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Date : Printemps 2019 Pays : FR Périodicité : Trimestriel Page de l'article : p.1,6,7,8,9,...,15 Journaliste : SYLVIE BONIN Page 1/11 FEUILLANTS 9808236500506 Tous droits réservés à l'éditeur

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i 3 ÉTOILESk L'UNIVERS DES RESTAURANTS : DES BISTROTS À LA HAUTE GASTRONOMIE

ALAINDUTOURNIER

LE MOUSQUETAIREDU HARICOT

TARBAIS

GÉRARDBERTRAND

LE CONQUISTADORDU LANGUEDOC

BESOGNEUSEAU GRAND CŒUR

StéphanieeQi tellec

2 éroiles...et puis s en va

JEAN-CLAUDEDELION

MONTLUÇON, APRÈSSAINT-TROPEZ ET

BEAULIEU-SUR-MER

AURÉLIENRIVOIRE

L'IRRÉSISTIBLEASCENSION

D'UN PÂTISSIERSURDOUÉ

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PARCOURS

AMI DE CLAUDE NOUGARO, MORT SCHUMAN,ORSON WELLES, SES CLIENTS DU CARRÉ DES FEUILLANTS

Alain Dutournier,le mousquetaire

du haricot tarbais

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PAS DE DOUTE... REVÊTU DE LA FAMEUSE

CASAQUE BLEUE ORNÉE D'UNE CROIX, DE BOTTES

À REVERS ET D'UN GRAND FEUTRE À PLUMES,

IL Y A QUATRE SIÈCLES, CE GASCON AURAIT PU

FAIRE PARTIE DES MOUSQUETAIRES DU ROI.

LEQUEL AURAIT-IL ÉTÉ, D'AILLEURS, DANS LE ROMAN

D'ALEXANDRE DUMAS ? PAS D'ARTAGNAN, LE JEUNE

CHIEN FOU. PAS PORTHOS, LE BAGARREUR GLOUTON

PAS ARAMIS, L'ECCLÉSIASTIQUE SÉDUCTEUR...

APRÈS RÉFLEXION, IL CHOISIT ATHOS, LE CHEF,

LE SAGE. UN POURTOUSJOUS POUR UN !

PAR SYLVIE BONIN

Alain Dutourmer

régale ses hôtes depuisplus de trente ans

au Carré des Feuillants

à Paris, où il interprètela cuisine du Sud-Ouest

à sa façon, allianttradition et créativité. S

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D es mousquetaires, il a

l’accent rond, l’allure,

le panache, l’audace,

la détermination, la

générosité et, surtout, l’attachement

à sa terre de Gascogne, un bon ter¬roir qui a produit des héros dans bien

des domaines : la sainteté (Vincent

de Paul), la littérature (Cyrano de

Bergerac et ses cadets de Gascogne,« bretteurs et menteurs sans ver¬

gogne »), le rugby (Albaladejo), la

royauté (Henri IV, Bernadotte, dontles descendants régnent toujours

sur la Suède) et, bien sûr, la cui¬

sine : Ducasse, Coussau, Darroze...

Dutoumier.« Je suis né et j’ai grandi dans

le village de Cagnotte, entre Dax et

Bayonne, aux confins de la Chalosse

et du pays d’Orthe, région vallon¬

née entre Gaves et Adour, avec lesPyrénées à l’horizon et l’Océan tout

proche, déclare-t-il avec une certaine

fierté. Ma grand-mère et ma mère

tenaient l’auberge du village, répu¬

tée pour sa cuisine. » C’est là, dans

l’auberge familiale, qu’il est né un

vendredi « à midi », précise son « cui-

sinum vitæ ». Un détail qui n’est pasanodin : « Je suis né à l’heure où l’on

va se mettre à table... »Un signe ? Un atavisme ? Une

culture familiale, en tout cas, qui l’a

nourri, au propre et au figuré, pen¬dant toute son enfance : « La farine

était ma pâte à modeler, et même

les contes évoquaient la cuisine.Lorsque ma grand-mère me parlaitdu “Panturon de l’ogre de la lande”

- le panturon est un plat traditionnel

landais -, il s’agissait d’accommoderles abats sanglants du jeune agneau

abandonnés dans la forêt par l’ogre

repu ! Enfant, j’ai recherché, en vain,

ces restes d’un festin légendaire...

