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Mensuel de la Confédération paysanne Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 373 juin 2021 – 6 – ISSN 09834-9181 Dossier Lutter contre Amazon et son monde Pac Un ministre en plein renoncement

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Mensuel de la Confédération paysanneMensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 373 juin 2021 – 6€ – ISSN 09834-9181

Dossier

Lutter contre Amazon et son monde

Pac Un ministre en plein renoncement

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2 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de larubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.

Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

Sommaire

Dossier Lutter contre Amazon et son mondeVie syndicale

4 La conf’ en réseau 5 Mixel Berhocoirigoin nous a quittés – Un pilier du combat pour l’agriculture paysanne6 Sur le terrain

Actualité7 Gel : et après ?8 Pac Un ministre en plein renoncement9 Nous voulons une Pac pour des territoires vivants !

10 Viticulture Fusions sans fin dans le vin11 Vers la fin de la réglementation des OGM ?

Ami·e·s de la Conf ’ 12 Les régionales et l’enracinement de la démocratie alimentaire

Biodiversité14 Les informations séquentielles numériques pour breveter la nature

Agriculture paysanne16 Céline, paysanne-sorbetière17 De l’environnement du point de vue de l’agriculture paysanne

Culture18 Lily Zalzett et Stella Fihn Te plains pas,

c’est pas l’usine – l’exploitation en milieu associatif19 Compagnie Cipango Petit paysan tué – Une tragédie

de notre temps et de nos campagnes22 Abonnement22 Annonces24 Action

Le Samson du mois

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On l’ouvre

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 3

Dans moins d’un mois, les 7 et 8 juillet, nous nous retrouverons en Isère,

sur la ferme de Marie-Pierre Répécaud et Pierre Berthet, pour notre congrès.

Après bien des péripéties, des décalages et des changements de lieux,

nous pourrons enfin tirer le bilan de deux années atypiques et surtout nous

servir de ses enseignements et des combats que nous avons menés pour tracer

la suite du chemin de la Confédération paysanne.

Pour tracer cette suite de notre histoire et de nos luttes, nous pourrons

également nous inspirer de ce que nous lègue Mixel Berhocoirigoin

qui nous a quittés début mai (cf. p. 5) : une détermination de tous les instants,

un sens politique aiguisé, des valeurs de respect, d’écoute, de travail et une foi

dans le collectif absolument déterminante.

La base est là, les valeurs et les convictions partagées, la volonté et l’abnégation

de lutter pour l’élargissement de l’agriculture paysanne et la défense

de ses travailleuses et travailleurs aussi : alors n’hésitez pas à venir débattre

des orientations et des propositions à pousser lors de ces deux jours !

Nous voulons des paysannes et des paysans nombreux, mieux rémunérés, plus heureux et pratiquant

une agriculture porteuse de sens pour toutes et tous : sur ça, nous sommes d’accord !

Mais comment ? En activant quels leviers ? Avec quelles politiques publiques ? Avec quelles convergences

et soutiens ?

Autant de questions que nous souhaitons nous poser, collectivement, sans peur du débat, en respectant

la diversité des points de vue et en nous appuyant les uns sur les autres.

Nos combats de demain rejoignent ceux d’hier mais nous devrons peut-être les aborder différemment,

les affronter autrement pour faire tomber ce mur vers lequel nous poussent les décisions politiques actuelles.

Partir de la demande alimentaire pour réellement faire démocratie et établir collectivement la direction

à prendre afin de répondre à cette demande, sans jamais lâcher de vue le comment produire, avec combien

de paysannes et paysans, et rémunérés de quelle manière ?

Voilà – pourquoi pas ? – un moyen de contourner la forteresse et de l’attaquer par un angle différent afin

de continuer à l’affaiblir et la fissurer pour la faire tomber, puis reconstruire un modèle paysan sur d’autres

bases et d’autres valeurs.

Changer le modèle n’est pas chose simple et nécessite toujours d’établir une stratégie complète d’attaque,

de proposition et de reconstruction : c’est ce que nous devons continuer à établir ensemble, en regardant

et apprenant de nos aîné·es, mais également en inventant et en imaginant toujours pour garder

des propositions innovantes, en capacité de répondre aux problématiques de l’ensemble du monde agricole.

La Conf’ est toujours en ébullition, pleine d’idées, toujours combattante, impulsive parfois, mais toujours

forte d’une diversité qui reste une richesse et un atout majeur !

Rendez-vous donc début juillet, nombreuses et nombreux, pour débattre, élaborer, bouillonner et établir

nos plans. Et aussi, bien sûr, pour nous retrouver, partager quelques bières, re-refaire le monde et prendre

du bon temps ensemble ! C’est ça aussi, la Conf’ !

Mensuel édité par :l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frconfederationpaysanne.frfacebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanne

Abonnements : [email protected] de la publication :Nicolas GirodRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction :Benoît Ducasse

Comité de publication :Andréa Blanchin, Céline Berthier,Christian Boisgontier, Michel Curade,Marc Dhenin, Florine Hamelin,Véronique Léon, Jean-Claude Moreau,Michèle Roux, Geneviève SavignyDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinDessins : Samson et Denys Moreau

Maquette : Pierre RauzyImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1121 G 88580N° 373 juin 2021Dépôt légal : à parutionBouclage : 26 mai 2021

Nicolas Girod,paysan dans le Jura, porte-parole national

Mettre toutes nos énergiespour changer le modèle

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La Confédération paysanne s’est mobilisée un peu partout enFrance, le 9 mai, aux côtés du collectif Plus Jamais ça (1), dans les« marches climat » pour protester contre l’adoption, le 4 mai àl’Assemblée nationale, d’une loi méprisant le travail et les propo-sitions que la Convention citoyenne pour le climat avait présen-tées l’an dernier (ici, photo dans la manif à Paris).

« Lutter contre le dérèglement du climat, les paysan·nes en connais-sent la nécessité et l’urgence. C’est pourquoi, après l’épisode cli-matique dramatique de gel consécutif à une période (trop) chaudeet avant une nouvelle sécheresse qui pointe déjà dans de nombreusesrégions, après le vote des député·es et à l’aube des discussions au

Sénat d’un projet de loi « climat » insuffisant pour répondre à l’ur-gence climatique et sociale, au cœur des négociations de la futurePac, nous, paysan·nes étions à nouveau dans la rue ce dimanche9 mai. »

Trois jours avant la journée de manifestations, le collectif Plus Jamaisça avait rendu public un rapport « Pas d’emploi sur une planètemorte », à lire et télécharger sur :

plus-jamais.org/2021/05/06/pas-d-emploi-sur-une-planete-morte

(1) Collectif fondé en France au printemps 2020 par la Confédération paysanne, la CGT, laFSU, Solidaires, Oxfam, Greenpeace, les Amis de la Terre et Attac, rejoints ensuite par 25autres organisations – plus-jamais.org

Le plus grand procès de l’histoire dutravail détaché en agriculture s’est tenudu 17 au 21 mai, devant le tribunal cor-rectionnel de Marseille. La Confédéra-tion paysanne s’était constituée partiecivile dans ce procès contre l’entreprisede travail temporaire espagnole TerraFecundis qui amène chaque année enFrance des milliers de travailleurs et tra-vailleuses agricoles intérimaires. Danscette affaire qui porte sur la période2013-2016, à la suite d’une enquêtemenée par l’Office central de lutte contrele travail illégal (OCLTI), Terra Fecundisest poursuivie pour « travail dissimulé »et « marchandage » en « bande organi-sée ». L’entreprise est soupçonnée d’avoirdétourné le cadre européen du travaildétaché pour opérer en France, alorsqu’elle exerce une activité « habituelle,stable et continue » sur le territoire natio-nal. En résumé, un système d’exploita-tion humaine (sept euros de l’heure, pasde paiements des heures supplémen-taires ni de congés payés, pas de cou-

verture sociale) et 112 millions d’eurosde cotisations qui auraient échappé à laSécurité sociale. Pour la Confédérationpaysanne, « ce système montre jusqu’oùcertains sont prêts à aller, au prétexted’un modèle économique qui s’imposeraità eux. Un modèle synonyme de concur-rence déloyale et de dumping social inac-ceptables. » Pour le syndicat : « Défendreles droits des travailleurs et travailleusesdu monde agricole n’est pas de “l’agri-bashing”, mais une lutte essentielle pourl’égalité de droits et contre les discrimi-nations et l’exploitation de la main-d’œuvre étrangère dans l’agriculture. C’estpourquoi nous faisons le choix de dénon-cer ces pratiques et d’être partie prenantedans les procédures judiciaires. »

Le parquet a requis cinq ans de prison,dont quatre avec sursis, contre trois diri-geants de l’entreprise de travail tempo-raire espagnole, poursuivis pour avoirdévoyé les règles sur le détachement dessalariés. Le jugement sera rendu le8 juillet.

Une lutte essentielle Nouveau groupepour nouvelle mandatureau Cese

La Confédération paysanne, la FSU et l’Unionsyndicale Solidaires formeront un groupenommé « Alternatives sociales et écolo-giques » au Conseil économique, social etenvironnemental (Cese).

Ce groupe, tout en préservant l’autonomiede chacune de ses organisations, entend s’in-vestir pour faire du Cese un espace où des alter-natives puissent être prises en compte. Ses troisorganisations ont souvent fait cause com-mune en participant conjointement aux luttesrelatives aux questions sociales et écolo-giques. Elles sont ainsi, toutes les trois,membres du collectif Plus Jamais ça !

La nouvelle mandature du Cese a débuté le18 mai. La Confédération paysanne y estreprésentée par Marie-Noëlle Orain, anciennesecrétaire générale du syndicat. Le nouveaugroupe déplore d’ailleurs que la Confédéra-tion paysanne « ne soit représentée que parune seule personne ». Cela fait l’objet d’unrecours.

La Conf’ en réseauFace à l’urgence climatique et pour l’emploi paysan

Vie syndicale

4 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

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Mixel Berhocoirigoin nous a quittésdans la nuit du 7 au 8 mai. Hommede tant de combats, il fut entreautres le premier secrétaire généralde la Confédération paysanne.Tout comme lui venant du Paysbasque et ancien secrétaire généraldu syndicat, Mikel Hiribarren lui rendici hommage (voir aussi p. 17).

Il en avait encore des choses à faire, notreMixel Berhocoirigoin. Et nous avionscontribué à le dissuader de le voir par-

tir pour les élections régionales decette grande Nouvelle-Aquitaine.Nous pensions que le Pays basque,toujours en reconstruction, auraitbesoin de ce grand bonhomme. Hélas,la maladie qu’on lui a découverte enfévrier, ne lui a laissé aucune issue, etnous l’avons remis le 13 mai à la terrequ’il avait su préserver, et qui veillerasur lui : « Zuk lurra zaindu baituzu, lur-rak zainduko zaitu zu. » (1)

Le dernier hommage d’un peuple aeu lieu sur sa terre de Gamarthe, sonvillage de toujours à tout jamais, sonpoint d’ancrage permanent. C’est làque nous étions pour chanter au fondde nos cœurs agur jauna, des cen-taines de Basques d’abord, mais aussides syndicalistes paysans de l’Hexa-gone comme de toutes les provincesdu Pays basque. À la sortie de la célé-bration religieuse, du balcon de lamairie, encore nichée sur le clocherde l’église de Gamarthe, Maïte Aris-tegi et Txiplas Arriaga, ses amis syn-dicalistes paysans des provinces deSaint-Sébastien et Bilbao, lui ontchanté toute la reconnaissance dupeuple basque et du peuple des pay-sans du monde.

Il faut reconnaître que beaucoup de confé-dérés auront souvent écorché le nom defamille de Michel. Les gendarmes qui l’in-terrogèrent fin 2016 suite à une action dedésarmement (2), ne parvenaient jamais à leprononcer ce « Berhocoirigoin ». Michel,qui vécu là des jours d’une grande violence,s’amusait ensuite à en rapporter la scène,lui qui aimait tant plaisanter et savait ani-mer les moments de convivialité. Nous l’ap-pelions tous Berhoco, et il en convenait. Ceserait quelque chose comme « De la haie »,forcément haie vivace. Ce qui résonne enbasque comme borroka, la lutte. Nous le

rebaptiserions bien sous l’appellation Bor-rokairigoin, et l’essentiel du parcours denotre homme serait condensé là, tout à sonhonneur.

Il a eu le parcours des jeunes de son époque,20 ans en 1972, avec une très forte enviede comprendre et d’agir sur son monde, etsur le monde. Peio Iralour, son frère d’armesdu canton de Saint-Jean-Pied-de-Portatteste de sa solide formation dans les mou-vements d’action catholique : « Tu aimais direque le MRJC avait été pour toi une universitédans les années 1965-1975. »

À partir de là, il en aura mené des com-bats. Jamais seul. Toujours avec les autres,avec le collectif. À écouter, échanger, réflé-chir, formuler, convaincre, agir. À travaillerle fond des dossiers, à rédiger des notesprécises et argumentées. Il nous a toujoursrecommandé de préparer les interventions,même sur les sujets que nous maîtriserionsparfaitement, il insistait à dire qu’il fallaitintervenir dans toutes les réunions pourporter la parole de notre collectif, syndicalou plus politique.

Pour évoquer le parcours de vie, revenonsaux paroles prononcées par Peio Iralour lorsde la cérémonie d’adieu : « Tu en as ouvert

des chantiers ! Tout jeune, tu as fait du théâtre,en contribuant aussi à l’écriture collectivedes textes… Puis tu as participé au syndicatCDJA/FDSEA. En désaccord avec ses orien-tations, tu as été de ceux qu’on appelait àl’époque le groupe des 40 : continuer à laFDSEA ou construire un syndicat qui prôneune autre politique agricole, qui défend vrai-ment les petits paysans ? La décision fut dif-ficile à prendre et la détermination des agri-cultrices fut décisive pour créer en 1982 lanouvelle structure syndicale ELB (3). Puis, auniveau national, tu participas à la création de

la Fadear d’abord, et de la Confédéra-tion paysanne en 1987. Tu as été un desacteurs déterminant de chacune deces structures. De 1989 à 1993, tuassurais les fonctions de secrétairegénéral de la Conf ’. Ensuite, ce futBatera, combat pour revendiquer enPays basque de France un départe-ment, une chambre d’agriculture, l’of-ficialisation de la langue basque et unpôle universitaire. En 2005, ce fut lacréation d’EHLG, la chambre alterna-tive du Pays basque (4), avec les procèsintentés par l’État qui furent emportéspar EHLG que tu présidais. Et cette der-nière décennie, tu t’es très fortementimpliqué dans le processus de paix duPays basque, la reconnaissance desvictimes et surtout la libération desprisonniers basques des geôles fran-çaises et espagnoles.» Tout ça. Et sansdoute davantage !

Il faudrait des pages pour contertous les combats que Michel a ani-més et accompagnés, avec les cama-rades du Pays, et avec tous les mili-tants et militantes de France et deNavarre, inlassable artisan de justice.

Militant paysan infatigable, soutenupar l’amour indéfectible de sa famille, pro-fondément ancré dans l’histoire de sonpeuple, doté d’un savoir-être et d’un savoir-faire magnifiques. Nous lui disons « Bravoet Chapeau ». Et lui de nous renvoyer :« Atxik, atxik : ne lâchez rien ! » n

(1) « Parce que vous avez pris soin de la terre, la terreprendra soin de vous. »(2) Le 16 décembre 2016, Mixel Berhocoirigoin avait étéinterpellé à Louhossoa, avec quatre autres militants dela paix au Pays basque, lors d’une opération de police pourempêcher la société civile de procéder à une destructiond’armes de l’ETA, puis gardé à vue durant quatre jours.(3) Euskal herriko Laborarien Batasuna : facebook.com/ehlaborarienbatasuna(4) Euskal Herriko Laborantza Ganbara : ehlgbai.org

Un pilier du combat pour l’agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 5

Vie syndicale

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Sur le terrain

Le ruraleurAvant l’oubliIl en est des rapports deman-dés par l’État, qui à un député,qui à un groupe de parlemen-taires, qui à un groupe mixtede politiques et d’experts, derester parfois dans l’histoirepolitique. C’est l’exception car,la plupart du temps, le mieuxpour le rapport est de plongerrapidement dans les oubliettesdu temps. Le rapport sur « lagestion des risques en agricul-ture », présenté par le députéFrédéric Descrozailles, sembleêtre de cette catégorie.

Sur le fond, rien de nouveau :il faudrait décharger l’État dusystème des « calamités agri-coles », inventer des phasesde transition dites de « soli-darité », et générer une « accul-turation des risques », ce quiveut dire qu’il y a des assu-rances pour cela.

Sur la méthode, le lecteur serasurpris que le rapport fasseentrer le « dérèglement cli-matique » comme un élémentnouveau permettant la logique« d’acculturation au risque »,comme si une main invisible(Dieu ? Le Marché ?) venaitdonner du sens moral à l’ex-position aux risques. Le rap-port décrit « l’augmentationdes rendements » comme uneloi intangible ce qui, à l’échellefrançaise, est démenti. Les ren-dements sont hétérogènes et,au mieux, dans certainesrégions stagnent. Cela fait par-tie du diagnostic de définitiondes zones intermédiaires etc’est même un curseur de leurcrise (1).

Enfin, comme toujours, il fautse soucier de l’eau. Le rapportsalue l’approche interministé-rielle de la question, «de natureà sécuriser les projets et à apai-ser les tensions par une défini-tion des principes de gouver-nance territoriale ». Enveloppezet pesez, il n’y a plus rien àvoir : l’approche interministé-rielle a déjà résolu la questionet personne ne s’en était renducompte. Sauf M. Descrozailles,bien entendu.

(1) Rapport CGAER :agriculture.gouv.fr/etude-lagriculture-dans-les-zones-intermediaires-et-faible-potentiel-difficultes-ressources-et-dynamiques-à-l’horizon-2030

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6 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Vie syndicale

• Aveyron – Liberté de manifester – Le 12 mai,150 personnes se sont rassemblées à Millaupour dénoncer une logique du profit à tout prix,destructrice de notre société, exiger des moyenspour nos hôpitaux publics et le personnel soignant,revendiquer un monde d’après plus équitable,plus social et plus écologique. Une cinquantainede manifestant·es, dont des militant·esde la Confédération paysanne de l’Aveyron, ont étéverbalisé·es suite à cette manifestation, sur la basede vidéosurveillance. La Confédération paysannealerte sur les dérives sécuritaires en courset affirme son soutien aux « amendé·esde Millau ».

• Aveyron – Contrefaçon – Début mai,les Confédérations paysannes de l’Aveyronet nationale ont saisi l’Institut nationaldes appellations d’origine (Inao). Celle-cia demandé à l’entreprise Société de réviserla présentation de son nouveau « produit », appelé« bleu de brebis », afin d’éviter la confusion avecle Roquefort Société en présentant un emballagesimilaire et trompeur. En décembre, la Courde justice de l’Union européenne avait renduun arrêt sur une autre Appellation d’origineprotégée (AOP), le Morbier, victime elle aussid’une copie inadmissible. Dans cette nouvellejurisprudence, l’Europe a renforcé la protectiondes AOP, notamment contre la tromperiedes consommateurs et consommatrices.

