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[Type text] [Type text] [Type text] DROIT DES SURETES 20102011 Valérie NICAISE

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DROIT  DES  SURETES  2010-­‐2011  

Valérie  NICAISE  

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 2  

INTRODUCTION GENERALE Un contrat est conclu.

- Première hypothèse : il fait l’objet d’une exécution immédiate (livraison de la chose et paiement du prix). Le contrat est exécuté, tout se passe bien.

- Deuxième hypothèse : les parties peuvent se mettre d’accord sur un délai (paiement différé). C’est une situation fréquente.

Quand le créancier accepte que le débiteur retarde sa prestation, il court un risque : celui de ne pas être payé. Que font les créanciers qui acceptent tout de même que l’exécution soit postposée ? Ils veulent être rassurés quant à l’exécution des prestations, les créanciers souhaitent donc en contre partie obtenir une garantie de paiement de son débiteur. Il y a donc un lien étroit entre l’exécution différée et la garantie de paiement. Ces garanties que le créancier tente de se réserver, ce sont les sûretés. Il y a un lien étroit entre la notion de « crédit » et la notion de « sûreté ». Le mot crédit est entendu au sens large (retard dans le temps, dans l’exécution des prestations).

Quand on a compris ce lien entre crédit et sûreté, on comprend que les sûretés sont là pour rassurer le créancier, pour lui conférer une certaine sécurité. On comprend aussi que s’il n’existait pas de sûreté, aucun créancier ne ferait crédit. L’existence des sûretés est donc également bénéfique pour le débiteur. Pendant ce cours, on parlera de toutes les garanties qui peuvent être octroyées au créancier. En réalité, il n’est pas si facile que cela de définir ce qu’est une sûreté. On essaie de rassurer le créancier, de lui donner une garantie. Mais définir la notion de sûreté de façon plus précise est complexe. Certains auteurs disent même de la notion de « sûreté » qu’il s’agit d’une notion indéfinissable. D’où vient la difficulté ? Si on devait mettre l’étiquette sûreté sur tous les mécanismes qui peuvent être favorables au créancier, on aurait un champ d’investigation beaucoup plus large. On ne va donc pas envisager toutes les garanties. Le champ d’investigation est un peu plus restreint. Dans notre champ d’investigation, on ne s’occupe donc pas de toutes les garanties, on réserve à la notion de sûreté l’appellation suivante : nous examinerons les mécanismes par lesquels un bien, voire tout un patrimoine, va être affecté par le débiteur à la satisfaction de son créancier. Communément, les juristes réservent l’appellation de sûreté à l’étude de toutes ces affectations. A titre de garantie, dans le but de rassurer son créancier, un débiteur pour affecter soit un bien, soit tout son patrimoine à la satisfaction de ce créancier. C’est à l’étude de ces garanties que l’on va s’attacher. Support du cours Notes de cours, on peut acheter le « précis du droit des sûretés », publié chez Larcier, 2004 (F. T’Kint). « Insolvabilité et garanties » (recueil contenant toutes les lois qui font l’objet de l’étude dans un cours de droit des sûretés). Sur e-campus, plan du cours détaillé.

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DEFINITION DES SURETES Au vu de la définition donnée ci-dessus, on perçoit qu’il existe deux grandes catégories de sûretés : l’affectation d’un bien ou l’affectation d’un patrimoine. Cette distinction donne à penser qu’il existe deux catégories distinctes de pensées : les sûretés réelles et les sûretés personnelles. Les sûretés réelles s’ancrent plutôt dans le droit des biens, tandis que les sûretés personnelles s’ancrent plutôt dans le droit des contrats.

Section 1. Caractéristiques Comment distinguer ces deux types de sûretés ? §1. Les sûretés personnelles Ce sont les plus faciles à percevoir. Ces sûretés consistent en réalité à adjoindre un deuxième débiteur aux côtés du 1er débiteur qui est le débiteur principal. Dans une hypothèse où j’ai un débiteur principal et un créancier, on adjoint un second débiteur pour rassurer le créancier. Le créancier est dans une meilleure situation que s’il n’avait qu’un seul débiteur car, si le débiteur principal ne s’exécute pas, le créancier peut frapper à la porte de l’autre débiteur. Il a donc plus de chances d’être payé au moment où le créancier viendra à échéance. Ce principe, c’est l’essence même des sûretés personnelles. Dans la famille de ces sûretés personnelles, on a le contrat de cautionnement : on demande à une caution de s’engager auprès du débiteur principal ; si le débiteur principal ne s’exécute pas, le créancier va frapper à la porte de la caution. Adjoindre un deuxième débiteur au premier rassure le créancier, c’est parce qu’il faut se souvenir que derrière chaque personne se trouve un patrimoine. Le débiteur principal a un patrimoine, tout comme la caution. Adjoindre un second débiteur, c’est très intéressant pour autant qu’il y ait beaucoup de choses intéressantes à saisir dans son patrimoine. Un second débiteur insolvable n’est pas intéressant. Ces sûretés sont soumises soit à des règlementations particulières et, pour le surplus, on retombe sur la théorie générale des obligations et des contrats. §2. Les sûretés réelles Elles répondent à un impératif différent. Ces sûretés consistent en réalité à affecter un bien précis du patrimoine du débiteur principal à la satisfaction du créancier. Ce que les parties vont dire, c’est ceci : « le débiteur a un patrimoine, dans ce patrimoine il y a toute une série de choses (voiture, appart, bijoux). Moi, créancier, voudrais être rassuré. Comment vais-je l’être ? Je vais demander au débiteur de me réserver par priorité un bien de son patrimoine et, si le créancier n’est pas payé à l’échéance, et si ce bien doit être mis en vente publique, l’argent qui provient de cette vente publique serait réservé en priorité au créancier ». On va créer un lien entre le créancier et le bien qui se trouve dans le patrimoine du débiteur. L’établissement d’un lien direct entre une

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personne et un bien doit nécessairement nous faire penser à la notion de droit réel, qui créé un lien immédiat entre le titulaire de ce droit et la chose visée par ce droit. L’hypothèque, par exemple, est un droit réel que l’on octroie à un créancier sur un bien du débiteur. En résumant le tableau qu’on a jusqu’ici, les sûretés personnelles permettent d’adjoindre un deuxième patrimoine, tandis que les sûretés réelles consistent à affecter, dans le patrimoine du débiteur, un bien à la satisfaction des intérêts du créancier. Section 2. Liberté des parties ?  Les parties sont-elles libres de créer comme elles l’entendent des sûretés ? Pour répondre à cette question, et comprendre la réponse donnée par le droit positif belge, il faut se placer du point de vue des tiers. Reprenons l’idée de départ : j’ai un créancier et un débiteur derrière lequel il y a un patrimoine (maison, €, compte en banque, voiture, …). Deux types de sûretés peuvent être créés : §1. Sûreté personnelle Le débiteur est associé à un deuxième débiteur (D2), le créancier (C4) est rassuré car il a un second débiteur qui a derrière lui un patrimoine. Je me place du point de vue des tiers, les autres créanciers du débiteur principal (C1, C2, C3 et C4). Quand je créé une sûreté personnelle, je permets au créancier C4 d’aller faire saisir des biens dans le patrimoine du débiteur numéro 2. §2. Sûreté réelle Si j’ai une sûreté réelle, je laisse la maison du patrimoine du débiteur en priorité à C4. Quand je créé une sûreté réelle, je porte atteinte aux intérêts de C1, C2 et C3 qui sont dans une moins bonne position après la création de la sûreté qu’avant (ils ne peuvent plus saisir n’importe quel bien du patrimoine du débiteur car l’argent résultant du produit de réalisation de la maison ira principalement et en priorité satisfaire les intérêts de C4). La constitution de la sûreté réelle affecte la position des autres créanciers. Par contre, via une sûreté personnelle, j’améliore la situation de C4 tout en ne détériorant pas la situation de C1, 2 et 3.

Voilà pourquoi en matière de sûreté personnelle, le principe est celui de la liberté des conventions (1134 Code civil). La philosophie générale est la liberté.

Dans les sûretés réelles, la situation est tout à fait différente. Une fois que l’on a créé une sûreté réelle, le législateur est intervenu pour dire qu’il était le seul à pouvoir en créer. Il détermine quelles sont les sûretés réelles qui peuvent être

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crées : le législateur reconnait certaines sûretés réelles, il n’est pas question d’en inventer ou d’en créer d’autres. Le fond, c’est l’intérêt des tiers, on ne peut porter atteinte aux droits d’autres créanciers.

Ceci est une présentation schématique de ce que sont les sûretés. Quand on entre dans le détail, on voit que le législateur tente de trouver un équilibre entre créanciers, même si parfois il en favorise certains. Section 3. Les cautions réelles Il existe une « 3ème catégorie » de sûreté, entre sûretés personnelles et réelles, on a les cautions réelles. Ces termes paraissent incompatibles. §1. Principe Dans les sûretés personnelles, dans le cautionnement simple, lorsqu’un débiteur accepte de s’engager au titre de caution, il prend de grands risques car, si le créancier n’est pas payé, il pourra faire saisir n’importe quel bien dans le patrimoine de la caution. S’engager comme caution, c’est une prise de risque énorme car la caution risque de voir tout son patrimoine passer en vente publique. Certains débiteurs sont donc effrayés par l’idée de se porter caution et on rencontre donc des débiteurs qui acceptent de venir au secours du débiteur principal, qui a besoin d’une garantie à la demande du créancier, en n’engageant qu’un seul bien de leur patrimoine. On a ici un système qui paraît hybride car on recourt à la fois à un second débiteur (d’où l’idée de caution) tout en n’affectant qu’un bien du patrimoine de ce débiteur. L’avantage de cette technique pour la caution, c’est que la caution réelle limite les risques pris par le second débiteur. §2. Hybridité La notion d’hybridité est mise en doute par quelques auteurs. Dans le système du cautionnement réel, on peut se dire qu’on est en réalité plus proches d’un système de sûreté réelle que d’un système de cautionnement : en réalité, c’est un bien du patrimoine du débiteur qui est affecté prioritairement au paiement d’une dette. La preuve peut aussi s’expliquer par le fait que, si le bien réservé par la caution à la satisfaction de C4 devait sortir du patrimoine de la caution et être vendu à un tiers, le créancier continuera à bénéficier d’une priorité sur le prix de réalisation de l’immeuble, alors même que l’immeuble est sorti du patrimoine de la caution. C’est en raison de ce phénomène que l’on dit de la caution réelle qu’elle est tenue propter rem, c'est-à-dire qu’elle n’est tenue que sur le bien grevé, elle n’est pas tenue sur tout le patrimoine mais seulement sur un bien, pas sur la valeur de ce bien mais juste sur le bien. Cela a pour conséquence que si le bien sort du patrimoine, C4 bénéficiera toujours d’un avantage. La création d’une caution réelle fait naitre un vrai droit réel accessoire qui va suivre la chose en quelques mains qu’elle se trouve. La caution réelle créé un droit réel sur la chose visée, droit réel qui suit le bien.

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Souvenons-nous du cours de droit romain : les droits réels sont caractérisés par le fait qu’ils sont assortis d’un droit de suite et d’un droit de préférence. Ceci explique que la caution réelle soit plutôt une sûreté réelle qu’une sûreté personnelle et un contrat de cautionnement. Pourquoi continue-t-on à dire qu’il s’agit d’une sûreté hybride ? En fait, la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 décembre 2006, a mis fin à une controverse opposant certains auteurs. Ceux-ci disaient que la caution réelle n’a rien à voir avec du cautionnement, alors que d’autres auteurs disaient que comme le bien est issu du patrimoine d’un tiers, on était à mi-chemin entre les deux sûretés. La Cour de cassation a tranché ainsi : « les règles en matière de cautionnement ne s’appliquent à la caution réelle que dans la mesure où elles sont conciliables avec sa nature ». La Cour de cassation prend plutôt position pour une situation dans laquelle on n’exclut pas totalement les règles du cautionnement : « contrairement à la caution, le tiers n’est pas tenu sur la totalité de son patrimoine, les règles en matière de cautionnement ne s’appliquent à la caution réelle que dans la mesure où elles sont conciliables avec sa nature ». Toute la difficulté qui se pose maintenant, c’est dans le paquet de règles qui s’appliquent au « vrai » cautionnement, quelles sont celles qui sont compatibles avec la nature du cautionnement réel, et quelles sont celles qui sont incompatibles ? Pour 2028 et 2029 la Cour de cassation s’est prononcée. Mais pour les autres, ça peut poser problème. Section 4. Définition des sûretés Mécanismes qui ont pour effet de fournir au créancier une garantie de paiement, soit dans le patrimoine du débiteur, soit dans le patrimoine d’un tiers (sur tout le patrimoine du tiers ou sur une partie du patrimoine du tiers). Le cours va consister à passer en revue ces grands mécanismes.                                    

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TITRE   I  :  LES  PRINCIPES  GENERAUX  DU  DROIT  DE  L’EXECUTION   Avant d’entrer dans l’étude technique des sûretés, nous allons voir quelques principes généraux du droit de l’exécution.

CHAPITRE 1 : LE PRINCIPE DE LA SUJETION UNIFORME DES BIENS DU DEBITEUR Section 1 : Portée du principe §1. Principe Le législateur consigne ce principe à l’article 7 de la loi hypothécaire : « quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens, mobiliers ou immobiliers, présents ou à venir ». Tous les biens du débiteur sont là pour répondre de ses dettes.

§2. Précisions

A. Généralité des dettes Toutes les dettes du débiteur sont visées, qu’elles soient contractuelles ou extra-contractuelles.

B. Généralité des créanciers Tous les créanciers peuvent faire saisir n’importe quel bien dans le patrimoine de son débiteur. La seule chose, c’est que si C1 choisit la maison, le produit de réalisation de la maison ira d’abord dans la poche de C4 (dans l’exemple d’au-dessus). Donc C1 a intérêt à choisir un autre bien. Pour C4, c’est la même chose : il s’est vu réserver la maison, mais ce n’est pas parce que la maison lui a été réservée par priorité qu’il ne peut pas saisir la voiture. Il n’y a aucun bien que l’on ne puisse pas saisir. Seulement, au moment de la répartition du produit de la vente, toutes les règles peuvent varier.

