16
Si la recherche s’est beaucoup intéressée aux bénéfices de l’expérience d’immersion pour les jeunes en situation de mobilité, ce sont les familles d’accueil que nous avons souhaité mettre en lumière dans ce nouveau numéro de Cultures Sans Frontière. Véritable pilier de nos programmes d’échanges, elles vivent également un processus d’apprentissage qu’il nous semblait important de formaliser et de valoriser dans toutes ses dimensions. En faisant le choix d’ouvrir leurs portes à un jeune AFS, les familles d’accueil font non seulement le choix de l’échange interculturel mais aussi celui du partage de la vie quotidienne avec un adolescent. La sociologue Elsa Ramos, spécialiste de l’adolescence et de la famille, a accepté de répondre à nos questions sur ces concepts clés, notamment sur les notions de « chez-soi », « chez eux » et « chez nous » inhérentes à la construction de l’autonomie au sein d’une cellule familiale dans notre société : « D’un côté, il existe des règles parentales à respecter qu’il tend à négocier pour gagner en marge d’autonomie, et de l’autre, l’adolescent participe dans l’élaboration de son monde, on lui reconnait le droit d’avoir son mot à dire et de participer dans les prises de décisions le concernant. » Au cœur de l’actualité AFS, les résultats de l’étude « Kaléidoscope » menée avec le soutien d’AFS Intercultural Programs et présentés à Berlin par le chercheur Nicolas Geerarert s’inscrivent dans le travail de réflexion et d’évaluation des bénéfices de la mobilité des jeunes. En France, le lycée Saint-Pierre de Bourg-en-Bresse nous présente une expérience éducative pionnière : un partenariat conventionné avec AFS Vivre Sans Frontière pour proposer à ses élèves le Bac en 4 ans, projet basé sur la complémentarité des projets éducatifs de chacun des partenaires. Toujours dans cette logique de complémentarité éducative, AFS accompagne aussi les enseignants soucieux de compléter leur approche pédagogique avec des outils interculturels. Dans la continuité du précédent numéro, les vents électoraux souffleront cette fois sur les États-Unis. Retour sur les présidentielles et sur le tweet le plus partagé de l’histoire : « 4 more years ». Au sommaire encore, nous nous pencherons sur l’épineuse question des rythmes scolaires et la vision qu’une société se fait de l’éducation de sa jeunesse à travers ce débat. Enfin, nous découvrirons le projet d’une mère de partante, photographe, qui à travers une exposition de portraits de jeunes, nous montre le séjour à l’étranger sous un angle inédit. Anne Collignon Présidente d’AFS Vivre Sans Frontière ÉDITO mars 2013 04 Entretien avec... ELSA RAMOS Maître de conférence en sociologie à l’Université Paris-Descartes et chercheur du CERLIS, spécialisée sur l’adolescence, la jeunesse, l’autonomie, la famille, la question du « chez-soi », la mobilité. CULTURES SANS FRONTIÈRE LA REVUE INTERCULTURELLE D’AFS 2 DOSSIER THÉMATIQUE • L’apprentissage interculturel par l’accueil 6 DÉBAT • Y a-t-il un choc des civilisations ? 8 ENTRETIEN AVEC... • Elsa Ramos 10 ACTUALITÉS AFS Kaleidoscope Study : mesurer l’impact de l’expérience d’immersion • Le bac en 4 ans : une expérience éducative pionnière • Formation enseignants : aborder l’interculturel en classe 13 VUES D’AILLEURS « 4 more years » : retour sur les élections présidentielles américaines • Rythmes scolaires et éducation 15 À DÉCOUVRIR Me exchanged : quand le changement devient aussi physique ‘‘ Insister sur la chance qui est donnée d’être accueilli dans une intimité familiale : la famille ouvre ses portes. ’’ © AFS Vivre sans Frontière

Cultures Sans Frontière n°4

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Cultures Sans Frontière est la revue interculturelle d'AFS Vivre Sans Frontière, membre du réseau international AFS Intercultural Programs.

Citation preview

Page 1: Cultures Sans Frontière n°4

Si la recherche s’est beaucoup intéressée aux bénéfices de l’expérience d’immersion pour les jeunes en situation de mobilité, ce sont les familles d’accueil que nous avons souhaité mettre en lumière dans ce nouveau numéro de Cultures Sans Frontière.

Véritable pilier de nos programmes d’échanges, elles vivent également un processus d’apprentissage qu’il nous semblait important de formaliser et de valoriser dans toutes ses dimensions.

En faisant le choix d’ouvrir leurs portes à un jeune AFS, les familles d’accueil font non seulement le choix de l’échange interculturel mais aussi celui du partage de la vie quotidienne avec un adolescent.

La sociologue Elsa Ramos, spécialiste de l’adolescence et de la famille, a accepté de répondre à nos questions sur ces concepts clés, notamment sur les notions de « chez-soi », « chez eux » et « chez nous » inhérentes à la construction de l’autonomie au sein d’une cellule familiale dans notre société : « D’un côté, il existe des règles parentales à respecter qu’il tend à négocier pour gagner en marge d’autonomie, et de l’autre, l’adolescent participe dans l’élaboration de son monde, on lui reconnait le droit d’avoir son mot à dire et de participer dans les prises de décisions le concernant. »

Au cœur de l’actualité AFS, les résultats de l’étude « Kaléidoscope » menée avec le soutien d’AFS Intercultural Programs et présentés à Berlin par le chercheur Nicolas Geerarert s’inscrivent dans le travail de réflexion et d’évaluation des bénéfices de la mobilité des jeunes.

En France, le lycée Saint-Pierre de Bourg-en-Bresse nous présente une expérience éducative pionnière : un partenariat conventionné avec AFS Vivre Sans Frontière pour proposer à ses élèves le Bac en 4 ans, projet basé sur la complémentarité des projets éducatifs de chacun des partenaires. Toujours dans cette logique de complémentarité éducative, AFS accompagne aussi les enseignants soucieux de compléter leur approche pédagogique avec des outils interculturels.

Dans la continuité du précédent numéro, les vents électoraux souffleront cette fois sur les États-Unis. Retour sur les présidentielles et sur le tweet le plus partagé de l’histoire : « 4 more years ».

Au sommaire encore, nous nous pencherons sur l’épineuse question des rythmes scolaires et la vision qu’une société se fait de l’éducation de sa jeunesse à travers ce débat. Enfin, nous découvrirons le projet d’une mère de partante, photographe, qui à travers une exposition de portraits de jeunes, nous montre le séjour à l’étranger sous un angle inédit.

Anne CollignonPrésidente d’AFS Vivre Sans Frontière

ÉDITO

mar

s20

13

n°04

Entretien avec...ELSA RAMOS

Maître de conférence en sociologie à l’Université Paris-Descartes et chercheur du CERLIS, spécialisée sur l’adolescence, la jeunesse, l’autonomie, la famille, la question du « chez-soi », la mobilité.

