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7/26/2019 Davy Droit Et Personne
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tr
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
2/186
V
f
. 1
the
ppesence
of
this Book
m
the].
m.
kelly liBRAPy
has
Been
mae
possiBle
ihROuqh
the
qeneROSity
o
Stephen
B.
Roman
From
the
Library
of
Daniel
Binch/
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
3/186
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
4/186
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
5/186
>A'>
VvV'
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6/186
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7/186
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9/186
LE
DROIT, L'IDALISME
ET L'EXPRIENCE
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
10/186
LIBRAIRIE FELIX ALGAN
DU
MEME
AUTEUR
La
Foi
-jure
:
lude
sociologique
du
Problme
du
contrat.
LaForinafion
du lien
contractuel,
i
vol.
in
-8.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
11/186
LE
DROIT,
L'IDALISME
ET
L'EXPRIENCE
PAR
GEORGES
DVY
Charg
de
Cours
la
Facult
des
Lettres
de
Dijon
LIBRAIRIE
FLIX
ALCAN
108,
BOULEVARD
S
A
I N
T-
CE R
M A
I N
,
108
1922
Tous
droits de
traduclioa,
d'adaptation
et
de
reproduction
rservs
pour
tous
pays.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
12/186
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
13/186
AVERTISSEMENT
Je
runis
dans
ce
petit
livide,
et sans changer
autre
chose
que
les
titres,
trois
tudes
qui
ont
paru
dans
des recueils
aujourd'hui
puiss
: la premire
dans
Z'
Anne
Sociologique
(tome
XII)
sous
le
titre
Personnalit
et
sujet
de
droit
,
les
deux
dernires
dans la
Revue
Philosophique [numros
de
Mars-
Avril
et Mai-
Juin
1920)
sous
le
titre
:
l'Idalisme
et les
conceptions
ralistes du
droit
.
J'ai
cru
devoir
reproduire
ces
articles
sans
y
faire
ni
changement
ni addition. Depuis
qu'ils
ont
t
crits,
M.
Duguit
a
fait
paratre
une
seconde
dition
remanie
et
augmente du
tome premier de
son
Trait
de Droit constitutionnel;
et dans
cet
ouvrage
(en
particulier
p.
35
et
sq.;
59
et
sq.; kOl
et
sq.) il tient
compte
du
point
de
vue que
fai
expos
et
discute
les
objections
que
j'
ai
prsentes
sa
doctrine.
Mais comme
il
doit
faire
paratre
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
14/186
VllI
AVERTISSEMENT
prochainement un
volume
sur
la
Souverainet
,
f
ai
prfr
attendre^
pour
lui rpondre mon
tour
et le
discuter^
que
ce
volume
annonc aitparu.
Enfin
fai
eu
l'occasion galement
depuis que
les articles
ici
runis ont t crits de revenir sur les
thories
de
M.
Gny
dans
un
article de
la Revue
de Mta-
physique
et
de
Morale
de
Janvier-Mars
1921^
p.
^9-75)
intitul :
A propos
de
rvolution
de
la
pense juridique
contemporaine.
Dijon, Janvier
1922.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
15/186
LE
DROIT,
L'IDALISME
ET
L'EXPRIENCE
PREMIERE
PARTIE
Le
Droit
et
la
Notion
de
Personne^
I.
Le
sujet
de
droit :
individu et
collectivit.
II-III.
Les
vues de
Saleilles
:
droit corporatif, droit
romain
et
droit
germanique.
IV.
Les
thories
individualistes de
la fiction
et les
conclusions de
Saleilles.
V.
M
Hauriou
:
institu-
tion
et
droit objectif.
YI.
La
personnification et
le
droit
subjectif
d'aprs
M.
Hauriou,
VIL
Critique
des conclu-
sions
de M.
Hauriou.
YH .
Le
ralisme
radical de M.
Du-
guit.
Nous
assistons
aujourd'hui
une
crise
de
la
fccience
du
droit.
Les juristes
parlent
d'une trans-
formation
du
droit
priv
et
du
droit
public, d'une
reconnaissance
du droit naturel,
d'une
rvision
ncessaire du
Code
civil.
Des
thories
nouvelles
surgissent du droit
constitutionnel,
de
l'Etat,
de
la
responsabilit
et de la libert. Il semble que
tout
soit
remis
en question et que l'on veuille
dcidment
reconstruire
sur
des
fondements nou-
veaux.
La
vieille
assise
individualiste
ne
semble
1.
Cette
tude
a
paru
dans
V
Anne
Sociologique
(t.
XII),
sous
la
forme d'un
comptc-reudu critique
intitul
Person-
nalit
et
sujet de droit
.Elle
a t crite propos
des
ouvrages
DAVY.
1
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
16/186
Z
LE DROIT
plus
ni
assez
large
ni assez
solide.
Or,
parmi
les
problmes
actuellement
dbattus l'un de
ceux qui
semblent
le
plus
constamment
l'ordre
du
jour
est
celui
de
la
personnalit juridique.
11 domine
tous
les
travaux
rcents. C'est qu'en
effet
il
est au
cur
mme
du droit priv
aussi bien
que
du
droit
public
et
qu'il
constitue
en dfinitive
le problme
fondamental
du
droit.
I
Qui
est
sujet
de
droit,
source
de droit?
Est-ce
seulement
la
personne
relle
doue de
volont,
c'est--dire
l'individu
psychologique,
et
doit-on
par
consquent
recourir une
fiction
quand
on
parle
de
personnalit
juridique
propos
d'une
collectivit
ou
d'une
institution,
et sans avoir
affaire
un
individu
rel
et distinct?
Ou bien
les
groupements
d'individus
ou
d'intrts
ne
prsen-
tent-ils
pas,
sans
constituer
physiquement
une
personne
relle
avec corps
et
volont uniques,
assez de
ralit
cependant pour que le lgislateur
les
considre
immdiatement et sans
aucune
fiction
comme
une personne
sui
generis,
et
voie
en
eux
un
sujet
et
une
source
de
droit?
On
suivants
:
R.
Saleilles.
De la
personnalit
juridique,
Paris,
1910;
M.
Hauriou. Principes
de
Droit
public,
Paris,
1910;
M.
Hauriou. Les ides
de
M.
Duguit,
broch.,
1911
;
M.
Hauriou.
La
souverainet
nationale,
brochure,
1912; L. Duguit. Trait
de
Droit
constitutionnel,
Paris.
1911; L.
Duguit.
Le Droit
social,
le
Droit
individuel
et
la
transformation
de
l'tat.
Paris.
1911.
L.
Duguit.
Les
transformations gnrales
du
Droit
priv.
Paris, 1912.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
17/186
LE
DROIT
ET LA NOTION DE PERSONNE
3
comprend
qu'aucun
problme
ne
saurait
intresser
davantage le sociologue
puisqu'il
s'agit
de savoir
en
somme
si
l'on
va
consacrer
juridiquement
l'existence
indpendante
et
autonome
du groupe
ou
de l'institution
ct
de celle
ou au mme
titre
que
celle de l'individu. Il est clair que
si
l'on
s'y
dcide
sans
artifice ni
rticence,
la
notion
mme
de droit
s'en
trouvera entirement
renou-
vele
dans
son
origine et dans son application.
Mais
mme
si
on
ne
fait
que
tendre
plus
ou
moins
consciemment
vers
cette
conception,
en
substituant
peu peu,
sous
l'invitable
pression
des
faits,
la
thorie de
la
personne
juridique
relle
celle
de
la
personne
fictive,
notre
droit
s'en
trouvera
dj
considrablement
transform et notre
tradition
individualiste
branle.
Or
l'histoire des institutions
nous
rvle
en
effet
une
tendance
de
ce
genre et
nous
montre le
groupe
s'imposant comme sujet de droit
sous
forme
de
personne
morale
ct de
l'individu
personne
physique.
Mais il n'y
a l cependant
qu'une
tendance
: si
la
personne
morale
est
plus
qu'une fiction elle
reste
moins qu'une
ralit.