• Pyrénées-Orientales – Projets d’un autretemps – La Confédération paysanne des P.O.a choisi la fête de la cerise de Céret,les 15 et 16 mai, pour lancer une campagned’information et d’opposition à un projet localde pont et d’aménagements routiers. La réalisationdu projet artificialiserait directementet indirectement des hectares de terres agricoles,ouvrant l’accès à de nouvelles zones d’urbanisation.Il accélérerait aussi la réalisation d’un golf quis’avérera, lui, en prime, très gourmand en eau dansune région où la ressource n’est guère abondante.

• Occitanie – Méga-port – Le 25 mai, les Amis de laTerre France et la Confédération paysanned’Occitanie ont déposé un recours contrele méga-projet de Port-la-Nouvelle (Aude)et sa privatisation : « Celle-ci prévoitun développement massif du trafic d’engrais azotésde synthèse (de 10 000 tonnes par anà 700 000 tonnes par an en 2035) et de céréales,en dépit des engagements pour le climat etla souveraineté alimentaire du gouvernement et de larégion. Les seuls bénéficiaires de ce projet d’un autretemps seront le consortium privé Semop Nou Vela

et les multinationales de l’agro-industrie (Yara,Cargill, Cofco), au détriment de l’intérêt général. »

• Ile-de-France – Terres poubelles – Le 2 mai,la Confédération paysanne d’Ile-de-Franceparticipait à une manifestation contre le projetde « remodelage » d’une parcelle agricolede 34 hectares à Saint-Hilaire (Essonne) par apportde déblais issus des chantiers du Grand Paris.Les paysan·nes ont rappelé que « les terres sontle fruit d’évolutions pédologiques, biologiqueset géologiques pluri-millénaires » et que« les détruire relève du crime d’écocide ». Le casde Saint-Hilaire n’est pas isolé : dans le cadredes travaux du Grand Paris, une cinquantainede sites d’enfouissement où les règles etles modalités de dépôt ne sont pas respectées ontété identifiés en Ile-de-France.

• Maine-et-Loire – Friche agro-industrielle –Depuis 2011, 5 hectares de serres sont couvertspar 12 000 panneaux photovoltaïquesà Bourgneuf-en-Mauges. Portée par la sociétéGlobal EcoPower et financée par un fondsd’investissement allemand, l’installation devaitd’abord être couplée à la production de 200tonnes de fraise par an. Plus récemment, il étaitquestion d’y produire de la spiruline.La Confédération paysanne du Maine-et-Loirea toujours contesté ce projet. Le 6 mai, parun communiqué, elle a tenu à souligner la miseen liquidation judiciaire en début d’annéede Global EcoPower : « Depuis le départ,cette situation souligne les dérives d’un modèledestructeur créant des friches industrielles en lieuet place de terres agricoles : la liquidation de GlobalEcoPower est encore une preuve lamentablede ce que nous dénonçons depuisplusieurs années. »

• Manche – Pesticides interdits – Du 19 au21 mai s’est tenu à Coutances (Manche) le procèsde dix producteurs de carottes et de troisintermédiaires. Ils comparaissaient devantle tribunal pour avoir fait usage ou commercede dichloropropène, un pesticide interdit, et d’ainsiavoir utilisé des moyens illicites pourune concurrence déloyale vis-à-vis des autresproducteurs et productrices. La Confédérationpaysanne de la Manche faisait partiedes plaignants et se bat aussi pour que soit mis finà la distorsion de concurrence des carottesimportées d’Espagne et traitées encore,dérogatoirement, au dichloropropène. Le procureurde la République a requis des peines d’amendes,entre 8 000 euros et 100 000 euros. Le jugementsera rendu le 1er septembre.

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Actualité

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ÉcobrèvesGel

Groupama estime que le geld’avril lui coûtera plus de100 millions d’euros. « On estsur un événement dont l’inten-sité sera probablement plus éle-vée que celle qu’on avait connueen 2017 », a indiqué, le 5 mai,la directrice « marché agri-cole » de l’assureur, « proba-blement le plus lourd depuis lacréation de l’assurance récolteen 2005 ». L’estimation aminima repose surtout surl’évaluation des dommages enviticulture chez les assuré·es,soit environ 100 000 hectaresde vignes reconnues sinistrées.Autre donnée : près de 20 %des surfaces betteravières assu-rées par Groupama ont solli-cité la garantie re-semis (envi-ron 20 000 hectares).

DéforestationUne quarantaine de distribu-teurs, entreprises et fédéra-tions, surtout européennes,menacent le Brésil de boycot-ter ses produits agricoles s’il neretire pas un projet de réformeagraire qui risque, avec une pri-vatisation accrue des terres,d’accélérer la déforestation del’Amazonie. Des chaînes desupermarchés (Aldi, Marks andSpencer, Migros…) ont publiéune lettre commune en ce sens,le 5 mai. Elles s’engagent, siles lois correspondantes sontadoptées, à « reconsidérer(leur) recours à la chaîne d’ap-provisionnement agricole bré-silienne ». La déforestation adétruit 8 426 km2 de jungleamazonienne au Brésil, en

2020.

Pollution des eauxPlus d’un million de consom-mateurs et de consommatricesfrançaises, surtout en zonesrurales, boivent une eau pol-luée. C’est ce qu’a dénoncél’UFC-Que choisir, fin avril :« Les pollutions agricolesconstituent toujours les pre-mières causes de contamina-tions : 450 000 personnes boi-vent ainsi une eau dépassant lesnormes maximales en pesti-cides et 148 000 une eau conta-minée par les nitrates. » « Lecoût de la dépollution des pol-lutions agricoles représente de750 millions à 1,3 milliard d’eu-ros par an, intégralementfinancé par les consommateursvia leurs factures », indiquel’étude.

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 7

Instituts techniques agricoles etsociétés privées se battent pourdécrocher l’argent public qui

leur permettra de mettre en placede nouvelles technologies de« lutte contre le gel ». Mais plu-tôt que d’injecter des sommesmirobolantes dans des technolo-gies qui resteront trop chères pourla majorité des fermes, la prioritédoit être donnée à la mutualisa-tion des savoir-faire paysans dis-séminés sur le territoire. En effet,nous constatons que certain·esont pu limiter l’ampleur des dégâtspar des méthodes de préventionet de lutte parfois bien connues,parfois moins. En ce sens, laConfédération paysanne ademandé au Centre techniqueinterprofessionnel des fruits etlégumes le déclenchement d’unprogramme de recherche spéci-fique. Il s’agit d’analyser lesméthodes employées dans lesfermes sous un angle technique« en quoi ça consiste et est-ce que çafonctionne ? », territorial « est-cepertinent partout ? », économique« est-ce rentable ? » et sociétal« quelles critiques peuvent émanerde la société civile ? »

Pour autant, ni les techniquesde prévention et de lutte contreles effets du changement clima-tique, ni un système d’indemni-sation efficace contre les aléas cli-matiques (voir fonds mutuel etsolidaire) ne seront suffisants pourassurer l’avenir des productionsvégétales. Si cet épisode de gel aeu un impact aussi fort sur lesfermes, c’est surtout parce quenous n’avons plus les moyens deconstituer d’épargne pour lesannées difficiles.

En Occitanie, les vignobles don-nent une lecture de l’évolutionclimatique par les registres desdates de vendange. À la fois rési-liente et sensible, la vigne nousmontre les effets de plus en plusrécurrents du gel, des grêles et

autres événements violents quisonnent le glas de la dérive hors-sol d’un modèle obnubilé par lerendement financier, la logiqueindustrielle de filière, la croissanceet l’export. C’est sous le diktat du« contrôle du sourcing » de groupemultinationaux que les viticul-teurs et viticultrices, à la fois clientset fournisseurs au sein d’un mêmegroupe coopératif, sont pris dansun flux tendu financier et subis-sent l’injonction mondialiste dela course au rendement optimumet à la réduction des coûts.

Des pertes fatalesDans ces conditions qui ne leur

laissent aucune marge de réservepour affronter les aléas clima-tiques, les pertes d’une année nepeuvent être résorbées et cellescumulées sur plusieurs épisodesdeviennent fatales aux produc-trices et producteurs impactés. LaConfédération paysanne demandedonc l’abondement impératif etsolidaire du plan de soutien natio-nal par les maillons de la filière quicapitalisent les rendements finan-ciers dans des structures de négoceet de mise en marché, tant privéesque coopératives.

En fruits et légumes, la multi-plication des épisodes météoro-logiques destructeurs participeégalement de l’effondrement en

cours du secteur. Mais cette réa-lité ne doit pas dissimuler que cesont bien les distorsions deconcurrence organisées par le mar-ché unique européen qui sont àla source de la situation : auto-suffisants en 1990, nous ne pro-duisons même plus la moitié desfruits et légumes dont nous avonsbesoin en France. Relocaliser laproduction, sortir des pesticides,retrouver la qualité gustative etnutritionnelle, adapter nos sys-tèmes à des conditions climatiquesdéstabilisées : nous ne pourronsrépondre à aucun de ces grandsenjeux tant que nous serons entra-vés par la logique de compétition.C’est le sens de notre revendica-tion de prix minimum d’entréepour les fruits et légumes impor-tés sur le marché national, plusindispensable que jamais (1). n

Emmanuel Aze,

arboriculteur dans le Lot-et-Garonne,

Téo Boutrelle,

maraîcher en Aveyron,

Jonathan Chabert,

maraîcher dans les Côtes-d’Armor

et Mathieu Dauvergne,

viticulteur dans l’Aude

(1) Publié dans le n° 343 de Campagnes soli-daires, le dossier Un prix minimum d’entréepour les fruits et légumes importés peut être(re) lu sur le site de la Confédération paysanne(pages « Campagnes solidaires », puis« archives ») ou sur : urlz.fr/fFvh

Gel : et après ?Le gel d’avril a été d’une intensité et d’une expansion géographique rarement vues jusqu’àprésent. Il convient de ne pas considérer cet événement comme exceptionnel, mais bel et biencomme une des nombreuses manifestations du changement climatique qui se répéteront àl’avenir.

En Ardèche, le 8 avril. À lire en complément de cet article : La gestion des risques cli-matiques, une approche globale sur la ferme, un document de 4 pages téléchargeablesur le site confédérationpaysanne.fr ou urlz.fr/fFpb

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Le 21 mai, la Confédérationpaysanne a claqué la portedu Conseil supérieurd’orientationet de coordinationde l’économie agricoleet alimentaire (CSO),au cours duquel le ministrede l’Agriculture, JulienDenormandie, présentaitles grandes orientationsfrançaises de la future Pac(2023-2027).

Le syndicat paysan n’était passeul à se retirer ainsi de laréunion: la Fédération natio-

nale de l’agriculture biologique(Fnab), la plateforme Pour uneautre PAC, ainsi que les ONG WWF,Greenpeace et France Nature Envi-ronnement (FNE) ont fait de même.

Mettre la souveraineté alimen-taire et la transition agroécolo-gique en chapeau d’une politiquequi n’évolue pas, qui tire sur lesmêmes ficelles : il fallait oser ! C’estce décalage qui nous a frappéslors de la présentation par leministre de l’Agriculture des pre-miers arbitrages du plan straté-gique national (PSN) de la Francepour la Pac.

Le ministre dit s’appuyer sur la« science », mais il fait comme sitout allait bien avec la PAC actuelle.Dans une tribune parue dans LeMonde, le 3 mai, plus de 700 scien-tifiques jugent au contraire que« les petits pas de la politique agri-cole commune ne suffisent plus ».

La précarité alimentaire a explosé,le revenu paysan est en berne, l’ur-gence climatique se vit quotidien-nement dans les fermes, l’emploipaysan disparaît encore et encore,mais Julien Denormandie proposede ne rien changer à la principalepolitique agricole et alimentaire.Il dit faire le choix de la « stabilité »,et se dit satisfait que 55 % des aidesaillent à 20 % des agriculteurs etagricultrices, assumant donc lesinégalités et même que certain·esn’aient absolument rien!

Malgré des mois de travail avecle ministère (1), de propositions

concrètes, chiffrées et ciblées, c’estun rejet de nos trois grandes reven-dications pour une architecturesociale de la Pac : revalorisation dupaiement sur les premiers hec-tares (2), aide aux petites fermes etplafonnement des aides. Ce sontpourtant des leviers pour déve-lopper l’installation et l’emploipaysan, seule façon d’avancer réel-lement dans la transition agroé-cologique et en faveur de la sou-veraineté alimentaire. Laconvergence est aussi limitée austrict minimum (3).

Sur les aides bovines, l’intérêt dupassage d’une aide à l’UGB (4) seraminoré par le choix de fusion desaides lait et viande, au détrimentde l’élevage allaitant, déjà en crise.

Des miettesSur l’aide aux petites fermes, dis-

positif déjà existant dans la Pacsous le nom « d’aide forfaitairepetits agriculteurs », la France s’yrefuse encore. Comme si celarépondait aux mêmes enjeux, leministre annonce une aide« maraîchage » de 10 millionsd’euros. Des miettes au regard del’état de la filière fruits et légumesen France. Son faible montant larendra aussi très restrictive. Si lesmodalités ne sont pas encore fina-lisées, cette aide ne concernerapas l’arboriculture et serait limi-tée à des fermes de 1 à 3 ou 4 hec-tares en surface totale. Les trèspetites fermes et les fermes diver-sifiées, qui sont celles qui créentde l’emploi, de la valeur ajoutéeet œuvrent à la relocalisation, enseraient alors exclues.

Sur l’éco-régime, pas de pro-gressivité comme nous le deman-dions. Aussi tout le monde y auraaccès même en gardant les pra-tiques actuelles. Le greenwashing estbien à l’œuvre puisque les certifi-cations en bio et en Haute valeurenvironnementale (HVE de niveau3) sont mises au même niveau (5).

Quant à la principale augmen-tation du second pilier de la Pac,elle concerne l’assurance récolte,si chère à la FNSEA, avec 36 mil-

lions d’euros en plus. On sait pour-tant que c’est une fausse solutioncontre les effets du changement cli-matique alors que des mesuresagro-environnementales (MAEC)existantes, ambitieusement dotées,seraient efficaces.

En démocratie, ne pas être d’ac-cord avec les arbitrages d’unministre vaut d’être traité de men-teurs. Le ministre nous accused’être dans la « posture ». Lui achoisi l’imposture. Qui assumeraen 2027 le énième plan de licen-ciement paysan qui découlera deces arbitrages ?

Nous avons donc claqué la portedu CSO, comme les autres orga-nisations de la plateforme Pourune autre Pac présentes. La Francedoit remettre dans les semainesqui viennent à la Commission euro-péenne son plan national straté-gique pour la prochaine Pac: notredétermination reste totale au nomdu monde agricole et de celles etceux qu’il nourrit, comme nousl’avons montré à nouveau le 27 maien nous mobilisant pour une Pacplus équitable, sociale et pour l’em-ploi paysan (cf.p.24). nSource : communiqué de presse du 21/5

(1) Principalement avec sa Direction généralede la performance économique et environne-mentale des entreprises (DGPE).(2) Pas de revalorisation du paiement redistri-butif, bloqué à 10 % du premier pilier sur les52 premiers hectares.(3) Le principe de convergence vise à unerépartition plus équitable du paiement de baseau niveau national ou régional, au sein dechaque État membre.(4) Unité de gros bétail : une vache laitière = 1 UGB.(5) À lire ou relire notre dossier : HVE, l’illusionde la transition, CS n° 368, janvier 2021.

Écobrèves

OursD’après le dernier rapport offi-ciel publié le 31 mars, 64 oursauraient été détectés dans lesPyrénées en 2020 par l’équipedédiée de l’Office français dela biodiversité (OFB), contre52 en 2019. « La populationest majoritairement composéede jeunes individus dont 81 %ont moins de 10 ans », précisel’OFB. La présence de 13 jeunesmâles « laisse présager uneforte augmentation à venir del’aire de répartition, du fait deleur dispersion vers l’âge de 2 à3 ans ». En 2020, on a comp-tabilisé 369 attaques pour 636animaux d’élevage blessés outués. Avec 329 attaques, soitprès de 90 % du total, l’Ariègeest le département « où lesdégâts liés à l’ours sont les plusnombreux », indique l’OFB.

RequinsLa grande distribution repré-sente 55 % des débouchés desproduits bio en France, contre28 % pour les magasins biospécialisés (dont 15 % demagasins indépendants) et11 % pour la vente directe. Lamenace est grande : en 2019,53 magasins bio indépendantsont fermé leurs portes. Et l’ap-pétit de la grande distributiongrandit avec le marché qui sedéveloppe : Intermarché estdevenu actionnaire du Comp-toir de la Bio en 2018, Carre-four a avalé en 2016 Green-weez, leader français del’e-commerce bio, et Bio c’Bon,fin 2020 ; Casino est proprié-taire de l’enseigne Naturaliadepuis 2008… De redoutablesrequins.

Journalistesmenacées

Les journalistes Morgan Largeet Nadiya Lazzouni, toutesdeux menacées de mort, n’au-ront pas de protection poli-cière. Début mai, le ministèrede l’Intérieur « a opposé unefin de non-recevoir à lademande de protection poli-cière » formulée par le Syndi-cat national des journalistes(SNJ) et l’ONG Reporters sansfrontières. Morgan Large, quienquête régulièrement sur lemilieu agricole breton, avaitporté plainte le 13 avril aprèsavoir constaté fin mars qu’unedes roues arrières de son véhi-cule avait été partiellementdéboulonnée.

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8 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Actualité

Pac Un ministre en plein renoncement !

CSOLe Conseil supérieur d’orientationet de coordination de l’économieagricole et alimentaire (abrégéCSO, pour Conseil supérieurd’orientation) est une commis-sion consultative placée auprès duministre de l’Agriculture. Y siègentprincipalement les représentant·esdes syndicats agricoles, de l’agro-industrie, de la distribution etd’ONG œuvrant dans ce champsde compétence.

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Répressionen Colombie

Le 28 avril, la population colom-bienne a manifesté son refus dela réforme fiscale proposée parle président, Ivan Duque. Cetteréforme, qui épargnait les plusriches et visait à faire payer lacrise économique aux plusmodestes, s’est heurtée danstout le pays à une vague deprotestation telle que le projeta été retiré et que le ministredes finances a démissionné.

Mais le gouvernement colom-bien a décidé de répondre à celarge mouvement social par larépression et la terreur poli-cière. Selon les ONG localeset les représentants de l’ONU,on comptait déjà au 5 mai37 homicides commis par lapolice, 222 blessés sévères, vic-times de violences policières,et plus de 830 arrestations. Lesprotestations ont afflué dumonde entier mais le climatdans le pays est resté délétèretout au long du mois de mai.En 2020, l’ONG Indepaz avaitsignalé l’assassinat de 310 diri-geants sociaux, indigènes, afro-colombiens, paysans, membresde la communauté LGBT et de64 signataires de l’accord depaix en 2016.