CULTURESSANS FRONTIÈRELA REVUE INTERCULTURELLE D’AFS

2 DOSSIER THÉMATIQUE• L’apprentissage interculturel par l’accueil

6 DÉBAT• Y a-t-il un choc des civilisations ?

8 ENTRETIEN AVEC...• Elsa Ramos

10 ACTUALITÉS AFS• Kaleidoscope Study : mesurer l’impact de l’expérience d’immersion• Le bac en 4 ans : une expérience éducative pionnière• Formation enseignants : aborder l’interculturel en classe

13 VUES D’AILLEURS • « 4 more years » : retour sur les élections présidentielles américaines• Rythmes scolaires et éducation

15 À DÉCOUVRIR• Me exchanged : quand le changement devient aussi physique

‘‘ Insister sur la chance qui est donnée d’être accueilli dans une intimité familiale : la famille ouvre ses portes. ’’

© AFS Vivre sans Frontière

Page 2: Cultures Sans Frontière n°4

DOSSIER THÉMATIQUE

2 Cultures Sans Frontière

L’APPRENTISSAGE INTERCULTUREL PAR L’ACCUEIL

Quand on envisage l’expérience de l’échange en termes d’apprentissage interculturel, on pense sou-vent d’abord aux jeunes participants. Quid des familles d’accueil ? Elles constituent un des piliers des programmes d’échange en offrant un cadre chaleureux d’intégration aux jeunes d’échange. Qu’ap-

prennent-elles de leur côté ? Si la recherche en interculturel s’est beaucoup intéressée à l’apprentissage des jeunes en situation de mobilité, peu de réflexions ont été menées quant à celui de ceux qui restent chez eux. Pourtant, se tourner vers cette question peut amener à réfléchir aux possibilités d’apprentissage interculturel au quotidien, pour tous.

© AFS Vivre sans Frontière

Page 3: Cultures Sans Frontière n°4

3Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

My kids are raising me », « Mes en-fants m’édu-

quent » : ce proverbe américain renverse les habitudes de pensée en soulignant les possibilités d’apprentissage des parents, à travers les interactions avec leurs enfants. Peut-il en être autrement lorsqu’il s’agit d’un « enfant d’accueil » ? Comme l’on peut sans doute aussi dire « mes frères et sœurs m’aident à

grandir », parler de l’apprentis-sage interculturel des familles d’accueil inclut bien évidem-ment les frères et sœurs d’ac-cueil, pour qui l’expérience d’accueil peut être également compliquée, mais en tout cas

L’ACCUEIL, UNE POSSIBILITÉ D’APPRENTISSAGE « PAR L’EXPÉRIENCE »

Tout comme les jeunes participants, ce que vivent les familles d’accueil peut être qualifié d’apprentissage « par l’expérience », au sens

où c’est principalement à travers les expériences, les échanges au sens large avec leur jeune accueilli-e que les familles vont apprendre tout au cours de l’accueil.

marquante. À quoi correspon-dent ces apprentissages ?

On pense tout d’abord aux « choses » tangibles qu’on a appris à travers l’échange : des différences culturelles du haut de « l’iceberg » – différences d’alimentation, de pratiques, d’habillement… ainsi que des « faits » sur le pays d’origine de l’accueilli-e – le système scolaire, le sport, la politique, les médias, les films… sujets qui seront abordés ensemble,

selon les intérêts des uns et des autres.

Au-delà, c’est tout un en-semble d’habitudes que tous vont être amenés à questionner, à travers la vie commune, le début de la « routine » quoti-

dienne. Les habitudes de com-munication, tout d’abord. En tout cas au début de l’expé-rience, tous les membres de la famille se retrouvent impliqués dans l’apprentissage du français par le/la jeune accueilli-e, et doivent donc adapter leur façon de parler en conséquence. Le soutien actif de son appren-tissage de la langue en parlant moins vite, en expliquant des mots, en évitant des termes trop idiomatiques… peut ainsi correspondre à un apprentis-sage en continu pour la famille d’accueil – y compris pour les plus jeunes enfants, confrontés à un locuteur non-natif, à un moment où eux-mêmes conso-lident leur langue maternelle.

Ce sont également des certitudes qui se retrouvent ébranlées. La certitude de s’être fait comprendre sur des règles de la maison vues comme des évidences, alors que se manifestent des incom-préhensions précisément sur celles-là. La certitude au fond qu’une phrase veut dire une chose, et pas une autre. C’est ce que certains chercheurs en interculturel appellent la « to-

lérance à l’ambiguïté » qui se retrouve ainsi stimulée. En plus du/de la jeune accueilli-e, c’est toute la famille qui est ame-née à repenser ses évidences du quotidien.

Du reste, cette tolérance à l’ambiguïté peut concerner les possibilités d’explication de ce qui nous semble « bizarre » chez l’autre. Discuter a posteriori des malentendus occasionnels avec son/sa jeune accueilli-e, c’est confronter des interpré-tations différentes. Au-delà de la « culture comme excuse », qui peut être utilisée par le/la jeune comme par la famille, c’est dans ces moments-là que peut apparaître la complexité des relations interculturelles. Anna n’a pas forcément « agi comme ça » parce qu’elle vient d’Argentine, ou parce que c’est son caractère. De l’autre côté, les habitudes familiales ne sont pas forcément « typiquement françaises ». D’ailleurs, ces ha-bitudes-là sont déjà en perma-nence renégociées au sein de la famille, et pas seulement par l’accueilli-e mais aussi par les autres enfants ou adolescents de la fratrie.

Les familles d’accueil bénévoles, piliers des programmes d’échange AFS---------------------------------------------------------------------------------------------------

Les programmes d’échange AFS ont ceci de particulier qu’ils proposent à des jeunes une expérience de vie dans une famille d’accueil bénévole, pour une période de deux mois à un an. Les familles d’accueil constituent un des piliers du projet éducatif de notre association.

En plus du/de la jeune accueilli-e, c’est toute la famille qui est amenée à repenser ses évidences du quotidien.