Lorsque les
collectivits s'organisent
l'tat
d'ins-
titutions
durables,
lorsqu'elles
prsentent
une
vritable unit
d'administration et
de dcision,
dit
M.
Saleilles,
le
droit
est bien
oblig
de
les
accepter
comme
une
ralit
qui
s'impose
lui;
seulement il
ne
peut
la
dfinir
qu'au
moyen
de
symboles
et
de comparaisons.
Il
la
compare
des
personnes
relles
ayant une
individualit distincte
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
18/186
4
LE
DROIT
et
des
droits
distincts. La
Doctrine hsite,
on
le
voit,
sur la faon
de
dfinir
et
de
reconnatre cette
ralit
qui
se
cherche.
Ne
peut-elle
pas
trouver
des
raisons qui la
dispensent
de
comparaisons,
et
lui
permettent
une
reconnaissance
directe
du
droit
des
collectivits?
Toute
la
question est
l,
et
c'est
bien
ainsi
que s'efforcent
de la poser
Saleilles,
Hauriou
et
Duguit.
En
cela ils
s'opposent en commun
tous
ceux
qui
s'en
tiennent
la
thse
purement
subjective,
M.
Berthelemy,
par exemple, qui
crit de la faon
la
plus
dcide :
le
mot personne
est
fait pour
dsigner
les
hommes entant que
sujets
de
droits.
Admettre
qu'autre
chose
qu'un
homme
aura
le
mme rle,
c'est
feindre
que cette
chose
soit une
personne.
Quand
Galigula
levait
son cheval
la
dignit de
snateur romain,
il
feignait
que
ce
cheval
ft
un
homme.
Ils
s'opposent
encore
M.
Michoud,
sans doute
beaucoup moins
intransi-
geant,
mais retenu cependant,
comme
l'a
bien
indiqu
M.
Hauriou, par une
timidit envers
le
droit
objectif.
Unis
par
le
mme souci de
faire
une
place
au
droit
objectif
ou social, ils se
divisent
sur
la
faon
de
le
concilier
avec
le
droit
subjectif.
Pour M.
Duguit
cette
conciliation
consiste
en
une
ngation
pure
et
simple
du
droit
subjectif
de
l'tat
aussi
bien que
de
l'individu
auxquels il
refuse
et
la
personnalit
et la souverainet.
Mais
sa
double
ngation
fait
vanouir
la
notion de
droit
mme,
car
faute
d'avoir
le
sens
du
social
il
ne
russit pas
la
sauver
avec
sa
thorie trop
incon-
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
19/186
LE
DROIT
ET
LA
NOTION
DE PERSONNE
5
sistante
de
la
rgle
de
droit. Saleilles au
contraire
a
le sens
del
ralit
sociale
et de
son
importance,
mais
il
ne
peut
s'empcher
de
dfinir cette
ralit
qu'il sent
en
termes
d'individualisme qui l'emp-
chent
de
la
comprendre dans
sa
vritable
nature.
M.
Hauriou a,
lui
aussi,
le
sens
de cette
ralit
sociale et
il
tente
une trs intressante
combinai-
son
entre
le
droit objectif de
1'
institution
et le
droit subjectif de
la
personne.
Mais
les
rapports
de ces deux
facteurs
aussi
bien
que
les postulats
de toute
la
construction
restent trop obscurs.
Quoiqu'il
en
soit
et en
dpit
des
divergences
entre
les
auteurs
et
de
l'insuffisante
nettet
de
leurs
conclusions,
nous
nous
trouvons
bien
en
pr-
sence
d'une
tendance commune
affirmer le
droit
des
collectivits
ou
des
institutions
organises.
II
Le
livre
si
riche de Saleilles
nous
permet de
suivre
la
formation de
cette
tendance
dans
l'his-
toire du
droit romain
et
germanique,
avant
d'en
discuter
philosophiquement
la
valeur.
L'histoire
d'ailleurs
nous
prsente
la
fois
les
deux
points
de
vue
puisque
nous voyons
cette
tendance
d'une
part
se
raliser
dans les
institutions
et
d'autre
part
s'affirmer
chez les
thoriciens.
Ainsi
Rome
nous
rencontrons
l'institution
du
collegium
et la
thorie
de
Vuniversitas.
Et
Rome est
cependant la
terre
privilgie
de
l'individualisme
Le
collegium
se
prsente
d'abord
Rome
comme une imitation,
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
20/186
b
LE
DROIT
comme
une
filiale
de la clvitas.
Tant
que
sa
capa-
cit
juridique n'est
pas
une
institution
de
droit
priv,
il
n'est encore
qu'un
organisme fonction-
nant par
dlgation de la
puissance publique.
Encore
qu'association
prive,
il
n'est en
somme
qu'une
personne
morale du
droit
public.
Celte
identification
apparat Saleilles
comme
une
erreur
commune
au
droit
romain
et
notre
droit
franais et
qui en
assimilant,
d'aprs
lui, la
reconnaissance
de
personnalits
civiles
une con-
cession
d'tat, une
reconnaissance
d'utilit
publique,
enlve au
collegium sa nature
originaire
d'association
prive.
Il ne
semble
pas
cependant
qu'il
y
ait
rien
l
de contraire
l'essence du
droit
corporatif,
lequel
ne
nous
parat pas devoir tablir
de
diffrence
de nature
autre qu'entre
groupement
et
individu.
Peu
importe ds lors que
le groupe-
ment
soit
plus
ou
moins
restreint, qu'il
soit
collge,
municipe ou
tat.
La
distinction
entre
le
point
de vue
public
et
le
point
de
vue
priv est ici
superficielle,
ce
qui est
profond c'est
celle
entre
un
droit
individuel
et
non
individuel. Pour
avoir
servi de
modle au
droit
priv, comme en bien
d'autres
cas,
le
droit
public n'a rien eu
lui
dl-
guer
originairement.
Il
faut dire
que
le
groupe-
ment
s'est
fait
juridiquement
reconnatre dans
le
droit
priv comme
dans le
droit
public
et
non
par
le
droit
public. Si
le
droit public
rglemente
cependant, et
jusqu'
la
fin
du second
sicle,
l'exercice
des
droits
privs
du
collegium,
il
ne
le
fait qu'au
nom
de
l'opinion
collective
source
de
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
21/186
LE DROIT ET
LA
NOTION
DE PERSONNE /
tout
droit
et
par laquelle il
est rglement
lui-
mme.
En
tout
cas
l'poque de
Gaus,
les
colle-
gia sont
assimils
des personnes avec
capacit
civile
drivant
du
droit
commun.
Et
c'est
dans l'interprtation que
Saleilles pro-
pose
de leur
nature
qu'on
voit
apparatre
les
incer-
titudes
et les
contradictions
de
sa
conception
du
droit
social.
Critiquant,
dans sa premire leon
les
thories
individualistes
il
dclarait
en propres
termes :
philosophiquement il
y
a un
droit
social avant
qu'il
y
ait
un
droit
individuel.
C'est
le groupe
qui
a
des
droits et
qui
en
communique
la virtualit chacun de
ses membres, bien
loin
que
ce
soient
les
individus,
comme le
voulait
Rousseau,
qui
mettent
en
commun
leurs
droits
individuels
pour crer
un
organe
nouveau
et un
droit nouveau
(p.
12).
Voulant
maintenant
dfi-
nir la
nature
du
collegium
mancip
du
droit
public, voici comment s'exprime le
mme
auteur
quarante
pages
plus
loin
:
On
cesse
de
voir
dans
les
collectivits
ainsi personnifies
(les
collegia)
des
succdans
de
la
fonction
administrative,
on
en
fait ce qu'elles
sont
rellement, des
mana-
tions du
droit
individuel
agglomr... une
pluralit
de
droits individuels groups en
vue
d'une
action
collective
organise.
Ce
sont
des
droits
privs
qui
font masse.
Il
faudrait
s'entendre. Si c'est
le
groupe
qui
communique
ses droits
l'individu,
comment
le
droit
du groupe
se
rduit-il
une
masse
de
droits
individuels?
Groira-t-on,
pour
lever
la
contradic-
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
22/186
8 LE DROIT
tion,
que l'auteur
sous-entend
l'existence
relle
d'un droit
nouveau
issu du fait
qu'il
y
a masse
et
concentration.