C. Article 1563 du Code judiciaire

C4 peut saisir tous les biens du patrimoine du débiteur principal. Petite nuance tout de même. Lisons l’article 1563 du Code judiciaire, qui vise le cas dans lequel le bien réservé est un immeuble : « le créancier (C4) ne peut commencer les poursuites en expropriation des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués (affectés dans ce cas) que dans le cas d’insuffisance des biens qui lui sont hypothéqués ». Si dans le patrimoine du débiteur

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principal, il y a deux immeubles, que l’un des immeubles a été réservé par priorité à C4 par le biais d’une sûreté (l’hypothèque), C4 ne pourra faire saisir d’autres immeubles que ceux qui sont hypothéqués que dans la mesure où le produit de réalisation des immeubles hypothéqués est insuffisant. Cet article n’est pas impératif ni d’ordre public, donc il n’est pas impensable que les parties l’écartent par convention. Cette mise à l’écart de la règle est valable entre parties car 1563 n’est pas impératif. Mais cette mise à l’écart peut porter préjudice aux tiers… Les créanciers autres que C4 ont intérêt que ce créancier saisisse d’abord la maison sur laquelle il a une hypothèque. Ces clauses sont donc inopposables aux tiers car elles portent atteinte et préjudice aux droits des tiers.

D. Personnellement : il faut être obligé personnellement nous dit l’article 7. Ne sont pas tenus personnellement les débiteurs qui ne sont tenus que propter rem. Ca résulte de ce qu’on a expliqué ci-dessus : si la caution réelle limite l’affectation d’un bien à la satisfaction du créancier principal, par définition c’est ce que les parties ont voulu éviter, que tous les biens de la caution réelle ne puissent être saisis. L’article 7 ne vise pas les cautions réelles.

E. Outils mis à la disposition du créancier À partir du moment où le créancier a une emprise sur tous les biens qui composent le patrimoine de son débiteur, chaque créancier a intérêt à ce que le patrimoine du débiteur soit le plus rempli possible. Au plus le patrimoine est plein, au plus confortable est la situation de chaque créancier. Les créanciers ont intérêt à ce que le plus de biens rentrent dans le patrimoine du débiteur, et le moins de bien possible en sortent. Le législateur met à disposition des créanciers une série d’instruments que les créanciers peuvent utiliser précisément pour faire rentrer des biens dans le patrimoine du débiteur, ou en tout cas pour éviter qu’ils n’en sortent trop. Dans ces mécanismes instaurés par le législateur, on peut en épingler trois : 1. L’outil action oblique (1166 Code civil) Action mise en œuvre par le créancier quand un débiteur, qui lui-même a des débiteurs, est négligeant et oublie de se retourner contre ses débiteurs. Le créancier peut agir à la place du débiteur principal. Il y a plusieurs conditions :

- Il faut une négligence - Il faut que le créancier ait intérêt à l’action, il faut donc un

risque sérieux d’insolvabilité dans le chef du débiteur principal

- Il faut également que la créance du créancier soit certaine et exigible.

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2. L’action paulienne (1167 Code civil) C’est une action qui permet au créancier d’agir lorsque le débiteur principal s’est frauduleusement dépouillé d’un bien de son patrimoine. S’il vend sa voiture à 1€, il y a un problème. Les créanciers préjudiciés peuvent réagir face à ces situations en mettant en œuvre l’action paulienne, qui est une action tendant à la réparation du dommage causé par ce dépouillement frauduleux, et c’est une action qui, si elle est déclarée fondée, débouche soit sur une réparation en nature (l’inopposabilité), soit sur une réparation sous la forme de dommages et intérêts. Si le juge déclare la vente inopposable, ça signifie qu’on fera comme si la voiture se trouvait encore dans le patrimoine du débiteur principal. Il y a des conditions à la mise en œuvre de cette action, dont le fait que le tiers doit être complice de l’opération.

3. Les saisies conservatoires (1313 et suivants Code judiciaire) En droit belge, on a deux types de saisies : les saisies conservatoires et les saisies exécution. Quand un créancier sent que son débiteur principal risque de se dépouiller de certains biens, il peut pratiquer une saisie conservatoire (moyennant l’intervention d’un huissier) et si la saisie est opérée, le débiteur principal ne pourra plus faire sortir de son patrimoine le bien qui a été saisi conservatoirement. La saisie conservatoire a pour effet d’obliger le débiteur a maintenir le bien dans son patrimoine. S’il ne le fait pas, il est passible de sanctions, dont des sanctions pénales, le bien est dit indisponible.

Section 2 : Exceptions §1. Les biens insaisissables Quels sont-ils ? Les biens insaisissables sont définis par le législateur (code judiciaire articles 1408 et suivants). §2. Article 1412 bis du Code judiciaire

A. Personnes bénéficiant d’une immunité d’exécution Ces personnes bénéficiant d’une immunité d’exécution et sont désignées par cette disposition légale, on ne peut pas aller exécuter des sentences sur le patrimoine de ces personnes là, leur patrimoine est insaisissable. Ce sont les pouvoirs publics. On trouve, dans cette liste, l’Etat, les régions, communautés, provinces, communes, etc.

B. Objectif

L’idée c’est qu’on ne peut pas aller empêcher les pouvoirs publics d’exercer leur mission de service public, il faut permettre à l’Etat d’assurer la continuité des services publics.

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C. Exception

C’est curieux car on entend parfois dans la presse qu’on a saisi tel tableau de valeur dans tel ministère. En fait, l’article 1412bis lui-même réserve deux exceptions :

1. Les personnes morales de droit public peuvent dresser une liste des biens qu’elles considèrent comme insaisissables.

2. On peut toujours saisir ce qui n’est pas utile à la mission de service public. §3. Division du patrimoine Il peut arriver qu’un débiteur soit à la tête de deux patrimoines. S’il y a une division du patrimoine du débiteur principal, celui-ci sera à la tête de deux patrimoines et, dans chaque patrimoine il y aura un actif et un passif, les créanciers qui relèvent du patrimoine numéro 1 ne pourront saisir que les biens faisant partie du patrimoine numéro 1. Cette situation de division du patrimoine est très rare. La théorie du patrimoine veut que chaque personne ne soit à la tête que d’un seul patrimoine (théorie personnaliste du patrimoine). Exemple : acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire. Quand on accepte la succession de quelqu'un sous bénéfice d’inventaire, quand on accepte de recueillir le patrimoine de la personne décédée, aucune fusion des actifs et passifs, on maintient la dissociation de notre patrimoine avant l’acceptation de la succession et le patrimoine du défunt, on évite les mélanges.                            

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CHAPITRE 2 : L’EXECUTION FORCEE Article 8 de la loi hypothécaire « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers. » L’article 7 adopte plutôt le point de vue du débiteur, ici c’est le point de vue du créancier. Section 1 : Commentaires de l’article 8 §1. Le gage Il ne faut pas prendre le mot « gage » dans son sens technique. Le sens technique de ce mot, c’est une sureté réelle. Ici, le législateur veut utiliser un mot plus large : « sureté » ou « garantie. » §2. Mise en œuvre du gage Cet article signifie concrètement que si le créancier n’est pas payé en temps et en heure, il pourra utiliser et vendre le bien du patrimoine pour se payer. Donc la saisie c’est pour mettre en œuvre le gage dont on parle à l’article 8. Quand on parle de gage commun, cela ne veut pas dire que le créancier peut se servir de n’importe quel bien chez le débiteur. La mise en œuvre du gage ne se fait pas par une appropriation directe ; il est mis en œuvre par le mécanisme des saisies. Il faut donc toujours un titre exécutoire : voir droit judiciaire. Par exemple, on se rend avec le jugement chez le huissier pour qu’il aille chez le débiteur. S’il ne s’exécute pas, il pourra faire saisir le bien et les mettre en salle de vente. 3. Valeur de la créance Il peut faire saisir à peu près n’importe quel bien (sauf 1735 voir supra), même un peu qui est d’une valeur supérieure ou inférieure au montant de sa créance. Sinon ce serait impossible d’avoir tout le temps la même valeur. On peut même saisir un bien d’une grande valeur si c’est le seul bien dans le patrimoine du débiteur. En droit des saisies comme dans les autres branches du droit, il y a le principe de l’interdiction de l’abus de droit : on ne peut pas saisir un bien de grande valeur si d’autres possibilités s’offrent au créancier. Pas de corrélation de valeur mais l’abus de droit s’applique ! 4. Publicité des saisies Quand on demande à l’huissier de faire une saisie, le législateur organise un mécanisme de publicité des saisies. Quand un créancier fait saisir un bien puis le met en vente, il a intérêt à avertir tous les autres créanciers pour qu’ils puissent aussi, le cas échéant, participer à la

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distribution du produit de réalisation. Il n’y a pas de raison qu’un créancier bénéficie du produit par priorité. Sauf dans le cas où une sureté réelle est conférée sur le bien… On ne va pas priver les autres du bénéfice du produit de réalisation donc il y a un mécanisme de publicité qui va permettre aux autres créanciers de se joindre à la saisie pour bénéficier d’une part du produit de la réalisation. Il y a des formalités particulières pour la publicité de saisie (meubles, immeubles,…) mais on ne verra pas les détails. 5. Pas d’ordre public : clauses d’insaisissabilité Donc les parties peuvent y déroger si elles le souhaitent. On peut décider par convention que tel bien du débiteur ne sera pas saisi. Les clauses d’insaisissabilité ne sont pas opposables au tiers néanmoins. Les autres créanciers, non partie à la convention, pourront donc saisir ce bien.

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CHAPITRE 3 : L’EGALITE DES CREANCIERS C’est le deuxième morceau de l’article 8 de la loi hypothécaire : le prix (du bien saisi et mis en vente publique) s’en distribue entre deux par contribution. Section 1 : Le principe §1. La situation de concours Une saisie est faite et toute une série d’autres créanciers s’y sont joint. On obtient 1000 de la vente publique mais comment distribuer cette somme entre les créanciers : celui qui a saisi et ceux qui s’y sont joint ? Le principe de répartition dit que cela fonctionne par un partage par contribution : il se fait en proportion du montant des créances. D’où le mot « égalitaire » en droit belge. C1 a une créance de 300 C2 a une créance de 200 C3 a une créance de 100 Créances pour un montant total de 600 mais on a que 120 après la vente. Le premier va absorber 50% des 120 car il a une créance de 300 pour 600 et ainsi de suite. Ça fera 60, 40 et 20. Egalité proportionnelle aux montants de créances. Chacun supporte aussi l’insolvabilité du débiteur à concurrence du montant de sa créance puisque le premier la supporte à concurrence de 240, l’autre à concurrence de 160 et le dernier à concurrence de 80. Le principe d’égalité des créanciers est un principe que le législateur voulait mettre et œuvre et qui trouve tout son intérêt lorsqu’un débiteur ne peut pas faire face à l’ensemble de ses dettes. La mise en œuvre concrète du principe de l’égalité des créanciers prend tout son sens dans l’insolvabilité puisque cela n’a pas d’intérêt d’en parler si le bien à vendre était de 1000 et que chacun prenait respectivement 300, 200 et 100. Mais pour que la règle prenne également son sens, il faut que plusieurs créanciers émettent à propos du même bien ou de la même masse à répartir des prétentions inconciliables. Elles sont inconciliables car on ne peut pas toutes les rencontrer. Elles sont contradictoires. On parle en droit de situation de concours : plusieurs créanciers font valoir des prétentions contradictoire sur une masse à liquider. L’intérêt du droit des suretés, est d’identifier dans la masse des créanciers ceux qui bénéficient d’une sureté (les autres passent en dernier lieu) et dans ceux-là les classer. Selon quelles règles répartir les biens ? La règle de base c’est le partage par contribution et l’égalité des créanciers mais il y a des exceptions où certains créanciers sont prioritaires. Cette règle de répartition proportionnelle est très souvent mise à l’écart au profit de règles particulières qui privilégient certains créanciers donc l’égalité des créanciers n’est peut-être plus qu’un mythe tellement les exceptions sont nombreuses…

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01/10/2010 Cela nous amène aux situations de concours : plusieurs créanciers exigent de participer à la répartition de la masse des biens à répartir. En soi, cela n’implique pas une situation d’insolvabilité ou d’insuffisance d’actif mais pratiquement toutes les situations où on va appliquer ces règles seront des situations où il manque d’actifs pour satisfaire tout le monde. Plusieurs créanciers font valoir des prestations sur la masse des biens à répartir mais elles sont contradictoires, inconciliables. Quand un deuxième créancier vient se joindre à la saisie par exemple, il pourrait y avoir concours. Il faut en effet au moins deux créanciers qui se poussent au portillon. On qualifie généralement ces situations de « concours limité » car on veut avoir une part de la vente d’un seul bien. On a deux créanciers pour un bien. Mais il y a des situations de concours beaucoup plus large et plus générales. Parmi les plus complètes et le plus organisées, c’est par exemple la situation de faillite. C’est une situation de concours « complète » car cela porte sur tous les biens du débiteur (plus comme une saisie d’un bien) et on veut tenter de satisfaire les intérêts de tous les créanciers du débiteur. De plus c’est très organisé par la loi. Les faillites sont réglementées de façon très précise par le législateur : comment répartir les biens du failli. Le concours a donc deux facettes. Deux exemples assez variés. Dans le 1 un seul bien est concerné pour deux créanciers mais le 2 est une situation beaucoup plus complète, large et organisée par la volonté du législateur. Notre droit connaît d’autres situations de concours que la saisie et la faillite, par exemple le règlement collectif de dettes (faillite des non commerçant). Cela crée aussi une situation de concours, tout comme la liquidation d’une société commerciale. Figures différentes de situation de concours mais on prendra souvent soit l’hypothèse d’une saisie ou d’une faillite. Notons que la saisie en elle-même ne crée pas une situation de concours : il faut pour ça qu’un deuxième créancier se soit joint à la saisie après qu’elle ait été initiée par le premier. §2. Rappel sur la faillite

On n’aura pas un cours sur la faillite. Mais on va emprunter quelques concepts. Donc rappelons que quand une personne commerçante se trouve en état de cessation de payement (elle n’arrive plus à payer ses créanciers) doit faire une déclaration de faillite auprès du greffe du tribunal de commerce. La loi du 8 aout 1997 à l’article 2 explique qu’il doit faire cette déclaration. Le tribunal qui constate que les conditions sont réunies, il prononcera la faillite et il désigne un curateur. Le curateur désigné par le tribunal de commerce en présence d’un commerçant failli, va devoir rassembler les biens ou le peu des biens que le

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débiteur a encore dans son patrimoine, les mettre en vente et partager le gain entre les différents créanciers qui se sont présentés. Il liquide donc les actifs. La plupart des faillites sont des faillites déficitaires : les biens du patrimoine ne permettront pas de couvrir toutes les dettes. De temps en temps ce sont des faillites bénéficiaires où il y a plus d’actif que de passif et le curateur n’aura pas de mal à rembourser les créanciers. Mais c’est rare. On est en cessation de payement certes, mais cela ne signifie pas insolvabilité. On peut ne plus savoir payer ses dettes tout en ayant des biens, car on ne peut pas réaliser facilement nos actifs. Prenons un château. On ne sait plus payer mais on a un château dans notre patrimoine ! ça sera alors peut-être une faillite bénéficiaire. Voir les articles 2, 6 et 9 de la loi sur les faillites de 1997. §3. Cristallisation des droits des créanciers Il faut retenir qu’au moment de la naissance du concours, donc quand le deuxième créancier se joint à la saisie, ou quand la faillite est déclarée par le tribunal, un phénomène se produit : la cristallisation des droits des créanciers. Ce n’est pas une terminologie légale mais les auteurs de la doctrine l’emploient généralement.