«

«© AFS Vivre sans Frontière

Page 4: Cultures Sans Frontière n°4

4 Cultures Sans Frontière

Dans son mé-moire de fin d’études, la psychologue

Johanna K. Vollhardt montre un tel apprentissage chez des familles d’accueil entre le dé-but et la fin de leur expérience d’accueil. Sa recherche part de l’hypothèse que les interactions interculturelles, plus que de conduire à des incompréhen-sions, permettent par là-même des possibilités d’apprentissage, notamment dans la capacité à dépasser les « erreurs d’attribu-tion fondamentales ». Ce concept de psychologie sociale désigne une tendance cognitive que

nous aurions à surestimer les causes personnelles, internes des situations au détriment des causes externes : éléments si-tuationnels, comportements de tiers, mais aussi facteurs struc-turels comme des normes, des conditions sociales et cultu-relles. Pour vérifier son hypo-thèse, Johanna K. Vollhardt a confronté des familles d’accueil AFS allemandes avant et après

DEUX ÉTUDES POUR ÉCLAIRER CETTE FORME D’APPRENTISSAGE

Comparativement aux nombreuses études sur l’apprentissage interculturel des jeunes en situation de mobilité, l’apprentissage des

familles a encore peu suscité l’intérêt des chercheurs. Deux étudiantes ont cependant choisi d’écrire un mé-moire sur ce sujet, toutes les deux en psychologie.

leur expérience d’accueil à des scénarios d’incompréhension entre personnes d’environne-ments culturels différents. Se-lon ses résultats, les familles venant d’accueillir seraient moins enclines à expliquer ces incompréhensions à travers des « attributions personnelles » que le groupe de familles avant l’expérience d’accueil. Au contraire, elles seraient capables d’envisager un cer-tain nombre d’explications « externes » pour ces incom-préhensions, et auraient donc développé une plus grande compréhension des interac-tions en contexte interculturel,

loin des jugements personnels initiaux. Bien que la psycho-logue reconnaisse la fragilité de ses résultats obtenus par des méthodes quantitatives, ils ont le mérite d’indiquer une plus grande ouverture des fa-milles aux ambiguïtés, au large champ des possibilités d’in-terprétations interculturelles.

L’ancienne partante Ma-rie Pornon s’est orientée dans

une autre direction pour son mémoire de Master 1 en psy-chologie. À l’occasion de son stage au Siège d’AFS Vivre Sans Frontière, elle a réalisé une enquête par questionnaires auprès de familles d’accueil AFS françaises complétés par des entretiens semi-directifs avec un plus petit nombre de familles. Elle s’est en particu-lier intéressée aux fratries, et a notamment utilisé des photos de fratries comme support de médiation dans ses entretiens avec les familles. Elle a pu éta-blir que « les fratries rencontrées présentent explicitement des modi-fications de leur structure, réamé-nagements, et transformations des alliances entre eux provoquées par cette intrusion d’un nouveau frère au sein de leur fonctionnement ». Elle évoque par là « un travail psychique conséquent » à travers les deux processus de l’accueil « qui font passer l’accueilli du statut d’intrus à celui de fille, fils, frère ou sœur ». Autant donc sur l’impact de l’expérience pour

des frères et sœurs d’accueil dans leur fonctionnement fa-milial. Ses résultats n’indiquent cependant pas de « réaménage-ment de la représentation de leur propre culture et de leur place dans le monde ». Ne pourrait-on pas cependant dire que les chamboulements vécus par la fratrie suite à l’arrivée d’un-e jeune accueilli-e constituent à petite échelle un questionne-ment de son positionnement social ? Étant donné que Marie se base sur ce que les fratries ont explicité, il est également possible que les individus interviewés aient eu plus de difficultés à mettre des mots sur leur possible apprentissage interculturel que sur les chan-gements intervenus au sein de leur fratrie. C’est justement ici que le travail d’accompa-gnement des familles peut cependant porter ses fruits, en aidant parents et enfants à réfléchir sur leur expérience d’accueil, expérience familiale et interculturelle.

© AFS Vivre sans Frontière

Le processus de l’accueil fait passer l’accueilli du statut d’intrus à celui de fille, fils, frère ou sœur.

«

«

Page 5: Cultures Sans Frontière n°4

5Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

Selon Kolb, l’ex-périence doit être ainsi « digérée » avec l’aide d’un premier

compte-rendu des émotions et observations. Suit une phase de réflexion, qui permet de prendre de la distance et

L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ACCUEIL, SOUTIEN À L’APPRENTISSAGE INTERCULTUREL DES FAMILLES

Le cycle d’apprentissage expérientiel déve-loppé dans les années 1970 par l’américain David Kolb, théoricien de l’éducation, présente

une succession de phases autour d’une expérience vécue conduisant in fine à un apprentissage.

d’analyser l’expérience plus « à froid ». Une phase de générali-sation permet ensuite de tirer des conclusions plus générales de cette analyse. Enfin, la der-nière phase consiste à appliquer de ce qui a été appris. On re-part ensuite sur une nouvelle

expérience, et donc un nouveau cycle (voir schéma).

C’est dans ce cadre que l’accompagnement proposé par les bénévoles entre en jeu, en préparant les familles et en les guidant dans le processus d’apprentissage. Ils peuvent aider les familles à prendre du recul, à mettre des mots sur leurs expériences, et à confron-ter avec celles d’autres familles (voir encadré).

En suivant la logique du modèle de Kolb, on pourrait presque conclure ainsi : plus on accueille, plus « ça marche » ? On peut aussi choisir de se de-mander plutôt, qu’est-ce qui fait que « ça marche ». Les familles ayant accueilli à de nombreuses reprises savent-elles « tout », se sentent-elles prêtes pour toutes les situations d’accueil ? Est-ce notre but, finalement ? Selon la formule d’une famille d’accueil suisse : « nous sommes d’éternels apprenants ».

Les bonnes pratiques des bénévoles AFS dans l’accompagnement des familles------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Ce sont souvent des ateliers de pré-paration à l’accueil que les associa-tions affiliées AFS proposent aux familles. En Poitou-Charentes, les

bénévoles proposent entre autres un « débat mouvant » aux familles d’accueil, pendant lequel elles sont invitées à se positionner sur des situations pratiques de l’accueil. En Île-de-France, en plus des ateliers pour parents d’accueil, des ateliers pour les frères et sœurs d’accueil ont été organisés en 2011, avant et durant l’accueil. Une des activités consistait par exemple à trouver ensemble des solutions à des problèmes s’étant posés pendant l’accueil.

Dans le Périgord, une telle journée de

préparation a été organisée pour la pre-mière fois en juin 2012. Comme les bénévoles l’écrivent dans leur bulletin trimestriel Le Pégase : « Les familles, parents et enfants ont participé à différentes activités, dans l’objectif de leur permettre de mieux ap-préhender les difficultés qu’ils pourraient éventuellement rencontrer lors de cette expérience interculturelle. Cela a été aussi l’occasion de réfléchir à leurs attentes par rapport à ce jeune et d’échanger, confronter leurs appréhensions, leurs interrogations ». Un atelier pour les frères et sœurs d’accueil a également permis aux fratries de réfléchir sur leurs attentes quant à l’expérience d’ac-cueil, et de conclure ensemble « qu’il n’y

avait aucune garantie que leurs souhaits se réalisent comme ils l’imaginent car chaque personne est unique ». Chantal R. nous donne le point de vue d’une mère d’accueil : « Cette journée répond aux questions que l’on se pose sur l’accueil mais permet aussi de se présenter, de faire connaissance avec des familles qui veulent accueillir et qui ont plus ou moins les mêmes inquiétudes, elle permet également de bénéficier des expériences plus ou moins réussies de familles ayant déjà accueilli. » Chantal évoque également les activités qui « permettent une petite re-mise en question de notre représentation de l’ado "étranger" (qui finalement ressemble étrangement à l’ado français !) ».

