Dansl’ombreduGIGN

RolandMÔNTINS

Dansl’ombreduGIGN

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les blessures. J’ai pris desmesures, analysé…Ma conclusion,c’estquelespersonnesontététuéespardugroscalibre.Maisjenesaispasencoredequellesballesils’agit.Ilfaudraitfaireuneautopsieet…

– Je connais ce type de blessures, coupe Rodgers. Lespersonnes ont été tuées par de la Brenneke ! Elle est utiliséepourtirerdugrosgibier,genresanglieroucerfavecdesfusilsdecalibre12…

Rodgers ne laisse pas le temps au légiste de réagir. Lespécialistedel’autopsie,estpasséd’unseulcoupdelagrimacedu binoclard mal voyant à la stupeur. La bouche en accentcirconflexe.LaréflexiondeRodgersestunpeusèchemaisiln’apasdetempsàperdre.Ilestcommeça,soncaractèreestfrancetdirect, il n’a jamais vraiment su mettre les formes pours’exprimer.Leplus important pour lui est d’aller à l’essentiel,tout le reste, selon ses dires, c’est du baratin. Rodgers estconcentréetnepensequ’àuneseulechose:l’action.

Ilseretourneversseshommes.– Il me faut une équipe de six au quatrième étage et une

autreaudeuxième.Jevoismalunefemmeâgéeutiliserunfusilde chasse, c’est sûrement l’homme qui a tiré. D’après levoisinage,cesontdesgenssimples,sanshistoire.Unpetitdétailcependantmefaitpenserqu’ilatuésafemme…

–Commenttusaisça,Rod?l’interrogel’undeseshommes.– Une intuition. Je m’explique. Aux dires des voisins, sa

femme le traitait comme un chien. Lui est décrit comme unhommebonetdoux,ellecommeunêtreabjectetignoble.Ilyad’abordcepremiercoupdefeu,étouffé.Iladûtireràtraversuncoussinpourtuersafemme.Àmonavis,aprèsça,ilestdevenufou.Onvaessayerde le récupérervivant, sans tropprendrederisques.Attention les gars, il tire de laBrenneke. Troismortsdéjà,nel’oubliezpas!

Rodgersestunathlètedequarante-cinqans, ilmesure1m80 pour 85 kg de muscles. Son faciès, taillé à la hache, estsubliméparun regardvifetperçant.Unphysiqueà laCharlesBronson.Ilestmarquéparsalonguecarrière.IlvitsesderniersmoisauGIE.Ilaurapassépresquelamoitiédesaviedansdeuxunités.QuinzeansauGIGNetsixansauGIE.Vingtetunansdesonexistenceàsauverdesviesaudétrimentdelasienne.Unparcoursprofessionnelhorsnormes.Uneretraitebienméritéeseprofileàl’horizon.Malgrésoncaractèrebourru,ilestadmiréetappréciédetous.Ilsecomportecommeunvraichef,carl’intérêtde seshommespasse toujours avant le sien.C’est sa façondefaire,safaçondevoirleschosesetc’estaussisonmodedevie.Dansl’unité,ilestconnupourêtre«Rod,l’ancienduGIGN».Laréférencesuprêmepourtous.

Les hommes sont prêts. Quinze en tout, répartis en deuxéquipes de six dans la cage d’escalier ainsi qu’un trinôme encouvertureàl’extérieur.Avantdeserendreauxpostesdésignés,Rodgersexpliqueàtousseséquipiersledispositifqu’ilamisenplace.Leplandel’appartementestdessinésurungrandtableaublanc où la position des tireurs est mentionnée. L’entrée del’appartementpermetd’accéderàlacuisineàgaucheetausalonàdroite.Auboutducouloir,deuxchambres,unesalledebainsainsiqu’ungrandplacardmural.

– Messieurs, j’ai placé les tireurs ici, là et là. Ils sontéloignés les uns des autres pour avoir des angles de vuesdifférentsetaugmenterainsilespossibilitésdetirs.Lepremierest positionné sur le toit terrasse en face de l’immeuble oùhabite le forcené. Le deuxième se trouve dans un appartementsitué au même niveau dans un bâtiment situé à plus de centquatre-vingtsmètres,avecunevueparfaitesurlabaievitréedusalon.L’actiondes tireursest compliquéepar laprésenced’unrideau. Le troisième couvre l’arrière de l’immeuble d’où l’on

aperçoitlesfenêtresdeschambres.Malheureusement,lesvoletssontfermés.

LavoixdeRodgersestcalme,chaquemotestpesé,pasdesuperflu. Les hommes l’écoutent avec vigilance. Après avoirmarqué une pause pour donner plus de poids à ses mots, ilreprendlaparoleenregardantsonadjoint.

– Une équipe s’installera au deuxième, une autre auquatrième, de façon à prendre le forcené en tenaille. L’équipequi doit se placer au quatrième sera emmenée par Brake. Ellepasserapar l’entréen°2,monterasur le toitpuisaccéderaà lacage d’escalier n° 3, celle du forcené. Elle s’installeradiscrètement.Lorsque lemoment seravenu, c’estWesmull quiouvriralaporteàl’explosif.Pourmapart,j’emmènerail’équiped’assautdansl’escaliermenantàl’appartement.C’estbonpourtoutlemonde?

Un acquiescement général parcourt l’assistance prête àl’action.RodgersregardeBrake.

–Vas-ymonpote,tupeuxemmenertesgars.Sansperdredetemps,l’équipedeBrakes’ébranle.Cellede

Rodgersmontelesmarchesets’arrêteàundemiétagedelaported’entréeduforcené,àl’endroitmêmeoùreposaientlescorpsdupompieretdupolicier.Lesolestmaculédesangcoagulécollantsousleurspas.LeshommesduGIEsontaucœurd’untragiquedécor, prêts à intervenir pour stopper la folie meurtrière d’unindividuquinesaitplussurquiiltire.

La progression est lente car elle doit être réalisée le plussilencieusement possible. Le binôme de tête est constitué dedeux hommes d’expérience,Michel et Romain.Michel est unboxeur de haut niveau, fin technicien et rude combattant.Respecté en tant que maître à boxer par tout le personnel duGroupe,ilaacquisdansledomainedel’interventionunericheexpérience. Romain est son binôme, ils interviennent toujours

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Rodgers est agréablement surpris de revoir Alain, alias«Bruce»,quivient lui rendrevisite, comme le fontbeaucoupd’anciens.

–Alain,jesuiscontentdetevoir!Après une franche et sincère accolade, Alain observe les

galonssurlapoitrinedesonancienéquipier.– Putain… Le gonze Rodgers… Commandant !

Félicitations, mon pote. Cela fait au moins dix ans qu’on nes’estpasvu.Justeavantquelesconnardsfoutentnotreunitéenl’air!Quandjet’aiquitté,tuvenaisjustedepasserlieutenantetmaintenant… quatre barrettes. Bravo mon pote, ça me faitplaisir!

–Commentvas-tu?–Jepètelaforme…Çamarche,votretruceuropéen?–Jeteprésentemonadjoint,lecapitaineBrake.–SalutBrake,onneseconnaîtpas.Tuétaisoùavant?– J’étais enAngleterre, au SAS, c’est pour ça…On a été

dissoutnousaussi.Alainseprésenteauxtrois jeuneshommesqui leregardent

avec étonnement et admiration. PuisRodgers vient se placer àcôté de lui, une main sur l’épaule, en s’adressant à ses co-équipiers.

–Messieurs,vousavezdevantvousunmonument.C’estluiquim’aforméetquim’atoutappris.Ilaparticipéàl’assautdelaprised’otagesàOuvéaen1988etaussiàcelledel’AirbusàMarignaneen1994.C’étaitsadernièreinterventionetpourmoi,lapremière.

–Hé,lesgars,répondAlain,vousavezdubol.Ilestunpeurude,mais j’avais tout de suite vu que c’était un leader…Aufait,c’estquitonpatron?

–LecolonelDanielSavedje. Ilcommande lesdixGroupesd’interventionduGIE.Çafaitplusdedeuxcentshommes.

–DixGroupes…Putain !À l’époque, il n’y en avait quetrois…Tiens,vousavezdescanapésencuir?Nous,onposaitnotre cul sur des bancs en bois. Eh, vous avez les miches enpeaudegazelle,lesmecs!