1) Nécessité

L’idée c’est que quand le concours va naitre, on va figer le patrimoine du failli. Car si l’actif continue à croitre et le passif à diminuer ou augmenter, on n’aura jamais une stabilité suffisante pour procéder au compte du patrimoine. Il faut qu’on puisse dire comment on va répartir l’actif. On photographie la situation au moment du concours et c’est sur cette photo qu’on va appliquer le droit des suretés pour voir qui obtient quoi.

2) Plusieurs conséquences

1. Une fois que la situation de concours est survenue, les voies d’exécution individuelles sont suspendues

Une fois que le concours est né, il n’est plus possible qu’il y ait des initiatives individuelles des créanciers. Comment cette suspension se traduit dans le concours ?

- Saisie

Concrètement un troisième créancier ne pourrait pas introduire une saisie de ce bien. Il a déjà été saisi, on ne peut plus les Saisir une deuxième fois. S’il pense qu’il a aussi droit à une deuxième part de gâteau, il pourra juste se joindre à la saisie.

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- Faillite

La suspension de voix de recours individuelles signifie qu’il n’est plus possible qu’un créancier prenne une initiative à son seul profit, individuellement. Donc plus possible d’avoir une procédure pour la mise en vente d’un bien pour son propre compte.

Article 25 de la loi sur les faillites : le jugement arrête toute saisie faite à la requête des créanciers. Cela déséquilibrerait l’ensemble du mécanisme de liquidation collective. Toutefois, si on lit cette phrase jusqu’au bout, on voit qu’il précise que le jugement arrête toute saisie, saisie faite à la requête d’un créancier chirographaire ou bénéficiant d’un privilège générale (type de sureté que nous verrons plus tard). On imagine qu’a contrario que les saisies restent possibles pour certains créanciers. A ce stade du cours, pas facile de voir la différence entre ces catégories. Les créanciers qui bénéficient d’une sureté spéciale et donc pas générale, ils ne sont pas visées par l’article 25 : situation un peu meilleure car pas cette interdiction générale. Ils sont visés à l’article 26 donc ce n’est qu’un peu meilleur : les voies d’exécution ne sont suspendues que jusqu’au premier procès verbal de vérification des créances. Après, liberté d’exécution C’est une des premières opérations du curateur. 25 et 26 sont des catégories de créanciers différents !

2. A partir du moment où nait le concours, la cristallisation a aussi pour

conséquence que les frais exposés pour la mise en vente de biens, vont être prélevés par priorité sur le prix de réalisation, avant même la répartition.

Prenons une saisie. Le bien est saisi par un des trois créanciers, C1. Il est mis en vente et le produit de réalisation du bien est de 150. Il faut payer l’huissier de justice disons pour 30. On va d’abord prélever les 30 sur les 150 et les 120 restant vont être répartis entre les créanciers et c’est là qu’on applique les règles de concours des créanciers : 60, 40 et 20.

C’est une manière de faire supporter les frais de réalisation par tout le monde. Voie idéale pour respecter l’égalité des créanciers : tout le monde contribue à la vente du bien et c’est après qu’on fait le partage.

3. On va arrêter le cours des intérêts

Si le créancier avait une créance qui donnait des intérêts, on arrête les compteurs. Sinon on ne saura jamais qui a droit à combien exactement,… 22 et 23 de la loi sur les faillites. L’article 22 c’est comme le 1188 du code civil qui prévoit que la faillite met un terme au bénéfice du terme dont le créancier pouvait bénéficier. L’article 23 contient la même exception que celle des articles 25 et 26 pour les voies d’exécution : une exception pour les créanciers qui bénéficient d’une sureté réelle spéciale : les intérêts continuent à courir et leur dette n’est pas figée au moment du concours.

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4. Cela suppose qu’à dater de la survenance du concours, il ne soit plus

possible de mettre en œuvre des clauses pénales.

C’est ce que disent certains auteurs mais il faut nuancer cette vision trop catégorique. Les choses sont un peu différentes et il faut nuancer selon le type de clause pénale. Certaines ne pourront plus jouer car leur mise en œuvre romprait l’égalité des créanciers. Mais d’autres clauses pénales pourront être mises en œuvre.

Les parties peuvent dans un contrat insérer une clause pénale, de façon classique. En cas de méconnaissance par le débiteur de ses engagements, il sera redevable envers le créancier de tel montant. Ces clauses sont tout à fait valable : on forfaitise les dommages et intérêts dus en cas d’inexécution. Pas de problème de les faire jouer y compris lorsque c’est à l’occasion d’une faillite qui survient l’inexécution. Ce type de clause est parfaitement valable et le créancier pourra très bien demander le montant sur les passifs du créancier.

Mais ce qui est plus compliqué et qui pose plus de difficulté pour l’égalité des créanciers (et qui est donc plus condamnable) ce sont des clauses pénales au terme desquelles la faillite elle-même ouvrirait le droit au payement de dommages et intérêts. Ce qui n’est pas possible de faire dans notre droit, c’est de stipuler le jeu d’une clause pénale qui viendrait à s’appliquer par le fait de la seule survenance d’une faillite. On ne peut insérer des clauses pénales qui ne joueraient que parce qu’une faillite survient. La doctrine a réagi quant à leur validité.

Prenons un chantier avec un MO, un entrepreneur et un sous traitant : très classique. Le sous traitant qui s’est exécuté tombe en faillite. Si des malfaçons devaient être découverte dans son travail après sa faillite, il n’indemnisera jamais et donc ce sera sur les épaules de l’entrepreneur que reposeront les déficiences du travail du sous traitant. Donc des entrepreneurs ont vu que c’était délicat de recourir à des sous traitants. S’ils tombent en faillite, c’est moi qui dois indemniser le maitre d l’ouvrage ! Donc a on a vu dans le contrat d’entreprise un tas de clauses pénales un peu préventives en réalité. Peut être qu’elles sont inutiles (car on ne sait pas s’il y a des malfaçons quand il y a faillite). Mais elles apparaissent du seul fait de la naissance de la faillite. Les entrepreneurs voulaient ainsi demander des dommages et intérêts et ainsi avoir un peu d’argent au cas où on mettait leur responsabilité en cause.   Nait du seul fait de la faillite, au cas ou il y aurait des malfaçons. Mais même si on ne sait pas s’il y a des malfaçons ! Ce n’est pas admis car c’est une manière de jouer cavalier seul et de ne pas respecter l’égalité des créanciers. L’entrepreneur veut gagner quelques euros au cas où et donc contourner l’égalité des créanciers : la doctrine et la jurisprudence ne sont donc pas favorables.

Ce n’est pas pareil que des clauses pénales de premier type ou il y a eu une inexécution et que donc des dommages et intérêts sont dus.

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Section 2 : Les exceptions Revenons à la loi hypothécaire : l’égalité des créanciers se trouve à l’article 8. « A moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ». §1. Les causes légitimes de préférence Cela vient bousculer tout l’édifice et l’égalité des créanciers. Dans ce cas il n’y a pas de partage par contribution. De temps en temps, quand il y a des causes légitimes de préférence, on passe outre le principe de l’égalité des créanciers. On rompt ce principe et d’abord satisfaire ceux qui bénéficient d’une cause de préférence et puis après on s’occupe des autres créanciers qui n’en bénéficient pas avec un partage par contribution. Donc notre droit connaît deux types de créanciers : ceux avec une cause de préférence et puis les autres. Ce sont ces autres qu’on appelle des créanciers chirographaires. Ceux qui ont une cause de préférence bénéficient d’une sureté réelle : ils sont privilégiés. A l’article 9 on voit les causes légitimes de préférence : les privilèges et les hypothèques. On se dit donc qu’il n’y a que deux types de sureté réelle mais en réalité, il en existe une troisième qu’on aura l’occasion de voir ensemble : le gage mais il est assimilé techniquement par le législateur à un privilège. Donc il ne faut pas oublier que le gage est sous entendu par le législateur sous l’expression « privilège ». Ces suretés réelles sont celles dont bénéficient le cas échéant les créanciers : on va d’abord satisfaire tout ceux-là avant les autres. REMARQUES : §2. Pas d’ordre public Le principe d’égalité des créanciers de l’article 8 n’est pas d’ordre public.

Les parties peuvent donc bilatéralement toujours renoncer à une cause de préférence dont elles bénéficieraient. On peut toujours choisir d’être considéré comme un chirographaire mais c’est rare…

La liste des privilèges (et gage donc), c’est une liste excessivement longue : le nombre de créanciers qui ont un privilège de l’article 9 sont très très nombreux. On parlera du vendeur, du bailleur, du fisc, du réparateur, de l’ONSS, des caisses d’allocations familiales, du conservateur,… Cette liste est si longue qu’on peut quasiment à coup sur dire que les chirographaires en situation de concours n’ont quasi aucune chance lorsqu’il s’agit de liquider les biens. Car la liste des créanciers et notamment des privilégiés est à ce point longue qu’il ne reste plus d’argent en caisse pour les chirographaires en général. De plus, cette liste est à ce point longue que le législateur lui-même a fait un classement : il y a un ordre établi dans les créanciers privilégiés. Donc on paye

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d’abord celui du haut avant celui du bas de l’échelle. Généralement, ceux qui sont en bas de l’échelle des créanciers privilégiés, ne sont même pas certains de pouvoir bénéficier de la répartition. Notre chance s’amenuise à mesure qu’on descend dans l’échelle des privilèges. Les règles sont établies par le législateur.

De tout cela on tire un TABLEAU GENERAL (liste très longue et chirographaire peut satisfait) : le principe de l’égalité des créanciers est-il encore un principe dans notre droit ? Ou bien est-ce que les exceptions ne sont pas à ce point nombreuses qu’il faudrait renverser cette règle et mettre d’abord les privilégiés et en exception l’égalité des créanciers (au cas où il resterait des peanuts pour les chirographaires). Donc peut être qu’il faudrait revoir des décisions du législateur qui a fait la liste.

Malgré ce tableau qui paraît peut-être pratique et inversé par rapport à la philosophie de départ, certains auteurs relativement nombreux continuent à dire que la philosophie du droit des suretés ne se comprend que si on garde en mémoire cette règle générale de l’égalité des créanciers. Cela serait une règle fondamentale et c’est sur cette question là que les auteurs sont d’accord. Mais là où il y a une divergence, c’est que les auteurs ont de cette philosophie générale une perception qui est plus ou moins étroite ou plus large et souple.

A) La philosophie est bien l’égalité des créanciers.

Seul le législateur peut créer des privilèges. Donc appliquons le système jusqu’au bout : il ne serait alors pas possible d’utiliser les outils tirés du droit des obligations pour créer une situation préférentielle au bénéfice de certains créanciers.

B) La position inverse

D’autres auteurs disent que la règle de l’égalité des créanciers et la règle selon laquelle seul le législateur peut créer des privilèges, ne sont pas un obstacle au fait qu’on peut utiliser le droit des obligations pour rompre l’égalité des créanciers et créer un favoritisme de l’un ou l’autre créancier du débiteur. C’est sur cet aspect des choses qu’il y a actuellement un flottement : pour ces outils tirés du droit des obligations : une tendance veut les utiliser car ce n’est pas parce que seul le législateur peut faire des privilèges qu’on ne peut pas tirer des outils du droit des obligations pour venir en aide au créancier. D’autres disent qu’il n’est pas question d’utiliser ces outils ! Seul le législateur peut faire des privilèges… Exemple : on a déjà la clause de réserve de propriété où le transfert de propriété sera postposé au moment du payement du prix : outil du droit des obligations pour atteindre un objectif du créancier. Si mon acheteur ne paye pas le bien à l’échéance et qu’il y a des problèmes d’insolvabilité, je pourrai au moins toujours récupérer le bien car j’en suis toujours propriétaires : je pourras le vendre à quelqu’un d’autre. Insérer cette clause c’est utiliser le droit des obligations pour se prémunir contre un éventuel non payement du débiteur. Les créanciers qui font ça se

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créent une situation favorable : ils se mettent dans une situation privilégiée par rapport aux autres créanciers. Quand la faillite arrive, il va dire qu’il a la clause de réserve de propriété et donc il récupère le bien alors qu’il devrait y avoir concours. Il tire son épingle du jeu car il avait pensé à cette clause : il se créer une situation favorable ! Donc il y a des discussions actuellement :

o autonomie de la volonté avant tout, pas de souci o attention c’est l’égalité des créanciers qui est le principe donc pas

question de rompre cela par des mécanismes insérés avant. Et la législateur et la cour de cassation : que pensent-ils de cette philosophie ? Le législateur n’a pas de position générale : pas de solution d’ensemble, sauf quelques solutions par ci par là.

