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6 6 « Quand on est dans le fond, on doit être solidaire pour trouver des solutions. » Lu- cidité du diagnostic, démarche de coopé- ration, recherche de politiques innovantes : les trois axes du colloque « Développement écono- mique : quelles stratégies intercommunales pour demain ? » sont réunis dans la formule de Jean Malapert. Le président de la communauté de communes du Coglais était l’un des 250 partici- pants de cette manifestation organisée le 28 juin, au Sénat, par l’AdCF et l’Institut supérieur des métiers (ISM). Si la recette miracle pour enrayer, à un niveau local, les effets de la crise n’a évidemment pas été trouvée, des présidents de communauté ont néanmoins ouvert des pistes pour en amortir les impacts et identifier des leviers possibles pour re- bondir. De nombreux témoignages ont signalé des pièges à éviter, à la faveur de leur expérience de terrain. Un terrain pluriel d’ailleurs, tant il est vrai que tous les bassins d’emploi ne subissent pas les turbulences économiques avec la même violence. Vulnérabilité des bassins industriels La crise 2008-2009 a en effet mis en évidence la vulnérabilité de certains types de territoires par La crise économique n’est pas égalitaire avec les territoires. Si elle frappe de plein fouet les plus vulnérables, et notamment beaucoup de bassins industriels ruraux, d’autres semblent traverser la crise sans même la voir, en raison des puissants amortisseurs dont ils disposent et de la faible exposition de leurs activités aux turbulences mondiales. Pour autant, ne plus jurer que par l’ « économie résidentielle » ne saurait être la réponse magique des territoires. Chacun a conscience de la nécessité de combiner différents types d’activités et d’éviter des phénomènes caricaturaux de spécialisation. Le colloque organisé par l’AdCF et l’Institut supérieur des métiers (ISM) le 28 juin dernier, au Sénat, a permis de débattre de la reformulation en cours des stratégies intercommunales de développement. « L’économie résidentielle peut aussi coûter très cher, les départements sont en train de s’en apercevoir. » Loïc Cauret, président de Lamballe Communauté « Il était plus facile de convaincre les politiques d’accompagner le développement des entreprises quand le retour de taxe professionnelle ramenait trois fois la mise initiale. » Geneviève Fioraso, vice-présidente de Grenoble-Alpes Métropole Dans la turbulence de la crise économique Dossier Mutations éco rapport à d’autres qui ne « la sentent quasiment pas passer », comme le montrent les travaux conduits par l’économiste Laurent Davezies (cf. interview p. 9), dans le cadre de l’Observatoire des impacts territoriaux de la crise constitué par l’AdCF et la CDC. Les premiers frappés sont les bassins d’emploi de sous-traitance industrielle, ruraux ou semi-ruraux, qui ne disposaient de quasiment aucun amortisseur (peu d’emploi pu- blic, peu d’attractivité résidentielle…) Ce sont les mêmes qui, en vingt-cinq ans et à travers trois crises, ont déjà le plus souffert. Les secteurs industriels et manufacturiers « prennent le choc de plein fouet et, une fois la crise passée, ne retrouvent pas le niveau d’activité antérieur, comme peut le faire le BTP ou les services. À l’ex- ception de l’agroalimentaire et l’automobile », pré- cise Laurent Davezies. Pour les territoires concernés, « pas de rési- lience » en vue : le choc conjoncturel ne fait que s’ajouter à une crise profondément structurelle. « La crise, qui est sans doute loin d’être achevée, révèle une série de crises structurelles, remettant en cause notre modèle d’économie industrielle », © AdCF © AdCF N° 148 - Septembre 2010 AdCF Intercommunalités

Dans la turbulence crise économique - AdCF...de placer les communautés en situation de « chef de file » du développement économique local. Dominique Braye a regretté le «

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Page 1: Dans la turbulence crise économique - AdCF...de placer les communautés en situation de « chef de file » du développement économique local. Dominique Braye a regretté le «

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« Quand on est dans le fond, on doit être solidaire pour trouver des solutions. » Lu-cidité du diagnostic, démarche de coopé-

ration, recherche de politiques innovantes  : les trois axes du colloque « Développement écono-mique : quelles stratégies intercommunales pour demain  ? » sont réunis dans la formule de Jean Malapert. Le président de la communauté de communes du Coglais était l’un des 250 partici-pants de cette manifestation organisée le 28 juin, au Sénat, par l’AdCF et l’Institut supérieur des métiers (ISM).Si la recette miracle pour enrayer, à un niveau local, les effets de la crise n’a évidemment pas été trouvée, des présidents de communauté ont néanmoins ouvert des pistes pour en amortir les impacts et identifier des leviers possibles pour re-bondir. De nombreux témoignages ont signalé des pièges à éviter, à la faveur de leur expérience de terrain. Un terrain pluriel d’ailleurs, tant il est vrai que tous les bassins d’emploi ne subissent pas les turbulences économiques avec la même violence.

Vulnérabilité des bassins industrielsLa crise 2008-2009 a en effet mis en évidence la vulnérabilité de certains types de territoires par

La crise économique n’est pas égalitaire avec les territoires. Si elle frappe de plein fouet les plus vulnérables, et notamment beaucoup de bassins industriels ruraux, d’autres semblent traverser la crise sans même la voir, en raison des puissants amortisseurs dont ils disposent et de la faible exposition de leurs activités aux turbulences mondiales. Pour autant, ne plus jurer que par l’ « économie résidentielle » ne saurait être la réponse magique des territoires. Chacun a conscience de la nécessité de combiner différents types d’activités et d’éviter des phénomènes caricaturaux de spécialisation. Le colloque organisé par l’AdCF et l’Institut supérieur des métiers (ISM) le 28 juin dernier, au Sénat, a permis de débattre de la reformulation en cours des stratégies intercommunales de développement.

