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M arges L inguistiques Numéro 6, Novembre 2003 Langage – Communication – Représentations R EVUE ELECTRONIQUE EN S CIENCES DU L ANGAGE Argots, « français populaires » et langues populaires ISSN : 1626-3162 — Novembre 2003 — M.L.M.S. Éditeur, Saint-Chamas, France Entre argot et langue populaire, le jargon, usage de la place publique Patrick Mathieu L’argot et la « langue des linguistes » Des origines de l’argotologie aux silences de la linguistique Louis-Jean Calvet Inédits de Pierre Guiraud : le jargon des Coquillards Pierre Guiraud Présentation de Patrick Mathieu L’impossible récolte : heurs et malheurs d’un lexicographe argotologue Jean-Paul Colin Bibliographie des recueils d’argot : quelques problèmes à élucider Denis Delaplace « Français populaire » : un classificateur déclassant ? Françoise Gadet Le français populaire : a valid concept ? Michaël Abecassis D’une théorisation de l’espace linguistique des « cités » à l’analyse lexicologique des dénominations de la femme Thierry Pagnier De Paname à Ripa : histoire d’une rupture Thierry Petitpas La langue populaire face au changement monétaire : L’arrivée de l’euro Louis-Jean Calvet Sommaire Euro : el aerolito lingüístico José Antonio Millán

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  • Le modle computationnel de l'acquisition de langues trangres et ses implications pour l'instruction de langues trangres Roberto Foth & Jean-Marc Dewaele

    M a r g e s

    L i n g u i s t i q u e s

    Numro 6, Novembre 2003

    Langage Communication Reprsentations R E V U E E L E C T R O N I Q U E E N S C I E N C E S D U L A N G A G E

    Argots, franais populaires et langues populaires

    ISSN : 1626-3162 Novembre 2003 M.L.M.S. diteur, Saint-Chamas, France

    Entre argot et langue populaire, le jargon, usage de la place publique

    Patrick Mathieu

    Largot et la langue des linguistes Des origines de largotologie

    aux silences de la linguistique Louis-Jean Calvet

    Indits de Pierre Guiraud : le jargon des Coquillards Pierre Guiraud

    Prsentation de Patrick Mathieu

    Limpossible rcolte : heurs et malheurs dun lexicographe argotologue

    Jean-Paul Colin

    Bibliographie des recueils dargot : quelques problmes lucider

    Denis Delaplace

    Franais populaire : un classificateur dclassant ? Franoise Gadet

    Le franais populaire : a valid concept ?

    Michal Abecassis

    Dune thorisation de lespace linguistique des cits lanalyse lexicologique des dnominations de la femme

    Thierry Pagnier

    De Paname Ripa : histoire dune rupture Thierry Petitpas

    La langue populaire face au changement montaire :

    Larrive de leuro Louis-Jean Calvet

    Sommaire

    Euro : el aerolito lingstico Jos Antonio Milln

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    Calendrier prvisionnel

    M a i 2 0 0 4 N u m r o 7 : ________________________

    Langue, langage, inconscient Linguistique et Psychanalyse Numro dirig par M. Michel Arriv (Universit Paris X, France)

    N o v e m b r e 2 0 0 4 N u m r o 8 : ________________________

    LAnalyse du discours : tat de lart et perspectives Numro dirig par Dominique Maingueneau (Universit Paris XII, France)

    M a i 2 0 0 5 N u m r o 9 : ________________________

    Langues rgionales Numro dirig par Claudine Mose (Universit dAvignon, France),

    Vronique Fillol (Universit de Nouma, Nouvelle-Caldonie) et Thierry Bulot (Universit de Rouen et Universit de Rennes, (France)

    H o r s s r i e 2 0 0 3 - 2 0 0 4 : ________________________

    Combattre les fascismes aujourdhui : propos de linguistes Numro dirig par Jacques Guilhaumou (ENS, France)

    et Michel Santacroce (Cnrs, Universit de Provence, France)

    H o r s s r i e 2 0 0 4 - 2 0 0 5 : ________________________

    Lorigine du langage et des langues Publication collective Marges Linguistiques

    ________________________

    La revue lectronique gratuite en Sciences du Langage Marges Linguistiques est dite et publie semestriellement sur le rseau Internet par :

    M.L.M.S. diteur Le petit Versailles

    Quartier du chemin creux 13250 Saint-Chamas, France

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    Consignes aux auteurs

    La revue Marges Linguistiques accepte les ar-

    ticles, non publis par ailleurs, prsentant un lien troit avec le thme du numro particulier auquel il est destin et faisant tat soit dune analyse per-sonnelle (corpus, exemples) individuelle ou collec-tive ; soit un travail plus spculatif et plus thori-que qui, dans une perspective originale, fait le lien entre recherches antrieures et thories linguisti-ques de rfrence, soit encore dune lecture criti-que, concise et synthtique dun ouvrage rcent dans le domaine (ayant trait la thmatique du numro en cours).

    M o d e d e s l e c t i o n

    Le principe de slection est le suivant : (1) un tri pralable sera effectu par les membres du co-mit de rdaction et aboutira une prslection des articles destins au numro en cours ; (2) cha-que article sera ensuite relu par deux membres du comit scientifique (valuation en double aveugle). En cas de dsaccord, larticle sera donn relire un troisime lecteur : consultant associ la revue ou personnalit scientifique extrieure la revue mais juge particulirement apte pour porter une valuation dans le champ concern, par le comit de rdaction.

    Lauteur (ou les auteurs) sera avis ds que possible de la dcision prise lgard de son arti-cle : (1) slection ; (2) refus avec les justifications du refus ou (3) report dans la slection immdiate accompagne des commentaires des relecteurs pouvant amener une rvision du texte pour une nouvelle soumission ultrieure.

    I n f o r m a t i o n s i n d i s p e n s a b l e s

    Les auteurs sont pris de bien vouloir accom-pagner les articles dune page de garde fournissant les informations suivantes (cette page confiden-tielle ne sera pas transmise aux membres du comi-t scientifique) :

    Nom et prnom Nom de luniversit, du groupe de recherche (plus gnralement nom du lieu professionnel) Adresse lectronique imprativement, ventuellement adresse http (site web) Notice biographique ventuellement (50 100 mots) Titre, rsum de larticle (150 mots) et 10 mots cls (en franais). Titre, rsum de larticle (150 mots) et 10 mots cls (en anglais).

    M o d e d a c h e m i n e m e n t

    ML tant une revue entirement et rsolument lectronique, gratuite, et ne disposant daucun fond propre pour lacheminement dun ventuel courrier postal, les articles proposs doivent obligatoire-ment nous parvenir sous la forme dune annexe un courrier lectronique : envoyez votre article comme document attach : [email protected]. Prenez soin gale-ment de respecter les formats. RTF (.rtf) ou .DOC (.doc) en dautres termes Rich Text File, Microsoft Word ( ce propos voir Les formats de fichiers). Prcisez dans le corps du message si le fichier atta-ch est compress et quel mode de compression a t utilis (stuffit, zip, etc.).

    Pour les raisons exposes ci-dessus, ML d-cline toutes responsabilits en ce qui concerne le sort des articles qui pourraient tre envoys par courrier postal la revue ou lun des membres du comit de rdaction. Les disquettes (Mac ou Pc) peuvent ventuellement et trs exceptionnellement tre acceptes mais ne pourront en aucun cas tre renvoyes aux expditeurs.

    F o r m a t s d e f i c h i e r s

    Les articles peuvent tre soumis dans les for-mats suivants :

    Fichiers de type Microsoft Word [version 5, version 5.1, version 6, version 7 (Pc) ou 8 (Mac), Word 2000, 2001 (Pc)]. Fichiers de type Rich Text File (.rtf)

    Lorsquun fichier comporte des images in-corpores au texte, il est bon denvoyer : (1) le fichier avec les images disposes par vos soins et toujours accompagnes dune lgende prcise en dessous de chaque image ; (2) le fichier texte seul [.rtf] ou [.doc] et les ima-ges (classes et spares) [.pct] ou [.jpg].

    Tableaux et figures doivent tre accompagns dune numrotation et dune courte lgende, par exemple : Fig. 1 : texte de la lgende. Lorsque la figure est un fichier image , utilisez une image aux formats [.pct] ou [.jpg] que vous faites appa-ratre dans le corps de texte mais que vous en-voyez galement part en [.pct], 300 dpi, 32 bits si possible.

    Vous pouvez compresser le fichier en utilisant les formats de compression [.sit] ou [.zip]. Si vous compressez une image [.pct] en [.jpg], choisissez plutt une compression faible ou standard pour prserver la qualit de limage initiale.

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    T a i l l e g l o b a l e d e s t e x t e s

    - Entre 10 pages (minimum) et 25 pages (maxi-mum) Une quantit moyenne de 20 pages est espre pour chacun des articles. - Les comptes rendus de lecture doivent compren-dre entre 3 et 6 pages (maximum) Les autres caractristiques de prsentation des comptes ren-dus sont identiques celle des articles. - 30 40 lignes (maximum) rdiges par page. Ce qui permet darer le texte avec des sauts de ligne, des titres et sous-titres introducteurs de paragraphes.

    - Chaque page de texte comporte entre 3500 et 4500 caractres, espaces compris (soit environ 2500 3500 caractres, espaces non compris), ce qui reprsente entre 500 et 650 mots.

    L e s s t y l e s d e s p a g e s

    Les marges : 2 cm (haut, bas, droite, gauche) [Reliure = 0 cm, en tte = 0, 25 cm, pied de page = 1, 45 cm sinon laissez les valeurs par dfaut]

    Interligne : Interligne simple partout, dans le corps de texte comme dans les notes ou dans les rfrences bi-bliographiques.

    Prsentation typographique du corps de texte : Style : normal alignement : justifi (si possible partout). Espacement : normal Crnage : 0. Attributs : aucun (sauf si mise en relief souhaite).

    Police de caractres : Verdana 10 points dans le corps de texte, Verdana 9 points les notes. Verdana 10 points dans les rf-rences bibliographiques.

    Couleur(s) : Aucune couleur sur les caractres (ni dans le corps de texte, ni dans les notes, ni dans les rfrences) Aucune couleur ou trame en arrire-plan (des cou-leurs peuvent tre attribues ultrieurement lors de la mise en page finale des articles accepts pour la publication)

    Paragraphes : Justifis Retrait positif 0,75 et une ligne blan-che entre chaque paragraphe. Pas de paragraphe dans les notes de bas de page. Les pagragraphes des rfrences bibliographiques prsentent en re-vanche un Retrait ngatif de 0,50 cm.