1. La cour de cassation

La cour de cassation paraît parfois adhérer à la première philosophie et parfois à la deuxième. Donc il est dur de savoir où elle en est.

a) Arrêt à propos de l’article 1798 C. Civ (action directe du sous traitant) Cet article octroie une action directe contre le maitre de l’ouvrage au cas où l’entrepreneur ne paye pas correctement le sous-traitant. Plusieurs arrêts donc les arrêts phare relèvent de 2004, limitent l’action directe : elle ne peut plus être mise en œuvre une fois que nait le concours. Elle survient dès qu’il y a une faillite de l’entrepreneur principale : alors le sous traitant ne peut plus mettre en œuvre l’action directe. Car tous les créanciers ne peuvent être mis sur pied d’égalité. Il y aurait rupture de l’égalité s’il utilise 1798 : elle dit que la faillite rend pour effet de rendre indisponible la créance qu’à l’entrepreneur vis à vis du maitre de l’ouvrage : elle est immobilisée depuis la situation de concours donc plus question pour le sous traitant d’utiliser l’action directe pour se faire payer. Ne paraît donc pas favorables aux mécanismes de droit des obligations qui créeraient une rupture de l’égalité des créanciers quand le concours survient.

b) Compensation La cour de cassation a admis à plusieurs reprises ce mécanisme malgré la situation de concours : on admet qu’on puisse compenser deux créanciers donc cela veut dire qu’on admet un payement abrégé après survenance d’une situation de concours. Donc c’est favoriser ce créancier et rompre avec la règle de l’égalité des créanciers.

Parfois la cour paraît favorable à une branche, parfois elle est favorable à une autre branche de la philosophie. Elle n’est pas claire sur la ligne de conduite qu’elle suit.

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2. Le législateur

Pour le législateur, il y a de solutions relativement ponctuelles : nous allons voir trois types de mécanismes du droit des obligations et on verra comment le législateur a pris position.

1. Le mécanisme de la compensation

- Les règles en matière de compensation légale

Avant d’être une garantie, c’est un mode d’extinction des obligations. D’ailleurs dans le code on est dans l’extinction. L’article 1289 dit que quand deux personnes sont débitrices l’unes envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes dans la manière et le cas si après exprimé. C’est donc un mécanisme d’extinction des obligations. Il a également des effets de garantie et le plus marquant est celui de faire jouer la compensation une fois survenue la situation de concours. Dans cet article c’est la compensation légale. Elle joue de plein droit, automatiquement dès que les conditions sont remplies : les dettes réciproques doivent être fongibles, liquides et exigibles. Tant qu’on est avant le concours, pas d’obstacle à ce mécanisme. Mais si on l’utilise après elle est favorable à favoriser un créancier. Donc cela ne joue plus après la situation de concours ! La compensation légale ne joue plus une fois que le concours est là. Le législateur n’a pas exprimé cette règle aussi clairement que ça mais on déduit cette impossibilité de la lecture de l’article 1298 : il évoque une hypothèse particulière : une saisie. Mais la doctrine en déduit une règle générale comme c’est pour une saisie avec un concours de créanciers… La situation visée par l’article est la situation par laquelle trois parties sont concernées : le débiteur, un créancier, le débiteur du débiteur. Par exemple, ce peut être un bailleur qui a pour contractant un commerçant et le commerçant a lui-même un débiteur, par exemple un client : relation tripartite. L’article vise la situation où il y a deux créances en jeu. Il part de la situation dans laquelle le créancier n’est pas payé par le débiteur principal. Devant cette défaillance le créancier utilise une technique offerte par le code judiciaire : saisie arrêt sur les comptes du débiteur du débiteur. Car son propre débiteur reste en défaut de payement. C’est le contexte général de 1298 : d’une saisie Si les conditions de la compensation sont remplies avant la saisie, le débiteur du débiteur pourra invoquer cette compensation pour ne pas payer le débiteur qui pratique la saisie. Mais si les conditions sont réunies (dettes liquides fongibles et exigibles) après la survenance de la saisie, il ne sera plus possible d’invoquer la compensation. Donc pas possible d’appliquer la compensation légale après le concours, en déduit-on.

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Assouplissement prétorien

Mais il y a un assouplissement de cette règle de manière purement prétorienne. Il y a une exception lorsque entre les dettes réciproques des parties, il existe ce qu’on appelle un lien de connexité. S’il existe un lien étroit et objectif (pas artificiel créé par les parties) entre les dettes à compenser, la compensation légale pourra jouer même après la survenance de la situation de concours. On a ce rapport quand les deux dettes découlent d’un même contrat ou à tout le moins d’un même rapport contractuel entre les parties. Cette exception est prétorienne et communément admise et reconnue par la cour constitutionnelle. En plus de cette atténuation jurisprudentielle, le législateur lui-même admet également des dérogations à l’interdiction de base, dans des hypothèses qu’il juge dignes d’une protection particulière. Il ne le fait pas très souvent mais il y a au moins un exemple : article 334 de la loi programme du 27 décembre 2004. Cela vise els relations entre le fisc et le contribuable : toute somme à restituer à un redevable peut être affectée au payement des impôt, y compris dans des situations de concours. Il déroge lui-même à sa règle de principe.

- La compensation conventionnelle A coté des règles de la compensation légale qui demandent des dettes liquides, fongibles, exigibles, les parties sont en principe libres de parler de tout autre type de compensation. Elles peuvent par exemple prévoir que la compensation peut s’appliquer même quand une des conditions de la compensation légale n’est pas présente. C’est supplétif donc pas de problème pour déroger et prévoir une autre hypothèse d’application de la compensation. Quel est le sort de ces clauses ? Il s’est trouvé bouleversé par e législateur et sérieusement aménagé par la loi du 15 décembre 2004 : elle est consacrée aux suretés financières. On la connaît sous le nom de LSF. Elle transpose la directive 42 47 sur les contrats de garantie financière ou directive collatérale. Cela justifie l’adoption de cette législation particulière. Dans cette loi on trouve une réglementation des clauses de compensation. Elle ne s’applique qu’à ces clauses et elle a réellement bouleversé la compensation conventionnelle d’avant 2004. Le régime était totalement différent. Le régime de 2004 ne s’applique que dan des hypothèses précises. Pour les autres hypothèses, on applique le régime antérieur à 2004 : doctrinal et jurisprudentiel.

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- LE REGIME ANTERIEUR A 2004 /! Pas que antérieur à 2004. Il subsiste néanmoins quand les conditions de la LSF ne sont pas remplies.

1. La compensation conventionnelle ne joue plus une fois survenue la situation de concours. C’est normal car ca serait rompre l’égalité et c’est la philosophie de la loi sur les faillites…

2. S’il existe un lien étroit, un rapport objectif, un lien de connexité entre les

deux dettes, la compensation conventionnelle jouera même en cas de concours. C’est donc pareil comme règle que pour la compensation légale.

3. Article 17,2° de la loi sur les faillites

Philosophie de la faillite : dès que le commerçant est déclaré en faillite, il perd la maitrise de son patrimoine : il est dessaisi de la gestion de son patrimoine car il ne peut plus rien faire. Il ne peut pas se mettre à payer des créanciers lui-même, sinon ça serait inopposable aux autres créanciers. C’est le curateur qui doit liquider le patrimoine du créancier. Mais le législateur a été encore plus loin : il a été jusqu’à remettre en cause certains actes du failli juste avant que la faillite ne soit déclarée. Les commerçants sentent souvent venir la situation de faillite. Donc lorsqu’un débiteur est en difficulté, il est humain qu’il se mette à favoriser certains créanciers. Pour sauver les meubles et faire croire à une certaine activité, les semaines avant les faillites sont des semaines où on voit qu’il favorise à la sauvette certains créanciers. Donc le législateur va mettre toute une série d’actes en cause qui sont survenus avant la faillite : ceux accomplis durant les 6 derniers mois qui précédent le jour de la faillite. C’est la période suspecte. On schématise en parlant de 6 mois. Expliquons. Le jugement prononce la faillite à un moment x puis il doit aussi déterminer quel est le jour de la cessation des payements (s’il ne dit rien c’est le jour du prononcé de la faillite). Il peut remonter dans le temps jusqu’à six mois avant son jugement déclaratif de faillite. Il ne peut aller que jusqu’à un mois. Mais l’idée c’est que s’il veut remonter jusqu’à 9 mois il ne peut pas. En pratique on remonte quasi toujours jusqu’à 6 mois. Mais légalement parlant la période suspecte pourrait ne pas exister ou avoir une durée plus courte. L’article 17 dit que les payements qui ont eu lieu par voix de compensation conventionnelle pendant la période suspecte, le jeu de la compensation conventionnelle à ce moment sera déclarée inopposable aux créanciers. Donc le curateur ignorera le jeu de la compensation. L’idée c’est que s’il y a eu compensation conventionnelle pendant cette période, c’est peut-être parce qu’il voulait favoriser un créancier, ce qui n’est pas acceptable selon la règle de l’égalité des créanciers.

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- LE REGIME DE LA LOI DE DECEMBRE 2004 Régime beaucoup plus intéressant pour certains créanciers. Cette loi règle le sort des clauses de compensation. Observation : Le législateur ne parle pas de clause de compensation mais de conventions de netting : vise aussi bien les clauses de compensation que les clauses de novation. Il le dit d’ailleurs à l’article 3.

1. Les clauses de compensation ou de netting sont valables et opposables au tiers malgré la survenance d’une situation de concours. Il faut que deux conditions soient remplies mais elles ne sont pas très exigeantes donc c’est fréquent.

o Il faut que la convention de netting ait été conclue entre parties avant la naissance de la situation de concours

o Il faut que les dettes réciproques à compenser soient des dettes nées avant la naissance de la situation de concours. Peu importe quand elles seront exigibles. Donc nées avant même si elles ne sont pas exigibles.

Renversement d’avec la philosophie antérieure. C’est aux articles 14, 15 et 16 pour la validité des conventions de netting et leur opposabilité dans les situations de concours.

2. L’article 17, 2° (inopposabilité) n’est pas applicable à une convention de

netting quand elle rentre dans le champ d’application de la LSF.

3. L’article 1295 est lui-même écarté quand on est dans un régime LSF.

Cet article vise la situation où on a un débiteur et un créancier et le créancier cède sa créance à un cessionnaire. Donc la dette est désormais entre le débiteur et le cessionnaire. Une fois qu’il y a eu cession de créance, le débiteur ne peut plus invoquer une compensation qui surviendrait postérieurement à la cession. Car les personnes ne sont plus identiques donc pas d’identité de créanciers et de parties réciproques. Le 1295 est mis à l’écart dans la LSF : la compensation reste possible malgré que le débiteur ait cédé ses droits à un cessionnaire. S’il existe des dettes réciproques bien entendu. Les règles de la compensation conventionnelle sont devenues très avantageuses pour celui des deux qui veut la compensation. On parle de véritable révolution.

Les banques ont bien compris l’intérêt de la nouvelle réglementation. Ce sont les mieux placées pour invoquer la compensation et se trouver dans des situations de compensation. Car si les banques sont souvent dans des situations de créancier de faillis (prêts,…), ce sont aussi celles qui par le biais des comptes en banques, détiennent les avoirs du faillis. Donc c’est leur permettre de sauvegarder les maigres avoirs du failli. Elles sont privilégiées car elles sont en position où elles peuvent faire jouer le mécanisme de la compensation grâce à la LSF. Elles ont ceci de particulier :

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qu’en situation de faillite elles sont souvent débiteur et créancier. Donc c’est tout bénéfice de pouvoir utiliser la compensation. Un tas de nouvelles clauses sont apparues dans les conditions générales pour avoir une compensions : « La banque peut en tout temps même après faillite ou toute autre clause de concours, (…) »

Cette attitude des banques a fait réagir notamment la cour constitutionnelle. 08/10/2010 La conséquence c’est que dès que nait une situation de concours, les banques vont presque toujours se retrouver en position dominante par rapport aux autres créanciers de la personne en situation de non payement. Car elles ont l’avantage d’avoir les comptes de la personne : le peu qu’il y a dessus reviendra à la banque. Les autres sont là avec leur créance mais elles n’ont pas d’avoir sur les comptes pour une compensation. Avantageux pour les banques. Arrêt de la cour constitutionnelle Cette conséquence de la transposition large de la directive collatérale a provoqué un certain émoi chez les justiciables non commerçants. Une situation fréquente est celle où une personne physique non commerçante se retrouve un beau jour en état de cessation de payement : elle peut alors introduire une demande au tribunal du travail pour un règlement collectif de dette. C’est la faillite du non commerçant et cela crée une situation de concours. La naissance de cette situation provoquée par le règlement collectif de dette est un appel au banquier au jeu de la compensation. Donc même le règlement collectif de dette (non commerçant) favorise les banquiers. C’est choquant pour certain car on se trouve encore dans une configuration où les banques ont les avantages sur la personne insolvable. Un juge s’est demandé si c’était normal qu’on applique aussi largement les règles de la compensation. Juge des saisies de Neufchâteau Une personne disposait de deux comptes auprès de la même banque : un compte à vue (solde négatif) et un compte d’épargne (solde positif). Il y avait une clause de compensation afin que la banque bénéficie des articles 14 et suivants. Cette personne est admise au règlement collectif de dettes et la banque se prévaut de la clause de compensation et invoque la compensation entre les soldes positifs et négatifs des deux comptes. Le médiateur de dette (//curateur) se met à contester cette compensation et il met en doute la constitutionnalité des articles 14 etc. Le juge est assez sensible à ces arguments et il pose une question à la cour constitutionnelle. Cette dernière suit l’intuition du médiateur. Arrêt 27 novembre 2008 En ce qu’ils sont applicables à des personnes physiques qui n’ont pas la qualité de commerçant, les articles 14 et 15 de la LSF violent les articles 10 et 11 de la constitution. Par cet arrêt la cour a déclaré partiellement inconstitutionnels ces

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articles : partiellement car ils sont applicables à des personnes physiques qui n’ont pas la qualité de commerçant. Pour sauver les créanciers autres que les banques, la cour constitutionnelle a cru pouvoir déceler dans les travaux préparatoires (pas certain que c’était l’intention du législateur néanmoins) que la motivation qui avait présidé à l’élargissement maximal du champ d’application de la loi ne justifiait pas aux yeux de la cour qu’on applique le régime également aux non commerçant. Partant d’un objectif de croissance économique et de stabilité financière (car la loi est là pour favoriser le crédit aux personnes qui initient une activité commerciale), on a adopté ces articles 14 et 15 et donc un élargissement. Mais la cour dit qu’au vu de ces objectifs, pas besoin d’un élargissement aux non commerçants. Conséquences

- On veut contrer une sorte de discrimination entre les créanciers des non commerçants et les créanciers des commerçants.