Toutlemondesourit.–Tun’aspaschangé,s’exclameRodgers.Tuastoujoursla

mêmerépartie.–Benoui,qu’est-cequetuveux,onneserefaitpas.Ilsort

d’oùton…Savedje?– Il a ladoublenationalité, français et américain.C’estun

typeextraordinaire.– Mais est-ce qu’il a déjà défoncé une porte avec une

masse?– Je ne crois pas. Sur l’ordinateur peut-être… Avec le

mulot!Maistusais,çaabeaucoupchangédepuistonépoque.OnestplusdemilleauGIEenFrance.

–Mille?OnétaitcinquantequandjesuisentréauGIGN…– Il y a plus de trente ans…C’est fini tout ça.Tout a été

compartimenté. Il y a la cellule intervention, la protectionrapprochée,l’observation,lasécuritédessitessensiblescommeles centrales nucléaires. Sans parler de toute la partieadministrative.Ilssontpresque200jecrois!

Après cette sympathique discussion, Rodgers et Brake sedirigentverslasortie.

–Désolé,Alainmaisondoitpartiretsepréparer.Onvafaireunemissionquetun’asjamaisfaite.Jepensequeçanet’auraitpasconvenu.

–Ahoui?C’estquoi?–Onva assurer la protection rapprochéeduministrede la

Défense.Onl’accompagnepoursesvacancesquivontdurerunmois.Onpartcetaprès-midiàPalmadeMajorque.

– À notre époque, on ne faisait pas ces conneries-là. Ce

n’estpasbondesemélangeraveclespolitiques.Bon,amusez-vous bien ! Eh…Rodgers ! Ne lèche pas trop les miches duministre,turisquesd’attraperdesboutons.

Ungrandrires’ensuivit.La mission de protection du ministre de la Défense est

particulière.Habituellement,c’estlapolicenationalequiassuresa garde rapprochée en France. Il y a quelques années, leministre était venu à la caserne du GIE pour assister à unedémonstration. Il avait fait la connaissance de Rodgers.Impressionné par l’homme, il a voulu qu’il s’occupe de sasécuritéàl’occasiondesesdéplacementsprivés.Normalement,le GIE ne détache pas de personnel pour des missions de cetype, mais le ministre a beaucoup insisté. Il était difficile derefuser.

Avantdepartirenmission,RodgersetBrakeeffectuentuneséancede tirpour tester tous les calibresqu’ilsvont emporter.Cedernierentraînementestnécessairepourvérifierlesélémentsde visée ainsi que le bon fonctionnement des lasers et deslampestorchesfixéesauxarmes.Rodgersestnonseulementunartiste boxeur mais c’est aussi un champion de tir. Avec sonManurhin, il est capable de réaliser de véritables prouesses. Ilpeut toucheruntéléphoneportableàplusde50mètres,cequiest, avec un revolver, une remarquable performance. Brakepréfère les petits pistolets automatiques compacts, avec viséelasertypeGlockouSig.Rodgersgardetoujourssurluison357Magnum,quiestbeaucoupplusprécisqu’unautomatique.C’estavecunecertainefiertéqu’illeporteenopération.Unjour,desgars de sonGroupeont dit enplaisantant qu’il devait coucheravec.QuandRodgersl’asu,ilaesquisséunsourireencoinpuisilaréunileGroupe2etaexpliquéàtoutlemondependantdesheures l’histoire de ce Manurhin. Plus personne n’a ensuiteplaisantésurlesujet.

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cordiale. Laetitia est photographiée sous tous les angles.Surprise par cet accueil, elle sourit en prenant des poses destarlette.Conscientquesonépouseoubliesonstatutdefemmedeministre,celui-ciluiprendlamainetlaprésenteàMontoya.Trèsnature,elleembrassel’Espagnolcommeunami.Cedernierest surpris, lui qui s’attendait à effectuer le baisemainprotocolaire.

Le Français et son épouse prennent place dans unelimousineencadréepardeuxvéhiculesdepolice.Troismotardslesprécèdent.Leconvoiemprunteuneroutesinueusebordéedepalmiers.Quelquesinstantsplustard,ilarrivedanslacourd’unhôtel de luxe situé le long d’une plage.Le personnel se saisitdesvalisesetlesemportedansleschambres.Rodgersremarqueundiscretdispositifdesécuritéautourdel’hôtel.

Les deux ministres discutent dans le hall. Laetitia lesregardebouchebée.Lesgardesducorpsespagnolsobserventlajeune nymphette. Rodgers imagine ce qui traverse leur espritexcité.

Avant de partir, leministre espagnol flatteLaetitia pour sabeauté,ellesouritensetortillant.

Puis les Français se dirigent vers l’ascenseur. Leminis-treappuiesurlebouton8.Dernierétage.LaetitiaobserveRodgersquiporteunemallettenoireencuir:

–Qu’est-cequevousavezdansvotrepetitevalise?–Matroussedetoilette,Madame!répondtrèssérieusement

Rodgers.Brake et le ministre sourient. Imperturbable, Rodgers

regarde devant lui, il a compris que les soi-disant vacances àPalmaseront tout saufdesvacances.Lesportesde l’ascenseurs’ouvrentsurunsomptueuxcouloirquimèneà lasuiteroyale.Leministre est l’invité du gouvernement espagnol, il a droit àl’appartementleplusluxueuxdel’hôtel.

Rodgerss’adresseàlui:–Sivouslepermettez,nousallonsdépoussiérerlasuite.–Vouscroyez?Cen’estpasnécessaire!– Il serait gênant que soient filmées et enregistrées des

conversationsprivéesoud’autreschoses…Vousvoyezdequoijeveuxparler?

–Qu’est-cequ’ildit?Onvaêtreattaqué,s’affoleLaetitia.–Nonmachérie,net’inquiètepas,c’estdelatechnique…

Rodgers,vousm’étonnerez toujours.Maisc’estpourçaque jevousemmèneavecmoi.C’estbien,allez-y,pasdeproblème.

– Ça vient de ma formation, dans ma première unité.Toujoursanticiper,pouréviterlesproblèmes,expliquet-il.

À l’intérieur de la suite, les deux hommes du GIEcommencentle«dépoussiérage».Brakeouvreunemalletteetsesaisit d’un appareil de la taille d’un iPad. C’est le systèmeOscor Gold (corrélateur et analyseur spectral). Le top de latechnologieenmatièrededétectionélectronique.Cetappareilalacapacitéderechercherdessystèmesdormants,typemicrooucaméra, en envoyant des signaux qui les excitent et les faitréagir.Ilestcomposéd’unécrantactilequipermetdevisualisertouteslesfréquencesaudioetvidéoémises.Ilfautmoinsdedixminutes pour sécuriser un appartement alors qu’auparavant, ilfallaitplusd’uneheure.Desoncôté,Rodgersestéquipéd’unecaméra thermique miniature. Comme le ferait un radio-loguepour une échographie, il visualise l’intérieur des murs et descloisons.Aprèsavoirtoutanalysé,lesappareilsdedétectionnedécèlent aucune anomalie. Sous le regard impressionné deLaetitia, Rodgers invite le couple à prendre possession deslieux.

–VoilàMonsieurleministre,c’estpropre!– Messieurs, précise le ministre, nous allons rester dans

notre suite. Demain à 11 heures, nous irons à la plage. Vous

prendrezlatenueadéquate.Bonnesoirée,mesamis.Rodgers et Brake sont satisfaits de cette ambiance

chaleureuse.Unebonnenouvellepoureux:lapoliceespagnole,en plus de la sécurité extérieure, a placé une garde statique àl’étage. On craint le terrorisme de l’ETA, qui n’hésite pas às’attaquerauxpersonnalitésfrançaisesaccuséesdepactiseravecleur ennemi de Madrid. Pour Rodgers, la présence policièreespagnole ne change rien. Lorsqu’il protège leministre tel unangegardien, il nedort qued’unœil avec sonManurhin sousl’oreiller.Lachambrequ’ilpartageavecBrakeestpratiquementenfacedelasuiteroyale.C’estunechambredeluxe,avecunegrandetélé,unbaretdeuxlitsspacieuxàl’américaine.Unebaievitrée offre une magnifique vue sur la mer. Ils s’installenttranquillement, s’amusant à se remémorer les anecdotes de lajournée:les50000eurosdansunsac,lechampagnemillésimé,lemalaise àVillacoublay, le colonelde labase, etbien sûr, lapulpeuseLaetitia.