Mais j’ai recueilli bien d’autres pro¬

duits pour la cuisine familiale. J’aiappris à connaître les meilleures

volailles de ferme, le bœuf gras de

carnaval, les vieux jambons, les foies

gras, les champignons, du cèpe à

l’oronge, l’alose, le saumon des Gaves,

la lamproie, le thon, les pibales, la lou-

vine, les chipirons... et le magnifique

chocolat de Bayonne. Je pêchais dansles ruisseaux du voisinage anguilles et

goujons. Je piégeais dans les collines

des bécassines, des grives et toutes

sortes de gibier à plumes. Plus tard,

quand on me permit de chasser, avec

des demi-cartouches, je ramenais du

gibier à poil. »Sa vocation de cuisinier s’im¬

posa très jeune : « Mon premiersouvenir culinaire remonte à l’âge

de 6 ou 7 ans. Je devais aider ma

grand-mère à saigner des poulets.Je récupérais le sang dans des petits

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SDP

SCANNERPARCOURS

plats blancs émaillés, où j’avais dis¬

posé au préalable un peu d'ail, du

gros sel et du poivre noir écrasé.L’épreuve consistait à tenir bon au

moment où le sang s’échappait du

volatile agonisant... Il se coagulait

dans les plats, et ensuite je le faisais

cuire pour obtenir la sanquette.

Posée sur du pain, elle constituaitun excellent casse-croûte pour le

petit-déjeuner. Ma sanquette était en

général réussie. Peu après, j’appris à

cuire les pibales, ces jeunes anguilles

minuscules appelées aussi civelles,dans quelques gouttes du gras de la

ventrèche de porc. Je les réussissais

là aussi sans peine. Nul n’en douta

plus, et moi moins que les autres :

plus tard, je serai cuisinier ! Et jem’appuierai sur les produits que

j’avais appris à connaître. »

C’est ce qu’il fit. Et qu’il continueà faire depuis plus de quarante ans : il

est l’ambassadeur passionné des pro¬

duits de sa région qu’il sublime, marieet réinvente dans une cuisine très per¬

sonnelle, enrichie par ses nombreux

voyages, en particulier en Asie.Après l’école hôtelière de

Toulouse, quelques expériences en

France, en Allemagne et en Suède,

Alain Dutournier, chef des cuisines,et Philippe Macquet, responsable de la salle,

travaillent en toute complicité depuis

l'ouverture du restaurant, en 1986.

“Derrière chaque

plat, chaquevin, une histoire

se raconte

un service militaire à Toulon comme

cuisinier et un passage au commis¬

sariat hôtelier d’Air France à Orly, où

il découvre les cuisines du monde, le

jeune Gascon, qui n’a pas froid aux

yeux, ouvre son restaurant à Paris à

24 ans, avec 20000 francs d’écono¬

mies et l’aide de ses parents, qui ont

hypothéqué leur auberge. « Je suisvenu à Paris avec quatre écus dans

ma poche, et je me serais battu avecquiconque m’aurait dit que je n’étais

pas en état d’acheter le Louvre »,fanfaronnait déjà d’Artagnan dans

« Les Trois Mousquetaires »...Alain Dutournier s’installe donc

en 1973 au Trou Gascon, à deuxpas de la place Daumesnil

dans le XIIe arrondisse¬

ment. Si l’enseigne évoquequelque cousin du trou

normand version arma¬

gnac, le chef en donne uneexplication plus prosaïque :