- La deuxième conséquence de cet arrêt c’est que pour ce qui concerne les situations de règlement collectif de dette (donc non commerçants) on applique le régime qui existait antérieurement donc pas les articles 14 et 15.

2. Le droit de rétention

- Définition et critères d’application

C’est le droit pour l’un des contractants de différer la restitution d’une chose qui est propriété du débiteur, jusqu’à ce que le débiteur exécute ses prestations et honore le montant de la dette. Le législateur n’a pas consacré un principe général du droit de rétention mais il en a fait un nombre important d’applications dans le code civil et dans des lois particulières. Donc la doctrine en a sorti des conditions du droit de rétention. Exemples : article 1612, 1673, 1948 A divers endroits le législateur reconnaît explicitement le droit de rétention. Trois conditions sont posées pour qu’on puisse différer la restitution de la chose :

1) Une dette portant sur une somme certaine et exigible

2) Il faut que le bien retenu par le créancier rentre dans la catégorie des biens saisissables. Si de toute façon il ne peut pas être saisi et que les créanciers n’ont aucune prise dessus, cela ne sert à rien de le retenir.

3) Il faut un lien de connexité entre la créance et la chose (// un peu comme la

compensation). Ce lien peut être :

a. Matériel : ce lien existe quand la créance s’explique par des travaux, opérations matérielles faites sur la chose à proprement parler. Exemple : théorie des impenses : quand des travaux sont apportés à la chose d’autrui et que cette chose a donc une plu value, celui qui l’a

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apportée pourra prétendre à une indemnisation auprès du propriétaire. On voit un lien immédiat et on va retenir la chose.

b. Juridique Le lien est uniquement le fait d’une relation contractuelle. Exemple : la chose que le vendeur retient car l’acheteur n’a pas payé un élément ou une partie ou tout le prix. Pas d’amélioration e la chose mais un lien découle du contrat de vente.

c. Mixte

A la fois un contrat et à la fois des travaux effectués sur la chose. Par exemple le contrat d’entreprise.

- L’opposabilité dans la jurisprudence

De très longue date, depuis même 1935, la cour de cassation s’est prononcée sur l’opposabilité du droit de rétention aux autres créanciers du débiteur. Elle dit que c’est un droit opposable aux autres créanciers du débiteur. Elle subsiste et peut être invoquée malgré une situation de concours, et c’est là tout l’intérêt. Car là les créanciers se demandent s’ils vont récupérer leur créance. On est d’accord pour dire qu’il y a opposabilité de la rétention aux autres créanciers mais il y a divergence entre les auteurs concernant les effets qui découlent de cette opposabilité ; il y a deux courants qui correspondent bien entendu à supra dans la compensation:

- Attention : que le législateur soit le seul maitre de créer des suretés réelle, on peut quand même utiliser le droit des obligations pour se créer un avantage La première tendance dit donc qu’il faut aller jusqu’au bout de l’utilité du droit de rétention : permettons de faire vendre la chose et de se faire payer là dessus. Le droit des obligations reconnaît ce mécanisme et la cour de cassation dit qu’elle est opposable après la situation de concours donc allons jusqu’au bout !

- Le droit des obligations n’est pas là pour aller au delà de ce que le législateur décide lui-même comme sureté réelle.

Les autres disent attention au principe de l’égalité : une fois née la situation de concours, on ne peut se créer des avantages par le droit des obligations. Donc le droit de rétention ne peut être qu’un moyen de pression. Il en sera un si la valeur du bien retenu est supérieur au montant de la créance impayée. Exemple : un garagiste retient une voiture de 10 000. Si la dette n’était qu’une dette de 150 ou de 200, le curateur dit qu’il aura vite fait de payer les 150 ou 200. Si la chose a une valeur moindre que la dette, pas certain qu’il favorisera le créancier et il ne pourra peut-être pas (en fonction de la règle de l’égalité des créanciers).

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3. La clause de réserve de propriété

Les parties peuvent déroger à la règle générale selon laquelle les contrats sont translatifs de propriété dès leur conclusion. La plupart du temps cela joue jusqu’au jour du payement complet.

- Avant 1997 : jurisprudence constante

Jusqu’en 1997, les clauses de réserve de propriété, bien que jugées licites, étaient en réalité relativement inefficaces. En effet, au moment où elles auraient pu devenir très utiles, la cour de cassation leur retirait toute utilité. Car la cour, jusqu’en 1997, disait que ces clauses de réserve de propriété n’étaient pas opposables au curateur. Donc une fois que nait la situation de concours envers un commerçant, le créancier aurait pu se dire ouf j’ai une clause de réserve de propriété mais non, il ne pouvait plus l’invoquer. Arrêt de principe en 1933 et jurisprudence sans cesse renouvelée et non démentie jusqu’en 1997 : jurisprudence constante.

- 1997 : loi sur les faillites

Mais en 1997, la loi du 8 aout 1997 sur les faillites est adoptée et rentre en vigueur. Son article 101 va à l’encontre de la jurisprudence la cour de cassation : opposabilité de cette clause malgré la survenance de la faillite. Il est vrai que cet article comporte toute une série de conditions : le principe est néanmoins bien celui de l’opposabilité.

1. Cette clause doit avoir été établie par écrit, au plus tard au moment de la livraison du bien La cour de cassation elle-même dans un arrêt du 25 septembre 2006 dit qu’elle peut être dans des conditions générales de vente : très classique.

2. Il faut que les biens se retrouvent en nature chez le débiteur. Une fois que la faillite a été prononcée, il faut pouvoir identifier chez le débiteur quels biens ont été vendus avec réserve de propriété. Plus précisément, ces biens doivent être identifiables chez le débiteur nous dit l’article. Il faut pouvoir voir sur l’étagère du hangar quels sont les biens qui ont une réserve de propriété. La cour d’appel de Liège le 13 février 2006 a tranché encore cela pour des CD : ils étaient sur des étagères, venant de différents fournisseurs. La revendication n’était pas considérée comme valablement introduite par le créancier non payé car pas identifiables…

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3. A peine de déchéance, il doit exercer son droit de revendication dans un certain délai : avant le dépôt du premier procès verbal de vérification des créanciers.

• L’article 101 parle d’action en revendication. Il faut lire correctement ce texte comme disait le droit d’exercice de la revendication. Il faut exercer le droit qui est dans ce contrat MAIS il ne faut pas nécessairement aller devant un juge. Assez rare, le législateur a voté une loi interprétative de cet article 101 pour dire qu’il fallait comprendre le mot action comme visant le droit ou l’exercice du droit de revendication : loi du 12 mars 2000.

• De plus le droit de revendication ne doit pas être pris dans son sens technique. Nous connaissons aussi le droit de revendication dans le cas d’un propriétaire dépossédé qui essaye de récupérer sa chose. Ici, peut-on considérer qu’on exerce cette action en revendication dans ce sens technique ? Pour cet article 101, on peut dire oui, on va revendiquer une chose car il y avait réserve de propriété. Mais le législateur n’utilise pas toujours le mot revendication dans son sens technique ; il l’utilise alors même que ce n’est pas le propriétaire qui cherche à avoir sa chose. Mais ici oui, c’est bien le cas, c’est le propriétaire.

 Il résulte de la présentation de l’article 101 que la loi de 97 a créé au bénéfice du vendeur une véritable sureté. Le législateur reconnaît que le bénéficiaire peut utiliser cet instrument alors que la situation de concours est apparue. Dès lors, il faudra attacher à cette clause de réserve de propriété, les effets qu’on accroche généralement aux sûretés et notamment celui de la subrogation réelle.

- Pas d’analogie aux autres situations de concours

L’article 101 fait partie de la loi sur les faillites donc le législateur a réglementé la question de la CRP en cas de faillites et en situation de concours. Mais il y a d’autres situations de concours comme le règlement collectif de dettes etc. Va-t-on appliquer par analogies à ces autres situations la solution de l’article 101 ? Ou bien est-ce une législation spécifique et pas besoin de déroger dans les autres situations de concours ? La plupart des auteurs disent ce texte vient d’une loi particulière donc pas lieu d’étendre ce règlement de la CRP aux autres situations que la faillite. Arrêt de la cour de cassation du 7 mai 2010-10-08 Le 7 mai 2010 la cour de cassation a confirmé cette position doctrinale. On a affaire à la vente d’une Opel corsa avec clause de réserve de propriété. L’acheteur est mis au règlement collectif de dette et la voiture n’était pas complètement payée donc le vendeur avait pris le soin d’insérer une clause de réserve de propriété.

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Opel dépose une requête pour revendiquer le bien : le juge des saisies de Namur rejette la requête. Opel interjeté appel : cour d’appel de Liège et Liège confirme la décision de Namur : rejet de la demande de la revendication. La cour de cassation rappelle en réalité l’état de la doctrine :

- Il n’existe pas de principe général de droit d’opposabilité de la clause de réserve de propriété

- La clause de réserve de propriété n’est donc pas opposable aux créanciers de l’acheteur en cas de concours avec le vendeur.

- Le règlement collectif de dette, la décision d’amission, fait naitre une situation de concours (au cas où on en douterait encore).

Quand on met ensemble tous ces éléments, on comprend que la cour a rejeté le pourvoi qui avait été introduit par Opel. Confirmation de ce que pensait la doctrine jusqu’ici : pas de raisonnement par analogie qui puisse être fondé sur l’article 101. Conséquences La jurisprudence inaugurée en 1933 prévaut toujours dans les autres situations de concours. La cour de cassation, comme en 1933, dit que dans une situation de concours (hors la faillite puisqu’on a la loi sur les faillites), c’est l’article 25 de la loi hypothécaire qui détermine les droits du vendeur : il n’est donc pas complètement démuni. C’est ça qui détermine les droits du vendeur en cas de concours et non pas la clause de réserve de propriété. Cet article attribue un privilège au vendeur. C’est l’existence de ce privilège qui justifie depuis 1933 que la cour de cassation restreigne les avantages conférés au vendeur aux droits conférés par cet article et dénie toute opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de concours.

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PARTIE  II  :  LES  SURETES  REELLES  

CHAPITRE 1 : CONSIDERATIONS GENERALES Section 1 : Notions et définitions Une sureté réelle n’est en réalité rien d’autre qu’un droit accessoire qui va affecter l’un des biens du patrimoine du débiteur. Et à ce droit accessoire va s’appliquer le mécanisme de la subrogation réelle. §1. L’accessoriété Quand on dit que la notion d’accessoriété est quasi inhérente à la notion de sureté, cela a un double sens :

1. Aucune utilité matérielle sur la chose

- Principe Les suretés sont des droits réels accessoires car ils ne confèrent à leur titulaire aucune utilité matérielle sur la chose. Le titulaire du droit accessoire (hypothèque, gage,…) ne va retirer du bien affecté aucune utilité matérielle. Exemple : un banquier octroie un crédit à un client et demande une sureté en contrepartie : le client constitue une hypothèque sur un de ses biens immeubles. L’hypothèque est un droit réel qui vient grever la chose. Mais le banquier n’a pas l’usage matériel de notre appartement : il ne peut pas s’inviter chez nous. Il n’a que l’utilité juridique : si on ne rembourse pas notre dette, il peut faire vendre l’immeuble et se faire payer sur le prix de la réalisation. Ce droit réel qui vient grever la chose et qui présente pour son titulaire une véritable utilité juridique, en vérité l’utilité juridique est qu’il sera préféré aux autres créanciers quand il faudra répartir de le prix de la réalisation du bien.

- Eventuel droit de suite

• Règle générale Le titulaire va toujours avoir un droit de préférence quand on va répartir le prix de réalisation. Ce droit de préférence est parfois doublé d’un droit de suite : un peu réducteur de lier droits de préférence et droit de suite, ce n’est que parfois. Le droit de suite est un droit attaché à certaines suretés, qui a permettre au créancier de suivre la chose dans quelles que mains qu’elle se trouve.

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Si la chose sort du patrimoine du débiteur, le titulaire de la sureté ne perd pas sa sureté : il peut suivre le bien, le saisir, le mettre en vente et se faire payer sur le produit de réalisation. Le droit de suite est très utile : c’est parce qu’il existe ce droit que le créancier n’a pas de craintes de laisser la chose affectée de la sureté, chez le débiteur. Si le débiteur devait la vendre, ce n’est pas grave, j’irai la récupérer là où elle est. On comprend que les deux seront liés que dans les hypothèses où on sait où se trouve le bien. Le législateur ne va pas donner ce droit de suite s’il le titulaire de la sureté ne sait pas où est la chose.

