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    THE

    UNIVERSITY

    OF

    ILLINOIS^

    LIBRARY

    f

    f r

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    ail

    overdue

    books.

    University

    of Illinois Library

    fEB

    19

    2001

    AUG

    0

    9

    MAY

    1

    419

    mit

    m

    CCI

    2

    0

    ]S8\

    MAY

    15

    2(04

    1979

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    ESSAIS

    DE

    GOGRAPHIE LINGUISTIQUE

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    DU

    MME

    AUTEUR

    DIALECTOLOGIE

    Gographie

    phontique

    d'une

    rgion

    de la

    basse

    Auvergne

    (Paris,

    Champion),

    i vol.

    gr.

    in-8o

    avec cartes.

    Morphologie

    du

    patois

    de

    Vinzelles

    (Paris,

    Champion,

    Biblio-

    thque

    de l'cole

    pratique

    des

    Hautes-tudes,

    fasc.

    126),

    i

    vol.

    gr. in-80.

    Glossaire

    tymologique

    du

    patois

    de

    Vinzelles

    (Montpellier,

    Socit

    des

    langues

    romanes.

    Prix

    Chave,

    Acadmie

    des

    Inscriptions

    et

    Belles-Lettres,

    191

    5),

    i vol.

    in-80.

    ARGOT

    L'argot

    de

    la guerre,

    d'aprs

    une

    enqute

    auprs

    des

    officiers

    et

    soldats

    (Paris,

    A.

    Colin

    ;

    2^

    dition),

    i vol.

    in-12.

    Les

    argots

    de

    mtiers franco-provenaux

    (Paris, Champion,

    Bibliothque

    de l'cole

    pratique

    des

    Hautes-tudes, fasc.

    223.

    Rcom-

    pense

    sur

    le

    prix

    Volney,

    19

    19),

    i

    vol.gr. in-80.

    LINGUISTiaUE GNRALE

    La

    gographie

    linguistique

    (Paris,

    Flammarion, Bibliothque

    de

    culture gnrale), sous presse,

    i

    vol. in-12.

    La

    philosophie

    du langage

    (Paris,

    Flammarion,

    Bibliothque de

    philosophie

    scientifique

    ;

    3e

    dition),

    i

    vol. in-12.

    La

    vie du langage

    (Paris,

    A.

    Colin

    ;

    2^

    dition), i

    vol. in-12.

    MAON,

    PROTAT FRRES,

    IMPRIMEURS

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    7/180

    Albert

    DAUZAT

    IJoctcur

    s lettres,

    J^ircctcur

    d'ludcs

    l'Hcol

    pratique

    des

    Iljutes-Lliulcs.

    ESSAIS

    DE

    GOGRAPHIE

    LINGUISTIQUE

    NOMS

    D'ANIMAUX

    .

    PARIS

    LIBRAIRIE

    ANCIENNE

    H.

    CHAMPION, DITEUR

    EDOUARD

    CHAMPION

    5,

    QUAI

    MALAQUAIS

    (6e)

    I92I

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    INTRODUCTION

    Les

    travaus

    de

    M.

    Gilliron,

    le

    crateur de

    la

    gogratc

    linguistique,

    ont

    profondment

    rnov

    la science

    du

    langage

    en

    gnral et

    la

    linguistique

    romane

    en particulier.

    Ils

    ojit

    contribu

    modifier

    surplus

    d'un

    point

    mes

    conceptions

    dia-

    lectologiques

    :

    plus j'ai

    tendu mon champ

    d'observation

    dans

    l'tude

    des

    parlers vivants

    et

    plus

    j'ai pu

    vrifier

    la

    justesse

    des

    tories nouvelles.

    Et

    si

    je ne

    renonce pas

    considrer la

    commune

    comme

    formant

    la

    cellule linguistique,

    les changes

    inter-cellulaires ont

    t

    beaucoup

    plus

    frquents

    que

    je

    ne

    le

    croyais

    jadis.

    Mots

    et formes

    ont

    constamment voyag

    :

    si cette

    activit

    a

    t

    trs

    variable

    suivant

    les

    poques,

    elle

    n'a jamais

    compltement

    cess.

    Le

    magistral Atlas

    linguistique

    de

    la

    France

    doit

    servir

    de

    base

    toute tude de gografie

    linguistique

    gallo

    -romane

    .

    Mais

    il

    ne

    saurait

    suffire

    tout,

    et

    il est

    utile de

    reprendre

    l'difice en

    sous-uvre,

    chacun dans

    sa

    rgion,

    pour le compl-

    ter, comme ont

    tent

    de

    le

    faire

    notamment

    MM.

    O.

    Blocb

    pour les

    Vosges,

    Bruneau pour les

    Ardennes,

    Millardet pour

    les Landes, Terracher pour

    l'Angoumois,

    ainsi

    que moi-mme

    pour

    la

    basse Auvergne.

    L'extension

    gografique

    des tudes

    qui

    suivent

    varie en raison

    des

    problmes

    poss

    comme

    des

    matriaus

    que j'avais

    ma

    disposition.

    Beaucoup de

    mots, de formes

    et de

    faits

    ont

    pass

    travers

    le rseau, forcment

    un peu

    .lche, de

    l'Atlas. En serrant

    les

    mailles du filet

    dans une contre

    donne,

    non

    seulement

    il

    en

    ressort

    une documentation

    plus

    riche,

    mais

    l'aspect

    de certaines

    questions

    s'en

    trouve

    chang.

    La

    comparaison

    de

    la

    carte

    ^^27416

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    VI

    hanneton

    ,

    que

    nous

    donnons

    la

    fin

    du

    livre

    pour

    la basse

    Auvergne,

    avec

    les

    tipes

    de

    ce

    mot

    recueillis par M.

    Edmont

    dans

    la

    mme

    rgion,

    montrent que

    l'Atlas

    est

    insuffisant

    pour

    tudier

    les mots

    grandes

    variations

    lexicologiques. Une

    forme,

    un

    tipe

    isol

    peut avoir

    t

    touch

    par l'enqute, alors qu'une

    aire

    assez

    vaste

    ne

    sera

    parfois reprsente

    par

    aucun point,

    ou

    seulement

    par

    une

    forme

    qui pourra

    tre

    difficile

    interprter.

    Ainsi, pour taureau,

    il est

    malais

    un

    dialectologue,

    mme

    expriment, de

    reconnatre

    premire

    vue

    un

    mutil

    de

    bourret

    dans

    le ^w?/o

    isol

    (si

    dlicatement

    not

    par

    M.

    Edmont) du

    point

    807:

    une

    enqute

    dans

    les

    communes

    voisines tablit, les

    formes

    intermdiaires

    bur, bur, by.r,

    bifr,

    bur.

    Enfin

    les

    matriaus

    de

    l'Atlas

    ont besoin d'tre confronts

    et

    interprts,

    l'aide

    de

    divers

    lments de

    comparaison.

    La psicologie des

    sujets

    interrogs

    est trs

    instructive,

    comme

    on

    le

    verra

    :

    il

    est

    souvent

    fort

    utile

    de

    savoir, par exemple,

    que

    le

    sujet

    de

    Monton

    (805)

    de

    l'Atlas

    est

    plus

    arcasant

    que le

    mien,

    tandis

    que

    c'est

    l'inverse

    pour

    le

    Mont-Dore

    ;

    que le

    sujet

    de Saint-

    Germain-Lembron

    (807)

    est

    enclin aus

    lapsus

    et

    aus

    confusions;

    que

    le

    cordonnier

    d'Ambert

    (809),

    excellent pour

    les

    termes

    tecniques

    et

    urbains,

    manque

    souvent

    de

    prcision

    pour

    le

    vocabulaire

    rural.

    Ces

    recherches

    confirment

    les principes

    directeurs poss par

    M.

    Gilliron

    : rle

    prpondrant

    de la

    forme,

    rencontres

    homonimiques,

    ddiminutivisation, voyages

    des

    mots,

    influence

    de

    la langue littraire

    sur

    les

    patois.

    J'ai

    tch

    de

    prciser

    et

    de dvelopper,

    spcialement

    d'aprs

    les

    faits

    observs

    par

    moi-

    mme dans le

    Massif

    Central,

    certains

    aspects

    de

    la

    doctrine

    et

    de

    dgager quelques

    conclusions

    nouvelles.

    Les

    mots voyagent

    bien

    comme l'ont montr

    M.

    Gilliron

    et M. Gaucliat,

    en

    suivant les grandes

    voies

    de

    communication,

    en remontant les

    valles

    et

    en

    franchissant parfois les

    cols.

    Mots

    et

    formes,

    par

    exemple,

    ont

    suivi

    l'Allier,

    qui

    fut

    longtens

    une

    voie

    navigable

    importante, double

    plus tard,

    puis

    peu

    peu

    supplante

    par

    la route. Mais les

    grands

    cours

    d'eau qui

    n'avaient

    point

    de

    ponts

    (c'tait encore

    le

    cas

    pour

    l'Allier

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    Vil

    dans

    tout

    le

    Puy-de-Dme

    en

    1X30)

    constituaient

    en

    mme

    tens

    des

    barrires.

    Ainsi s'explique

    que le

    fleuve

    spare des

    aires

    qui

    se

    sont

    constitues

    l'est et

    l'ouest

    et

    dont

    le

    rayonnement

    s*est

    arrt

    ses rives

    :

    le fait

    le

    plus

    frappant

    de

    ce

    genre

    s'observe

    pour les

    deux

    formes

    rgionales

    de

    la fourmi,

    miuide

    et

    maiede

    (p.

    86).

    Les

    montagnes

    conservent

    gnralement les mots

    les

    plus

    arcaques

    :

    le

    rayonnement des

    grands centres les

    atteint

    tardivement

    et

    avec moins d'intensit.

    Les tipes

    primitifs,

    pour

    le centre

    de

    la France, se

    trouvent

    presque

    toujours

    dans

    le

    haut

    Aveyron,

    le

    Gvaudan,

    le

    Velay

    et

    le Cantal

    ;

    pour

    le

    Puy-de-Dme, l'est de

    l'Allier

    et

    surtout

    l'ouest,

    dans

    les

    monts Dore. Mais il

    faut

    observer aussi que,

    dans

    certaines

    rgions, les

    paysans

    de

    la

    montagne pauvre migraient plus que

    cens

    de

    la

    plaine

    riche, et rapportaient, par suite, de

    plus

    nom-

    breus nologismes : ce

    fat

    longtens, en grande partie,

    le

    cas

    pour la basse Auvergne. Ici les villages juchs

    sur

    les petites

    buttes

    en

    bordure

    de

    la

    Limagne, voire de l'Allier (Monton,

    Corent, La

    Roche

    Noire.