« À ce moment-là ce quartier

excentré, aux portes du bois

de Vincennes, était vraiment

mort, c’était un trou... où iln’était pas évident d’attirer

les Parisiens. » Les débuts

sont difficiles, sa cuisine

surprend. Mais il y croit, etla persévérance n’est pas

la moindre de ses qualités.« Je n’avais pas le droit à

l’erreur, se souvient-il. J’ai réussi à

imposer mon style, éliminant le sem¬piternel steak au poivre et les sauces-

crèmes bouillies. Je proposais les

filets de lisette au corail d’oursin, leshuîtres chaudes en crépinettes de ris

de veau, le flan d’anguilles aux pru¬

neaux... » Une cuisine très créative,distinguée par une première étoile en

1977, une deuxième en 1982.

Fort de cette réussite, Alain

Dutournier, confiant la direction du

Trou Gascon à son épouse, Nicole,ouvre en 1986 un autre restau¬

rant, cette fois dans un quartier >

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>- chic-historique de Paris entre

la place Vendôme et le jardin des

Tuileries, le Carré des Feuillants,

à l’emplacement de l’ancien couvent

fondé en 1587 par l’ordre cistercien

réformé des Feuillants, et détruit sous

le Consulat. Dès l’ouverture, il obtient

deux étoiles (et 18/20 au Gault &

Millau), la troisième restant pendant

des années suspendue au-dessus de

sa tête sans jamais tomber... Quant

à la deuxième, jamais remise en

question depuis plus de trente ans,elle a fait tellement de bruit en se

cassant cette année que ses pairs,

comme ses clients, n’en sont pas

encore revenus. Mais au diable les

étoiles, la récompense qui l’a le plus

Christophe Serpin, chef sommelier, veille depuis vingt-cinq ans sur la cave.

La collection d'armagnacs accueille le client à l'entrée telle une haie d'honneur.

touché, c’est la reconnaissance par

ses pairs. En 1996, il a été élu Chef de

l’année par les 600 chefs étoilés appe¬

lés à voter, pour la première fois offi¬

ciellement avec un huissier.

Alain Dutournier n’est l’élève

d’aucun grand chef, le tenant d’au¬

cune école. Il est libre. Il tente, il

invente, il entreprend, il s’élance...

et à la fin de l’envoi, il touche, juste.

En 2003, il crée, à deux pas du Carré

des Feuillants, le Pinxo, basé sur la

convivialité d’une cuisine ouverte,

qu’il garde jusqu’en 2016. En 2012, il

ouvre à Saint-Germain-des-Prés BBM

(Bistrot Buci Mazarine), un bistrot de

charme à prix doux, confié au chef

 

“Elevé aux bons

produits, je resteun cueilleurde goût vrai”

Julien Chanson et à Julie Letourneux

en salle. Le mousquetaire en chef a su

s’entourer d’une garde rapprochée

fidèle : au Carré des Feuillants, le chef

exécutif, Laurent Bouveret, et le chef

sommelier, Christophe Serpin, sont

à ses côtés depuis vingt-cinq ans, le

directeur de salle, Philippe Macquet(Tiens ! le même nom qu’Auguste

Maquet, le «nègre» de Dumas !),

depuis trente ans. Au Trou Gascon, le

jeune chef Hugo Martin s’appuie en

salle sur David Villefailleau, complice

de longue date.

En 2015, il inaugure un restau¬

rant à Hanoï, La Table du Chef, où il

propose une cuisine française dans

l’esprit du Carré des Feuillants. Il s’y

rend deux fois par an pour finaliser

la carte avec son chef vietnamien. En

2018, il a célébré les 45 ans des rela¬

tions entre le Vietnam et la France

en cuisinant un repas à l’ambassade

de France à Hanoï. Les voyages, à la

découverte d’autres cultures, sont

l’une de ses passions - il a roulé sa

bosse du Mékong au mont Athos (!), SDP

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Deux créations aux allures de tableaux abstraits : la truffe noire cuite entière à l'étouffée dans sa coque de truffe ;

les langoustines marinées, citron caviar, fleurettes de légumes coraillées et noisettes grillées.