- Donc le droit de suite n’existe en principe qu’en matière immobilière : que quand c’est un immeuble qui est grevé d’une sureté réelle.

- En revanche les titulaires d’une sureté réelle mobilière ne bénéficient en principe pas de ce même avantage.

Raison très matérielle à cette distinction : sur des meubles, on sait pas où il se

trouve. Raison juridique à cette dichotomie : c’est le jeu de l’article 2279.

Pour ces deux raisons le législateur n’a pas accordé de droit de suite en matière mobilière.

• Précision

Sauf qu’il y a certains meubles qu’on peut assez aisément localiser. Donc le législateur est retombé sur ses pattes : récupérons cette idée de droit de suite. C’est pourquoi on trouve certaines suretés mobilières avec un droit de suite. Exemple : le gage conféré sur un fond de commerce. C’est une universalité. On sait le localiser comme c’est là où le commerçant exerce son effectivité. 2279 ne s’appliquera pas car cela ne s’applique que pour les meubles corporels donc les deux raisons sont contournées. Une universalité n’est en effet pas corporelle. Ainsi, le droit de suite s’y attachera, ce qui est un énorme avantage pour le créancier.

2. Accessoires d’une créance principale Aussi qualifiées d’accessoires car elles sont toujours l’accessoire d’une créance principale. Jamais de sureté sans dette principale à garantir : sens à une sureté que parce qu’il y a une dette principale à garantir. C’est cette dette principale qui justifie l’existence de la sureté. Si on interprète cela dans un sens étroit, on en conclut qu’il n’est pas possible d’avoir une sureté tant que n’existe une dette principale à garantir. Or il se fait que la pratique bancaire est une pratique tout à fait en sens opposé : on observe très fréquemment des banques qui requièrent de leur client la constitution d’une sureté (une hypothèque par exemple) alors même que la dette à garantir n’existe pas encore. Des suretés sont quotidiennement constituées pour garantir le payement d dettes qui n’existent pas encore.

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Est-ce que cette pratique est licite ? Elle est au moins tolérée comme on voit qu’elle est pratiquée… Arrêt 28 mars 1974 : arrêt Arsène Mengal Une banque lui avait consenti un prêt. Elle demande à ce commerçant la constitution d’une sureté contre le prêt et il accepte en constituant un gage sur son fond de commerce. Ce gage était constitué de manière très large : les parties avaient prévu qu’il était destiné à garantir le remboursement du prêt mais aussi le payement de toutes sommes généralement quelconques dont le créancier pourraient devenir responsable devant la banque. Il rembourse sagement son premier prêt et à l’issue de ce remboursement, la banque consent à une nouvelle ouverture de crédit : c’est là que els problèmes survient et qu’il ne sait plus rembourser les sommes consenties par la banque. Donc la banque va vouloir faire jouer le gage à ce moment là mais le gage avait été consenti au moment du premier prêt. Mengal fait jouer l’accessoriété. La question se pose de savoir si on peut garantir le remboursement d’une ouverture de crédit né postérieurement à la constitution du gage. La cour d’appel de Bruxelles décide que la constitution d’une sureté pour dette future est parfaitement valable, du moment que la dette ou les dettes futures soient déterminées ou à tout le moins déterminables. Elle fonde sa décision sur l’article 1130 qui autorise les conventions sur choses futures. La cour de cassation ne dit pas autre chose : le pourvoi est rejeté. Demogue Compte tenu de cette jurisprudence, on peut se demander si cela a encore du sens de die qu’une sureté réelle n’est qu’accessoire. La réponse dépend de la signification qu’on donne au mot accessoriété. Si on donne au mot accessoriété le sens que lui attribuait Demogue, pas de problème pour affirmer aujourd’hui que ce sont des droits accessoires. Demogue ne parlait pas que de sureté mais il disait que le contrat accessoire est un contrat dont l’exécution suppose l’existence d’une dette. Il faut donc que la dette existe. Or dans l’affaire Mengal, quand la banque veut mettre en œuvre sa sureté, la dette était bien née (c’est parce qu’elle n’était pas remboursée que la banque veut mettre en œuvre sa sureté). Donc pas de problème : on peut valablement constituer une sureté avant même que la dette à garantir ne soit née. Le résultat est qu’en droit belge, les suretés créées « pour toutes sommes » sont parfaitement valables : les sommes qui existent aujourd’hui mais aussi demain. On parle parfois en doctrine de sureté omnibus. Pas d’engagement à vie

A propos de ces suretés pour toutes sommes qui seraient dus entre les parties, il faut encore régler une question. C’est bien de dire qu’on va constituer une sureté aujourd’hui pour toute dette qui naitrait entre les parties. Mais il faut se souvenir qu’il existe en droit des obligations et des contrats un principe général qui dit qu’on ne peut

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pas être indéfiniment lié à l’égard de quelqu’un : pas d’engagement à vie dont on ne puisse se défaire. Un CDI par exemple peut donc toujours être résilié. Si les contrats constitutifs de suretés sont constitués sans limite de l’engagement, il faut admettre leur validité mais on doit aussi admettre qu’on peut aussi y mettre un terme. En clair, les suretés constituées à durée illimitée doivent pouvoir être dénoncées par le débiteur : il doit pouvoir se défaire de sa relation contractuelle. Mais moyennant un préavis raisonnable pour ne pas mettre son créancier en difficulté. En sans préjudice des droits du créancier ; la sureté servira à couvrir les dettes qui sont actuelles. En effet la dénonciation ne servira que pur les dettes postérieures à la révocation. Ces deux acquis de la jurisprudence et de la doctrine ont été intégrés par le législateur dans la loi du 4 aout 1992 relative au crédit hypothécaire. Elle réglemente les crédits accordés à une personne physique qui accepte une hypothèque en contre partie. Le législateur exprime de façon très claire ces deux principes. L’article 51 bis de cette loi parle bien de créance future. Mais à condition qu’au moment de la constitution de l’hypothèque les créances soient déterminées ou déterminables (//cour d’appel). De plus, en cas de durée indéterminé, on peut résilier mais il faut un préavis de 3 mois. On peut donc accorder valeur à cette jurisprudence et à cette doctrine. NB : Il n’est pas vrai de dire que Demogue a commenté l’arrêt de la cour puisqu’il est décédé en 1938 §2. La subrogation réelle

1. Définition

C’est le caractère rée des suretés qui explique le mécanisme de la subrogation. Ce n’est pas comme la subrogation personnelle dont on a déjà entendu parlé : une personne prend la place d’une autre. Ici c’est une chose qui prend la place d’une autre. Les règles ont très différentes pour les deux. La SR est un mécanisme au terme duquel un bien nouveau va prendre la place d’un bien disparu dans le patrimoine du débiteur. Et ce bien remplaçant va être soumis au même régime juridique que le bien disparu.

2. Application

Nous repartons de l’idée de la clause de réserve de propriété : elle permet au créancier impayé de revendiquer la chose chez l’acheteur s’il se trouve en défaut de payement à l’échéance. Si l’échéance arrive, que va penser à faire le créancier ? Il va penser à revendiquer le bien dans le patrimoine du débiteur. Mais si le bien n’est plus dans ce patrimoine car le débiteur l’a vendu au mépris de la clause de réserve de propriété, la somme d’argent qui vient remplacer dans le patrimoine le bien qui s’y trouvait, va

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pouvoir permettre au créancier de récupérer cette somme et de revendiquer sa créance. Donc on a bien une chose qui en remplace une autre. Celui qui avait un droit pour récupérer la voiture pourra récupérer la somme d’argent. Le bien qui vient à la place de l’autre sera soumis au même régime.

3. Conditions

Différentes conditions pour appliquer cette règle de la subrogation réelle.

1. Le bien qui a disparu du patrimoine doit avoir été soumis à une destination particulière. Il faut qu’il ait été affecté à une destination particulière. Ce n’est donc pas n’importe quel bien qui disparaît : il avait un but particulier. C’est la situation des biens qui sont grevés d’une sureté réelle : ce bien est affecté par priorité à une certaine fonction puisque le produit de réalisation sera attribué aux créanciers. Donc on voit bien que la subrogation réelle est utilisée dans le cas des suretés réelles.

2. Il faut que le bien qui a disparu soit remplacé par un autre bien

Cet autre bien doit être la contre valeur u premier bien.

3. Il faut que celui qui invoquera la subrogation réelle ait perdu le droit de

suite sur le bien qui a disparu. Si le bien qui sort du patrimoine du débiteur est un bien auquel on applique le droit de suite, pas nécessaire d’utiliser la subrogation réelle puisque le créancier pourra toujours faire valoir ses droits sur la chose en la faisant saisir dans quelque main qu’elle se trouve.

Le législateur n’a pas consacré dans un texte à vocation générale le mécanisme de la subrogation réelle. C’est au départ de toute une série de textes que la doctrine a élaboré ces conditions.

4. Textes légaux intégrant la subrogation réelle

Les deux articles principaux qui reconnaissent un mécanisme de subrogation réelle sont :

1) L’article 10 de la loi hypothécaire Il vise le cas d’un bien immeuble grevé d’une hypothèque et ce bien vient à disparaître par exemple par incendie. Par chance l’immeuble était assuré et un assureur va donc verser à celui qui était propriétaire une somme d’argent. L’article 10 dit que toute indemnité due par des tiers (par exemple l’assurance) sera affectée au payement des créances hypothécaires (celles qui avaient

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justifié les créances). Donc cela exprime bien l’idée de la SR : l’intérêt est qu’on va soumettre le bien de remplacement que le régime du bien disparu. Si le bien disparu était affecté à la satisfaction des intérêts du créancier, l’autre le sera aussi. Il y a donc bien maintien des droits réels du bien disparu et report de ces droits sur le nouveau bien, sur la contre valeur.

2) L’article 58 de la loi sur le contrat d’assurance terrestre du 25 juin 1992 JUSTIFICATIONS

Qu’est ce qui justifie que dans certains cas le législateur ait pu dire qu’il y a eu report des droits réels sur la chose disparue ? Car dans ce cas, le bénéficiaire de la sureté n’est pas tellement intéressé par le bien lui-même. D’ailleurs on a vu qu’il n’avait pas l’utilité matérielle de la chose. Le banquier s’en fout du collier ou de l’immeuble. C’est la valeur de chose qui va intéresser le bénéficiaire. Puisque ce n’est pas la chose en tant que tel qui intéresse le créancier, pas de problème à reporter els droits sur une contre valeur : le créancier sera tout aussi content. A partir du moment où il est indifférent pour le créancier de savoir sur quel bien il a des droits, on comprend que le mécanisme de la subrogation réelle a un champ d’application très intéressant pour les suretés. La matière des droits réels accessoires est une matière de prédilection de la subrogation réelle. Mais on trouve aussi application de ce mécanisme pour des droits réels qui ne sont pas des droits réels accessoires : le droit de propriété par exemple. C’est un droit réel principal en théorie du moins. Car on sait depuis qu’on a vu la clause de réserve de propriété, que le droit de propriété en lui-même est désormais reconnu par le législateur comme pouvait être utilisé comme sureté. On a vu que cette clause était un véritable mécanisme avec un effet de sureté et d’ailleurs quand ce droit est utilisé à des fins de sureté, le propriétaire lui-même n’a plus l’utilité matérielle de la chose et il ne peut même plus l’utiliser. La réserve de propriété est utilisée à des fins de suretés et pas juste un gage, ou une hypothèque. Dans ce cas, on lui applique aussi le mécanisme de la subrogation réelle. Au mépris de la clause de réserve de propriété, le débiteur vend le bien à un tiers mais la somme d’argent pourra en réalité être affecté des mêmes effets qu’on avait voulu accorder à la chose. Donc le vendeur pourra prétendre à l’acquisition de cette somme puisqu’il fait jouer son droit de propriété non pas sur la chose initiale mais sur celle qui est venue en remplacement. C’est donc l’idée de valeur de la chose qui prévaut sur celle de la chose. Bien entendu, ce n’est que si cette somme d’argent est identifiable et isolable dans le patrimoine : en effet il faut une individualisation suffisante.

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Donc quand le tiers acheteur a payé le prix de vente, le vendeur sera souvent démuni. Le mieux pour le créancier est d’intervenir alors que la créance de prix n’a pas encore été payée : comme ça on est certain de pouvoir individualiser la somme d’argent. Le vendeur qui bénéficie d’une clause de réserve de propriété est bénéficiaire d’une véritable sureté : quand le vendeur voudra faire valoir sur la somme d’argent qui est due car le bien a été vendue, il sera peut-être en concours avec d’autres créanciers. Donc il ne faut pas croire que la somme d’argent reviendra automatiquement à celui qui a une CRP. Section 2 : L’énumération des suretés réelles Trois types de suretés réelles dans notre droit :

1. Le nantissement Convention par laquelle un débiteur va remettre une chose à son créancier pour sureté de sa dette. Par la suite on verra que en plus d’un débiteur ca peut aussi être un tiers. Si la chose est immobilière, le nantissement s’appelle l’antichrèse. Si la chose est mobilière, on parle de gage. C’est une sureté d’origine conventionnelle : toujours une convention !

2. Les privilèges

Ce sont des droits nécessairement conférés par le législateur et qui donnent à leur bénéficiaire d’être payé par préférence. Toujours d’origine légale.

3. Les hypothèques Elles sont soit d’origine conventionnelle, légale ou testamentaire. Section 3 : Classification des suretés Toutes ces suretés que nous venons d’énumérer peuvent être classées. Un tas de critères peuvent entrer en compte mais l’un des classements les plus utiles est selon la nature de l’assiette de la sureté. §1. En fonction de la nature de l’assiette L’assiette, ce sont les biens du patrimoine qui servent de garantie. Ils peuvent être de nature mobilière ou immobilière. Donc en fonction de la nature de l’assiette, on a

- des suretés mobilières - des suretés immobilières.

Cette distinction apparait déjà dans les articles 25 et 26 de la loi sur les faillites : voir supra.