À lire sur Bastamag : urlz.fr/fCxA

Référendumen Suisse

Le 13 juin, les électrices et élec-teurs suisses pourront se pro-noncer sur cinq lois et réfé-rendums, dont une initiativevisant à interdire l’ensembledes produits phytosanitaires,tous usages confondus, dansle pays à l’horizon 2030. L’ini-tiative a été lancée par ungroupe de citoyen·nes de Suisseromande comprenant « desviticulteurs, des médecins etdes scientifiques ». Les son-dages donnaient en mai l’ini-tiative gagnante d’une courtemajorité mais la tendance s’an-nonçait moins favorable avecle temps. « Le soutien diminue,et je crains que l’initiativen’aboutisse pas. Comme sou-vent, en Suisse, ce sera au moinsl’occasion de poser le débat »,prévoyait David Hermann,porte-parole d’une associationrassemblant la plupart des pro-ducteurs et transformateursbio du pays. À voir.

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 9

Initiée par la Confédérationpaysanne, cette tribune,publiée fin mai, est cosignéepar des élu·es locauxde diverses orientationspolitiques et de toutesles régions françaisesmétropolitaines.

En tant qu’élu·es de collectivi-tés locales (maires, intercom-munalités, conseillers dépar-

tementaux et régionaux), en tantque parlementaires, attentives etattentifs à nos circonscriptions et ànos administré·es, nous attachonsbeaucoup d’importance aux poli-tiques publiques dédiées à l’agri-culture et l’alimentation qui ont deseffets directs sur l’aménagement denos territoires, leurs paysages et leurtissu socio-économique.

Aujourd’hui, la Pac, la politiqueeuropéenne pour l’agriculture etsa déclinaison française, le Planstratégique national, sont en trainde dessiner la vie de nos cam-pagnes, l’alimentation de noscitoyennes et citoyens.

Ce que nous voulons pour cettepolitique agricole commune, c’estqu’elle permette enfin d’avoir despaysannes et des paysans nom-breux, c’est un soutien auxemplois agricoles plutôt qu’auxsurfaces (et les volumes de pro-ductions), à l’opposé des Pac desdécennies passées qui ont toutesconduit à la disparition de nom-breux paysans et à la spécialisa-tion des territoires.

Ce que nous voulons via cetteréforme de la Pac, ce sont des

campagnes vivantes, des territoiresà même de relever les défis duXXIe siècle, notamment alimen-taire et climatique.

Les outils pour cette Pac plussociale existent déjà. Mis en œuvre,ils auraient des effets bénéfiquessur l’économie et l’environnementde notre pays.

Monsieur le ministre de l’Agri-culture, Monsieur le Président dela République, nous vous deman-dons d’entendre notre appel et deles appliquer.

Soutenir les petites fermes

Nous voulons une Pac qui sou-tienne les femmes et les hommesqui auront la capacité de mettreen œuvre la relocalisation, la sou-veraineté alimentaire et la transi-tion agroécologique : soutenez lespetites fermes, qui ont des retom-bées positives en termes d’emploi,d’accès à une alimentation de qua-lité et de proximité et de préser-vation des ressources naturellessur nos territoires.

Nous voulons une Pac qui redis-tribue les fonds publics et metteun frein à l’agrandissement quivide les territoires et appauvrit lespaysannes et paysans ainsi quenos paysages : plafonnez les aidespour mieux redistribuer et ren-forcez la valorisation des premiershectares !

Nous voulons une Pac qui favo-rise l’emploi, crée de la valeur ajou-tée et du revenu paysan car c’est uneopportunité économique et socialemajeure pour nos territoires.

Poursuivre une politique agri-cole commune déconnectée durevenu et de l’emploi paysans,accélératrice de l’agrandissement,aggraverait l’hémorragie des ter-ritoires ruraux et fragiliserait l’au-tonomie alimentaire et la santé del’ensemble de la population. Lasituation sanitaire actuelle nousdémontre d’autant plus l’urgencede prendre une autre direction.

Une Pac sociale est la garantie deterritoires ruraux plus attractifs, dereconnexion plus forte entre agri-culture et alimentation par uneréponse plus adaptée aux besoinsalimentaires locaux et plus ver-tueuse pour l’emploi dans lesindustries agroalimentaires, lesservices publics, les entreprises etles commerces de proximité.

Monsieur le ministre de l’Agri-culture, Monsieur le Président de laRépublique, pour l’avenir, faites dela Pac une politique sociale et éco-nomique ambitieuse qui permetteà de nombreux paysans et pay-sannes de s’installer et de s’ancrersur nos territoires. Faites qu’ils et ellessoient reconnues pour les servicesrendus à l’ensemble des citoyenneset citoyens Il en va de la légitimitédémocratique de la Pac et de saréponse aux enjeux d’intérêt géné-ral cruciaux pour nos territoires. n

Nous voulons une Pac pour des territoires vivants !

SignatairesÀ la veille du bouclage de ce numéro,cette tribune a recueilli les signaturesd’un millier élus locaux, dont plusde 350 maires de tous les territoiresmétropolitains (de grandes com-munes comme Grenoble, en Isère,à de plus petites comme Preybel-Christ, dans le Finistère, Campel,dans l’Indre, ou Saint-Genès-la-Tourette et ses 175 habitant·es,dans le Puy-de-Dôme). L’ont éga-lement signée une centaine deconseillères et conseillers régionauxou départementaux (dont la prési-dente du conseil départemental del’Aude et le président du conseildépartemental de Loire-Atlantique),des député·es et des sénateurs etsénatrices…

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Toujours plus gros : la fusiondes groupes « coopératifs »InVivo et Vinadeis (voirencadré) est présentéecomme une nouvellepropulsion sur la scèneinternationale pour affronterle commerce mondial du vin.

Il ne faut pas se tromper : cettenouvelle structure regroupantVinadeis, le secteur viticole d’In-

Vivo et toutes leurs composanteset marques, n’a comme optionréelle que de tirer les prix des vinsvers le bas pour concurrencer lesgrands opérateurs étrangers. Et àce jeu d’hypocrisie, les vigneronneset vignerons continueront d’êtreperdants. Car comment produiremoins cher face à des vignoblesindustriels qui n’ont pas les mêmesnormes et coûts de production?

Déjà, l’Uccoar, l’une des deuxentités mères de Vinadeis, implantedes vignobles dans le Lauragais,entre Toulouse et Carcassonne,pour produire à bas prix et hautsrendements des vins rosés avecirrigation, engrais de synthèse, pes-ticides, taille mécanique et désher-bage total. Des implantations dansdes terres fertiles qui vont rem-placer la culture du blé et mettreà mal notre sécurité alimentaire.

Est-ce cela les défis de l’innova-tion, de l’environnement et dumarketing que compte relever cettefusion, selon les termes de JoëlCastany, président de Vinadeis ?

Comment croire à cette impos-ture quand des opérateurs privésvendent déjà à 1,50 euro la bou-teille en Chine (1) ? Va-t-on allerplus bas ? La défiance, avec cettefusion, c’est qu’elle va consacrerle vin comme produit industrielbas de gamme, sans aucune réfé-rence culturelle. Or c’est bien celaaussi l’erreur, et même la faute.Nos vignobles languedociens,voire français, ne pourront garan-tir une différence, un revenu, quesi leurs vins sont élevés à la hau-teur d’œuvres d’art. Comment lesfaire aimer s’ils ne s’apparententpas, avec toutes les émotions qu’ilscontiennent, à un tableau deRenoir ou une musique deDebussy ? Et de donner ainsi unsens au labeur vigneron.

Dans cette fusion, les vigneronset les vigneronnes tombent au plusbas de leur espérance de survieprofessionnelle et de reconnais-sance sociétale.

Une structurelabyrinthique et incompréhensible

Cette fusion engendre une struc-ture labyrinthique, incompré-hensible par le vigneron ou lavigneronne de base qui devra secontenter de se taire. C’est unealiénation du principe coopéra-tif, de la démocratie coopérative.

Adieu aux références des appel-lations, bonjour à la publicité desmarques ! Quand on manipule des

quantités industrielles de produitsemmagasinés, « travaillés » et ven-dus loin, très loin des lieux deproduction, le doute est permis deleur authenticité d’origine.

Cette fusion continuera de bana-liser le vin comme les autres bois-sons industrielles. Nos terroirs neseront plus que des espaces deproduction anonymes, sous per-fusion d’engrais et de traitementsphytosanitaires volumineux. Déjà,en 2017, le secteur de Lézignan-Corbières, dans l’Aude, était ladeuxième région française ayantacheté le plus de phytos :181 tonnes (2) !

En 2009, le président du syndi-cat des vins du Pays d’Oc écrivaitson ambition : « Pour que les vignesproduisent beaucoup, il leur faut unsol fertile, irrigué et fertilisé, ainsiqu’une multiplication de traitementsphytosanitaires. » (3) Bientôt, dansle Narbonnais d’abord, on va tes-ter l’irrigation des vignes avec del’eau des stations d’épuration !

L’amont et l’aval de la viticultureont perdu la raison, leur âme etles vigneron·nes leurs espoirs, pro-pulsé·es au beau milieu de nullepart.

À quand des vignes sur la Luneet des cavistes sur Mars ? n

Robert Curbières, vigneron retraité

dans l’Aude

(1) L’Indépendant, 06/12/2017.(2) Médiapart, 4/7/2019.(3) Bulletin du syndicat du Pays d’Oc defévrier 2009.

Écobrèves

RetraitesLe député André Chassaigne(PC) a déposé, le 29 avril, uneproposition de loi (PPL) pourrevaloriser la pension mini-male de retraite des conjointscollaborateurs et aides fami-liaux. Le texte sera examinéen séance plénière le 17 juin.Il propose trois leviers d’ac-tion : « réviser les conditionsd’attribution de la pensionmajorée de référence » ; élar-gir « l’accès du complémentdifférentiel de points de retraitecomplémentaire obligatoireaux conjoints collaborateurs etaides familiaux » ; limiter ladurée du statut de conjointcollaborateur à 5 ans, dès le1er janvier 2022, « sans (tou-

tefois) remettre en cause les

situations déjà acquises ». C’estla troisième PPL sur le sujetdéposée ces dernièressemaines au Parlement. LaConf’ invite les députés AndréChassaigne, Jacqueline Duboiset la sénatrice Nadia Sollo-goub à « coordonner leurs ini-tiatives » (cf. CS n° 372).

Laisse pas bétonDix-huit mois après l’abandondu projet de mégacomplexeEuropaCity, le premier ministreJean Castex a annoncé, le 7 mai,la bétonisation d’une centained’hectares des terres fertiles deGonesse, au nord de Paris. LaSemmaris, société gestionnairedu Marché de Rungis, souhaiteimplanter une extension deRungis sur des terrains le longde la route de Roissy, bien des-servis par le réseau routier. Évi-demment, le projet est annoncécomme « vert » ou quasi, mêmes’il est très loin de la cohérencedu projet Carma porté par lescitoyen·nes. Le combat poursauver les terres agricoles deGonesse continue donc –ouiauxterresdegonesse.fr

Des chiffres1 023 : c’était le nombre d’uni-tés de méthanisation en France,fin 2020. Les régions Hauts-de-France et Grand Est cumu-lent 30 % de la productionnationale de « biométhane ».En moins de 10 ans, la capa-cité de production a été mul-tipliée par 43 !

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10 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Actualité

Viticulture Fusions sans fin dans le vin

En 2018, l’export représentait un tiers de l’activité commerciale globale de Vinadeis,ancien groupe Val d’Orbieu-Uccoar, premier producteur de vin du Languedoc.

GéantsUnion nationale de coopérativesagricoles, l’entité qui s’appelleInVivo depuis 2001 n’a cessé degrossir depuis sa première fusion,en 1945. Neuf groupes coopératifsadhèrent à son pôle vin, aujourd’huidénommé Cordier by InVivo. Situésdans différents terroirs (Bordeaux,Rhône, Sud-Ouest, Languedoc,Beaujolais), ces neuf groupes ras-semblent 3 600 vigneron·nes et25 000 hectares de vignes.En 2021, c’est Cordier by InVivo quifusionne avec Vinadeis et ses1 500 viticultrices et viticulteurs.

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Fin 2019, le Conseil européen ademandé à la Commission de « sou-mettre, le 30 avril 2021 au plus tard, une

étude à la lumière de l’arrêt de la Cour de jus-tice dans l’affaire C-528/16 concernant le sta-tut des nouvelles techniques génomiques dansle droit de l’Union ». Le 29 avril, le Conseila reçu un « document de travail des servicesde la Commission », avec une lettre lui annon-çant l’intention de la Commission de sup-primer la réglementation OGM pour lesplantes génétiquement modifiées par destechniques de mutagenèse dirigée et decisgenèse, et de reporter à plus tard denouvelles propositions concernant les autresOGM.

La Commission relaie ainsi fidèlement lesdemandes du lobby industriel de sacrifierla santé et l’environnement sur l’autel du« progrès génétique », de remplacer le prin-cipe de précaution par le principe d’inno-vations susceptibles de rémunérer ses bre-vets, de supprimer le droit à l’informationet de choisir « avec ou sans OGM ». In fine,on aboutit à abandonner le contrôle detoutes les semences, et par là du droit à l’ali-mentation, à une poignée de sociétés trans-nationales détenant la majorité des brevetssur les informations génétiques des plantes.

Un tel renversement des fondements dudroit européen suscite des hésitations : le

document de travail n’a pas été validé par l’en-semble des commissaires européens et n’estpas non plus l’étude demandée basée surdes faits, la science, le droit de l’Union et l’ar-rêt de sa Cour de justice. Il se contente d’unecompilation d’opinions « basée sur une largeconsultation ciblée ». Tellement large qu’elleest restée confidentielle, sans ouverture aupublic. Les cibles ont été soigneusementchoisies, très majoritairement parmi lesacteurs qui réclament depuis de nombreusesannées la suppression de la réglementationOGM(1). La synthèse de leurs réponses va toutnaturellement dans le sens de leurs souhaits.

Pseudo-étudeContrairement à ce qu’affirme cette

pseudo-étude, les risques sanitaires et envi-ronnementaux de ces « nouveaux » OGMsont identiques ou pires que ceux des OGMtransgéniques. Leur évaluation, puis leurétiquetage et leur suivi lorsqu’ils sont auto-risés, restent indispensables. La majorité desbrevets déjà revendiqués concernent desplantes rendues tolérantes aux herbicides :la promesse de diminution des pesticidesattendra.

Le principal moteur de cette « réforme »est le modèle économique du brevet. L’obli-gation par la réglementation OGM derendre publique l’information sur les pro-

cédés de distinction des OGM est la der-nière barrière à l’extension de la portéedes brevets aux semences paysannes ettraditionnelles natives (2). Si cette barrièresaute, nos semences paysannes passeronttoutes sous le contrôle des trois ou quatremajors de l’industrie semencière. D’autantplus facilement si l’autre document de tra-vail, publié le même jour par la Commis-sion sur la réglementation des semences,aboutit. Il prévoit en effet un enregistre-ment obligatoire de toutes les semencescommercialisées – et éventuellement échan-gées entre agriculteurs – sur la base demarqueurs génétiques. Les multinationalessemencières n’auront même plus besoin decollecter les semences paysannes pour lesbreveter : il leur suffira de relever leursséquences génétiques dans les registres etde les rentrer dans les algorithmes de leursordinateurs…

Le chemin direct « du labo à la table »remplacera-t-il la stratégie annoncée « dela ferme à la table » ? Seules nos mobilisa-tions pourront l’empêcher. n

Guy Kastler, commission OGM

de la Confédération paysanne

(1) infogm.org/7191-nouveaux-ogm-commission-euro-peenne-sous-influence(2) Voir l’article Les informations séquentielles numé-riques pour breveter la nature, p. 14-15 de ce numéro.

Vers la fin de la réglementation des OGM?Répondant aux demandes des industriels des semences, la Commission européenne veut supprimer la réglementationOGM pour les plantes génétiquement modifiées par des techniques de mutagenèse dirigée et de cisgenèse. Or les risquessanitaires et environnementaux de ces « nouveaux » OGM sont identiques ou pires que ceux des OGM transgéniques.

Actualité

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 11

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Initiée et animée par l’associationdes Ami·e·s de la Confédérationpaysanne, la campagne « Décidonsde notre alimentation ! » se poursuit,avec la publication d’un nouveaudocument en vue des électionsrégionales et départementalesdes 20 et 27 juin.

L’échelle d’action, les compétences, laresponsabilité et la légitimité démo-cratique des collectivités territoriales

leur confèrent une position privilégiée pourconstruire des projets visant la souverainetéalimentaire. Même si les communes et lesintercommunalités ont une place essen-tielle pour les concevoir et en fédérer lesacteurs locaux, les départements et lesrégions, avec leurs outils et compétencesspécifiques (1), peuvent être des soutiensfinanciers importants, aussi bien pour lesdépenses de fonctionnement que pour lesinvestissements. De multiples possibilitésexistent, en fonction des politiques portéespar les conseils départementaux et régio-naux.

Les Ami·e·s de la Conf’, comme d’autresorganisations telles que la plateforme Pour

une autre Pac, Abiosol, Terre de Liens – pourne citer qu’elles – sont mobilisés sur ces thé-matiques, parfois complexes, depuis desmois. Les réseaux proposent des outils desensibilisation aux citoyen·nes et candi-dat·es, des formations, des outils de décryp-tage et de compréhension, que nous avonstout intérêt à nous approprier afin de mieuxnous mobiliser ensemble.

Pour autant, construire un projet de rési-lience alimentaire implique de se doterd’instances de gouvernance s’inscrivantdans la durée, au-delà du calendrier élec-toral. La démocratie alimentaire a besoinde son terrain, d’un dispositif propre de gou-vernance alimentaire territoriale, de sonenracinement local en tant que vecteur dela participation citoyenne.

Comme le souligne aussi le juriste Fran-çois Collart Dutilleul : « Avec la démocratiealimentaire, on doit s’émanciper le plus pos-sible d’une démocratie représentative ordi-naire ; on ne doit pas se contenter de l’aide ali-mentaire pour mettre en œuvre le droit del’Homme à l’alimentation ; on doit développerl’éducation et l’information sur l’alimentationpour que des mangeurs consommateurs puis-sent devenir des mangeurs citoyens. » (2)

Les prototypes de ces assem-blées démocratiques localessont les Conseils locaux d’ali-mentation des pays anglo-saxons, d’où vient la notion dedémocratie alimentaire, et quireposent sur 4 piliers (3) :

1. Pouvoir s’informer, com-prendre les enjeux agri-ali-mentaires de son territoire ;

2. Pouvoir manger bon, bio,local et de saison ;

3. Pouvoir co-décider, par-ticiper à la construction des

solutions pour un meilleur accès de touteset tous à l’alimentation durable ;

4. Pouvoir évaluer l’utilité sociétale réelledes choix faits.

Avec les élections régionales qui appro-chent, avec la toute dernière ligne droitedes négociations du plan stratégique natio-nal (PSN) pour la prochaine Pac (2023-2027), de nombreuses cartes sont à jouerpour infléchir les politiques agricoles etalimentaires dans le sens de l’équité et dela soutenabilité.