du Botswana au Népal. Mais cet

enthousiaste, curieux de tout, ena bien d’autres : le rugby (l’hiver)

et la corrida (l’été) ; la guitare élec¬

trique (il faut l’entendre parler des

concerts des Rolling Stones, de Paul

McCartney...) ; l’art contemporain,

qui transforme les murs de ses res¬

taurants en véritables musées,

mariant tableaux abstraits et com¬pression de César ; la promotion de

la cuisine française, dont il se faitl’ambassadeur en participant chaque

année à la Fête de la Gastronomie,devenue Goût de France/Good

France. Pour sa cinquième édi¬

tion, le 21 mars 2019, 5000 chefs du

monde entier se sont engagés à pro¬

poser « un dîner à la française » dans

les restaurants et ambassades de

150 pays.

Et bien sûr, sa passion

numéro un, l’amour de la Gascogneet de sa culture à tous les sens du

terme. Se livrant, dit-il, à « un devoir

de mémoire », de transmission, il luia rendu hommage à travers un livre

savoureux (« Ma cuisine. Des Landes

au Carré des Feuillants », éd. Albin

Michel, prix La Mazille 2000, à réédi¬

ter d’urgence !). Il y réunit à la fois des

traditions de son pays, des anecdotesliées à sa vie de cuisinier et près de

150 recettes classées en trois catégo¬

ries - issues de son enfance, puisées

dans la tradition et nées de son ima¬

gination - où des commentaires suc¬culents remplacent les habituelles

photos.Il parle en poète épicurien de la

citrouille, « changeant de forme etde couleur comme une sculpture

vivante, qui en octobre, à maturité,

part souvent en ville jouer au poti¬

ron » ; des graisserons : « Appelés

aussi chichons ou titiouns, ce sontdes particules de viande détachées

et recueillies lors de la lente cuisson

des pièces de confits, qui évoquentles petites surcharges graisseuses

confortablement palpables sur

certaines personnes potelées » ;

du merlu du golfe de Gascogne « au

dos bleu violet et au ventre blanc, >-

Laurent Bouveret, chef exécutif du Carré

des Feuillants, travaille en toute confiance

au côté d'Alain Dutournier depuis 1995.

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> dont la chair très légère évoque

le moelleux d’un soufflé » ; de la

lamproie : « Avec ses 7 paires d’ori¬

fices latéraux, on l’appelle la flûte à

7 trous » ; du poulet en fricassée : « Il

est frit-cassé, découpé en 16 mor¬

ceaux farinés et sautés » ; des pois

chiches, « dont l’aspect cuit rappelleun nez de veuve et un derrière de

couturière » ; du gâteau au chocolat

noir « à la crème jaune vanillée »,

« et non pas “à la crème anglaise”,

qui rappelle trop la longue occupa¬

tion de l’Aquitaine par les angloys ».

On se régale de mots avant de

mettre la poule au pot - qui vient de

Pau, coup de pot. Le roi Henri IV, né

justement à Pau, voulait en faire le

plat national - bien avant le steak-

frites : « Je veux que chaque labou¬

reur de mon royaume puisse mettre

la poule au pot le dimanche. » La

recette chérie du roi serait à l’origine

de son assassinat, selon l’explication

toute personnelle du chef Raymond

Casau, spécialiste de la poule au pot à

Pau, rapportée par Alain Dutournier

en exergue de sa recette : « Ce pauvre

Ravaillac, après son dur labeur du

dimanche matin, regagnait son domi¬

cile du quartier des Halles et se déso¬

lait à l’idée d’avoir à consommer chez

lui la poule au pot hebdomadaire

recommandée par le roi, mais le plussouvent mal accommodée par sa

brave femme. Au détour d’une ruelle,l’odeur envahissante des poules en

cuisson le rendit furieux, quand

soudain surgit le carrosse royal.