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§2. En fonction de l’ampleur de l’assiette

1) Suretés spéciales : portent sur un bien déterminé ou plusieurs 2) Suretés générales : portent sur l’ensemble des biens soit meubles soit

immeubles du débiteur soit l’ensemble. (?) 15/10/10 Section 4. Le rang des sûretés réelles En réalité, il arrive très fréquemment qu’un bien déterminé, ou même plusieurs biens soient grevés de plusieurs sûretés. Il se peut qu’un immeuble par exemple soit grevé de plusieurs hypothèques au profit de plusieurs créanciers : c’es relativement fréquent. Quid si ce bien est d’une valeur insuffisante pour satisfaire les créanciers ? On va ranger les créanciers selon un certain ordre, et on va d’abord satisfaire le premier de la liste, et puis, les autres, etc. Donc, le rang des créanciers, ce n’est que l’ordre des créanciers, le classement des créanciers, des créanciers qui par hypothèse (sinon, pas de sens) sont en conflits à propos d’un même bien. Tous ont une sureté mais quand ceux qui ont une sureté réelle sur un même bien, comment les classer ? Pour déterminer le rang des créanciers, cinq principes sont élaborés en droit belge. On va examiner d’une manière générale ces cinq principes en les illustrant au mieux avec ce que l’on sait. Plus tard dans le cours, on verra comment classer les créanciers les uns par rapport aux autres. TUYAU : classement des créanciers, dans une situation de fait (question sûre à l’examen). § 1. Conflit entre créanciers hypothécaire et privilégié Hypothèse dans laquelle ces deux types de créancier sont en conflit. Le bien est donc grevé de deux sûretés : hypothèque et privilège. Donc, il y a un concours des créanciers : créanciers hypothécaire et créancier privilégié. Qui va avoir la préférence ? Les privilèges priment les hypothèques. Aux termes de l’article 12 de la loi hypothécaire, en effet, le privilège accorde à son titulaire le droit « d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires ». Donc, quand on a un bien à la fois affecté à la créance d’un créancier privilégié et à la créance d’un créancier qui a une hypothèque, on va d’abord satisfaire le créancier privilégié, et s’il reste de l’argent, ce sera pour le créancier hypothécaire.

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Exemple : Un commerçant possède un immeuble et il prend soin de prendre une assurance incendie. Un peu plus tard la banque lui accorde un prêt en échange d’une sureté : la constitution d’une hypothèque pour rassurer le banquier. Le commerçant rencontre des difficultés financières et parmi les créanciers impayés on trouve le banquier et l’assurance (pas été payé des primes d’assurances). Ils disent qu’ils sont tous les deux des créanciers bénéficiant d’une sureté grevant l’immeuble du commerçant. Le banquier a une hypothèque sur l’immeuble. L’assureur c’est un créancier privilégié : le législateur lui a accordé un privilège. L’assiette de son privilège (affecté à la satisfaction des intérêts) c’est le bien qui fait l’objet du contrat d’assurance : l’immeuble ici. Donc els deux créanciers ont des prétentions sur l’immeuble. Ils se manifestent tous les deux chez le curateur. Le banquier dit qu’on lui doit 950 et l’assureur demande 50. On met l’immeuble en vente mais cela ne suffit pas à satisfaire les deux créanciers. On n’obtient que 950 au lieu de 1000 : comment les répartir ? C’est dans ce genre de situations qu’on applique les règles qu’on passe en revue. La première est que les privilèges priment les hypothèques. Le créancier hypothécaire n’aura que 900 car on doit d’abord rembourser les 50 à l’assureur. On donne les balises pour régler les conflits qui vont se présenter.

Pour bien comprendre l’application de l’article 12 dans ce texte, il faut savoir que le vendeur dispose d’un privilège. Quand quelqu’un vend un immeuble, il bénéficie d’un privilège qui vient grever l’immeuble vendu. Il a un droit d’être préféré au créancier chirographaire sur le prix de l’immeuble. Vendeur ou Banque ? Selon l’article 12, on va d’abord satisfaire le vendeur : Vendeur 20 000 Banque : 90 000 – 20 000 = 70 000 § 2. Conflit entre créanciers privilégiés Imaginons que les deux créanciers qui sont en conflits soient privilégiés tous les deux. Entre créanciers privilégiés, la préférence se règle, dit l’article 13 de la loi hypothécaire, par « les différentes qualités des privilèges ». On va donc regarder la qualité des privilèges et on donnera la préférence à celui qui a la meilleure qualité. Mais c’est quoi la qualité du privilège. Pour comprendre cela, il faut remonter à l’article 12 qui définit le privilège, et il faut se souvenir que le privilège est le droit d’être prioritaire, le droit d’être préféré lors de la répartition et ce, selon la créance. Il faut aussi se souvenir que c’est un droit accordé par le législateur au créancier. Quand le législateur crée un privilège (seul lui peut le faire : jamais d’ordre conventionnel) c’est en réalité parce qu’il considère que la créance de ce créancier es digne d’une certaine protection. Donc, il va accrocher à la créance un privilège. Exemple : paiement de l’ONSS pour le paiement des cotisations sociales. Il faut protéger les intérêts du travailleur, en créant une sureté à son propre bénéfice. Quand il y a un conflit entre deux privilèges, on va mettre en balance les différents intérêts protégés, en se demandant si les intérêts du vendeur sont plus intéressants que les intérêts du bailleur, par exemple. Car le législateur a créé des dizaines de privilèges (avocat, assureur, vendeur, bailleur,…)

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La difficulté est de se dire : quel est l’intérêt qui doit être protégé ? Ensuite il faut mettre ces intérêts en balance. Celui qui a des intérêts plus marqués que l’autre passera avant l’autre. Cela va être difficile, parce que comment dire que c’est mieux de protéger l’entrepreneur que le vendeur, etc. ? Le législateur a eu la bonne idée de régler lui-même les conflits principaux, les plus fréquents. Dans les articles 21 à 26 de la loi hypothécaire, il prend une série de cas de figure et règle lui-même les problèmes. Pour le praticien, c’est donc assez facile. En effet, il suffit, quand on tombe dans les articles 21 à 26, d’appliquer ce que dit le législateur. Exemple : un conflit entre un bailleur et vendeur c’est réglé. Lorsque l’on a affaire à des créanciers qui ont le même niveau, qui ont des qualités égales, on retombe sur la règle de l’égalité des créanciers. Pour ceux qui sont sur la même ligne en qualité de créancier, à l’intérieur d’un même niveau, on fait la répartition par contribution (parce que c’est la règle). Mais parfois le législateur n’a pas réglé la question et le conflit ne trouve pas de solution expressis verbis dans la loi. Donc la jurisprudence va retomber sur ses pieds et dire qu’il faut mettre les privilèges en balance selon ce que le législateur voulait protéger. Article 14 de la loi hypothécaire : « Les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence. » Le législateur n’a pas su régler tous les conflits, donc, l’article 13 vient comme issue de secours pour le juge, l’avocat ou le praticien qui serait confronté à un conflit non réglé par le législateur. Dans ce cas, on est obligé de retomber sur l’article 13. Ainsi, pour les cas non tranchés par la loi, il appartient au juge d’apprécier le critère de « qualité » ainsi proposé, ce qui est une tache difficile et source de nombreux litiges. § 3. Conflit entre créanciers hypothécaires Le législateur dit que c’est la date de l’inscription de l’hypothèque dans les registres du conservateur des hypothèques qui est à prendre en considération pour déterminer le rang (art. 81, al.1er, loi hypothécaire). Le premier inscrit sera le premier servi, il passera avant les autres. S’il y a plusieurs inscriptions le même jour, alors, on applique la règle de l’égalité (art. 81, al. 2 et 123, al. 2). Exemple : une banque est bénéficiaire d’une hypothèque sur un immeuble et peu après le commerçant accorde une hypothèque dessus une autre banque. Il y a donc deux créanciers hypothécaires qui ont la même assiette sur l’immeuble en question. On va prendre en compte la date de l’inscription (et non transcription) de l’hypothèque dans le registre de la conservation des hypothèques.

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Petit rappel : en matière de publicité immobilière, le conservateur des hypothèques tient trois registres :

- dépôt - inscription - transcription

Tous les actes présentés au conservateur des hypothèques sont mentionnés dans le registre des dépôts. Et puis, du registre des dépôts, on redispatche les actes soit dans le registre des transcriptions, soit dans le registre des inscriptions, suivant la nature de l’acte. !! La date que l’on prend en considération (pour voir à quelle date a été opérée la formalité de publicité), est celle du registre des dépôts. Tout ce qui rentre dans ce registre va être re dévié dans le registre des transcriptions et des inscriptions. La publicité des hypothèques se réalise par un mécanisme d’inscription (et non la transcription). C’est le premier des deux qui aura fait inscrire l’acte constitutif d’hypothèque dans le registre ad hoc, qui sera préféré à l’autre. Donc on peut très bien avoir une constitution sur m’immeuble au profit de la banque A puis une au profit de la banque B. Si c’est la banque B qui était inscrit avant, la banque B sera payée en premier : s’il reste un peu d’argent la banque A aura peut-être un peu d’argent. Si c’était inscrit le même jour, le partage se fera de manière contributoire : égalité des créanciers. L’article 83 de la loi hypothécaire décrit par le menu la procédure d’inscription. Si on veut schématiser : celui qui se présente chez le conservateur des hypothèques devra se munir :

- de l’expédition de l’acte authentique de l’hypothèque ; - du bordereau.

§ 4. Conflit entre titulaires de sûretés soumises à publicité instrumentaire C’est une généralisation du troisième principe. Il ne fait pas l’objet d’une disposition légale particulière mais s’impose néanmoins pour des raisons tenant à la sécurité juridique : l’antériorité règle le conflit entre sûretés soumises à la publicité instrumentaire : Prior tempore, potior jure. Elle découle de la nature même de la publicité, dont la raison d’être est d’assurer l’opposabilité de la sûreté aux tiers, c’est-à-dire son efficacité. Avant son accomplissement, la sûreté n’a aucune utilité. C’est comme si elle n’existait pas. Exemple : le gage sur fonds de commerce. Quand un gage sur fonds de commerce est constitué, il y a une publicité. Comment faire pour un tel conflit (c'est-à-dire entre créanciers titulaires de ces sûretés) ? C’est le premier qui aura procédé à la mesure de publicité qui l’emportera sur l’autre. Ce gage est une sureté réelle qui nécessite un certain formalisme pour être opposable aux tiers. Donc on étend la règle de l’article 81 : quand il y a un conflit entre deux

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titulaires de suretés ayant donné lieu à une mesure de publicité, comparons les dates des mesures de publicités. Exception à ce principe : le premier principe : le privilège prime les hypothèques (article 12 de la loi hypothécaire). C’est une règle d’un niveau supérieur. Donc, dans un cas particulier où créancier hypothécaire contre privilégié, ils sont tenus tous les deux d’une mesure de publicité. § 5. Conflit entre titulaires des sûretés conventionnelles. Concours entre titulaires de sûretés conventionnelles (nées de contrats) qui ne donneraient pas lieu à des mesures de publicité (sinon 4e) Alors, on va appliquer la règle de l’antériorité de la constitution de la sûreté : celui qui a la sûreté la première créée en date l’emportera sur l’autre. L’article 81 de la loi hypothécaire en est une application en cas de concours entre hypothèques conventionnelles (voir section 3. Conflit entre créanciers hypothécaires) Bref, ces cinq règles vont être reprises.

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CHAPITRE 2 : LE NANTISSEMENT Section 1. Les différentes formes de nantissement Le nantissement est défini à l’article 2071 du Code civil. C’est un terme générique qui vise les contrats par lesquels un débiteur (ou un tiers) va remettre une chose à son créancier (ou à un tiers) pour sureté de sa dette.

- Si la chose est un immeuble : antichrèse - Si la chose est un meuble : gage

Donc, le nantissement recouvre l’antichrèse et le gage. Inconvénient du nantissement : si on se place du point de vue du débiteur, le nantissement a pour conséquence qu’il oblige le débiteur à remettre la chose grevée de la sureté au créancier. Le nantissement implique en effet une dépossession. Le débiteur doit se dépouiller de la chose donnée en nantissement, ce qui peut représenter un inconvénient non négligeable. C’est la faiblesse de la chose : on perd la maitrise et la possession du bien. C’est pourquoi en matière immobilière, on préfère utiliser comme sureté le système de l’hypothèque, parce qu’il n’implique pas de dépossession de l’immeuble. Le débiteur propriétaire de l’immeuble va grever son immeuble d’une hypothèque au profit de son créancier mais il peut continuer à occuper son immeuble. Donc l’hypothèque est une sûreté beaucoup plus intéressante parce qu’elle n’implique pas une dépossession. Avec dépossession cela n’aurait pratiquement plus d’utilité. Le droit belge reconnaît deux formes de suretés immobilières : une avec dépossession et une sans dépossession (beaucoup plus intéressant). C’est la raison pour laquelle l’antichrèse est quasi tombée en désuétude. Les articles sont toujours là mais c’est l’hypothèque qui est plus utilisée que le nantissement pour les immeubles.

