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1 Dans le sillage de Cerenkov Rédacteurs : Professeurs responsables : Elias vandermeersch Jean-Brice Meyer Yorick Noël Pascal Bernuau Génaro Olivieri Benjamin Bertin Alice Tahir

Dans le sillage de Cerenkov - OdPF

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Dans le sillage de Cerenkov

Rédacteurs : Professeurs responsables : Elias vandermeersch Jean-Brice Meyer

Yorick Noël Pascal Bernuau Génaro Olivieri

Benjamin Bertin Alice Tahir

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Résumé :

Si on jette un caillou dans l’eau, les perturbations de l’eau se propagent en formant des

cercles concentriques autour du point d’impact du caillou. Mais que se passe-t-il si une source en

mouvement perturbe la surface de l’eau en différents points régulièrement répartis sur une droite ?

Tout dépend de la vitesse de la source. Mais dans le cas où la source se déplace plus vite que la célérité

des ondes à la surface de l’eau, un sillage en forme de V apparaîtra.

Ce phénomène, que l’on peut facilement décrire grâce aux ondes à la surface de l’eau, trouve

son équivalent dans le domaine des ondes électromagnétiques. On lui donne alors le nom d’effet

Cérenkov. Mais qui peut perturber un milieu comme du plexiglas en créant une onde

électromagnétique, et se déplaçant plus rapidement que cette onde ? Un muon d’origine cosmique. Il

créé alors dans le plexiglas un cône de lumière que nous avons mis en évidence avant d’en mesurer

l’angle d’ouverture.

Plan :

1 ) Présentation du projet : page 3

2 ) Origine de l’effet Cérenkov : page 6

3 ) Mise en évidence de l’effet Cérenkov : page 9

4 ) Détermination de l’angle du cône dans l’effet Cérenkov : page 13

5 ) Intérêt de l’effet Cérenkov : page 19

6 ) Conclusion : page 20

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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1 – Présentation du projet : Portant un réel intérêt à la physique des particules, notamment depuis que le LHC (Large

Hadron Collider) mène la danse, nous avons désiré en savoir davantage sur cette

physique qualifiée de « physique moderne ». C’est ainsi que nous avons pu plonger dans

un univers microscopique dont certains mystères ont été dévoilés en grande partie grâce

aux accélérateurs de particules, mais dont d’autres restent à comprendre.

Mais la physique des particules ne se confine pas à un

monde microscopique. En effet, certaines de ces

particules trouvent naissance au dessus de nos têtes,

lorsque des rayons cosmiques constitués

essentiellement de protons provenant des fins fonds

de l’univers, bombardent l’atmosphère. La collision

génère un véritable feu d’artifice de particules, appelé

« gerbes de particules », dont les seules arrivant à

notre niveau seront les muons.

Les muons sont des particules élémentaires, c'est-à-dire des particules que la technologie

actuelle est incapable de dire si elles résultent de l’assemblage d’entités plus petites. Les

muons ressemblent aux électrons. Leurs caractéristiques sont identiques, sauf leur

masse, qui est deux cent fois plus grande que celle des électrons. On les qualifie

d’ailleurs souvent d’électrons « obèses ».

Les muons, dans l’air, possèdent une vitesse vertigineuse, de l’ordre de 99,98% de la

célérité de la lumière. Mais dans cette course, c’est tout de même la lumière qui

l’emporte.

Il n’en est pas de même dans tous les milieux. Prenons l’eau par exemple. Nous savons

que la lumière s’y propage avec une célérité diminuée de 1,33 par rapport à celle qu’elle

possède dans l’air.

Les muons sont quant à eux moins ralentis dans

l’eau, si bien que leur vitesse y est alors supérieure

à la célérité des ondes lumineuses. Lorsqu’il en est

ainsi, la perturbation de l’eau par le muon va

engendrer un cône de lumière dont l’axe principal

sera porté par la trajectoire du muon, comme le

montre la figure ci-dessous :

Cet effet, qui porte le nom d’ « effet Cérenkov », est d’ailleurs utilisé pour détecter les

muons, ainsi que d’autres particules.

Notre projet s’est ainsi articulé autour de l’effet Cérenkov, et s’est déroulée en trois

étapes :

Rayon cosmique

Gerbe de

particules

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Première étape : Origine de l’effet Cérenkov

Nous avons voulu comprendre ce phénomène.

Or, ce cône de lumière n’est pas sans nous

faire rappeler certaines photos observées

lorsqu’un avion franchit le mur du son, ou

encore le sillage laissé par un bateau se

déplaçant à la surface de l’eau.

L’origine de la figure laissée par le système

qui se déplace semble analogue dans ces trois

exemples.

En effet, nous savons que c’est lorsque c’est lorsque

l’avion franchit le mur du son, c'est-à-dire lorsque sa

vitesse est plus grande que la célérité du son, qu’il laisse

dans son sillage un brouillard se répartissant dans un

cône, comme le montre la photo ci-contre. C’est aussi

lorsque le bateau aura une vitesse plus grande que la

célérité des ondes à la surface de l’eau qu’il donnera

naissance au V, visible sur la photographie ci-dessus. Alors

pourquoi cela ne serait-il pas le cas également dans l’effet

Cérenkov ?

Ainsi, pour comprendre l’origine de l’effet Cérenkov, nous avons transposé l’étude à celle

des ondes à la surface de l’eau, en confectionnant un dispositif permettant à un système

animé d’une vitesse variable, de perturber la surface de l’eau.

Deuxième étape : détection de la lumière émise par effet Cérenkov.

Nous avons voulu mettre en évidence l’effet Cérenkov en

détectant la lumière laissée dans le sillage d’un muon lorsque

celui-ci traverse le plexiglas.

Mais l’effet Cérenkov, qui est à l’origine de la couleur bleue des

piscines dans lesquelles baignent les réacteurs nucléaires,

comme le montre la photographie ci-contre, n’est toutefois pas

suffisamment intense pour être vu à l’œil nu lorsqu’un muon

isolé d’une gerbe atmosphérique en est la cause.

Ainsi, pour détecter la lumière laissée dans le sillage d’un muon unique, il faudra utiliser

un détecteur bien plus sensible que l’œil : le photomultiplicateur.

Pour mettre en évidence la lumière émise par effet Cérenkov, nous avons profité des

muons d’origine cosmique, et nous avons alors tenté d’observer par le biais d’un

photomultiplicateur la lumière qu’ils laissent lorsqu’ils traversent un bâton de plexiglas.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Troisième étape : mesure du demi-angle θ du cône.