Pour aller plus loin

Johanna K. Vollhardt, Positive Auswirkungen interkultureller Kontakte auf monokulturelle Personen am Beispiel der Fähigkeit zu situationsadäquaten Attributionen Mémoire de fin d’études en psychologie présenté à l’Université de Cologne en 2004

Marie Pornon,La famille à l’épreuve de l’interculturalité. L’accueil d’un adolescent étranger au sein d’une famille françaiseMémoire de Master 1 en Psychologie de la santé, parcours interculturalité, soutenu à l’Université Lumière Lyon 2 en 2012

Conseil de l’Europe, REPERES, Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec des jeunes Consultable en ligne : http://tinyurl.com/bt7yaxy

Phase 1

L’expérience(l’activité, le fait « d’agir »)

Phase 2

Le compte-rendu(le partage des réactions et d’observations sur ce

qui s’est produit)

Phase 3

La réflexion(l’analyse des schémas et

des dynamiques, afin « d’éclairer » l’expérience)

Phase 4

La généralisation(l’analyse des schémas et du lien entre ce que l’on a appris

et le « monde réel »)

Phase 5

L’application(l’exploitation concrète de ce

que l’on a appris, la modification des anciens comportements)

Page 6: Cultures Sans Frontière n°4

Il n’en a pas toujours été ainsi. Les lignes d’affrontement qui ont fait l’histoire du xxe siècle ne recouvraient pas les frontières

entre de supposés « blocs culturels ». Ce n’est qu’après la chute du rideau de fer que cette thèse a émergé. Avant 1991 en effet, l’histoire du monde était celle d’un affrontement entre deux idéolo-gies, le capitalisme et le communisme, respectivement représentées par deux grandes puissances, les États-Unis et

DÉBAT

Y A-T-IL UN CHOCDES CIVILISATIONS ?L’actualité récente a éveillé de vieux démons. Dans les manifestations d’hostilité au film sur Mahomet à travers le monde, certains ont vu une expression nouvelle du fameux « choc des civilisations ». Ces événements seraient une réplique de l’onde sismique déclenchée par les attentats du 11 septembre 2001.

Elle aurait secoué le Moyen-Orient avec les guerres en Irak et en Afghanistan, réveillé la « rue arabe » lors de l’affaire des caricatures du prophète de l’islam, et continuerait son chemin jusque dans les quartiers des villes françaises. Mais d’où vient cette idée de « choc des civilisations » ? Recouvre-t-elle une réalité quelconque ?

6 Cultures Sans Frontière

l’URSS. Certains théoriciens, comme Francis Fukuyama, ont vu dans la dis-parition de l’URSS le triomphe de la démocratie libérale capitaliste et « la fin de l’Histoire ». Fukuyama entendait par cette expression signifier que la période connue sous le nom d’ « Histoire » avait pris fin du fait qu’aucun conflit idéolo-gique majeur ne constituerait le moteur des affrontements politiques. Le monde se réunirait enfin sous un seul et unique projet de modernité.

Le géopoliticien Samuel Huntington a pour sa part, eu une autre lecture de la fin de cet affrontement. Les idéolo-gies majeures tombant en désuétude, les peuples élèveraient leurs « cultures » au rang de projet de modernité, d’idéologies, et se confronteraient les uns aux autres en leurs noms. Il s’agissait pour lui d’une dérive contre laquelle il mettait en garde. Les événements de la dernière décennie ont popularisé la thèse d’Huntington en qui certains voient aujourd’hui volontiers un « prophète ».

Pour d’autres, cette thèse du « choc des civilisations » comporte de nombreuses failles. D’une part, les « blocs culturels » perçus par Huntington relèveraient d’un découpage arbitraire et parfois erroné. D’autre part, si l’illusion cartographique peut nous mener vers une telle interpré-tation, elle masque une diversité interne et une grande hétérogénéité des popu-lations considérées.

En d’autres termes, Huntington donnerait ainsi corps à sa théorie en se basant sur des frontières imaginaires. Si elles font sens pour beaucoup, elles n’en véhiculent pas moins une vision de l’Autre qui pourrait s’avérer dangereuse dans ses conséquences. Elles participeraient de la construction de figures qui seraient intrinsèquement porteuses d’un projet adverse du simple fait de leur identité, postulant l’homogénéité là où règnent

Samuel P. Huntington

© Peter Lauth (CC)

Page 7: Cultures Sans Frontière n°4

Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Editions Odile Jacob, 2000

Pour aller plus loin

7Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

une pluralité et une complexité absolue. Elles figeraient les imaginaires politiques et sociaux, pouvant créer le rejet et la crispation, le repli sur une identité plus fantasmée que réelle.

Par ailleurs, de nombreux travaux, dont certains ont précédé ceux de Huntington, enjoignent de prendre de la distance avec le concept de « civilisation ». Le critique Edward Saïd, pour ne citer qu’un exemple, a travaillé sur l’Orient comme catégorie imaginaire, construite au fil des pages de la littérature coloniale, dans laquelle des voyageurs zélés, dont certains n’ont

d’ailleurs pas bougé de leur fauteuil, ont projeté mythes et fantasmes sur un Orient passif, qui s’est laissé penser par des puis-sances hégémoniques. L’anthropologue Fredrik Barth a quant à lui mis au jour l’historicité des frontières symboliques, qui apparaissent, se transforment et dispa-raissent au gré des intérêts économiques, politiques et sociaux.

Loin d’être une donnée observable, le « choc des civilisation » apparaîtrait donc plus comme une théorie performative, une prophétie auto-réalisatrice, que comme le destin inéluctable d’un monde globalisé.

Fukuyama Francis, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992

Francis Fukuyama

© ICP Colombia (CC)

Fredrik Barth

© Marit Hommedal (CC)

Page 8: Cultures Sans Frontière n°4

ENTRETIEN AVEC...

ELSA RAMOS

Les débats actuels autour du projet de loi « mariage pour tous » placent au cœur de l’actualité l’idée de « normalité » de la famille. Peut-on selon vous parler de caractéristiques « type » d’une famille française et quelles ont été les grandes évolutions historiques de ce concept ?

Elsa Ramos : Dans le Code Civil, la loi du 4 juin 1970 qui substitue « l’autorité parentale » à « la puissance paternelle » (art. 371-2) a marqué un tournant en mettant au centre de cette réforme l’égalité des époux et parents face à l’enfant car jusqu’à lors, c’était le père qui avait l’autorité. Au centre de la réforme, on a également l’in-térêt de l’enfant et enfin le contrôle judiciaire pour arbitrer d’éventuels conflits entre parents ou entre parents et enfant.