« L’économie résidentielle peut aussi coûter très cher, les départements sont en train de s’en apercevoir. » Loïc Cauret, président de Lamballe Communauté

« Il était plus facile de convaincre les politiques d’accompagner le développement des entreprises quand le retour de taxe professionnelle ramenait trois fois la mise initiale. » Geneviève Fioraso, vice-présidente de Grenoble-Alpes Métropole

Dans la turbulence de la crise économique

Dossier Mutations éco

rapport à d’autres qui ne « la sentent quasiment pas passer », comme le montrent les travaux conduits par l’économiste Laurent Davezies (cf. interview p. 9), dans le cadre de l’Observatoire des impacts territoriaux de la crise constitué par l’AdCF et la CDC. Les premiers frappés sont les bassins d’emploi de sous-traitance industrielle, ruraux ou semi-ruraux, qui ne disposaient de quasiment aucun amortisseur (peu d’emploi pu-blic, peu d’attractivité résidentielle…) Ce sont les mêmes qui, en vingt-cinq ans et à travers trois crises, ont déjà le plus souffert. Les

secteurs industriels et manufacturiers « prennent le choc de plein fouet et, une fois la crise passée, ne retrouvent pas le niveau d’activité antérieur, comme peut le faire le BTP ou les services. À l’ex-ception de l’agroalimentaire et l’automobile », pré-cise Laurent Davezies.Pour les territoires concernés, « pas de rési-lience » en vue : le choc conjoncturel ne fait que s’ajouter à une crise profondément structurelle. « La crise, qui est sans doute loin d’être achevée, révèle une série de crises structurelles, remettant en cause notre modèle d’économie industrielle »,

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N° 148 - Septembre 2010 • AdCF • Intercommunalités

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explique l’économiste. D’ailleurs, les grandes mé-tropoles et les territoires dits résidentiels passent entre les mailles.

L’illusion du « tout résidentiel » Faut-il pour autant parier sur la seule « écono-mie résidentielle » ? S’il n’a pas inventé le concept, Laurent Davezies est celui qui en a diffusé auprès des collectivités la connaissance à travers ses nom-breux travaux. Même s’il en a montré l’importance considérable dans les économies locales (à travers les revenus redistribués par les transferts sociaux ou les salaires publics), Laurent Davezies est le premier à se montrer critique sur les stratégies de développement strictement résidentielles. « Ce qui est horrible, c’est que tout le monde pense que je suis le chantre de l’économie résidentielle », a-t-il confié à la salle. L’universitaire, par ailleurs doc-teur en urbanisme, qualifie même de « cyniques » les décideurs locaux qui parieraient exclusive-ment sur ce moteur économique. Et d’ajouter, un rien désabusé : « cyniques ou fidèles au mandat que leur imposent certains électeurs, tout dépend du point de vue ». Car continuer à attirer des activités productives, exposées à la concurrence

internationale, n’est pas de tout repos localement. Les stratégies cyniques, Marc Andro n’est pas du genre à les accepter lorsqu’il prédit les ravages de « l’illusion résidentielle » dans les politiques lo-cales. C’est même avec une certaine colère que le vice-président de Quimper Communauté, chargé du développement économique, touristique et de l’aménagement de l’espace, dénonce « les collec-tivités (qui) ont compris que la réforme de la TP ne favorisait plus les activités économiques et de-mandent maintenant aux industries de s’instal-ler plus loin ». Ce serait un très mauvais calcul, a renchéri Geneviève Fioraso, vice-présidente de Grenoble-Alpes Métropole et députée de l’Isère, qui a pour sa part décidé de « ne pas faire le choix d’un développement contre un autre ». L’agglomé-ration rhône-alpine se garderait d’ailleurs bien de miser sur « une économie de vieux », en cherchant à capter le pouvoir d’achat de seniors fortunés. D’ailleurs, « même les vieux riches coûtent cher, car ils vont vivre très longtemps », ironise l’élue grenobloise. « C’est très bien de vouloir récupérer les baby boomers solvables, mais ça ne dure qu’un temps », confie, dans le même sens, Charles-Éric Lemaignen, président de la communauté d’Orléans Val-de-Loire.

« Soigner les niches et l’innovation »« L’économie résidentielle peut aussi coûter très cher aux collectivités en termes de services et de prestations. Les départements sont en train de s’en apercevoir », note Loïc Cauret, en énumérant les services sociaux associés à la présence de certains publics. « Les territoires qui concentrent les retrai-tés riches subissent du même coup une pression ur-baine et foncière très élevée », ajoute le président de Lamballe Communauté.Si, promis juré, ces élus n’entendent pas manger de ce pain-là, c’est aussi parce que leurs opportunités locales sont ailleurs. Grenoble a bâti son dévelop-pement sur la haute technologie et poursuit sur sa lancée car « pour un emploi de haute technologie, trois emplois sont générés dans la sous-traitance, la recherche et les services », se félicite Geneviève Fioraso ; 80 % des 200 millions d’euros du projet Minatec relèvent ainsi de l’argent public. « Il était plus facile de convaincre les politiques d’accompa-gner le développement des entreprises quand le re-tour de taxe professionnelle ramenait trois fois la mise initiale », craint toutefois l’élue grenobloise.« Il faut soigner les niches et l’innovation, être à l’écoute des opportunités », demeure convaincu Charles-Éric Lemaignen, en prenant l’exemple d’un ancien chercheur qui a créé, dans l’agglomé-ration d’Orléans, une entreprise de traitement des phosphates dans les nappes phréatiques. Cette dé-marche « d’écoute » serait également indispensable à l’égard des entreprises en difficulté. « Il faut voir les dirigeants et les salariés, s’interroger avec eux. »