    Les notes de bas de page : Verdana 9 points, style justifi, interligne simple. Numrotation : recommencer 1 chaque page.

    Tabulation standard : 0,75 cm pour chaque paragraphe.

    Dictionnaire(s) et langue(s) : Langue(s) Franais et/ou Anglais .

    Csure, coupure de mot : Dans le corps de texte, coupure automatique, zone critique 0,75, nombre illimit. Pas de coupure dans les titres et sous-titres.

    Guillemets : Guillemets typographiques la franaise partout ( ).

    N o r m e s t y p o g r a p h i q u e s f r a n a i s e s : Un espace aprs le point [.] Un espace avant les deux points [:] Pas despace avant une virgule [,] ou un point [.] Un espace avant le point virgule [;] Pas despace intrieur pour () {...} [...] Un espace avant [?] Un despace avant des points de suspension (trois points) : [] Un espace avant [%] Un point aprs [etc.] ou [cf.] Un espace avant et aprs les signes [=], [+], [-], [X], etc.

    L e s r f r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s

    Les rfrences compltes doivent figurer en fin de document. Les auteurs utilisent des rfrences indexes courtes dans le corps de texte, en utili-sant les conventions suivantes :

    (Eco, 1994) (Py, 1990a) (Chomsky & Halle, 1968) (Moreau et al., 1997).

    (Searle, 1982 : pp. 114) ou (Fontanille, 1998 : pp. 89-90).

    Eco (1994) indique que Eco prcise galement (op. cit. : pp. 104-105) que

    Les rfrences compltes doivent tre prsentes par ordre alphabtique et respecter les normes suivantes : Un article de revue : Nom de lauteur Initiales du prnom (entre pa-renthses) Point Anne de publication Point Titre de larticle (entre guillemets) Point Nom de la revue (prcd de in : ) Volume Pre-mire et dernire page de larticle. Exemple 1 : Bange (P.) 1983. Points de vue sur lanalyse conversationnelle . in : DRLAV, 29, pp. 1-28.

    Un article dans un livre Nom de lauteur Initiales du prnom (entre pa-renthses) Point Anne de publication Point Titre de larticle (entre guillemets) Point in : nom et initiales du ou des coordinateurs de louvrage Titre du livre Ville deux-points Nom de lditeur pages consultes de larticle. Exemple 3 : Vronique (D.). 1994. Linguistique de lacquisition et didactique des langues trangres : propos de la rfrence pronominale . in : Fla-ment-Boistrancourt (D.), (ed.). Thories, donnes et pratiques en franais langue trangre. Lille : Presses universitaires de Lille, pp. 297-313.

    R e m a r q u e s s u r l e s c i t a t i o n s

    Les citations courtes (moins de deux lignes) appa-raissent dans le corps du texte, entoures de guil-lemets (guillemets typographiques la franaise). Les citations longues (plus de deux lignes) font lobjet dun paragraphe spcial de marge infrieure au reste du texte. Le texte y figure en Verdana 9 points, sans guillemets.

    R e n s e i g n e m e n t s : c r i r e [email protected]

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    quipe ditoriale

    Comit sc ienti f ique

    Jean-Michel Adam (Universit de Lausanne, Suisse) Jean-Jacques Boutaud (Universit de Bour-gogne, France) Josiane Boutet (Universit de Paris VII, France) Thierry Bulot (Universit de Rouen, France) Paul Cappeau (Universit de Poitiers, France), Jean Caron (Universit de Poitiers, France), Chantal Charnet (Universit Paul Valry Montpellier III, France) Joseph Courts (Uni-versit de Toulouse II, France) Batrice Daille (IRIN Universit de Nantes, France) Marcelo Dascal (Universit de Tel Aviv, Isral) Franoise Gadet (Universit de Paris-X Nanterre, France) Alain Giacomi (Universit de Provence, France) -Benoit Habert (Laboratoire LIMSI, Universit Paris X, France) Monica Heller (Universit de Toronto, Canada) Thrse Jeanneret (Universit de Neuchtel, Suisse) Catherine Kerbrat-Orecchioni (GRIC (Groupe de Recherches sur les Inte-ractions Communicatives, CNRS-Lyon2) Universit Lumire Lyon II, France) Norman Labrie (Uni-versit de Toronto, Canada) Guy Lapalme (Universit de Montral, Qubec, Canada) Olivier Lagt (Universit Michel de Montaigne - Bordeaux III, France) Marinette Matthey (Universit de Neuchtel, Suisse) Jacques Maurais (Conseil de la langue franaise, Qubec, Canada) Piet Mertens (Katholieke Universiteit Leuven, Dpartement de Linguistique, Belgique) Sophie Moirand (Universit de la Sorbonne Nouvelle, France) Claudine Moise (Universit dAvignon, France) Lorenza Mondada (Universit de Ble, Suisse) Marie-Louise Moreau (Universit de Mons-Hainaut, Belgique) Bernard Py (Universit de Neuchtel, Suisse) Franois Rastier (CNRS, Paris, France) Vronique Rey (Universit de Provence, France) Didier de Robillard (Universit de Tours, France) Eddy Roulet (Universit de Genve, Suisse) Daniel Vronique (Universit de Paris III : Sorbonne nouvelle, France) Jean Vronis (Universit de Provence, France) Evelyne Viegas (Natural Language Group, Microsoft Corporation, USA) Diane Vincent (Universit de Laval, Qu-bec, Canada) Robert Vion (Universit de Provence, France).

    Consul tants assoc is

    Michel Arriv (Universit de Paris X Nanterre, France) Louis-Jean Calvet (Universit de Provence, France) Jacques Fontanille (Universit de Limoges, Centre de Recherches Smiotiques (FRE2208 CNRS), France) Jacques Moeschler, Dpartement de linguistique, Universit de Genve, Suisse) Genevive Dominique de Salins, Facult Arts, Lettres et Langues, CIREC (EA 3068), Universit de Saint-Etienne, France) Andra Semprini (Universit de Lille III, France).

    Comit de rdact ion

    Michel Arriv (Universit de Paris X Nanterre, (France) Mireille Bastien (Universit de Provence, France) Thierry Bulot (Universit de Rouen, France) Stphanie Clerc (Universit dAvignon, France) Vronique Fillol (Universit de Nouma, Nouvelle Caldonie) Alain Giacomi (Universit de Provence, France) Vronique Magaud (Universit de Provence, France) Marinette Matthey (Universit de Neuchtel, Suisse) Michle Monte (Universit de Toulon, France) Philippe Rapa-tel (Universit de Franche Comt, France) Franois Rastier (Cnrs, Paris, France) Didier de Ro-billard (Universit de Tours, France) Michel Santacroce (Universit de Provence, France) Yvonne Touchard (IUFM de Marseille, (France) Daniel Vronique (Universit de Paris III : Sor-bonne nouvelle, France) Jean Vronis (Universit de Provence, France).

    Rdacteur en che f

    Michel Santacroce (Universit de Provence, France).

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    Sommaire du

    numro

    002 003 005 006 008 013 019 019 023 029

    031 033

    Calendrier prvisionnel Consignes aux auteurs Michle Monte et Yvonne Touchard (Coordinatrices) quipe ditoriale Sommaire du numro ditorial Louis-Jean Calvet (Directeur de publication) Colloques et manifestations Vronique Fillol (Coordinatrice) Comptes rendus douvrages Vronique Magaud (Coordinatrice)

    - Compte rendu critique de lecture de louvrage : Pragmatique et analyse des textes. Sous la direction de Ruth Amossy (2002). Presses de lUniversit de Tel-Aviv (Isral). Par Michle Monte, Universit de Toulon (France).

    - Compte rendu critique de lecture de louvrage : Figures dajout phrase, texte, criture. Textes runis par Jacqueline Authier-Revuz et Marie-Christine Lala (2002). Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris (France). Par Michel Santa-croce, Cnrs, Universit de Provence (France).

    - Compte rendu critique de lecture de louvrage : lments dune sociolinguis-tique critique. de Monica Heller, Universit de Toronto (Canada). Par Gilles Forlot, Universit catholique de Louvain (Belgique), IUFM de Lille (France).

    Liens sur la toile Alain Giacomi (Coordinateur) Nouvelles brves Michle Monte (Coordinatrice)

    040

    055

    065

    083

    093 103 116

    133

    Entre argot et langue populaire, le jargon, usage de la place publique Par Patrick Mathieu, Auteur indpendant (France)

    Largot et la langue des linguistes Des origines de largotologie aux silen-ces de la linguistique Par Louis-Jean Calvet, Universit de Provence (France)

    Indits de Pierre Guiraud : le jargon des Coquillards Par Pierre Guiraud, Prsentation de Patrick Mathieu, Auteur indpendant (France)

    Limpossible rcolte : heurs et malheurs dun lexicographe argotologue Par Jean-Paul Colin, Universit de Franche-Comt (France)

    Bibliographie des recueils dargot : quelques problmes lucider Par Denis Delaplace, Universit Lille 3 (France)

    Franais populaire : un classificateur dclassant ? Par Franoise Gadet, Universit Paris-X Nanterre (France)

    Le franais populaire : a valid concept ? Par Michal Abecassis, University of Oxford (United Kingdom)

    Dune thorisation de lespace linguistique des cits lanalyse lexicologi-que des dnominations de la femme Par Thierry Pagnier, Universit de Paris III, Sorbonne Nouvelle (France)

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    145

    156

    161

    De Paname Ripa : histoire dune rupture Par Thierry Petitpas, Universit de Nice, Sophia Antipolis (France)

    La langue populaire face au changement montaire : Larrive de leuro Par Louis-Jean Calvet, Universit de Provence (France)

    Euro : el aerolito lingstico Par Jos Antonio Milln, Auteur indpendant, Barcelone (Espagne)

    174 176 178 180 182 185 187 189

    Remerciements Marges Linguistiques Les groupes de discussion de Marges Linguistiques Forum des revues Thierry Bulot Prsentations de thses Rubrique ditoriale chos Marges Linguistiques LHarmattan Les appels contributions

    _____________________________________

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    ditorial

    Novembre 2003

    Introduction

    Par Louis-Jean Calvet Universit de Provence, France

    Prsenter un numro consacr largot et la langue populaire nest pas chose aise,

    dans la mesure o ces deux notions ne sont ni des objets scientifiques ni des concepts, que leurs dfinitions divergent dun texte lautre et sont le plus souvent floues. Il est donc dans ces conditions difficile de savoir de quoi lon parle ou dtre sr que lon parle bien de la mme chose. Jean-Paul Colin par exemple, dans un ouvrage rcent, dfinissait largot de la faon la plus large qui soit, comme la prise en charge, principalement lexicale, depuis des temps trs anciens, de lexpression contestataire 1, tandis que Pierre Guiraud, pionnier de largotologie moderne (mme sil na jamais utilis ce terme) a pour sa part propos trois types de dfini-tions de largot :

    - Lune de caractre historique : on voit lvolution : langue secrte des malfaiteurs >

    phrasologie particulire > signum social 2.