En inclinant convenablement un tube de plexiglas au bout duquel se trouve un

photomultiplicateur, il devrait être possible, en tenant compte des réflexions internes

dans le tube, de mesurer l’angle à partir duquel la lumière issue de l’effet Cerenkov ne

sera plus acheminée jusqu’au photomultiplicateur, comme le montre le schéma ci-

dessous :

Mais un problème se pose alors rapidement à nous : pour mesurer l’angle mentionné ci-

dessus, nous avons besoin de connaître la direction du muon. Or, les muons d’origine

cosmique peuvent avoir toutes les directions. Comment faire pour sélectionner alors des

muons selon une direction choisie ?

Pour cela, nous avons eu l’idée d’utiliser l’électronique du détecteur de particule appelé

« cosmodétecteur », élaboré par le CPPM (Centre de Physique des Particules de

Marseille) sous la direction de José Busto, dans le cadre d’un projet mis en place par

Sciences à l’Ecole.

Il s’agit d’un détecteur

capable de détecter des

muons lorsque ceux-ci

traversent un plastique

scintillateur. Les molécules

sensibles du scintillateur sont

alors excitées, et se

désexcitent en émettant un

flash lumineux visible par un

photomultiplicateur, qui le

convertira en une impulsion

électrique. Mais les photomultiplicateurs

génèrent un bruit de fond

d’origine thermique, et il est

alors indispensable que le

détecteur contienne deux

scintillateurs (voir figure a)

pour que l’électronique de

détection puisse distinguer le

signal issu d’un muon par

rapport à un signal issu du

bruit de fond.

figure a

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Ainsi, le détecteur ne comptera une impulsion que si deux impulsions corrélées dans le

temps seront issues des deux photomultiplicateurs.

Or un muon traversant les deux scintillateurs a une direction qui peut être connue, et

d’autant plus précise que les scintillateurs sont petits et éloignés. Le cosmodétecteur, du

moins son électronique, est donc tout à fait appropriée pour notre recherche de l’angle

de l’effet Cérenkov. Nous nous chargerons de couper des scintillateurs de plus faibles

surfaces.

Il nous restera alors d’intercaler le

tube de plexiglas entre les deux

scintillateurs (voir figure b). Un muon

passant par les deux scintillateurs

passera alors forcément par le bâton

de plexiglas. Et en fonction de

l’orientation du bâton, la lumière

créée par effet Cérenkov sera ou non

acheminée jusqu’au

photomultiplicateur. Nous pourrons

alors nous en rendre compte car nous

demanderons à l’électronique de

détection de ne compter les coups

que si trois impulsions corrélées dans

le temps sont issues des trois

photomultiplicateurs présents dans

l’expérience.

2 – Quelle est l’origine de l’effet Cérenkov ? Expérience à la surface de l’eau.

a – Origine du sillage laissé par un bateau à la surface de l’eau : Puisque l’effet Cérenkov et le sillage en forme de V laissé par un bateau à la surface de

l’eau ont certaines similitudes, nous avons commencé par étudier les ondes à la surface

de l’eau.

Pour cela, nous avons imaginé un dispositif dans lequel un système se déplace au dessus

de l’eau, et fait tomber périodiquement des objets (des petits boulons) créant des

perturbations sur la surface de l’eau.

Cela dit, des expériences rapidement réalisées dans un simple lavabo nous ont montré

que les perturbations alors créées par la chute d’un petit objet étaient difficilement

exploitables. Et finalement, c’est en cherchant à évaluer la célérité des ondes à la surface

de l’eau dans la cuve à onde de notre lycée, que nous opté pour la réalisation de notre

propre cuve à onde, de dimensions plus grandes que celle du lycée, afin d’observer les

perturbations créées à la surface de l’eau.

Comme nous pensions faire tomber une dizaine de boulons dans l’eau, espacés les uns

des autres de 5 cm, nous avons réalisé une cuve suffisamment grande, de 70 cm sur 50

cm.

Voici plus en détail le dispositif utilisé pour perturber la surface de l’eau :

figure b

P

M

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On dispose un rail au dessus de l’eau, contenant des petits aimants retenant des boulons

métalliques situés sous le rail. Au dessus de ce rail se trouve un aimant suffisamment

fort, entrainé par un moteur.

Au passage de l’aimant fort au dessus du rail, les aimants à l’intérieur du rail sont tour à

tour attirés, libérant alors la pièce métallique située sous le rail. Afin que cette pièce

métallique tombe verticalement et ne soit pas entraînée par l’interaction avec l’aimant

fort, nous avons collé des tubes servant de guides.

Premier résultat obtenu :

Les vidéos obtenues grâce à ce dispositif sont bien plus démonstratives que des photos

qui en sont extraites, mais c’est toutefois à partir de ces photos que l’on a pu exploiter

les expériences. En voici une ci-dessous :

Nous avons tracé en blanc le V formé par l’ensemble des perturbations au

moment de la photographie sur l’image de droite.

Sur les branches du V formé, on peut dire que les points de la surface de l’eau

perturbés seront dans le même état de perturbation. On peut imaginer que si au lieu

d’une dizaine de boulons, nous en avions fait tomber une infinité, le même phénomène

se serait produit, et seules les branches du V montreraient des interférences

constructives tandis que partout ailleurs à l’intérieur du V, les perturbations

s’annuleraient les unes avec les autres.

Les deux branches du V représentent ainsi deux fronts d’onde, et la vidéo montre

que ces deux fronts d’onde se déplacent dans des directions orthogonales aux fronts. Une

telle figure ne peut pas ne pourrait pas être observée si la célérité des ondes à la surface

de l’eau était plus grande que la vitesse de la source des perturbations.

Déplacement de la source de la

perturbation

Front d’onde

Front d’onde Direction de déplacement

du front d’onde

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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En effet, voici un schéma

représentant ce qui se passe dans

la photographie précédente :

Regardons de plus prêt ce qui se passe à la pointe du « V » :

- v est la vitesse de la source de la perturbation.