    .

    .)

    sont

    rests

    souvent

    plus

    isols et

    plus arcaques,

    par

    le

    langage

    et par

    les

    murs, que

    certaines

    parties de

    la

    montagne

    plus

    loigne, et diffrent

    fon-

    cirement des villages

    de plaine placs leurs

    pieds,

    comme

    Cournon, les

    Martres-de-Veyre,

    Coudes,

    situs

    sur les

    grandes

    voies

    de

    communication.

    Les parlers des

    rgions

    accidents

    ont subi,

    par suite de

    l'isolement

    respectif

    (et

    relatif)

    des

    valles

    et des villages,

    des

    altrations plus

    localises

    que ceus

    des vastes

    plaines

    ;

    qu'on

    se reporte

    aus

    cartes

    ci-aprs relatives

    au animaus

    sauvages

    dans

    la basse

    Auvergne,

    et

    l'on

    se

    rendra

    conte de

    l'extrme varit

    lexicologique

    laquelle

    peuvent atteindre

    certains mots

    dans

    de

    telles

    contres.

    Parfois,

    d'ailleurs,

    mme

    en

    pays

    de montagne,

    le

    dveloppement

    smantique

    d'un mot peut

    touffer

    une

    pluralit

    d'anciens

    .tipes :

    tel

    est

    le

    cas,

    par

    exemple, pour

    meunier

    =

    hanneton.

    La

    comparaison

    des

    faits

    historiques

    et

    gografiques

    sur

    une

    large

    chelle

    permet,

    suivant la

    mthode

    remarquablement

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    12/180

    VIII

    inaugure

    par

    M.

    Jud

    de reconstituer

    les

    grandes zones

    lin-

    guistiques de

    rayonnement,

    du

    latin

    vulgaire

    nos jours.

    En

    particulier,

    l'Auvergne

    fut

    soumise

    successivement

    trois

    influences. Elle

    fut

    romanise

    d'abord par

    Narbonne

    et non

    par

    Lyon, comme

    le

    prouve la rpartition

    gografique entre

    les

    formes

    narbonnaises

    et

    les

    crations lyonnaises

    du

    latin

    vul-

    gaire

    2

    ;

    pendant

    tout

    le moyen

    ge,

    elle resta sous

    l'hgmonie

    intellectuelle

    et linguistique du

    midi toulousain

    (et

    non

    pro-

    venal)'.

    L'influence

    de

    Lyon

    s'aflirme

    depuis

    le

    xv^

    sicle

    environ

    jusqu'

    la

    fin

    du

    xviii^

    ;

    c'est

    surtout

    par

    Lyon

    que

    Clermont,

    puis l'Auvergne

    ont appris le franais

    4.

    La fermeture

    des

    fabriques

    de

    soie ont

    Lyon

    pendant

    la

    Rvolution,

    qui

    provo-

    qua

    l'arrachage

    de

    tous

    les mriers

    de la

    Limagne,

    marque

    la

    fin de

    la

    priode

    lyonnaise. Avec le xix'^ sicle, de nombreus

    facteurs

    sociaus,

    et

    spcialement

    le

    chemin

    de

    fer,

    placent

    l'Auvergne

    sous

    l'influence

    directe

    de

    Paris.

    La

    reconstitution des

    couches

    successives

    soulve

    de nom-

    breus

    et

    dlicats

    problmes.

    En gnral les tipes les

    plus rcents

    portent

    en eux-mme leur

    sens, tandis

    que

    les plus obscurs

    se

    rvlent

    l'analise

    comme

    les plus

    anciens :

    mais un

    tel

    critrium

    est

    loin

    d'tre sr,

    l'timologie

    populaire ayant

    maintes

    fois

    rhabill,

    et

    rajeuni en

    trompe-Til,

    de viens

    mots.

    Le

    mme tipe

    ou

    la

    mme

    forme rencontr sur

    des

    points

    spars permet de

    croire

    une

    aire antrieure

    homogne, a

    1.

    Problme

    der

    altromanische

    Worlgeographie

    (Zeitschrifl

    fur

    roma-

    nische

    Philologie,

    XXXVIII),

    et

    Zur Geschichte

    der bmdner-romanischen

    Kirchenspracbe,

    Coire,

    1919-

    2.

    Voir

    ci-dessous

    p.

    123

    5.

    Cf.

    les

    anciennes

    relations intellectuelles

    entre l'Auvergne

    et

    Toulouse,

    l'adoption de

    Saint Caprais

    d'Agen comme patron

    par

    plusieurs

    paroisses

    du

    Puy-de-Dme,

    la forme

    de

    nombreus

    termes

    emprunts

    au

    midi,

    etc.

    4.

    Cf.

    le franais rgional auvergnat A/mw^e, lzard gris

    (patois:

    grisola,

    etc.),

    fuyard,

    bte

    (patois :

    fau),dts

    mots

    patois

    comme

    mayro,

    etc.

    Cf. aussi

    p.

    123

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    13/180

    moins

    qu'il

    n'y

    ail eu,

    dans

    les divers

    lieus

    considrs,

    une

    raison dterminante

    qui

    expliquerait

    une

    formation

    indpen-

    dante

    et spontane.

    Dans

    ce

    dernier cas

    l'administration

    de

    la

    preuve ne

    doit pas se faire seulement

    d'aprs

    des

    motifs

    d'ordre

    logique,

    mais

    surtout

    d'aprs

    un

    ensemble

    de

    faits concrets

    et

    d'analogies.

    Ainsi

    l'ide de

    lampe

    ayant t

    associe,

    trois

    fois

    au

    cours

    de

    son

    histoire,

    ver luisant

    (latin

    cicm-

    ikla,

    patois chalelh

    >^

    tsale,

    fr. lanterne), les

    mergences

    de

    chandelle

    ,

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    14/180

    bulaire, il

    y

    a

    des sujets

    arcasants,

    les

    plus

    gs,

    les

    plus

    arrirs, les plus sdentaires,

    d'autres l'avant-garde

    des

    vo-

    lutions,

    les

    plus

    jeunes,

    les

    plus

    cultivs,

    ceus

    qui sont

    sortis.

    II

    y

    a

    les

    mlanges

    avec les

    patois voisins,

    du

    fait

    des

    inter-

    mariages

    ou de l'immigration: l'assimilation

    des

    lments

    nouveaus varie

    en

    raison

    directe

    de

    la force

    de

    rsistance du

    patois, en raison inverse

    du

    nombre

    et

    de

    la culture

    des

    nouveaus

    venus,

    sans

    conter

    bien

    d'autres facteurs.

    Il

    y

    a

    les

    vocabulaires

    spciaus

    aus professions

    ;

    il

    y

    a le

    vocabulaire

    enfantin,

    les

    mots

    appris par

    l'cole le

    vocabulaire

    des

    hommes

    ne recouvre pas exactement, tant s'en faut, celui

    des

    femmes.

    Il existe

    des

    diffrences

    individuelles,

    qui

    tiennent au

    degr plus

    ou

    moins

    affin des

    facults d'observation

    ou

    de

    la

    mmoire,

    au

    besoin

    de prciser

    plus

    ou

    moins

    sa pense.

    Les

    mmes

    remarques

    peuvent

    s'appliquer,

    dans

    une

    cer-

    taine mesure,

    la

    morfologie,

    la

    sintaxe, voire

    lafontique.

    Pour

    une

    rgion donne,

    la varit

    lexicologique

    a

    des

    causes

    externes,

    gografiques

    et

    sociales, dont j'ai parl

    :

    orographie

    plus ou

    moins accentue,

    provoquant

    un

    certain

    isolement des localits

    ou

    des

    valles. Mais

    il

    existe

    aussi

    des

    causes

    psicologiques

    propres

    aus

    mots eus-mmes.

    D'une

    faon

    gnrale, la varit augmente

    en

    raison du moindre

    usage

    des

    mots : nous verrons des applications remarquables

    de ce

    prin-

    cipe

    pour

    les

    noms des

    animaus

    de

    boucherie

    (ou

    btes de

    trait)

    opposs

    ceux

    des

    mles reproducteurs

    2.

    Les

    animaus

    qui

    ne

    sont

    ni

    utiles, ni nuisibles, ni dangereus,

    moins

    qu'ils

    ne

    soient

    excessivement

    abondants

    comme

    la

    mouche,

    reoivent des

    dsignations

    fort

    diverses

    (cf. le

    ttard, le lzard

    gris,

    le

    hanneton,

    etc,).

    Il en est tout

    autrement du

    serpent

    et

    surtout

    du

    loup.

    Le manque

    de

    fixit

    dans

    la

    spcification

    des

    termes

    est

    peut-

    tre

    le fnomne

    qui

    m'a

    le

    plus surpris au dbut de

    mes

    enqutes

    lexicologiques.

    Bien

    qu'il ait t

    laiss dans

    l'ombre

    1.

    Ainsi

    pour

    hanneton

    et

    ver luisant

    (p.

    104

    et

    113).

    2.

    P. 2.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    15/180

    XI

    par

    les

    dialcctologues,

    il

    ne

    saurait faire

    aucun doute

    et

    mrite

    d'tre

    mis en

    valeur, car il

    permet d'expliquer simplement bien

    des

    faits

    dont

    on

    demande

    parfois

    la

    raison

    des

    causes

    singu-

    lirement

    recherches.

    On

    trouvera dans

    les

    pages

    suivantes

    de

    multiples

    exemples,

    des plus

    tipiques : le

    jars

    arrivant

    dsigner

    le taureau

    (p.

    8),

    le

    hanneton

    appel cigale,

    blatte,

    poule,

    tourtereau,

    voire

    mouton

    (p.

    loi),

    sans parler

    des

    confusions

    perptuelles

    entre espces voisines comme

    l'abeille,

    la

    gupe et

    le

    bourdon.

    Dans

    une

    prochaine

    srie,

    je

    montrerai

    que les mmes

    confusions existent non

    seulement

    pour

    les

    noms

    de plantes,

    mais

    pour

    certaines

    parties

    du

    cors

    et

    pour

    de

    nombreus objets fabriqus

    d'un usage courant.

    Quand

    le

    paysan

    appelle

    ici dwire le pot,

    pour

    dsigner, quelques

    lieues

    plus

    loin,

    la

    marmite

    par

    le mme

    nom, comment pourrait-il

    ne

    pas

    confondre et

    brouiller

    dans

    son

    langage des

    animaus

    qui lui sont

    aussi

    indiffrents

    que

    le

    hanneton

    ou

    la

    cigale?