C’est dans ce sens que les Ami·e·s de laConfédération paysanne ont publié en maiun nouveau document – Regards d’Ami·e·sde la Conf’ sur le rôle des régions – qui meten lumière quelques problématiques sur les-quelles les politiques régionales ont unimpact et peuvent apporter des réponsesou, au contraire, renforcer des dysfonc-tionnements.

Certaines collectivités ont pris conscienceque renforcer la souveraineté alimentairedes territoires permettrait de renforcer l’au-tonomie de nos systèmes agricoles et ali-mentaires, de favoriser l’accès à une ali-mentation choisie, de gagner en cohésionsociale et en débat démocratique. Rési-lience et démocratie alimentaires pour-raient être la voie pour de futures poli-tiques régionales de transition agricole : ànous désormais de décider des politiquesà soutenir et à mettre en œuvre, et de déci-der de notre alimentation ! n

Les Ami·e·s de la Confédération paysanne

(1) Cf. guide Vers la résilience alimentaire (tableau de syn-thèse p. 170) : resiliencealimentaire.org(2) Nourrir – Quand la démocratie alimentaire passe àtable, François Collart Dutilleul, Les liens qui libèrent, 2021.(3) Voir visioconférence : Tiers lieux, des outils « terrain » dela démocratie alimentaire, Marketa Supkova, sur : uboo-penfactory. univ-brest. fr/L-UBO-Open-Factory

Les régionales et l’enracinement de la démocratiealimentaire

Ami·e·s de la Conf ’

12 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Les Ami·e·s

N’exerçant pas ce métier, nous sommes aux côtés des paysan·nes qui veulentchanger les choses, pour les soutenir dans leurs combats pour une agriculturepaysanne, respectueuse de la nature et des humains. Mais aussi pour nous expri-mer en tant que citoyen·nes sur notre alimentation. C’est pourquoi nous nousappelons Les Ami·e·s de la Confédération paysanne.

Regards d’Ami·e·s de la Conf ’ sur le rôle des régions – Le document est à lire et à téléchargersur le site : lesamisdelaconf.orgDes exemplaires en papier sont également disponibles : ne pas hésiter à contacterl’association si vous souhaitez en avoir quelques-uns pour d’éventuelles mobilisationsou événements dans votre région : 01 43 62 18 70 – [email protected] – 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet

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Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / I

Dossier

Lutter contre Amazon et son mondeEn janvier 2019, la mairie de Fournès, dans le Gard, annonce une

belle opération : la société Argan va construire sur la commune

une plateforme logistique et créer 600 emplois. Bien sûr, il fau-

dra artificialiser 14 hectares de terre pour la construction d’un

entrepôt géant de 38 900 m² et de 18 mètres de haut, et prévoir

un flot de camions. Mais ça en vaut la peine, non ?

Rapidement, des riveraines et riverains amoureux de la nature

et du patrimoine (on est proche du Pont du Gard) s’organisent

au sein de l’association Adere (1). Ils découvrent vite que derrière

Argan, « développeur d’entrepôts », se cache Amazon.

Mobiliser contre Amazon : chose facile tant cette entreprise

représente à son paroxysme le modèle économique dont nous

ne voulons plus !

Une entreprise supranationale qui optimise ses profits

en échappant à l’impôt,

qui robotise ses sala-

rié·es avant de robo-

tiser complètement

ses entrepôts, qui

exerce une concurrence

déloyale face aux petits

commerces et vide les

villes et villages de leur

vie : un emploi créé

par Amazon

pour deux à

trois emplois

perdus dans

le com-

merce de

proximité .

Une entre-

prise mue par

une volonté

hégémonique et libertarienne

(pire que néolibérale), qui grignote le ter-

ritoire avec déjà six entrepôts géants et une ving-

taine de sites intermédiaires en France. Et ça pourrait doubler rapi-

dement.

Du côté de la Confédération paysanne, on a commencé par s’op-

poser à ce projet dans les diverses commissions où l’on nous a

demandé notre avis.

Au printemps 2020, Attac (cf. p. 3) rejoint l’Adere dans la bataille

et une première manif est montée. À la même époque, le pre-

mier confinement et le débat sur « le monde d’après » lancent

une dynamique de convergence des luttes et renforcent les liens

entre les différentes organisations du Gard. C’est sur cette base

solide qu’une grosse manif est planifiée pour le Black Friday, en

novembre 2020. Le jour est hautement symbolique, jour de

débauche consumériste (2). Manque de pot, le deuxième confine-

ment force à déplacer l’action : ce sera finalement pour le 30 jan-

vier 2021.

Comme action, nous avons planté des arbres, formé une chaîne

humaine sur les contours prévus de l’entrepôt et écrit « Ama-

zon : Non! ». Et pour finir joyeusement, des prises de paroles entre-

coupées de chansons d’HK.

Cette mobilisation a permis une première avancée. Le quoti-

dien régional rapportait, quelques jours avant, qu’un juge allait

être désigné pour instruire la plainte pour prise illégale d’intérêt

contre des élus

de Fournès qui

ont vendu des

terres pour ce

projet. Plainte

déposée plus

d’un an aupara-

vant : lenteur

administra-

tive, hasard

ou coïnci-

dence ?

Au-delà du

Gard, des ras-

semblements

ont eu lieu le

même jour

dans toute la

France : à Car-

quefou près de

Nantes, Ensisheim dans le

Haut-Rhin, Augny en

Moselle, Rivesaltes dans

les Pyrénées-Orientales…

Souvent la Confédération pay-

sanne est de la partie pour alerter sur le fait que le

géant de la vente en ligne est en train de tisser tranquillement

sa toile, avec les encouragements de nos dirigeant·es et de nos

commandes en ligne (« c’est si pratique ! »).

On ne s’arrêtera pas là, bien sûr. Le collectif gardois organise

déjà sa prochaine manifestation pour aller arroser nos arbres !

Paul Ferté,

porte-parole de la Confédération paysanne du Gard

(1) Comme Association pour le développement de l’emploi dans le respect de l’environne-ment(2) Aux États-Unis et au Canada, le Black Friday (« vendredi noir », parfois traduit par« vendredi fou »), est un événement commercial d’une journée qui se déroule le vendredisuivant la fête de Thanksgiving. Importé en Europe, il se déroule durant la même période,soit fin novembre.

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Depuis son canapé, tranquille, confinéou pas, on a accès à un large choixde produits à des prix défiant toute

concurrence. C’est le principe de la fameuse« place de marché » ou market place d’Ama-zon. Des livres aux téléphones en passantpar les chaussures, tout peut être com-mandé par ordinateur et vous être livrédans un temps record. L’objectif est de rem-placer les traditionnels circuits de distribu-tion et de devenir une sorte de guichetunique entre les consommateurs et unemultitude de fournisseurs. Un monde nou-veau ou la logistique du e-commerce rem-place les grossistes et commerçants.

La clientèle est rendue captive par la for-mule Amazon Prime qui donne accès à lalivraison gratuite en un jour. Pour cela, il fautpayer un abonnement de 49 euros par an.Plus on passe par Amazon, plus on rentabi-lise l’investissement : les client·es « Prime »ont donc tendance à augmenter leurs achatssur la plateforme. Pendant ce temps, les

algorithmes emmagasinent de plus en plusde données sur leurs habitudes d’achats etdeviennent capables de proposer ce dontchacun·e a envie.

À l’autre bout de la chaîne, Amazon capte24,8 % du chiffre d’affaires des vendeurs dela market place, c’est-à-dire les entreprisesqui veulent vendre leurs produits via Ama-zon. Sous contrat, elles paient pour pouvoirmettre leurs produits en vente et paientaussi pour le stockage et la livraison. Aux USA– où Amazon est en position de mono-pole – les vendeurs doivent maintenantintégrer le coût de la livraison en 24 heuresà leur prix de vente et ont l’interdiction devendre leurs produits moins cher ailleurs.Pour aider les vendeurs à assurer des prixbas, le géant du e-commerce ferme les yeuxsur les TVA non versées et les contrefaçons.Pour les récalcitrants, le jeu du référence-ment des produits peut rapidement rendreles marchandises invisibles, donc inven-dables…

Ne manque plus qu’à organiser une logis-tique efficace. Construction d’entrepôts,fret aérien : la firme ne recule devant rienpour assurer les livraisons express. Pourfinancer les investissements, le tour deforce du milliardaire Jeff Bezos – à la têtedu groupe – a été de convaincre les action-naires de se passer de dividendes ! Depuisla création de la firme, en 1994 à Seattle,l’argent est systématiquement réinvesti.Maintenant que sa place de leader com-mence à se conforter aux USA, la premièrevaleur boursière mondiale commence toutjuste à rémunérer ses actionnaires. Rassu-rez-vous, le cours de l’action grimpe tou-jours : ils n’ont jamais perdu d’argent. n

Marie Gazeau

NB : Marie Gazeau est paysanne dans les Deux-Sèvres etjournaliste. À la rédaction de nos dossiers, elle remplaceSophie Chapelle durant son congé maternité, l’occasion desouhaiter la bienvenue à Solani, née le 21 avril.

La toute-puissance en objectifLe géant du commerce par Internet (ou e-commerce) vise le monopole de la distribution des produits de consommation.

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Une diversification sans limiteAu départ, Amazon a principalement faitcommerce de livres. Puis la firme s’est viteimposée dans la vente d’équipements élec-troniques, du textile et toutes sortes demarchandises. Ces prochaines cibles sont lapharmacie et l’alimentation. Si elle est la plusvisible, cette « place de marché » ne repré-sente qu’une petite partie de son activité.Amazon dégage ses bénéfices grâce à l’hé-bergement numérique pour les entrepriseset particuliers. Amazon, c’est aussi des vidéosou musiques à la demande, une banque, desassurances, des assistants vocaux, des logi-ciels de reconnaissance faciale et des pro-jets de tourisme spatial…

Humeur « Amazombification » de la consommationDeux fromages crémeux aujourd’hui, un frais demain et un demi-sec le jour d’après… Pendantle premier confinement, avec la désertion voire la suppression des marchés, nous étions nom-breuses et nombreux à nous inquiéter de ne pas vendre nos produits. Nous nous perdions dansdes livraisons au gré des désirs imminents des client·es. Pas de prévision, pas de stock, nousétions devenus des click and collect.Et si 25 ans d’Amazon nous avaient habitué·es à avoir en permanence tout et tout de suite ?Le monstre, avec ses services foisonnants livrés en 24 heures, a su enrouler ses tentacules autourdes loisirs et habitudes de consommation, devenant souvent indispensable et rendant les consom-matrices et consommateurs de plus en plus impatients.À partir du moment où vous avez décidé d’acheter quelque chose, chaque minute qui passejusqu’à la livraison du produit est une minute de contrainte. Ainsi, les requêtes sur « livraisonrapide » ont augmenté de 30 % ces deux dernières années. Producteurs et productrices, com-ment allons-nous nous retrouver face au sourire jaune d’Amazon Fresh ? Espérons que cetteévolution de la consommation immédiate ne soit pas irréversible et que l’on puisse encoreconvaincre de revenir à moins de rapidité pour moins de dégâts collatéraux.

Céline Berthier, paysanne en Ardèche

Le 30 janvier, plus de 1 000 personnes ont participé à la manifestation sur le site où pourrait s’implanter un entrepôt géant d’Amazon à Fournès (Gard) (cf. p. I).Amazon France en chiffres : 25 sites logistiques dont 6 centres de distribution, 35 centres supplémentaires d’ici cinq ans et des centaines d’Amazon Lockers, blocsde casiers jaunes dans lesquels les clients peuvent récupérer leurs colis dans des centres commerciaux.

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Quels sont les mécanismes d’évasionfiscale d’Amazon ?

Les grandes multinationales débordentd’imagination pour faire apparaître leursbénéfices ailleurs. Amazon a réussi à échap-per à l’impôt sur les sociétés en dissimulant57 % du chiffre d’affaires réalisé en France.La firme possède une filiale auLuxembourg. Cette dernièredétient les droits des logiciels etdes pages Internet. Elle vend ledroit d’utiliser la marque Amazonà chaque filiale européenne. Leprix fixé n’a rien à voir avec unprix de marché : c’est un revenude transfert, un montant décidéentre filiales d’un même groupe.Cela permet à la filiale du Luxem-bourg de récupérer ainsi les reve-nus produits dans les autres paysde l’Union et de les soustraire àl’impôt. En 2017, Amazon a étécondamné à rembourser 250 mil-lions d’euros d’avantages fiscaux,les accords entre la firme et leLuxembourg ayant été jugés illé-gaux par la Commission euro-péenne. Mais le problème est loin d’êtreréglé, d’autant que la Cour de justice euro-péenne a annulé cette décision, le 12 mai.

Qu’en est-il de la fraude à la TVA ?Elle concerne 98 % du e-commerce. Ama-

zon et consorts ne sont que des intermé-diaires. Les vendeurs qui mettent en mar-ché sur Amazon sont mal identifiés parl’État français et ne paient pas de TVA. On

estime le manque à gagner à un milliard pourAmazon et à plus de quatre milliards d’eu-ros pour l’ensemble du e-commerce. Cesystème est au cœur du modèle car il per-met de proposer des produits 20 % moinscher, et ainsi de gagner des parts de mar-ché. C’est de la concurrence déloyale.

Comment l’État réagit-il ?La mise en place d’une taxe « GAFA »

depuis 2019 semblait être une bonne idéemais son montant s’avère au final symbo-lique (2). De toute façon, la firme l’a reportésur les vendeurs de sa plateforme en aug-mentant les frais facturés.

Par ailleurs, en 2017, le groupe a bénéfi-cié de 5,6 millions d’euros au titre du Cré-dit d’impôt pour la compétitivité et l’em-

ploi (CICE). À comparer aux 8,2 millionsd’euros d’impôts payés cette année-là parla multinationale. Le CICE a été mis en placepour accroître la compétitivité et créer desemplois : Amazon avait-il besoin de l’aide del’État pour accroître sa compétitivité? Quelintérêt de soutenir une entreprise qui écrase

le commerce français ? Emma-nuel Macron encourage claire-ment le développement d’Ama-zon France. Il a exclu lesentrepôts de e-commerce dumoratoire interdisant l’implan-tation de zones commercialesde plus de 10 000 m² sur un solnon artificialisé, prévu par la loiClimat.

Quelles sont lesrevendications d’Attac enmatière de fiscalité ?

La limite entre l’optimisationet la fraude fiscale est ténue.Tout cela manque de transpa-rence. Nous demandons quetoutes les multinationales paientleur juste part d’impôt. Il faudrait

pour cela regarder ces entreprises commeun tout et déterminer quelle part d’activitéelles réalisent pays par pays, pour appli-quer les impôts en vigueur.

Nous exigeons aussi le remboursementdes TVA non versées par les vendeurs etune législation plus contraignante pour queles vendeurs soient obligés d’établir un cer-tificat de vente auprès d’Amazon et puis-sent être identifiés par les États.

Mais l’urgence est d’obtenir un moratoirepour donner un coup d’arrêt à la construc-tion des entrepôts et prendre le temps dela réflexion pour mener des études d’impactssur le développement du e-commerce. C’estpourquoi Attac s’implique dans les lutteslocales un peu partout en France. n

Propos recueillis par Marie Gazeau

(1) Association pour la taxation des transactions finan-cières et l’action citoyenne – france.attac.org(2) Taxe sur les services numériques : à hauteur de 3 % desrecettes tirées des prestations de ciblage publicitaire quis’appuient sur les données collectées auprès des inter-nautes, notamment via les moteurs de recherche et lesréseaux sociaux, et des prestations de mise en relationentre internautes, en particulier les places de marché. Elleconcerne 26 entreprises actives en France, principalementGoogle, Apple, Facebook et Amazon (les GAFA).

La fraude fiscale au cœur du systèmePour assurer des prix bas, Amazon se faufile dans les failles des législations fiscales et sociales de chaque État.Interview de Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac-France (1), dont la Confédération paysanne est un des membresfondateurs.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / III

Les élus locaux cèdent au chantage à l’emploiSi le géant du e-commerce a ses entrées au gouvernement, il sait aussi s’y prendre avecnos élu·es locaux.

Pour livrer au plus vite, il faut disposer d’entrepôts au plus près des client·es. Rien de tel quela mise en place d’une petite compétition entre territoires pour trouver les meilleures aubaines.Amazon vise souvent des terrains à proximité des aéroports ou grands échangeurs routiers. Ilprivilégie ensuite les territoires qui souffrent d’une récente déprise industrielle et promet lacréation d’emplois. Il n’en faut pas plus aux élu·es locaux pour dérouler le tapis rouge : construc-tion de routes, dégrèvement fiscal et discrétion assurée.S’ils cherchent à séduire les élu·es, les géants du e-commerce avancent souvent masqués auxyeux du grand public. C’est un promoteur (PRD, Argan, Goodman, ou autre) qui fait l’inter-médiaire entre les municipalités et l’entreprise logistique et fait même signer des accords deconfidentialité aux élu·es. La firme américaine peut ainsi avancer et ses détracteurs ne serontau courant du projet que lorsqu’il sera à un stade bien avancé. Les mairies peuvent faire bar-rage à certains projets mais il suffit alors de déplacer de quelques kilomètres l’entrepôt prévupour qu’Amazon puisse quand même desservir le bassin commercial ciblé.

Pour Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac-France : « Emmanuel Macron encou-rage clairement le développement d’Amazon France. » Attac est à l’initiative de lacampagne « Stoppons Amazon avant qu’il ne soit trop tard » : stop-amazon.fr

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Face à la pression des syndicats auxÉtats-Unis, Amazon a fini par afficherun objectif de neutralité carbone à

l’horizon 2050. Pour y arriver, la firme pro-met de se doter de 100 000 utilitairesélectriques d’ici 2030. Mais cela repré-sente à peine 10 % des camionnettesqu’elle utilise chaque jour dans le monde.

Ce n’est pas la seule incohérence relevéepar les Amis de la Terre, Attac et la fédéra-tion de syndicats Solidaires dans leur rap-port de 2019, Immersion dans le modèleAmazon. Le bilan carbone présenté par legéant du e-commerce pour sa « place demarché » prend en compte les livraisons dela plateforme logistique au client final. Mais

le transport des marchandises depuis lespays producteurs, principalement en Asie, versles ports et aéroports américains ou euro-péens, ainsi que l’acheminement jusqu’auxentrepôts, semblent avoir été oubliés. C’estdommage quand on sait que le transport paravion émet six à sept fois plus de gaz à effetde serre (GES) que le transport par camion.