Mais
il
prend
soin
de
nous
inter-
dire
lui-mme
cet
essai
d'interprtation
en
nous
disant de
cette
concentration
:
Ce
n'est
pas elle
qui
change le
caractre des droits
qu'elle
a cen-
traliss
et unifis.
Ils
restent
des
droits
privs,
exercs pour
le
profit
d'un
certain nombre
d'indi-
vidus.
Partout
ce sera le
but
individuel,
l'initiative
prive bien
que
collective qu'il faudra avoir
en
vue
et
faire respecter.
(p.
55).
Cette
initiative
prive
bien que
collective,
que nous
soulignons,
n'est
pas
en
vrit
chose
claire.
L'obscurit
est
peut-
tre
augmente
du
fait
que,
partant
de
la
distinc-
tion
de
la
lgalit
et
de la capacit
des
associa-
tions, l'auteur
oppose
leur
sujet
le
point
de
vue
du droit priv
et
le
point de vue du
droit
public,
et
qu'il
identifie
ensuite
avec cette
opposition
l'opposition
pourtant
bien diffrente
du
point
de
vue
individuel
et
du
point
de
vue
collectif.
L'autorisation
rendue
ncessaire
par
la
Lex
Julia
pour fonder
des associations
licites
ne fit
qu'accentuer
la similitude
entre
les
collegia
et
les
organismes
du
droit
public.
Et
cette
similitude
tait
si
peu
propre
fausser
le
concept
de
droit
corporatif
que
c'est
en la
creusant
que les
juristes
romains
prcisrent
la thorie
de V
universitas
,i\\ii
prcisment
substitue
la
notion
d'un
ensem-
ble
de membres
runis
en
collectivit
celle
de
groupement
organnjue
unitaire,
et
superpose
la
respublica
nupojjulus
/'omanus,
le
municipiu/n
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
23/186
LE
DROIT
ET LA
NOTION DE
PERSONNE
\f
aux
municipes. D'une faon
gnrale
Vuniversitas
dsigne
l'unit et
la
ralit
spcifique
de toute
espce
de
groupement
de
droit
public
ou
priv.
Elle s'oppose
la
somme
des
individus,
aux sin-
guli. Marcien dit
en
parlant
des
biens
des
cits
:
universitatis
sunt
non
singuloruni,
et
de
mme
en
parlant
du servus communis
: nec
singulonun
pro
parte
intellegitur
sed
universitatis.
Ulpien,
au
Digeste
(2.731
3-4)
s'exprime
non
moins
nette-
ment.
Aussi
Saleilles
conclut-il
avec
raison
:
Vuniversitas iovx^
apparat
comme
un
sujet de
droit
se
dtachant
dsormais
de
la
personnalit
des
individus.
La
notion d'unit
efface
donc
celle
de
pluralit
mme
sous
la
forme
de
collecti-
vit
indivise.
Ce
nouveau
sujet de
droit,
propri-
taire
unique,
c'est la
cit, c'est
le
collge
consi-
drs
dans
leur
unit corporative.
Toutefois
cette conception
ne
fut
peut-tre
pas
dgage
avec
une
nettet
absolue
et
une
rigueur
complte
par
les
juristes
romains
:
il
y
a
un
flot-
tement
dans les textes
et
certains paraissent se
rfrer
l'ide
pluraliste,
llolder et
Binder
n'ont
pas manqu de
faire
l'objection
Gierke,
grand
partisan
de la
thse
de
la
ralit.
On
trou-
vera
dans
le
livre
de
Saleilles
un
expos
de
la
controverse
et une
trs
intressante
discussion
des
textes
de Marcien
et
d'Ulpien.
Mais
notre
auteur,
tout
en
dfendant
l'interprtation
qui fait
de
Vuniversitas
une unit
relle,
ne
peut
dcid-
ment
pas
se la
reprsenter sous
sa
vritable
forme
collective.
Il
lui
faut
la
composer
toujours
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
24/186
'10
LE DROIT
d'lments
individuels qu'il
essaie
de
fondre
ensemble,
grce
la notion de
but
atteindre,
tentant
ainsi
une
conciliation
bien
obscure
entre
la
tlise
de
l'unit
et celle
de la
pluralit, entre
Gierke
et
Holder
:
U
universitas
des
Romains,
crit-il
n'tait pas un
sujet de droit distinct des
individualits
qui
la
ralisaient, mais un
sujet
de
droit
compos
de
ces
individualits
elles-mmes,
de
telle
sorte
que
celles-ci trouvaient dans
le
droit
unitaire
de
Vuniversitas
de
nouveaux rap-
ports
de
droit, on,
si
l'on
veut, de nouveaux
droits
individuels
destins
caractriser
leur
situation
en
tant
que
membres
de
Vuniversitas.
(p.
88).
Il
nous
parat
plus
exact
et
plus
clair
de
con-
clure
que
Vuniversitas sut
s'imposer
la thorie
romaine
comme
une
source
distincte
de
droit,
conclusion
qui
est
bien
aussi
au fond celle o
s'in
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
25/186
LE DROIT
ET
LA NOTION DE PERSOiNNE
41
ressante
tude des fondations
que nous
ne
pou-
vons
suivre
dans
le
dtail.
Le
droit
romain,
tout
individualiste
qu'il
tait,
a
su
consacrer
juridique-
ment
tous les
organismes objectifs que
les faits
lui
imposaient
depuis
la personnalit
purement
corporative
de l'association
jusqu'
la
personna-
lit
de pure affectation
des
piae
causae en
passant
par
la
conception
mixte de
la proprit
ecclsias-
tique .
III
Le
mme
point
de
vue
raliste
touchant
le droit
des
groupes
ne
pouvait
pas
ne
pas
triompher dans
le droit
germanique.
Le
rgime
de
communisme
qui
caractrisait
l'tat social des
Germains
y
tait
essentiellement
favorable
:
ils taient
habitus
n'envisager
la
communaut que
par son
ct
social,
et
jamais
par
son
ct
individualiste.
L'indi-
vision
ou proprit en
main
commune,
par
Gesamte
Hand,
fut
donc
tout
naturellement
leur
premire
tape
dans
le
progrs
dont
nous
parlons
:
au
sein
de
cette
indivision
on
ne
pouvait
pas
imiivi-
dualiser
les
droits de
chacun
comme
dans
la
coproprit
romaine,
car
le
principe
de
commu-
naut
s'tendait non pas
seulement
au
rgime
des
parts
mais
aussi
la
conception
du
droit,
La
proprit commune
du
droit
germanique
forme
donc
une
masse
part,
administre
par
l'ensemble
des
copropritaires, et
elle recle
en
elle
la plu-
part
des
avantages
attachs
la
personnalit
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
26/186
12
LE
DROIT
civile,
d'autant
plus qu'en pratique la gestion s'en
unifia
souvent
par
dlgation,
de faon
fonc-
tionner
comme
ferait
un
patrimoine
rig
en
per-
sonne
juridique
et dou
de
personnalit.
Et
ainsi,
la
diffrence
de
ce
qui
se
passait
Rome,
l'indivision
s'organisait
spontanment
chez
les
Germains
en association, la
Gesamte
Hand
en
Genossenschaft,
Mais
thoriquement la
diffrence entre ces
deux
formes
est grande
parce
cjuela
seconde
seulement
ralise
l'unification
vritable du
patrimoine
et la
substitution
du
droit collectif au droit
individuel
des
propritaires
communs.
La premire
cependant
l'annonait
dj.
Aussi
dans
ce
droit
n'est-il
besoin de
nul effort
pour
se
reprsenter
le
droit
propre
du groupe.
Et
Saleilles
crit
trs juste-
ment
:
pour
qui
et
voulu
cette
poque
identi-
fier
le
droit
avec
l'ide
de
volont,
c'est
la
volont
collective
qu'il
et
fallu
en
rattacher
la
manifestation.
Et
encore
:
La
force
cratrice
du droit est
au moyen-ge
dans
les
collectivits,
peine dans
l'individu
.