À la question posée par le colloque « Déve-loppement économique : quelles stratégies intercommunales pour demain ? », nombre de témoignages ont répondu par l’idée que les politiques de développement économique, d’urbanisme et de maîtrise foncière sont inti-ment liées. « Je n’avais jamais senti à ce point-

là, et si fortement, que l’on ne peut pas abor-

der l’un sans l’autre », a confié Loïc Cauret. Et le président de Lamballe Communauté de s’in-terroger, au passage, sur « le type d’ingénierie

à mettre à disposition des territoires ». « L’urbanisme est une carte maîtresse du dé-

veloppement économique », est également convaincue Estelle Grelier, présidente de la communauté de communes de Fécamp. Une carte à jouer, notamment pour accompagner l’évolution des parcs d’activités. Compétition territoriale et développement durable obligent, les programmes immobiliers récents sont da-vantage soucieux de l’intégration paysagère, de la maîtrise des impacts des activités éco-nomiques sur l’eau ou le bruit, de la collecte des déchets, ou encore de l’accessibilité et des services aux salariés. « Les grandes agglomé-

rations qui n’offrent pas, dans leurs zones d’ac-

tivités, des crèches intégrées, un plan de dé-

placement d’entreprises et des infrastructures

soucieuses de la consommation d’énergie

sont en dehors du coup », prévient Jean-Pierre Moure, 1er vice-président délégué à l’urbanisme de Montpellier Agglomération où le PDE concerne 45 000 salariés.Indissociable de l’urbanisme, « la problé-

matique du foncier est au cœur des enjeux », ajoute Charles-Éric Lemaignen, président de la communauté d’Orléans Val-de-Loire. « Si on ne

dispose pas d’un établissement public foncier,

il faut, a minima, flécher les espaces dédiés à

l’activité dans les SCoT et, si possible, dans

des PLU et, si possible encore, constituer des

réserves foncières », conseille-t-il en mettant en garde contre les friches industrielles et commerciales que, cette fois encore, « seule la

politique d’urbanisme peut gérer ». VL

Urbanisme et économie : deux politiques intimement liées

« C’est le rôle des communautés d’associer le plus en amont possible les décideurs économiques. » Jacques Chabal, président de la communauté de communes du Pays du Cheylard

« Europe-région-bloc local est le schéma le plus intégré qui nous tirera vers le haut (avec l’État dans le rôle de grand péréquateur). » Estelle Grelier, présidente de la communauté de communes de Fécamp

« La notion de chef de file doit progresser pour gagner en lisibilité et en efficacité du point de vue du temps, du résultat et de la gestion des deniers publics. » Dominique Braye, président de la communauté de Mantes-en-Yvelines

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D’autres relations avec les collectivités… La crise rebat les cartes des relations avec les autres niveaux de collectivités. Dominique Braye, prési-dent de la communauté de Mantes-en-Yvelines, en appelle à une « union sacrée » dans laquelle s’expri-merait « une solidarité intercommunale et intraré-gionale ». De tels partenariats doivent être animés par un chef de file, notion qu’il espère bien voir progresser « pour gagner en lisibilité et en efficacité du point de vue du temps, du résultat et de la ges-tion des deniers publics ». Dans son esprit, selon qu’il s’agisse d’accompagner un pôle de compétitivité, d’encourager le capital-risque local ou d’aider la création d’entreprises, le chef de file pourra être la région, le département ou la communauté. « Europe-région-bloc local est le schéma le plus intégré qui nous tirera vers le haut, avec l’État dans le rôle de grand péréqua-teur », considère Estelle Grelier, présidente de la communauté de communes de Fécamp et députée européenne, en soulignant son faible départemen-talisme et en précisant qu’elle ne croit malheureu-sement « plus trop » aux ambitions péréquatrices de l’État.Pour Jacques Chabal, président de la communauté de communes du Pays du Cheylard, un problème se pose « lorsqu’il y a deux chefs de file ». Selon lui, la compétence revenant de droit à la région, les communautés « doivent être là pour la quotidien-neté, dans la réalité des bassins de vie ».Malgré les différences de territoires et de sensibi-lité, un consensus réunit ces élus sur la nécessité de placer les communautés en situation de « chef de file » du développement économique local. Dominique Braye a regretté le « statu quo légis-latif » sur la question. Le sénateur des Yvelines observe que « le terrain, en attente d’une simpli-fication, est déjà organisé ». « Lorsque les régions reconnaissent les pays, cela leur permet d’avoir un nombre limité d’interlocuteurs de terrain », illustre l’élu breton Marc Andro. Le pays peut coordonner utilement les actions de plusieurs communautés, notamment en matière de développement touris-tique, de promotion territoriale ou d’animation des tissus d’entreprises. À la tête d’une communauté de 6 500 habitants, Jacques Chabal se félicite ainsi que le territoire de Valdac (Valence Drôme Ardèche Centre, 200 000 habitants) prenne en charge la prospective et la veille économique à l’échelle de plusieurs communautés.