Rodgers ouvre sa fameusemallette. À l’intérieur se trouveun pistolet mitrailleur HK MP5 K sur lequel est monté unsilencieux.Cepistoletdecalibre9mmetlaversionraccourcieduMP5 classique. Il permet de tirer au coup par coup ou parrafalesdetroiscoupsouencontinu.Équipéed’unlaseretd’unchargeur de trente cartouches, cette arme est particulièrementredoutable. Rodgers vérifie les différents éléments de « satroussedetoilette».Illarefermeavecunsouriredesatisfaction.C’est maintenant l’heure de dormir. Mais Rodgers n’y arrivepas,iltourneetseretournedanssonlit,ilpenseàlafemmeduministre.Que leur réservera-t-ellepour leurpremière journéeàl’hôtel?Laetitial’inquiète,ellepeutsanslesavoirfaireprendredesrisquesauministre.

Le lendemain, les deux hommes prennent le petit-déjeunerdansleurchambre.Àl’heureprévue,ilssepréparentàaccueillir

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Ils traversent le stand et s’arrêtent près des cibles justedevant la butte de tir. Rodgers sort de la poche de sacombinaisonunpetitplateauenargilejaunequ’ilfixeaucentredugiletpare-ballesdesonami.Ceplateaude10centimètresdediamètre est la cible. Cet exercice est dénommé « le tir deconfiance»etilportebiensonnom.Ils’exécuteà15mètrespartous les membres du GIE qui, après leur formation de tireurd’élite, valident ainsi leur aptitude à la maîtrise de l’arme depoing.Riendetelpourcombattrelestressetrenforcerlecapitalconfiancedeseséquipierslorsd’uneintervention.

Maiscettefois,Rodgerss’éloigneunpeuplusets’arrêteà25mètres.Brakeaenfilélegiletpare-ballesetplacéuncasqueantibruit sur les oreilles. Il se protège aussi les yeux avec unepairedelunettesspécialespouréviterunéventuelretourd’éclatsdu plateau en terre cuite. Il amis sesmains dans le dos et nebouge plus. L’éclairage des spots juste au-dessus de sa têtedessine d’inquiétantes zones d’ombres sur son visage quin’exprime pas de doute, mais pas de joie non plus. Il pensesimplementqueRodgersestunpeuloin,maisilnefaitaucuneremarque.Ilaconfianceensonami.

Rodgers est droitier et c’est naturellement avec cettemainqu’ilbranditunSmith&Wessondecalibre44Magnum.Biendroit sur la lignedes25mètres, il regarde avec laplusgrandeconcentrationleplateaufixéaucentredugiletpare-balles.Pourcorser la difficulté, Rodgers passe lentement son Smith &Wessondelamaindroiteàlamaingauche.Puisilseplacedeprofil, l’épaule gauche en avant.Brake a vu le changement demainetespèrequ’ilvaarrêterlàetnepassebanderlesyeux!Rodgersprendplusieursinspirationspourfairelevide.Avecsoncasque antibruit sur les oreilles, il n’entend plus rien.Mais àl’intérieurdesoncorps,unemusiquel’interpelle.Larésonancedes battements de son cœur revient comme un écho dans son

oreille interne. Le cadencement de sonmuscle cardiaque qu’ilmaîtriselerassure.Lapremièrefoisqu’ilaréalisécetteépreuve,soncœurdevaitbattreàplusde100.Aujourd’hui, ilsaitqu’ilest à moins de 60 pulsations, malgré le stress lié à ce genred’exercice.Sonbrasgaucheest tenduverslebas,àenviron45degrés.

Aprèsavoirsouffléunedernièrefois,illèverapidementsonbrasarméendirectiondeBrake.Ilneprendpastoutdesuitesaviséesurlasoucouped’argile.Ilvisevolontairementàunmètreàcôtédesonami.

Ce moment est très important, car c’est en toute sécuritéqu’il peut, dans une dernière inspiration bloquée, relever avecsonpouce gauche le chien de l’arme.Puis, par unmouvementlatéral rapide, il décale son bras. Il vise maintenant la petiteciblejaunequiparaîtminusculeàcausedeladistance.Ilestenapnée.Lesbattementsdesoncœurs’accélèrentlégèrement.

L’instantsuivantestcrucial.C’estlaphasefinaledutir.Lelâcherducoup.Quelques centainesdegrammesexercés sur ladétentelibèrentlepercuteurquifrappel’amorcedelacartouche.Cette action provoque l’inflammation, puis l’explosion de lapoudreàl’intérieurdeladouille.Leprojectileestalorspropulséàplusde450mètresparseconde.

Le plateau d’argile est pulvérisé en une centaine d’éclats.Sousl’impactdelaballe,Brakeencaissel’ondedechoc.Ilestlégèrement déséquilibré vers l’arrière. Rodgers expulse l’airqu’il avait bloqué pendant ce court temps de visée, cinq à sixsecondes au plus. Il se dirige vers Brake. Les deux amis seserrentlamainensouriant.

–Jevoulaisquetuterappellesdenotredernièreséancedetir!C’estmoncadeaudedépart!

–Putain…Ça,c’estsûrquejevaism’enrappeler!Etaveclamaingauche…

Lajournéeseterminetranquillementàlasallededétente.Leléger couinement du ventilateur ramène quinze ans en arrièreRodgers, à l’époque du GIGN. Il se souvient de ses potes :Michel,leGitan,Bull,Philippe,Mike,Bourrin,Puce,leGrosetles autres. Même s’il a réussi l’exploit de sauvegarder lamentalitéetl’espritdesonancienneunité,maintenant,leGIGNestbienfini!Ils’envaetpluspersonneneseralàpourraconterdes anecdotes comme il sait si bien le faire. L’âme de cetteprestigieuseunitépartiraaveclui.

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qu’après son nettoyage au retour de Palma de Majorque, lesmoutons sont revenus sous les radiateurs. Ils font partie de lafamille, ils sont comme des cousins qu’il chasse de temps entemps.Ilsallaientbientôtchangerdelocataire,voiredisparaître,si une fée du logis s’en occupe sérieusement. Rodgers vadirectement dans la chambre et s’offre une courte sieste bienméritée.Ilestpresquequinzeheureslorsqu’ilestréveilléparlacafetière qu’il avait programmée. En tenant sa tasse à deuxmains, il souffle sur le liquide brûlant, le regard ailleurs. Lessouvenirs défilent dans sa tête… Il est soulagé de prendre saretraite.Ilestencorejeune,ilaletempsdeprofiterdelavie.

Uneheureplus-tard,ilretrouveBrakeenbasdel’immeuble,au volant du 4x4 Mercedes. Ils se demandent ce que veut leministre.

Trente minutes plus tard, celui-ci les accueille en lesappelant,commed’habitude,mesamis…

– Savedje m’a dit que le GIE avait arrêté trois dangereuxcriminelscettenuit?

– Une bande de truands qui avait gravement blessé ungendarmeilyatroissemaines,luirépondRodgers.

–Trèsbien…Aufait,leministredelaSantém’aappelé,unmédecin s’est plaint. Vous avez été personnellement nommé.Vous auriez eu des propos incorrects envers lui. Je m’en suisoccupé, l’affaire est classée et je ne veux pas en savoir plus.Maiscen’estpaspourçaquejevousaifaitvenir.

–Merci,Monsieurleministre.–Monami,leprinceAziz,ministredupétroled’unÉtatdu

golfepersiqueet filsde l’émirquidirige lepays,vaarriverenFrance. Habituellement, c’est la police qui s’occupe de sasécurité.Mais là, ilvoudraitquelquechosedeplusmusclé.Etc’estpourquoij’aipenséàvous.

–Combiendetempsvadurerlamission?demandeRodgers.

–Quatreoucinqjoursmaximum.Jesaisquevousêtesàlaretraite à la fin dumois, mais je vous le demande comme unservice.Deplus,leprinceesttrèsagréable.Vousn’allezpasleregretter.

–Ilarrivequandceprince?–LapolicelerécupèrecettenuitàOrly.Vousavezrendez-

vouschezluidemainmatinà10heures.Vaguementcontrarié,Rodgersattrapeledossierqueluitend

le ministre. En sortant du bâtiment, il a sa tête des mauvaisjours. Ilvientdese fairepiégeret iln’aimepasça.Pendant letrajet de retour, il constate qu’ils n’ont pas eu droit auchampagne. C’est la première fois que ça arrive. « C’estbizarre»,dit-ilàBrake.Ilaaussitrouvéleministrepensif.Cen’estquandmêmepasàcausedecettehistoireaveclemédecin?Oualors,peut-êtrea-t-ildesproblèmesavecsablonde?Celaneseraitpasétonnant.Rodgersalesmâchoiresserrées,lementonlégèrement vers l’avant et le visage fermé comme une huître.Brakeleconnaîtbienetdevinesespensées:

–Nefaispascettetête,Rod.Ilfautvoirleschosesduboncôté.Onvaencorepassercinqjoursensemble,c’estsuper,non?