(p.
200-201). Peuimporte
aprs
cela
que
la
Genossenschaft
ne
ralise
pas
encore
intgralement dans les
faits le
droit
col-
lectif
unitaire,
et
qu'elle
recle
encore
en
elle
des
survivances
du
rgime
d'indivision :
complte-
ment
actualise ou non,
la
tendance
laquelle
elle
rpond
est
certaine. Et l'on s'tonne
que
Saleilles
qui l'a
si bien
analyse
et qui a
mis
si
fortement
enlumire
la
volont
collective
distincte
qu'elle
implique
cherche
encore, aprs les
dcla-
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
27/186
LE
DROIT ET
LA
NOTION DE
PERSONNE
13
rations
trs
nettes
que
nous
avons cites
parmi
une foule
d'autres,
un biais
qui
permette
de
ramner
ce
droit
au
droit
subjectif,
pour
le
cas
dit-il,
o
l'on
voudrait
tout prix
donner
pour
fondement
unique au droit la
volont
autonome
de
l'individu.
Pour qui ne le veut pas
tout prix,
il
faut
recon-
natre
qu'en droit
romain le
collegium,
qu'en
droit germanique la
Genosse?ischaft
comme
aussi
la
Korperschaft
laquelle
Saleilles
consacre
ga-
lement
un
intressant chapitre,
s'imposrent,
dans
le
domaine des
institutions,
la
conscration
du
lgislateur. Voil
donc
des
choses qui
appa-
raissent
au
mme
titre
que
les
sujets individuels,
comme
des
sources, comme
des centres de
droit.
Il semble ds
lors que
la
thorie
n'aura
qu'
suivre la pratique
pour l'laborer
et dgager
de
ses indications de fait une
notion
systmatique
moins troite que celle
de
droit
subjectif indivi-
duel.
Or
aprs
s'tre en
efet oriente
dans
cette
direction au
moyen
ge
propos
de la
Korperschaft
nous
voyons au contraire
la
doctrine incliner
peu
peu vers un
point
de vue diffrent.
On
ne
peut
videmment
mconnatre
l'existence
et
la
situa-
tion
de
fait
des collectivits
et
des institutions,
mais
on
cherche
des
artifices
pour
en
rendre
compte
sans
renoncer
aux principes
fondamentaux
de
l'individualit
et
de la volont.
C'est ainsi que
nat
la
thorie moderne de
la
fiction
de Savigny
et
de
ses
successeurs
: elle
considre
la
collectif
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
28/186
14
LE
DROIT
vite comme
une
entit
abstraite,
comme
une
con-
ception
de
l'esprit,
et non comme
une
ralit,
sinon
fictive,
et
conclut
par
consquent
que
la
personnalit
juridique
ne peut
tre que
de
cra-
tion
lgale,
parce que
seule
la loi
peut donner
Ttre
juridique
des
entits qui
n'existent
pas dans
la
ralit.
Il en
rsulte
que
la thorie de
la
fiction
se
trouve
dangereuse,
par
un
curieux
contre
coup, au droit
individuel
en mme
temps
qu'au droit
des
collectivits
:
c'est
le
rsultat de
son
principe de
l'autorisation lgale.
Voil une
construction
bien
complique
et
bien
artificielle :
de
peur
d'admettre
des droits sans
sujet,
on
invente
un
sujet
fictif,
et
puis
l'invention
de
ce
sujet
fictif
empche
dans certains
cas le
sujet rel
de
jouer son
rle de
sujet rel,
et
tout cela prci-
sment
pour
sauvegarder
la notion
de
sujet
Mais
la
contradiction semble
bien
en
effet
tre
le
destin
de
la
thorie
de
la
fiction.
N'est-elle
pas
ne
au
moyen ge,
comme l'a trs
bien
montr Saleilles,
pour
consacrer une ralit
juridique
en
soi, et
faire
sanctionner
un
nouveau
rapport
de
droit. Et
cependant
partir
de Domat,
de Pothier
et
de
Savigny on
voit
tout
changer
:
la fiction
sert
dsormais
faire
comprendre
qu'on
avait
sanc-
tionn
tort
ce rapport
juridique
nouveau. La
fiction
produit
son
effet
rebours
:
elle
aboutit
une
dformation de la ralit
et
une
rgression
du
droit.
D'autres
tentatives
doctrinales
ont
t
faites
encore
pour
essayer
de
montrer
que
le vocable
de
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
29/186
LE DROIT
ET
LA
NOTION
DE
PERSONNE
15
personnalit
ne dsigne
vritablement
aucune
ralit propre.
Pour
M.
Planiol par
exemple
la
personnalit
signifierait
simplement
qu'on
est
en
prsence
d'un
patrimoine
qui
appartient
collec-
tivement
tous les associs;
et
pour
Brinz
d'un
patrimoine
qui
n'appartient personne
sinon
son afFectalion.
Dans
le
premier cas
on voit
que
nous sommes aussi loin
que possible
de
la ten-
dance raliste
laquelle nous nous
sommes
atta-
chs. Dans le
second on
nous
fait
aboutir
au
contraire
ses consquences
les plus
excessives.
Or,
pour
affirmer
l'existence
d'une ralit,
nous
ne
prtendons
nullement
supprimer
toutes
les
autres,
et
nierle
rle
de
la
volont
comme
source
et
sujet
de
droit.
On
a
raison
de
parler
de
ralit
patrimo-
niale
affecte;
mais
cela
ne
doit
pas
plus
exclure
la
volont
collective
que
la volont
individuelle
comme
sujet
de
droit.
En dfinitive
la
leon
qui
se
dgage de
l'obser-
vation
des
faits
et
de
la
confrontation
des
thories,
c'est
la
ncessit
d'largir
la notion
de
droit
loin
d'en exclure
tel
ou
tel
lment.
Et
c'est cette
ncessit que conclut Saleilles, aprs
un dernier
examen des
thories
complexes
de
Holder
et
de
Binder.
Pour
lui
le
droit
est
un
pouvoir
de
rali-
ser
des intrts,
et
un
pouvoir qui
est
exerc
par
une volont.
Mais
quoique
le
type de
cette
volont
soit
videmment
la personne
humaine,
ce
n'en est
cependant
pas
le
type
unique
:
11 n'y a plus
rien,
crit-il,
dans ce
qui fait
l'essence du droit
telle
que nous
l'avons
vue
ressortir
des
faits
et
de
la
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
30/186
16
LE
DROIT
nature
des
choses
qui
exige que la
personne
humaine
soit
le
seul
tre
capable
de
droits.
On
le
proclame dans
la
thse
qui
ne
voit
que
l'individu,
et
qui
part
de
l'individu
pour constituer
la socit,
dans
la
thorie du
contrat
social. Il
n'est
plus
pos-
sible de
le dire
dans
celle
qui
fait du
droit avant
tout un
produit de
la
vie
en
commun organise
et
hirarchise.
Car
cet
tre
qui
s'appelle
la
socit
peut contenir
ou
produire
en
lui-mme
d'autres
groupements
similaires
investis
d'une
fonction
sociale partiellement
identique,
et
dont
le but
par
consquent
soit
au
suprme degr
celui
que
le
droit a
en
vue.
Ce
sont
donc
des
collectivits
ayant
des
droits,
et par
suite des
personnes
juridiques
au
sens
idal
du
mot
(p,
545).
V
A
ces
conclusions
de
Saleilles
qui
nous
parais-
sent
en
effet
s'imposer,
sinon
s'accorder
absolu-
ment avec
toutes
ses
prmisses,
comparons
celles
dont
nous
avons dj
indiqu
l'esprit,
de
M. Hau-
riou
et de
M.
Duguit.
Or
il
est
vident
que
\
institution
telle
que
la
dfinit
M.