- c est la célérité des ondes à la surface de l’eau

.

b – Expression de l’angle Cérenkov en fonction de v et c :

D’autre part, la figure montre qu’il est possible d’établir une relation simple pour exprimer l’angle θ, appelé « angle Cérenkov » :

v

c

tv

tc

cos Ce qui revient à écrire aussi

v

csin

Ainsi, l’étude que nous venons de mener de mieux comprendre la formation des sillages

sur l’eau, et par analogie, l’effet Cérenkov. On peut en effet penser par exemple que,

comme nous l’avons vu pour les ondes à la surface de l’eau, les points situés à la surface

du cône de lumière doivent être dans le même état vibratoire. D’autre part, la relation établit dans ce paragraphe entre l’angle δ, v, et c est toujours utilisée pour décrire l’effet

Cérenkov dans la littérature. Voyons maintenant plus particulièrement la source des

perturbations dans l’effet Cérenkov :

Pendant une durée Δt, la source de la perturbation

progresse d’une quantité vΔt, alors que la perturbation

s’est déplacée d’une quantité cΔt.

Ainsi, pour observer ce « V », il est forcément

nécessaire que la quantité cΔt soit plus faible que vΔt,

c'est-à-dire que la source se déplace plus vite que la

perturbation.

Nous avons voulu vérifier expérimentalement cette relation en mesurant l’angle δ pour

différentes vitesses v de la source. Voici les

résultats obtenus :

Le graphique est conforme à la relation entre δ et v, et le coefficient directeur de la droite

correspond à la célérité des ondes à la surface

de l’eau, soit 0,46 m/s.

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c – Origine de l’effet Cérenkov :

Ce que l’on vient de voir pour les ondes à la surface de l’eau permet d’avoir une

meilleure connaissance de l’effet Cérenkov, en terme de conditions pour lesquelles cet

effet sera observé, mais aussi en terme de description du phénomène.

Il nous reste tout de même à comprendre ce qui génère la lumière lorsqu’une particule

chargée, telle qu’un muon, traverse un milieu transparent avec une vitesse plus grande

que la célérité de la lumière dans ce milieu. Nous avons trouvé l’explication dans une

thèse :

Si une particule chargée (P’) se déplace dans un milieu transparent, cette particule

perturbe le milieu en polarisant les molécules qui le composent, du fait du champ

électromagnétique créé par cette particule chargée. Les molécules ; après le passage de

la particule chargée, vont revenir à leur état initial. Ce déplacement de charge électrique

au sein de chaque dipôle va engendrer une onde électromagnétique qui va se propager

avec une célérité c dans ce milieu.

Si la particule chargée se déplace avec une vitesse v < c, les ondes électromagnétiques

créées n’interfèreront pas, et du fait de la faible intensité de ces ondes, aucune lumière

visible n’en découlera.

Par contre, si la particule se propage avec une vitesse v > c, alors les ondes

électromagnétiques créées interfèreront. On retrouvera alors une figure analogue à un

sillage laissé par un bateau sur l’eau, sauf qu’elle sera ici en trois dimensions : on aura

un cône de lumière. Et sur la surface du cône interfèreront les ondes électromagnétiques

de façon constructives, ce qui rendra ce cône visible par un capteur suffisamment

sensible.

2 – Comment mettre en évidence l’effet Cérenkov ?

a - Partie électronique

Le détecteur que nous utilisons pour réaliser nos mesures résulte d’une partie optique

confectionnée par nos soins, et d’une partie électronique qui a été empruntée au

cosmodétecteur conçu par le CPPM de Marseille sous la direction de José Busto, suite à

un appel à projet lancé par Sciences à l’Ecole.

Il est important pour la suite de préciser le fonctionnement de cette partie électronique :

Le cosmodétecteur est un outil conçu pour détecter les muons. Il utilise pour cela un

scintillateur associé à un photomultiplicateur. Lorsqu’un muon traverse le scintillateur, il

excite des molécules photosensibles qui se désexcitent en émettant de la lumière. Cette

lumière entre alors dans le photomultiplicateur qui convertit le flash lumineux en une

impulsion électrique. On se dit alors qu’une impulsion électrique représentera un muon,

et qu’il sera alors facile de compter les muons avec un tel dispositif.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Mais ce n’est pas le cas car les photomultiplicateurs génèrent un bruit de fond d’origine

thermique, bien plus important que les signaux issus des muons. Pour s’affranchir du

bruit de fond, le détecteur utilise alors deux plaques de scintillateurs couplées chacune à

un photomultiplicateur, distantes d’environ 30 cm. Si un muon traverse un des

scintillateurs, cela ouvre alors une fenêtre de comptage de 50 ns, durant laquelle la carte

d’acquisition attend un signal provenant de l’autre photomultiplicateur.

S’il y en a effectivement un, cela signifiera qu’un muon vient de traverser les deux

scintillateurs. En effet, statistiquement, il est peu probable que deux parasites

traversent les deux scintillateurs en moins de 50 ns.

Mais s’il n’y a pas de message du deuxième photomultiplicateur alors le premier

signal sera traité comme du bruit de fond et n’entrera pas dans le comptage.

Cela dit, même si cela est peu fréquent, il se peut qu’une fenêtre de détection s’ouvre

suite au passage d’un muon dans un scintillateur, et qu’un bruit de fond soit généré dans

l’autre photomultiplicateur pendant les 50 ns. Dans ce cas, on a ce que l’on appelle une

coïncidence fortuite. Pour s’en affranchir, il est possible d’ajuster un paramètre : la

tension de seuil au dessous de laquelle chaque impulsion provenant des

photomultiplicateurs sera traitée par le logiciel comme du bruit de fond. Chaque

photomultiplicateur est ainsi associé à une voie de comptage possédant une tension de

seuil.

b – Le tube de plexiglas associé au photomultiplicateur

Comment mettre en évidence l’effet Cérenkov ?

Lors d’une étude quantitative menée l’année dernière utilisant le détecteur du CPPM,

nous avons remarqué que la majeure partie des muons viennent du haut, selon la

verticale par rapport à la surface terrestre.

Puisque les muons viennent du haut, on s’attend donc à récolter davantage de lumière

lorsque le PM se trouve en bas du bâton, que lorsque le PM se trouve en haut du bâton.

En effet, le plexiglas se comporte comme un guide de lumière qui acheminera la lumière

Cérenkov vers le bas du bâton. Si c’est là que se trouve le PM, alors celui-ci verra

davantage de flash lumineux que s’il est en haut du bâton.

Une méthode permettant alors de mettre en évidence l’effet Cérenkov est de mesurer la

différence d’impulsions lumineuses lorsque le bâton de plexiglas est dans une position

verticale avec le PM tantôt en haut, tantôt en bas.

MAIS… Rappelons ici que les photomultiplicateurs génèrent un bruit de fond d’origine

thermique. Nous avons alors envisagé deux façons de procéder :

- nous pouvons travailler avec un scintillateur et le bâton de plexiglas et ne retenir

alors que les coups comptés en coïncidence. Cette première méthode à l’avantage

d’être plus « propre » en terme d’élimination du bruit de fond, mais a

l’inconvénient de ne pas prendre en compte la totalité des muons traversant le

plexiglas, et donc de nécessiter des temps de comptage très longs.