–Jemesuisfaitniquerparleministre.Toutça,àcaused’unconnard!Rodgersneparleplusjusqu’auretouràlacaserne.Lesdeuxamissequittentensedonnantrendezvouslelendemain.LechefdeGroupeauraitpréféréfinirsacarrièreautrementqueparunemissiondeprotectionrapprochée.

Lelendemain,curieusement,ilselèvedebonnehumeur.Lanuit a presque toujours un effet bénéfique sur ses petitescontrariétés.IlretrouveBrakeàlasallededétente.Ilsdégustentuncafé,accompagnédedélicieuxcroissants.Puis ilspréparentlematérielpourlamission.Rodgersnelesaitpasencore,maiscequi l’attendvadépasser toutcequ’ilauraitpu imaginer.Ceseralecloudesacarrière!

Après leurhabituelgymkhanadans le flotde lacirculationparisienne, ils arrivent à l’hôtel particulier du prince avenueMontaigne,l’undesendroitslespluschicsdeParis.Rodgersseprésente devant une grande porte cochère. Il appuie surl’interphone et s’annonce. À l’ouverture de l’épaisse porte enbois,ilssontaccueillisparunhommedetypeméditerranéen.

– Bonjour,Messieurs, je suis le régisseur. Le prince Azizn’estpaslà,ilestpartiaveclesmessieursdelapolice.

–Commentça,aveclapolice?Voussavezoùilssont?– Ils sont partis chez un marchand d’armes à Paris.

Gastine…Quelquechosecommeça.–GastineReinette.C’estbon,Rod,jesaisoùc’est,affirme

Brake.Ilsremontentenvoiture.Rodgerssedemandepour-quoiles

policierssontavecleprince.Iln’aimepasprendrelerelaisparunautreservicequelesien.Unpeuagacé,ilprendlevolantetremonte rapidement les Champs-Elysées. Pour détendrel’atmosphère,Brakeluiposeunequestion:

–Commentonl’appelle,leprince?–Môssieur,bonjourMôssieur!–Arrêtededéconner,onarrivebientôtaumagasin.Rue Franklin-Roosevelt. La Bentley du prince est garée

devantl’armurerie.Rodgerss’arrêtederrièrelaluxueusevoiture.En passant devant la vitrine, il aperçoit un homme d’unetrentained’années,detaillemoyenne,trèsbienhabillé.Unpeuàl’écart,deuxhommes,lacinquantainebedonnante,attendent.Cesont les seules personnes de la boutique. Brake et Rodgerscomprennent tout de suite qu’il s’agit de la protectionrapprochée.Dèsleurentrée,ilssedirigentverseux.

–Messieurs,bonjour.NoussommesduGIE.Nousprenonslarelève,vousêtesaucourant?

–Oui,onaétéprévenuscematin,onvousattendait,dit le

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que sa religion interdit. Champagne et petits fours sont servisparquatrehôtessespresquedénudées.Desbeau-téseurasiennes.Cemélangedesangsmêlésestfabuleux,c’estunpurrégalpourlavueetlessens.Brakealesyeuxquisortentdeleursorbites.Les neurones commencent à frétiller. Rodgers donne un petitcoupdecoudeàsonpotepourluirappelergentimentlamission,celledeprotégerleurhôte.Enobservantlascène,ilsedemandecommentvafinircettesoirée.Leprinceestaccompagnédetroisamisfaceàquatrejeuneseurasiennes.Lecompteestbon!Unefillechacun!Plusieurstablesdejeuxderoulettesontdisposéeset c’est par plaques de 1 000 euros que le prince couvre lesnuméros.Les deuxguerriers duGIE sontmalades de voir tantd’argentsurlatable.Risquerdetoutperdreenl’espacededeuxminutesleschoque.

Les filles, câlines et aguicheuses, se lovent contre leshommes. Rodgers se sent mal à l’aise. Il n’a jamais tenu lachandelle et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer.«Qu’est-ceque je fais là, pense-t-il.Cen’est pasmonboulotd’assisteràdesébats.»

Soudain,descrisretentissent.LesamisduprincesautentdejoiecarAzizvientdegagner50000euros.Rodgersaenviedelui dire : «Prends tonpognon et cassetoi ».Au lieude ça, leprincerejoueetentroiscoups,toutestperdu.Endeuxheures,350000eurossesontévaporésdanslestablesducasino.Ilfaitrapidement le calcul et lâche un juron. Une telle sommecorrespondàseptannéesdesonsalaire.Ilestdégoûté.Azizselève,sonvisagen’ex-primeaucunsigned’émotion.

–Jequitte.Demain,revenir.Réservepourmoi,demande-t-ilàRodgers.

Ils sortent discrètement par la porte dérobée. Aziz et sesamis retrouvent les filles dans le hall de l’hôtel de Paris.L’ascenseurestspacieux,maisl’accèsestlimitéàsixpersonnes.

Rodgers suggèreauprincedemonteravecBrake, lui-même,etdeuxautres.Aziz accepte en faisant venir lesdeuxplusbellesfilles.Ellesontàpeine25ans.L’uned’ellesregardeBrakeavecun visage angélique. Pendant la montée, il sent son douxparfum.Uneidéesaugrenueluitraversel’esprit:«SileministredelaDéfenseétaitlà,iln’arrêteraitpasd’éternuer.»Ilesquisseun petit sourire. Il lui faut beaucoup de concentration pourpenserà autrechosequ’àcettebeautécélestepresquecolléeàlui.Lesportess’ouvrentauhuitièmeetdernierétage.

Azizprendlaparole:–Demain,courir.11heures,Ok?–Pasdeproblème.Àdemain.Lelendemain,à11heures,BrakeetRodgersattendentdans

lecouloir,persuadésqueleprinceneviendrapas,épuiséparsanuitdesexe.Mais,surprise,Azizsortdesachambreàl’heure.Rodgersappréciecetteattitude,ilsesentrespectéparleprince.Celui-ciesthabilléd’unsurvêtementPierreCardinmauve.Illesaccueilleavecungrandsourire.Lanuitadûêtreàlahauteurdesesrêveslesplusfous.

–Jecommence.Maintenantfooting.Onprendlesmarches.Ilsdescendentl’escalier,aupasdecourse.LePrinceveutles

impressionner,etsemetàvouloirfaireunchrono.Troisétagesplusbas,ildérapeetseprendunebonnegaufreenglissantsurlepalierducinquième.Brakel’aideàserelevermaisilnepeutcontrôlerunpetitrictus.

–Toirire?–Pasdutout!bafouilleBrake.Le prince, l’œil noir, repart prudemment. Rodgers et son

complicerientensilence.Ilstraversentlehallentrot-tinantsousleregardéberluédelaricheclientèle.Lestroishommessortentdupalace.Le footing commence seulement,maisRodgers a lasensation que le prince n’en peut déjà plus. La Rolls suit

lentement à distance. On ne peut pas dire que sa foulée soitolympique. À ce rythme-là, autant marcher, mais il leur fautpréserverlavanitéprincière.Ilssontbienobligésdefairecroirequ’ilscourenteuxaussi.Auboutde5minutes,Azizs’approchedelaberline:

–Combiendekilomètresfairemoi?–Plusd’unkilomètre,VotreAltesse!répondlechauffeur.Ilconnaîtbiensonpatronetfaitpreuvedecomplaisance.En

réalité, ils n’ont parcouru que 500 mètres. L’altesse soufflecommeunbœufetunpeuplusloinils’arrête,lesmainssurleshanches. Il souffre, dit-il, d’une « crampe àmollet ». « C’estplutôtunecramped’estomacquiluitombedanslesgodasses»,seditRod.