Hauriou
sera
une
de
ces
ralits
dans
lesquelles Saleilles
nous
propose de
voir,
aussi
bien
que dans
la
personne
humaine,
une
source
de
droit. Lorsque
Saleilles
nous
signale
que les
premiers
procds
de
ralisation
du
droit
nous
apparaissent
comme
le
produit
d'organisations
plus
ou
moins
rudimentaires
destines
agir
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
31/186
LE
DROIT ET LA
NOTION DE
PERSONNE
17
sur le
terrain juridique
et
produire
des
effets
de
droit; lorsqu'il
nous
raconte
que
les
pre-
miers
groupements
humains
nous
apparaissent
moins comme des
associations
que comme
des
institutions
organises
et
hirarchises,
sup-
rieures
aux
individualits
qui
les composent,
comme c'est le
cas
de
la famille
groupe
en
institution
sociale
et
de
tous les
groupements
du
rgime
fodal,
ne
semble-t-il
pas
qu'il
nous
introduit prcisment
la
trs
intressante thorie
institutionnelle de
M.
Hauriou?
C'est en efet,
pour cet
auteur, de l'organisation,
dans
les
faits,
d'institutions juridiques amnages
etquilibres,
qu'il faut partir
avant de parler
de
personnalit
juridique.
Pour
lui
les
lments
qui
constituent
la
personne juridique
ne
doivent pas
tre
dduits
du
concept
subjectif de
la
personne. C'est au con-
traire
le fait
qu'ils
se
trouvent rassembls objecti-
vement dans
une certaine institution qui permet
d'attribuer
cette
institution
la
personnalit
juri-
dique.
Ces lments
se rattachent en
effet si
peu
a priori
au concept de personne subjective
qu'on
peut les
trouver
rassembls dans des
institutions
qui n'ont pas,
mais
qui, de
ce
fait,
se
trouvent
sus-
ceptibles d'avoir la
personnalit
juridique.
Tels
les
ministres,
qui sont
des
institutions o l'on
trouve un centre d'intrt
et
de volont
et
un
pouvoir
de dcision, des organes, un
amnagement
et un
quilibre,
et
qui
malgr'
la prsence
de ces
lments
que la thorie
classique rapporte
la
personne
morale
comme
telle,
ne
sont
cependant
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
32/186
18
LE
DROIT
que
des
individualits
objectives
et non
des
per-
sonnes
morales.
Ds
lors
il
n'y
a
pas
de raison
pour
que,
lorsque
nat
la
personne
morale,
on
se
croie
oblig
de
ne
rattacher
qu'
elle
seule tous
ces
lments
qu'on
se
hte
pour
cela
de
dtacher
de
Torganisme
objectif.
C'est
donc
bien
des lments
objectifs
qu'il
faut
partir
:
c'est
eux
qui
sont
le
support
de
la
personnalit.
Qu'est-ce donc
que V
institution
^
synthse
de ces
lments
objectifs?
Traitant
de
droit
public,
celle
que
l'auteur
va
tudier
c'est
la nation.
Or
toute
l'organisation
sociale d'un pays
peut se
ramener
un
ensemble
de
situations tablies,
maintenues
ou
cres
par
un
pouvoir
de
domination.
Si
l'quilibre
s'tablit
entre le
pouvoir de
domination
et
l'en-
semble des
situations
tablies,
alors
les
tats
de
fait se
transforment en tats de droit
Tintrieur
de
la
nation.
Mais
pour que cette
transformation
d'ensemble
soit
possible,
il
faut
que,
dans
chacune
des
situations,
il se
produise un
tat prjuridique,
qui
appelle la
reconnaissance
du
droit,
en raison
du
but
et
de
la fonction
impliqus
par
cette
situa-
tion et
non
pas
seulement
en raison
del
volont.
Donc
par
la
vertu de
l'ordre
et
le
jeu
de l'qui-
libre,
la
nation se trouve
amnage
en
rgime
d'tat
. Et c'est
l
l'institution
objective
qui
ser-
vira
de
support
l'tat
personnifi.
L'individua-
lit
sociale
de
la
nation,
crit
notre
auteur,
n'est
apte
tre
complte
par
une
personnalit
juri-
dique
qu'aprs
avoir
t
amnage
en rgime
d'tat
par
un
systme d'quilibres
de
pouvoirs
et
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
33/186
LE DROIT
ET LA
NOTION
DE
PERSONNE
49
de
situations
tablies,
de
mme
que
l'individualit
physique
de
l'homme
n'est
apte
tre
complte
par
une
personnalit
morale
qu'aprs
avoir
t
elle
aussi
amnage
par
des
quilibres
physiques
et
physiologiques.
(p.
100).
Bien
que cette
compa-
raison ne soit
peut-tre
pas des
plus
claires,
l'institution
o
va s'incarner
le
droit
nous
apparat
bien
nanmoins, chez l'auteur,
comme
une
ralit
sociale
distincte des
individus
(cf.
p.
129,
note
3),
et
comme
constituant
un
droit
de
groupe
ct
du
droit individuel.
Et c'est
avec
raison
qu'
ce
point
de
vue
il
n'tablit
aucune
diflrence
de
nature
entre
les groupements divers,
entre
le
droit
public
et
le
droit
priv
:
Le
plinomne
de
la cration des
rgles juridiques
va tre tudi,
dclare-t-il,
en
prenant
pour
objectif
principal
l'institution
nationale,
mais
en observant
nan-
moins qu'il se
manifeste aussi
dans
les
autres
institutions
quoique
un
degr
moindre.
(p.
156).
Ces
rgles
de droit d'origine
institutionnelle
ainsi
poses
ct, sinon
la place
des rgles
d'origine individuelle
comprennent
des
rgles
de
droit
disciplinaire,
dans
lesquelles
l'intrt
du
groupe
se
manifeste
par
la
coercition
du
pouvoir
de
domination,
et des
rgles de
droit statutaire
qui
expriment
l'adhsion
individuelle
des membres
aux
procdures
collectives de
la
vie
corporative.
Les
rgles
disciplinaires ne
se
confondent
pas
avec
le droit
public de
l'tat, mais
elles viennent
l'alimenter.
Le
droit pnal
par
exemple,
qui
est
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
34/186
20
LE
DROIT
devenu
du
droit public,
a d
tre
d'abord
du
droit
institutionnel disciplinaire.
Voil
pourquoi
il
a
des bases si
multiples.
Quant
au
droit
statutaire il
reprsente
les
modes d'action
permis aux
indi-
vidus
au
sein
de
l'organisme
dont
ils
font
partie.
Et
il
fournit l'explication
de
la valeur
juridique
d'actes qui
ne
sont pas
des
contrats
tout
en
repo-
sant
sur
des
phnomnes
de
consentement
et
que
les juristes
ont
appels
des
actes
complexes.
L'institution
ainsi dfinie
par un
ensemble
de
situations tablies,
rendues
juridiques
par la
con-
scration
du
droit disciplinaire
et
du
droit
statu-
taire,
nous
place
immdiatement
en
plein
droit
rel,
sans
qu'il
y
ait
eu lieu
de
ramener les
rap-
ports
juridiques
qu'elle
contient
des relations
de
droit
personnel. Gomme
application
particu-
lire
de
ce
nouveau point de
vue, on substituera
par
exemple
la considration
des
rapports
per-
sonnels
entre
la
personnalit
morale
de
l'institu-
tion
et
ses
organes (fonctionnaires,
etc.),
celle
des
rapports
de
droit
rel
entre
l'organe
et
la
fonction
considre
comme une
chose
active.
D'une
faon
gnrale
le
systme juridique
a deux
ples, celui
des
personnes avec
le
droit
subjectif,
celui
du
droit
objectif avec les choses.
Laissons
l'auteur
prciser
lui-mme
son
point
de
vue
et
l'opposer
celui de
M. Diiguit
;
Il est
impossible,
crit-il,
de
prendre
la
direction
du
droit
objectif
sans aller
jusqu'aux
choses.
S'arrter
mi-chemin
n'est
pas
logique.
C'est
le
parti
qu'a
pris
M. Duguit qui
n'arrive
pas
une
conception
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
35/186
LE
DROIT
ET
LA NOTION
DE
PERSONNE
24
des
fonctions
sociales
considres comme
des
choses... Sa construction
de
droit subjectif est
vide
de
choses.