- la deuxième méthode consiste à prendre les deux séries de mesures (PM en haut

et PM en bas) tout en faisant varier le seuil. En effet, le bruit de fond a une

amplitude généralement plus faible que celle due aux muons.

L’expérience est plus rapide. Mais l’avantage est peut-être surtout une meilleure

appréhension de l’effet Cérenkov. C’est pour cette raison que nous avons préféré

réaliser la deuxième méthode.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Réalisation pratique :

Afin de collecter suffisamment de muons, nous avons choisi de travailler avec un tube de

plexiglas assez volumineux, de 50 cm de longueur et 8 cm de diamètre. L’inconvénient

peut alors résider dans l’incertitude de l’angle θ, mais nous pourrons compenser cette

incertitude en jouant sur la taille des scintillateurs.

Lorsqu’un muon traverse le plexiglas, il engendre alors la lumière Cérenkov qui devra

être acheminée jusqu’au photomultiplicateur lorsque celui-ci est en bas. Voici les

précautions à prendre pour cela :

- Il faut faire en sorte que la lumière créée par effet Cérenkov se reflète bien sur les

parois internes du bâton. Pour cela, nous avons entouré le bâton de papier

d’aluminium en s’assurant qu’il ne fasse pas de pli pour ne pas changer l’angle de

réflexion.

- D’autre part, il faut éviter que la lumière se réfléchisse sur la base circulaire du bâton,

sans quoi, même si le PM se trouve en haut, il récupèrerait cette lumière qui s’y

réfléchirait. Nous avons ainsi dépoli cette face du cylindre, et nous l’avons recouverte

de noir.

- Par contre, comme l’autre face du bâton est en contact direct avec le PM, il faut que

cette face soit particulièrement bien polie pour laisser passer la lumière. Nous l’avons

lissé avec du polish N°1.

-

Le photomultiplicateur, du fait de sa

fragilité, doit être le soigneusement fixé

sur la base du bâton. Nous avons pour cela

collé un tube de PVC du diamètre du

photomultiplicateur, dans lequel nous

avons introduit ce dernier.

Le bâton ainsi que le photomultiplicateur

doivent être dans l’obscurité la plus totale.

Nous avons alors calfeutré l’ensemble avec

du scotch noir épais, puis mis l’ensemble

dans un tube PVC après avoir entouré le

tout de mousse pour éviter tout choc entre

le tube de PVC et le matériel qu’il contient.

Ci-contre, de gauche à droite :

- Le bâton de plexiglas surmonté du PM

déjà recouvert abondamment d’un tube

de PVC puis de scotch.

- Un tube noir dans lequel sera renfermé

le bâton de plexiglas après l’avoir

recouvert d’aluminium.

- Le tube PVC qui contiendra l’ensemble.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

12

c ) Mesures

Les mesures ont été réalisées en utilisant un photomultiplicateur

prêté par José Busto, du CPPM. Ce photomultiplicateur supportant

une tension d’alimentation de -1150V, nous l’avons alimenté de cette

manière.

Voici alors les premières mesures enregistrées :

Une analyse des résultats montre comme nous l’attendions que le nombre d’impulsions

comptées est plus important lorsque le PM est en bas, quelque soit le seuil, mis à part à

10 mV où il a dû se passer quelque chose qui a perturbé nos mesures, comme par

exemple des variations de tension dans le réseau électrique, qui aura provoqué

davantage de parasites dans le photomultiplicateur.

Une étude plus détaillée de la courbe montre que la différence du nombre de coups

comptés est davantage visible pour des seuils allant de 45 à 60 mV. En dessous, le bruit

de fond commence à noyer cet effet, et pour des seuils plus grands, les nombre de coups

comptés ne permettent pas de réaliser de réelles statistiques.

Nous avons transmis nos résultats à José Busto, qui nous a communiqué son

enthousiasme en nous disant que nos valeurs été très représentatives de l’effet

Cérenkov. Il a confirmé les analyses que nous avons faites des résultats obtenus.

Pour la suite de notre projet, il nous a conseillé par mesure de précaution, de diminuer

l’alimentation du PM. Nous avons ainsi fixé l’alimentation du PM à 1100 V, mais nous

avons dû à nouveau faire une étude en fonction du seuil, autour de la zone que nous

avions repéré lors de l’expérience précédente : résultats dans le tableau de mesures sur

la page suivante :

Seuil

(mV)

Nb de coups

en 10 min

PM haut

Nb de coups

en 10 min

PM bas

10 2284 2196

15 1458 2255

20 916 1392

25 562 708

30 307 550

35 147 332

40 84 204

45 39 164

50 28 100

60 17 75

70 13 49

80 1 41

90 4 24

100 4 15

Agrandissement :

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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On peut ainsi voir dans ce dernier

tableau que pout un seuil de 30 mV, le

nombre de coups comptés avec le PM en

position basse est 32 fois plus élevé que

le nombre de coups comptés avec le PM

en position haute.

Ces résultats nous permettent d’affirmer que nous avons atteint un de nos

objectifs : mettre en évidence l’effet Cérenkov.

Remarque : Ci contre se trouve la

courbe montrant le gain du

photomultiplicateur en fonction de sa

tension d’alimentation. La courbe

indique qu’en diminuant la tension

d’alimentation du photomultiplicateur,

on amplifie d’autant moins le signal.

Cela permet d’éviter de compter des

parasites de faibles amplitudes, mais

cela peut également éliminer du

comptage certains muons générant

des impulsions de faibles intensités

dans les photomultiplicateurs.

Si le but est de compter tous les

muons grâce à l’effet Cérenkov dans le

plexiglas, il est préférable de choisir un

fort gain. Mais si on souhaite

simplement mettre en évidence l’effet

Cérenkov, ces derniers résultats

prouvent qu’un gain « modéré » le

montre d’autant mieux.

3 – Comment déterminer l’angle du cône dans l’effet Cérenkov ?

a - Principe

Si on connait la direction d’un muon, il est

possible connaître l’angle β entre l’axe du

bâton de plexiglas et la direction du muon.