Aziz les invite à gagner le Monte-Carlo Bay Hotel. Ilsdégustentundélicieuxpetit-déjeuneroùilsparlentdetoutetderien. Le prince veut savoir comment ils vivent et s’ils sontmariés.EnécoutantBrake, il est surprisdedécouvrirqu’il esttoujours célibataire. Rodgers prend la parole et raconte sonhistoire avec lablondequin’aimaitpas sonappartement.Azizrit beaucoup. Pour lui, Rodgers est un « good man ». Il leuravouequ’ils ont quelque choseque les autres gardes du corpsn’ontpas.IlrajouteenregardantRodgers:

–Tuaimeslechinoise?–Oui,jeaimebeaucouplechinoise!Ilnepeuts’empêcherdeparlercommeluietAzizsemetà

rireauxéclats.Puisilredevientsérieux:–Cesoir,jecasselegueuleaucasino!RodgersetBrakesourient.Ilstrouventceprincedeplusen

plus sympathique. Il est assez rare que les milliardairesrespectentceuxquilesprotègent.

Lesoir,ilsretournentaucasino.Mêmesalon.Champagne,petits foursmaispasd’hôtesses.

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Rodgers.Ilsesentimpuissant.C’estungrandmaigreetsondosest déjà voûté. Ses yeux marron sont recouverts par de fineslunettes.ÀcôtédesdeuxathlètesduGIE, il faitpâlefigure.Ilprendlaparole:

– Je suis ingénieur en informatique. Ma spécialité est demettreenœuvreunouplusieurssatellitessurunecible…

Stupéfait,Rodgersnepeuts’empêcherderéagir:–Et tuvoulais commander avec tondiplômed’ingénieur ?

C’estlameilleurecelle-là…Jean-Hubert ne sait pas s’il doit poursuivre. Il est

déstabilisé. On ne doit jamais lui parler comme ça. Rodgerspense que dans son service tout le monde doit lui faire descourbettes.

–Bon,allezJH,continue.– Je…Jevaiscaleruneobservationpar satelliteau-dessus

delaboîtedenuit.–C’estpossible,ça?s’étonneRodgers.– Une technique nouvelle, toute nouvelle, révolutionnaire.

Lesatelliteestcapablededétecterlesmouvementsdepersonnesdansun lieu ferméàpartirdumomentoù ils sontdotésd’unepuce. On va donc implanter une puce sur chaque fille. Lesatellite les suivra pas à pas sur un écran en trois dimensions.On saura toujours à quel étage et dans quelle pièce elles setrouvent.Onpourraaussilesentendrediscuter…

–Ben,tuvois,quandtuferasjoujouavectonsatellite,j’iraipas te dire comment tu dois faire, car c’est toi le spécialiste.Chacunsaspécialité,n’est-cepas?

Jean-Hubertsouritlégèrement.Angela vient de rentrer dans le bureau. Elle fixe Rodgers

avecinsistance.–Alors?interrogecedernier.– C’est quoi ces histoires de puces ? Vous allez nous

expliquerunpeu?Rodgerslarassure:–Lespuces, c’est votre assurancevie pour ne jamais vous

quitterdesyeux.Sivousavezunproblème,onledétectera,onserasurplacedanslestrentesecondes.

AngelaetCélinehochentlatête,pensives.Jean-Hubertajoute:– On va mettre sur écoute tous les téléphones fixes et

portables du gérant ainsi que ceux du personnel de la boîte.Angela et Céline devront aussi placer des micros dansl’établissement.

–Ilnousfautuneplanqueàproximité,ajouteRodgers.–C’estencours,répondJean-Hubert,lapréfecturedeParis

s’enoccupe.Danslamatinée,onaurauneréponse.Plus personne ne parle,mais tous se posent des questions

importantes. Pourquoi le prince a-t-il été enlevé ? Par qui ?Enlèvement politique ? Enlèvement crapuleux ? Opérationterroriste ? Pour l’instant, il n’y a aucun indice. Pourquoi lepolicierDurand a-t-il été tué ?Est-ce que la boîte de nuit estunepistefiable?IlsnagentdansleflouetRodgersn’aimepasça.AuGIE, ila l’habitudede toujourssavoiroù ilvaetqui ildoit arrêter. Angela le regarde furtivement. Rodgers admire sabeauté. Il souhaiterait que cette histoire dure. Il voudrait quecettefemmeluiappartienne.Sadoucevoixl’envoûte.

– On est d’accord pour remplir cette mission, préciseAngela. J’assurerai le rôle de serveuse et Céline celui destripteaseuse. Pour placer les micros, pas de problème, on al’habitude.

Rodgersestbéatd’admiration:–ChapeauCélinepour le rôleque tuaschoisi !Tusauras

faire?–Jepratiqueçaavecmoncopain,iladore.Jevousferaiune

démonstration demain, il paraît que je suis assez douée…J’aiune objection à faire : pourquoi le patron de la boîte nuitdevrait-ilnousembaucher,commeça,dujouraulendemain?

Laquestion est d’une logique implacable.Rodgers a enviedelafélicitermaisiln’apasderéponseàfournir.Ellearaison,commentfaire?Denouveau,lesilences’installedanslapièce.Brakeécarquillelesyeux.Trèsconcentré,ilselève:

– J’ai une idée. Je ne sais pas si c’est réalisable.Voilà, ilsuffit d’enlever deux filles qui travaillent actuellement dans laboîtedenuit.

–Brake,monpote, c’est une idée de génie.Onva enleverdeuxfillesdeladiscothèque.Maisonvalefairechezelles,afinquepersonnenesedoutedequoiquecesoit.Uneserveuseetunestrip-teaseuse.Onlesinformeraquec’estpouruneenquête.Etonlesgarderaletempsqu’ilfaudra.JH,tut’occupesdeça,ilfautlefairetoutdesuite.

–Mais…Cen’estpaspossible!Ilmefautunecommissionrogatoire.

– Pas besoin de commission rogatoire, on traite en direct.J’aitouslespouvoirsgrâceauministre.Iln’yaaucunproblème.

Ilestpresque8heuresdumatin,laréunionestterminée.Leprochain rendez-vous est fixé au lendemain.Rodgers fera toutpourgagnerdutempsettrouverl’endroitdelaséquestrationduprince. Il est tout à fait apte à résoudre les situationscompliquées. Les grandes lignes pour dénouer une prised’otagessontschématiquement:l’observation,lanégociation,ladiversion et l’action. Rodgers fera le maximum pour qu’il ensoitainsi.

Il retourne avec Brake à la caserne pour expliquer lasituationaucolonelSavedje.Celui-ci lui conseilledeménagerleministre:

–Aumoindrefauxpas,ilnevouslouperapas.

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personne!–Ahbença,jem’endoutais!Quandtuveuxquelquechose

toi ! Brake, donne-moi ton portable. Je vais enregistrer lesdonnées.Rodgers,enlèveteschaussuresetteschaussettes.

Les trois hommes passent dans un sas avant d’entrer dansune autre pièce. Chacun se coiffe de bonnets blancs deprotection. Ils se retrouvent dans un laboratoire où tout estcomplètementaseptisé.Rodgerss’allongesurunetable.

–Jevaist’implanterdeuxpuces.Unedanschaquetalon.–Deux?–Ouais,jeveuxassurerlecoup.AllezRod,onyva.Avecuncoton imbibéd’alcool,Mikeprocèdeaunettoyage

de la voûte plantaire. Puis il se saisit d’un pistolethypodermiquespécial.IlprendlepieddroitdeRodgersetposelecanonsurletalon.Aprèsunepetitepression,l’appareilémetunbruitdecartouched’aircomprimé.Ilrecommencel’opérationsur l’autre talon.Mis à part un petit picotement, Rodgers n’ariensenti.

–Etvoilà,lespucessontenplace.Ellessontdanslacornedechacundespieds.

–OK,j’aicompris.Parfait,tuesunchef,Mike.Letechniciens’installedevantunbureau.–Maintenant, je vais branchermon ordinateur au satellite

espion.Tusaisquejen’aipas ledroit?Enthéorie, ilmefautuneautorisationjudiciaire.Aufait,c’estpourquellemission?

– Une prise d’otage, je dois remettre la rançon. Mais net’inquiète pas,Mike, j’ai un papier duministre quime donnetouslesdroits.Allez,vas-y,branchetonsatellite.

Mikesecouelatêteetsouffleenpianotantsurleclavier.Surl’écranapparaîtlaTerre,matérialiséepardesbandesd’abscissesetd’ordonnées.Plusieurssatellitestournentautour.