Avec la notion « d’autorité paren-tale » c’est une nouvelle vision de la personne et des rapports familiaux qui se dessine : la fonction de la parole apparaît primordiale. La famille se définie ainsi moins par les statuts, les places occupées – ce qui ne signifie pas non plus qu’il n’y a plus d’auto-rité – que par les relations entre les différents membres : la famille devient relationnelle. On assiste par la suite à une augmentation du nombre de di-vorces, à la diminution du nombre de mariages, à l’augmentation du nombre d’unions libres ainsi qu’à l’augmen-tation du nombre de célibataires. Ces changements amènent à une diversifi-cation des formes de familles : familles recomposées, monoparentales, homo-parentales.

Elsa Ramos est maître de conférence en sociologie à l’Université Paris-Descartes et chercheur du CERLIS. Spécialiste de l’adolescence, de la jeunesse, de l’autonomie, de la famille, de la question du « chez-soi » et de la mobilité, elle a accepté de répondre à nos questions sur ces thématiques qui

s’inscrivent au cœur du projet éducatif d’AFS Vivre Sans Frontière.

8 Cultures Sans Frontière

Les adolescents qui participent à nos programmes de mobilité font le choix de l’expatriation et donc de l’immersion dans une autre culture, mais aussi de l’intégration d’une nouvelle cellule familiale. Dans quelle mesure cette découverte de nouvelles règles et de nouveaux codes familiaux favorise-t-elle la construction de l’autonomie et de l’identité personnelle ?

Quand on arrive dans une famille, il faut faire avec les règles de fonction-

nement en vigueur, il ne peut pas y avoir de négociations et de grignotages des règles comme cela peut être le cas quand on est chez ses parents. L’ado-lescent est davantage dans une posture de respect de ce qui est en place.

Cette expérience permet également aux jeunes d’être immergés dans des modèles de fonctionnements fami-liaux différents de celui ou de ceux qu’ils connaissent et qu’ils vivent et de prendre consciences de ces réalités dif-férentes : elle multiplie les modèles de référence, ce qui favorise l’autonomie dans la mesure où il y a multiplication

© AFS Vivre sans Frontière

Page 9: Cultures Sans Frontière n°4

Rester enfant,devenir adulte

L’Harmattan, 2003

-------------------------------------------------------------

En abordant des thèmes à forte résonance dans le projet éduca-tif d’AFS Vivre Sans Frontière, comme l’ado-lescence, la fa-mille, la mobilité l’autonomie, la question de l’in-

dividualisation, de l’appartenance ainsi que les ancrages identitaires, les différents travaux d’Elsa Ramos apportent un éclairage précieux sur nos pratiques éducatives.

Dans son livre Rester enfant, devenir adulte, elle nous montre comment la construction du « chez-soi » participe à la construction même de l’identité de la personne. Comment un jeune adulte peut se sentir autonome tout en vivant chez ses parents ? L’espace personnel que représente la chambre devient ainsi une sorte de « chez soi chez ses parents », permettant de ga-gner une certaine autonomie au sein de la maison parentale. Cet ouvrage nous éclaire sur les no-tions du « chez soi », « chez nous » et « chez mes parents » et sur la façon dont ces trois dimensions s’articulent entre elles.

9Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

des possibles pour le jeune, cela consti-tue un espace supplémentaire dans lequel l’adolescent peut « piocher » ce qui lui paraît être bien pour lui.

Si l’on inverse le curseur, la famille qui ouvre les portes de son « chez-soi » à un lycéen étranger fait le choix de découvrir une nouvelle culture par le biais de l’échange, mais aussi de partager sa vie quotidienne avec un adolescent. Quelle est la place de l’adolescent aujourd’hui au sein de la cellule familiale ?

Notre société contemporaine est marquée par l’individualisation dans laquelle idéalement chacun peut devenir soi-même. La rhétorique de l’autonomie et du devenir soi est très présente. Dans ce contexte, l’adoles-

cent est un membre de la famille, un individu à part entière.

D’un côté, il existe des règles pa-rentales à respecter qu’il tend à négo-cier pour gagner en marge d’autono-mie et de l’autre, l’adolescent participe dans l’élaboration de son monde, on lui reconnait le droit d’avoir son mot à dire et de participer dans les prises de décisions le concernant.

Peut-on dire que l’expérience d’accueil induit inévitablement une certaine remise en question des codes qui régissent le quotidien de la famille et donc parler de processus d’apprentissage ?

Il ne me semble pas que cela re-mette en cause les codes de la famille en question. En revanche, les espaces privés et publics peuvent se définir différemment. En présence de l’hôte, un certain nombre de discussions, par exemple, seront remises à des mo-ments où la famille se retrouve entre-soi. Le processus d’apprentissage se jouerait davantage sur le développe-

ment de compétences à construire et à nouer de nouvelles relations.

De nombreux jeunes considèrent à leur retour leurs familles d’accueil comme des membres à part entière de leur « famille ». Comment définir ce lien et comment se construit-il ?

Il faut distinguer le fait de dire c’est « ma famille » ou bien c’est « comme ma famille ». Ce lien permet davantage de relations d’égal à égal puisqu’il ne s’inscrit pas dans le cadre de l’autorité parentale. Le lien ressem-blerait davantage à celui établi avec des grands-parents avec lesquels il n’y a pas d’enjeu d’autorité du même ordre qu’avec les parents. Cela favo-rise les discussions et peut-être éga-lement des discussions sur des sujets qu’on n’a pas avec ses parents.

Quels sont selon vous les éléments à ne pas perdre de vue pour préparer les jeunes et les familles qui participent aux programmes AFS à tirer un maximum de profit de l’expérience d’échange ?

Insister sur la chance qui est don-née d’être accueilli dans une intimité familiale : la famille ouvre ses portes.

Le fait que ce soit également une situation d’expérimentation dans la mesure où l’adolescent acquiert des compétences à la sociabilité, il fait l’expérience de nouvelles relations et notamment avec des adultes qui ne sont ni ses parents, ni ses profs et avec lesquelles il n’est pas dans une situa-tion d’autorité au sens strict même s’il y a des règles à respecter

Le fait d’avoir accès à d’autres manières de vivre, d’organiser la vie domestique, de penser qui sont des références supplémentaires pour puiser des formes d’élaboration de sa propre vie.

Propos recueillis par Claire Rozier

Pour aller plus loin

Elsa Ramos, Rester enfant, devenir adulte, L’Harmattan, 2003

Quand on arrive dans une famille, il faut faire avec les règles de fonctionnement en vigueur, il ne peut pas y avoir de négociations et de grignotages des règles comme cela peut être le cas quand on est chez ses parents.

«

«

Elsa Ramos

Page 10: Cultures Sans Frontière n°4

ACTUALITÉS AFSINTERNATIONAL

L’ étude Kaléi-doscope (Kalei-doscope Study) est un projet

de recherche international de long-terme mis en œuvre par des chercheurs de l’Université d’Essex (Royaume Uni), avec le soutien de AFS Intercultural Programs. Cette initiative s’ins-crit dans la tradition de colla-boration étroite entre AFS et les universitaires sur les outils de mesure des conséquences de l’expérience à l’étranger.

