fiabilité par rapport à

l’expertise dans le processus de persuasion. Friedman et Friedman (1979) avaient déjà

souligné que la fiabilité était certainement la principale dimension de la crédibilité. Les

recherches sur la crédibilité des célébrités évoquent quant à elles le biais de témoignage qui

fait référence au manque de sincérité perçu de la source et qui peut grever la crédibilité perçue

du porte-parole (Friedman et Friedman, 1979).

Aux niveaux conceptuel et méthodologique, notre étude se différencie des précédentes

recherches dans l’appréhension plus globale de l’idéalisme de la beauté. Au-delà de la simple

variation du niveau d’attractivité physique, il nous semble primordial, dans la manipulation

des visuels, de coller au plus près des stratégies de communication des annonceurs en incluant

le caractère retouché de l’image et l’attitude du modèle.

D’un point de vue éthique, il est également intéressant d’observer qu’un modèle à la beauté

plus commune, réaliste et accessible est autant voire plus persuasif qu’un modèle à la beauté

idéalisée. Etant donné l’impact potentiellement négatif de l’exposition à des modèles idéalisés

sur l’estime de soi et la satisfaction corporelle des femmes (Grabe, Ward et Hyde, 2008 ;

Groesz, Levine et Murnen, 2002), les responsables marketing devraient envisager l’inclusion

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de modèles à la beauté plus proche des femmes de tous les jours dans les annonces de produits

destinés à résoudre un problème esthétique. Sur la base de l’ensemble de nos résultats, les

annonceurs de marques de cosmétiques devraient ainsi impérativement considérer l’objectif

final du produit cosmétique (correcteur ou embellisseur) afin d’optimiser l’adéquation du

modèle avec le produit. En outre, compte tenu du rôle prépondérant joué par la fiabilité de la

source dans le processus de persuasion publicitaire, les annonceurs devraient porter une

attention plus grande sur l’honnêteté et la sincérité du modèle mis en scène. Le caractère

stéréotypé de la beauté, les retouches des images ainsi que la posture de concurrente adoptée

par les mannequins peuvent éroder la confiance portée au porte-parole.

Cette recherche n’apporte cependant pas de réponses à toutes les questions que nous nous

posions au départ : celles-ci représentent autant de pistes de recherche. En effet, nous n’avons

montré l’effet positif d’un modèle idéalisé que pour un seul type de produit. Il serait

intéressant de réitérer cette expérimentation en incluant d’autres produits correcteurs (eg.

shampooing anti-pelliculaire, crème contre l’acnée). Enfin, au cours de cette étude, nous

avons exclusivement étudié la route cognitive de l’influence de la source en persuasion

publicitaire. La prise en compte du processus de comparaison sociale et du rôle des émotions

positives et négatives suscitées par l’exposition à un modèle plus ou moins idéalisé semble

crucial afin d’appréhender le rôle de la source de manière plus holistique.

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ANNEXES

Annexe 1 – Structure de l’échantillon (n=600)

C1 C2 C3 C4 C5 C6

N=100 N=100 N=100 N=100 N=100 N=100 Tests Anova /

Khi deux

Age 27,14

(ET=4,9)

26,76

(ET=4,8)

26,53

(ET=4,7)

26,99

(ET=4,8)

26,74

(ET=4,6)

27,10

(ET=5,0)

(F=0 ,226 ;

p=0,979)

IMC 24,43

(ET=5,3)

24,03

(ET=5,3)

23,05

(ET=4,4)

23,87

(ET=5,5)

24,16

(ET=5,6)

23,59

(ET=5,0)

(F=0,778 ;

p=0,606)

CSP

CSP-

CSP+

Inactives

41 %

17%

42%

38%

16%

46%

39%

14%

47%

40%

17%

43%

34%

23%

43%

37%

15%

48%

(p=0,840)

Education

<Bac

Bac

Bac+2

>Bac +2

11%

24%

28%

37%

12%

24%

29%

35%

12%

30%

32%

26%

12%

33%

25%

30%

7%

36%

22%

35%

18%

27%

23%

32%

(p=0,707)

Statut

Célib

Couple

28%

72%

22%

78%

34%

66%

27%

73%

26%

74%

32%

68%

(p=0 ,601)

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Annexe 2 – Visuels utilisés au cours de l’expérimentation

C1 – Non Idéal C3 - Idéal C5 – Contrôle

C2 – Non Idéal C4 - Idéal C6 – Contrôle

Annexe 3 – Echelle de la crédibilité de la source (adaptation de l’échelle d’Ohanian, 1990)

(N=400) (N=400)

Construit Items Lambas

standardisés Construit Items

Lambas

standardisés

Fiabilité

Fiable 0,941

Expertise

Experte 0,960

Honnête 0,936 Expérimentée 0,955

Sincère 0,923 Qualifiée 0,940

Digne de confiance 0,961 Compétente 0,933

Loyale 0,921

Rhô de Jöreskog 0,973 0,972