Il
n'y
a
pas
dans
l'tat
tel
qu'il
le
con-
oit
de
personnalit
subjective, et
il
n'y
a
pas non
plus
de choses. Il n'y
a
qu'un
pouvoir
obissant
uno rgle
juridique.
On
ne voit pas
comment
un
pouvoir
peut s'asseoir et
par
consquent
devenir
un
tat
de
choses.
(p.
174).
Pour
M.
Hauriou
au
contraire l'tat
est bien une
chose,
et si
bien une
chose, qu'il
le
considre
plutt comme
une
Fon-
dation, c'est--dire
un
ensemble actif de choses
que
comme une
association,
c'est--dire
un
ensemble
de
personnes.
Et
sans
doute, M.
Hauriou
a
raison
de
reprocher
M.
Duguit
un
dfaut
de
ralisme,
mais
qu'
son
tour il
se
garde
lui-mme
d'un excs de
ralisme,
car
le
droit
n'est
dans
les
choses que si
l'opinion veut
bien l'y
sentir. Il
y
a
l
un point sur
lequel
nous
aurons
revenir.
VI
Ainsi
d'aprs
notre auteur tous les
droits sont
d'abord objectifs
et
ils
naissent de
l'institution.
Mais
certaines
influences agissent
ct
de
l'ins-
titution
et
viennent
introduire
les
lments
sub-
jectifs
:
ce
sont le
commerce
juridique
et
le
contrat.
Le
commerce
juridique
introduit dans
la
socit
institutionnelle
un
lment nouveau
:
l'change
qui
implique
la notion
subjective
de
valeur et
aussi
la
distinction
entre
sujets diffrents.
L'auteur
indique
avec
raison
que
le
commerce
juridique a,
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
36/186
22
LE
DROIT
au
point
de
vue
du
dveloppement
du
droit,
une
importance
qu'on
ne
saurait
exagrer.
Notre
droit
des
obligations
n'est
qu'un
rsidu
du
droit
com-
mercial
de l'antiquit.
Le
droit
du
prteur
tait
une
sorte
de
droit
commun
commercial emprunt
aux
Grecs et aux Phniciens qui
eux-mmes
l'avaient
emprunt aux
Egyptiens
et
aux Ghal-
dens.
Et non
seulement
les
usages
du
commerce
crent
des rgles
de
dtail
comme
celles
du droit
maritime
ou des contrats,
mais
ils
dgagent
des
rgles
gnrales qui sont
proprement parler des
postulats
de la
justice
commutative,
de
celle
qui
a
pour
symbole
la
balance.
Enfin
en mettant
en
rapportles
individus
les
uns
avec
les autres,
et en
leur
donnant
l'occasion
du
pari,
du risque
et
du
crdit,
ils favorisent singulirement l'closion
et
le
dveloppement de la
libert
individuelle.
Ainsi,
conclut
M. Hauriou,
ce
qui
cre le
droit
individuel,
ce
n'est
pas
seulement
l'minente
dignit
de la
personne humaine. Le
droit
ne
nat
que
de l'action.
L'minente dignit
de
l'homme
serait
impuissante sans
la
dmarche par laquelle
il
affirme
sa
foi
en la socit,
en risquant pour
elle
sa
personne.
La
valeur
du
commerce
juridique
est de multiplier
les occasions
o
l'individu
fait
ainsi
crdit.
(p.
197-198).
Tandis que
le droit
social
s'laborait
dans l'ins-
titution politique
sous la
double
forme
discipli-
naire
et
statutaire,
le
droit
individualiste
se
constitue
donc
surtout
dans les usages
du
com-
merce juridique,
dans
le
contrat, dans
l'exercice
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
37/186
LE
DROIT
ET
LA
NOTION
DE PERSONNE
23
de
la
proprit.
A
ct
de la
synthse
objective
de
l'institution
se constitue la
synthse
subjective
de
la
personnalit : l'institution
sous
l'action
de
ces nouveaux lments
subjectifs
se
personnifie.
Et
c'est
l'exercice
de
l'acte
juridique qui
vient
consommer l'union finale de
la
personne et de
l'institution.
Cette
union
n'est
pas une
confusion :
elle
s'accomplit,
crit
M.
Hauriou,
dans
une
action commune, dans
l'acte juridique
o
la
per-
sonnalit
et
l'individualit
(entendez l'individualit
objective
c'est--dire
l'institution)
s'engageront
tout
entires
d'une faon momentane bien
que la
rptition
des
actes
doive transformer
leurs
con-
tacts
en
une
sorte
de
vibration
rythmique.
(p.
680).
C'est donc la
dcision
excutoire renfer-
me
dans l'acte juridique
qui
produit
l'insertion
de
la
personnalit juridique
dans
l'individualit
objective
et
qui
permet
au
sujet
de
se poser
comme
un
et
responsable
en
face
des
autres
sujets.
Mais malgr
cette
union intime
dans laquelle
les
deux
lments sont
donns
simultanment,
n'oublions pas
que
l'un d'eux,
l'lment
objectif
nous a toujours t prsent comme le
plus
impor-
tant
et
le
premier
constitu.
Reprenons
l'exemple
de l'Etat qui
est
celui propos
duquel l'auteur
construit
sa
thorie.
L'Etat
est
d'abord une
insti-
tution.
C'est
ensuite,
et une fois
amnag comme
institution, qu'il devient
une personne.
Pour
devenir
le
sige
d'une
personnalit
subjective,
une
institution a
besoin,
nous
dclare
l'auteur,
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
38/186
24
LE
DROIT
d'tre amnage
en un
certain rgime quilibr;
il
y
a
place
pour
toute
une
srie
de
phnomnes
prpersonnels
ou
subpersonnels ,
en soi
trs
objectifs
quoique
prparatoires
la personnalit.
En ce
qui
concerne
l'tat, ces phnomnes pr-
personnels
sont les
diverses phases de l'amna-
gement
objectif
de la nation
:
institution politique,
commerce
juridique et
contrat,
quilibre
de
super-
position,
quilibre politico-conomique, protection
de
la
vie
civile,
sparations
de
pouvoir,
quilibres
constitutionnels.
Voil
les
principaux
lments
qui
dfinissent l'tat comme
institution avant
qu'il
soit
personne.
Mais
il
y
a
plus
:
avant
d'tre
per-
sonne,
l'tat
peut
encore
tre dfini
objectivement
comme
souverainet.
Ce
point
de
vue, conforme
la logique
du
systme,
mais qui
n'tait
pas bien
dgag
dans
les
Principes
du
Droit
public
l'est
tout
fait dans une
plus rcente
brochure
de
M.
Hauriou sur la Souverainet Nationale,
que
nous
avons mentionne
en tte de
cette
tude.
M.
Hauriou
nous
montre
qu'avant
de
parler
de
droit
subjectif et
de
personnalit
il
y
a
lieu
de
constituer une thorie pralable
et
purement
objective
de
la
souverainet
qui vient
prendre
place
ct
de
la thorie analogue
l'institution.
Ds
lors
la souverainet
nationale,
par
opposition
la
souverainet de
l'tat
qui,
elle,
est
person-
nelle,
apparat
comme une
force objective
incor-
pore
l'institution
sans tre
encore
rapporte
aucun
sujet
de
droit (cf.
en
particulier
p.
10 et
147).
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
39/186
LE
DROIT
ET
LA
NOTION
DE
PERSONNE
25
VII
Nous
sommes donc
bien
fonds
conclure
l'antriorit
et
la primaut
du
point
de vue de
l'institution sur celui
de la
personnalit,
du
droit
objectif
sur le
droit
subjectif. Et
en effet
l'auteur
nous
dit
ailleurs
que le droit
subjectif
jaillit
du
droit
objectif
qui en
est la
condition
pralable.
Mais si
le
droit
subjectif est
driv, que devient
son autonomie
qui
est
pourtant affirme
par
l'auteur
en
maint
endroit? Le
rapport de
ces
deux
points
de
vue reste obscur.
L'auteur
n'est pas plus
clair
quand
il
prsente
ce
rapport
sous
la
forme
de l'opposition entre l'individu et
la socit.