… et avec le monde économiqueCes nouvelles stratégies passent par un renouveau de la relation avec le monde économique. Les té-moignages des élus et des représentants consulaires on montrer la nécessité croissante pour les entre-prises de dialoguer avec les intercommunalités et les communes, y compris sur des sujets connexes à leur compétence économique comme les déchets,

L’ouvrage « L’action économique des communautés, res-sources et modes d’intervention de l’intercommuna-lité au service du

développement écono-mique local », publié en juin dernier, est disponible auprès de ses éditeurs, l’AdCF et l’ISM.

Contact AdcF : Anne-Sophie Blanchard, [email protected]

les réseaux (voirie, assainissement, énergie…), les solutions de garde d’enfants pour les actifs, les déplacements de salariés et de marchandises… Des communautés se dotent d’outils de concerta-tion avec les chefs d’entreprise via les conseils de développement ou des instances analogues. Mais attention ! « On parle beaucoup, chacun amène une idée mais, si l’instance de démocratie participative n’est pas fédérée et soutenue par les élus, la réflexion risque de se concentrer sur des détails du quotidien et pas sur une vision politique économique », a averti Jacques Chabal. Sa recette : « c’est le rôle des com-munautés d’associer le plus en amont possible les décideurs économiques » et de les aider à parvenir à une position « unanime ».En la matière, l’étude de l’AdCF et de l’ISM sur les relations avec les milieux consulaires montre que celles-ci sont plus collaboratives qu’il y a quelques années et que la division du travail se précise. « Nous respectons l’expertise des consulaires, nous ne cherchons pas à dédoubler leurs champs de com-pétence », témoigne Marc Andro, vice-président de Quimper Communauté. « Les bureaux d’études font des diagnostics, donnent des chiffres et repartent ; les consulaires, par définition, n’ont pas ce genre de pratique », témoigne un représentant d’une com-munauté de communes de Dordogne.

« La seule fois que la chambre de métiers m’a sollicitée… »Tout dépend, là encore, des territoires. « La seule fois que la chambre de métiers m’a sollicitée, c’était pour me demander d’accueillir un centre Leclerc ! », a regretté Estelle Grelier, tout en évoquant en re-vanche le « guichet unique » créé par la commu-nauté avec la CCI et le Medef.Au sein de Montpellier Agglomération, les relations avec la chambre de métiers sont « excellentes » s’est félicité Jean-Pierre Moure premier vice-président de la communauté d’agglomération. L’élu est éga-lement ravi du travail collaboratif réalisé avec la chambre d’agriculture sur la déclinaison du SCoT en PLU. Les politiques de pôles de compétitivité, de clusters ou de « grappes d’entreprises » ont trans-formé depuis dix ans la nature des rapprochements entre communautés, organismes consulaires et monde de l’entreprise. L’enjeu est désormais de « faire des choses ensemble » et de conduire des actions concrètes dans des champs tels que l’inno-vation, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, ou encore l’accompagnement de la création d’entreprises.Si l’accueil des entreprises et la mise à disposition d’une offre foncière constituera encore pour long-temps le cœur de métier des communautés (96 % des communautés d’agglomération et 73 % des communautés de communes, selon une enquête 2009 de l’AdCF), chacun sait bien qu’il faudra de plus en plus agir sur l’ensemble du cycle de vie de

l’entreprise pour susciter un « écosystème » favo-rable. En termes de retombées fiscales, ce n’est pas le seul capital investi au départ qui comptera mais la capacité du tissu local d’entreprises à accroître sa valeur ajoutée. « Avant, on calculait l’investisse-ment en fonction du retour dans la TP. La réforme fiscale nous incitera à un vrai pacte financier, beau-coup plus intégré en termes d’urbanisme, de déve-loppement économique, dans le cadre d’une straté-gie territoriale plus globale », anticipe Charles-Éric Lemaignen en se qualifiant d’ « optimiste lucide ». Une posture que nombre d’élus aimeraient égale-ment adopter, mais sans cacher pour autant leurs inquiétudes du moment.

Valérie Liquet

Dossier Mutations éco

« La réforme fiscale nous incitera à un vrai pacte financier, beaucoup plus intégré en termes d’urbanisme, de développement économique, dans le cadre d’une stratégie territoriale plus globale. » Charles-Éric Lemaignen, président de la communauté d’Orléans Val-de-Loire

« Les collectivités qui n’offrent pas, dans leurs zones d’activités, des crèches intégrées, un plan de déplacement d’entreprises et des infrastruc-tures soucieuses de la consommation d’énergie sont en dehors du coup. » Jean-Pierre Moure, vice-président de Montpellier Agglomération

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Dans l’agglomération de Grenoble, le campus d’inno-vation Minatec de 20 hectares compte parmi les cinq premiers mondiaux en micro et nanotechnologies. Les 70 000 m2 de locaux abritent 4 000 personnes, dont 2 400 chercheurs, 1 200 étudiants, 600 industriels et spécialistes du transfert technologique. Une ville dans la ville.