    Il

    y

    a,

    bien entendu, des

    raisons

    spciales

    chaque

    mot,

    par

    exemple

    des termes

    dclasss,

    objet n'existant

    plus,

    comme

    l'outre

    (valeur

    primitive de

    diuire),

    insectes

    disparus

    ou

    rarissimes,

    comme

    la

    cigale

    ou

    la

    blatte

    dans

    la rgion,

    et

    qui

    deviennent

    de

    vritables passe-partout

    pour

    suppler aus

    mots

    dfaillants.

    Il

    n'en

    reste

    pas

    moins

    que

    le

    paysan,

    en

    gnral, si

    prcis pour

    toutes

    les

    expressions

    qui

    touchent

    ses

    travaus,

    est fort peu

    soucieus

    d'exactitude lorsqu'ils

    s'agit

    de

    choses ou d'tres qui

    ne

    l'intressent

    gure.

    Il

    y

    aurait

    lieu

    de

    rechercher s'il existe des rgions o

    le

    paysan

    est

    plus

    enclin la

    discrimination

    lexicologique

    que

    dans

    d'autres

    :

    cette

    tude de

    psicologie

    sociale

    compare

    serait

    fort

    utile

    la

    science

    du langage.

    Certains fnomnes

    qu'on

    avait cru propres

    aus

    argots

    se

    retrouvent

    dans

    les

    patois.

    L'tude des argots de

    la

    guerre

    ^

    a

    montr

    que bien

    des dsignations

    nouvelles

    taient

    d'aboi^

    des

    surnoms

    ou

    des formes

    explicatives. Mais le franais avait-il

    I. Cf.

    G. Esnauh;

    Le poilu tel quil

    se

    parle

    (Paris,

    1919),

    ei

    A. Dauzat,

    L'arcrot

    de la

    ouerre

    (Paris,

    A. Colin,

    2^

    d.,

    1920).

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    16/180

    XII

    agi

    autrement

    pour renard

    ? Les noms

    d'animaus

    tudis

    ci-

    aprs

    nous donnent

    de

    nouveaus

    exemples

    de ce fait

    (pour

    le

    taureau,

    le

    blier,

    le

    lzard,

    etc.).

    Le

    surnom

    coexiste

    d'abord

    avec le

    nom

    traditionnel

    (p.

    ex.,

    pour

    blier

    ,

    hedeau

    avec

    art),

    puis finit par

    liminer

    ce dernier

    si celui-ci

    manifeste, tel art, des signes

    d'infriorit.

    Ainsi

    faisan

    et

    vicaire

    se

    sont

    trouvs

    tout prts,

    en

    Gascogne,

    pour

    rem-

    placer

    GALLUS

    tlescop

    par

    cattus

    ^ Il

    n'est

    pas jusqu'

    la

    drivation

    sinonimique,

    mise en

    lumire

    pour

    les

    argots

    par

    Marcel Schwob

    et M.

    Esnault,

    qui ne

    se

    manifeste

    dans l'vo-

    lution des patois

    :

    on en

    trouve

    divers

    exemples

    pour

    les

    noms

    d'insectes

    en

    particulier.

    Enfin

    le degr

    et

    la

    nature

    de

    la

    rsistance

    des parlers

    aux actions internes

    et externes

    varie

    singulirement

    suivant

    les

    poques

    et

    les

    lieus.

    Tels,

    surtout

    dans

    le

    Nord,

    acceptent

    plus

    ou moins

    passivement les

    mutilations

    fontiques et

    les

    accidents

    analogiques :

    tels

    autres

    ragissent

    vigoureusement,

    surtout

    dans

    le

    Midi. Sur la

    petite

    chelle de

    l'Auvergne,

    on

    peroit

    nettement la diffrence

    entre les

    patois du nord

    et

    ceus

    du

    sud,

    plus raisonneurs, qui

    recrent sans

    cesse

    les formes et

    les

    mots,

    unifient les

    flexions,

    cherchent

    comprendre.

    C'est

    l,

    bien

    plus qu'une question de

    race, un

    indice

    de

    la

    sant

    de

    l'organisme

    et

    de la

    vitalit du

    langage, les

    patois

    les

    plus

    attaqus

    par la langue

    littraire

    atteignant peu

    peu

    la

    para-

    lisie

    jusqu'

    l'atrofie complte des

    fonctions.

    I.

    J.

    Gilliron

    et

    M.

    Roques,

    tudes

    de

    gographie

    linguistique

    ,

    pp.

    121

    et sqs.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    17/180

    ESSAIS

    DE GOGRAFIE

    LINGUISTIQUE

    NOTES

    PRLIMINAIRES

    Les tudes

    suivantes

    ont

    t

    fliites

    essentiellement

    avec

    les documents

    de

    VAtlas

    linguistique

    de

    la

    France de

    MM.

    Gilliron

    et

    Edmont,

    ausquels

    j'ai

    joint

    ceus

    que

    j'ai

    personnellement

    recueillis

    dans

    le

    Puy-de-Dme

    et

    l'arrondissement

    de

    Brioude

    au cours

    de

    deus

    sries d'en-

    qutes

    (1896-1900

    et depuis

    1913)'.

    Les

    autres

    sources

    seront

    indiques chaque

    fois.

    J'ai

    utilis

    particulirement,

    pour

    les

    patois

    actuels,

    le

    Trsor don

    felibrige

    de

    Mistral et

    le

    Dictionnaire savoyard

    de

    MM. Constantin

    et

    Dsor-

    maux,

    la

    Faune

    et

    la

    Flore

    populaire

    de

    Rolland

    ;

    pour

    l'ancienne

    langue,

    les

    dictionnaires

    classiques

    de

    Gode-

    froy,

    de

    Raynouard et de

    M.

    Emil

    Levy.

    J'ai

    choisi

    autant que possible

    des

    mots pour

    lesquels

    mes

    matriaus

    auvergnats

    apportent

    des

    lments nouveaus.

    I

    .

    Les formes

    que j'ai

    recueillies sont numres,

    avec

    les

    lieus

    d'ori-

    gine,

    au

    cours

    ou i\

    la

    (in de chaque

    tude.

    Voici

    la liste

    des abrviations

    pour la

    carte

    du Puy-de-Dme

    et

    de ses

    confins

    :

    Au

    Auzon,

    B.

    Besse,

    Br.

    Brioude,

    BuBulhon,

    CdCondat, CD

    La Chaise-Dieu,

    Cl

    Clermont,

    Co

    Coudes, Cu

    Cunlhat,

    D

    Doranges,

    G

    Gannat,

    H Herment,

    Is

    Issoire,

    Lt

    Latour,

    La

    Lavigerie (Cantal), Lg Langeac, LM

    LesMartres-

    de-Veyre,

    Mo

    Moutbrison,

    Ri Riom, Ro

    Roanne,

    Rc

    Rochetbrt,

    Sv

    Savat,

    SI

    Saillant,

    SvSauviat,

    S^

    E

    Saint-tienne-sur-Usson,S-R.

    Saint-

    Remy-

    sur-Durolle,

    V

    Vinzelles

    (c e

    deBansat).

    Dans

    le

    texte,

    Vinzelles

    et

    environs

    dsigne

    les trois

    communes de Bansat, Lamongie, Saint-

    Martin

    -des-Plains.

    t

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    1

    REVUE DE

    FILOLOGE FRANAISE

    PREMIRE

    PARTIE

    ANIMAUS

    D'LEVAGE

    Quelques

    considrations

    particulires

    ce

    groupe

    dominent

    le

    sujet

    et

    peuvent tre dduites

    des

    pages

    qui

    vont suivre,

    comme

    de

    l'tude d'autres

    cartes

    de

    V

    Atlas.

    On

    observera

    l'uniformit

    remarquable

    des noms

    dsi-

    gnant

    les

    btes

    de

    boucherie

    (mouton, veau,

    buf...)

    ou

    les animaus de trait, de

    labour

    (cheval,

    ne,

    vache).

    La

    varit

    lexicologique

    augmente

    en

    raison de

    la

    moins

    grande

    frquence

    de l'animal

    :

    ainsi

    pour

    les

    mles

    repro-

    ducteurs,

    infiniment

    moins nombreus

    que

    les individus

    ch-

    trs

    (cf.

    blier

    et

    mouton,

    taureau

    et

    buf),

    ou

    que

    la

    femelle (cf.

    jars

    et

    oie).

    Le nom de

    la

    femelle

    ou plus

    souvent

    du

    mle (gnralement

    hongr)

    devient

    le

    terme

    collectif qui

    s'apphque

    l'ensemble de

    l'espce,

    et

    il

    tent

    liminer plus

    ou

    moins les

    autres appellations

    dans les

    pays

    o

    l'animal ne fait pas

    l'objet

    d'un

    levage

    intensif.

    Quelques

    fnomnes

    trs

    importants

    doivent

    tre

    mis

    en relief. D'abord

    le

    nom

    du

    jeune

    devient

    trs

    souvent

    le

    nom

    de

    l'adulte :

    qu'il

    s'agisse

    en particulier

    de mles

    ou de

    femelles

    destins

    la

    reproduction, l'acheteur

    recherche

    des

    animaus

    jeunes',

    et

    le vendeur est

    port

    rajeunir

    les

    siens,

    ou,

    si

    l'on

    prfre,

    vieillir

    les

    mots.

    L'ancien nom

    de

    l'adulte

    arrive

    dsigner

    la

    bte

    ge.

    Pour

    les

    femelles,

    la

    relation

    avec

    le nom

    du

    mle,

    contrairement

    ce

    qu'on

    pourrait

    penser,

    a peu

    d'impor-

    tance

    :

    les

    patois

    cherchent

    surtout un

    rapport avec

    le

    nom

    du

    jeune, en

    prcisant

    l'ide

    qu'il

    s'agit

    d'une

    bte

    faisant

    des

    petits.

    I.

    Dans

    ce

    sens,

    J.

    Gillron

    et

    M.

    Roques,

    tudes

    de

    gographie

    liiiguisli(jue,

    p.

    125.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

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    ESSAIS

    DF

    go(;kai-ie linguistique

    3

    Enfin

    le

    nom

    du

    mle

    (plus

    rarement de

    hi

    femelle)

    peut

    changer

    d'espce.

    Et

    ceci

    ne

    se produit

    pas seule-

    ment

    pour

    des espces

    voisines

    (cf.

    coq

    et

    coq

    de

    perdris

    ;

    gelinotte, et

    geline

    poule),

    mais pour des

    animaus

    qui

    n'ont

    aucune similitude :

    on verra

    ainsi

    plusieurs

    exemples

    du

    nom

    du

    jars

    appliqu au

    taureau. Le

    mot

    qu'on

    nous

    permette

    ce

    nologisme

    s'est despciti.