Ravaillac empoigna son “Nontron”,

bloqua la lame et tua sauvagement

le roi initiateur de l’incontournable

poule du dimanche. » Apparemment,ce catholique fanatique n’aimait pas

les poules... Comme avait répliqué,

dit-on, Alexandre Dumas à ses détrac-

Auïrou Gascon,

David Villefailleau, directeurde salle, est depuis vingt-cinq ansl'un des meilleurs ambassadeurs

de l'esprit maison : il connaîttoutes les histoires derrière

les recettes...

SDP

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teurs : « Si j’ai violé l’Histoire, je lui ai

fait de beaux enfants. »

Parmi les autres plats gascons

revisités à la sauce Dutournier

figurent les calamars grillés en

marinade, qui furent servis, parmi

9 autres plats du terroir, à des jour¬nalistes étrangers conviés à une

présentation de mode du couturier

André Courrèges. Le couturier (né àPau) et le cuisiner parlaient ensemble

le gascon et fréquentaient le même

trinquet de pelote basque à Paris. Çacrée des liens !

La garbure (potée au chou), autre

spécialité régionale, le chef l’a ser¬

vie en 1989 à 400 convives lors du

dîner officiel du bicentenaire de la

Révolution française, en mémoire

du cuisinier qui l’inventa... en 1789.La recette du gigot de brebis clouté

aux anchois lui donne l’occasion de

raconter que c’est un délicieux gigot

qui a décidé le gourmand Claude

Chabrol à épouser, en secondes

noces, celle qui l’avait cuisiné sous

toutes ses formes (le gigot !)...

Quant au cassoulet, le chef le cui¬sine avec un haricot plat au maïs à la

peau très fine, le tarbais, le préféré des

fins gourmets : « Le cassoulet évoque

pour moi la belle rencontre, au Trou

Gascon, de deux géants du monde du

spectacle : Orson Welles, qui venait

souvent quand il était à Paris, et Mort

Schuman, un ami et client fidèle.Mort me parlait souvent du “Grand”

Hugo Martin,

chef du Trou Gascon,fait la part belleà l'innovation :

damier de saint-

jacques marinées,léger tartare d'algues

et huître ; gâteau

russe pistaché,ravioles de mangue,

glace pistache.

(Welles), à qui il vouait une immense

admiration : “Le Grand a dit, le Grand

a fait”... Un jour, je lui fis la surprisede les faire dîner le même soir dans

mon restaurant, afin qu’il le ren¬

contre enfin. Quand Orson Welles

est arrivé vers 21 h 30, avec sa cape,

sa canne et son chapeau, immense

parmi les convives assis, il se fit un

grand silence dans la salle. Mort n’en

revenait pas, il avait les yeux qui lui

sortaient de la tête... J’ai demandé

au “maître” s’il voulait bien serrer la

“J’ai toujours

été un ennemi

farouche du culte

de la fadeur”

main de cet admirateur. Il m’a posé

des questions sur lui, et quand je lui

ai dit son nom : “Je veux le voir tout

de suite, m’a-t-il dit, ravi. Il a composédes chansons pour mon ami Elvis

Presley !” Mort était très ému de le

rencontrer. Les deux hommes, deux

géants autour d’1,90 m, ont discuté

debout un bon moment. Lorsque plus

tard, j’ai demandé à Mort s’ils avaient

parlé musique, il m’a répondu : “Pasdu tout ! Il m’a expliqué pourquoi

il venait ici chaque année fin sep¬

tembre : pour déguster tes tarbais !

Puis il m’a fait un véritable cours sur

les haricots : les différentes variétés

dans le monde, les pays et les restau¬

rants où il fallait les déguster, en Italie,

en Espagne, au Mexique, en France...Il est encore plus incroyable que je ne

le pensais !”. »

Heureux dans sa cuisine

comme Dieu en Gascogne, Alain > 

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barbet en millefeuille de chou ; ris

de veau en cocotte, cèpes persillés,

dômes de macaronis, jus aux huîtres ;

carré d’agneau de lait des Pyrénées en

croûte de basilic. Côté desserts : fraises

des bois sévillanes en pavlova, sorbet

à la rose, gelée de litchi ; crêpe Suzette

soufflée en émulsion, sorbet à la man¬

darine confite ; marrons glacés, perles

de mangoustan, vanille... Le chef

pâtissier, c’est lui!