Et pour assurer les livraisons en 24 heures,la voie des airs s’impose. En 2019, Amazona transporté 29 % de produits en plus paravion qu’en 2018. Elle vient d’ouvrir une pla-teforme de correspondance aérienne à Leip-zig (Allemagne). Profitant de la chute du prixdes avions liée à la crise du Covid, AmazonPrime Air vient d’acheter 11 Boeing qui vien-

nent s’ajouter aux 70 que la compagnie déte-nait en leasing. En tout, plus de 80 Boeing,quand Air France en compte 300. Ce n’estpas un hasard si le projet de méga-entrepôtà Lyon est à deux pas de l’aéroport. Mais JeffBezos a promis de réduire les transports paravion quand il y aura assez de dépôts pourmailler le territoire : en attendant, il a prévude planter des arbres pour la compensationcarbone… Il est aussi prévu d’approvisionneret refroidir les data center avec de l’énergie100 % renouvelable : les vendeurs de pan-neaux solaires vont pouvoir faire choux gras.

En 2018, Amazon Web Services a émis55,8 millions de tonnes de GES, soit l’équi-valent des émissions du Portugal. n

La politique de prix bas imposée par lecommerce en ligne pousse à laconsommation. D’après Alma Dufour,

chargée de la campagne « surconsomma-tion » pour les Amis de la Terre-France :« En 10 ans, le secteur textile a perdu 17 %de son chiffre d’affaires, alors que la pro-

duction de vêtements a doublé ». Elleconstate qu’il existe une corrélation struc-turelle entre la baisse des prix et l’aug-mentation de la production. « Plus les prixsont bas, plus on est en capacité d’acheter,plus la production augmente. Et au sein desentreprises, pour produire à bas coûts, on va

chercher des économies d’échelles en pro-duisant des modèles basiques en masse ».Dans son rapport d’activité de 2019, EcoTLC (1) estimait que 42 vêtements et 15produits électriques et électroniques ont étécommercialisés par habitant·e en 2018 enFrance. Pour limiter le réchauffement à1,5 °C d’ici 2030, il faut diviser par 10 lamise en marché des textiles et par 3 les pro-duits électroniques.

Autre travers du système : les com-mandes passées au compte-gouttes parles particuliers ne permettent pas d’op-timiser la logistique, les camions ne par-tent pas toujours pleins des entrepôts,chaque commande compte en moyennedeux articles qui sont suremballés poursupporter le transport. Mais le gaspillagene s’arrête pas à la première livraison :environ un quart des produits doit êtrelivré une seconde fois avant de trouverpreneur. La gestion des invendus et lesretours clients ont généré la destructionde 3 millions de produits neufs en 2018par Amazon France (2). Pour finir, Amazonne respecte pas non plus les obligationsde reprise de déchets électroniques etélectriques auxquels sont soumis lesautres commerçants. n

(1) TLC : textiles, linge, chaussures – refashion.fr(2) Amazon, vendeur de destruction massive, Le Monde,11/1/2019.

Un bilan carbone repeint en vertLa livraison rapide de marchandises à l’unité est énergivore. Mais Amazon ne lésine pas sur sa communication enfaveur de l’environnement, quitte à afficher des chiffres tronqués.

Surconsommation et gaspillageLa guerre des prix bas fait augmenter la consommation de produits issus d’industries polluantes et la gestiondes entrepôts engendre une bonne part de gaspillage.

Dossier

IV \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Les terres agricoles : un bon argument de lutte. Un entrepôt de e-commerce artificialiserait en moyennetrois fois plus d’espace qu’une zone commerciale. Certains projets comme à Reims ou Champigny-sur-Marneont été abandonnés, notamment parce qu’ils étaient prévus sur des terres agricoles. Amazon semble avoirpris en compte cette spécificité et teste l’acceptabilité de projets sur des friches industrielles comme lesanciens sites de Ford, près de Bordeaux, ou de PSA, à Rennes.

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L’argument massue pour l’implanta-tion de nouveaux entrepôts est lacréation d’emplois. Alors qu’Amazon

affirme qu’il emploiera 14500 salarié·es enFrance d’ici la fin de l’année, l’OCDE estimeque l’e-commerce a provoqué la destructionnette de 80000 emplois entre 2009 et 2018et pourrait en détruire de 46000 à 87000 deplus d’ici 2028. La pandémie de Covid n’estpas seule responsable de la faillite d’enseignescomme André, Naf Naf, Camaïeu ou La Halle.L’e-commerce nécessite de 2 à 4,5 fois moinsde travailleurs pour produire le même chiffred’affaires (1). Le phénomène, bien connu auÉtats-Unis, a été baptisé « l’apocalypse ducommerce de proximité » et a conduit le

président Jo Biden à nommer Lina Khan, unejuriste considérée comme l’ennemie publiquenuméro un d’Amazon, à la tête de l’autoritéaméricaine du commerce.

En France, l’État ne bouge pas, au granddésespoir de Francis Palombi, président dela Confédération des commerçants deFrance. Il dénonce « une rupture d’égalitéentre les commerces physiques et les com-merces numériques qui pèse lourd sur lecommerce de proximité ». Les dés sont pipés.Même si certains proposent des livraisonsà domicile… Amazon est devenu le 1er clientde la Poste qui refuse de dire combien ellefacture l’envoi de colis au géant du e-com-merce. Un libraire indépendant qui sou-

haite vous envoyer ses commandes n’auracertainement pas la même prestation.

Amazon affirme pourtant soutenir les PMEfrançaises en leur proposant sa place demarché. Mais celles-ci ne représentent que4,7 % des vendeurs tiers du site amazon.fr.Si le potentiel des ventes peut être attrac-tif, les conditions imposées par la firme nefont pas rêver. En France, Amazon a étécondamné à une amende de 4 millionsd’euros en 2019 pour clause abusives enversles vendeurs qui souhaitent avoir accès à lamarket place. n

M.G.

(1) « Impact du e-commerce en France », Les Amis de laTerre, 2020

Transport ou commerce ? En surfantsur l’ambiguïté de son activité,

Amazon tire vers le bas lesconditions de travail de tou·tes ses

salarié·es.

Dans les entrepôts, les salarié·eschargé·es de préparer les com-mandes sont doté·es d’appareils

connectés qui leur annoncent en tempsréel la localisation des produits à aller cher-cher et l’endroit où les déposer. Ils et ellespeuvent marcher 15 km par jour et porterdes charges lourdes, tout en suivant lacadence. Les témoignages d’épuisement,troubles musculosquelettiques et licencie-ments pour inaptitudes ne manquent pas.Les livreuses et livreurs ne sont pas mieuxlotis. Une version uberisée existe déjà auÉtats-Unis, sous le nom d’Amazon Flex.Quiconque peut devenir livreur avec son véloou sa voiture et son portable. En allumantson téléphone, on reçoit une liste de colisà livrer et le temps imparti. Si on arrive àsuivre le rythme, on gagnera juste que quoi(sur) vivre, sans aucune protection sociale.

En France, Amazon fait appel à des tra-vailleuses et travailleurs détachés, payés auxsalaires de leur pays d’origine: au centre detri de Senlis (Oise), 40 des 200 salariés sontPolonais ou Espagnols. Les salariés françaisdépendent eux de la convention collective dutransport et de la logistique, moins favorableque celle des entreprises du commerce, notam-ment sur les primes, le travail de nuit et dudimanche. À ces conditions difficiles s’ajoute

la précarité de l’emploi. La moitié desemployé·es sont intérimaires. Pour les autres,les conditions de travail ne permettent pas vrai-ment de faire carrière dans l’entreprise… Surle site de Montélimar, les salarié·es en CDI nerestent pas plus de 2,5 ans en moyenne (1).

Difficile dans ces conditions d’organiser larésistance syndicale, même si à l’échelle inter-nationale, le collectif Amazon Employees for Cli-mate Justice a mobilisé plus de 1000 salarié·eslors de la grève mondiale pour le climat du27 septembre 2019. D’autres ont essayé dedénoncer le manque de moyens pour mettreen place les gestes barrières pendant la pan-démie de Covid-19. Mais il ne fait pas bonexprimer des revendications au sein de la firme.

Dernière menace qui plane sur les emplois :la robotisation des entrepôts. Aujourd’hui,un seul site en France (à Bretigny sur Orge,

Essonne) est équipé de plusieurs milliers derobots mobiles. Cet équipement reste horsde prix et rend l’entrepôt non délocalisable.Ce qui fait dire à David Gaboriau, sociologuedu travail, que cette menace est surtoutbrandie pour écarter du débat la questiondu traitement des salarié·es. D’autres voixsont plus inquiètes, comme celle de Soli-daires qui affirme que l’on comptait 7,7salarié·es pour un robot en 2015, contre4,7 salarié·es pour un robot en 2017. Du côtédes livreuses et livreurs, le centre derecherche de la firme à Clichy, près de Paris,travaille sur la possibilité d’effectuer deslivraisons par drones. n

(1) Cf. Le monde selon Amazon, Enquête dans les coulissesde la « machine à vendre », Benoît Berthelot, éditions duCherche Midi, 2019, 240 pages, 18 euros (ou, depuis jan-vier 2021 aux éditions J’ai lu, 7,40 euros).

Destruction massive de magasinsBien connu aux États-Unis, l’impact du e-commerce sur les commerces de proximité ne va pas tarder à se fairevraiment sentir en France.

Des conditions de travail déplorables

Dossier

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / V

Dans les entrepôts d’Amazon, les salarié·es chargé·es de préparer les commandes sont doté·es d’appareilsconnectés qui leur annoncent en temps réel la localisation des produits à aller chercher et l’endroit où lesdéposer. Ils et elles peuvent ainsi marcher 15 km par jour.

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Le commerce alimentaire est trois foisplus important que celui des autresdenrées. Après les livres, les vêtements

et les ordinateurs, l’alimentation est claire-ment la prochaine cible d’Amazon. Ne dis-posant pas de magasin et de logistique enfrais, la firme a noué un partenariat avecMonoprix (groupeCasino) et sa filialeNaturalia, spécia-lisée en produitsbio. À Paris et sesenvirons, Nice,Bordeaux, Lyon etMontpellier, le ser-vice Amazon PrimeNow permet de sefaire livrer toutesses courses (fraiset surgelé) en uneheure pour7,90 euros et endeux heures pour3,90 euros. Pour cefaire, des darkstores ont vu lejour dans les sous-sols citadins. Desmagasins sansclient, organiséscomme des super-marchés où lespréparatrices etpréparateurs de commandes font les coursespour vous. Grâce à ce partenariat, les ventesde Monoprix via Amazon Prime ont connuen 2020 une croissance trois fois supérieureà celle du marché. L’ogre s’en contentera-t-il, ou avalera-t-il Monoprix ou Naturaliacomme il s’est payé les magasins bio WholeFoods aux États-Unis ? Il a en tout cas pro-fité de l’occasion pour agréger des donnéessur le marché français et nos habitudes deconsommation…

Forts de ces informations, Amazon a pu serendre compte qu’il est difficile dans cesecteur de se développer sans magasin phy-sique. Qu’à cela ne tienne, le concept de nou-veaux magasins connectés Amazon Go, déjàen place aux États-Unis depuis trois ans,vient d’arriver à Londres et sera bientôt enAllemagne. Amazon Go est un supermarchésans caisse. Il suffit de télécharger une appli-cation sur son téléphone que l’on présenteà l’entrée du magasin pour ouvrir le portillon.

Muni d’un caddie connecté, on y déposechaque produit acheté après avoir pris soinde le scanner. À la sortie, pas de caisse nide paiement. Le prélèvement est directe-ment fait via son compte Amazon et onreçoit une facture par mail. Plus besoin defaire la queue.

« Si on transpose ce qu’ils font déjà sur lenon-alimentaire, on voit qu’ils veulent sepositionner là aussi à la place du distributeur»,explique Adrien Montagut, militant d’Al-ternatiba en charge du dossier Amazon (1).« Avec du fret aérien et des entrepôts quirespectent la chaîne du froid, Amazon peutentrer dans la grande distribution. On auraune concurrence exacerbée par sa “place demarché”. Ce sera pire qu’avec Leclerc, Car-refour et les autres. Pour caricaturer, on peutimaginer la livraison par drone de produits biodu Guatemala en 24 heures. »

La grande distribution est un peu à latraîne en termes de e-commerce. Sesenseignes ont développé le service click andcollect pendant la crise Covid mais la livrai-son à domicile coûte trop cher pour êtregénéralisée. Leclerc tente l’offensive dans lesgrandes villes avec des livraisons à domi-cile et des « drives piétons », une vacancecommerciale en centre-ville qui permet de

préparer des commandes pour livraison àdomicile ou pour que les clients passentles chercher à pied.

Mais la défense s’organise. Bonne nou-velle : la France est championne européennede la contestation anti-Amazon et cetterésistance connaît quelques victoires. Quand

un peu partoutdans le pays fleu-rissent des projetsd’entrepôts, unpeu partout se for-ment des collec-tifs pour s’y oppo-ser. LaConfédérat ionpaysanne est pré-sente aux côtés denombreuses asso-ciations, syndicatset partis poli-tiques. Toutes ceso rga n i s a t i o n sdemandent l’arrêtdes projets encours et un mora-toire sur l’exten-sion du e-com-merce, du tempspour étudier lesimpacts sur l’em-ploi, l’environne-ment, les recettes

publiques, le traitement de nos donnéespersonnelles… La convergence des luttesfait un grand pas en avant grâce aux géantsdu e-commerce. n

M.G.

(1) alternatiba.eu

Prochaine étape : notre frigo !Pour s’attaquer aux livraisons de produits frais, Amazon a déjà testé aux États-Unis plusieurs stratégies.Elle commence à les développer en Europe.

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VI \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Se délivrer d’AmazonAvec le prix unique du livre et des milliersde librairies encore présentes partout enFrance (dont certaines proposent la livrai-son), nous pouvons aisément éviter Amazon,même en attendant quelques jours pourrecevoir ou aller chercher la commande.Pour des livres d’occasion : recyclivre.com oule rayon livres de la boutique Emmaüs : label-emmaus.co/fr.Plusieurs sites existent pour trouver deslivres neufs, vous les faire livrer, ou les récu-pérer chez un libraire proche de chez vous :lalibrairie.com, placedeslibraires.fr, librairiesindependantes.com

Le chariot connecté des magasins Amazon Go, supermarchés sans caisse déjà implantés en Europe, à Londres etbientôt en Allemagne. On y dépose chaque produit acheté après avoir pris soin de le scanner avec son smartphoneet l’application correspondante. À la sortie, pas de caisse, le prélèvement est fait via son compte Amazon et onreçoit une facture par mail.

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J’ai mené mon engagement contreAmazon au côté d’Alternatiba-ANVRhône (1). J’ai rejoint ce « mouve-

ment citoyen » début 2020. Un de ses prin-cipes m’a beaucoup plu : dénoncer, résisterface aux modèles destructeurs de notresociété et de notre environnement, et simul-tanément proposer des alternatives.

La campagne d’actions contre Amazon adémarré en 2020. Nous nous opposons à lastratégie de surproduction de la firme quigénère de la surconsommation en dépit deses conséquences sociales et environne-mentales. Lors de ma première action, nousnous sommes opposés à la construction d’unnouvel entrepôt à Saint-Exupéry, près del’aéroport de Lyon. Nous avons dénoncé laculpabilité du gouvernement dans cetteexpansion destructrice. Nous avons sollicitéplusieurs députés de La République en Marchefavorables à l’expansion, dans leurs perma-nences, pour leur faire entendre raison etqu’ils acceptent enfin la proposition de mora-toire sur les entrepôts de e-commerce.

Ma deuxième action a eu ce 17 avril. Ama-zon développe en France et à l’étranger des

partenariats avec des enseignes de distri-bution de l’agroalimentaire, notammentMonoprix et sa filiale bio Naturalia. Amazonsouhaite livrer les produits de ces enseignestoujours plus vite et étendre sa mainmisesur tout le secteur agroalimentaire, court-circuitant les producteurs locaux. Nous avonsorganisé une pièce de théâtre satyrique pourdénoncer les pratiques de la firme et faire

passer notre message de consommer local,en lien avec les paysan·nes. La Confédéra-tion paysanne a participé à cette action. Enespérant que cela puisse se poursuivre : onne va pas s’arrêter là ! n

Rémi Lambert,

paysan-maraîcher dans le Rhône

(1) alternatiba.eu/rhone

ÀDambach-la-Ville, en Alsace, Amazonavait lancé un projet d’entrepôt de150000 m2. Habitant la commune,

cette nouvelle m’avait révolté, en tant quecitoyen comme en tant que paysan!

Grâce à un journaliste local, l’info nous estparvenue en amont, quand le projet n’étaitpas encore trop avancé, ce qui nous a per-mis de lancer une discussion citoyenne. Plu-sieurs associations se sont mobilisées, coor-données par le Chaudron des alternatives,un collectif qui avait vu le jour auparavantpour dénoncer les grands projets incohérentsde la région et proposer des alternatives.Nous avons constaté que les populationslocales n’ont que très peu d’informationset de compréhension sur ce type de projetet ses nombreuses conséquences : bétoni-sation, défiscalisation, impact sur le com-merce local, trafic routier, impact paysager,emplois dégradants…

Notre démarche a surtout consisté à pro-poser un projet alternatif. Le seul argumentdonné par les défenseurs du projet étantl’emploi, nous avons voulu démontrer qu’il

est possible d’en créer bien plus et de bienmeilleurs, d’une manière différente, en res-pectant nos terres et nos vies.

Amazon a depuis renoncé à son projet surce site. Difficile de connaître l’origine de cerenoncement: mobilisation citoyenne forte?Autres projets plus avancés, plus rentables?

Élus locaux refroidis par les contre-argu-ments? Sans doute un peu de tout ça. Unebelle victoire pour nous, mais la lutte conti-nue sur Ensisheim, à 60 km plus au sud, contreun projet encore plus grand, de 190000 m2

d’entrepôts sur des terres agricoles! nFlorian Beck Hartweg, paysan-vigneron en Alsace

« Amazon nous prend tout, même le chou ! Tout ça pour du blé… »

À Dambach-la-Ville, la lutte est victorieuse !

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Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / VII

À Lyon, le 17 avril. Manifestation devant un magasin de la chaîne Naturalia (Monoprix), dont les produits biosont disponibles dans certaines villes (Paris, Nice, Lyon et Bordeaux) sur la « place de marché » Amazon PrimeNow, livrables en deux heures.

Toujours pertinent aprèsl’abandon du sitepar Amazon, Alterzone,un projet alternatifà l’implantation d’entrepôtsde la firme à Dambach-la-Ville :chaudrondesalternatives.fr

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Quand tu es paysan ou paysanne,Amazon, c’est un monde lointain.Tu ne te sens pas vraiment

concerné, ou peu, ou de loin… Tu te sou-viens juste qu’il s’agissait au départ devendre des livres. Puis tu réalises qu’Ama-zon vend désormais bien d’autres choses…De fait, trouver tout ça chez tes commer-çants habituels devient de plus en plus com-pliqué. Ils doivent eux-mêmes commanderce dont tu as besoin, et c’est long. Foutuehistoire de flux tendu.

Et puis tu apprends qu’une plateformelogistique géante va se construire à quelquescentaines de mètres de ta ferme : c’est lequotidien régional Sud-Ouest qui l’annonce.Une plateforme XXL, pour le e-commerce,pour Alibaba, le concurrent chinois d’Ama-zon. Jack Ma, son fondateur milliardaire, adéjà fait parler de lui dans la région puis-qu’il y a acheté des châteaux viticoles dansle Bordelais.