    Il

    y

    a

    en effet dans

    ;/c^/vj),

    1.

    Il est

    aussi

    dans le

    Ballet

    forciien

    de

    1605

    (E-

    ^

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    48/180

    32

    REVUE

    DE FILOLOGIE

    FRANAISE

    qui

    aurait

    remont

    le

    Rhne

    comme

    tant

    d'autres

    termes.

    Ce

    caga

    a

    d'ailleurs

    srement

    gagn

    le

    nord : kg

    existe

    Vinzelles

    (et

    environs)

    avec

    l'acception

    originaire.

    Je

    trouve

    aussi kya,

    au

    sens

    uriner

    ,

    dans

    le

    Glossaire de

    M. Michalias.

    Enfin

    je

    signale

    quelques

    drivations

    sman-

    tiques analogues

    :

    chiot,

    jeune chien

    (d'un

    usage

    courant^

    mme

    chez

    des

    crivains

    contemporains)

    ;

    ys

    (du

    fr.

    chiasse

    ),

    dernier

    n

    (Vinzelles

    et

    environs);

    cago-nis,

    cacau,

    dernier

    n

    (Mistral)

    ;

    le bas-langage,

    l'argot des

    faubourgs

    emploie

    concurremment

    chier

    et

    pisser

    au

    sens de

    mettre

    au monde

    [un enfant].

    Quant l'origine

    de coche-cochon, M. Meyer-Lbke

    '

    pro-

    pose

    une

    onomatope (cri

    pour

    appeler

    les

    porcs).

    C'est

    encore

    l'hipotse

    la

    plus

    plausible.

    Si

    on

    l'admet,

    il

    ne

    serait

    pas

    impossible

    que

    cochon

    (d'o coche)

    ait t Forigine

    un

    terme enfantin.

    Je

    rapproche, pour

    la

    brebis,

    les

    termes

    auvergnats

    enfantins

    br, -oto

    (Vic-le-Comte),

    hl,

    -t

    (Vinzelles et

    environs)

    qu'on

    voit affleurer

    ailleurs

    dans le

    patois des adultes

    ^

    Si

    l'on

    ajoute

    que

    Mistral cite

    coch

    cochof, cri

    pour

    appeler

    les

    porcs

    dans

    les

    Alpes

    ,

    l'timo-

    logie paratra assez ^vraisemblable.

    Faut-il

    en

    dduire

    que

    le knty

    du

    point

    971

    (Hautes-Alpes) s'est form

    ind-

    pendamment

    de

    l'aire

    franaise?

    Ce

    n'est pas

    certain,

    car

    le

    mot

    peut

    fort

    bien avoir

    t

    import

    directement

    par-des-

    sus

    l'aire

    intermdiaire

    caion

    :

    il

    y

    a

    bien des

    exemples

    analogues.

    Relevons

    quelques autres formes

    de

    V

    Atlas

    en

    dehors

    des

    quatre

    tipes

    prcdents.

    kaiiy

    (Creuse)

    dont

    j'ai figur

    la

    zone

    approxima-

    1.

    Konianiscljes

    etymoloariscljes Wcerlerbud),

    AlA'y

    ^^^^

    supposer

    hott:

    et non

    hoc.

    2,

    Cf.

    Rolland, Faune

    populaire,

    V.

    116-117

    (herd,

    etc.).

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    ESSAIS

    DK

    cOGRAME

    IJNGUlSIiaUE

    33

    tive

    '

    fait

    penser

    d'abord

    un

    cagna

    (chienne),

    forme

    mridionale,

    avec

    sens

    despcifi

    ou

    pjoratif

    :

    on

    sait

    le suc-

    cs

    qu'a

    eu

    ce

    mot

    occitanien

    (ou

    italien)

    dans

    les

    argots,

    avec

    valeur

    mtaforique

    ^.

    Mais

    aprs

    comparaison avec

    d'autres

    formes

    similaires,

    il

    semble

    au

    contraire

    que l'ac-

    tion

    de

    cagna

    s'est

    exerce

    (par

    timologie populaire)

    sur

    une

    forme

    primitive gogna,

    d'origine

    inconnue, qu'on trouve

    atteste

    en

    divers

    endroits.

    Mistral

    (au

    mot

    goiirriri)

    cite

    le

    masculin

    gounh,

    gorret,

    en Bordelais

    ;

    gogno,

    truie,

    est

    donn,

    prcisment

    pour

    la

    Creuse,

    par

    Rolland

    (op.

    cit.,

    V, 2i)

    d'aprs F.

    Vincent

    ;

    gagne

    est

    relat aussi en ancien

    genevois,

    avec

    la

    mme

    acception

    ^

    :

    le

    mot

    a pass ensuite

    divers

    sens

    mtaforiques

    (crapule...)

    en

    Savoie

    (^Dict.

    Savoyar4,

    gogne)

    et

    en

    argot.

    Enfin

    les

    formes

    valdtaine

    gona

    (966)

    et

    fribourgeoise

    guna

    (60,

    70)

    appartiennent

    visiblement'

    la mme

    racine, avec

    une

    simple

    variante

    de

    finale (-a au

    lieu

    de

    -ia).

    Quant

    au

    driv,

    il

    est

    beaucoup

    plus

    rpandu dans

    le

    Massif

    Central

    : V

    Allas

    le

    relve

    de

    la

    Creuse

    la

    Dordogne

    et

    au

    Cantal;

    Mistral

    le

    mentionne

    comme

    bas-limousin

    et rouergat,

    en

    joignant la

    forme

    gasconne ^/zom

    (abrviation de gognonn'^).

    Presque partout

    il

    se

    prsente

    sous

    la

    omiQ

    gagnoiin,

    sous

    l'influence de

    la

    mme

    association d'ides

    qui

    a

    donn

    naissance

    l'ancien

    franais

    gaaignon

    (wallon

    :

    waaignon^,

    dogue.

    bifa

    (819)

    est

    une

    traduction

    de

    kciya

    (qui

    est

    identique

    aujourd'hui

    au radical

    de

    cailler

    )

    :

    bifq

    signi-

    1.

    M.

    A.

    Thomas

    m'a signal

    le

    mot

    Saint-Yrieix-la-Montagne.

    2.

    Cf.

    L.

    Sainan,

    L

    Argot

    ancien,

    224

    (Remarquer le

    sens

    che-

    val

    ,

    relev

    dans

    un

    patois

    normand),

    kanya

    existe

    avec divers sens

    drivs

    dans

    les

    patois

    et

    argots

    de

    la

    Savoie

    et du

    Jura.

    3.

    Cf.

    L.

    Sainan,

    L

    Argot

    ancien,

    p.

    218.

    Le

    genevois

    est cit

    d'aprs

    J.

    Humbert

    (1842).

    4.

    Godefroy

    (y

    gaignon, in

    fine)

    s\2;i\Aq

    gagnoii

    jeune

    porc,

    Clermont-Fcrrand.

    3

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    34

    REVUE DE

    FILOLOGIE FRANAISE

    fie

    cailler,

    lait caill

    (cf. Dictionnaire

    Savoyard). Exemple

    assez rare en patois

    de

    drivation

    sinonimique

    ^

    t-eipno

    (714, Cantal)

    est

    le

    fminin

    de

    teu,

    tsu,

    primitivement

    jeune

    porc

    {sic

    carte

    porc

    724,

    781,

    782),

    puis

    porc

    ,

    sens

    qu'il

    possde dans

    une

    rgion assez

    vaste

    entre

    le

    Cantal

    et le

    Gers (cf. la

    carte

    porc

    )

    : on

    a

    reconnu

    taiss,

    l'origine

    nom du

    blaireau,

    auquel

    le

    jeune porc

    a

    t

    compar

    ^

    .

    gorra, mot bien

    connu, se

    trouve

    sur un

    point de

    la

    Haute-

    Vienne, comme

    sans

    doute

    aussi

    la

    base

    de garl

    (102).

    gay,

    gy

    (21, 23,

    Jura)

    parat

    un

    dbris

    ancien

    de l'aire

    kaya

    (qui

    devait,

    nous

    l'avons dit,

    monter

    plus

    au

    nord)

    : le

    terme, refoul et isol

    dans

    un

    lot,

    s'est

    raccroch

    au

    mot

    gai

    qui

    l'a

    provi-

    soirement

    sauv

    5

    ;

    mauro

    (741,

    Tarn-et-Garonne)

    est

    un surnom

    d

    la

    couleur

    brune.

    J'tudie

    par

    ailleurs

    (dans

    la Roniania)

    le surnom du

    tipe

    gode

    appliqu

    ici

    la

    truie

    (933,

    968-9),

    ailleurs

    la

    brebis,

    au jars,

    etc.

    Le

    mot

    franais

    truie

    se

    retrouve

    seul

    jOu

    concurrem-

    ment

    avec une

    autre

    forme

    aus points

    802,

    902,

    908,

    933,

    950-

    Voici,

    classes

    par

    tipes, les formes

    que

    j'ai

    recueillies

    dans la

    Basse-Auvergne

    :

    ky,

    Saint-Ilpize,

    Vieille-Brioude,

    Auzon

    (Haute-Loire)

    ;

    kyd :

    Ambert, Saillant

    (Puy-de-

    Dme).

    troyd :

    Saint-Hilaire (Haute-Loire)

    ;

    Grandrif,

    Ambert,

    Sauviat,

    Beauregard-l'vque,

    Lussat,

    Les

    Martres-de-Veyre

    ;

    tryd

    : Bulhon, Usson,

    Saint-Etienne-

    sur-Usson

    (R.-de-D.)

    ;

    trd:( :

    Saint-Jean-Saint-Gervais

    ;

    1.

    L.

    Saman,

    V

    Argot

    ancien,

    pp.

    67-8,

    2.

    Cf.

    Mistral,

    vo

    /mjo//.

    3.

    Cette

    aire

    segondaire

    gay

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    ESSAIS DE

    GOGRAMK

    LINGUISTIQ,UE

    tr^d:(

    :

    Vinzelles et

    environs,

    Nonette,

    Issoire,

    Vodable,

    Madriat

    ;

    k{^ts :

    Besse

    ;

    kts :

    Coudes,

    Salldes, Les

    Martres-de-Veyre,

    Malin

    trat

    ;

    ko^

    :

    Buxires-sous-Mon-

    taigut

    en

    Combrailles.

    A

    Vieille-Brioude,

    la

    truie

    qu'on

    engraisse

    est

    dite pldr

    (Dans la

    rgion,

    gorra

    a pass au

    sens

    de

    vache

    qu'on

    engraisse

    ).