Ils’adresseàBrake:

– Voilà, j’ai rentré toutes les données. Dans une heureenviron, tuvas recevoirunsignal sur tonportable.LaTerrevaapparaître.TuappuiessurENTERettuauraslapositionexactede Rodgers comme sur un GPS, mais il faut attendre que lessatellitessecalententreeux.

–OK,c’estbon.Ilfautqu’onyaille.Lataupevatrouverçasuspectsions’absentetroplongtemps.

–Lataupe?–C’est rien.Trop longàexpliquer.SalutMike,mercietà

bientôt!Rodgersestsatisfait,ilsesentbeaucoupplusconfiant.S’il

doit remettre la rançon, il a son contrat d’assurancevie.Et enplus,deuxagentsàsonservice,MikeetBrake.

De retour à leur planque, ils rejoignent Marcel toujoursattentif aux écoutes en cours et Jean-Hubert planté devantl’écrandelatélévision.LavoixdesguerriersduGIE,faitsortirAngelaetCélinedeleurchambre.

Rodgersaretrouvésourireetsérénité.–Jevaisvouspréparerdespâtes,aldentebiensûr,avecune

saucespéciale,vousm’endirezdesnouvelles!Pendantlerepas,ilsfontlepoint.Les filles remplissent parfaitement leur mission. Elles se

sont bien intégrées et circulent dans la boîte. Lars a reçu unecommunicationsursonportable,peudetempsaprèslavisitedeRodgerschez leministrede laDéfense.Pendant ladiscussion,son interlocuteur a précisé : « Dans quelques heures, on serafixé».Leportableenquestionaété localiséàVannesdans leMorbihan.RodgersregardeJean-Hubertavecungrandsourire.

–Onestsurlabonnepiste.C’estcommeàlachasse,ilfautêtrepatient.C’estpeut-êtrepourcesoir!

Iln’arrêtepasdedirequ’ilvasepasserquelquechosecettenuit.Illesent.

IlpréparelavoitureavecBrakeetdéposedesarmessouslessiègesavant.

S’ils doivent intervenir dans la boîte de nuit, Jean-Hubertviendra avec eux. Marcel restera devant ses écrans et fera lerelaisradio.

Rodgersespèrequ’ilsnefontpasfausseroute,maisc’estlaseulequ’ilsont.Ilsuffitd’attendre,d’observeretd’écouter.LesdeuxGIsaventfaire,c’estleurtravail.Aprèslatechnologiedessatellites,microsetordinateurs, c’est aupunchdeBrakeetdeRodgersd’entrerenaction.

En revenantdugarage, il croise les fillesqui s’apprêtent àprendreleurservice.Ellessonttouteslesdeuxmagnifiquesavecleurvisageangélique.Ilsedemandequipeutêtrelataupe.

Dans l’appartement, Marcel se trouve devant son écran.Commetouslessoirs,ilregardelesjeunesfemmesdiscuteravecleportierdevantladiscothèque.Dèsleurentrée,illessuitàlatrace. Sur l’écran relié au satellite, il visualise le point vertd’Angelaet lebleudeCéline.Unpeu las,Rodgersvaprendreunedouche.Pendant ce temps, Jean-Hubert etBrakediscutentautourd’uncafé:

–Rodgers,c’estunsacréphénomène,non?interrogeJH.–Soussesairsbourrus,ilauncœurd’or!–Iln’aimepaslesofficiers,hein?– Il n’a rien contre. Ce sont les trous du cul qu’il n’aime

pas,cen’estpaslamêmechose.–J’espèrequ’aprèscettemission,ilmeverraautrement.LetéléphonedeJean-Hubertémetunbipindiquantl’arrivée

d’unmessage:–Bonnenouvelle,j’ailenomdumecqueDurandasouvent

contacté.–C’estqui?– Jene le connaispas et çaneva sûrement rien tedire. Il

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interrogatoires difficiles. Mais personne n’est préparé àsupporterunetelleviolenceetunetellehumiliation.Elleseditqu’il vaut mieux mourir d’une balle dans la tête après avoirmutiléce fumierquedemourirbrûléevive.Danssondésarroi,elledécidedepasseràl’action.

Deux niveaux plus haut, Rodgers, essoufflé et grimaçant,regarde Brake qui continue à marcher vaille que vaille.Complices dans la vie de tous les jours, ils sont unis dans lasouffrance physique et morale. Le Français pense à la belleAngela. Il s’en veut de n’avoir su éviter ce drame. Il espèrearriver à temps pour sauver celle qui compte tellement à sesyeux.Ilsn’ontpaseuletempsdeseconnaîtreintimementmaisilveutàtoutprixlasauver.

À genoux devantKarachian,Angela prend son temps pourdégraferlepantalondel’ignobleindividu.Elledéfaitdoucementla ceinture puis caresse le dessus du pantalon. Son compliceregarde le spectacle et rigole par soubresauts convulsifs. Lajeunefillerelèvelatêteets’aperçoitqueKarachianafermélesyeux,prêtàrecevoirsondû.

Brake et Rodgers ont atteint le niveau -3. Ils ontl’impressionde suivre unparcours du combattant tellement ilsontmal. Ils se déplacent lentement. Ils se rapprochent de leurobjectifàpetitspas.«Putaindemission»,râle intérieurementRodgers.

Angelaadescendulepantalondesonbourreau.Ellemarqueun tempsd’arrêt et fait unemouededégoût.Lavuede tachesjaunessur levieuxslipsaleet l’odeurdechiottesqu’ildégageluisoulèvelecœur.Ellen’arrivepasàbaisserletorche-culqu’ilaautourduventre.Ellevoudraitgagnerdutemps,maisellen’yparvientpas.Elles’écrouleensanglots.

–Jenepeuxpas,jenepeuxpas…Brake et Rodgers arrivent enfin au dernier sous-sol. Ils

aperçoivent au loin les feux arrière de la Mercedes. Rodgersposesonindexsurlaboucheetindiquequ’ilnefautplusparler,nimêmemurmurer.Ilsretirentdoucementleurschaussures.Leurmotivation est telle qu’ils ne sentent plus la douleur de leursblessures.Rodgersalebrasdroitcommotionnéetn’arrivepasàtenirsonarme.Cen’estpasunproblème,ilseserviradesamaingauchepourlacirconstance.Enchaussettes,armesenmains,ilsavancentendirectiondelaMercedes.Leurprogressionestlente.Quarantemètreslesséparentd’Angelaetdesesbourreaux.

Karachianouvre lebidonet lepassesous lenezde l’agentdelaDGSE,quihurleàperdresavoix.

–Non,non,pasl’essence!Jevousenprie,pasl’essence!RodgersetBrakesefigent.C’estlavoixd’Angela!Elleest

vivante !DesfrissonsparcourentRodgersde la têteauxpieds.Armédesonpuissant44Magnum,ilestdenouveauconfiant.Ilconstatequesonamineboiteplus.L’espoirdonnedesaileseteffacelesblessures.Ilsnesontplusqu’à30mètresdestueurs.Plus ils s’approchent et plus ils sont obligés de se faire toutpetits.

Karachian soulève le bidon et le penche dangereusementverssavictime.Ildéversesurellelatotalité,presquecinqlitres.Ellemetsesmainssursonvisagepourseprotéger.Soncorpsseretrouve totalement aspergé.Karachian regarde la fille avec unsourire cruel. Il sort son briquet, un modèle à alcool d’oùdépasseunemècheimbibée.Angelahurle.D’uncoupsecdesonpoucesurlapierreàfeu,Karachiancréeunepetiteétincellequienflamme lamèche.Une grande flamme jaune jaillit.Avant delancerlefeusurAngela,ilregardesoncompliceavecunsourirechargédehaine.Lesdeuxhommes s’écartent en ricanant.Ellesaitqu’ellevamourirdelaplusatrocefaçon.Brûléevive.

Désespérée,àboutdenerfetdeforce,Angelan’arriveplusàcrier.

À quelques mètres de là, tous les sens en éveil, Rodgerss’essuie le visage maculé de sang. Il ne voit plus Angela,dissimulée par une voiture. Il vise l’arrière de l’épaule deKarachian.Ilpourraitpointersonarmesursatêtemaisiln’apasétéformépourcela.Iln’estpasuntueur.Entredeuxvéhicules,ilprend lapositiondu tireurdeprécision. Il souffle lentementen prenant sa visée. Action du doigt sur la détente. Il appuiedoucement, doucement… Brake fait de même en visant surFredo.Rodgers aperçoit tout à coup le briquet allumé dans lamaindeKarachian.Quefait-ilavecça?Ilnecomprendpas.Ilne voit toujours pasAngela. Il se souvient que tout à l’heure,Lars a parlé d’incendier la fille. Rodgers a un horriblepressentiment.C’estlemomentd’agir.