Cette
fois il
n'y a
plus
drivation
mais
opposition
et
dualisme
:
Cette
opposition
ne
peut
exister,
crit-il, que
si
d'une
part
l'individu
possde une
conscience
autonome qui
ne doive
pas tout la
socit, si d'autre
part l'organisation
sociale
est
le
produit d'une
certaine
ncessit
des
choses qui
ne
doive pas
tout
aux
consciences individuelles .
(Pr. de
Dr.
Pub.,
542).
Combinaison pratique,
comme
le
dit l'auteur,
d'un certain
libre
arbitre
avec
un
certain
dterminisme.
Et
le
droit
indivi-
duel autonome,
capable de
limiter
celui
de
la
socit est
fond
d'une
faon
bien
obscure
et bien
fcheusement
rousseauiste
sur
le
sacrifice que
fait
l'individu de
son
pouvoir autonome
et
sur sa
foi
en
l'institution
sociale
{ibicL,
p.
40).
A
un tel
droit
irrductible
de l'individu l'auteur
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
40/186
26
LE
unoiT
croit
en
effet
d'une
faon
trs ferme
: il
ne
s'agit
pas
ici
de
lui
en
faire grief, mais de
se demander
comment
se
concilie avec
ses dclarations sur
la
primaut
du droit objectif
le
point
de
vue
si indi-
vidualiste
et
si
subjectiviste qu'il affirme dans
son
article
sur
les ides de
M.
Duguit
.
L
en
effet
il
parle
des
droits
naturels,
individuels
et
impres-
criptibles
de
rhomme,que
M.
Duguit
a
mconnus.
Et cependant n'a-t-il pas
lui-mme
ailleurs critiqu
la
notion d'minente
dignit
de
la
personne
comme
source
du
droit?
L,
encore
il proteste
contre
la
mconnaissance
par
M.
Duguit
de la
puissance
cratrice du
sentiment
subjectif
du
droit
dans
les
manifestations
de
la volont
individuelle
L
enfin
il
affirme
que le
droit
objectif
ne
nous
fournit
pas du
tout la
garantie
qui rsulte
de la
distinction
du
juste
et de l'injuste
et que cette
distinction
ne peut
tre
opre
que
par
les
consciences
individuelles.
Ne
voil-t-il
pas
des
postulats
bien
difficiles
concilier avec
ceux
qu'implique
et qu'affirme
sans cesse
la
thorie
de
l'institution.
Quoiqu'il
en soit cette thorie
prise en
elle-
mme reste neuve
et
fconde.
Elle
atteste
un
sens
profond
de
la ralit
juridique
et de
la faon
dont
cette
ralit
s'est toujours
impose
au cours
de
l'histoire
en
dpit
de l'idalisme
juridique
du
droit
naturel. Elle
aboutit
donc,
de
la
mme
faon
que
celle de Saleilles
largir trs
heureusement
la
notion
de
droit.
Mais il
ne
suffit
pas
d'largir
la
notion de
droit
:
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
41/186
LE
DROIT
ET
LA
NOTION DE
PERSONNE
27
il
faut
la fonder. L'institution est
une source
de
droit.
Soit :
mais
pourquoi est-elle
source
de
droit? Si
l'auteur s'tait pos
cette
question
nous
n'aurions pas
lui reprocher
son indcision
tou-
chant
l'antriorit
ou
la
simultanit
de
l'institution
par
rapport
la
personnalit.
Ce
n'est
pas
la pre-
mire
qui fonde
juridiquement
la
seconde
ni
inver-
sement.
Ni
l'intrt,
rellement
contenu
dans
l'ins-
titution, ni le
pouvoir,
idalement contenu
dans
la
volont
ne se
trouvent
consacrs comme
tels
par
le
droit.
Il faut qu'il
leur
soit
attribu
une
valeur,
une
respectabilit. Et cette
attribution
ne peut
rsulter que
du
jugement de l'opinion
collective.
C'est
ce jugement
qu'en dernire
analyse il faut
rapporter
la
conscration et
la
sanction que
le
droit
accorde
certaines
ralits,
la
personne
humaine
au
mme
titre
qu'au
groupement
et
l'institution.
Ce
sont
l des
centres
de
droit
:
et
il
faut
savoir
gr
Saleilleset
]\.
Hauriou
d'avoir
nettement
dfini et dgag-
les
deux
derniers.
Mais
la vraie
source du droit est
une;
elle
rside
dans
l'opinion collective
puisque
le
droit
ne
fait
que
reprsenter
et
consacrer
une
valeur
reconnue
par
elle.
Et ainsi
ct
du point
de vue
raliste
qu'il
faut
adopter,
mais
dpasser,
l'idalisme
retrouve
ses
droits.
VIII
C'est
ce
qu'a
compltement
mconnu
M.
Duguit.
Saleilles
et
M.
Hauriou
n'arrivaient pas
concilier
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
42/186
28 LE
DROIT
d'une
manire satisfaisante
le
droit
objectif
et
le
droit
subjectif,
mais
ils
avaient
du
moins
le
senti-
ment du
rle jou
par l'un
et
par l'autre.
Duguit
au
contraire
nie
radicalement
toute
espce
de droit
subjectif.
Dans
son
ardeur
repousser toutes
les thories
mthaphysiques,
il
refuse de
reconnatre
aucun
droit
ni
l'individu
ni la
collectivit
comme
tels. L'ide
de sujet
est une fiction au
mme
litre
que celle
de
personnalit civile.
Les
notions
de
volont
et de
souverainet
doivent tre
bannies
et du droit
public (cf.
Trait
du Droit
constitution-
nel
et
confrences
sur
le
droit social
et
le
droit
individuel)
et du droit
priv
(cf.
les
Transforma-
tions
gnrales
du droit priv). Voici,
d'aprs
l'auteur
lui-mme,
les deux propositions
fonda-
mentales
qui
rsument
le
changement de
point de
vue
dont
on
constate
et
dont
on
doit hter
l'accom-
plissement.
La
dclaration des
droits
et
tous
les
codes
modernes
reposent
sur
une
conception
purement
individualiste
du
droit
:
aujourd'hui
s'labore
un
systme
juridique fond
sur
une
conception
sociale.
En second
lieu,
ce
nouveau
systme
qui
est
d'ordre
raliste
et
non
plus
mta-
physique
tend
s'tablir
sur
la
constatation
du
fait
de fonction
sociale s'imposant
aux individus
et
aux
groupes.
Donc
aucune voloTit
n'est
qualifie,
pas
mme
celle de
l'Etat,
pour s'imposer
d'autres
volonts
: nos devoirs
ne sont relatifs
aucune
souverainet,
mais
seulement
la fonction
sociale
que
nous
remplissons.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
43/186
LE
DROIT
ET
LA NOTION DE
PERSONNE
'29
L'homme
n'a
pas
de
droits, dclare
l'auteur.
Mais
tout individu a, dans
la
socit, une certaine
fonction
remplir,
une certaine
besogne
excu-
ter. Et cela
est
prcisment
le
fondement
de
la
rgle
de
droit qui s'impose
tous,
grands
et
petits,
gouvernants
et
gouverns.
(Les transf.
gnr.
du Dr. priv,
p.
19-20). Et dans
le
mme
livre
(p.
71)
:
Les
collectivits,
associations,
cor-
porations,
fondations,
sont-elles ou
ne
sont-elles
pas
des sujets de droit par
nature?
Je n'en
sais
rien
et
cela
m'est totalement
indiffrent.
Peuvent-
elles ou non tre
titulaires
de droits
subjectifs?
Je
n'en
sais
rien,
et
cela
m'est
encore totalement
indiffrent, pour cette bonne raison
que
le
droit
subjectif
tant une
chose
qui n'existe
pas,
le
sujet
de
droit
n'existe
pas davantage.
La
seule
question
qui se
pose est
une
question
de
fait.
Une collecti-
vit,
association,
fondation
poursuit-elle
un
but
conforme
la
solidarit
sociale,
telle
qu'elle
est
comprise
un moment
donn
dans
le
pays consi-
dr et par
consquent
conforme
au droit
objectif
de
ce pays?