En quelques chiffres, cette étude a réuni plus de 2000 étudiants d’une moyenne d’âge de 17 ans, et issus de 46 pays différents durant une période de 18 mois (avant, pendant et après le séjour à l’étranger). Au total, ce sont 17 463 questionnaires qui ont été complétés pour répondre à plus de 1200 questions.

LES pREMIERS RÉSULTATS

Le 30 novembre dernier, Nicolas Geeraert (enseignant-chercheur en psychologie so-ciale à l’Université d’Essex) a présenté à Berlin les pre-mières conclusions de cette étude aux différents acteurs de la mobilité présents. Le rôle de la personnalité dans

> Le site de l’étude Kaléidoscope de l’université : http://www.kaleidoproject.org

10 Cultures Sans Frontière

KALEIDOSCOPE STUDY : MESURER L’IMPACT DE L’EXPÉRIENCE D’IMMERSION

AFS s’inscrit dans une démarche d’évaluation et de formalisation des bénéfices de la mo-bilité individuelle, en participant activement

à la réflexion globale et à la recherche sur la mesure de l’impact de l’expérience d’immersion.

le processus d’adaptation, les différentes stratégies mises en œuvre, le défi du retour chez soi, le développement personnel et identitaire, ainsi que la dimension affective de l’expérience ont notamment été abordés. Ces premiers ré-sultats permettent d’alimenter la réflexion sur l’impact de l’expérience d’immersion inhérente au secteur de la mobilité internationale.

© AFS Allemagne

© Kaleidoproject.org

Page 11: Cultures Sans Frontière n°4

11Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

ACTUALITÉS AFSFRANCE

LE BAC EN 4 ANS : UN PARTENARIAT POUR UNE EXPÉRIENCE ÉDUCATIVE PIONNIÈRE

Proposer le bac en 4 ans, en insérant une année à l’étranger entre la Seconde et la Première, voilà le pari de Françoise Gras, directrice de l’Institution Saint-Pierre de Bourg-en-Bresse. Soucieuse de ré-pondre aux demandes des parents d’élèves, elle a fait le choix d’un partenariat avec AFS Vivre Sans

Frontière afin de proposer un cadre aux jeunes et aux parents, et ainsi favoriser et valoriser la mobilité au sein de son établissement. Elle nous apporte des précisions sur la genèse de cette expérience éducative pionnière(1).

Philippe Brun, Président d’AFS De La Loire aux Alpes, Philippe

Peccatier, Directeur national d’AFS Vivre Sans Frontière,

Françoise Gras, Directrice de l’Institution Saint-Pierre

© AFS Vivre Sans Frontière

Comment est née l’idée de ce partenariat ?

Françoise Gras : Passer son bac en 4 ans, en proposant aux élèves de partir entre la classe de seconde et de pre-mière pour une année à l’étranger, est un projet pédagogique qui répond aux demandes des familles. De nombreux parents d’élèves s’appuient déjà sur des clubs services pour permettre à leurs enfants de suivre une partie de leur scolarité dans une autre école. Nous, nous voulions que ces initiatives fassent entièrement partie de nos pro-grammes. Ainsi, lorsque l’élève revient de son voyage, il retrouve sa place dans l’établissement.

Pourquoi proposer aux élèves de partir entre la classe de seconde et première ?

Pour respecter deux critères : le premier, il fallait que les lycéens aient moins de 18 ans, le second qu’ils ne soient pas perturbés dans leur cycle première-terminale qui mène au bac.

Comment le partenariat avec AFS Vivre Sans Frontière s’est-il établi ?

Nous avons prospecté auprès de plusieurs associations, et choisi celle qui collait le mieux à notre politique éducative. AFS propose de préparer les jeunes avant le voyage avec des week-ends organisés en amont, ainsi qu’un accompagnement pendant et après l’expérience. Ensuite, les familles d’accueil sont bénévoles, ce qui nous parait primordial. Enfin, AFS propose un large éventail de destinations, dans plus de cinquante pays ! Et pas seule-ment dans les capitales, dans aussi de plus petites villes authentiques. Une immersion totale !

Plutôt un voyage linguistique ou culturel ?

Culturel avant tout ! L’accent est mis sur la découverte d’un autre système scolaire et d’autres façons de vivre en tissant des amitiés internatio-nales. Cela dit, passer un an à l’étran-ger a aussi des retombées linguistiques.

Pour partir, les élèves seront-ils sélectionnés ?

Les lycéens postulent dès no-vembre. Ce ne seront pas que les bons élèves qui pourront partir. Ils devront présenter un projet et c’est conjointe-ment que l’équipe pédagogique et les responsables d’AFS valideront ou non leur demande.

Propos recueillis par Claire Rozier

----------------------------------------------(1) Extraits de l’interview publiée dans Le Progrès, le 19 octobre 2012

Plus d'informations

Contactez Claire Rozier, Coordinatrice des Relations Écoles, Pédagogie Interculturelle et Formation d’AFS Vivre Sans Frontière :

[email protected] ou 01 45 14 04 79.

Page 12: Cultures Sans Frontière n°4

12 Cultures Sans Frontière

ACTUALITÉS AFSFRANCE

ABORDER L’INTERCULTURELEN CLASSE

L e 6 février dernier, l’équipe d’AFS Pays de la Garonne répondait présent à

la sollicitation de la DAREIC de Bordeaux en participant à la 6e rencontre autour de l’éducation au développement et à la solidarité internationale, organisée par le rectorat de l’académie de Bordeaux et le Réseau Aquitain pour le dé-veloppement et la solidarité internationale (RADSI), et portant sur le thème « com-prendre pour être solidaire : l’ap-proche interculturelle ».

Inscrite dans le Plan Aca-démique de Formation 2012-2013, cette journée s’adressait essentiellement à un public d’enseignants soucieux de compléter leur démarche pédagogique et de décou-vrir de nouveaux outils pour aborder la problématique de l’interculturel dans une salle de classe.

La matinée, consacrée aux apports théoriques à partir des interventions de Marc Bulteau (Consultant Intercutulturalité RIVEs et coordinateur du master Analyse de crises et ac-tions humanitaires, Université de Savoie) et de Sheik Sow (anthropologue, formateur en

Les enseignants qui participent à l’ouverture internationale des établissements scolaires telle qu’impulsée par la réforme du lycée

sont de plus en plus désireux d’intégrer l’éducation interculturelle dans leur approche pédagogique.

communication interculturelle et démarche participative), a permis de replacer au cœur du débat l’importance de la res-ponsabilité individuelle dans les relations interculturelles. Au-delà du rapport Nord-Sud souvent mis en avant dans les projets dits de solidarité, l’en-jeu de l’interculturel dans la société actuelle réside surtout dans la capacité de chacun à gérer des difficultés inhérentes aux interactions quotidiennes avec des différences culturelles (croyances, comportements et valeurs).