    - La seconde de caractre sociologique, smiologique et identitaire : Lorsque ces comportements deviennent conscients et voulus, lorsque par eux lindividu affirme, voire affiche et revendique son appartenance un groupe, ils deviennent ce quil est convenu dappeler, et ce que nous appellerons, un signum, signum de classe, de caste, de corps 3.

    - La troisime de caractre formel : Largot constitue un phnomne intressant par sa forme. Quant son rendement linguistique, il est faible : il na donn quune qua-rantaine de mots la langue commune ; et les cinq cents termes quil a forgs ne re-couvrent quun petit nombre de notions ; ils sont pauvres en mtaphores originales ou en emprunts crateurs. Cest quil se renouvelle par deux moyens purement m-caniques et quil a hrits de son ancienne vocation cryptologique : le relais synony-mique et le codage des formes 4.

    On trouve la mme imprcision pour ce qui concerne la notion de franais populaire. Pierre

    Guiraud, dans son Que sais-je ? de 1965 le dfinissait comme lusance de lIle-de-France et plus particulirement de Paris [] urbaine plutt que rurale et concluait que le franais cultiv est dfini par des rgles tires la fois dune rflexion sur lidiome et de lexprience dune tradition, alors que le franais du peuple nest soumis quaux lois naturelles qui gouver-nent tout systme de signes 5. Sous le mme titre et dans la mme collection, mais vingt-sept ans plus tard, Franoise Gadet, se situant dans une perspective variationniste, distinguait entre le franais populaire, dont (l)histoire externe se confond avec celle du dveloppement de Paris , et largot, dont la syntaxe et la prononciation relvent de la langue populaire, (et qui) demeure pendant longtemps un lexique autonome, jusqu ce que le dbut du XIX voie la disparition des grandes bandes isoles : les bandits se mlant la vie citadine des bas-fonds, largot perd son individualit, et ses lments se dversent dans la langue populaire qui elle-mme linfluence .6

    1 Colin (J.-P.). 2003. Le lexique . in : Yaguelo (M.), (ed.). 2003. Le grand livre de la langue franaise. Paris : Seuil, pp. 453. 2 Guiraud (P.). 1956. Largot. Paris : Presses Universitaires de France, pp. 6. 3 Op.cit. pp. 97. 4 Voir dans ce numro les indits de Pierre Guiraud prsents par Patrick Mathieu. 5 Guiraud (P.). 1965. Le franais populaire. Paris : P.U.F., pp. 7 et 12. 6 Gadet (F.). 1992. Le franais populaire. Paris : P.U.F., pp 6 et 7-8.

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    Plus tard elle crira, toujours propos du franais populaire : ce terme est commode pour dsigner le parler ordinaire, particulirement de Paris, bien quil soit impossible den donner une dfinition : ni sur le plan sociologique (qui sont ses locuteurs ? Qui relve du peuple ?), ni sur le plan linguistique (quels sont les traits qui le caractrisent ?) 1.

    Dans tous les cas nous sommes devant une ncessaire imprcision, qui nest bien sr pas imputable aux auteurs mais aux notions elles-mmes. Nous pourrions multiplier les citations empruntes aux linguistes ou aux dictionnaires2, mais elles nous diraient toutes la mme chose : dune part que la science linguistique na pas de dfinitions univoques pour ces no-tions, et dautre part que tout le monde croit savoir ce que sont largot et, dans une moindre mesure, la langue populaire. Il est assez frquent quun terme existe la fois dans le langage courant et dans le langage scientifique. Cest par exemple le cas, dans le domaine linguistique, de langue ou de dialecte : nous avons dun ct une vidence, voire une tautologie du type la langue cest la langue ou un dialecte cest un dialecte (cest--dire que ce nest pas une langue ) et de lautre un dbat entre spcialistes ( quest-ce que la langue ? ). La si-tuation est clairement la mme pour la notion dargot ( il parle argot est une phrase trans-parente pour tous, sauf pour les linguistes), elle lest un peu moins pour celle de langue popu-laire qui est, si lon peut dire, moins populaire.

    Mais il demeure que le thme mme de ce numro est problmatique et pourrait paratre flou3. Nous navions pas donn aux contributeurs ce qui aurait pu tre la dfinition ou notre dfinition de ces deux termes : chacun son argot ou sa langue populaire. Ainsi Mickal Abe-cassis rappelle-t-il que le mot peuple peut tour tour renvoyer lensemble dune com-munaut nationale (comme dans lexpression lu du peuple ) ou sa partie proltaire (comme dans lexpression il est trs peuple ), ce qui devrait donner au syntagme franais populaire un sens amphibologique puisquil pourrait signifier tout la fois la langue du tout ou la langue dune partie de ce tout. Pourtant, dire en franais de quelquun quil parle la langue populaire ne peut signifier quune chose : il ne parle pas la forme norme, standard, mais la forme de la rue. Franoise Gadet, interrogeant pour sa part le mme syntagme, conclue quil sagit dune notion idologique, qui classe en dclassant, mais que cet ensemble de pratiques peu homognes tmoigne cependant de quelques tendances gnrales : affranchissement (ou moindre souci) de la norme laissant libre cours aux principes auto-rgulateurs, fluctuations lies au primat de loral (dans lapprentissage comme dans lusage ordinaire), par les effets de ce quils sont avant tout voire exclusivement parls .

    Quant largot, il est tout aussi difficilement saisissable. Jean-Paul Colin, se demandant comment dcider de faire entrer tel ou tel mot dans un dictionnaire dargot, souligne que Certains (dictionnaires) confondent allgrement et ils ne sont pas toujours sans excuses parlers rgionaux, registres populaires, familiers, mots techniques plus ou moins entrs dans lusage quotidien de chacun, etc. . Et Denis Delaplace, parcourant un certain nombre de travaux de lexicologie argotique, conclut quils ont contribu sinon inventer largot, du moins en donner une reprsentation particulirement floue, partant de lide dun jargon propre des mercelots, puis des mendiants, pour ltendre celle dun lexique propre aux voleurs et aux classes juges dangereuses, puis celle dune langue verte pratique plus lar-gement dans la communaut .

    Tout cela pourrait se ramener ce que Patrick Mathieu nomme, dune formule heureuse, lusage de la place publique : si nous oublions un instant la dimension diachronique, argot et langue populaire pourraient tre considrs comme deux variantes dune immense variable qui elle-mme pourrait peut-tre avantageusement remplacer la notion de langue, mme si cette variable que serait la langue resterait dfinir.

    Pour tenter daller plus loin dans lexploration de ces deux notions, argot et langue popu-laire, nous avons, paralllement aux contributions ce numro, choisi de constituer un mini-panel, de faire ragir quelques linguistes sur ces termes flous, renvoyant deux champs s-mantiques spars par une frontire imprcise, en leur demandant de les dfinir en quelques

    1 Gadet (F.). 2003. La variation . in : Yaguelo (M.), (ed.). 2003. Le grand livre de la langue franaise. Paris : Seuil, pp. 117. 2 J.-P. Colin a labor un florilge argotologique que lon consultera avec intrt dans Les argots : noyau ou marges de la langue ?, Universit de Franche-Comt, 1996. 3 Il pourrait aussi paratre certains marginal , mais ce qualificatif ne surprendra pas dans cette re-vue

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    lignes. Leurs rponses se divisent dabord en deux groupes nettement positionns : certains (Dalila Morsly, Dominique Caubet, Philippe Blanchet) acceptent lexistence spare, indpen-dante, de ces deux notions, dautres (Carole de Feral, Didier de Robillard) tentent de les situer sur un continuum.

    Lide de Robillard est quargot et langue populaire sont la mme chose, mais avec un degr de conscience moindre pour la langue populaire qui se trouve moins loin du centre sur un axe qui irait de la norme largot. Il ajoute que ces pratiques sont la fois des marques dappartenance des groupes et de registres (comme beaucoup de marques sociolinguistiques dailleurs) . Morsly et Caubet, les deux arabisantes de notre panel, sont celles qui accep-tent le mieux la distinction entre argot et langue populaire, en faisant toutes les deux rfren-ces larabe dia-lectal . Morsly distingue ainsi arabe populaire (ou dialectal) et arabe classique ou standard , ce qui tendrait prouver le lien fort entre langue populaire et langue standard : cest par opposition larabe classique (et par refus du terme dialecte vcu comme pjoratif) que larabe parl ou le berbre sont parfois dans le Maghreb baptiss langues po-pulaires . Cette schizoglossie arabe constitue, bien sr, une situation trs particulire, mais il demeure que cest par rapport la norme, au standard, que lon peut poser la notion de lan-gue populaire, voire celle dargot, ce que marque bien Blanchet dans sa rponse nos deux questions : varit qui nest pas caractristique des classes sociales dominantes .

    Tout ceci pourrait se ramener laffirmation suivante : sans langue standard, pas de lan-gue populaire . Si nous considrons que le standard est le plus souvent une forme crite, pouvons-nous aller jusqu dire : sans langue crite, pas de langue populaire ? Et pouvons-nous ajouter : pas de langue populaire ni dargot ? Jean-Pierre Goudaillier semble le pen-ser lorsquil crit que les pratiques argotiques sont des pratiques langagires dviantes par rapport une langue dite norme 1. Mais largot est une sorte de Janus, il prsente deux fa-ces opposes, la fois registre (et en cela il se trouve sur le mme axe que la langue popu-laire, lextrme de la norme) et marque identitaire (et en cela il constitue un fait sociologique relativement indpendant de lexistence dune norme, sauf parler de norme statistique, mais alors largot se dfinit par rapport la norme de la langue populaire ). Mais la premire question demeure : sil ny a de langue populaire que par opposition une langue nor-me et si la langue norme est essentiellement crite, alors la langue populaire peut-elle exister dans des cultures sans criture ? La frquentation des cultures de tradition orale nous pousse en fait tre circonspect. Je nen prendrai quun exemple, celui de Charles Bird (1971) travaillant sur la posie orale bambara, exemple que jai dj trait dans un ouvrage dont je reproduis pour commencer ce passage :

    Constituant un corpus pour un travail sur la syntaxe du bambara, il alla enregistrer Adama Diaba-t, griot de Sgou, qui lui raconta lhistoire dEl Hadj Omar en saccompagnant de son nkoni, instru-ment cordes du type guitare. Le rsultat savra tre inutilisable car, sur la bande magntique, linterfrence de la musique avec la voix rendait le texte incomprhensible Bird demanda alors Diabat sil pouvait, le lendemain, enregistrer le mme texte mais sans musique. Le griot le regarda avec cet air de compassion que lon rserve aux malades mentaux et finit par lui dire, cependant, quil essaierait.