    3.

    La

    brebis.

    Rpartition

    de berbice,

    ovicula,

    feta

    dans

    la Gaule

    romane.

    Trois

    grandes

    aires

    (en

    laissant

    de

    ct quelques

    cra-

    tions

    locales

    postrieures)

    se

    partagent

    la Gaule romane

    pour

    brebis

    :

    berbice,

    ovicula

    et

    feta.

    A

    l'heure

    actuelle,

    les

    reprsentants

    du

    premier

    tipe

    occupent tout

    le

    nord jusqu'aus environs

    d'une

    ligne qui serait tire

    approxi-

    mativement du sud

    du

    Morbihan

    au

    sud du Doubs

    ;

    au sud,

    OVICULA

    l'ouest

    et

    feta

    l'est

    sont

    spars

    par

    une

    limite

    qui se

    dirige

    d'abord

    au sud-ouest

    (des

    environs

    de

    Mcon

    au

    nord

    du

    Lot)

    puis

    tourne

    vers

    le

    sud

    pour

    atteindre

    les

    Pyrnes

    entre

    l'Arige

    et l'Aude.

    Ces

    limites

    ont vari

    bien

    entendu au

    cours

    de

    l'histoire.

    Depuis

    le

    moyen

    ge, herbis (brebis) s'est

    beaucoup

    tendu

    ;

    feda

    (^fea)

    a quelque

    peu

    recul

    au

    nord (cf.

    VWotfwyt

    au

    nord

    du Doubs,

    54),

    mais

    a

    gagn

    du

    terrain

    au

    sud

    ;

    au

    contraire

    oeille,

    ovelha s'est

    repli

    sur

    toute

    la ligne, mais

    surtout

    dans

    le nord.

    Au

    moyen

    ge,

    berbis

    parat plus

    spcial

    aus

    rgions de

    l'Artois,

    au

    pays wallon,

    la Lorraine

    et

    la Champagne

    du

    Nord

    en

    face

    d'oeille,

    oaillc,

    qui

    prdomine

    dans

    rile-de-France

    (Soissonnais

    compris)

    jusqu'

    Amiens

    et

    I. Voir

    les exemples

    de

    Godcfroy,

    et

    dans

    P. Mever,

    Recueil

    iVanciens

    textes,

    p.

    323,

    353,356,

    363-

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

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    3

    6

    REVUE

    DE

    FILOLOGIE FRANAISE

    en

    Normandie

    La

    Fontaine (de

    Chteau-Thierry)

    emploie

    encore

    ouaille,

    qui

    existait donc

    toujours

    au

    xvii^ sicle,

    au

    sens

    brebis

    ,

    dans

    les

    campagnes

    de

    l'Ile-de-France.

    Au

    sud

    de

    Paris,

    le mot a rsist plus

    longtens

    :

    Godefroy

    signale

    ouille

    dans les patois de

    l'Yonne,

    o

    l'Atlas

    ne

    relve

    plus

    que berbi.

    En provenal,

    ovelha devait s'tendre un peu

    plus

    l'est

    qu'

    l'heure

    actuelle.

    Raynouard

    Ta relev dans

    Guillaume

    de Tudela,

    Augier,

    Bernard

    de

    Rovenac,

    la

    Vie

    de Saint

    Romain,

    la traduction de

    la

    Rgle

    de

    Saint-Benot

    ;

    en

    regard,

    il note

    feda

    dans

    Raymond

    d'Avignon, La

    nobla

    leycT^on,

    Philomena.

    Enfin berbit:(

    se trouve

    chez

    Guiraut

    de

    Borneilh.

    L'existence

    d'un lot limousin

    de

    berbice

    au

    milieu

    de

    l'aire

    ovicula

    est

    atteste

    encore

    dans

    Mistral,

    o

    berbis

    est signal

    comme terme de

    prdication

    ^.

    L'existence,

    au

    moyen

    ge,

    de berbit^ dans

    deus

    rgions

    aussi loignes

    que

    l'extrme

    nord

    de

    la

    France

    et

    le

    Limousin,

    avec

    les mmes

    accidents

    fontiques

    et

    morfolo-

    giques

    ^

    et

    le

    mme

    sens

    de

    brebis

    (vervecem signi-

    fiant

    mouton en latin^) prouve

    l'vidence

    l'existence

    ant-

    rieure

    d'une

    aire

    commune

    berbice

    =

    brebis,

    qui

    s'tendait

    au

    moins depuis

    le Limousin jusqu'au

    pays

    wallon.

    Cette

    aire

    a t

    coupe

    postrieurement par ovicula,

    qui a

    pass du

    sens

    jeune brebis

    au sens

    brebis

    sur

    un vaste ter-

    1 .

    Voir

    dans

    Godefroy

    des

    exemples

    de

    Wace,

    de Garnier

    de

    Pont-

    .

    Saint-Maxence,

    de

    la

    Clef

    d'amour

    (Amiens,

    xiiic

    sicle),

    etc.

    2.

    Au point

    6o6,

    br

    'cbi

    (

    ct de

    wlyo)

    est

    une importation

    rcente

    du franais,

    comme aus points

    400,

    loi,

    303,

    etc.

    3.

    Il

    y

    a

    eu

    3

    fnomnes:

    1

    remplacement de la

    finale

    -CE

    par

    le

    suffixe

    -CE plus

    frquent

    ;

    20

    passage

    fontique

    de *vervice

    *verbice

    (cf.

    coRVUS>

    *coRBUS,

    etc

    .

    )

    ;

    3

    assimilation

    du

    v

    initial

    au

    /^suivant

    (cf. it. berbena).

    4.

    C'est

    un

    lapsus

    qui

    a

    fait

    dire

    blier

    au Dictionnaire

    Gnral

    (yo

    brebis).

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    53/180

    ESSAIS

    DE

    GOGKAI-IH LINGUISTIQUE

    37

    ritoire

    comprenant

    la

    pninsule

    ibrique,

    le

    sud-ouest,

    Touest

    et

    le centre

    de

    la

    Gaule

    (l'lot

    limousin except).

    Reste

    expliquer

    comment

    vervecem

    >

    *berbice

    a

    pass

    du

    sens

    mouton

    l'acception

    brebis

    .

    Il faut

    remarquer

    que

    pour

    cet

    animal

    le nom

    de

    la

    femelle

    ou

    du

    mle

    chtr sert en

    mme

    tens

    dsigner

    le nom

    de

    l'espce

    (ceci variant suivant

    les

    tens

    et

    les

    lieus, mais

    le

    nom

    du

    blier

    restant

    toujours

    l'cart

    et bien individua-

    lis)

    :

    on

    dit

    ainsi

    un

    troupeau

    de

    brebis

    ou

    un

    trou-

    peau de

    moutons

    )),

    en

    englobant

    les

    bliers,

    les moutons

    proprement

    dits, les

    femelles

    et

    les

    agneaus. Dans

    certains

    patois

    (ainsi

    Saint-Alyre, arrondissement d'Ambert),/^ifo

    arrive dsigner la fois la brebis

    et

    le

    mouton chez

    les

    personnes

    qui

    ne

    s'occupent

    pas

    spcialement

    d'levage.

    Voici

    donc comment

    on

    peut

    concevoir

    les

    faits.

    Ver-

    vecem

    (>>

    *berbice)

    a t

    import

    en

    Gaule

    avec

    le

    sens

    (c

    mouton

    ,

    mais

    il n'a pu

    dloger

    le

    terme

    indigne

    *MULTONE, et il

    a

    d

    battre

    peu

    peu

    en

    retraite

    en

    se

    rfugiant dans

    le

    sens

    collectif

    du nom

    de

    l'espce. C'est

    l'acception

    qu'il

    a

    encore

    dans

    la

    Loi salique

    :

    Si quis...

    bimum

    vervecem

    (var.

    berbiceni)

    furaverit.

    Vient un moment

    o

    le

    latin

    d'Occident

    cherche

    liminer

    ove

    (conserv

    en

    Orient :

    romain

    oaie\

    qui prsentait

    ici

    une

    fcheuse

    simi-

    litude

    avec ovu depuis

    que,

    dans

    ce

    dernier mot,

    le

    v

    avait

    t

    rtabli

    et

    que

    l'o

    tait

    devenu

    ouvert

    ;

    l'assourdisse-

    ment

    des voyelles

    atones, qui

    se

    prparait, tendait

    produire

    l'homonimie

    complte. Berbice se trouva

    tout

    prt

    pour

    prendre

    sa

    place

    dans

    la

    Gaule du nord

    et

    de l'ouest.

    Mais

    cette nouvelle

    dsignation

    ne fut

    pas juge partout

    satis-

    faisante

    :

    au

    sud-est,

    dans une

    vaste rgion

    s'tendant du

    Jura

    et

    du

    bas

    Rhne

    au

    Frioul

    \

    on

    prouva

    le

    besoin

    I.

    Meyer-Lbke,

    Rotn.

    etytn.

    Ilurt-t.,

    3269.

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    38

    REVUE DE FILOLOGIH

    FRANAISE

    de

    prciser

    l'ide

    de

    femelle

    )>

    en

    spcialisant

    dans

    ce

    sens FETA

    (primitivement

    femelle

    qui

    a des petits

    ).

    En

    mme

    tens

    mergeait

    l'ouest

    ovicula

    (jeune

    brebis

    >

    brebis).

    Historiquement

    l'aire feta

    =

    brebis

    tait constitue

    l'poque

    o

    d

    intervocalique

    (issu

    de

    t) volua

    vers

    d (d

    interdental)

    en franco-provenal,

    c'est--dire au

    viii^

    sicle

    ^ A

    la

    mme

    poque

    nous avons le tmoignage

    des

    gloses

    de

    Reichenau,

    composes

    dans

    le

    nord-est de

    la

    France, pour

    nous

    confirmer

    l'existence

    de

    berbice

    =

    bre-

    bis dans

    le

    nord

    (glose

    oves

    :

    berbices). Les gloses de

    Cassel

    ont

    au

    contraire

    oviclas

    : auui.

    Nous

    devons

    en

    conclure

    qu'elles appartiennent

    la rgion o

    ovicula

    passa

    au

    sens

    de

    brebis

    adulte

    ,

    et

    qu'elles

    sont

    naturel-

    lement

    postrieures

    ce

    changement

    ;

    il

    appert galement

    que

    ces gloses n'ont pas d

    tre

    rdiges, comme certains

    l'ont

    cru,

    en pays

    ladin

    ^

    S'tonnera-t-on

    que

    berbice,

    aprs avoir t disloqu

    par ovicula

    l'poque

    prromane,

    ait

    pris

    sa

    revanche

    en

    regagnant, depuis la

    fin

    du

    moyen

    ge,

    une

    grande

    partie

    du

    terrain perdu ?