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La crise de 2008-2009 a-t-elle touché les mêmes territoires que celle de 1993 ?On dit que le choc de cette crise n’a pas été si impor-tant et, à certains égards, moins violent que celui de 1993. Ce qui est sûr, c’est que le type de zone d’em-ploi de loin le plus pénalisé est, une nouvelle fois, nos fameux petits bassins d’emploi industriels. Ce sont ceux qui ont les plus fortes spécialisations dans les emplois d’ouvriers qualifiés ou non, avec peu de cadres et d’ingénieurs. Ils enregistrent, en moyenne, une variation de 43 % de leur taux de chômage. Il serait abusif de parler de « coup de grâce » (je pré-fère employer l’expression « sur-choc »), mais la vio-lence avec laquelle nos fameux systèmes productifs locaux industriels ont vu leurs activités frappées, pour l’essentiel dans la partie nord du pays, suggère que la crise a été une bonne prédatrice en s’attaquant aux plus faibles. D’autant que, on l’a vérifié sur les décennies passées, les pertes d’activités industrielles, accélérées lors des récessions, sont des pertes défini-tives. Ce qui est perdu n’est jamais retrouvé. Il n’y a pas là de choc conjoncturel (qui suggèrerait que les emplois industriels feraient du yo-yo comme les autres secteurs), mais un choc structurel.

Pourquoi parlez-vous de « double peine » pour les territoires les plus durement touchés cette fois-ci ?La géographie des destructions d’emplois se recoupe souvent avec celle des territoires qui ont vu leurs recettes fiscales amputées par le remplacement de la taxe professionnelle. C’est saisissant en région Pays

de la Loire, en Rhône-Alpes et dans le Nord-Est, notamment en Alsace-Moselle. Mais ce n’est pas vrai partout : les régions méridionales et le Nord-Pas de Calais ne sont pas concernés par cette corrélation. Certains territoires roulent aujourd’hui sur des pistes défoncées ; ils n’ont aucun amortisseur pour rebon-dir. Et ce ne sont pas les coupes de la RGPP (Ndlr : révision générale des politiques publiques) dans les effectifs de l’État territo-rial (restructuration militaire, réforme de la carte judi-ciaire, etc.) qui permettront de développer une économie domestique. Combiné à l’érosion de leurs finances publiques, ce ressac de la présence publique s’ap-parente même à une triple peine. Ces territoires seront-ils demain placés sous perfusion ? Il me semble qu’il y a là un vrai sujet pour la Datar.

Quels sont les territoires qui ne semblent pas subir la crise ? Cette situation est-elle durable ? Les territoires productifs qui s’en sortent le mieux sont plutôt de grandes villes dotées d’actifs quali-fiés (associant ingénieurs, cadres, techniciens, voire ouvriers qualifiés). D’autres parviennent à contrôler le chômage grâce à l’emploi public, sanitaire et social, et d’autres grâce à une demande locale forte qui soutient les emplois du commerce, de l’artisanat, des services

à la personne. Ces territoires « résidentiels » étaient les grands pri-vilégiés de la crise de 1993. Ils se trouvent toujours dans une situation globalement protégée (à part les territoires qui tirent des navetteurs leurs revenus résidentiels d’actifs qui sont presqu’aussi frappés que les territoires « productifs »). Les chocs sur le tourisme, l’immobilier, la construction et la faible

augmentation probable des emplois publics (qui devraient leur bénéficier au premier chef, vu leur croissance démo-graphique) n’ont pas empêché qu’une grande partie du Sud et de l’Ouest du pays, spécialisés dans la réponse à la demande des ménages, n’a finalement que peu souffert de ces deux années de crise « exceptionnelle ».

Attention toutefois aux conclusions hâtives. On avait observé, sur la crise de 1993, que le choc avait d’abord été plus violent dans les territoires productifs non métropolitains, puis, avec un délai d’un an, s’était déplacé vers les métropoles, avec pour résultat que ce sont elles, et notamment l’Île-de-France, qui avaient finalement le plus souffert de l’ensemble de la période de crises (en termes de PIB et d’emploi)...

Propos recueillis par Olivier Crépin et Valérie Liquet

(*) La crise et nos territoires : premiers impacts, édition AdCF et

CDC pour la recherche, octobre 2010.

9Intercommunalités • AdCF • N° 148 - Septembre 2010

INTERVIEWS

Professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris et expert indépendant, Laurent Davezies a réalisé, pour le compte de l’AdCF et de l’Institut CDC pour la recherche (Caisse des Dépôts), une étude sur les premiers impacts territoriaux de la crise de 2008-2009. Il nous livre, quelques jours avant sa publication*, un avant-goût de ses observations.

Laurent Davezies

La crise a été une bonne prédatrice en s’attaquant aux plus faibles

Évolution du chômage : +30 à +170 % Évolution du chômage : +8 à +30 %

Évolution du taux de chômageentre le 2e trimestre 2008

et le 1er trimestre 2010

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Source des données :

Dares & Pôle emploi

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DU DÉVELOPPEMENT LOCAL Les zones d’emplois impactées selonleur moteur de développement local

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Dossier Mutations éco

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Mutations économiques, désindustrialisation : un diagnostic partagé ?