On peut alors tourner le bâton et ainsi faire

varier l’angle β de sorte que le front d’onde

du cône de lumière arrive

perpendiculairement à la face du bâton. Le

front d’onde ne sera alors plus réfléchi vers

le photomultiplicateur. Pour des angles

inférieurs à cet angle limite, on s’attend à

ce que le PM ne reçoive plus de lumière

Cérenkov. Cet angle limite βlim (voir

schéma ci-contre) sera ainsi relié au demi-

angle δ du cône lumineux.

MAIS comme nous l’avons précisé, pour déterminer cet angle, il nous faut connaître la

direction du muon qui engendrera le cône de lumière dans le plexiglas. Comme nous

Seuil (mV) Nb de coups

PM haut / 10 min

Nb de coups

PM bas / 10 min

20 14 72

30 1 32

40 0 23

50 0 10

60 0 5

Page 14: Dans le sillage de Cerenkov - OdPF

Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

14

l’avons expliqué lors de la présentation du projet, nous avons pour cela confectionné

deux modules contenant chacun un scintillateur et un photomultiplicateur.

Dans un premier temps, nous travaillons avec des

scintillateurs de forme carrée, de 10 cm de côté,

disposés l’un au dessus de l’autre à une distance de 1

mètre l’un de l’autre, ce qui représente une erreur

d’environ 8° sur la détermination de la direction du

muon. En effet, comme le montre le schéma ci-contre,

deux muons différents arrivant à deux instants, dont

les trajectoires sont orientées l’une par rapport à

l’autre de 8° sont capables de traverser les deux

scintillateurs, donc d’être comptabilisés par

l’électronique de détection. Ainsi, le fait de compter un

muon signifie que ce muon est venu selon une

certaine direction, avec une erreur de 8° sur la

connaissance de cette direction.

En positionnant les scintillateurs tels que leur surface la plus grande soit horizontale, on

sélectionne ainsi les muons qui ont une direction comprise entre 0° et 8° par rapport à

la direction verticale. Nous avons conscience que cette erreur est importante. Nous

pouvons la réduire en diminuant la taille des scintillateurs ou en augmentant la distance

entre ceux-ci, ce qui est moins pratique. Mais en travaillant avec des scintillateurs plus

petits, on diminue fortement le nombre de muons qui traverseront les deux scintillateurs.

Or, nous voulons faire une série de mesure en faisant varier l’angle que fait le bâton de

plexiglas avec la verticale. Avec des scintillateurs de plus petites tailles, chaque mesure

prendrait un temps considérable. Nous préférons alors procéder en deux étapes : tout

d’abord identifier le domaine angulaire dans lequel l’effet Cérenkov ne serait plus visible

par le photomultiplicateur. Puis nous couperons d’autres scintillateurs de plus petites

tailles et nous explorerons plus précisément cette zone là.

Dans tous les cas, nous demanderons à la carte d’acquisition de ne compter que les

muons ayant traversé les deux scintillateurs, ainsi que le bâton de plexiglas situé entre

eux.

b – Les scintillateurs

Nous avons également réalisé nos propres scintillateurs, de sorte de choisir une surface

adaptée à nos besoins. Les scintillateurs sont constitués de telle sorte que lorsqu’un

muon y pénètre, il excite des molécules (avec lesquelles ont été dopés les scintillateurs),

qui se désexcitent en émettant de la lumière. Cette lumière, récoltée dans un

photomultiplicateur, est alors convertie en une impulsion électrique. Ainsi, pour les

mêmes raisons que pour le plexiglas, les scintillateurs doivent être entourés de papier

d’aluminium. Une fois l’assemblage entre le scintillateur et le photomultiplicateur réalisé,

nous devons entourer l’ensemble par du scotch noir, et éviter toute fuite de lumière en

laissant une ouverture réservée au photomultiplicateur, comme le montre l’image ci-

dessous.

Cette opération a été réalisée avec deux scintillateurs et deux photomultiplicateurs, de

façon à pouvoir ensuite « choisir » les muons qui engendreront l’effet Cérenkov dans le

bâton de plexiglas.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

15

c – Les photomultiplicateurs

Nous avons commandé des

photomultiplicateurs en fonction de leurs

caractéristiques techniques : nous savons

que la lumière Cérenkov est située dans

des longueurs d’onde correspondant à la

couleur bleue. Il fallait donc un

photomultiplicateur avec un maximum de

sensibilité dans les longueurs d’onde

centrées sur le bleu (voir courbe ci-contre).

D’autre part un fort gain est requis pour

détecter cette lumière très peu intense.

Enfin, il fallait un détecteur suffisamment

rapide de sorte de pouvoir suivre le débit

de muons déferlant sur terre.

d – Etude expérimentale préliminaire du système de scintillateurs couplé aux

photomultiplicateurs.

Nous devons à ce stade de notre projet connaître le comportement du système que nous

venons de confectionner.

Une première étude a concerné la tension d’alimentation des photomultiplicateurs. En

effet, les photomultiplicateurs que nous avons en notre possession supportent une

tension maximale de 1200 V, permettant d’atteindre le gain maximum de 107. Mais en

alimentant de la sorte les photomultiplicateurs et en cherchant alors à compter les muons

traversant en coïncidence les deux scintillateurs, nous avons obtenus des résultats

étranges. Les mesures réalisées montraient en effet qu’en général, en 5 secondes, le

nombre de coups moyens était de l’ordre de 5 pour un écartement entre les scintillateurs

d’environ 5 cm. Or, durant ces mesures, il arrivait de compter fréquemment 33, 47, ou

d’autres nombres toujours trop important de muons par rapport au nombre moyen.

Nous nous sommes dit que la tension d’alimentation devait être trop forte, et que le gain

du PM devait alors trop amplifier les signaux, en particulier ceux issus du bruit de fond.

Or, en supposant que l’électricité distribuée dans le lycée connaît quelques perturbations

du fait des nombreux utilisateurs, il devait être possible que ce soient ces perturbations

trop amplifiées que nous comptions de temps en temps.

Nous avons voulu vérifier notre analyse du problème en communiquant ces observations

à Eric Lesquoy du CEA et avec José Busto du CPPM de Marseille. Tous deux nous ont

effectivement confirmé que l’alimentation des PM doit être diminuée pour éviter des

possibles effets de décharges au sein même du photomultiplicateur.

Pour choisir une bonne tension d’alimentation, nous avons réalisé alors des mesures

visant à compter le nombre de coups comptés en coïncidence dans les deux

photomultiplicateurs, tout en faisant varier la tension d’alimentation des

photomultiplicateurs. Voici les résultats obtenus :

La courbe montre ainsi un plateau

entre 800 et 950 V. Au dessus de

1000 V, le nombre de coups

comptés conduit vite à un taux de

muons trop important pour être

possible. Ainsi, au dessus d’environ

950V, il doit y avoir amplification

des parasites. Nous veillerons alors

à ne pas dépasser cette valeur.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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e ) Mesure du nombre de coups en fonction de l’orientation du tube de

plexiglas.