Lorsque nous nous re-trouvons en situation d’in-compréhension ou de rejet d’une différence observable, devons-nous intervenir ? Prendre parti ? Rester silen-cieux et accepter au nom de la tolérance ? Agir ? C’est dans ce processus de négociation permanente avec soi-même qui fait désormais partie de notre quotidien, que prend toute sa dimension l’impor-tance du développement de compétences interculturelles, dès le plus jeune âge, et tout au long de la vie.

Ainsi, lors de cette journée de formation, AFS Vivre Sans Frontière était sollicité pour

animer deux ateliers d’une heure, visant à présenter des outils pédagogiques pour aborder cette problématique. Les enseignants présents se sont prêtés au jeu de la dé-couverte des méthodes d’édu-

Des ressources pour les enseignants---------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour accompagner les enseignants soucieux d’aborder cette problématique dans leur classe, AFS Vivre Sans Frontière a développé des outils pédagogiques :

UN pOSTER pÉDAgOgIQUEAffiché de manière permanente dans une salle de classe ou

ponctuellement lors d’activités interculturelles, le poster péda-gogique a pour ambition de visualiser le concept de culture, les différentes étapes de l’immersion culturelle, ainsi que les bénéfices de l’expérience d’immersion pour les participants à travers des témoignages de jeunes.

UN LIVRET pOUR LES ENSEIgNANTSEn complément du poster, le livret pédagogique propose une

définition des concepts de base pour l’apprentissage interculturel par immersion, ainsi que plusieurs fiches d’activités pour donner des idées d’initiatives à mettre en place dans une classe ou dans l’établissement scolaire.

> Le poster pédagogique et le livret pédagogique sont disponibles sur demande auprès de Claire Rozier : [email protected]

cation non-formelle, afin de mieux cerner sa complémen-tarité avec celle dispensée par l’Éducation Nationale dans ce processus de développement de compétences intercultu-relles du plus grand nombre.

© AFS Vivre sans Frontière

Page 13: Cultures Sans Frontière n°4

13Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

VUES D’AILLEURS

RYTHMES SCOLAIRES ET ÉDUCATION

L e contexte des échanges AFS permet déjà d’ouvrir la question, grâce aux accueillis AFS et à leurs comparaisons

récurrentes des systèmes scolaires des pays d’origine et d’accueil : « Dans mon pays, nous n’avons cours que le matin », « Les journées sont trop/pas assez chargées en France », etc. Mais est-ce si facile de com-parer les rythmes scolaires entre pays ?

Une telle comparaison nécessite en premier lieu de se rendre compte de la diversité des aménagements scolaires entre durées quotidiennes, mais aussi hebdomadaires et annuelles d’enseigne-ment et leur répartition sur le calendrier. C’est en prenant en compte ces différents éléments qu’on arrive à la conclusion apparemment paradoxale qu’ « en Europe, la France se distingue avec la journée de classe la plus longue et l’année scolaire la plus courte »(1). C’est justement cette concen-tration de la scolarité qui pousse certains à proposer de raccourcir les sacro-saintes vacances d’été, de manière à raccourcir les journées. Certains pays de l’OCDE ont justement fait ce choix ces dernières années : raccourcir les vacances pour éta-ler le temps scolaire : l’Italie, le Japon ou encore la République Tchèque(2). Avec 4,7 à 7h d’enseignements quotidiens dans le secondaire en 2010, le secondaire français se situe pour le moment bien au-dessus de la moyenne de l’Union européenne(3).

Au-delà des comparaisons numé-riques, la question des rythmes scolaires peut cacher des représentations collec-tives sur l’éducation des enfants et des

Ah, les rythmes scolaires… Un débat qui semble faire le bonheur des politiques et des médias français à chaque nouvelle année scolaire, et a fortiori après un changement de gouvernement. Au-delà des débats français sur l’utilité du mercredi ou du samedi matin, que peut révéler cette question sur la

vision qu’une société se fait de l’éducation de sa jeunesse ?

jeunes, ainsi que sur la fameuse valeur « travail » et sur son inculcation aux plus jeunes. Ces représentations émergent lors de comparaisons entre « modèles » d’éducation. Le livre de l’asio-amé-ricaine Amy Chua, L’Hymne de bataille de la mère Tigre (The Battle Hymn of the Tiger Mother(4)) a fait émerger un tel dé-bat aux États-Unis depuis sa parution en 2011. Le modèle de la « tiger mom » ou « mère-tigre » s’opposerait au modèle occidental de l’ « enfant-roi », et répondrait aux angoisses parentales sur la réussite sociale de leurs rejetons en inculquant à ceux-ci, dès leur plus jeune âge, « le goût de l’effort », le prix du succès à coup d’en-traînements sportifs, de cours de langues étrangères (notamment… de chinois), et autres activités extra-scolaires, ce dès le plus jeune âge. Les médias français ont partiellement relayé ce débat américain, qui a cependant fait moins de bruit dans l’Hexagone(5).

C’est sans doute en se tournant vers l’image de l’éducation « à la française » qu’on peut se faire une idée du côté légè-rement fantasmé de ces modèles d’édu-cation. Peu après le succès du livre sur les « tiger mom », sortait aux États-Unis un livre prônant cette fois l’éducation « à la française », notamment la capa-cité des familles françaises à faire avaler des petits pois à leurs enfants : French Children Don’t Throw Food (Les enfants français ne jettent pas leur nourriture), de la journaliste Pamela Druckerman(6). Tout ceci dans un contexte américain de « combat contre l’obésité », incarné par la

First Lady et ses menus à l’école. Bien sûr, vu de l’Hexagone assez morose, c’est toujours agréable à entendre. Le journal du soir de France 2 ne s’en est pas privé et diffusait ainsi en janvier un « grand format » sur cette éducation « à la fran-çaise »(7). On y présentait ainsi une famille « modèle » : trois enfants, une mère posant des règles strictes, les enfants habitués tôt à l’autonomie – ménage, mais aussi activités avec les scouts. À noter que le père de famille n’apparaissait pas – sont-ce uniquement les mères qui font manger des petits pois aux petits Français ? Là encore, une discussion entre accueillis AFS permettrait sans doute de se rendre compte de la diversité des familles fran-çaises, au-delà de ces familles « modèles », objets de représentations culturelles des deux côtés de l’Atlantique.

----------------------------------------------

(1) « Les rythmes scolaires », Sciences Humaines n°225, avril 2011.(2) Voir le dossier d’actualité n°60 (février 2011) de l’Institut national de recherche pédagogique : « Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps scolaires », p.3.(3) Ibid, p. 5.(4) Amy Chua, L’hymne de bataille de la mère Tigre, Gallimard, 2011, 304 pages.(5) Voir par exemple un article du Figaro en date du 6/11/11, « La petite leçon d’éducation à la dure d’une mère Tigre », ou un reportage de 66 Minutes (M6) du 24/04/11. (6) Pamela Druckerman, French Children Don’t Throw Food: Parenting Secrets From Paris. Doubleday, 2012, 268 pages, non traduit. (7) Journal télévisé de 20h du 09/01/13.