Très vite, tu visualises ce que signifie pla-teforme logistique : une noria de camions etautres véhicules, de la lumière 24 heuressur 24, la fin du silence, la fin des étoiles ; etla fin de tes projets d’accueil. Te voilà doncmaintenant directement concernée par Ama-zon, ses sosies chinois, indiens, qu’importe.

Peu à peu, tu prends connaissance desconséquences multiples et désastreuses deces projets logistiques sur cette zone. L’au-toroute A63 est à 3 km, mais nous sommesen plein cœur du Parc naturel régional (PNR)des Landes de Gascogne, dans la vallée dela Leyre, en pleine création d’une Réserveinternationale de ciel étoilé… À quelquescentaines de mètres en aval, sont réperto-riées deux zones naturelles d’intérêt éco-logique (Znieff) et une zone Natura 2000.Des dizaines, voire plus d’une centaine d’es-pèces protégées sont concernées, en comp-tant les oiseaux en halte migratoire, toutcomme un site patrimonial classé.

Plus de sept hectaresd’entrepôts

Que fait ce projet de 72 000 m2 d’entre-pôts sur 15 m de hauteur dans une zonehumide fonctionnelle ? Que fait ce projetcomposé de cellules industrielles – dontune pour produits dangereux et hautementinflammables – au milieu du massif landaisqui a été à deux doigts de la catastropheincendiaire l’été dernier ? Que fait-il àquelques centaines de mètres (et sous lesvents dominants), d’un « quartier » peupléde plusieurs centaines de personnes ? Que

fait ce projet qui augmentera le trafic rou-tier d’environ 4 % sur l’autoroute alors quecelle-ci est déjà saturée, vectrice d’une pol-lution aux particules fines rendant déjàrégulièrement « déconseillée » la pratiqued’un exercice physique alentour dès qu’unanticyclone s’installe ?

Le 15 juin 2020, au sortir du premier confi-nement, 80 personnes se sont rassembléesspontanément à la ferme. Le soir même, lacoordination Touche pas à ma zone humideétait créée (2). Elle rassemble techniciens etexperts environnementaux, amoureux dela nature et de ce territoire. Non, notre cielétoilé, ils ne l’auront pas, mais il va falloirse battre !

La particularité de notre mouvement est qu’ildoit lutter contre un projet dont les modali-tés ne sont pas encore vraiment publiées, etles habitant·es ont du mal à y croire. Nousagissons donc en rendant public tout ce quenous pouvons, en restant dans les limiteslégales, et en essayant d’établir le dialogueavec les élu·es, avec le PNR, en nous rendantà chaque réunion réelle ou en ligne, en publiantsans relâche. Nous avons déjà organisé desactions de découverte de la zone, une confé-rence en ligne sur le lien entre zones humideset climat, un pique-nique citoyen, une distri-bution de tracts, des pétitions, le lancementd’une cagnotte destinée aux frais d’impres-sion puis aux futurs recours, une marche pourle climat devant la mairie… Bref, nous agis-sons en véritable poil à gratter.

Suite à la plainte de notre mairie (contre X,mais dirigée contre notre coordination), età l’heure où nous allons être forcémentconfrontés sous peu à l’enquête publique, avectrès peu de temps pour réagir, l’heure est sansdoute venue de changer de cap, d’être moinspédagogue et plus actif. Pour ma part, jereste optimiste : il ne se passe pas de semainesans que je voie arriver à la ferme des jeunesqui veulent sortir du système productiviste.

Camarades paysan·nes, le monde d’Ama-zon nous concerne toutes et tous : il y va denotre responsabilité de le laisser s’infiltrer dansnotre vie, ou pas, il y va de notre responsa-bilité que le monde d’après ne soit pas celuid’Amazon, ni celui de ses alter ego. n

Annie Montrichard

(1) ferme-des-bleuets.fr(2) touchepasamazh.wordpress.com

Ils n’auront pas nos étoiles !Annie Montrichard est paysanne à Belin-Beliet, en Gironde, à 45 km au sud de Bordeaux (1). Elle est à l’origine de lacréation du collectif Touche pas à ma zone humide mobilisé contre un projet géant de plateforme industrielle porté parAlibaba, le concurrent chinois d’Amazon.

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VIII \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Le 17 avril, la coordination Touche pas à ma zone humide appelait à un rassemblement devant la mairie deSalles dont l’édile est le président de la Communauté de communes du Val de l’Eyre, collectivité concernéepar le projet d’entrepôts. La manifestation entrait dans le cadre de la 3ème journée nationale contre les grandsprojets imposés et la réintoxication du monde. Depuis juin 2020, la coordination lutte contre un projet qui pré-voit l’artificialisation de 19 hectares, dont 13 hectares en zone humide, dans la commune de Belin-Béliet

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En juillet 2019, j’étais sollicitée pour fairel’édito d’un numéro de Campagnessolidaires dont le dossier présentait le

renouveau des épiceries de campagne et là,c’est pour faire la conclusion d’un dossier surAmazon: nous sommes aux antipodes.

L’activité commerciale des premières s’ac-compagne d’une revitalisation des terri-toires ruraux, encourage la solidarité, laconvivialité, l’autonomie, la dignité, s’allieaux activités culturelles, crée du lien pouraméliorer notre quotidien… quand celled’Amazon et de ses concurrents-semblablesfinit de vider les centres-villes de leurs com-merces, incite à la frénésie consommatriceet stérile du « tout, tout de suite » – uneenvie d’achat naissant sitôt la précédenteassouvie –, sans plus de respect pour leursfournisseurs que pour leurs salarié·es.

Après les luttes contre Mac Do et son monde,Vinci et son monde, Bayer, Monsanto, Bolloré,Lactalis et bien d’autres, nous voilà, paysanset paysannes, une nouvelle fois aux côtésd’une part grandissante de la société à refu-ser et combattre Amazon et son monde.

Leurs mondes : toujours le même, celui duprofit sans limite qui s’assoit sur l’intérêtgénéral, le fonctionnement harmonieux dessociétés, le respect des humains, du vivantet de la Terre, l’utilisation parcimonieusede ressources.

Leur monde qui abolit le temps et les dis-tances, s’affranchit des spécificités et descontraintes des territoires, détruit les cul-tures, efface les particularités, réduit notrehumanité.

En nous opposant à Amazon, nous voilàune nouvelle fois à lutter contre l’artificia-lisation continue des sols par l’agrandisse-ment de zones commerciales sur des terresfertiles, souvent en périphérie des villes,villes qui, à l’origine, ont été construitesdans les endroits propices à la productionalimentaire de leurs premier·es habitant·es.Cette extension des zones urbaines se pour-suit donc au détriment de surfaces agri-coles pourtant nécessaires pour atteindrenotre souveraineté alimentaire (expressiondésormais reprise pour être dévoyée par laFNSEA et son ministre de l’agriculture).

Activités climaticidesAdoptée le 4 mai par l’Assemblée natio-

nale, la loi « Climat et résilience » – pro-posée suite aux constats des conséquencesdramatiques du dérèglement climatique etaux travaux de la Convention citoyennepour le climat – ne s’oppose en rien à cesactivités climaticides. Elle les entérine, même,en excluant les surfaces des entrepôts dee-commerce des restrictions imposées pourréduire l’artificialisation. Un comble !

La relocalisation, apparue comme une évi-dence aux yeux de tou·tes suite au premierconfinement, n’est en aucune façon sou-tenue par ce mode de commercialisation quiprétend fournir partout et immédiatementtout ce qui peut être produit sur notre pla-nète. L’alimentation, au cœur de notremétier, est maintenant visée. La « grandedistribution » et ses « supermarchés »avaient déjà imposé un tempo, une stan-

dardisation et des volumes destructeurspour notre revenu, notre qualité de travail,la qualité de nos produits, nos savoir-faire.Le e-commerce, avec ses « places de mar-ché » sur internet, va accélérer ce proces-sus, creusant encore plus profond le fosséentre la production agricole et les alimentsqui finissent dans nos assiettes (ou dans nospoubelles).

Mais nous ne devons pas nous résigner. Lemouvement des soulèvements de la Terre,dans lequel s’est engagée la Confédérationpaysanne, constate que « nos luttes commenos alternatives sont absolument nécessairesmais, séparées les unes des autres, elles sontimpuissantes. Syndicalisme paysan, mouve-ments citoyens, activismes écologiques, agi-tations autonomes, luttes locales contre desprojets nuisibles, ne parviennent, seuls, àrenverser la situation. Il est nécessaire d’unirnos forces pour impulser et inventer des résis-tances nouvelles, à la mesure du ravageauquel nous assistons stupéfait·es. » Il aentamé un bras de fer contre l’artificialisa-tion (cf. CS n° 372) qui sera suivi d’actionspour revendiquer une répartition juste desterres pour des paysannes et paysans nom-breux, à même de relever les défis qui nousattendent.

Car « entre la fin du monde et la fin de leurmonde, il n’y a pas d’alternative ! »(1).n

Véronique Marchesseau,

paysanne dans le Morbihan,

secrétaire générale de la Confédération paysanne

(1) lessoulevementsdelaterre.org

Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n’y a pas d’alternative !

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Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / IX

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DSI : qu’es aquò ?L’actualité en offre un bon exemple : les

deux produits autorisés à la commerciali-sation pour faire face à la pandémie deCovid-19. Pour élaborer des tests et des vac-cins, il fallait autrefois disposer du microbeou du virus visé, soit pour l’utiliser en tota-lité ou partie, soit pour analyser ses com-posants et en faire des copies approxima-tives par synthèse chimique. L’accès à laressource génétique physique était indis-pensable pour élaborer les produits issusde son exploitation. Avec la biologie desynthèse, il suffit désormais d’accéder à lasuccession de lettres symbolisant les réac-tions chimiques des automates chargés deséquencer le génome du virus, numériséepour pouvoir être saisie par la toile vir-tuelle de l’internet et par des algorithmesinformatiques. Les laboratoires occiden-taux ont en effet conçu les tests et les pre-miers vaccins, dès janvier 2020, sans lemoindre virus physique. Le télécharge-ment de ses informations séquentiellesnumériques leur a suffi. La seule DSI duvirus a ainsi permis de générer les milliards

de dollars que rapportent aujourd’hui lesbrevets qui assurent le monopole d’ex-ploitation de ces deux produits.

Cet exemple n’a pas ici pour objet d’abor-der les controverses sur la fiabilité, les béné-fices et les risques de ces nouvelles armesgénétiques sorties tout droit de la biologiede synthèse programmée par la matricevirtuelle de l’intelligence artificielle (etfinancière !) de l’industrie pharmaceutique.Il n’est évoqué que pour illustrer lesimmenses enjeux financiers et géopoli-tiques liés aux DSI.

Le Protocole de Nagoya aurait en effetvoulu que l’accès à la ressource génétique(le virus) qui a permis de concevoir ces nou-veaux produits soit soumis à l’accord préa-lable du pays d’origine, après signatured’un contrat de partage équitable des béné-fices issus de son utilisation. Si la Chineabrite incontestablement un des centresd’origine de virus sauvages potentiellementancêtres du virus humanisé, aucun pays nerevendique être le centre d’origine du Sars-Cov-2. Les chercheurs chinois qui ontséquencé le génome d’un variant présent

au laboratoire de Wuhan ont mis lerésultat en accès libre sur internet,comme un bien public mondialsans condition de partage des béné-fices. Mais les pays occidentaux(UE, USA) considèrent que ces DSI– auxquelles leurs laboratoires onteu accès gratuitement – ne sontpas des ressources génétiques sou-mises aux règles du Protocole,mais de simples « données » issues

de la « Science ». Dès lors, les pays « duSud » qui réclament que les vaccins issusde ces DSI soient eux aussi des biens publicsmondiaux, afin de pouvoir les fabriquer etles utiliser librement, se heurtent au refusdes pays occidentaux d’abolir les brevetsqui garantissent leur monopole d’exploi-tation. La Chine s’est, par contre, engagéeà faire des vaccins développés par ses labo-ratoires selon des techniques tradition-nelles (virus ou portions de virus tués) des« biens publics mondiaux » ≤(2).

Main basse sur les semencesnatives

Les laboratoires qui conçoivent lessemences, les animaux et les micro-orga-nismes de l’agriculture et de l’alimentationdu futur – telles que l’imaginent les socié-tés transnationales qui contrôlent la chaînealimentaire industrielle mondiale – appli-quent les mêmes procédés que les grandesfirmes pharmaceutiques.

Prenons l’exemple des nouvelles semences.Elles ne sont plus sélectionnées par des cher-cheurs et chercheuses qui croisent des grainesphysiques dans des parcelles d’expérimen-tation, les irradient et/ou manipulent leursgènes dans des laboratoires. Elles sontconçues par des ordinateurs disposant d’uneénorme puissance de calcul. Leurs algo-rithmes croisent des bases de données de DSIde millions d’échantillons de semences, col-lectés dans les champs des paysan·nes dumonde entier et conservées dans les congé-lateurs des banques de semences publiques,avec les bases de données des connaissances

Les informations séquentielles numériques pourbreveter la natureDepuis l’entrée en vigueur en 2014 du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques (1), un nouveau sigleenflamme tous les débats internationaux sur la biodiversité : DSI pour Digital Sequence Information ou, en français,« information séquentielle numérique ». Explications et enjeux.

Biodiversité

14 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Retour sur une formidable mystification scientifiqueLa contestation des OGM a révélé aux paysan·nes comme au grand public que lesgrands semenciers sont prêts à tout pour empêcher les agriculteurs et agricultricesd’utiliser le grain qu’ils et elles récoltent. Pour Jean-Pierre Berlan, ancien économistede l’Inra et auteur de chroniques remarquées publiées dans Campagnes solidaires en 2000et 2001, cette confiscation du vivant à des fins de profit ne date pas d’hier, commeil l’explique dans un triple article publié sur le site de la Confédération paysanne, encomplément de ce numéro de Campagnes solidaires.À lire sur : confederationpaysanne.frDans La Planète des clones, paru en 2019 aux éditions La Lenteur, Jean-Pierre Ber-lan revient sur la grande innovation agronomique du XXe siècle, le maïs hybride,destinée à faire croire que les semences mises au point par des chercheurs sontplus productives que le grain récolté dans les champs. Un livre qui se lit commeune enquête policière et démasque l’imposture du progrès le plus célébré de lascience agronomique.

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paysannes dites « traditionnelles » sur lesintérêts de chacun de ces échantillons afind’identifier les DSI liées aux caractères sus-ceptibles d’un intérêt économique de diversesplantes. Les firmes vont ensuite chercherdans les bases de données de leurs proprescollections de semences celles qui contien-nent ces mêmes DSI. Ce n’est qu’ensuitequ’elles confient à leurs généticiens molé-culaires et à leurs sélectionneurs la tâche demanipuler les gènes de leurs variétés élitesafin qu’elles expriment ces caractères d’in-térêt économique. Elles utilisent ainsi lessemences des communautés paysannes oude leurs concurrents et leurs connaissancessans leur consentement préalable et sanspartage des avantages. Ce qui ne les empêchepas d’exiger par la suite des droits de licencepour l’utilisation de toute plante contenantl’information génétique brevetée qu’elles enont tirée, y compris pour les semences pay-sannes produites par les communautés quileur ont fourni les ressources génétiquesqu’elles ont utilisées.

Du meilleur vers le pireLe Traité international sur les ressources

phytogénétiques pour l’alimentation et l’agri-culture (TIRPAA) – en vigueur depuis 2004,gère l’accès aux semences de la plupart descollections publiques mondiales en échangede promesses de partage des avantages (3) –interdit tout brevet ou autre droit de pro-priété intellectuelle qui limite l’accès auxsemences qu’il fournit, à leurs parties ou àleurs composantes génétiques (4). Avec latransgenèse, le transgène est une construc-tion génétique originale qui ne peut êtrecontenue dans aucune des semences « natu-relles » fournies par le TIRPAA. Mais le bre-vet ne porte plus comme le COV (5) sur unevariété qui, même avec force engrais chi-miques et pesticides, ne peut être cultivéeque dans certaines régions du monde. Ilporte sur des gènes qui peuvent être intro-duits dans de multiples variétés de multiplesespèces cultivées sur toute la planète, ainsique sur toute plante cultivée contaminée parces gènes brevetés. Les sommes en jeu sont

donc bien supérieures àcelles garanties par lesméthodes de sélection« traditionnelles » cou-vertes par le COV, elles-mêmes bien supérieuresà celles issues des ventesoccasionnelles desemences paysanneslocales. Le prétenduprogrès génétique quiirait des semences pay-sannes jusqu’aux nou-veaux OGM n’est enfait qu’un choix demodèle économiquequi, au contraire duprogrès, va dumeilleur vers le pire.

Avec les nouvelles techniques génétiques,l’industrie semencière prétend faire « la mêmechose que la nature ». Elle décrit les caractèresbrevetés de ses nouvelles plantes d’une manièrequi ne permet pas de les distinguer de carac-tères «pouvant exister naturellement ou être obte-nus pas des méthodes de sélection tradition-nelles». Elle ignore délibérément les multiplesmodifications non intentionnelles résultantde ses manipulations génétiques qui n’exis-tent jamais dans la nature. La portée de sesbrevets ne se limite ainsi plus aux seulesplantes issues de son invention, à leur repro-duction et aux plantes contaminées par ungène breveté. Elle s’étend à toute plante por-tant la même « information génétique », ycompris les plantes « natives » issues de sélec-tion traditionnelles ou paysannes et non del’invention brevetée.

Deux obstacles s’opposent encore à cettenouvelle biopiraterie :

• l’interdiction faite par le TIRPAA debreveter les composantes génétiques dessemences qu’il fournit. Les pays occiden-taux tentent aujourd’hui de contournercette interdiction en estimant que les DSIdes ressources génétiques ne sont pas desressources génétiques et que l’accès à cesDSI ne leur interdit donc pas de les bre-veter ;

• l’obligation découlant de la réglemen-tation européenne sur les OGM d’indiquerle procédé permettant de distinguer chaquenouvel OGM et tout autre organisme. L’in-dustrie tente aujourd’hui de modifier cetteréglementation pour en exempter les OGMissus des nouvelles techniques de modifi-cation génétiques.

Au-delà des semences, c’est le brevetage detoute la nature qui est en jeu dans cettebataille mondiale autour des DSI et des nou-veaux OGM. L’industrie espère profiter duconfinement des mouvements sociaux résul-tant de la pandémie de Covid-19 et de l’illu-sion créée par ses nouveaux vaccins géné-tiques pour faire passer ses projets. Rienn’est encore perdu, mais rien ne sera gagnésans une forte mobilisation des paysan·neset de la société civile. n

Guy Kastler

(1) Protocole qui décrit les modalités d’application par lesÉtats des obligations de consentement des pays, et éven-tuellement des communautés d’origine, préalable à toutaccès à une ressource génétique et de partage équitable,monétaire ou non monétaire, des avantages résultant deson exploitation.(2) lefigaro.fr/societes/covid-19-le-vaccin-chinois-de-sinopharm-efficace-a-79-20201230(3) Qui ne sont quasiment jamais respectées.(4) Article 6.2 de l’accord de transfert de matériel.(5) Certificat d’obtention végétale.