Si
oui tous
les actes
faits
dans
ce
but
doivent
tre
reconnus et protgs
juridiquement.
L'affectation
des
biens
ce
but
doit
tre aussi
pro-
tge.
Des
ncessits
incluses
en
fait
dans
la
soli-
darit
sociale
rsulte
donc
une
rgle
de droit
qui
sanctionne
l'activit
de
chacun, individu,
groupe
ou
tat
peu
importe,
du moment
qu'elle
est
con-
forme
SA
fonction
respective. Dans le mot
droit
il
n'y
a
rien
de
plus
que
ce
fait,
et
il
faut
l'exorciser
de
toute mtaphysique
et
de
tout
subjectivisme.
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
44/186
30
LE DROIT
Telles
sont
les thses de l'auteur, celles
qu'on
retrouve
dans
tous
ses livres.
On
conoit
qu'elles
aient
t
vivement
critiques par
tous les
thori-
ciens
individualistes.
Mais il faut
dire
qu'elles
l'on t
presque de
tous cts soit
au
nom
du
droit
subjectif
individuel, soit au nom de
Tautorit,
soit
au
nom de
la
libert, soit au nom
mme
du
droit
social
que M.
Duguit
prtend
instaurer.
Saleilles
a pu
dnoncer
leur caractre
tyrannique
et
M.
Esmein au
contraire leur
caractre
anar-
chique.
De
mme
M.
Hauriou dans la
brochure
qu'il
a
consacre aux
Ides
de M.
Duguit
s'exprim.e
ainsi
aprs
avoir
critiqu
sa
thorie
de
l'autorit
de l'tat
:
nier
la ncessit
de Tobis-
sance
pralable
aux
ordres
des
gouvernements,
nier le
droit
propre
des
gouvernements
imposer
cette obissance pralable,
tout
en
reconnaissant
la ncessit
du fait des
gouvernements,
c'est
une
faon
d'anarchisme
et
la
plus
dangereuse
de
toutes
.
C'est qu'en
effet
la
rgle
de droit
dont
parle
M.
Duguit est une
chose
bien
inconsistante,
et
on
ne
voit comment
elle pourrait
fonder
l'auto-
rit
ncessaire
du
droit. Nous
n'allons point
repro-
cher
M. Duguit
de
ne
la
point
appuyer sur une
mthaphysique
individualiste.
Mais
nous
sommes
bien
obligs
de
constater
qu'il
se
trompe
lorsqu'il
croit
l'tayer
surdes
postulats
sociologiques et
en
particulier
sur
une
conception
de la
solidarit
sociale
conforme
celle
de
Durkheim.
La
rgle
de
droit
ramene
une
rgle
de
solida-
rit
sociale
ne
peut
avoir
d'autorit
que
si
elle
7/26/2019 Davy Droit Et Personne
45/186
LE
DROIT
ET
LA
NOTION
UE
PERSONNE
31
mane
du
groupe
lui-mme dont elle
exprime la
solidarit.
Et
cela
implique
que ce groupe
a
une
ralit
en
face
des
individus qu'il
groupe,
et une
opinion en
face
de la
leur
qui
ne
soit
point
la
moyenne
mais
la
rgulatrice
de
la
leur,
et
leur
impose
la
reconnaissance
des
valeurs
juridiques
qu'elle
juge
devoir consacrer
comme
relles.
C'est
ce
prix
seulement
que
la
solidarit
sociale
peut
fonder
un
droit
objectif.
Or
M.
Duguit
affirme
sans
cesse
le
Droit
objectif mais
il en sape
la
base,
en
se
livrant,
en
grand
dtail
dans
son
livre
dj
ancien
sur
Vtat,
le
droit
objectif
et la
loipositive^
et,
par allusion,
dans ses
livres
suivants,
une
critique
aussi
troitement
individualiste
que pos-
sible
de
la
notion de
ralit collective
de la cons-
cience
sociale.
Voil
comment
M.
Duguit
reni
parles
individualistes
risque
bien
de l'tre
aussi
par
les sociologues.
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DEUXIME
PARTIE
De
l'Exprience
l'Idalisme
L'Idalisme
et les
Conceptions
ralistes
du Droit
INTRODUCTION
I
I.
Le Droit, les
faits
et la
guerre.
II.
La
thorie
m-taphy-
sique du droit naturel a-t-elle
le monopole
de
l'idalisme
?
in.
Que
vaut
l'antithse
du
ralisme
et
de
lidalisme
?
Avant
la
guerre
dj
le problme
de
la
nature
et
de
la
porte
du
Droit tait l'un de
ceux
qui
solli-
citaient
le
plus vivement l'examen des
juristes
et
mme
des
philosophes, Le xix^ sicle
finissant
semblait
vouloir
remettre
en
question
ce
que
le
XVIII
paraissait au
contraire avoir
dfinitivement
consacr.
Le
droit naturel de l'individu,
droit
imprescriptible
et
inalinable, grav
sur
l'airain
et
pour toujours par
la
Dclaration de
89,
et
orga-
nis
par
le
code Napolon, perdait
son
caractre
de
dogme
intangible.
Certains allaient
jusqu'
le
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34
LE DROIT
nier
purement
et
simplement
comme ils
niaient
toute
mtaphysique
au nom
de
l'historisme
et
du
positivisme
.
Leur
ngation
avait
trouv
un
incroya-
ble
cho
une
poque o l'essor
des
sciences
exprimentales et
le
triomphe
de
l'art raliste
et
de
la
philosophie
positive avaient
inculqu
tous
les
esprits la
religion
du
fait.
Bien rares
taient
ceux
l'exception
des
champions
attitrs
de
la
doctrine
classique
qui osaient invoquer,
mme
timidement,
ce
droit naturel
par
lequel au con-
traire jurait
la gnration
prcdente.
Par contre
la
doctrine
purement
raliste
et positive
s'affirmait
sans
la
moindre
attnuation
dans
les
ouvrages
des
matres de
l'orientation
nouvelle.
Les
juristes sans doute
ne
faisaient
que
suivre
dans cette
voie
les philosophes. Mais
leur
nga-
tion
de
a
priori
n'tait
pas
moins dcide
que
la
leur.
Parlant du
systme
individualiste
classique
M.
Duguit
dclare
que
sa
dsagrgation
apparat
tous
:
Les
deux ides,
dit-il,
qui
lui
servaient
de
support,
la
souverainet
de
l'Etat
et
le
droit
naturel de
l'individu
disparaissent.
On s'aperoit
que
l'une
et l'autre
sont
des
concepts
mtaphysi-
ques
qui
ne
peuvent plus servir
de
fondement
au
systme
juridique d'une socit
toute
pntre
de
positivisme^ .
Et
il
est
certain
en effet
que
la
transformation
de
la
vie
conomique,
en
rendant
les
relations
sociales beaucoup
plus
complexes,
et
1.
Duguit,
Les
Transformt,
du
Droit
ptih.,
p,
xv,
xvi,
Paris,
1913.
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INTRODUCTION
35
en
faisant surgir avec
l'industrialisme la
question
ouvrire,
a contribu
plus
encore
que l'volution
de
la
doctrine
branler
l'individualisme
civi-
liste.
Les
efforts
de la jurisprudence
ont
t
impuissants
adapter
suffisamment
le
vieux
code
aux
nouveaux besoins.
On
pourrait
citer
une foule
d'ouvrages
ou
d'ar-
ticles
o
ce
besoin
de ralisme
s'affirme,
et
il
est
significatif
de
voir
avec
quelle
facilit
s'est
en
effet
introduite
dans
la
doctrine
franaise
et
quelle
profonde
influence
y
a exerce la
conception
puis-
samment
raliste de l'Allemand
Ihering,
Cette
influence
ne s'est pas
mme
puise
sur une
gn-
ration :
on la retrouve aussi
vive dans
l'ouvrage
assez
rcent
de
Demogue*
que
dans
les
crits
plus
anciens de son matre Saleilles.
Et
chose
plus
significative encore,
le
souffle
nouveau
n'a
pas
seulement
touch
ceux qui
apparaissent
aussi
franchement
rvolutionnaires
que
Dugu