    Nullement

    :

    car

    si

    ovicula

    tait

    fontiquement

    robuste

    et

    smantiquement

    excellent

    (nom

    de

    la jeune femelle)

    aus

    vi*-vir

    sicles,

    il

    avait,

    dans l'intervalle,

    perdu

    ces

    deus

    qualits. La

    chute

    du

    V

    fut,

    pour

    ce mot,

    une

    cause

    de

    faiblesse,

    en

    crant

    un

    hiatus

    qui

    fut

    diversement

    rduit,

    et

    qui

    amena

    en

    gnral

    un w

    initial

    gnant

    pour

    la

    langue

    et

    cause d'accidents.

    Rien

    que

    dans le

    Puy-de-Dme, on

    trouve les

    variantes

    uly

    (Moriat...),

    y,yo

    (Monton...),

    ?//}'^?

    (Pontgibaud,

    Bu-

    1.

    Cf. Bourciez,

    Elments

    de

    linguistique

    romane,

    p.

    i8o.

    2.

    P. Marchot,

    Les gloses de Cassel

    (Fribourg,

    1889).

    En sens

    contraire,

    Sirzingcr,

    Zeilschrift j'r

    romanische

    Philologie^

    XX,

    121. La

    gogra-

    fie linguistique

    pourra

    tre plus

    affirmative

    le

    jour

    o

    nous

    possderons

    un

    atlas

    des

    patois

    rhto-romans

    et

    des

    patois

    italiens

    du

    nord.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    55/180

    ESSAIS

    DE

    GKOGRAFIE

    LINGUISTIQUE

    39

    Ihon),

    wly

    (SWcdes,

    Bcsse...),

    wily

    (Issoire,

    Vodablc...),

    vwlyo

    (Les

    Martres-de-Veyre...),

    vwil

    (Nonette,

    Vin-

    zelles...),z;:/^/7}'^^(Saint-Victor-la-Rivire).

    Rapprochons

    des

    formes

    comme

    oy

    (Ile

    d'Yeu,

    479)

    et

    des

    timologics

    popu-

    laires

    comme

    vlo

    (611,

    etc.).

    4.

    L'agnelle

    dans

    la

    Basse Auvergne.

    Le

    Puy-de-Dme

    se

    trouve

    sur

    la zone

    de

    jonction

    de

    deus

    aires

    trs

    vastes

    :

    au sud

    agnela

    est

    diffrent

    du

    mascu-

    lin, tandis

    qu'au

    nord

    le fminin a

    disparu

    et

    qu'on

    trouve

    le

    mme

    mot

    pour les

    deus sens.

    La

    fontique

    n'est pas

    trangre

    ce

    rsultat.

    Au

    sud,

    agnel, conservant

    (ou

    mme vocalisant)

    son

    /

    final,

    apple

    ncessairement le

    fminin agneJa

    ;

    au

    contraire, ds

    que

    la

    consonne finale

    du masculin

    (ou

    son rsidu

    vocalique)

    dis-

    parat

    ce

    qui

    se

    produit

    sur

    les confins

    de

    la Haute-Loire

    et

    de

    la

    Loire

    agnela

    ne

    tarde

    pas

    tre

    branl

    ;

    encore

    quelques

    lieues vers le

    nord et le

    nord-est, et le

    fmi-

    nin a

    vcu

    :

    le

    rapport entre

    les deus

    genres

    du

    suffixe -ellu

    devient moins

    troit,

    est

    peru moins nettement.

    Au nord,

    on

    n'a

    pas

    prouv

    le

    besoin de donner

    un

    succdan

    au

    mot

    disparu. La

    langue

    peut se

    passer

    d'un

    terme

    spcial

    pour

    dsigner

    l'agneau

    femelle,

    dans

    des

    contres

    o

    l'levage

    des brebis n'est pas pratiqu sur

    une

    grande

    chelle.

    Aus points

    relevs

    dans

    VAtlas,

    je

    joins

    ^y

    v^'

    (Bulhon),

    ^?//3'rto (Sauviat),

    nyi

    (Grandrif), ^fy

    vi''

    (Saillant).

    I.

    On:iany

    aus

    points

    705,

    805-12-1

    5-17.

    Mais dans

    le

    sud du

    Puy-de-Dme,

    il

    y

    a

    encore

    des

    finales

    en

    -ci

    (Chalus,

    Moriat...)

    comme

    dans

    une partie

    de

    la

    Haute-Loire.

    Il

    est

    bien vident

    que dans

    cette

    rgion

    17

    finale

    s'est

    conserve

    pendant

    plus

    longtens que dans

    Is

    patois

    situs

    au

    nord.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

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    40

    REVUE

    DE FILOLOGIE

    FRANAISE

    Sur

    les confins

    des deus zones,

    comme

    le

    fait

    se

    pro-

    duit

    toujours

    il

    y

    a eu flottement,

    et de nouvelles

    dsi-

    gnations

    se

    sont

    fait

    jour.

    On trouve

    d'abord agneJa conserv

    sporadiquement

    :

    Pont-

    gibaud,

    Monton

    (Atlas

    jo},

    805),

    Saint-tienne-sur-Usson,

    Ambert (M. Michalias

    ;

    M.

    Edmond a

    relev

    ^zy}-^')

    '

    .

    Parfois,

    au lieu

    de

    porter

    le

    nom

    du

    jeune

    mle

    comme

    plus

    au nord,

    l'agnelle

    a

    la mme

    appellation

    que la

    brebis

    adulte

    (avec

    l'adjectif

    jeune

    ,

    petite

    ).

    Remarquons

    ici

    que

    nous sommes sur les

    confins

    de

    l'aire

    ovelha

    >

    oelha

    =

    brebis,

    et de

    l'aire /^J^f

    =

    brebis.

    Dans

    les

    deus

    domaines,

    sur

    les

    lisires

    de

    la zone agnela

    qui coupe

    la

    limite prcdente,

    on

    trouve

    le mme

    fait :

    l'agnelle

    est

    V^ilyd

    Beauregard,

    hd{wn

    ivjly

    2i.hsoire

    ;

    de

    l'autre

    ct,

    Doranges

    et

    Saint-Alyre

    la

    nomment

    fido

    comme

    l'adulte.

    Oelha

    n'a

    pas

    pntr,

    sous une

    acception

    quelconque,

    dans

    l'aire

    feda

    =

    brebis. Mais

    feda,

    en

    revanche,

    s'est

    infiltre

    dans

    l'aire

    voisine,

    o

    elle a

    pris

    le

    sens

    agnelle

    dans

    une

    zone assez vaste

    et

    presque

    compltement

    homo-

    gne

    :

    Vinzelles et environs,

    Vodable,

    Coudes,

    Vic-le-

    Comte,

    La

    Sauvetat, Aydat,

    Murols.

    Il peut

    paratre sur-

    prenant

    que

    le

    nom de

    l'adulte soit devenu

    celui

    de

    la

    jeune

    femelle, contrairement

    ce

    qui

    a

    lieu par

    ailleurs.

    En fait,

    les choses

    n'ont

    pu

    se passer

    ainsi. On

    ne

    saurait

    avoir

    affaire,

    dans

    cette

    zone,

    un

    mot

    prexistant

    ayant

    chang

    de

    sens, mais

    un

    terme venu

    de

    la

    rgion

    voisine

    nous

    avons vu

    que

    feda

    gagne

    sur ovelha

    et qui,

    n'ayant

    pu

    dloger

    le

    terme

    indigne

    (ovelha), a

    pris,

    ct,

    la

    place

    vacante

    que

    laissait

    agnela tombe

    en

    dsutude.

    La

    filia-

    tion

    smantique

    est

    la suivante :

    brebis (qui fait des

    petits)

    >>

    brebis

    encore

    jeune

    >>

    jeune

    brebis.

    I ,

    Les points

    que

    j'ai relevs plus au sud

    dans l'aire

    homogne

    a^^ncla

    sont

    Le

    Mont-Dore,

    Bessc,

    Madriat,

    Moriat (Puy-de-Dme),

    Lotoing,

    Auzon,

    Vieille-Brioude

    (Haute-Loire).

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    57/180

    ESSAIS DH

    G

    HOC,

    R A

    FIE

    LINGUISTIClUE

    4I

    Remarquons

    que

    tous

    ces

    patois

    ont

    cherch

    prciser

    l'ide

    de

    femelle

    ,

    qui

    parat

    indiffrente

    ceus du

    nord.

    Une

    autre

    notion

    doit

    apparatre

    naturellement

    :

    celle

    de

    la

    jeunesse

    de

    l'animal. C'est le cas

    pour

    les

    patois suivants

    qui

    nous ont conserv ainsi

    *annotica,

    agnelle

    d'un

    an,

    en

    appliquant

    le

    mot,

    comme

    agnela

    et

    ses

    autres

    succda-

    ns, aus

    agnelles de dis-uit

    mois,

    voire

    de

    deus

    ans.

    Les

    formes

    que

    j'ai

    recueillies,

    comme

    celle

    de

    Y

    Allas

    (804,

    a^tyiidio)^

    postulent toutes un

    tipe *anutja

    au

    lieu

    du

    clas-

    sique

    aiotja

    :

    nyiidid

    (Latour),

    nyHd:{d

    (Les Martres-de-

    Veyre),

    (Malin

    trat),

    ;/V';(i >

    (Salldes).

    Enfin

    Gerzat babno

    est originairement

    un

    terme

    enfan-

    tin

    qui

    affleure

    au

    point

    816

    au

    sens

    brebis

    (sous

    1

    :

    forme

    bbina).

    5.

    La

    poule.

    Conunent

    a

    disparu

    gallina dans

    le

    Ceu

    Ire.

    Un

    simple

    coup

    d'il

    jet

    sur la carte

    107

    1

    de

    VAtIa

    linguistique

    nous

    montre

    que

    gallina

    a

    disparu,

    l'heure

    actuelle,

    de

    la

    plus grande partie

    de

    la

    Gaule

    romane,

    refoul

    sur

    une bande

    de

    territoire plus

    ou

    moins large

    au

    sud

    et

    l'est, avec

    un assez

    important lot

    dans la rgion

    picarde

    et une

    survivance isole

    Jersey.

    Comment

    et

    pourquoi

    ce

    mot

    est-il

    sorti

    de

    l'usage

    ?

    Quelques

    fts vont

    nous

    permettre

    de

    mettre

    en lumire

    les

    dernires

    tapes qu'il

    a

    parcourues

    dans

    le

    centre

    de

    la

    France, en

    particulier

    dans

    le Massif

    Central.