Et c’est lui aussi qui fait la carte

des vins de ses restaurants : 1000 réfé¬

rences au Trou Gascon, 3500 au Carré

des Feuillants, où sa collection d’ar¬

magnacs - quelque 250 références -

vaut, autant que la table, le détour par

la cave. Sa passion pour le vin prendaussi ses racines dans l’enfance :

PARCOURS

Deux plats gourmands du BBM :

la poêlée de chipirons, chips d'ail et gingembre,pilaf de langues d'oiseau à l'encre ;

111e flottante aux baies rouges.

Au cœur de Saint-Germain-des-Prés,le BBM abrite derrière sa verrière

un bistrot convivial où le chef

Julien Chanson propose une cuisine

au rythme des saisons, aux accentsaquitains et aux dressages raffinés.

>- Dutournier allie de façon très

personnelle la tradition et la créa¬

tion dans une recherche perma¬

nente. « je suis influencé par des

valeurs gustatives de ma culture.

J’aime les textures, les croustil¬

lants, les jus légers, les assaisonne¬

ments... Je suis un ennemi farouche

du culte de la fadeur. » La carte duCarré des Feuillants en témoigne :

asperges vertes, œuf en coque d’as¬

perge, morilles crémeuses, copeaux

de vieux comté ; truffe noire cuite

entière à l’étouffée dans sa coque de

truffe ; huîtres d’Arcachon, caviar

Ebène, feuilles au goût d’huître ;

velouté mousseux de châtaignes,

aiguillettes de poule faisane pochée,truffe blanche râpée minute ; rouget

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CL.Q

en

son père, artisan, était tonnelier l’hi¬

ver, charpentier l’été, et l’auberge

familiale possédait une vigne, où il

continue de faire, sur une parcelle de

30 ares, du « vin de jardin », comme il

l’appelle. À 27 ans déjà, il était nommé

Meilleur Sommelier-Restaurateur

d’île-de-France. Au Trou Gascon, il

avait créé le Club des Doux : « Avec

des amateurs comme Mort Schuman

et Claude Nougaro, nous écumions

Paris à la recherche de vieux sau¬

ternes, dans des brasseries où ils

valaient trois sous, car à ce moment-là

ils n’étaient plus à la mode. Je me sou¬viens en particulier d’un millésime

1929 exceptionnel... »

Grand connaisseur, membre de

l’Académie du vin de France, il veille

“L’avenir estplus que jamaisà l’inventivitédes cuisiniers”

avec amour sur les Caves de Marly,

qu’il a montées en 1980 au Port-Marly

dans une ancienne champignon¬

nière longue de 3 kilomètres. Sur les10000 mètres carrés de galeries sont

stockées plus de 1300 références de

vins et d’eaux-de-vie, toutes sélection¬

nées par le chef avec ses cavistes.

Si une terrible tempête dans le

golfe de Gascogne devait le faire

échouer au loin, qu’emporterait cet

épicurien sur l’île déserte ? « Une bou¬

teille de vieux sauternes et du bon

jambon. Pas du jabugo ni du parme,

même s’il y en a d’excellents. Non, du

jambon de porc noir de mon pays, un

peu vieux, un peu mou, que je pour¬rais faire dorer à la poêle avec des

œufs, sur un feu de bois. » Morbleu !

Un Robinson gascon ne se laissera

jamais abattre... O

Le Carré des Feuillants : menus Tentation

à 68 € et 98 € avec boissons (déjeuner),

menu Découverte (8 services) à 220 €.Au Trou Gascon : menu Passion à 48 €

(déjeuner), menu Découverte (7 services)

à88€.

BBM : menus à 25 € (déjeuner), 35 € (dîner),

48 € (5 services).