Lebriquetallumé,l’infâmeKarachianlèvesonbras.Une pression de quelques grammes supplémentaires, et la

balleaccompagnéed’unedéflagrationsourdefoncesursacible.Laballedeplombpartàunevitessephénoménale.Commedanslesfilms, il imaginelatrajectoiredesonprojectilequivientselogeràl’arrièredel’épauledroitedeKarachian,cellequitientlebriquet.Maislà,onn’estpasdansunfilm.Lesquinzegrammesde plomb, partis à plus de cinq centsmètres par seconde sonteux, bien réels. Les cent vingt kilos du policier ripou ne sontrienparrapportà laforcephénoménalequereprésente laballedu44Magnum.

Le corps de Karachian part vers l’avant tel un pantindésarticulé, commepercutéparunbélier. Il s’écroule au sol etglisse sur le côté, inanimé. Le briquet tombe à côté d’Angela.Horrifiée,ellenepeutquitterdesyeuxlaflammequines’éteintpas.

Ellenecomprendpascequisepasse.Fredo se retourne. Il sort son arme et vise Rodgers, mais

Brake tire sur lui et fait mouche. Son bras est touché. Il

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PrêtsàfonceravecleurchefpourdélivrerAziz.Ilsvontengagerleurvie.Mêmesil’entraînementetlafraîcheurphysiqueenfontdes combattants exceptionnels, ce sont avant tout des hommessainsetlucides.Lesregardssontgravesetconcentrés.Certainsneparlentplus,d’autresontbesoinde s’exprimeretd’évacuerleurstress.

8h45.LaradioduGIEcrache:–Aziz,localisé.Aziz,localisé.Premierétage.Piècenuméro

quatre,piècenuméroquatre.Rodgersprendlaparole.– Grâce à la caméra thermique, nous savons où se trouve

Aziz.Six individusarmésnaviguentdans lamaison.Attention,d’aprèsnos informations,nousavonsaffaireàdesmercenairesetàdeuxanciens légionnaires.Nos tireurs terminent leurmiseenplace.Dèsqu’ilssontprêts,onfonce.

Les hommes embarquent à bord des hélicoptères. Ilseffectuentlesmêmesgestes:enfilerlacagoule,mettrelecasqueet des gants, vérifier une dernière fois l’armement et lesmunitions. Les turbines se mettent en route, les palescommencent à tourner dans un bruit familier, les hélicoptèresdécollent. Jean-Hubert et Céline font un signe de la main àRodgers, qui lit sur le visage de la jeune fille un profondsentiment d’inquiétude. Il sourit en pensant qu’il l’avaitsoupçonnéed’êtrelataupe.

9h15. Il reste trois quart d’heure, c’est court. Très court.Avanttoutechose,ilfautneutraliserlemaximumderavisseurs.Cen’estpasgagné.

Assisdans lecockpit,Rodgersrègle lafréquenceradio.Lepiloteestunprofessionnelhorspair:missionsauPakistan,enAfrique,enIraketenAfghanistan.Ah,çayest,ilsaperçoiventlafalaiseauloin…

Rodgersobservela trotteusequelquesinstants.Ilse lèveet

fait un signe de la main. Bientôt, ils arriveront à destination.Pourl’instant,ilsnevoientpasgrand-chose.Ilsdécouvrirontleslieux au tout dernier moment, avec de possibles surprises,commecelaestlecasdanscertainesinterventions.Leshommesdoivents’adapter.

Le vol se fait au ras de l’eau. Les portes des hélicoptèressont ouvertes, l’impression de vitesse est incroyable. Rodgersest en admiration devant le pilote. Maintenant, il aperçoitnettement la falaise. Elle est impressionnante de hauteur. Leshélicoptères vont d’abord se placer en bas, en positionstationnaire. Le pilote se tourne vers Rod et lui fait un signedisant que tout est normal.Rod retourne dans l’habitacle. Seshommesleregardent,ilssaventquel’actionestimminente.

Lepiloteprendlaparole:–Rodgers,contactfalaise!Prêtspoureffectuerladépose!–Bienreçu.Onattend.Savedje, Marcel et Hervé ont également reçu le message.

Hervé, le responsable des tireurs, recueille toutes lesinformationsutiles.Distance.Vitesseduvent.Configurationduterrain.

Les neuf tireurs sont placés à la lisière d’un bois,parfaitement invisibles. Reliés par radio, ils reçoivent lesinformationsentempsréel.Dansleurlunette,ilsvoientenrougeladistance:314mètres.L’und’euxaperçoitunhommeenarmese déplacer à l’intérieur de la maison. Leur mission est deneutraliser au minimum trois terroristes en tirant dans lesfenêtres aumêmemoment. Ils sont entraînés à ce genre de tir.Pour réaliser une opération aussi parfaite, il faut que le tireurfasse corps avec son arme. Grâce à d’interminables séancesd’entraînement, les snipers du GIE sont très performants. Ilssont capables d’opérer quelles que soient les conditionsmétéorologiques,dejourcommedenuit.

Pourl’instant,seulesdeuxciblessontdanslalignedemire.Pour que la synchronisation soit parfaite,Hervé fait répéter lecodedetir.

–Tireurs,lancezlecode.–Alpha,prêt!–Bravo,prêt!Chaquetireurestappeléparunelettredel’alphabetradio:

Alpha,Bravo,Charlie,India…MarceletDanielSavedjeobserventcerituelavantchaquetir

opérationnel.Cetirestdit«commandé»,lechefdetirs’assureque tous les tireurs aient en visuel dans leur lunette la ou lescibles.C’est lui qui donne le feu vert pour qu’ils appuient enmêmetempssurladétente.

–India,prêt!–Lestireursn’ontquedeuxciblesenvue!AnnonceHervéà

l’intentiondeRodgers.Dans les hélicoptères, les hommes reçoivent l’information

dansleurécouteur:l’assautseradéclenchéà10heuresprécises.Ouavantsi tous les ravisseurssontdans la lunettedes tireurs.Maisilnefautpastropréver.

9h40. Le colonel Savejde est sur place, à plat ventre, ilregardesamontre.Ilsouffled’impatience.Laconcentrationdestireursestextrême.Ilssontimmobiles,figéscommedesmomies.Latensionestàsoncomble.

9h55.Dansl’hélicoptère,leshommesregardentRodgers.Ilssontcommelui,dansl’expectative.Ilordonnel’ouverturedelatrappecentralepourpréparerladescente.Lacordelisseestfixéeàuncrochetauplafonddel’hélicoptère.Elleestenrouléetelunanaconda,prêteàêtrejetéeparl’ouvertureventraleduPuma.

10heures.Lestireursnevoientquedeuxterroristesdanslesalon. Ils sont debout et discutent. À plusieurs centaines demètresdelà,Hervé,équipédesespuissantesjumelles,distingue

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Habituellement,iln’yenaqu’un!–Effectivement…murmureBrakequi connaît la raisonde

cedoublesignal.Rodgers s’est obstiné à garder secrète l’implantation des

puces.MêmeSavedjen’estaucourantderien.Iln’aconfianceenpersonne,saufenBrake.

–Lapartiecommence,murmurecedernier.Rodgers ne connaît pas sa destination. Il craint pardessus

toutd’êtrearrêtéparlapoliceoulagendarmeriepourunbanalcontrôle. C’est pourquoi il ne dépasse pas les 130 kilomètresheure.Ilaletempsd’analysertoutcequis’estpassédepuishier.Il a l’impression d’avoir rêvé tant le scénario est incroyable :l’interventiondanslaboîtedenuit,lacourse-poursuitedanslesruesdeParis,l’accident,lafusilladedansleparking,l’assautdelavillaenBretagne,lavisiteàl’hôpital…Ilsesentresponsabledelablessured’Angelamaisneregretterien,latactiqueétaitlabonne. Angela va guérir mais dans quel état ? Aura-t-elleretrouvé toutes ses facultés ? Lui en voudra-t-elle ? Cesquestionsletaraudent.Ilvaencores’exposerphysiquementpoursauverquelqu’unqu’ilconnaîtàpeine.Ilcommenceàenavoirmarre. Il aspire à plus de tranquillité. Il rêve d’une vie avecAngela,dansunegrandemaison, aupieddesmontagnesde sarégionnatale, leDauphiné.Ilenestdeplusenpluspersuadé:elleestlafemmedesavie.