    Le terme

    nous est

    encore

    signal

    dans

    la

    rgion de

    Brioude

    la

    fin

    du

    xV^

    sicle

    dans

    le Menu

    de

    Notre-

    Dame

    des

    Chases

    -

    ;

    dans

    le

    Forez,

    o

    il a

    d

    disparatre

    1.

    Cf.

    les termes

    cits

    plus haut

    br br,

    etc.

    (article

    truie

    ).

    2. VAncienne Auvergne

    et

    le Vilay,xA\\,

    p.

    49.

    I

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    58/180

    42

    REVUE

    DE

    FILOLOGIE

    FRANAISE

    plus

    tt que

    dans

    les patois trs

    conservateurs

    de la

    Haute-

    Loire,

    il

    vit

    toujours

    au

    xvii^ sicle

    ^

    Aujourd'hui

    1'^^/^^^

    nous

    montre

    qu'il

    faut

    aller

    jusque

    dans

    le

    Jura,

    l'est,

    et

    dans le Gard,

    au

    sud,

    pour le

    retrouver.

    GALLiNA a

    t

    supplante

    par pulla, qui,

    du

    sens

    primitif

    de

    jeune femelle

    ,

    s'est

    spcialise

    dans l'acception

    de

    jeune poule

    ,

    pour

    dsigner

    ensuite la

    poule, suivant

    l'volution

    dj

    analise.

    Si

    la

    jeune poule

    l'a emport,

    on

    peut

    en

    infrer

    que

    gallina,

    avant

    d'tre

    limin^

    avait

    d'abord

    t

    relgu

    au

    rang

    de

    vieille poule

    :

    hipotse

    que

    confirme

    souhait

    le point

    748

    de

    V

    Atlas

    (Aveyron

    t

    p,do

    =

    poule

    ;

    golino

    vieille

    poule)

    ^.

    Plus au nord,

    l'acception

    s'est prcis encore et

    le

    mot

    s'est

    en

    mme

    temps

    despcifi.

    A

    Vinzelles,

    il

    tait

    connu

    nagure

    des vieillards

    au

    sens

    de

    vieille poule

    ;

    mais

    il

    ne

    dsigne

    plus aujourd'hui

    que

    la

    truie

    strile

    ,

    comme

    dans

    les

    patois voisins.

    La

    filiation

    smantique est

    vidente

    :

    vieille poule,

    donc poule qui

    ne

    sont plus

    >>

    femelle

    strile >>

    truie strile. La

    dernire

    volution

    ne

    s'explique

    pas premire vue : pourquoi

    cette

    spcialisation

    la

    truie

    et

    non

    une autre

    femelle

    ?

    Le

    fait,

    qui

    mieus est,

    n'est

    pas isol

    :

    Rolland

    a

    relev

    ^

    dans le Morvan

    galine

    (sous

    une

    forme

    qui

    trahit

    une

    importation

    mridionale),

    au

    sens

    voisin

    de

    truie

    qui a port

    plusieurs

    fois

    .

    L'explication

    me

    parat

    donne

    par

    le

    patois

    d'Ambert,

    o

    djlyino

    dsigne

    1

    .

    E.

    Vcy,

    Le dialecte

    de

    Saint-Btienne

    au XVIh

    sicle,

    p.

    414.

    L'tude

    de

    la disparition

    du

    mot

    n'a

    pas

    t

    faite en

    franais

    ;

    le

    Dictionnaire

    Gnrt

    donne encore

    geline

    poule, comme

    vieilli

    ;

    les

    auteurs du

    xviic

    sicle n'emploient

    que ponte dans

    la

    rgion

    parisienne.

    2.

    Sur

    plusieurs points

    du

    midi

    (841,

    853,

    863,

    871),

    il

    est

    remar-

    quable

    qu'on

    ait rpondu

    galino

    pour

    poule

    isol,

    et

    p^]o

    pour

    les

    poules

    pondent

    ,

    Le terme

    ancien

    commence

    disparatre

    au

    pluriel

    comme collectif.

    Mme

    fnomne pour

    ovum

    devant

    kilkau

    dans

    la

    rgion

    de

    Vinzelles.

    3.

    Faune

    populaire,

    V,

    217.

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    59/180

    ESSAIS

    DE

    GOGRAFIK

    LINGUISTIQUE

    43

    la femelle

    infconde

    (strilit

    d'ge

    ou

    congnitale)

    chex_

    les petits

    animaus

    domestiques

    ;

    car il existe,

    dans

    les

    patois

    del

    rgion,

    d'autres

    mots

    pour

    les

    grands

    animaus,

    vache,

    jument,

    etc.

    {hordVe^,

    Ambert...

    ou burdii

    y

    Vmz... et

    vev

    V., vm

    Ambert).

    Or

    parmi

    les

    animaus

    domes-

    tiques

    de

    petite

    taille,

    prsentant ce caractre

    commun

    d'tre

    attachs

    la

    basse-cour (et non

    conduits

    en

    troupeaus,

    comme

    les

    moutons),

    seuls

    l'espce

    porc

    et l'espce

    poule

    sont

    assez rpandues

    dans

    la

    rgion

    pour

    avoir

    un

    terme

    spcial pour

    la

    strilit

    '

    :

    toutes les

    maisons

    ont

    des poules et des

    porcs

    ;

    fort

    peu

    possdent des

    oies,

    canards,

    etc.

    On comprent

    donc

    qu'il

    y

    ait

    eu

    association

    d'ides.

    Bien

    entendu

    le

    mot

    a

    laiss

    et

    l

    des

    drivs

    et

    com-

    poss.

    Je

    signale

    jalyini

    (poulailler)

    Maringues (mot

    disparu

    dans toute la contre)

    .

    Les

    textes forziens du xvii^

    sicle

    ont

    la

    forme

    parallle

    jaleney

    ^;

    M.

    Vey

    signale

    dans

    les

    patois actuels

    du Forez jneri

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    60/180

    DEUSIME PARTIE

    ANIMAUS

    SAUVAGES

    I. Reptiles,

    batraciens

    I

    .

    Le

    U^cir

    gris

    dans

    la

    Basse-Auvergne.

    Les

    fnomnes sont

    trs

    complexes.

    Pour

    tre clairciset

    analiss,

    ils doivent tre replacs dans la dpendance

    des

    faits

    originaires qui ont conditionn tous

    les

    autres dans

    le

    latin

    vulgaire

    de

    la

    Gaule

    cisalpine

    et

    transal-

    pine.

    Je

    conte tablir

    ailleurs prochainement

    que

    langura

    dsigna le

    lzard dans

    la

    Gaule

    et

    l'Italie

    septentrionale.

    En

    Gaule, il

    semble

    n'avoir

    pntr

    que sous la

    forme

    du

    diminutif

    langurola, avec

    l'acception

    lzard gris

    ,

    en

    face

    de lacertus

    =

    lzard vert.

    Le

    mot subit

    de

    bonne

    heure l'influence

    de

    lingua,

    et,

    dans le Massif

    Central

    notamment,

    c'est

    d'un substratum

    *lingurola

    >

    lingrola

    qu'il faut

    partir.

    Dans

    la

    rgion lyonnaise,

    le

    latin

    vulgaire

    cra,

    vers

    le

    III*

    sicle,

    un

    nouveau

    tipe,

    lacrimusa

    (cit

    au

    iv^

    sicle

    par Polemius

    Silvius,

    de

    L)^on),

    ayant

    la valeur

    de

    mu-

    seau

    pointu

    (*ACRi-Ms-A, qui s'est

    ensuite

    agglutin

    l'article

    sous

    l'influence visible

    de

    lacryma).

    Cette

    aire

    a

    coup

    l'aire

    originaire

    langura,

    -ola. Elle

    ne

    nous

    intresse

    pas

    en

    Auvergne, car elle

    n'a

    pas dpass

    la valle

    de

    la

    Loire (Roanne-Montbrison),

    affleurant

    peine aus

    premiers

    contreforts

    du

    Forez.

    Cependant le

    franais rgional de

    la

    basse

    Auvergne appelle

    le

    lzard

    gris

    larnuise^ mot venu

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    61/180

    I-SSAIS

    DE

    GKOGRAFIE

    LINGUISTIQUE

    45

    de

    Lyon

    Clermont-Ferrand,

    l'poque

    o

    la

    grande

    ville

    rodanienne

    tait

    le principal foyer

    de l'influence

    franaise

    sur

    notre

    rgion.

    lingrola,

    qui se

    prsente

    sporadiquement sous

    une

    forme

    fontique

    dans

    le

    Massif Central',

    ne

    se

    trouve

    sur notre

    carte

    qu'

    Auzon, gros

    bourg

    au

    patois

    assez arcaque,

    et

    situ

    l'cart

    des grandes

    voies

    de

    communica-

    tion.

    A

    l'ouest

    de

    cette localit,

    la

    basse

    valle

    de

    l'Alagnon

    nous

    offre des

    formes avec

    mtatse,

    du

    tipe ringloJay

    mais

    dans

    lequel

    la permutation

    l-r s'est certainement

    effectue

    aprs

    le

    changement fontique

    du

    segond

    /

    (inter-

    vocal

    ique)

    en

    V

    ou

    en

    r

    suivant la

    rgion

    : rdyov

    Lotoing;

    rndyra

    au

    point

    8ii

    de

    l'Atlas.

    A

    709,

    V

    Atlas

    donne

    rndyora

    pour

    lzard vert

    ,

    avec un

    point

    d'interrogation

    pour

    le

    lzard

    gris.

    Comme

    le

    lzard

    vert

    est

    reprsent

    dans

    tout

    le

    Massif

    central

    par lacertus,

    je

    crois

    qu'il

    doit

    s'agir

    ici

    d'une improprit

    individuelle,

    et

    qu'il

    fimt rendre

    redyora

    au

    lzard gris.

    Enfin

    plus

    au

    nord,

    Saint-Maurice

    village

    isol au

    flanc du

    puy

    Saint-

    Romain

    nous prsente

    une

    forme

    dissimile rygol

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

    62/180

    4

    REVUE

    DE FILOLOGIE

    FRANAISE

    graulo

    :

    mygrul),

    Saint-Jean-en-Val

    et

    les

    communes

    intermdiaires.

    Plus au nord,

    sur

    un point (Salldes),

    mingrola

    devient

    pingrola

    :

    ici

    c'est

    pingre

    qui

    a

    agi,

    mot

    emprunt au

    franais :

    donc fnomne rcent.