Une fois les différents éléments testés, nous

les avons assemblés : le tube de plexiglas

pris en sandwich entre les deux

photomultiplicateurs.

Nous avons alors commencé à mesurer en triple coïncidences les muons passant par les

trois parties du détecteur. C'est-à-dire que le détecteur comptera 1 coup si trois signaux

issus des trois photomultiplicateurs sont élis en coïncidence. Malheureusement, les

réglages que nous avions choisis de permettaient pas d’observer un seul coup en deux

heures de temps, alors que le PM associé au bâton de plexiglas était dans sa position la

plus basse.

Nous avons alors décidé de diminuer les seuils, petit à petit, pour les trois PM. Le

problème dans ce cas là est que l’on peut être amené à compter d’avantage de fausses

coïncidences. Mais d’un autre côté, le fait de chercher des triples coïncidences rend cela

statistiquement extrêmement peu probable, même pour des faibles seuils. Après

entretien avec José Busto, nous avons été confortés et rassurés pour pouvoir suivre

notre démarche.

Rappelons ce que nous cherchons :

nous cherchons un angle pour lequel le

nombre de coups comptés diminue

fortement pour devenir nul. D’après

des considérations géométrique

simples, on s’attend à ce que cet angle

soit égal à :

Nous avons ainsi réalisé une série de mesures dont voici les résultats :

Scintillateur

Scintillateur

Tube de PVC

contenant le plexiglas

180

En effet, pour cet angle, plus aucune lumière ne pourra

parvenir jusqu’au PM.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Comme nous le prévoyions, la courbe présente une décroissance brusque… En réalité, le premier problème est qu’elle

présente deux décroissances brusques : une pour un angle β égal à environ 40°, l’autre aux alentours de β = 90°. Le deuxième problème, c’est qu’aucun de ces angles n’est cohérent avec notre recherche, puisque avec de tels angles

β, la pointe du cône de lumière Cérenkov aurait un angle 2δ = 280° ou 180° , ce qui est aberrant.

f) Interprétation des mesures

Nous avons alors cherché à comprendre pourquoi le signal pouvait

décroître deux fois au cours de la rotation du bâton de plexiglas. Une

idée nous est venue en traçant en détail les trajectoires des fronts

lumineux du cône dans le plexiglas.

Pour simplifier le problème on ne va considérer

que les rayons du cône de lumière Cérenkov

arrivant avec un angle d’incidence maximal et

minimal sur le dioptre plexiglas/air, comme le

montre la figure ci-contre. Comme le montre

les schémas ci-dessous, chacun de ces fronts va

frapper le dioptre plexiglas/air sous un angle

d’incidence qui va dépendre du front considéré,

ainsi que de l’orientation du bâton de plexiglas.

Schémas de gauche : Les angles

d’incidence varient en fonction de

l’orientation du bâton

Le fait de tracer ces rayons nous

a permis de remarquer deux

faits et donc d’avancer deux

hypothèses :

- En tournant le bâton d’un angle β = δ, le front d’onde N°2 (voir schéma de droite ci-dessus) arrive avec

une incidence normale sur le dioptre. Donc, pour des angles β > δ, ce front ne sera plus guidé jusqu’au PM.

Seul le front d’onde N°1 le sera. D’où l’hypothèse suivante : il se peut que l’intensité lumineuse d’un seul

front d’onde ne soit pas toujours suffisante pour que l’impulsion générée dans le PM soit supérieure au seuil

de comptage. Ce qui justifierait une décroissance du taux de comptage.

- D’autre part, selon les lois de la réflexion et de la réfraction, chaque front peut alors subir une réflexion

totale ou une réfraction sur le dioptre. On peut alors penser que malgré le papier d’aluminium entourant le

bâton de plexiglas, une certaine quantité de lumière peut être perdue dans le cas où le front est réfracté,

par rapport à une réflexion totale. Cela pourrait alors conduire également à une décroissance du signal.

Mais pour vérifier ces hypothèses, il nous fallait connaître l’angle Cérenkov.

Nous l’avons recherché dans la littérature, et nous l’avons trouvé sur le

graphique ci-contre :

L’axe des abscisses représente le rapport de la célérité de la lumière sur la

vitesse de la particule. L’axe des ordonnées représente l’angle Cérenkov.

Comme les muons ont une vitesse proche de c, on s’intéresse plus

particulièrement à l’abscisse 1,0. On voit alors que dans le cas du plexiglas, l’angle Cérenkov θ est égal à 48°.

Donc l’angle δ attendu doit être égal à 42°.

42° ! Cela correspond justement à la zone dans laquelle

on observe la première décroissance du taux de

comptage des muons.

Page 18: Dans le sillage de Cerenkov - OdPF

18

Même si cela peut n’être qu’une coïncidence nous avons l’impression d’être sur le bon chemin, ce qui nous a encouragé pour exploiter

nous attaquer à la deuxième hypothèse : maintenant que nous connaissons l’angle δ, nous pouvons rechercher les angles β pour lesquels

les fronts d’ondes subissent des réflexions totales ou des réfractions.

Le détail des calculs, très fastidieux, est présenté en annexe.

Le schéma suivant présente alors schématiquement un résumé de l’ensemble des résultats obtenus (rappelons qu’à partir de β = 42°, le

front d’onde N°2 ne va plus vers le PM) :

Nombre de coups comptés en triple

coïncidence

Angle β (°)

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La superposition montre que les deux décroissances observées autour de 40° et de 90°

semble coïncider soit à la perte d’un front d’onde, soit au passage d’une réflexion totale à

une réflexion partielle.

Cela dit, nous sommes revenus sur cette façon d’interpréter la courbe, pour trois raisons.

g – Trois indices qui ne sont pas cohérents avec notre première interprétation

de la courbe :

Tout d’abord, nous rappelons que le tube de plexiglas est entouré de papier d’aluminium.

Donc, les rayons réfractés seront réinjectés dans le plexiglas. La décroissance brutale

observée alors aux alentours de 90° ne peut pas être attribuée au passage de la réflexion

totale à la réflexion partielle de la lumière du cône sur le dioptre.