    Le lendemain, donc, Diabat recommena sans nkoni, mais, tout au long de lenregistrement, il mar-qua en tapant sur la table ou dans ses mains le mme rythme que celui quassurait, la veille, son instrument de musique. Bird ralisa alors quil y avait peut-tre some mysterious relationship bet-ween the rythm of his accompaniment and his oral performance [] Partant alors du couple chomskyen comptence/performance, il pose que toutes les performances quil a enregistres (Ada-ma Diabat, dj cit, mais aussi Kl Monzon et Fadigi Sissoko) sont gouvernes par le mme en-semble de rgles : le griot possderait une grammaire potique qui dfinirait la forme du systme potique 2.

    Il ne sagit bien sr que dun exemple, mais il montre lvidence quil existe un style po-tique oral, par rapport auquel la langue quotidienne ou ordinaire prendrait ses caract-ristiques populaires . Quant largot, il semble prsent dans toutes les cultures orales. Au dbut des annes quarante par exemple, la revue dakaroise Notes africaines publiait une srie

    1 Goudaillier (J.-P.). 1996. Les parlures argotiques : noyau ou marges de la langue ? . in : Colin (J.-P.), (ed). 1996. Les pratiques argotiques : noyau ou marges de la langue ? Presses de lUniversit de Franche-Comt, pp. 145. 2 Calvet (L.-J.). 1979. Langue, corps, socit. Paris : Payot, pp 38-39.

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    darticles consacrs des javanais africains1. Ces tudes portaient toutes sur des procds de transformation du signifiant, fonction ludique ou cryptique, que lon ramenait au javanais enfantin. Plus prs de nous, Grard Dumestre nous a donn une description de largot bambara2, mettant en vidence un certain nombre de procds formels et smantiques de cration de mots, et Pierre Guiraud citait dans son Que Sais-Je ? un travail de Niceforo su largot des bouchers dHano ou des sampaniers de Sagon. Ce quon appelle argot nest donc en rien li lexistence dune culture crite, et la dfinition de J.-P. Colin que nous citions plus haut, prise en charge, principalement lexicale, depuis des temps trs anciens, de lexpression contestataire , pourrait convenir, condition peut-tre dy ajouter et identi-taire . Cest plutt par le biais de la langue populaire, quil alimente en lexique, que largot est ventuellement, et au second degr, reli la norme.

    Mais reste une question, concernant cette langue populaire. Quand le linguiste dit cest la standardisation qui institue la langue populaire , ou cest par rapport la forme standard que la langue populaire marque sa diffrence , cela signifie-t-il que, de lextrieur, il pointe cette ralit sociale, ou que, historiquement, il sest situ du point de vue de la norme ? En dautres termes, quest-ce que le traitement quelle donne de la langue populaire et argotique nous dit de la linguistique ?

    Cette livraison de Marges Linguistiques tente donc de prendre en charge ces questions et quelques autres. Nous lavons organise en quatre ensembles. Le premier constitue une ap-proche de type historique, histoire de largot avec larticle de Patrick Mathieu et les indits de Pierre Guiraud3, histoire des analyses de largot avec larticle de L-J Calvet. Le second, avec les articles de Jean-Paul Colin et Denis Delaplace, concerne la constitution des dictionnaires dargot, problme lexicographique donc. Le troisime ensemble concerne la notion de langue populaire, que Franoise Gadet et Michel Abecassis interrogent dun point de vue thorique tandis que Thierry Pagnier dcrit la faon dont elle nomme la femme et que Thierry Petitpas analyse le dplacement topologique des argotiers de la ville de Paris vers certaines ban-lieues, dplacement suivi travers ltude des toponymes.

    Enfin nous avons voulu ajouter cette tude des pratiques actuelles (quelles soient populaires ou argotiques ) une analyse chaud de la faon dont elles assimilent la nouveaut et/ou en rendent compte. Cette nouveaut est leuro, monnaie europenne dont Louis-Jean Calvet et Jos-Antonio Millan se demandent comment un certain nombre de lan-gues lont assimile, la fois phontiquement, morphologiquement et mtaphoriquement.

    Nous pourrions pour conclure dire quargot et langue populaire sont des classifications de pratiques linguistiques considres comme divergentes par rapport une certaine ide de la langue standard, de la norme. De ce point de vue, ces notions sont constitues par des repr-sentations qui les situent la marge de la langue, et jamais un thme de numro na t au-tant en conformit avec le titre de cette revue que celui-ci. Mais les reprsentations rejaillis-sent sur les pratiques, les transforment, et largot ou la langue populaire sont alors galement la manifestation formelle dune raction face la norme linguistique, des formes en partie identitaires qui situent leurs utilisateurs du ct de lexclusion : exclusion par lautre et auto-exclusion. Nous nous en tiendrons pour linstant ceci, condition de ne pas y voir une dfini-tion univoque mais plutt une tentative de mise en perspective dialectique de comportements linguistiques marginaux aux yeux de leurs utilisateurs comme ceux de leurs dtracteurs.

    1 - Mademba Gaye (T.). 1944. A propos des javanais ouest-africains . in : Notes africaines, 23, Dakar. - Adande (A.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. - Ciss (B.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. - Coulibally (D.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. - Garnier (P.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. - Boubou (N.). 1945. Javanais sarakoll . in : Notes africaines, 28, Dakar. - Dutel (R.). 1947. Encore les javanais ouest-africains . in : Notes africaines, 34, Dakar. 2 Dumestre (G.). 1985. largot bambara, une premire approche . in : Mandenkan, 10. Paris : INALCO. 3 L.-J. Calvet possde un certain nombre de textes indits de Pierre Guiraud qui prparait, la fin de sa vie, un dictionnaire historique de largot. P. Mathieu en prsente ici quelques passages.

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    Rfrences bibliographiques Adande (A.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. Bird (Ch.). 1971. Oral art in mande . in : Papers on the manding. Bloomington, Indiana. Boubou (N.). 1945. Javanais sarakoll . in : Notes africaines, 28, Dakar. Calvet (L.-J.). 1979. Langue, corps, socit. Paris : Payot, pp 38-39. Ciss (B.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. Colin (J.-P.), (ed). 1996. Les pratiques argotiques : noyau ou marges de la langue ? Presses de

    lUniversit de Franche-Comt. Colin (J.-P.). 2003. Le lexique . in : Yaguelo (M.), (ed.). 2003. Le grand livre de la langue

    franaise. Paris : Seuil. Coulibally (D.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. Dumestre (G.). 1985. largot bambara, une premire approche . in : Mandenkan, 10. Paris :

    INALCO. Dutel (R.). 1947. Encore les javanais ouest-africains . in : Notes africaines, 34, Dakar. Gadet (F.). 1992. Le franais populaire. Paris : P.U.F. Gadet (F.). 2003. La variation . in : Yaguelo (M.), (ed.). 2003. Le grand livre de la langue

    franaise. Paris : Seuil. Garnier (P.). 1944. Javanais ouest-africain . in : Notes africaines, 24, Dakar. Goudaillier (J.-P.). 1996. Les parlures argotiques : noyau ou marges de la langue ? . in :

    Colin (J.-P.), (ed). 1996. Les pratiques argotiques : noyau ou marges de la langue ? Presses de lUniversit de Franche-Comt.

    Guiraud (P.). 1956. Largot. Paris : P.U.F. Guiraud (P.). 1965. Le franais populaire. Paris : P.U.F. Mademba Gaye (T.). 1944. propos des javanais ouest-africains . in : Notes africaines, 23,

    Dakar. Yaguelo (M.), (ed.). 2003. Le grand livre de la langue franaise. Paris : Seuil.

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    Colloques et

    manifestations

    Le calendrier des Colloques et manifestations est galement consultable sur Internet, sous une forme quelquefois plus complte (descriptifs longs, formulaires dinscription, consi-gnes aux auteurs, etc.). Pour accder ce service en ligne, allez http://www.marges-linguistiques.com, puis section Colloques . L e s 5 - 6 F v r i e r 2 0 0 4

    Thme : Colloque international : La communication lectronique : approches linguistiques et anthropologiques

    Lieu : Maison des Sciences de l'Homme, Paris (France) Organisation : J. Anis (Modyco, UMR 7114, CNRS/Paris X), M. de Fornel (CELITH-

    EHESS), B. Fraenkel (Centre d'tude de l'criture Paris 7-CNRS et Langage et Socit )

    Contact : [email protected] Site Web : http://infolang.u-paris10.fr/modyco/projets Prsentation : (a) L'analyse du discours mdi par ordinateur dans une perspective globale. (b) Fondements conversationnels et sociolinguistiques de la communication lectronique. (c) La construction/appropriation de l'criture dans les salles de chat de l'internet et dans les sal-les de cours de l'cole primaire. (d) Communication lectronique et genres du discours. (e) La variation culturelle dans les communication en ligne : analyse ethnographique des forums de discussion marocains. (f) Parler politique dans un forum de discussion. (g) Temporalit en In-ternet Relay Chat : le rythme du discours lectronique. (h) Du nouveau sur la distinction oral/crit ? (i) Utilisation de forums en formation ouverte et distance : analyse smio-pragmatique. (j) Le SMS : smiolinguistique d'une forme spcifique de communication lectro-nique. (k) L'crit juridique l'preuve de la signature lectronique, approche pragmatique. _____________________________________ L e s 1 1 - 1 3 M a r s 2 0 0 4 Thme : Colloque international : Dans la jungle des discours (genres de discours

    et discours rapport) Lieu : Universitad Cadiz (Espagne) Organisation : Ci-Dit : Groupe international et interdisciplinaire sur l'histoire, les

    thories et les pratiques du discours rapport Contact : [email protected], [email protected] et

    [email protected] Site Web : http://www.ci-dit.org Prsentation : Notre deuxime colloque international envisage le discours rapport dans une perspective largie aux genres du discours et la circulation des discours. Plus prcis-ment, nous voudrions explorer les liens existant entre la constitution de genres (et sous-genres) de discours et les formes, fonctions et stratgies du Discours Rapport (DR).