E n installant, le 8 juillet dernier, la Conférence nationale de l’industrie, Christian Estrosi a annoncé l’entrée en vigueur du dispositif de

200 millions d’euros de soutien à la réindustrialisa-tion. Ce dispositif, ouvert aux entreprises jusqu’au 30 juin 2013, vise à accompagner par le biais d’avances remboursables des projets d’au moins 5 millions d’euros d’investissement, devant aboutir à la créa-tion d’au moins vingt-cinq emplois dans un délai de trente-six mois. Objectif  : « encourager la localisa-tion compétitive en France des outils de production et de R&D, notamment des PME-PMI, et renforcer le “produire en France ” ». Un mot d’ordre qui semble avoir pris en compte, au moins pour partie, les diffé-rentes études réalisées ces dernières années.D’abord, selon l’Insee, la France a encore perdu, depuis 2002, 500 000 emplois industriels (soit 13 % des effectifs de l’industrie). Les statistiques mon-trent toutefois que les mutations économiques ne sont plus de même nature. Les restructurations de la dernière décennie sont plus fréquentes et concer-nent tous les secteurs d’activité, contrairement aux restructurations sectorielles et massives des années 1970 à 1990, qui avaient frappé principalement la sidérurgie, le textile, les bassins miniers et les chan-tiers navals.

R&D : réviser le positionnementRepositionner les efforts de recherche et développe-ment sonne ensuite, en effet, comme une urgence, compte tenu du recul global du poids de la France dans la valeur ajoutée des industries manufactu-rières des pays de l’OCDE. Le rapport Beffa de 20051 relevait déjà, à ce titre, une concentration massive de l’aide publique à la R&D dans les secteurs de la défense et des grands programmes historiques (aéronautique, spatial, nu-cléaire, secteur nanoélectronique), au détriment des autres secteurs. L’ancien PDG de Saint-Gobain pré-conisait alors la création d’une agence de l’innova-tion industrielle. Dans le même esprit, le centre d’analyse straté-gique (CAS) explique la faiblesse de la R&D privée

L’industrie française a perdu 36 % de ses effectifs en moins de vingt ans. Elle est passée de 5 327 400 emplois en 1980 à 3 414 000 en 2007, selon l’Insee. Pour mettre fin à cette saignée, le gouvernement mobilise 200 millions d’euros pour aider à la réindustrialisation. L’objectif est d’augmenter de 25 % la production industrielle française d’ici fin 2015. Reste à savoir si les pouvoirs publics ont tiré les leçons du diagnostic… De ce point de vue, les analyses ne manquent pas.

Les impacts des mutations économiques sur les territoires relèvent de la mission de « l’État-aménageur » qui œuvre dans ce domaine depuis plus de vingt-cinq ans. La première politique « fondatrice » date de 1984, avec la définition de quinze pôles de conversion (dont celui de Decazeville). L’an-née suivante, suite au rapport Lacaze1 qui comptabilise 20 000 hectares de friches in-dustrielles en France (dont la moitié dans le Nord), l’État et les Charbonnages de France engagent une politique de traitement des sites à l’image des opérations menées à la même époque dans les docks anglais. L’État a désormais changé de vocabulaire. Finie la reconversion industrielle. Depuis le début de la décennie, il parle plus volontiers de « revitalisation » ou de « réindustrialisa-tion ». Il a modifié ses outils en conséquence, sans toutefois chercher à évaluer leur effica-cité, comme le déplore le Conseil d’orienta-tion pour l’emploi (COE) dans un récent rap-port2. Rétrospective.2002-2003 : Inspirés de la mission Viet3, les Ciadt des 13 décembre 2002 et du 26 mai 2003

fixent les grandes lignes de l’action de l’État pour « anticiper et accompagner les muta-tions économiques », notamment avec la mise en place de douze contrats de site. La Mission interministérielle sur les mutations économiques (MIME) est créée le 28 janvier 2003. Entre 2002 et 2008, 465 conventions de revitalisation, concernant 6 600 emplois, sont signées avec des entreprises qui s’engagent à investir un total de 295 millions d’euros, soit environ 50 millions d’euros par an.2005 : Neuf mois après le rapport Beffa inti-tulé Pour une nouvelle politique industrielle4, le Ciact du 14 octobre conforte la Datar dans sa mission interministérielle « d’accompa-gnement territorial des mutations et de la compétitivité des territoires ». La Datar ab-sorbe la MIME et devient Diact (elle retrou-vera son nom de baptême fin 2009).2008 : Le président de la République annonce, le 21 février 2008, sur le site de l’ancienne usine de Metaleurop à Noyelles-Godault, la création du Fonds national de revitalisation des territoires (FNRT). Depuis la suppression du Comité interministériel pour les restructu-

De la politique de reconversion industrielle à la réindustrialisation

française par un mauvais positionnement sectoriel. Il observe également la faible intensité en R&D des entreprises de taille intermédiaire et note que la va-lorisation économique des investissements privés en R&D est relativement faible2.

De l’industrie aux servicesTout récemment, la Direction générale du Trésor a publié une analyse du recul de l’emploi dans l’in-dustrie, en distinguant les déterminants extérieurs (concurrence internationale) des déterminants in-térieurs aux frontières françaises. La concurrence étrangère n’aurait contribué qu’à hauteur de 13 % à la baisse de l’emploi industriel entre 1980 et 2007.