D’autre part, l’explication simplifiée que nous avons faite du problème est restée à deux

dimensions, mais nous ne devons pas oublier que le cône de lumière est à trois

dimensions. Ainsi, comme le montre le schéma ci-dessous, lorsque l’on incline le bâton

de plexiglas d’un angle β = 42°, certes une partie de la lumière du cône n’est plus

réfléchit jusqu’au PM, mais cette partie représente une infime partie de la lumière totale

du cône. Ce n’est qu’aux alentours de 90° que l’on perdra la moitié de la lumière du

cône. La décroissance brutale observée alors aux alentours de 42° n’est pas normale,

d’autant plus si on tient compte du troisième problème :

Le système de détection fonctionne en « tout ou rien ». Si les trois impulsions en

coïncidence issues des PM sont toutes supérieures au seuil, alors un coup est compté.

Sinon, aucun coup n’est compté. Ainsi, si en tournant le bâton de plexiglas, la lumière

arrivant jusqu’au PM n’est plus assez intense, alors le nombre de coups comptés chutera

brusquement jusqu’à une valeur nulle. Mais il ne peut pas chuter brusquement vers une

valeur très différente de zéro. C’est un argument sérieux qui nous a fait revenir sur les

mesures effectuées : peut-être avons-nous trop fait confiance à nos mesures. En effet, si

le signal ne doit pas chuter aux alentours de 42°, il se peut alors que la mesure obtenue

pour un angle de 50° soit fausse. Si on en fait abstraction, on obtient alors une courbe

qui décroît de 40 à 90° environ, avant de chuter de façon brutale.

Mais peut-on alors expliquer la décroissance lente du nombre de coups entre 40 et 90° ?

h – Acceptance de détecteur :

Puisque le flux de muons est relativement constant au cours du temps (nous le vérifions

deux fois par jour), et compte tenu du principe de détection du détecteur, la seule

explication possible de l’évolution de la courbe doit être d’ordre probabiliste :

Nous avons recherché un facteur géométrique qui ferait que la probabilité de détecter un

muon n’est pas la même en fonction de l’angle de rotation du bâton, même si ces muons

donnent des cônes de lumière se propageant intégralement vers le PM.

Supposons pour expliquer cela que tous les muons

traversant le plexiglas donnent un cône qui est

intégralement acheminé jusqu’au PM. Et pour

simplifier le problème imaginons 12 muons

verticaux contenus dans un même plan vertical.

Regardons alors ce qui se passe dans la section

verticale résultant de l’intersection entre le plan

vertical et le cylindre dans deux inclinaisons

différentes du cylindre :

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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On remarque que les muons ne traversent pas la même longueur de plexiglas en fonction

de l’endroit où ils traversent le bâton, mais aussi en fonction de l’angle d’inclinaison du

bâton.

Or la lumière créée par effet Cérenkov est créée tout au long du passage du muon dans

le plexiglas. Donc l’intensité lumineuse créée par effet Cérenkov dans le plexiglas ne sera

pas la même pour tous les muons. Représentons alors par un trait rouge la longueur

minimale que doit parcourir un muon dans le plexiglas pour que la lumière créée par

effet Cérenkov génère dans le PM une impulsion électrique supérieure au seuil de

comptage. Alors 8 muons sur 12 pourront être comptés dans le cas de gauche, alors que

10 muons sur 12 le seront dans le cas de droite.

Ainsi, du fait de considération géométrique du dispositif, il existe bel et bien un facteur

qui affecte nos mesures, et que l’on nomme acceptance du détecteur. Ce facteur nous dit

que, comme il est plus probable de compter des muons en triple coïncidence lorsque le

détecteur est vertical, plus l’angle d’inclinaison du bâton de plexiglas est proche de 90°,

et plus il faudra tenir compte de ce facteur correctif en remontant nos valeurs obtenues.

Il reste à déterminer ce facteur. Pour cela, nous somme entrain d’écrire une simulation

du type Monte Carlo. Nous poursuivrons ainsi nos interprétations après avoir corriger nos

valeurs expérimentales par l’acceptance du détecteur.

Parallèlement à cela, nous avons réalisé une autre série de mesures en faisant varier les

conditions expérimentales, dans le but de voir la cohérence entre ces deux situations

différentes :

i – Mesures obtenues en enlevant le papier d’aluminium.

Nous avons retiré le papier d’aluminium entourant le bâton de plexiglas. Nous espérons

ainsi accentuer l’impact du passage de la réflexion totale à la réfraction sur le taux de

comptage. En effet, le front d’onde réfracté sera cette fois-ci dans l’incapacité de revenir

dans le bâton de plexiglas, et donc d’être acheminé jusqu’au PM.

Les points bleus représentent les mesures obtenues sans papier d’aluminium, et les

rouges avec papier d’aluminium.

Muons incidents Muons incidents

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Le fait que la courbe bleue décroisse brusquement pour des angles plus faible montre

bien l’influence des rayons subissant une réfraction : ils ne reviennent plus dans le

plexiglas, et pour des angles supérieurs à environ 40°, la lumière n’est plus assez intense

pour donner une impulsion conséquente en sortie du PM.

Les deux courbes font également apparaître une hausse du coup compté, avec un

maximum aux alentours de 30°, qu’il nous reste à interpréter.

Perspectives :

- Dans la suite de cette rechercher de l’angle Cérenkov, une fois que nous auront la certitude

de comprendre les résultats obtenus, nous explorerons en détails certaines partie de la

courbe en refaisant les mesures avec des scintillateurs de plus petites surface

- D’autre part, nous tenterons de déterminer l’angle Cérenkov dans d’autres milieux tel que

l’eau.

6- Intérêt de l’effet Cérenkov :

L’effet Cérenkov ne se résume pas à la lumière bleue observée dans les bassins des centrales

nucléaires, ni au fait qu’il est peut être responsable des flashes lumineux que les aviateurs en

très haute altitude, ou que les cosmonautes observent lorsqu’une particule énergétique entrerait

dans l’humeur aqueuse de l’œil.

Les scientifiques piègent de nos jours l’effet Cérenkov afin de détecter des rayons cosmiques, ou

encore des astres situés au fin fond de l’Univers. C’est notamment le cas des expériences

menées dans l’observatoire Auger, en Argentine, ou encore dans l’expérience Antares, à Toulon.

C’est ce qui nous à fait choisir la page de garde de ce mémoire.

L’expérience Antares vise en réalité à détecter des neutrinos. Ces neutrinos sont émis par des

astres, des centres de galaxie, des quasars. Observer ces neutrinos revient alors à observer

leurs sources, et faire ainsi un nouveau type d’astronomie, qui viendrait compléter les

informations obtenues à l’aide des ondes électromagnétiques.