    Face lutopie de genres fixes, de toute ternit, classant des productions exclusivement cri-tes selon des codes clairs, force est de constater que les critres de classification utiliss ont toujours repos sur des catgories diverses (forme, contenu, coles littraires, nonciation, ) et que les formes tudies les mlent souvent de faon inextricable. Ainsi de la dnomination aux critres utiliss, on se trouve face un champ multiplement htrogne ! Mais nest-ce pas le lot de nos travaux sur le discours rapport ? _____________________________________

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    L e s 1 8 - 1 9 e t 2 0 M a r s 2 0 0 4

    Thme : Colloque international : Regards croiss sur lunit texte Lieu : Universit de Chypre (Chypre) Organisation : Dominique Klingler et Sylvie Porhiel Contact : [email protected] et [email protected] Site Web : Non prcis Prsentation : Le texte peut tre considr comme une unit globale de production verbale (crite ou orale) dont lmergence est tributaire dactivits mentales, et qui vhicule une in-formation organise en vue dun destinataire. En tant quoccurrence communicative, le texte prsente un ensemble de phrases unies par un rseau de relations que nous sommes suscepti-bles dinterprter, de comprendre, de produire : ceci est li la capacit de tout chacun distinguer ce qui est cohrent de ce qui ne lest pas. En effet, si des relations existent entre les phrases successives (cohrence locale), dautres interviennent entre diffrentes parties du texte (cohrence globale). Et cest linteraction entre ces deux types de relation qui permet daccder au sens du texte, de mme que cest la capacit mettre en uvre des procdures engendrant de telles relations qui est lorigine de la production textuelle et de son efficacit communicative. On admet, quelle que soit la thorie syntaxique laquelle on adhre, que des contraintes rectionnelles et positionnelles psent sur la phrase, en nombre fini. Or, sorti des limites de ce systme on entre dans le texte dont le dispositif obit des principes organisa-tionnels qui nont rien voir avec la syntaxe. Il est alors lgitime de se demander comment on passe dempans courts (dont la phrase est lexemple le plus reprsentatif) des empans plus larges, et quels processus cognitifs sont mis en uvre lors de ces diffrents passages, quelles marques linguistiques codent les relations de cohrence. Cest lobjectif de ce colloque qui voudrait croiser des regards interdisciplinaires sur le texte pour lclairer tant en interprta-tion/comprhension quen production. Lorientation prise par ce colloque est donc de croiser les points de vue et de confronter comment la linguistique, la psycholinguistique mais aussi le Traitement Automatique des Langues Naturelles qui utilise les rsultats danalyses linguisti-ques, se situent par rapport au texte et lexpliquent. _____________________________________

    L e s 2 5 - 2 6 M a r s 2 0 0 4

    Thme : Journes Smantique et Modlisation Lieu : ENS-LSH, Lyon (France) Organisation : GDR Smantique et Modlisation (CNRS)

    ENS Lettres et Sciences Humaines de Lyon (France) Contact : [email protected], [email protected] ou [email protected] Site Web : http://www.ccr.jussieu.fr/~risc Prsentation : Le but de cette manifestation est de promouvoir les recherches concernant la reprsentation du sens et de l'interprtation linguistiques. Compte tenu du dveloppement de l'exploitation de corpus en smantique et dans les domaine connexes, les propositions qui arti-culent l'utilisation de corpus et les problmes de reprsentation en smantique et pragmatique seront les bienvenues. _____________________________________

    L e s 1 9 - 2 2 A v r i l 2 0 0 4

    Thme : JEP'04 : XXVmes Journes d'tude sur la Parole Lieu : Palais de congrs, Fs (Maroc) Organisation : Laboratoire Parole et Langage, Aix-en-Provence (France)

    Universit de Fs (Maroc) cole Normale Suprieure de Fs (Maroc)

    Contact : [email protected] Site Web : http://www.lpl.univ-aix.fr/jep-taln04/ Prsentation : Les communications porteront sur la communication parle et le traitement de la parole dans leurs diffrents aspects. Les thmes de la confrence incluent, de faon non limitative : Production de parole ; Acoustique de la parole ; Perception de parole ; Phontique et phonologie ; Prosodie : Reconnaissance et comprhension de la parole ; Reconnaissance de la langue et du locuteur ; Modles de langage ; Synthse de la parole ; Analyse, codage et compression de la parole, etc. _____________________________________

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    L e s 4 - 5 - 6 M a i 2 0 0 4

    Thme : IVme Journes d'tudes linguistiques de Nantes Lieu : Universit de Nantes (France) Organisation : quipe AAI (Acoustique, Acquisition et Interprtation), Universit de Nantes Contact : [email protected],

    [email protected] et [email protected] Prsentation : Comme lors des prcdentes JEL, nous avons choisi un objet central suscepti-ble d'intresser simultanment plusieurs champs de recherche en linguistique, afin de raffir-mer la dimension rsolument pluridisciplinaire du travail dvelopp l'AAI (Acoustique, Acqui-sition et Interprtation) ainsi que la vocation interdisciplinaire de ces journes offrant des spcialistes diffrents (phonologues, phonticiens, psycholinguistes, syntacticiens, smanti-ciens) la possibilit de se rencontrer et de s'couter mutuellement. ____________________________________

    L e s 1 3 e t 1 4 M a i 2 0 0 4

    Thme : Colloque Sciences et critures Lieu : Universit de Besanon (France) Organisation : LASELDI Contact : [email protected] Prsentation : Limportance de lcriture et des documents graphiques dans la production des connaissances scientifiques, dans leur certification et dans les processus de mdiation de savoirs scientifiques a depuis longtemps t mise en vidence par les travaux du champ Science, Technologie et Socit (STS). Il nen reste pas moins quil parat opportun de dve-lopper des recherches franaises spcifiquement centres sur lcriture scientifique en cher-chant approfondir conjointement ces diffrentes thmatiques. _____________________________________

    L e s 1 0 - 1 1 J u i n 2 0 0 4

    Thme : Colloque International sur Lacquisition atypique du franais Lieu : Universit Franois-Rabelais, Tours (France) Organisation : Laboratoire Langage et handicap , UFR Lettres et Langues, Universit

    Franois-Rabelais Tours cole dorthophonie, UFR de Mdecine, Universit Franois-Rabelais Tours quipe 2 Autisme et troubles apparents : psychopathologie et physiopathologie , Unit INSERM 316, CHU de Tours Service de Neuropdiatrie, CHU de Tours IRSA, Tours

    Contact : [email protected] et [email protected] Prsentation : Ltude du dveloppement du langage par des apprenants atypiques se trouve au carrefour de plusieurs disciplines : la linguistique, la psychologie, la neurologie, la pdopsychiatrie, la physiologie, lORL, etc. Les investigations de la part de chercheurs et de cliniciens sur les consquences et les causes de lacquisition atypique se sont intensifies ces dernires annes. Des rsultats significatifs concernant diffrents contextes dacquisition aty-pique (la dysphasie, la dyslexie, lautisme, la dficience mentale, la surdit, lpilepsie, etc.) et diffrentes langues acquises dans ces contextes mergent de la recherche actuelle. _____________________________________

    L e s 5 - 7 J u i l l e t 2 0 0 4

    Thme : Society for French Studies : Annual Conference Lieu : Fitzwilliam College, Cambridge (United Kingdom) Organisation : Society for French Studies Contact : Professor Michael Sheringham, [email protected] Presentation : The suggested topics (Cultural Studies and the French Nineteenth Century, Contemporary French Poetry, Language and Identity, ) may be interpreted widely and are intended to encompass as broad an historical range as may be applicable. In addition to pro-posals under the headings listed, all subjects will be considered but it will only be possible to accommodate papers that can readily be combined with other submissions. _____________________________________

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    L e s 7 - 8 J u i l l e t 2 0 0 4 Thme : The French Language and Questions of Identity Lieu : Fitzwilliam College, Cambridge (United Kingdom) Organisation : Wendy Ayres-Bennett and Mari Jones Contact : Dept of French, University of Cambridge (United Kingdom) Site Web : Non prcis

    Prsentation : Le choix de code linguistique reprsente un des moyens les plus fondamen-taux dtablir un sentiment de rapprochement ou dloignement vis--vis dun groupe. Il en va de mme pour les soi-disant codes indpendants (langues ou dialectes diffrents) et inter-dpendants (registres ou sociolectes diffrents). Cependant, le rapport entre langue et identit est la fois complexe et peu prvisible : au sein de certaines communauts, la lan-gue est lemblme principal de lidentit collective, dans dautres communauts elle ne repr-sente quun lment parmi un ensemble dautres indicateurs, mais il se produit galement des conditions o cette fonction disparat compltement. La valeur symbolique dune langue risque aussi de la soumettre une exploitation ventuelle de la part de ltat (pour des raisons politi-ques) ainsi que de la part de lindividu (pour faciliter lintgration une communaut linguisti-que donne, ou pour aider lloignement dun tel groupe). _____________________________________ L e s 7 - 8 J u i l l e t 2 0 0 4 Thme : 8me congrs de l'AIS/IASS : Les signes du monde : interculturalit et

    globalisation Lieu : Universit Lyon II (France) Organisation : AIS/IASS Contact : Louis Panier, [email protected] Site Web : http://sites.univ-lyon2.fr/semio2004

    Prsentation : Les signes se conoivent et circulent dans un monde dont l'volution rcente suggre un changement de nature des relations gopolitiques et interculturelles. L'volution des modes d'change et de reprsentation du monde, les stratgies labores aujourd'hui par les acteurs politiques et institutionnels, invitent les smioticiens l'valuation critique et la mise jour de leurs concepts et de leurs outils d'analyse.