Biodiversité

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 15

Comprendre en BD la privatisation du vivantLes DSI s’inscrivent dans une déjà longue histoire. Dans un scénario qui allie lavie présente d’une paysanne (pages couleur) et l’historique des entreprises semen-cières et des lois (pages en noir et blanc), la Confédération paysanne, le Réseausemences paysannes (RSP), et les Ami·e·s de la Conf’ se sont joints pour expli-quer – en 26 pages ! – l’histoire complexe de la semence. Scénario et dessin :Lognon. Une BD à lire sur : confederationpaysanne.fr/sites/1/cs/docu-ments/BD_format_web_26-03-18.pdf ou urlz.fr/fDzD

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Aujourd’hui âgée de 31 ans, Célinene vient pas d’une famille d’agri-culteurs, mais l’un de ses deux frères

ainés s’est aussi installé dans son départe-ment de jeunesse, les Deux-Sèvres.

C’est après deux masters en géographiequ’elle rencontre Fabrice, lui sortant d’unparcours d’études en musicologie. Elledécouvre alors la vallée de Campan, ber-ceau familial de son compagnon. Célinetombe sous le charme de la vallée qui couledu col du Tourmalet et du col d’Aspin versBagnères-de-Bigorre, surplombée par le picdu Midi. Elle se voit bien y rester. À cetteépoque, elle anime des colonies d’été avecFabrice.

L’opportunité de reprendre les terres fami-liales les décide à franchir le cap. Céline,inspirée par des amis maraîchers, se lancede même dans cet univers escarpé. Etpuisque personne n’en fabrique aux alen-tours, c’est en sorbets qu’elle valorise sa pro-duction, dans son atelier.

Pour pouvoir vivre de sa passion et assu-rer la pérennité de sa ferme, Céline neménage pas ses efforts. Même en ne culti-vant d’abord que 6000 m2 de terrain, lechoix de limiter au maximum la mécani-sation et de ne pas traiter chimiquementimplique un gros travail. Pourtant, d’annéeen année, la partie cultivée gagne du ter-rain. À la première parcelle de petits fruits,où s’épanouissent fraisiers, framboisiers,mûroises et autres groseilles, s’ajoutent desplanches de légumes et des rangs de frui-tiers francs et nanisants. Une manière decompléter la diversité des parfums de sor-bets proposés.

En 2020, une nouvelle serre a été mon-tée et plusieurs ares de prairies sont peuà peu transformés en verger-potager :« Avec Fabrice, nous avions travaillé l’hiverà la station de ski de La Mongie pour finan-

cer les nouveaux investissements. On n’avaitqu’un jour de congé par semaine pendantlequel on travaillait sur notre ferme. C’étaitcrevant ! »

Il n’est ainsi pas rare de voir Céline se leverà l’aurore. « Quelquefois, elle a passé la nuitau labo pour aller turbiner des sorbets la veillede gros marchés », raconte Fabrice.

Projet de couplePas évident de trouver une organisation

qui permette d’équilibrer le travail et la viede couple. Mais Céline et Fabrice sontdéterminés à vivre à fond leur aventuredans cette vallée qu’ils chérissent, en unis-sant leurs forces de travail. Quand Célinevaque à ses occupations dans le labora-toire, Fabrice entretient les jardins, et viceversa : « On est chacun capable de faire toutes

les tâches, mais on aime bien avoir notre petitchantier personnel », précise Céline.

Si vous passez les voir, vous découvrirezun bananier en escapade dans la serre, ouun poivrier du Sichuan, ou encore un ginkgo:des petits plaisirs personnels pour lesquelsils n’ont pas encore trouvé de vocation deproduction, mais ça ne saurait tarder ! Outreces plantes inhabituelles dans la région,Céline aime à introduire des espèces déco-ratives autant que gustatives comme les phy-salis vertes et violettes plantées aux côtés desplants d’aubergine dans la serre : « Ça ferades décors pour nos bûches glacées de Noël. »

En complément, elle profite des plantessauvages comme la consoude ou l’ortie pourla fertilisation et l’immunité de ses planta-tions. Elle fait aussi de la cueillette sauvagede fleurs de sureau pour ses sorbets.

Avec une telle panoplie d’espèces et devariétés, elle ne manque pas d’inspirationpour de nouveaux parfums. Elle en proposedéjà plus d’une trentaine : « Souvent, sur monstand au marché, on me demande une boulede vanille. Je dis que je n’en ai pas mais quej’ai mélisse ou fleur de sureau ! Pour nous,c’est une manière de participer à l’éducationau goût. Il nous arrive d’ailleurs de faire desateliers avec des écoles et des centres pourenfants autistes ». n

Céline, paysanne-sorbetièreDans les Hautes-Pyrénées, Céline Mermet cultive – principalement – des petits fruits. Une productionqu’elle transforme en de délicieux sorbets et glaces en bâtonnets dans son atelier à la ferme. Récit d’un parcoursagricole débuté en 2016.

Agriculture paysanne

16 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Paroles de paysansCet article est un résumé d’un texte plus long qui nous a été proposé par l’association Parolesde paysans. Sept étudiant·es en école d’ingénieur agronome s’engagent pour diffuser dessavoirs paysans, partant pour cela en « immersion » dans les fermes, en France et dans le monde :« Par nos expositions, nos articles, par les témoignages et les portraits d’agriculteurs rencontrésaux quatre coins du monde, nous espérons faire voyager le public à la découverte de celles etceux qui nous nourrissent… » Depuis juin 2020, l’équipe a entamé une série de portraits depaysannes, pour la plupart pyrénéennes. En attendant de pouvoir, peut-être, retourner au Pérouoù ils et elles étaient parties début 2020, un voyage rapidement écourté pour cause de Covid…parolesdepaysans.wixsite. com/parolesdepaysans

Céline Mermet produit dans son laboratoire à la ferme des sorbets et autres glaces en bâtonnets à partirdes fruits et plantes aromatiques qu’elle et son compagnon cultivent – sorbetsdetrassouet.wordpress.com

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Mixel Berhocoirigoin (cf. p. 5) a étéà l’initiative et un acteur essentield’un travail ayant abouti en 1998à la rédaction de la Chartede l’agriculture paysanneet à la définition de ses dix principespolitiques (1). À sa mémoire, nousreproduisons ici son intervention lorsd’un colloque organiséconjointement par l’Inraet la Confédération paysanne, prèsd’Arras (Pas-de-Calais),en octobre 2014 (2).

« Les enjeux environnementaux del’agriculture ne constituent pas unélément sectoriel que l’on pour-

rait isoler du tout, mais un élé-ment d’un enjeu plus global.

L’agriculture paysanne comportetrois dimensions : environnemen-tale, économique et sociale. Il fautétudier chacune de ces dimensionsdans sa globalité : pour que l’agri-culture soit efficace, il faut intégrerl’ensemble des coûts et des consé-quences sans les externaliser surd’autres secteurs ou d’autres générations.

Il faut non seulement que chaque dimen-sion soit performanteen elle-même, maisil faut aussi qu’ellecontribue à la perfor-mance globale. Cetaspect est fondamental, àmoins de considérer que leprix de la performance globale estpayé par ceux qui sont exclus. C’estpourquoi les Comptes de l’Agri-culture française sont posi-tifs d’année en année : ily a des paysans qui dis-paraissent.

La force de l’agri-culture paysanne estdans la cohérenceentre chacun de seséléments : des pay-sans nombreux répar-tis sur le territoire, qui doi-vent vivre dignement deleur métier, qui produi-sent une alimentation dequalité et qui préserventles ressources de demain.

Il ne peut pas y avoir performance sur unélément sans qu’il y ait performance sur lesautres.

Par exemple, le respect de la nature estune condition, elle est liée au nombre depaysans, à leur répartition sur le territoire,donc à leur revenu. La question du revenudes paysans doit faire partie des préoccu-pations majeures de tout responsable poli-tique agricole. Enfin, les paysans doiventêtre accompagnés par des dispositifs et deslogistiques adaptés dans le cadre d’un pro-jet global d’intérêt général. Or, cette logis-tique n’existe que trop peu et est trop sou-vent confinée dans une bulle.

Il a été dit (lors du colloque, NDLR) quela technologie n’est pas favorable à la

répartition des paysans sur le terri-toire. Non, la technologie est

comme le marché, elle doitêtre au service d’un pro-

jet. La technologie peutcasser ou construire un

territoire, elle n’a pasde sens en soi.

On peut partir de la nature et des enjeuxenvironnementaux pour reconstruire l’en-semble de la cohérence de l’agriculturepaysanne qui est une démarche globale,résumée dans ses dix principes et ses sixthèmes (3). À partir d’une seule entrée, onpeut reconstruire l’ensemble de la cohérencede l’agriculture paysanne, avec par exemplel’enjeu de l’utilisation des ressources abon-dantes et d’économie des ressources rareset non renouvelables. Cet enjeu est un desfondements de l’agriculture paysanne : l’au-tonomie. Il est lié à l’occupation du terri-toire, au nombre de paysans. Moins il y ade paysans, plus les terres difficiles à cul-tiver sont laissées de côté : plus de la moi-tié des surfaces agricoles perdues par laFrance sont des terres abandonnées du faitqu’elles ne sont pas conformes aux besoins(des modes de production intensifs, NDLR),l’autre moitié est perdue du fait de l’artifi-cialisation.

Dans le diagnostic « Agriculture pay-sanne », les notes des

différents thèmessont liées, lesthèmes sont

interconnectés lesuns et les autres (3) : à

partir de l’impact envi-ronnemental, on peut

découvrir la cohérence detoute l’agriculture paysanne,

mais on aurait pu partir d’un autrethème.

On peut tracer descercles : l’agrono-mie, l’eau, la bio-diversité, l’espacequi nous entoure,

l’environnement humain(les autres paysans), la société de façon glo-bale, le grand cercle des citoyens et desconsommateurs pour qui on travaille. Pourque ce grand cercle fonctionne bien, le pre-mier cercle doit bien fonctionner… et n’a desens que si le cercle final marche. » n

(1) agriculturepaysanne.org/La-Charte-de-l-Agriculture-paysanne(2) Localisation des productions agricoles dans les terri-toires, colloque organisé par l’Inra et la Confédération pay-sanne à Tilloy-les-Mofflaines, près d’Arras, les 21 et22 octobre 2014 – Actes publiés dans les Dossiers de l’Envi-ronnement de l’Inra, n° 36, février 2016.(3) agriculturepaysanne.org/Le-Diagnostic-Agriculture-paysanne-13

De l’environnement du point de vuede l’agriculture paysanne

Agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 17

La « marguerite » de l’agriculture paysanne et ses six pétales. Ces six thèmesémanent directement des dix principes politiques exprimés dans la Chartede l’agriculture paysanne. Ce sont les conditions de mise en œuvre, mais aussid’existence de cette agriculture. « La marguerite de l’agriculture paysanne étaitsans conteste sa fleur préférée », peut-on lire dans le numéro spécial que Labo-rari, le journal d’ELB, le syndicat basque adhérant à la Confédération pay-sanne, a publié le 14 mai en hommage à Mixel Berhocoirigoin – facebook.com/ehlaborarienbatasuna

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J’ai découvert récemment le livre Teplains pas, c’est pas l’usine – L’exploi-tation en milieu associatif, presque un

an après sa parution au printemps 2020,chez Niet ! Éditions.

Les autrices, Lily Zalzett etStella Fihn, y décryptent lesmécanismes insidieux qui inci-tent les salarié·es des associa-tions à s’auto-exploiter : heuressupplémentaires non compta-bilisées, réunions en soirée, tra-vail le week-end, accepter despostes au Smic alors qu’on aun Bac + 5… Elles mettent enévidence le fait qu’il est difficilede critiquer ce modèle car lemonde associatif bénéficie d’uneimage positive : les gens qui ytravaillent portent des valeurs,sont engagés, il y a un culteporté au dévouement à sonmétier. En gros, « pas le droit dese plaindre, ce que tu fais, c’estintéressant et c’est pour l’intérêtgénéral ».

Un premier chapitre rappelleles événements qui ont conduitles associations actuelles à êtredes prestataires de servicepublic, et comment, depuis lesannées 1970, les subventionsaffectées à des appels à projets(alors qu’elles étaient fléchéessur du fonctionnement aupa-ravant) reviennent à mettre enconcurrence les associations,selon une logique de marché.Les mécanismes d’aide publiqueorientent les actions (on fait lesprojets pour que ça rentre dansles cases du dossier de sub-vention) et les enferment dansun couloir de plus en plus étroit.

Le deuxième chapitre balayeles différents types de contratsde travail, qui ne sont que dubénévolat déguisé : services civiques, CUICAE… et leurs origines. Cette survalori-sation du dévouement conduit à l’accep-tation généralisée du travail gratuit : « J’ai150 heures supplémentaires mais si je lesrécupère, j’aurais encore plus de boulot enrevenant et c’est pas cool, ça va se reportersur mes collègues. » Les relations aux direc-trices et directeurs d’associations sont éga-lement mises en lumière : ambiguës, ambi-

valentes, « on est tous dans le même bateau »mais pas tout à fait… La difficulté à « cou-per » avec son travail est d’autant plus dureque l’on est souvent recruté pour ce quel’on est « socialement » en dehors de l’as-

sociation, et le temps « informel » passéà faire du réseau sur son temps libre n’estpas rémunéré.

Enfin, les autrices dénoncent l’exploita-tion du sous-prolétariat associatif et com-ment ce système associatif repose en grandepartie sur la précarisation des plus faibles.Soi-disant inclusives et prônant des idéauxd’humanisme et de justice sociale, les asso-ciations utilisent les mécanismes qu’elles

prétendent dénoncer, aggravant encore lesinégalités et l’injustice.

La fin du livre ouvre sur des pistes de résis-tance. Le premier pas est déjà d’avoirconscience de ces mécanismes : lire ce livre

participe à cette prise deconscience.

Ce livre m’a d’autant plusparlé que j’ai moi-même tra-vaillé, avant d’être paysanne,dans des structures associa-tives. Et j’ai eu une grossepensée pour les salarié·es desorganisations qui gravitentautour de nos fermes : lesConf’, les Adear, les GAB, etc.Leur fonctionnement reposeénormément sur l’investisse-ment et l’implication des sala-rié·es qui « s’assoient » sou-vent sur leurs heures sup.Sans parler des réunions ensoirée, seuls moments où onest un peu plus dispos, nouspaysan·nes, les événementsles week-ends, les appels télé-phoniques à n’importe quelmoment, les mails reçus encontinu sur le téléphone duboulot… Ce n’est pas parceque ce sont des « métiers pas-sion » que les conditions detravail doivent être dégradéesau point d’amener quel-qu’un·e au burn-out.

On entend parfois la mêmechose en agriculture : « Bon,vous gagnez pas grand-chosemais y’a plein d’avantages. »Certes, mais au prix de com-bien d’heures de travail heb-domadaires, et pour quel tauxhoraire ? Avec cette chargementale permanente et desnuits blanches quand la grêle

ou le gel sont annoncés, aveccette épée de Damoclès

constante qu’est le changement climatique.Nous avons choisi ce métier et l’assumonsjusqu’au bout dans tout ce qu’il a de plusbeau et de plus prenant, nous sommes ànotre compte, avec tous les avantages et tousles risques que ce statut comporte. Restonssolidaires des autres corps de métier et pre-nons soin les uns des autres ! n

Sandrine Boireaud,

paysanne dans le Rhône

Pas l’usine, mais…

Culture

18 \ Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021

Te plains pas, c’est pas l’usine – l’exploitation en milieu associatif, Lily Zalzett etStella Fihn, Niet ! Éditions, février 2020

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Petit paysan tué est une piècede théâtre inspirée de la mortde Jérôme Laronze, éleveur abattupar un gendarme en 2016 suiteà une série de contrôles danssa ferme sous pressionadministrative et présence policière.

La pièce a été jouée pour la premièrefois fin février à l’Arc - scènenationale, au Creusot,

devant un public composé descolaires et notamment delycéen·nes agricoles. Avec ledéconfinement des théâtres, latroupe devrait enfin pouvoir lar-gement la représenter.

Yeelem Jappain en est l’autriceet la metteuse en scène. Le bacen poche, elle commence unecarrière de comédienne aucinéma et à la télévision. En2013, elle signe sa première miseen scène au théâtre. Petit paysantué en est sa troisième.

À 33 ans, elle est dans le triocentral de la compagnieCipango, basée en Saône-et-Loire, terre où Jérôme Laronzeétait paysan : « J’ai pris connais-sance de cette histoire tragique enla lisant, racontée par la journa-liste Mathilde Boussion dans larevue XXI (1) », explique-t-elle.« Nous avons choisi de nousimplanter en milieu rural, à Tou-lon-sur-Arroux, une commune de1 600 habitants dans le Charolais.Nous avons des liens amicaux avecdes éleveurs locaux. Cette histoireétait vraiment un choc. On y com-prend la complexité du métier, avecses normes inadaptées à la réalité de nom-breuses fermes, les contrôles, la pression admi-nistrative et économique, mais aussi le regarddes autres. J’ai eu envie de travailler sur cettehistoire personnelle édifiante, très admirativeaussi de l’engagement des sœurs de Jérômepour exiger la vérité et la justice (2). Je les ai

contactées et elles n’ont pas été opposées à madémarche. »

À partir de là, il s’agit d’une pièce dethéâtre, et même si l’autrice dit s’être« complètement inspirée de la chronologie desfaits », Jérôme est ici Baptiste, un autre,même si Baptiste est lui aussi écrasé parles normes d’une agriculture industrielleinadaptées à l’élevage paysan, des normes

qu’il ne comprend pas, luttant sans mercipour un peu de liberté. Le paysan estépaulé par Céline, sa sœur, mais aussipar Paul, le mari bienveillant de celle-ciqui restera autant gendarme que Baptisterestera paysan, le fossé se creusant inexo-rablement entre eux.

Cœur de la pièce, une « conférence ges-ticulée », forme chère à l’éducation popu-laire, par laquelle Baptiste raconte l’his-toire contemporaine de l’agriculturefrançaise, le comment on en est arrivés là.Et tout au long de la pièce, un « chœur pay-san » (constitué de paroles documentairesrécoltées lors du travail de création) ponc-tue et fait écho à l’histoire de l’éleveur.

Le décor est pertinent : il a unegrande importance, divisantjudicieusement la scène entreintérieur (la maison résumée enune pièce de travail) et l’exté-rieur entre lesquels on circuleà propos.

Le tout dure près d’une heureet demie, sans temps mort,porté par l’énergie des deuxcomédiens (Clément Chéblidans le rôle de Paul, ÉtienneDurot, remarquable Baptiste,plein de ses convictions et deses limites humaines) et de lacomédienne (Julie Roux, dansle rôle de Céline, la sœur). Ladramaturgie est vraiment bienconduite.