Le voyage passe assez vite. Les villes défilent : Auxerre,Beaune,Mâcon…IlarriveaupéagedeVillefranche-sur-Saône.Au moment où il paie son ticket d’autoroute, le téléphonesonne.

–Allô?Toujourslamêmevoix:–Tusorsdel’autorouteettutegaressurlepremierparking

à droite. Tu verras un camion est équipé pour accueillir ta

voiture.Fais-lamonterdedansetjettetontéléphoneportable.Rodgersobéit.Auboutdequelquesminutes, il aperçoit le

parking,legroscamionetsesdeuxrampespermettantd’accéderàl’intérieur.

Ilregardeautourdeluisansvoirpersonne.Il obéit aux ordres, la voiture monte puis, dans son

rétroviseur, ildistingue lasilhouettededeux individusfermantlaporte.Levoilàdanslenoir.IlallumeleplafonnieretplaceunCDdeBrel,sonchanteurpréféré.Lui,aumoins,n’apashéritédecordesvocales au rabais.Pasbesoindemonter le sonpourl’entendre.

Le camion démarre et roule une quarantaine de minutes.Puislaportes’ouvre.Unevoixs’écrie:

–Descends!Rodgers s’extirpede sonvéhiculeet s’avancevers l’arrière

du camion. Devant lui, une douzaine d’hommes lourdementarmés.L’undeux,laquarantaineathlétique,montedanslepoidslourd et fixeRodgers avec des yeux perçants. Il ressemble unpeuàBrake,versiontruand:

–MonnomestManuel.Descends!luidit-ilsèchement.Rodgers saute du camion, il fait face aux hommes sans

baisserlesyeux.Ilsetrouvedansunimmensehangarfermé.–Tuesbienarrangé,crieManuel.Tut’esbattuouquoi?–Unaccidentdevoiturehier.–Fouillez-le.Deux hommes s’approchent et exécutent les ordres. Les

autres sortent la voiture du camion. Les sacs sont extirpés duvéhicule.Lestruandssontexcitésparlepactole.

–Videzlessacsetpasseztoutaudétecteur,ycomprisnotreotage,exigeManuel.

Après une fouille minutieuse et brutale, deux hommesattachentlesmainsdeRodgersdansledos.

–Riensur lui!Pasdemicro,pasdepuce.Mais lavoitureestbaliséeetonadécouvertunvieuxflinguesoussonsiège.

–C’estbizarre!Tun’aspasdepuceimplantée?demandelechef.

–Jenevoulaispasmefairecharcuterenarrivantici.–Tuasbienfait,c’estmieuxpourtoi.Les hommes s’activent. L’argent est transvasé dans de

grossescantinesdemétal.TroisMercedesidentiquesàcelledeRodgers sont alignées. Dans chacune d’elles, les truandsdéposentdes sacsbalisés remplisdepapier.«Malins», seditRodgers.UnevieilleFordbreaksegare.Lescantines rempliesdesvraisbilletssontchargéesdanscettevoiture.Manuelprendlaparole:

– Il fait nuit, c’est parfait ! Que lesMercedes sortent parl’entrée principale et s’éparpillent dans la nature. Les flics nevont pas savoir où donner de la tête, ils vont suivre plusieursvoituresenmêmetemps.

Puisilregardefixementl’officierduGIE.–Nous,onvafaireunepetitebalade.Jetegardevivantpour

l’instant.Tupourraspeut-êtrenousservirsiçatournemal.Rodgersvoudraitluirépondremaisilpréfèrelafermer,bien

qu’ilaituneforteenviedeluimettreunedroitepourenfoncerletarin dans le cerveau. C’est sûr qu’il aurait une autre gueuleaprès.« Ilmegardevivant !Tantmieuxpourmoi,penseRod,maisgraveerreurpourlui.»Pasdedialogue,pasdeconcession,ilfaudrafrapperplusviteetplusfortqu’eux.Ilsaitqu’ildevratuerManuel,ilestdéjàprêtmentalement.

Ilestdéposépiedsetmainsliésdanslecoffred’uneNissanetc’estdanscetteinconfortablepositionqu’ilvapartirpourunedestinationinconnue.

Laporteseferme,lavoituredémarre.Ilestbiensecoué.Marcel et Jean-Hubert sont garés discrètement à quelques

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sesdécisions.Encoremoinscontrecellesquidatentdeplusieursannées.

Rodgers le regarde avec tristesse, il savait que c’étaitmission impossible,mais il aosédemander. Ilen tiredéjàuneprofondesatisfactionintérieure.

–Merci,monsieurleprésidentpourvotrevisite.Rodgers détourne la tête, il regarde par la fenêtre. Le

président reste là, planté, sans réaction. Il est pris de court,comme monsieur tout le monde. Il reste une bonne minuteimmobile et silencieux. Puis il balbutie des salutations et sortsurlapointedespieds.Rodgersl’asentigênéetimpuissant.

Leprésidentsaitmaintenantcequepensel’ancienduGIGN.L’Europe commande tout. C’est une poignée d’énarques, detechnocrates, de pseudo-intellectuels au service de la GrosseBerta,uneorganisationsanscœur,sanssentiment.

« Le GIGN n’est pas mort car il est en chacun d’entrenous».CettepenséeréchauffelecœurdeRodgers.

Quelquessemainesplustard,cedernierrendvisiteàAngelaen convalescence chez ses parents près d’Annecy. Ils habitentdansunbeauchaletsavoyardàproximitéd’uneforêtimmense.Rodgers trouve sa splendide guerrière en forme. Elle a bienrécupéré.Sesparentssontcharmants. Ils leconsidèrentcommeun chevalier parti sauver sa princesse. Il les remercie et leurconfiequ’ilestundrôledechevalier.

La soirée se déroule en bonne compagnie, simple, légère,chaleureuse. Le moment est venu de se coucher. La mamand’Angelaleconduitdanslachambred’ami.Rodgerslaremercie,un peu contrarié, il pensait qu’il dormirait avec sa chérie. Lachambredecettedernièren’estpasloin,maisleparquetcraqueaumoindrepas.

Ensortantdelasalledebain,nucommeàsonhabitude,ilsedirigevers sachambre. Il sedemandecomment rejoindre sa

bien-aiméesansfairedebruit.Àsagrandesurprise, ilaperçoitAngeladanssonlit.

Ils s’étreignent.C’est un corps à corps sans fin, une joutetendreetintense.Quec’estbond’aimeretd’êtreaimé!Ilvitàcet instant les meilleurs moments de sa vie sentimentale.Maintenant,ilsaitenfincequesignifielemotamour.

De retouràParis, tousdeuxévoquent l’avenir.Aprèsmureréflexion elle va se mettre en disponibilité. Et lui, plus quedécidé à prendre sa retraite. Au ministère de la Défense, ilsremplissent toutes sortes de formulaires. Quelques coups detampons, des signatures à apposer et c’est fini. Dans l’un desbureaux, un jeune commandant binoclard, demande àRodgerspourquoiilprendsaretraite.

–PournepasêtrecommandépardesGugussescommetoi!L’officierleregardeavecunetêted’ahuri.Rodgerssourit.Il

sortde lapoche intérieuredesavesteunstylo roller.C’estungrandmomentpourlui,carils’apprêteàparapherledocumentquivalideradéfinitivementsademandedemiseàlaretraite.Aumomentoù il pose aubasde la feuille lapointedu stylo, sontéléphonesemetàvibrer.Surl’écrantactile,deuxmots.

–C’est«lepoulpe»!Dit-il,àl’intentionducommandant.Sous le regard interloqué du militaire, Rodgers, lit le

messageduministre.Pensif,ilsortdubureausansavoirsignéleformulaire…

Remerciements

ÀPierreMARTINET,sansquiceromann’auraitjamaisexisté.

ÀFanfan,mapremièrelectrice,monadorableépouse.

ÀChristopheFERRÉpoursonaideprécieuse.

ÀAlainGENTILLONpoursesdialoguesimagés.

Tabledesmatières

Préambule

Al-Qaïdaensanglantel’Europe

LeforcenédeFontainebleau

AuquartiergénéralduGIE

Unministreenmaillotdebain

Lacible

Ungangsterdansuntrounormand

Unprincemenacédemort