    Le 8me congrs de l'A.I.S., dont les thmes seront l'interculturalit et la globalisation, permettra de prciser les apports spcifiques de la smiotique la comprhension du monde et au dbat politique, conomique, culturel, esthtique et anthropologique. Participant ainsi la rflexion critique sur la globalisation et contribuant clarifier les problmes qu'elle soulve, les smioticiens entendent tre des acteurs du dbat contemporain : comment rendre les cultures du monde intelligibles les unes pour les autres dans leurs diffrences mmes. _____________________________________ L e s 7 - 1 2 J u i l l e t 2 0 0 4 Thme : Congrs de l'Association franaise de smiotique Lyon-France :

    Une smiotique des ges de la vie ? Lieu : Universit de Lyon II (France) Organisation : Association franaise de smiotique Lyon-France Contact : [email protected] Site Web : http://sites.univ-lyon2.fr/semio2004/article.php3?id_article=23

    Prsentation : C'est une bien curieuse tendance de notre poque de considrer qu'il y aurait une culture jeune : y aurait-il aussi une culture senior ? Une culture de l'ge mr ? D'ordinaire, ce genre de questions est rserv la sociologie. Mais, bien que le phnomne intresse au premier chef sociologues et psychologues, il semble aujourd'hui leur chapper pour plusieurs raisons. _____________________________________

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    L e s 1 2 - 1 5 J u i l l e t 2 0 0 4

    Thme : XXVE Colloque dAlbi Langages et Signification : Rhtoriques des Discours politiques

    Lieu : Universit de Toulouse-Le Mirail (France) Organisation : C.A.L.S. et le Centre Pluridisciplinaire de Smiolinguistique Textuelle de

    lUniversit de Toulouse-Le Mirail Contact : [email protected] Prsentation : Malgr de nombreuses clipses de la Grce antique aujourdhui, la rhtorique contre laquelle Hugo guerroya, et dont Renan disait quelle avait t la seule erreur des Grecs , occupe toujours une place importante dans la culture contemporaine, et sil est un domaine o elle ne perdit jamais ses droits cest bien celui du discours politique. Sans doute la rhtorique na-t-elle pas lefficacit universelle que lui attribuait Gorgias, et Socrate ne manque de le lui dmontrer en la dfinissant comme un simple savoir-faire ayant pour fin lagrment, et en la comparant la cui-sine ! Le mot rhtorique est mis au pluriel dans lintitul de notre XXVe colloque car les rhtori-ques sont multiples lintrieur de ce vaste ensemble que constitue la rhtorique . _____________________________________

    L e s 3 - 5 S e p t e m b r e 2 0 0 4

    Thme : Confrence annuelle : Association French Language Studies Lieu : Aston University, Birmingham (United_Kingdom) Organisation : Association French Language Studies Contact : Emmanuelle Labeau - AFLS Publicity Officer Site Web : http://www.les.aston.ac.uk Prsentation : French Language Studies. Marc Wilmet (ULB, Bruxelles), auteur de la Gram-maire critique du franais, le professeur Mohamed Benrabah (Grenoble), intellectuel algrien en exil et spcialiste de sociolinguistique et le docteur Jean Vienne (Turku, Finlande) pionnier de l'intgration de la traduction et de l'enseignement. _____________________________________

    L e 2 9 S e p t e m b r e 2 0 0 4

    Thme : Colloque international de Cerisy : Dialogisme, polyphonie : approches linguistiques

    Lieu : Cerisy (France) Organisation : J. Bres (Montpellier III), P. Haillet (Cergy), S. Mellet (CNRS, Nice),

    H. Nlke (Aarhus) et L. Rosier (Bruxelles). Contact : [email protected] Prsentation : On s'accorde en gnral pour attribuer la paternit des notions de dialogisme et de polyphonie aux crits du Cercle de Bakhtine qui, ds la fin des annes 1920, dfendent la thse de l'inte-raction verbale comme ralit premire des pratiques langagires. Ces notions sont depuis une vingtaine d'annes fortement sollicites par diverses thories en sciences du langage, au point que, pour certains, elles apparaissent comme aussi incontournables que celles dnonciation ou de genre du discours : de mme quon ne peut prendre la parole sans construire une scne qui distribue la personne, le temps et lespace partir de lnonciateur, ni sans sinscrire dans un genre particulier, de mme on ne saurait parler sans rencontrer notamment les discours des autres et lautre comme discours. Par del la diversi-t des approches, qui tient certainement la pluralit des thories de l'nonciation, ces notions ren-voient un mme trait de l'nonc actualis : sa capacit faire entendre, outre la voix de l'noncia-teur, une (ou plusieurs) autre(s) voix, qui le feuillettent nonciativement. Les notions de dialogisme et de polyphonie, extrmement productives en analyse du discours et en linguistique textuelle, o elles permettent un notable approfondissement du concept dnonciation, ne le sont pas moins en syntaxe et en rhtorique, o elles ont dj permis de revisiter nombre de tours et de figures. Citons dans le dsor-dre et sans exhaustivit : le discours rapport, la reprise-cho, le conditionnel, la modalisation autony-mique, l'interrogation, le clivage, l'ironie, la confirmation, la concession, la ngation, certains connec-teurs etc. Leur champ dapplication stend dsormais gal ment la smantique, o elles aident re-penser la question de la nomination. L'objectif du prsent colloque est de : (1) confronter les modlisa-tions en prsence, articuler les notions de dialogisme et de polyphonie, mettre en dbat les outils danalyse : locuteur, nonciateur, point de vue, double nonciation notamment ; (2) proposer des des-criptions linguistiques fines de marqueurs dialogiques /polyphoniques ; tudier la faon dont les genres du discours et les discours sont structurs au regard de lhtrognit nonciative. _____________________________________

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    L e s 2 4 - 2 5 N o v e m b r e 2 0 0 4

    Thme : Colloque Situations de banlieues : enseignement, langues, cultures Lieu : Universit de Cergy-Pontoise, Cergy-Pontoise (France) Organisation : Centre de Recherche Texte / Histoire

    Marie-Madeleine Bertucci, Violaine Houdart-Merot Contact : [email protected] [email protected] Site Web : Non prcis Prsentation : Le dveloppement urbain travers le temps sest traduit par diffrentes for-mes : faubourgs, banlieues industrielles, villes nouvelles., souvent marques par la dpen-dance et la sgrgation. Dabord lieu de villgiature puis espace interstitiel de transition, entre ville et campagne, les banlieues constituent aujourd'hui un espace htrogne, souvent mal connu, servant de prtexte pour parler dune crise plus gnrale, crise de la culture et crise de lcole. De nombreux strotypes se dveloppent leur sujet. Depuis le dbut des annes 80, les difficults de certaines banlieues se sont accrues et ont t largement mdiatises comme en tmoignent de nombreux ouvrages. Les conditions denseignement, notamment, ont fait lobjet de multiples publications, rapports, analyses, tmoignages, reportages tlviss qui saccordent pour pointer les difficults sur un ton plus ou moins alarmiste sans pour autant parvenir offrir une image globale de la situation, prenant en compte lensemble des param-tres culturels, sociaux, ducatifs, linguistiques et gographiques. Or, quen est-il rellement ? Peut-on poser pertinemment la question de lenseignement en banlieue sans la poser dans un contexte plus large ? Faut-il considrer qu une situation spcifique rpondent ou doivent r-pondre des pratiques spcifiques ? Lcole prend-elle en compte le plurilinguisme et le pluri-culturalisme de certaines banlieues ? Y a-t-il une territorialisation des savoirs enseigns et des pratiques pdagogiques, avoue ou non ? Quelles consquences par rapport au principe dducation nationale ? _____________________________________

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    Comptes rendus

    douvrages

    Compte rendu critique de lecture de louvrage : Pragmatique et analyse des textes

    Sous la direction de Ruth Amossy (2002) Presses de lUniversit de Tel-Aviv1, Isral

    Par Michle Monte Universit de Toulon, France

    _____________________________________

    Issu de sminaires de recherche runissant des chercheurs franais et israliens

    lUniversit de Tel-Aviv, ce livre runit un ensemble de contributions qui explorent les apports de la pragmatique lanalyse textuelle. Les genres de discours abords sont varis, allant de lessai au roman, en passant par lchange pistolaire et le rcit de vie.

    Les quatre parties qui composent louvrage puisent dans des pans diffrents de lapproche pragmatique : la premire tudie les dispositifs dnonciation et utilise les concepts dinstance nonciative et dinteraction discursive en les appliquant aux rcits romanesques. Gilles Philippe dans Lappareil formel de leffacement nonciatif et la pragmatique des textes sans locu-teur met en cause la tendance qui a consist, dans les analyses nonciatives des romans, privilgier constamment la recherche des traces directes ou indirectes du sujet nonciateur. Il sattache montrer quun autre paradigme serait plus opratoire pour rendre compte de cer-tains rcits qui sefforcent prcisment de passer pour des textes sans locuteur. De mme que les annuaires, les catalogues ou les codes civils sollicitent une lecture centre sur le texte et ne faisant nullement appel dans son processus interprtatif une instance nonciative, de sorte que leur ton est prt au texte mme et non au locuteur, certains textes narratifs ou descrip-tifs relvent dune procdure systmatique deffacement nonciatif qui a pour but de centrer la lecture sur lobjet dcrit ou le ressenti des personnages que ne transcende nulle conscience narrative. Cet article bref mais dense comporte un grand intrt pistmologique en ce quil interpelle la tendance des linguistes apprhender les textes crits selon un paradigme inte-ractionnel qui ne leur est pas toujours adquat, mais il me semble mlanger deux problmati-ques diffrentes quil y aurait intrt distinguer.

    La premire, proprement linguistique, concerne la valeur de certains marqueurs considrs traditionnellement comme essentiellement dictiques. partir dexemples extraits de textes philosophiques, Gilles Philippe interprte certains embrayeurs (pronom de premire personne, prsent) en contexte deffacement nonciatif comme ne rfrant plus S0 et T0 et propose de considrer quil y a l une grammaticalisation de la procdure deffacement nonciatif. Le pro-cs ainsi fait Benveniste davoir dlaiss ses hypothses initiales sur lexistence dun appareil formel de la non-nonciation ne me semble pas tenir face au risque de constituer par l mme deux paradigmes de marqueurs homonymes dont on ne voit pas trop comment ils se distingueraient en langue. Il me semble plus fructueux de chercher prciser quel noyau smantique invariant peut permettre des interprtations diverses en discours de formes dont linterprtation traditionnellement dictique est peut-tre reconsidrer. Les travaux dj ef-fectus par certains linguistes sur le tiroir verbal du prsent ou sur les dmonstratifs vont dans ce sens et seraient sans doute tendre du ct des pronoms.

    La deuxime problmatique ressortit davantage la narratologie : lanalyse de G. Philippe postule que certains textes construisent des points de vue sur des objets sans les rapporter une quelconque conscience perceptive, ce qui remet en cause des analyses telles que celles

    1 ISBN 965-90452-0-4, 300 pages.

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    dA. Rabatel. Elle considre galement que certains textes caractriss par lexistence simulta-ne de plusieurs points de vue de personnages sopposent la construction dune figure de narrateur. De telles affirmations posent de difficiles questions sur les rapports complexes entre points de vue et voix narrative et ouvrent la voie damples discussions.