Page 14: Cultures Sans Frontière n°4

14 Cultures Sans Frontière

« 4 MORE YEARS » : RETOUR SUR LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES

L e monde a d’abord appris la réélection de Barack Obama sur Twitter. » Cette

phrase d’un article du Monde consacré au tweet le plus par-tagé de l’histoire – « 4 more years », accompagné d’une photo du couple Obama – lie explicitement l’importance des réseaux sociaux dans la campagne présidentielle américaine avec la résonance mondiale de celle-ci.

Si la campagne de 2008 avait déjà été très suivie à l’étranger (on se souvient de la médiatisation des réactions de Kényans, par exemple) cela paraît encore plus net en 2012. Le « reste du monde » ou en tout cas ses représen-tants auto-proclamés interpel-lent également directement les Américains, avec ces messages sur les réseaux sociaux : « Dear Americans, Please Don’t Vote For Romney. Thanks, The Rest of The World » (« Chers Améri-cains, s’il vous plaît, ne votez pas Romney. Merci, le reste du monde »).

Est-on en train de voir émerger un espace public mondial, ou non seulement l’information, mais aussi la participation démocratique transcenderait les frontières

L’année 2012 aura été riche en échéances électorales à dimension mondiale. Après l’article paru dans le Cultures sans frontière n°3 sur les élections françaises vues d’ailleurs, ce n°4 se propose de revenir sur l’élection présidentielle américaine. Cette fois-ci, plus qu’une comparaison entre démocraties, c’est

la dimension globale de l’évènement qui semble intéressante dans une perspective interculturelle.

Clés de lecture

Espace public (en philosophie, tel que développé par Haber-mas) : réseau, espace, sphère permettant de communiquer et de diffuser des contenus et des prises de position.

VUES D’AILLEURS

nationales ? L’affaire du film anti-islam en septembre 2012 en serait une illustration tra-gique. Au-delà des réseaux sociaux comme Tweeter ou Youtube, les chaînes d’infor-

mation en continu, qu’elles soient anglo-américaines, chinoises, russes, françaises ou arabes, comme AlJazeera pendant le printemps arabe, semblent contribuer à cette mondialisation de l’infor-mation. Cela à un moment ou la mondialisation devient multipolaire.

Cela se laisse sentir à tra-vers l’origine de l’information – plus uniquement américaine ou occidentale, bien que majo-

ritairement anglophone – mais aussi quant aux thèmes mis en avant. Un contre-exemple sans doute : le relatif désintérêt des médias pour le renouvellement du Politbüro chinois quelques temps après la réélection de Barack Obama. D’un certain côté, bien que majeur pour le pays le plus peuplé du monde, il a eu moins de potentiel pop-culturel que Beyoncé chantant l’hymne américain pour l’in-vestiture d’Obama !

© swirlspice (CC)

Page 15: Cultures Sans Frontière n°4

15Mars 2013 | AFS Vivre Sans Frontière

À DÉCOUVRIR

ME EXCHANGED : QUAND LE CHANGEMENT EST AUSSI PHYSIQUE

S’ il est généra-lement admis que le départ à l’étranger est

un facteur clé de réflexion, de développement personnel et donc de changement, on oublie parfois que ce chan-gement se manifeste aussi dans l’apparence physique, d’autant plus lorsque cette expérience a lieu lors d’une période charnière telle que l’adolescence.

Au retour de sa fille qui ve-nait de passer un an à l’étran-ger, l’artiste Ina Khöler est surprise de sa transformation physique. En 2007, elle dé-cide donc de se lancer dans un projet artistique autour de ce phénomène et réunit 30 jeunes lycéens berlinois, filles et garçons, afin de les photographier avant leur dé-part et à leur retour.

« Pour moi, ils n’ont pas juste l’air plus âgés : on peut dire que quelque chose a changé en eux, notamment pour plusieurs d’entre eux qui rentraient des États-Unis en particulier. Leurs visages sont… plus larges. Plus ouverts. À l’image je suppose, de leur plus grande ouverture d’esprit », confie l’artiste au magazine Indi Berlin.

En Allemagne, Ina Köhler, dont la fille venait de passer une année à l’étranger, a mis à profit ses talents artistiques au sein d’une exposition

de portraits intitulée Me exchanged, projet inédit qui nous montre le séjour à l’étranger sous un autre angle.

Aujourd’hui elle expose cette série de portraits intitu-lée Me exchanged (traduit litté-ralement par « Moi échangé ») dans sa galerie berlinoise. Un catalogue accompagné de té-moignages de chaque jeune est également disponible. Une perspective inédite de l’expérience d’immersion à découvrir !

Pour aller plus loin

Site d’Ina Khöler : http://www.inakoehler.de

Toutes les photos sont extraites de l’exposition Me exchanged.

© Ina Köhler

Page 16: Cultures Sans Frontière n°4

Publication

L’ une des caractéristiques d’AFS est d’être une organisation à but non lucratif, repo-sant essentiellement sur l’investissement de milliers de bénévoles à travers le monde,

véritable colonne vertébrale de notre projet éducatif. Notre prochain numéro sera donc l’occasion de pointer le curseur vers eux : qu’apprennent-ils à travers leurs différentes actions ? Comment se déclinent le ou les apprentissages ? Quelles sont les nouvelles formes de bénévolat ? Comment évolue le concept de militantisme ou encore quels sont les enjeux autour de la profession-nalisation du monde bénévole ?

C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter un éclairage dans le prochain numéro de Cultures Sans Frontière.

Vos questions, contributions et réactions sont pré-cieuses pour faire de ce n°5 une véritable plateforme d’échange et de discussions. N’hésitez pas à transmettre vos articles à Claire Rozier ([email protected]).

Dans votre prochain numéro

L’apprentissage à travers le bénévolat : engagement citoyen et formation tout au long de la vie

Directrice de la publication : Anne Collignon Rédactrice en chef : Claire RozierRédaction : Zoé Kergomard, Emir C. Mahieddin, Claire Rozier

Maquette : Maël NonetAbonnement gratuit : www.afs-fr.org ou [email protected]

Courrier des lecteurs et réactions : [email protected]

Cultures Sans Frontière est une revue semestrielle électronique gratuite éditée parAFS Vivre Sans Frontière, association de loi 1901, reconnue d’utilité publique depuis 1965.

ISSN : 2261-0944

AFS Vivre Sans Frontière, 46 rue du Cdt Jean Duhail - 94132 Fontenay-sous-Bois Cedex - France01 45 14 03 10 - [email protected]

www.afs-fr.org

CULTURESSANS FRONTIÈRE

© AFS Vivre sans Frontière