Sur la même période, il apparaît surtout que « la recherche d’une plus grande efficacité par les entre-prises s’est traduite par un recours croissant à l’exter-nalisation (sur le territoire) d’une partie des activités industrielles vers le secteur des services. » La Direc-tion générale du Trésor estime ces transferts d’em-plois à 25 % des pertes d’emplois industriels. Elle évalue par ailleurs à 30 % la part des pertes d’emplois imputable à « la déformation de la structure de la demande qui a accompagné les gains de productivité réalisés dans l’économie »3. Cette série montre que l’anticipation et l’accompa-gnement des mutations économiques représentent un enjeu global d’adaptation permanente : adaptation

N° 148 - Septembre 2010 • AdCF • Intercommunalités

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11Intercommunalités • AdCF • N° 148 - Septembre 2010

Mutualisation des moyens dans l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard

Créée en septembre 2009, Aire Urbaine Investissement est une SAS au capital de 100 000 euros dont l’intervention couvre

l’agglomération du Pays de Montbéliard et le dé-partement du Territoire de Belfort. Les action-naires principaux de ce fonds de reconversion sont les agences de développement de ces deux territoires  : Agence de développement et d’ur-banisme (l’ADU) et la Agence de développement économique de Belfort et son territoire (ADE-BT), ainsi que les deux CCI départementales. Un chargé de mission et une assistante tra-vaillent à l’instruction des dossiers d’aide à l’em-ploi. Ils contribuent également aux différents cercles de décision, avec l’État et les entreprises, l’attribution de la somme étant validée par le conseil d’administration où siègent représen-tants des collectivités et grandes entreprises du territoire. Un comité technique, composé de

responsables du développement économique, appuie le comité d’administration et y siège avec voix consultative. Aire Urbaine Investissement est en fait l’exten-sion d’une structure existante sur le Territoire de Belfort, qui avait fait figure de pionnier dans les années 1990. Belfort Investissement capitalisait alors des fonds mis en place par les grands in-dustriels locaux, notamment Bull et Alsthom. Sa mission : compenser les réductions d’effectifs en distribuant des aides au développement écono-mique sous forme d’avances remboursables.

Optimiser les savoir-faireLorsque le Pays de Montbéliard a engagé la réflexion sur la constitution d’une structure pour gérer ses fonds de revitalisation, les élus ont eu l’idée de mutualiser les savoir-faire des uns et des autres, ainsi que leurs moyens financiers.

Moins d’un an après la création du fonds de reconversion Aire Urbaine Investissement, les résultats sont au rendez-vous. Cent trente emplois ont été aidés, concernant sept entreprises du Pays de Montbéliard et du Territoire de Belfort. Portrait d’un outil de mutualisation entre une communauté d’agglomération et un département.

rations de défense (décret du 28 avril 2008), la Diact/Datar en assure la coordination. 2009 : L’État met en place, en avril, un dispositif d’aide au profit des entre-prises de 10 à 500 salariés situées dans des territoires touchés par des muta-tions économiques. La gestion est confiée à Oséo Financement. Le 4 mai 2009, le président de la République nomme neuf commissaires à la réindustrialisation. 2010 : Dans le cadre des États généraux de l’industrie, Bercy mobilise 200 millions d’euros pour l’aide à la réindustrialisation.

OC(1) Les grandes friches industrielles, rapport du groupe de travail interministériel présidé par l’ingénieur général Jean-Paul Lacaze, Datar/ La Documentation française, 1986.

(2) Mutations économiques, reclassement, revitalisation, rapport du COE, juillet 2010.

(3) Rapport de la mission exploratoire sur l’accompagnement des mutations économiques, Claude Viet, rapport au gouvernement, janvier 2003.

(4) Ibid.

de l’appareil productif (des entreprises et du terri-toire) et adaptation des compétences (employabilité des salariés et formation tout au long de la vie). Par-venir à une gestion économique « en dynamique » suppose de raisonner en termes de « flux » et non plus de « stock », dans le cadre d’une réflexion pros-pective sur la notion d’attractivité territoriale.

Olivier Crépin(1) Pour une nouvelle politique industrielle, Jean-Louis Beffa, rapport au président de la République, janvier 2005.(2) R&D et structure des entreprises : une comparaison France/États-Unis, Centre d’analyse stratégique, note de veille n° 173, 26 avril 2010.(3) La désindustrialisation en France, documents de travail de la DG Trésor, Lilas Demmou, juin 2010.

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Zonage du Fonds national de revitalisation du territoire (15-06-10)

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Territoires retenus au CNS du 15 juin 2010

Territoires éligibles au FNRT

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Dossier Mutations éco

Quelle a été la genèse d’Aire Urbaine Investissement ?Aire Urbaine Investissement (AUI) est une géné-ralisation, au bassin de vie et d’emploi qu’est l’aire urbaine, d’un dispositif issu d’une longue expérience capitalisée à travers Sybel, puis Belfort Investisse-ment (BI). La société Belfort Investissement a en effet succédé en 1999 à la société de reconversion industrielle Sybel, elle-même créée à la fin de l’année 1991 afin d’accompagner l’accueil d’activités suite à la fermeture de Bull.Ces structures reflètent la volonté de nos collectivités d’intervenir activement dans le soutien au dévelop-pement économique industriel. Depuis près de vingt ans, à travers ces structures, l’enjeu a toujours été de proposer aux entreprises locales une plate-forme d’appui, entre autres financier mais pas uniquement, associant une pluralité d’acteurs : des partenaires industriels, les collectivités et leurs agences, la CCI, les organismes financiers et l’État. Ce lieu unique permet en effet de partager le projet de l’entreprise et de trouver ensemble la solution la meilleure, en fonction des outils de chacun, pour accompagner les développements et les implantations des entreprises.