    Dans le deuxime article de la premire partie De lnonciation linteraction : lanalyse du rcit entre pragmatique et narratologie , lanalyse trs stimulante faite par R. Amossy de Quelquun de R. Pinget conjugue avec bonheur les outils narratologiques, ceux de lanalyse de discours et ceux de linteraction. Si larticle donne moins matire dbat que celui de G. Phi-lippe, il montre avec beaucoup de clart combien lanalyse narratologique gagne envisager les diffrents niveaux narratifs quelle est accoutume distinguer (narrateur/narrataire, au-teur imagin et lecteur virtuel, auteur et lecteur rels) comme des instances en interaction engages dans des rapports de place et des stratgies de figuration complexes, partiellement dtermines par le contexte socio-historique de luvre. R. Amossy introduit aussi une catgo-rie narratologique nouvelle qui est celle, dans un monologue en je tel quil existe dans Quel-quun, du narrateur extrieur distinct du narrateur-personnage, le mettant en scne et sen dmarquant de faon construire un lecteur modle qui se dmarque son tour du narrataire auquel sadresse le personnage.

    La deuxime partie de Pragmatique et analyse des textes contient trois articles qui contri-buent tous clairer le fonctionnement concret de la polyphonie dans les textes crits, et ce sur des corpus varis puisquils abordent tour tour le roman, le thtre et lessai. Larticle dA. Jaubert nonciation clive et discours littraire sintresse trois formes diffrentes dhtrognit nonciative le discours indirect libre (DIL), le discours direct libre (DDL) et lironie en essayant de cerner la fois les conditions de leur apparition et lventail de leurs valeurs illocutoires. Lauteure parvient ainsi opposer de faon convaincante le DIL qui sup-pose une bivocalit tantt empathique tantt ironique, au DDL qui, en introduisant sans mna-gements une voix autre, en souligne laltrit, et lironie qui, plus quune reprise modalise de paroles, apparat davantage comme la disqualification dun point de vue. Les exemples em-prunts au thtre enrichissent une problmatique trop souvent limite dans dautres travaux par le recours des contextes uniquement narratifs.

    Larticle dI. Sera Ponctuation et nonciation : guillemets, parenthses et discours rap-port chez Proust , consacr aux paroles de personnages dans les romans de Proust, montre comment, par les guillemets, italiques et parenthses, le narrateur proustien la fois intgre dans son rcit les tics langagiers de ses personnages en restituant leur lexique, leur syntaxe et certains phnomnes supra-segmentaux par le biais dindications de type didascalique, et les isole par la typographie et par les commentaires dont il les accompagne. I. Sera propose de rattacher cette intense pratique citationnelle lesthtique proustienne de la traduction, qui fait du narrateur un interprte, accueillant la multiplicit des discours autres pour aussitt se les approprier en en proposant une traduction qui la fois en exhibe et en rduit lhtrognit. Le fait de style que constitue lusage proustien des parenthses et des guille-mets bien au-del des valeurs prdictibles en langue claire en retour sur les possibilits de traitement des htrognits discursives par le biais de la ponctuation conue comme un si-gne nonciatif part entire.

    Enfin larticle de G. Yanoshevsky, Lcriture polyphonique de lessai littraire , montre partir de textes thoriques dA. Robbe-Grillet comment la gestion de lhtrognit discursive dans lessai obit des stratgies de positionnement par rapport des voix autorises quil convient de citer sans toutefois leur laisser une trop large place, et par rapport des voix ad-verses qui ne sont reprises que pour tre mieux discrdites. Dans cet change agonique, tous les coups sont permis : citations hypothtiques, reformulations outrancires, annexion des mtaphores du discours garant.

    Les oprations tudies dans ces trois articles sont diverses mais ont toutes trait aux en-jeux pragmatiques des modalits dapparition du discours rapport dans les textes et nous clairent sur les multiples ressources linguistiques et discursives la disposition du locuteur lorsquil veut intgrer dans son discours des voix autres. Si les questions dnonciation sont au cur des deux premires parties de louvrage, lintrt se dplace dans la deuxime moiti du livre vers des concepts (actes de langage, rapports de places) plus strictement pragmatiques sans que les analyses perdent en prcision, du moins pour la plupart dentre elles.

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    Les articles de la troisime partie se penchent sur des actes de discours particuliers : le jeu de mots, le tmoignage et la lgitimation. Dans le premier, Actes de discours indirects et double adresse : malentendus et jeux de mots , G. Valency-Slakta sappuie sur un corpus de jeux de mots relevs dans la Comdie humaine de Balzac pour montrer que le fonctionnement du jeu de mots repose sur le principe de la double adresse : comme au thtre o certains propos sont mal compris par lallocutaire direct mais adresss en ralit au spectateur qui en saisit le double sens, le narrateur sadresse son lecteur par-dessus son personnage, le jeu de mots ou le malentendu illustrant le manque de comptences sociales, extra-linguistiques, de celui qui en fait les frais. Du coup le roman propose au lecteur des rgles dinterprtation des dis-cours qui, en insistant sur lquivoque de certains dentre eux, mettent en relief la pertinence de concepts tels que la valeur illocutoire ou leffet perlocutoire. De tels faits remettent par ail-leurs en question la conception de la fiction comme un objet clos puisque la place du lecteur est bel et bien inscrite dans le texte et bat en brche lide dune suspension homogne des rgles de la rfrence telle que la propose Searle propos de la fiction.

    Le deuxime article, rdig par C. Dornier et intitul Verbes assertifs la premire per-sonne et pragmatique du tmoignage dans les Mmoires de V. Jamerey-Duval sinterroge sur la faon dont le texte littraire, faute de sappuyer sur une situation partage, va construire par lcriture mme les conditions de crdibilit et de plausibilit ncessaires tout change. Ltude prcise des verbes dattitude propositionnelle la premire personne figurant dans les Mmoires de V. Jamerey-Duval dessine peu peu lethos dun narrateur-tmoin qui donne un caractre dvidence ses constats par lusage de verbes de perception et joue de la position du candide caractristique du je narr (et souligne par le recours des verbes comme ignorer ou simaginer) pour introduire des jugements certes nafs mais marqus au coin du bon sens et de la justice en opposition au cynisme de ceux qui savent comment marche le monde. Lacte de discours dominant se trouve tre ainsi celui de lattestation, mais il nexclut nulle-ment des actes indirects et concomitants tels que le jugement et le blme.

    Le troisime article, Parole littraire, lgitimation et dsengagement de R. Koren, se propose de montrer que le suspens de la valeur illocutoire caractristique selon Searle des ac-tes de langage raliss dans la fiction entrane un dsengagement non seulement de lcrivain auteur de la fiction mais aussi des discours critiques qui nenvisagent les textes littraires que sous un angle esthtique, faisant abstraction de leur valeur thique. Lauteure sefforce de fonder ce postulat en examinant tout dabord les textes thoriques des narrateurs ralistes ou naturalistes qui disent enregistrer le rel comme un miroir.

    Mais sil est vrai que ces textes passent sous silence la construction du rel opre par tout discours, il nest pas sr quils aient vraiment contribu construire une doxa de lcrivain dsengag de toute responsabilit dans ses assertions. Ils apparaissent plutt comme une ten-tative de lgitimation de romans ressentis leur poque comme violemment critiques lgard de la socit, et donc comme engags. Dans un deuxime temps, R. Koren sintresse au dis-cours descorte accompagnant dans un dossier de presse des textes littraires relatifs au terro-risme. Elle reproche au journaliste soit de ne donner quun jugement esthtique sur le texte propos, soit de prsenter le texte littraire comme un affrontement de positions thiquement quivalentes entre lesquelles le lecteur aurait choisir. Indpendamment de la fiabilit parfois contestable de ses analyses, la mthodologie de lauteure semble trange : elle consiste en effet vouloir approcher la spcificit pragmatique du discours littraire par la seule rfrence au discours qui laccompagne.

    Si dsengagement et neutralit il y a, on ne peut le voir que par une tude des points de vue mis en scne par les textes. Cest dailleurs ce que laisse entendre la fin de larticle o lauteure prend brusquement ses distances avec le point de vue searlien en affirmant dune part que lengagement est une composante inhrente au langage , dautre part que la vise argumentative de luvre littraire est trouver dans ses choix esthtiques et formels. De telles affirmations, auxquelles je souscris dailleurs entirement, me semblent invalider la d-marche mme poursuivie dans larticle.

    Les deux derniers articles de louvrage sont moins ambitieux mais plus convaincants. Ils proposent tous deux des analyses fines de linteraction pistolaire o les outils pragmatiques montrent toute leur pertinence.

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    Le premier, intitul tude taxmique dune correspondance diplomatique et d S. Cohen, montre comment les rapports de places dterminent les choix nonciatifs dans deux comptes rendus crits diffrents dune mme entrevue diplomatique. La comparaison des deux lettres souligne aussi combien les deux discours construisent une image valorisante de leur locuteur et une image dvalorisante du contradicteur, en sappuyant sur des strotypes qui ont ga-lement pes sur le droulement de lentrevue et sur son chec.

    Dans le deuxime article, lments pour une approche pragmatique du discours pisto-laire au XVIIIe sicle , J. Siess, aprs avoir dfini le cadre normatif qui prside aux changes pistolaires amoureux du XVIIIe sicle et rappel les lments interactionnels susceptibles de figurer dans une lettre (requte, remerciement, promesse, etc.), tudie la faon dont le cadre et les lments interactionnels interagissent dans deux correspondances. Il montre tout dabord sur un exemple prcis comment le cadre normatif de la passion permet Mme du Ch-telet dimpliciter sa requte et de prsupposer son acceptation par M. de Saint-Lambert, puis il tudie lensemble dune correspondance entre Belle de Zuylen et Constant dHermenches en reprant les normes et valeurs qui rgissent les interactants et influencent leur faon de dcoder les interventions de leur partenaire. L encore la construction de limage de lautre par le discours est au centre de la rflexion.

    Poursuivant les rflexions sur la construction de lethos et lnonciation en rgime fiction-nel dont faisaient tat Images de soi dans le discours (1999, Delachaux et Niestl) et le num-ro 128 de Langue franaise consacr Lancrage nonciatif dans les rcits de fiction , Pragmatique et analyse des textes offre aussi de prcieuses tudes sur le discours rapport, linteraction pistolaire, la littrature de tmoignage, et fait la preuve de lenrichissement que constitue la perspective linguistique pour la comprhension des textes littraires. Si, sur cer-tains points, ceux-ci semblent prsenter une complexit plus grande que le langage quotidien, du fait notamment denchssements nonciatifs qui leur sont spcifiques, ils ne constituent nullement une catgorie tanche de discours et leur tude peut clairer le fonctionnement des discours dans leur ensemble. Les corpus choisis relvent dailleurs de rgimes de littrarit souvent trs diffrents. Le propos du livre et on peut peut-tre regretter labsence dun arti-cle de synthse ntait pas doffrir une thorisation gnrale sur la composante pragmatique dans linterprtation des textes, mais de montrer le caractre la fois indispensable et fcond de la prise en compte du contexte nonciatif des textes et des enjeux communicationnels qui les traversent et orientent leurs stratgies argumentatives. La finesse des analyses, lintrt mthodologique des dmarches mises en uvre font recommander la lecture de cet ouvrage tous les linguistes qui travaillent sur les discours crits. On peut penser galement que certains apports conceptuels (sur leffacement nonciatif, le narrateur extrieur ou la bivocalit) donne-ront lieu de riches dbats.