Une « petite forme » est pro-posée par la compagnieCipango. Soit une pièce trans-portable dans une salle muni-cipale, un foyer culturel… ouune ferme. La scénographie estici très différente puisque lapièce se déroule au cours d’unrepas, « un dîner en quatreactes ». Dans ce format, la repré-sentation dure 45 minutes. Ilfaudra, pour celles et ceux inté-ressé·es par la démarche, contac-ter la compagnie pour bien éva-

luer les contraintes inhérentes à laproposition de mise en scène (3). n

Benoît Ducasse

(1) Revue XXI, n° 47, hiver 2018.(2) facebook.com/JusticepourJerome(3) Diffusion et production : Juliette Rambaud(06 83 73 62 81) – [email protected]

Une tragédie de notre temps et de nos campagnes

Culture

Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 19

Neuf mouvements pour une cavale

Petit paysan tué n’est pas la première œuvre théâtrale à s’inspirer de la vie et de la mort de Jérôme Laronze.

Neuf mouvements pour une cavale est un texte écrit par Guillaume Cayet, de la Compagnie Désordre des choses, installée dans le Puy de Dôme

et associée à la Comédie de Clermont. L’auteur a imaginé le récit à partir de témoignages et d’entretiens, notamment, avec une des sœurs de

Jérôme Laronze. On peut écouter cette œuvre (58 minutes) sur :

franceculture.fr/emissions/latelier-fiction/9-mouvements-pour-une-cavale-de-guillaume-cayet

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RECOMMANDATIONS D’INTERFEL POUR LES ACHATS PUBLICS EN FRUITS ET LÉGUMES FRAIS

LE CONTENU DU GUIDE

LES MOTS DU PRÉSIDENT D’INTERFEL, LAURENT GRANDIN « La restauration collective est un secteur stratégique majeur,

puisqu’il s’agit du lieu où se forment les habitudes de consommation. »

Pour prendre connaissance de ces recommandations, n’hésitez pas à les télécharger sur la plateforme numérique d’interfel :

www.interfel.com/plateforme-numerique

Interfel - Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais97 Boulevard Pereire 75017 ParisTél. : 01 49 49 15 15www.interfel.com - www.lesfruitsetlegumesfrais.com

Interfel, l’interprofession des fruits et légumes frais, a mis à jour, en décembre 2020, les « Recommandations Interfel pour l’achat public de fruits et légumes frais » en restauration hors domicile (RHD). L’objectif de ces recommandations est d’accompagner les professionnels de la restauration collective soumis au Code de la Commande Publique en vue de l’entrée en vigueur de la loi EGALIM au 1er janvier 2022.

La publication fait le point sur toutes les informations importantes concernant ce secteur :• L’évolution du contexte législatif ;• Les outils à la disposition des acheteurs publics.Elle fournit des recommandations pour aider les acheteurs à choisir la procédure et la technique d’achat les plus adaptées à leur situation. Elle donne des conseils pour accompagner les acheteurs, comme les fournisseurs, à toutes les étapes de l’achat, du sourcing à l’exécution.

Des modèles-types de documents de consultation sont également proposés :• Règlement de consultation ;• Cahier des Clauses Administratives Particulières ;• Cahier des Clauses Techniques Particulières.

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Emploi - stages - formation

Offres• Corse - Dans un cadre magni-fique au milieu des montagnes enCorse, je recherche pour lacueillette de châtaignes des per-sonnes motivées, à compter du20/10 et voir plus - Cela consisteraà m’aider à récolter et transformerles châtaignes en farine, les mettreen sacs éventuellement jusqu’à lavente - Pour plus d’informations :[email protected] -0611099334• Aura - L’Association régionalepour le développement de l’emploiagricole et rural (Ardear) recruteun ou une juriste - Conception etanimation de formations à desti-nation des porteurs de projet, despaysans et des animateurs duréseau, participation à la vie asso-ciative - Connaissance et expé-rience du droit des sociétés agri-coles, des aspects juridiques de lasuccession, des spécificités de lacréation d’activité en agriculture- CDI à 80 % (28 h/semaine annua-lisé) - Basé à Lyon avec déplace-

ments dans la région (Permis B etvéhicule personnel) - Rémunéra-tion en fonction de l’expérience (àpartir de 2168,79 € euros brutmensuel) - Candidatures avant le21/6 à : [email protected](sous la forme : NOM-CV.pdf etNOM-LM.pdf)• Rhône - Le Gaec Serpette & Ser-fouette, à Chaussan, produitlégumes et PPAM, en AB depuis2019, sur 2 ha - Nous recrutonsun·e salarié·e à partir de sep-tembre, qui travaillerait les lun-dis et mardis pour aider auxrécoltes et à la préparation despaniers de légumes vendus à Lyon- Expérience souhaitée - ContratTESA sur 6 mois dans un 1ertemps, renouvelable, évolutionpossible en CDI - 0676687489- [email protected]• Haut-Rhin - Cherchons salarié·eavec, si entente, association suiteà un départ d’associé - Ferme65 ha en montagne, à Lapoutroie,100 % prairie naturelle, en bio,autonomie fourragère, séchageen grange solaire, transformationd’une partie du lait, quelques porcs

et production de steaks hachés -Tout en vente directe - Pour res-ponsabilité de la transformationdu lait ainsi que de la vente, avecpolyvalence sur autres postes -Petite ferme mais viable - L’enviede travailler collectivement, le dia-logue et l’échange d’idées sontde mise - [email protected]• Maine-et-Loire (Sud) - Chercheune personne intéressée par unprojet de maraîchage et de “slow”tourisme dans un lieu unique -Possibilité d’un emploi saison-nière, en CDD, CDI ou stage -0769333912

Association - installationtransmission

Offres• Aisne - Agriculteur en grandescultures proche de Laon souhaitemettre à disposition une dizained’hectares à un ou des porteursde projets en vue d’une créationd’activité (type maraîchage ouferme pédagogique) - Contact :0784859401 - [email protected]• Aisne (Thiérache) - Ferme enbovin lait cherche repreneur pourcause retraite - 61 ha (50 ha enfermage, 11 ha à vendre) - 50 VL+ quelques vaches allaitantes (180bêtes au total) - Vente via coopé-rative laitière et marchands debestiaux - Salle de traite et sta-

bulations semi-paillées - Matérielà vendre : tracteurs, matériel defenaison, presse, telescopic, quad- Maison d’habitation de 90 m2 etterrain de 2 ha sur place à vendre(travaux à prévoir) - Fermage etcoûts de reprise à définir - Contact:0784859401 - [email protected]• Somme - Agriculteur installédepuis 2001 en grandes culturescéréales et arboriculture (pro-duction cidricole) sur petite sur-face cherche associé - Nécessitéde développer un petit atelierd’élevage ou de maraîchage afinde diversifier l’activité - Possibilitéde passer par un temps de cou-veuse d’activité pour tester l’as-sociation et/ou le nouvel atelier -Contact : 0784859401 - [email protected]• Jura - A transmettre, cause départen retraite, ferme arboricole 11 haplantés en pommiers (6 ha en pro-priété, 5 ha en location), en biodepuis 30 ans - 3 ha terres nuesseront disponibles ennovembre 2021 (pour renouvelle-ment de plantations ou autres cul-tures) - Avec atelier de transfor-mation - Possibilité d’installationprogressive, en fonction des pro-fils - Maison d’habitation sur place,avec gîte locatif (Gîtes de France)- [email protected]

• Saône-et-Loire - Recherchemaraîcher·e bio pour la culture defruits et légumes pour co-construire avec la maire de Prisséun projet de jardin communal -Mise à disposition d’un terrainde 1,7 ha avec point d’eau - L’ob-jectif de ce projet est d’approvi-sionner la cantine scolaire dePrissé mais aussi animer des jar-dins partagés, être en lien avec lesenseignant·es de l’école primaireet maternelle, vente delégumes… - 0781021943 - [email protected]• Bretagne - Agriculteur en poly-culture-élevage, production de laitbio et de poulets en label rouge,en centre Bretagne - Je mets àdisposition une infrastructure(maison, bâtiment, terres, fumureset eau), pour installer un jeune enmaraîchage - Possibilité de com-plément de revenu par du salariatet d’entraide sur l’exploitation -0789886405• Finistère (Sud) - Le Gaec de laFerme de Kerlou (à Saint-Yvi)cherche un·e associé·e pour tra-vailler à 4 - Nous avons créé uneferme maraîchère bio diversifiéeen 2014, sur 3 ha (6 ha de SAU autotal), 3500 m2 d’abris - Nous cher-chons quelqu’un·e qui a déjà uneexpérience d’au moins un an enmaraîchage, souhaite intégrer unedémarche collective et peut ame-ner de nouvelles compétences et

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernent l’emploi, lesrecherches et propositions d’installation, et toute autre demande à but nonlucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

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En signant ce formulaire de mandat, vous autorisez Média Pays à envoyer des instructions à votre banquepour débiter votre compte, et votre banque à débiter votre compte conformément aux instructions deMédia Pays. Vous bénéficiez du droit d’être remboursé par votre banque selon les conditions décrites dansla convention que vous avez passée avec elle. Une demande de remboursement doit être présentée dansles 8 semaines suivant la date de débit de votre compte pour un prélèvement autorisé.

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TARIFS : Annuel (11 numéros) : 46 €6 numéros : 24 €Soutien, collectivité et étranger: 60 € (ou plus)

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Campagnes solidaires • N° 373 juin 2021 / 23

idées - Nous espérons que notre tra-vail soit plus agréable et enrichis-sant: diminution du temps de tra-vail, répartition des responsabilités,mutualisation des connaissanceset ouverture sur d’autres façons defaire - Nous envisageons une annéede stage de parrainage avant l’as-sociation - 0781647140 (Anaïs) -lafermedekerlou.wordpress.com• Vendée - Proche du chef-lieu,dans un bocage préservé, nousproposons la reprise d’une fermeherbagère, à la conduite économeet rentable - En AB depuis 20 ans,bons équipements (bâtiments,matériels, réseau d’eau…) -Actuellement 40 mères charo-laises, génisses et bœufs, 80 had’herbe, 5 de mélanges céréa-liers, 13 km de haies, 5 ha d’agro-foresterie (2013) - 2 ha de terreont été transmis à un maraîcher- Vente directe sur différentsréseaux - D’autres projets sontpossibles (magasin existant àdévelopper, autres produits,pain…) - Nous proposerons notreaccompagnement - 0679915563- fermedelaboiviniere. fr• Dordogne - Propriété à vendre :une maison, des bungalows, deuxterrains constructibles, 2 ha ensurface, le tout pour 190000 euros- Souhait de pouvoir installer desjeunes - Demandes à : [email protected]• Dordogne - Exploitation nais-seur engraisseur de bovins limou-sins, sur 150 ha de SAU, norma-lement toute en herbe, rechercheassocié (après un stage de par-rainage) pour partager le travail,avec possibilité de diversificationà mettre en place - Des possibi-lités pour un couple peuvent s’of-frir - Tous les problèmes pratiquespeuvent être résolus facilement [email protected]• Charente-Maritime - A vendreferme entre Saintes et Royan,pour cause de départ à la retraite(idéalement d’ici fin 2021) : 15 ha

de terres arables, hangar 360 m²(2019), bâtiment d’élevage1 200 m2, nombreux potentielspour accueillir des projets en éle-vage - Maison d’habitation(120 m2) sur sous-sol de 90 m2 -Ouvert à tout type de projet -0689649819 - 0546953763 [email protected]• Haute-Garonne - Je vends monexploitation maraîchère de 2,2 ha,avec maison habitation (106 m2)+ garage - 2 200 m2 de serres+ matériel - A 30 km de Toulouseet 25 km de Montauban - Départen retraite - 0667188223• Aveyron - Gaec de 3 associésrecherche un nouvel associé enremplacement d’un sortant, avecrachat de parts sociales - Sur 11 hade prairies naturelles en location,le Gaec élève 100 chèvres (alpines)avec 100 % de la production trans-formée en fromages - Engraisse-ment de 20 porcs noirs gasconsavec le petit-lait et du son de blébio sur 2 ha de bois, transforma-tion à façon en charcuterie - Ventedirecte - La personne recherchéesera plutôt orientée sur l’activitéfromagère mais devra pouvoirassurer des remplacements en éle-vage - Association dès que pos-sible après période d’essai via sala-riat ou CEFI - A Saint-Laurent-d’Olt- 0687408557• Ariège - Gaec recherche troi-sième associé·e - Élevage extensifovins viande (tarasconnais), 300mères, vente directe - 300 ha enparcours (AFP), système transhu-mant - A 900 m d’alt (Haute Ariège)- Exp pastorale souhaitée - CEFId’un an possible - 0630620126Demandes• Limousin - Marion et Josselin,cherchons compères et commèrespour s’installer en collectif sur unprojet diversifié, horizon 2022.Notre couple porte l’activité debrebis et chèvres laitières avectransfo fromagère et prés ver-gers. Foncier à trouver en fonction

du collectif, potentiel identifiéautour du PNR Périgord-Limousin- [email protected] -0684451888• Loire ou Rhône - Jeune couplerecherche ferme pour développerélevage volailles (ponte & chair)en abris mobiles + vaches allai-tantes bio - Commercialisationen vente directe - Éligibles DJA(diplômes agricoles, exp. pro. enFrance + étranger) - Vincent etLaura : 06 46 13 56 43 [email protected]• Auvergne - Après différentesexpériences dans le domaine agri-cole en France et à l’étranger ainsique des formations à Montmorotdans le Jura, nous recherchonsavec mon compagnon une surface

agricole cultivable de 40 ha, enAuvergne, afin de s’installer entant que paysans boulangers.Nous sommes très motivés [email protected]• Orne - Nous sommes deux jeunesagricultrices avec projet de maraî-chage diversifié en bio et MSV,vente en circuits courts. Nous cher-chons entre 2 et 5 ha dans le sec-teur d’Argentant, à l’achat ou enlocation. Avec bâtiment agricole(accès à l’électricité), ou partagéavec l’agriculteur bailleur, ou pos-sibilité d’en construire un, avec ousans maison d’habitation. Idéale-ment présence d’une mare pérenneou puits ou possibilité de forageavec bassin de rétention - [email protected] - 0624506331

Animaux - Matériel

• Maine-et-Loire - Dans le cadred’un projet d’installation et d’unecréation d’activité, je suis à larecherche pour le printemps 2022d’un troupeau allaitant de 15 à20 vaches pleines, suitées ou non,ainsi que d’une dizaine degénisses de 10 à 30 mois (pleinespour les plus âgées). Choix derace non défini. Projet situé dansles Mauges - 06 33 06 14 95 [email protected]• Var - Dans le cadre d’un projetautour de la laine dans le Haut-Var (sur la ferme du Jas du Vignal),nous cherchons une cardeuse àrouleaux en bon état ou à répa-rer, donnée ou cédée à un prixabordable (moins de 200 euros)- [email protected] -0616526350

RemerciementsEn juin 2020, nous avions diffusé dans ces pages un appelà solidarité après un grave incendie ayant détruit unegrande partie de l’outil de production de la ferme deLaprade, à Cailla, dans l’Aude. Phil et Fanette, les pay-san·ne, adressent aux lectrices et lecteurs qui ontrépondu à l’appel ce message de remerciement :« La Ferme de Laprade vous dit « Merci » !« Un an que notre outil de travail a brûlé.Loin de baisser les bras, de beaux projets nous ont pro-jetés vers l’avenir.Cette énergie, nous la devons à chacun d’entre vous quinous ont soutenus par leur message, leur don, leur coupde main, leur prêt de matériel…Nous vous dirons jamais assez « Merci » de nous avoir per-mis de continuer notre beau métier, et par là même de sou-tenir cette agriculture pleine de promesse d’avenir.Et de pouvoir à nouveau vous accueillir avec plaisir !»[email protected]

Formation professionnelleÀ la demande de Rémi Picot, ancien porte-parole de la Confédération paysanne d’Al-sace, nous publions l’annonce suivante :Une session de deux ans du Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole(BPREA) en biodynamie commencera en novembre, à Obernai (Bas-Rhin).Ce BPREA, anciennement spécialisé en « polyculture-élevage », profite d’une réformenationale récente pour s’adapter aux demandes des nouveaux porteurs et porteusesde projets agricoles. Il reste bien sur 2 années à temps plein, dont 2/3 de stage pra-tique, mais les maîtres de stage et l’équipe pédagogique en profitent pour ouvrir laformation à la viticulture et à l’arboriculture, en plus des autres productions déjàpossibles (élevage, maraîchage, grandes cultures, plantes médicinales).Plaquette de la formation : urlz.fr/fCkQContacts : CFPPA d’Obernai (Alsace) : 03 88 49 99 29 – [email protected] de Segré (Maine-et-Loire) : 02 41 61 05 30 – [email protected]

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Depuis La renaissance rurale de Bernard Kayser parue en 1990, on n’en finit pas d’interroger les futurs des espaces ruraux, désormais appelés «  nouvelles campagnes  » ou « nouvelles ruralités ». Les ruralités dans cette acception renvoient autant à un espace qu’à un attachement, autant à des modes d’occupation des sols quasi gommés par l’ur-banisation qu’à des représentations de manières de vivre en lien avec ces espaces. Ce sont surtout des ruralités en train de se faire, entre héritages et renouvellements dans des processus complexes d’hybridation avec la ville. En effet, ces espaces montrent pour la plupart une embel-lie démographique dans un contexte d’exode urbain que la pandémie actuelle a encore accentué. Ils connaissent une réévaluation dans les imaginaires et sont plébisci-tés au nom du naturel et du bon vivre qu’ils offrent ; plus encore ils apparaissent comme des milieux innovateurs porteurs de signes de transition dans les différents domaines

Le présent numéro entend explorer quelques pistes pour caractériser ce renouvellement  : du sectoriel au territorial, de l’administratif au participatif, de l’éduca-tif sous différentes formes. Les articles proposés s’at-tachent notamment aux acteurs de ce renouvellement (agriculteurs, collectivités, habitants…), aux coordi-

nations et aux coopérations qui émergent pour soutenir des projets de territoires. Dans cette mise en mouvement des ressources locales, matérielles et immatérielles, les initiatives en faveur d’une alimentation saine et de qualité pour tous sont particu-lièrement nombreuses mais plus globalement la recherche du faire commun est devenue la norme. Ces nouvelles ruralités, soutenues aussi par des actions de médiation, ne sont plus l’apanage de quelques territoires mais tendent à se généraliser.

Des ruralités en renouvellementNuméro 239

Des ruralités en renouvellementdossier

analyses et actualités

agriculture

Le Pacte Vert comme catalyseur de la PAC… de l’après 2027 ?

L’agriculture bretonne sous influence

L’agroécologie passera par l’exploitation agricole familiale riche

en emplois et en valeur ajoutée

éducation/formation

Les élèves à besoins éducatifs particuliers à l’épreuve de l’égalité

des chances au sein des EPLE

GREP

La revue du Groupe Ruralités, Éducation et Politiques

POURla revue du Groupe Ruralités, Éducation et Politiques

VIENT DE PARAÎTRE n° 239 – avril 2021290 pages

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