Pourquoi avoir étendu cet outil à l’échelle de l’aire urbaine ?Outre l’enjeu rappelé ci-dessus, ce modèle BI-AUI présente d’autres intérêts qui militaient pour son extension. Tout d’abord, cette approche permet de mutualiser des moyens et s’affranchir de coûts de gestion prohibitifs (15 % !), en général prélevés par les consultants sur les fonds de revitalisation. Cette ponction est en effet réduite de moitié et une partie du fonctionnement est même financée par les collectivités. Surtout, cet élargissement permet une mutualisation territoriale quant à l’utilisation de ces fonds. Au sein de ce bassin d’emploi, aider le projet du voisin, si ce dernier ne parvient pas à le financer, a un réel sens.

Enfin, il s’agit du premier outil commun dans ce domaine économique, traditionnellement très concurrentiel ! Ne faisons pas d’angélisme, si l’on souhaite que cela fonctionne, il est souvent préférable d’y aller pas à pas. C’est le choix qui a été fait avec des fonds individualisés au départ mais un processus de mutualisation lors du remboursement des avances aux entreprises.

Cela présage-t-il d’autres mutualisations en ce domaine ?Je suis assez familiarisé avec la mutualisation, car Belfort a été une des premières villes à faire le choix de services mutualisés entre la commune et l’ag-glomération. Aujourd’hui, l’enjeu du développe-ment du tertiaire et des zones majeures de l’aire urbaine (future gare TGV, Techn’Hom à Belfort, Technoland et PSA autour de Montbéliard) oblige à promouvoir un territoire plus large que nos seules agglomérations. Certes, des collaborations économiques ponctuelles existaient, mais la transformation de BI en AUI est une première étape dans la fusion, tout au moins dans l’interconnexion des outils de développement du Territoire de Belfort et du Pays de Montbéliard Agglomération.

« Interconnecter » les outils : est-ce une première étape vers un seul projet de développement économique commun aux deux territoires ? Les économies de nos deux territoires, si elles sont fortement interdépendantes, ne sont pas les mêmes. Une certaine émulation peut même être positive. Les projets doivent en revanche être mis en cohérence. L’un sans l’autre, le Nord-Franche-Comté n’aurait sans doute pas pu obtenir une université, un nouvel hôpital, une gare TGV…On peut sans doute aller plus loin et accompagner nos industries dans un dessein commun. L’avènement

de la voiture électrique peut en ce sens faciliter un projet industriel autour de la production, du stockage et de la distribution à travers des réseaux intelligents de l’électricité.Il reste bien sûr à souhaiter que les fonds d’AUI ne seront rapidement plus alimentés, preuve que notre industrie locale se porte bien. Certainement un vœu pieu car, qu’il s’agisse de l’automobile ou de l’énergie, ces productions connaissent des cycles marqués et des mutations fortes. Il est donc primordial de consolider un peu plus nos partenariats publics-privés, qu’il s’agisse de la recherche, de l’immobilier, des finance-ments, afin de répondre ensemble aux enjeux du développement des services à l ’ industrie et de la tertiarisation de notre agglomération de 300 000 habitants.

Propos recueillis par Olivier Crépin

INTERVIEWS Étienne Butzbach, président de la communauté d’agglomération Belfortaine

L’obligation de revitalisation des bassins d’em-ploi, introduite par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 (art. 76), permet de fixer par convention État-entreprise les conditions dans lesquelles les entreprises de 1 000 emplois et plus intervien-nent pour favoriser la création d’activités et d’emplois nouveaux sur les bassins d’emploi affectés par leurs restructurations. Ceci pour un montant minimum de deux fois la valeur mensuelle du Smic par emploi supprimé. Le bassin dispose ainsi d’un fonds destiné à créer des emplois (3 000 euros par emploi), en subvention ou avance remboursable. Étant strictement privé, le fonds échappe aux réglementations limitant les aides publiques, et peut venir en complément. De plus, si la création d’emplois est l’objectif, il n’est pas impé-ratif que le nombre d’emplois aidés soit le même que celui qui a été supprimé. Cette dis-position permet d’engager des actions non directement créatrices d’emplois : prospection, requalification de site, actions collectives, aide à la création... DM/JLA

La revitalisation, une obligationEn effet, dès 2006, soit un an après la loi de pro-grammation pour la cohésion sociale (cf. encadré ci-contre), trois conventions avaient été signées pour un montant total de l’ordre de 800 000 euros. Après avoir fait appel, dans un premier temps, à un cabinet conseil pour valider les aides à l’emploi, la communauté d’agglomération du Pays de Montbé-liard avait souhaité rationaliser le processus d’ins-truction et optimiser l’utilisation des fonds desti-nés à la revitalisation économique (le cabinet privé émargeant entre 15 et 20 %).Aujourd’hui, Aire Urbaine Investissement regroupe quatre fonds. L’un, de plusieurs millions d’euros, re-présente l’apport de Belfort Investissement. Deux autres, d’environ 2 millions d’euros au total, sont destinés à accueillir les fonds de revitalisation de chaque territoire. Le dernier fonds doit recueillir les retours des avances remboursables.

Dominique Musslin, directeur de l’agence d’urbanisme et de développement du Pays de

Montbéliard et Jean-Louis Amat, directeur adjoint en charge du développement économique

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Une première étape vers l’interconnexion des outils de développement

Étienne Butzbach

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