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    Novembre 2003

    Compte rendu critique de lecture de louvrage : Figures dajout : phrase, texte, criture

    Textes runis par Jacqueline Authier-Revuz et Marie-Christine Lala. Paris : Presses de la Sorbonne nouvelle, septembre 20021

    Par Michel Santacroce Cnrs, Universit de Provence, France

    Ce livre prsente quinze contributions classes en cinq grandes parties qui tentent de dfi-

    nir en adoptant diffrents points de vue2 ou perspectives ce qui, dans la matrialit crite, fait ajout tout en se distinguant du geste gntique dajouter. Fait dajout ou effet dajout (cf. lAvant-propos de J. Authier-Revuz, pp. 7), telle sera donc la problmati-que gnrale qui servira de fil conducteur cet ouvrage qui, en croisant les approches linguis-tiques, discursives, stylistiques, ou encore littraires, parcourt la diversit sous laquelle se r-alisent les figures dajout : formes syntaxiques de lincise, de la coordination ; formes ty-pographiques des parenthses, tirets doubles, notes infrapaginales ; formes textuelles de la mise en page, des genres paratextuels et des digressions, commentaires, continuations, etc.

    La premire partie : Aborder lajout : cadres et marges, nous engage tout dabord dans une rflexion de Dominique Combe, intitule : lajout en rhtorique et en potique ; sur une possi-ble typologie des formes et des genres de lajout. Une typologie qui dune part permet de s-parer les phnomnes paradigmatiques : ratures, substitutions, hsitations ; de phnomnes syntagmatiques comme la correction et, dautre part, rappelle la suite de Genette (1982, 1987)3 la distinction entre ajouts autographes (continuation, suite) et ajouts allographes (supplment ).

    Au-del lauteur suggre de prendre en compte les dimensions spatiale et temporelle, tout en notant fort justement que la publication dun texte, en effaant la dimension temporelle de lajout, rend celui-ci invisible ou encore impensable . D. Combe enchane alors sur une question plus fondamentale, celle des frontires du texte ou encore de la textualit. Lajout est alors conu (position essentialiste) comme ce peritexte qui prsuppose un noyau formel ou thmatique (le texte, ou plutt une reprsentation dun impossible rel du texte) suscepti-ble, en labsence de centre, de devenir le texte lui-mme. La rhtorique classique et notam-ment lamplification reposent largement sur la notion dajout (au sens dadditionner) mais la condition de distinguer celui-ci de lexcs, du superflu vers lequel il tend naturellement. Ce qui permet enfin lauteur dindiquer que pour chapper une dialectique ngative de lajout (ac-cessoire ventuellement inutile, surplus) il faudrait adopter un autre modle de texte, conu non pas comme dveloppement-expansion-germination mais comme une structure ou-verte, polyphonique, polycentrique, multilinaire se construisant par ajout infini selon la logi-que de lhyperbate.

    Cette rflexion inaugurale nest pas trangre celle poursuivie par Jacques Neefs, Anne Herschberg Pierrot et Pierre-Marc de Biasi, qui, dans la contribution suivante intitule : Ajout et gense, poursuivent lentreprise typologique et dfinitoire en distinguant entre lajout gn-tique et lajout linguistique. Tout ajout (positif ou ngatif)4, nous dit-on, est pris dans le battement dune virtualit et dune rtroaction qui est le mouvement de production de luvre (J. Neefs, pp. 30). Mais ici lajout gntique se distingue de lamplification ou de la simple augmentation par son effet esthtique, par son lien avec la restructuration de lensemble de luvre, par son impact dans un processus de construction et dlaboration.

    1 ISBN 2-87854-233-9, 248 pages. 2 Journes dtudes des 4 et 5 juin 1999 la Sorbonne. 3 Genette (G.). 1982. Palimpsestes La littrature au second degr. Paris : Seuill ; Genette (G.). 1987. Seuils. Paris : Seuil. 4 La rature, la suppression, le repentir pouvant tre considrs comme des ajouts ngatifs parti-cipant la determination structurale de luvre (J. Neefs, pp. 30).

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    Anne Herschberg Pierrot aprs avoir raffirm la distinction ncessaire entre ajout graphique (commentaires de caractre mtatextuel par exemple) et ajout gntique (expansion venant aprs une rdaction antcdente et sy rapportant), sollicite quatre critres pour mieux diff-rencier ajout gntique et ajout linguistique.

    - Le critre quantitatif de la dimension : lajout linguistique serait de ce point de vue moins tendu (infrieur la phrase par exemple) alors que lajout gntique aurait une dimension discursive suprieure ou du moins une incidence discursive dune porte plus vaste (pp. 35).

    - Le critre du statut : l o lajout linguistique se dmarque du cotexte par un dnivel nonciatif et mtalinguistique (pp. 35) : virgules, tirets, parenthses ; lajout gnti-que sinscrit dans la temporalit dun processus de transformation de lcrit.

    - Le critre de la temporalit de l addition : lajout linguistique serait linaire et sinscrirait dans la succession temporelle de la chane parle, lajout gntique trans-gresserait la temporalit de la scription en induisant des retours en arrire, une m-moire des tats antrieurs de la phrase et du nouveau contexte discursif dans lequel il sinsre.

    - Le critre hirarchique enfin : lajout linguistique dans lcrit apparaissant comme un plus mais aussi comme un propos secondaire (un sur-plus), lajout gntique restant en revanche un possible du texte (pp. 36) qui nest ni accessoire ni se-condaire (par rapport au texte) mais quelquefois (le cas de Proust par exemple) plus important encore puisquil peut bouleverser la structure textuelle pralable (voir Montaigne ou le Balzac de La Fille aux yeux dor)

    Il revient alors Pierre-Marc de Biasi de souligner les paradoxes gntiques de lajout (pp. 39) en se posant la question de la lgitimit de lajout (peut-on ajouter quelque chose au dj crit ?), celle de la dlicate distinction entre dveloppement et ajout qui se dclinera, somme toute, sur le mode de la programmation scnarique et de la dviance ( quelques ex-ceptions prs comme chez Balzac ou Joyce). Lauteur pose enfin une double perspective, celle du stylisticien pour qui lajout est un segment qui affiche sa relation de similarit ou dexplicitation un segment du texte quil redouble en laugmentant sans que cette augmen-tation ne soit indispensable la comprhension, alors que du point de vue du gnticien lajout est un segment qui se manifeste comme linsertion dun nouveau paradigme, dissem-blable et non dductible de ceux qui le prcdent et qui le suivent . pp. 46).

    Au terme de cette premire partie, le lecteur pourra dune part mesurer la complexit et lintrt du phnomne abord tout en sinquitant de lvanescence constitutive des critres typologiques retenus ici lesquels tombent tous sous le coup dune incompatibilit empirique (lexception littraire) ou encore quasiment philosophique et idologique (texte ouvert, texte ferm), si ce nest dune impossibilit descriptive et interprtative (la question globale de lintentionnalit ou encore celle de lunicit de lintention ) ou pistmologique (le qui crit quoi , le qui ajoute quoi ). J. Authier-Revuz, parfaitement consciente de la diffi-cult, se/nous demandait dailleurs si lon pouvait voquer une catgorie de lajout en rap-pelant dans son avant-propos (pp. 8) que lajout est avant tout relation ou ajout 1 et le ce quoi a sajoute (dun certain point de vue : le texte) na pas plus de statut absolu que le ce qui sest ajout . Il parat alors naturel et lgitime de voir la seconde partie : Points de vue croiss : pragmatique, discursif, processuel sintresser aux relations entre une unit de base (texte ou nonc) et une sorte de corps tranger : lajout, porteur daltrit.

    Lapport de Francine Cicurel dans Le texte et ses ornementations (pp. 51-63) consiste tout dabord apprhender la question de lajout travers lusage que les textes en font. Est note tout dabord une proprit commune qui est dtre visible. Prfaces, titres, sommaires, index, notes de bas de page, parenthses, didascalies, etc. reprsentent autant d entailles graphi-ques (terme repris J. Peytard, 1982)2 reprables formellement par le lecteur. On pourrait ainsi dterminer ce qui ressort du corps du texte et ce qui pourra sapprhender comme paratexte, lui-mme subdivis en pritexte (mme support matriel que le texte) et pitexte

    1 Nous soulignons. 2 Peytard (J.) & al. 1982. Littrature et classe de langue. Paris : Hatier-Credif, Coll. L.A.L. .

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    (ensemble des textes circulant autour mais non annex matriellement comme par exem-ple une prsentation dditeurs accompagnant la parution dun livre). En ce qui concerne le pritexte, lauteur distingue ensuite entre les fonctions pragmatiques. Dun ct le dispositif ditorial (sommaire, index, subdivision en chapitres et paragraphes, appareil titrologique), de lautre un marquage plus intimiste qui peut se rapporter lintention nonciative probable du scripteur (parenthses, noncs entre tirets, italique demphase, guillemets, etc.). Sont distin-gus galement les mouvements vers lintrieur du texte (la note infrapaginale) ou vers lextrieur du texte (un titre ventuellement impos par lditeur pour faciliter la circulation sociale du texte, sa diffusion, sa consommation ). Reste se poser la question de savoir quels liens ces lments paratextuels entretiennent avec le texte. Ce quoi, lauteur rpond en voquant tout dabord une fonction dtayage : amliorer la lisibilit du texte par exemple ; et/ou douverture : introduire des possibles (ce que lauteur dsigne sous lexpression de rgime du facultatif , pp. 55). On note galement les instructions paratextuelles licites didentification dun genre discursif (marquage ou dmarquage de laltrit, orientation du lec-teur vers). Ces ornementations formelles ne sont ainsi pas anodines : elles donnent au texte son identit, en modifient le sens, le ton, le style, lorientation Elles ont enfin une fonc-tion pragmatique nous affirme-t-on qui est de faire faire ou de faire croire (pp. 57) et tmoi-gnent dune intention nonciative (trace dans la lecture muette de la vocalit) qui serait dune certaine faon analogue aux multiples variations de loralit (dbit, rythme, intonation etc.)