    La

    rgion

    des Monts

    Dore

    nous

    offre

    des

    formes extr-

    mement

    intressantes

    et fort

    difficiles

    expliquer,

    bien

    qu'elles

    soient

    en

    relations avec

    d'autres formes

    plus

    mri-

    dionales.

    Certaines

    contres prsentent

    un

    changement

    de

    suf-

    fixe

    trs explicable :

    on

    conoit

    que

    lengrolo, langrole

    puisse

    devenir

    /fl^wo^ro/a,-^,

    indpendamment dans

    TAveyron

    et

    les

    Charentes,

    par

    permutation

    avec un

    suffixe trs

    prolifique. L'obscurit commence lorsque

    lengrol

    devient

    *lengrosa,

    voire *lengrausa

    (tipes

    de

    Lozre, Corrze,

    etc.),

    et mme langroise (Charente,

    et points

    511-13,

    515).

    Lengrola

    aurait-il

    rencontr

    un tipe

    prlatin

    prexistant

    avec lequel

    il

    se

    serait

    crois

    ?

    C'est

    la

    seule

    hipotse,

    pour

    le

    moment, qui

    semble plausible

    ;

    mais c'est

    une

    simple

    conjecture. Notons

    seulement que

    ces

    formes

    avec

    s

    (=

    ^

    se

    rencontrent

    dans des

    rgions

    patois

    gnrale-

    ment arcaques.

    Le

    MassifCentral

    connat

    surtout

    le

    tipe

    avec

    adjonction

    du

    suffixe -olo

    et

    apocope de

    /

    initial

    :

    engrosola

    (spora-

    diquement

    de

    la

    Corrze

    la

    Lozre). Ce mot,

    par

    une

    ana-

    logie

    transparente,

    devient

    bientt

    engrisola,

    qui,

    la

    suite d'une nouvelle

    amputation

    facile

    prvoir, abou-

    tit

    la

    grisola

    de

    notre

    carte, rpandue

    dans

    la

    valle

    de

    l'Allier,

    du

    point

    812

    Coudes

    et

    Montaigut-le-Blanc.

    Coudes

    (gr:(pl)

    offre un

    ,

    qu'on

    rencontre

    plus

    au

    nord

    sur l'Atlas, et qui

    est

    sans

    doute une

    transposition

    de

    l'an-

    cien

    en (in)

    de

    lengrola.

    La

    rgion du

    Mont-Dore

    fournit deus

    tipes

    qui

    remontent l'un

    et

    l'autre

    lengroso

    doublement

    apocop

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

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    ESSAIS

    DK GOGRAFIK

    LINGUISTIQUI-

    47

    (de

    /

    et

    de

    eti),ma[s pourvu en

    revanche d'un

    double

    suf-

    fixe

    al-ina,

    al-elha

    (/

    intervocalique

    devient

    v

    fontique-

    ment

    dans

    une

    partie

    de

    la rgion).

    La

    premire

    srie

    donne d'un

    ct

    gr^vino

    (Latour),

    de

    l'autre

    gr^vly

    (Murols),

    grixvly

    (Chambon)

    influenc

    par

    gris

    .

    La

    segonde

    srie

    a

    t

    contamine par

    crol:(^ >>

    km,

    kur,

    car

    la

    bte

    au

    repos,

    les pattes

    antrieures

    tales,

    donne

    bien

    l'image

    d'une

    crois

    :

    d'o

    kru:(lyivo

    (Murat-le-Quaire,

    Tauves),

    kur^lyivo

    (Mont-Dore),

    kru^vly (Besse,

    Picherande).

    A

    enregistrer ici une

    troisime

    variante de

    sufiixe,

    al-iva.

    Dform,

    altr

    par les mtatses, les

    apocopes,

    les ana-

    logies,

    les

    additions de suffixes, il

    tait

    prvoir

    que

    le

    tipe

    lengrola

    disparatrait

    compltement

    dans

    un

    grand

    nombre

    de patois.

    A

    qui va-t-on faire appel

    pour

    le

    rem-

    placer

    ?

    Tout d'abord

    son plus

    proche

    voisin, le lzard

    vert,

    dont la forme

    est

    solide

    et

    renforce encore

    par l'ap-

    pui

    du franais'.

    On

    voit

    donc

    lzard

    ,

    qui

    dsigne

    dans

    toute

    la

    rgion le lzard

    vert ^,

    merger un peu par-

    tout

    pour

    reprsenter le lzard gris.

    Certains patois

    ont cherch

    distinguer

    les deus

    espces

    par

    une diffrence

    de

    terminaison.

    On

    a

    recouru

    parfois

    au

    diminutif

    pour le

    lzard gris, plus petit que

    son

    cong-

    1. Il

    y

    aune

    seule

    rgion (indique

    sur

    la carte) o l'on peut

    assurer

    que

    K

    lzard

    est

    fontique :

    c'est celle

    qui

    repose sur

    un

    type

    *laiei

    t

    (supposant

    l'volution

    lacertus

    >

    *lagertus). Il

    est

    certain

    qu'au-

    trefois

    cette

    aire kiiert

    devait

    tre

    beaucoup

    plus

    vaste.

    Ce

    qui

    rent

    sus-

    pect le

    mot,

    hors

    de

    cette

    aire, dans la

    rgion, c'est

    qu'on

    ne trouve

    aucune

    trace

    (sauf au

    N.-O.,

    702,

    801)

    de l'a

    protonique: les

    /^:^a(r)

    /qfl(r), /:^

  • 7/26/2019 Dauzat Albert - Essais de gographie linguistique.pdf

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    48

    REVUE

    DE

    FILOLOGIE

    FRANAISE

    nre :

    au

    point

    808^,

    le lzard

    vert

    Gst

    hl^^ar,

    le

    lzard gris

    la

    lezardina.

    C'est trs probablement

    sur

    une

    kT^artina

    (ici,

    on

    va

    le

    voir,

    le

    fminin

    de

    lzard

    garde

    souvent

    le

    /)

    que

    l'timologie

    populaire

    a

    travaill

    pour

    faire

    Visrtyin

    {eissartind)

    de

    Mirefleurs.

    Entre les deus

    animaus,

    le

    paysan,

    qui

    a

    des

    concep-

    tions

    naturalistes

    trs

    sommaires,

    a cru

    voir

    par

    endroits

    un

    rapport de

    mle

    femelle

    ^

    :

    le lzard

    gris

    est

    Syat

    la

    l:(cirtd

    (Jiar

    =

    lzard

    vert),

    la

    l^rdo2i

    Chanat,

    la

    l:(rdo

    Monton.

    En

    revanche,

    du

    ct

    d'Ambert,

    Vilyr est

    le

    lzard gris,

    Yilyrdo

    le lzard vert

    (Ambert,

    Tom-

    vic)

    .

    Ces mots,

    d'ailleurs,

    n'ont pas une

    fixit

    absolue dans

    un

    patois

    donn

    ;

    ils

    sont

    assez

    flottants

    ;

    leur

    emploi

    peut

    varier

    suivant

    les

    personnes. Ainsi

    Monton

    (805)

    M.

    Edmont

    est

    tomb sur

    un

    sujet

    plus

    arcasant que

    le

    mien,

    et

    il

    a

    obtenu

    lyu^ (l;(ard vert),

    hUl

    (lzard gris)

    ;

    mon

    sujet (voiturier

    de

    40

    ans,

    indigne,

    en

    1899)

    m'a

    donn

    pour

    lzard

    gris

    l^qrdo,

    visiblement

    postrieur

    hehto,

    ct

    de

    l^ar

    lzard

    vert,

    formes influences

    l'une et

    l'autre par

    le franais.

    En revanche,

    au

    Mont-Dore

    (705),

    y

    Atlas n'a

    obtenu,

    pour

    les

    deus

    espces, que

    lyu::y

    le

    sujet

    ignorant

    ou

    n'employant

    pas

    l'ancienne

    dnomi-

    nation du lzard gris

    {kur7:lyivo).

    Mme fait

    Ambert,

    o

    M.

    Michalias

    m'a

    affirm

    l'existence

    des

    deus

    termes

    pr-

    cits, tandis

    que

    le

    sujet

    de

    Y

    Atlas,

    un

    cordonnier urbain,

    peu vers dans

    la connaissance

    des btes

    champtres,

    ne

    savait

    qu'un

    mot. Au

    point

    806,

    la

    double forme

    loy,

    loyerlo

    a t donne

    pour

    les

    deus

    espces

    indiff*rem-

    ment : il se

    pourrait

    que, dans

    le

    langage

    de certaines

    per-

    I. Un tel

    fait

    se

    produit souvent dans

    l'esprit

    des paysans.

    A

    Vinzellcs,

    par

    exemple, on

    dit

    que

    les

    grosses sauterelles vertes (trs ventrues)

    sont

    les

    femelles, et

    les

    criquets les

    mles,

    etc.

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    ESSAIS

    DE

    GOGRAI-IE LINGUISTIQUE

    49

    sonnes

    du

    village ou

    de

    la

    rgion, chacune

    des

    deus

    formes

    et

    une

    affectation

    spciale.

    On

    a

    fait appel

    aussi,

    sporadiquement,

    divers

    substi-

    tuts

    lexicologiques.

    Au

    point

    805,

    je relve un

    diminutif

    de

    serpent

    (tipe

    rgional :

    serp)

    que

    la contigut homo-

    nimique

    de

    serpolet

    a

    eu

    tt

    fait d'amener

    sarpult.

    Nouvel

    exemple,

    ajouter aus

    prcdents,

    pour prouver

    que de

    nombreuses

    formations,

    paraissant

    premire

    vue

    des

    mtafores

    spontanes,

    ont

    t

    conditionnes par

    des

    analogies

    fontiques,

    des quasi-homonimies.

    Plus

    curieuse est

    la

    filleule

    ,

    que

    nous

    trouvons,

    ind-

    pendamment, dans

    la

    zone

    d'Issoire (Issoire,

    Vodable,

    Saint-Germain-Lembron),

    Lavigerie

    (au

    S.-O.

    de

    709)et

    dans

    l'Aveyron

    (point

    718).

    Une

    ncessit

    commune

    aurait-elle

    fait

    surgir cette

    appellation

    qui

    cependant,

    premire

    vue, ne

    semblait pas s'imposer?

    Il

    semble

    plu-

    tt

    qu'il s'agit d'une

    cration plaisante,

    vulgarise

    dans

    une

    vaste

    contre,

    mais

    qui

    est arrive seulement

    en certains

    points

    supplanter

    la dnomination

    traditionnelle.

    Reste

    en

    retrouver

    la

    gense.

    A

    Lavigerie, M.

    Gandilhon

    Gens

    d'Armes m'a

    signal

    que la

    terme