Les neutrinos sont des particules soumis uniquement à l’interaction faible, de très courte portée.

Par conséquent, ils peuvent traverser une très grande quantité de matière sans interagir. Pour

les détecter, il faut donc un grand volume détecteur. L’idée dans l’expérience Antares est

d’utiliser le volume de la Terre comme volume détecteur. En effet, lorsqu’un neutrino va

Nombre de coups par minute

Angle β

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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traverser la Terre, la plus part du temps, il n’interfèrera pas. Mais de temps en temps, il

interagira avec un noyau de la terre. Cette interaction fera disparaître le neutrino et donnera

naissance à un muon qui se propagera dans la même direction que celle du neutrino qui lui a

donné naissance. Le muon peut également traverser la matière sans interagir, mais en moins

grande quantité. Ainsi, si la collision entre le neutrino et un noyau de la terre se fait dans le

voisinage de la croute terrestre (voir figure de gauche ci-dessous) , il se peut alors que le muon

qui en résulte arrive à traverser les quelques kilomètres de terre sans dommages.

Mais si à la sortie de la terre, ce muon se retrouve dans l’eau, alors il produira une lumière et

signalera sa présence par effet Cérenkov (figure du milieu ci-dessous).

Pour capter cette lumière, les

scientifiques ont enfouis au

large de Toulon, à 2500 mètres

de profondeur, un réseau

d’environ 1000

photomultiplicateurs, répartis

sur 12 lignes de 350 mètres de

hauteur (figure de droite).

7 - Conclusion :

L’effet Cérenkov nous amène dans son sillage, plus loin que nous n’avions prévu. En

effet, pour réaliser des mesures significatives, il nous a fallu découvrir les secrets de nouveaux

outils tels que les photomultiplicateurs.

Les expériences imaginées et réalisées dans un premier temps nous ont conduites à

formuler des hypothèses que nous cherchons à vérifier à ce jour, en procédant à de nouvelles

expériences. Ce projet nous permet ainsi de découvrir des démarches que nous n’avons pas

l’habitude de rencontrer par ailleurs.

De plus, en nous investissant dans le sillage de Cérenkov, nous avons pu jusqu’à

présent, outre les expériences réalisées, enrichir nos connaissances plus générales sur la

physique des particules.

Enfin, dans cette aventure, nous avons la chance d’être soutenu par José Busto du CPPM

de Marseille, que nous remercions vivement pour sa disponibilité, ses conseils et ses

encouragements, ainsi que pour le matériel (un PM pour nous dépanner). Nous remercions

également Eric Lesquoy du CEA, Gérard Tristam de l’in2p3, et Catherine Thibault de l’in2p3 pour

leurs conseils et leur soutien.

Merci aussi à Jérôme Guillon et Morgan Deal, deux étudiants en M2 à l’Université de

Poitiers pour nous accompagner dans ce projet.

Enfin, nous remercions nos partenaires :

Sciences à l’Ecole, qui a lancé l’appel à projets pour l’utilisation du détecteur de muons,

et qui pilote l’opération « Cosmos à l’école », la fondation CGénial, Les Olympiades de

Physique, l’Université de Poitiers, la région Poitou Charentes pour leurs aides financières.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Annexe :

Que se passe-t-il lorsque l’on fait tourner le bâton de plexiglas ?

Calcul des angles particuliers

Il existe pour un dioptre plexiglas/air un angle ilim au-delà duquel le rayon est totalement

réfléchi.

On trouve ilim avec la formule de Descartes :

5,1

11sin190sinsinsinsin limlim

plexiglas

airplexiglasairplexiglasn

ininrnin

8,41limi

Lorsque l’on tourne le tube de plexiglas, quand est ce alors que les angles d’incidences sont

égaux à l’angle de réflexion totale ?

Commençons par tourner le tube d’un angle β relativement faible, et cherchons la relation

liant

- β, i1, δ

- β, i2, δ

i1 et i2 étant les angles d’incidences des deux fronts du cône sur le dioptre plexiglas/air.

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Olympiades de Physique 2010-2011 Dans le sillage de Cerenkov

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Pour quelle valeur de β les angles d’incidences i1 et i2 peuvent être égales à ces angles

particuliers ?

étude de i1 :

i1 = δ +β donc β = i1 - δ = i1 - 42

Si i1 = 41,8°, β = i1 - δ = 0 ce qui signifie que dès β = 0, le front 1 est totalement

réfléchi. Lorsqu’on augmente ensuite β, i1 = 42 + β > ilim , donc la réflexion reste totale.

étude de i2 :

i2 = δ - β donc β = δ – i2 = 42 - i2

Si β = 0, i2 = 42°, ce qui correspond à peu près à une réflexion totale. Mais ensuite,

lorsque β augmente, i2 = 42 - β diminue et devient inférieur à l’angle de réflexion totale.

Ce scénario se passe jusqu’à ce qu’on tourne

le plexiglas d’un angle β = δ = 42°, car comme le

montre le schéma suivant, arrivé à cet angle, le front

n°2 ne se dirige plus vers le PM après réflexion

interne.

On poursuit alors la rotation du plexiglas, sans se

soucier du front 2. La relation entre les angles,

pour le front 1, reste valable, jusqu’à la situation

ci-contre, c'est-à-dire lorsque l’on a tourné le

plexiglas d’un angle β = 90 - δ = 48°.

En effet, si on tourne le plexiglas au-delà de cette

valeur, le rayon incident du front 1 se réfléchira

sur l’autre face du plexiglas, ce qui changera alors

la relation liant les angles entre eux.

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Etablissons alors cette nouvelle relation :

Dans le triangle ABC, ( 90 - i1 ) + 90 + 180 – ( δ + β ) = 180

Soit i1 = 180 – ( δ + β ) = 180 – ( 42 + β )

Lorsque β = 48°, alors i1 = 90° > ilim, donc on reste dans la configuration d’une réflexion

totale.

Jusqu’à quelle valeur de β cela sera-t-il le cas ?

i1lim = 180 – ( 42 + β ) donc β = 180 - 41,8 – 42 = 96,2°

Ainsi, à partir de 96,2°, le seul front arrivant jusqu’au PM subira des

réflexions partielle sur le dioptre plexiglas/air.

Cette situation sera valable jusqu’à ce que l’on tourne le plexiglas

d’un angle 180 – δ = 138°, angle au-delà duquel plus aucun front

d’onde n’arrive jusqu’au PM.

180 - δ