Conséquence : en Belgique, l’antichrèse est tombée en désuétude, parce que l’on ne voit pas pourquoi le débiteur irait se dépouiller d’un bien alors qu’il y a d’autres techniques de suretés réelles qui donnent garantie au créancier sans dépossession. Donc, on ne va pas examiner l’antichrèse en raison de cette désuétude. On ne va étudier que le gage, c’est-à-dire le nantissement qui porte sur une chose mobilière. Donc, ce « Titre 2 » sera consacré au gage. Le gage est une technique courante de constitution d’une sureté. On trouve la réglementation applicable au gage dans le Code civil aux articles 2071 et s., c’est là qu’est localisée la réglementation de droit commun en matière de gage. Ce gage, tel que réglementé par le Code civil, ne concerne que les gages civils Pour ce qui est du gage commercial, c’est un gage qui est constitué pour sureté d’un engagement commercial. Il existe une réglementation particulière qui se trouve dans

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le Code de commerce. C’est une loi du 5 mai 1872 qui a inséré, dans le Code de commerce, un titre sur le gage (comportant une dizaine d’articles). Cette loi est lacunaire : elle ne règle que certains aspects relatifs à la création de la sureté et à son exécution. Puisque cette loi est lacunaire, pour avoir une vue d’ensemble, on va compléter ce régime avec les règles du code civil : on retombe sur les articles du code. Mais qu’est ce qu’un engagement dit commercial ? C’est un engagement pris par un commerçant au sens du code de commerce : une personne qui pose des actes réputés commerciaux de manière régulière. La sureté qu’on donne à un commerçant est une sureté commerciale. Donc, quand un commerçant pose un acte (contracte une obligation), cette obligation est une obligation de nature commerciale. Un gage commercial est un gage qui est constitué pour sûreté d’un engagement commercial. Autrement dit, c’est la nature de l’engagement qui est garanti qui donne sa qualification au gage. On regarde onc d’abord quelle est la nature de la créance garantie : - Si c’est une créance commerciale gage commercial ; - Si c’est une créance civile gage civil.

Donc, c’est la nature de l’obligation garantie qui vient déterminer la nature du gage. Dans le cas d’un gage commercial, cela ne sera pas réglé par les articles 2071 du code civil. Ces deux formes de gage (commercial et civil) sont ce que l’on pourrait appeler les gages de droit commun et ces gages de droit commun, on va les examiner ensemble dans le deuxième chapitre. Pourquoi les examiner ensemble ? Parce que la loi du 5 mai 1872 sur le gage commercial (insérée dans le Code de commerce) est une loi parcellaire, qui ne règle que certains aspects du gage commercial. Pour tout ce qui n’est pas réglementé, on se réfère aux articles 2071 du Code civil et s. Les exceptions ou dérogations apportées par la loi du 5 mai 1872 tiennent essentiellement dans une simplification des règles de constitution et de preuve du gage et une procédure plus aisée et plus souple de réalisation du bien engagé. Ceci explique que dans le chapitre 2, on verra les deux. Avec cela, on n’aura pas fini l’étude du gage, parce qu’il existe d’autres réglementations particulières. Les autres chapitres de ce titre sur le nantissement seront consacrés à l’étude de ces gages particuliers.

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Section 2. Les gages de droit commun Le gage est un contrat par lequel un débiteur ou un tiers payeur va remettre un bien mobilier au créancier ou à un tiers. D’un point de vue terminologique, le terme « gage » vise aussi bien le contrat par lequel le bien est mis en garantie, que le bien meuble lui-même remis par le débiteur ou par un tiers au créancier ou à un tiers. Lorsque c’est un tiers qui remet un bien au créancier, on est dans une situation de stipulation réelle pour autrui, ou encore de cautionnement réel. : le tiers (= bailleur de gage) remet un de ses biens en gage à un créancier du débiteur principal. Dans le cas du tiers, on peut donc mettre cela sous la bannière du cautionnement réel : c’est un bien qui sera affecté au recouvrement de la dette principale (voir lien premier cours). De même il y a le cas de l’entiercement : situation dans laquelle on a un bailleur qui remet un gage au créancier pour sureté de la dette du débiteur principale. L’art 1108 du Code civil s’applique : c’est l’article qui précise que quatre conditions sont essentielles pour la validité de toute convention. § 1. Les conditions de validité du contrat  Le gage est un contrat donc il faut répondre aux conditions de l’article 1108.

1. Capacité Celui qui constitue le gage (le débiteur) doit avoir la capacité de contracter. La capacité que l’on exige est une capacité de disposer de ses biens, de se défaire de ses biens. Il faut impérativement qu’au moment où le débiteur constitue le gage (conclusion du contrat) celui ci ait la pleine capacité de disposer de ses biens. Il faut qu’il ait la capacité d’aliéner : ce n’est pas le cas du mineur. Le législateur demande qu’une autorisation judiciaire du juge de paix. Soit donné pour qu’un bien du mineur soit mis en gage. Pourquoi capacité de disposer pour le débiteur ? Parce que si l’obligation n’est pas exécutée à terme, le créancier va pouvoir mettre en vente le bien en question, et donc, le bien risque de sortir du patrimoine du débiteur. Donc, on exige de lui une capacité de disposer, même si la chose ne sort pas de son patrimoine. Qu’en est-il en cas de défaut de capacité ? Les actes sont de nullité relative. Donc, seule la personne incapable pourrait invoquer la nullité de l’acte ayant été posé en violation ou interdiction de disposer. Cf. formalité nécessaire pour qu’un mineur soit représenté par ses parents.

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2. Consentement Qui doit consentir ? Celui qui remet la chose. Bref, si on est dans un cautionnement réel : c’est le tiers qui doit consentir à l’obligation.

3. Objet Le gage doit avoir un objet certain. C’est ce qu’on va remettre. En principe, il peut avoir pour objet toute chose mobilière qui se trouve dans le commerce, que cette chose soit corporelle ou incorporelle. Pour les meubles incorporels (droit d’auteur,…), c’est aussi toujours des procédures particulières et législations particulières. Le gage porte nécessairement sur une chose mobilière, sous la réserve des meubles par anticipation (qui sont des immeubles par nature, qu’on appréhende dans leur statut futur de meuble). Les choses immobilières ne peuvent donc pas faire l’objet d’un gage. Pour les immeubles par destination, ils peuvent faire l’objet d’un gage étant donné que ce sont des meubles par nature que l’on considère comme des immeubles en raison de leur lien avec l’immeuble. En réalité, il faut s’entendre sur la portée de cette proposition. C’est parce que les immeubles par destination peuvent être désaffectés de leur destination pour retrouver leur nature initiale de meuble, qu’ils pourront faire l’objet d’un gage : ils sont désolidarisés. Donc, au moment où le bien est remis ou transféré par le débiteur au créancier, l’immeuble immobilisé redevient meuble. Il n’y a donc, pas d’exception à la règle. Les meubles en question doivent être dans le commerce : ce sont les biens incessibles en vertu de la loi et non en vertu d’une convention. Pour les choses incorporelles, c’est moins naturel de se dire qu’elles peuvent faire l’objet d’un gage. La question qui se pose, et la difficulté que l’on rencontre, c’est de se dire comment le débiteur va-t-il remettre la chose à son créancier ? Comme la remise de la chose est un élément qui caractérise le contrat de gage, on comprend que le gage puisse porter sur une chose corporelle. Mais quid si incorporelle ? Il suffit de se référer à la législation qui a autorisé la constitution du gage sur chose incorporelle (exemples : la mise en gage de créance, mise en gage de droits intellectuels). Le législateur s’arrange pour expliquer comment se payera la remise par le débiteur au créancier. Il faut à propos de cet objet préciser une particularité : que fait-on avec la remise de fonds ? La remise d’argent constitue-t-elle un gage ? Est-ce que la remise d’une chose d’argent vaut gage ? On transfert la propriété de cette somme au créancier donc cela ne correspond pas vraiment au cas de figure du gage. En effet, cette chose est fongible donc il pourra utiliser l’argent mais il contractera une obligation de restituer le même montant. Donc il y a quasi gage car il y a transfert de propriété.

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Mais on peut imaginer des hypothèses spécifiques où on aurait une somme d’argent qui deviendrait une somme d’espèce individualisée. Exemple : mettre des billets de banque numérotés dans une enveloppe fermée et ainsi, les identifier pleinement. Dans ce cas, on peut prétendre qu’il y a constitution d’un gage, parce que l’on identifie la somme d’argent qui est une chose d’espèce qui devra être remise par le créancier au débiteur, en fin de parcours. Mais sauf ce cas particulier, la remise d’une somme d’argent ne constitue pas un gage normalement.

Dans le cas d’une remise d’argent par compte bancaire pour un gage, on y reviendra. Exemple : On peut tenir le même raisonnement quand l’argent n’est pas mis dans une enveloppe, mais quand ce sont des avoirs financiers qui sont placés sur un compte bloqué en banque (compte sur lequel on individualise clairement la somme d’argent). Dans ce cas, on peut dire que l’argent qui a été bloqué sur le compte en question est individualisé, n’est pas mélangé à la masse des avoirs du créancier. Donc, parler de gage ici est plus raisonnable

4. La cause Comme tout contrat, en droit belge, la cause est plutôt interprétée comme étant le mobile déterminant poursuivi par les cocontractants. On a donc une conception subjective de la cause. Il n’y a rien d’original en matière de gage. Comme dans les autres contrats, cela ne peut pas être des mobiles illicites. Si la constitution du gage était opérée dans un but illicite, cela n’irait pas.

Exemple : si le constituant du gage entendait favoriser des activités illicites du débiteur, ou des relations illicites avec le débiteur. Ce n’est que l’application du droit commun de la cause, rien de spécifique au gage. § 2. Les caractères du contrat

1. Le gage est un contrat accessoire Le gage est l’accessoire d’une créance principale. Le contrat de gage est conclu dans le but de constituer une garantie pour le paiement de la créance principale. Conséquences :

1- Quand la dette principale s’éteint, le gage s’éteint aussi par voie de conséquence.

2- S’il devait, pour une raison ou une autre, y avoir une annulation de l’obligation principale, il y aurait extinction de l’accessoire (donc, du gage).

3- La nature de l’obligation principale détermine la nature de l’engagement accessoire, selon que l’obligation principale et une obligation civile ou commercial, le gage sera civil ou commercial vu que c’est un contrat accessoire.

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2. Le gage est un contrat réel Un contrat réel est un contrat qui n’est parfait que par la remise de la chose par le débiteur au créancier. Le fait de remettre la chose au créancier (traditio romaine) est nécessaire pour que le contrat soit parfait. Donc, la traditio est un élément qui est nécessaire à la formation du contrat. Tant qu’il n’y a pas cela : contrat pas valablement formé. On avait vu dans les années précédentes que cela constitue un contrat réel : parfait que par la remise d’une chose. C’est la date de la remise qui va déterminer la date du contrat de gage. C’est normal puisque tant qu’il n’y a pas remise, il n’y a pas contrat. Il est important de déterminer la date de la constitution du gage dans certaines situations notamment dans le contexte de la faillite. L’article 17, 3° de la loi sur les faillites traite de l’inopposabilité de certaines opérations quand elles ont été passées en période suspecte (cf. quand on a parlé de la compensation). (Si on constitue une sureté postérieurement à la dette et que cela a lieu en période suspecte, cela peut être tenu comme inopposable aux autres créanciers.) Exemple : Une autre opération qui pose problème quand elle est constituée en période suspecte : la constitution d’un gage lorsque le gage n’est pas concomitant à la naissance de l’obligation garantie. Ce qui est suspect, c’est de constituer un gage en période suspecte pour garantir une obligation née antérieurement à ce moment-là.

Le législateur trouve suspect que par la suite il y ait constitution de sûretés réelles. En effet, par une sorte de favoritisme pour certains créanciers, le débiteur se met à constituer des suretés réelles au profit de l’un ou de l’autre. Si la remise de la chose se fait ultérieurement à la naissance de la dette principale, c’est la date de la remise de la chose qui va déterminer la date du gage. Il faut que ce soit simultané, il faut faire attention à ce que le remise du gage soit concomitante à la naissance de l’obligation principale.

L’exigence de remise de la chose pour que le contrat soit parfaitement formé est déduite par la doctrine à partir de l’article 2071 du Code civil : le nantissement est « un contrat par lequel le débiteur remet une chose à son créancier ». Le consentement des parties est impuissant, à lui seul, à faire naître le contrat : il faut en plus le transfert de la chose. La mise en possession du créancier est une condition d’existence du contrat et non une condition d’opposabilité de la sûreté aux tiers. Concernant la remise de la chose, différence d’avec les autres contrats : ici la remise a pour effet de faire naitre un droit réel (le gage ici). Ce droit réel fait qu’on va appliquer les règles de la possession et de la protection possessoire : le créancier qui reçoit la chose se voit conférer un droit réel sur cette chose. Et ce droit réel ainsi conféré va permettre qu’on reconnaisse au créancier qu’il bénéficie de la protection possessoire.

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Qui doit être mis en possession ? En général, le créancier, mais les parties peuvent décider que la chose sera remise entre les mains d’un tiers (autre forme de constitution du gage). Comment se fait l’opération de traditio ? Deux manières :

1- remise physique de la chose, des mains du débiteur dans les mains du créancier ; 2- interversion de titre pour le cas où le créancier serait déjà en possession de la chose, puisque

plus de possibilité de lui remettre la chose qu’il possède déjà. Particularité de la remise de la chose dans le gage (différent d’autres contrats réels) : elle crée dans le chef du créancier un véritable droit réel. La situation est différente de ce que l’on trouve dans d’autres contrats réels.

Exemple : prêt, dépôt ou bail : Dans ceux-là, il y a aussi une remise de la chose par une partie à une autre. Le contrat de dépôt ne crée pas de droit réel dans le chef du dépositaire. Il ne transfère que la détention précaire du bien.

On se souvient que les droits réels ont, d’une manière générale, pour caractéristique qu’ils peuvent faire l’objet d’une possession. Tel est bien le cas du contrat de gage. Le créancier gagiste est un possesseur au titre du droit réel accessoire qu’est le droit de créance. C’est parce qu’il est titulaire d’un droit réel qui a été créé au moment de la remise de la chose. Le créancier gagiste est donc un possesseur, et puisque le créancier est un possesseur, il pourra bénéficier de la protection possessoire (art. 2279 C. civ.). Donc si le créancier gagiste a cru de bonne foi que la chose qu’il recevait en gage était la chose de son débiteur, il sera protégé par l’article 2279 (grâce à sa possession). Conséquence : il peut repousser l’action en revendication intentée par le verus dominus. Donc on retombe sur l’idée qu’il y a une protection possessoire car droit réel Dans le contexte du droit de propriété, bien évidemment, le possesseur peut repousser l’action du verus dominus définitivement. En matière de possession en titre du droit de gage, on peut repousser tant que dure le contrat de gage. On a donc là une situation où à la base il y a mise en gage d’une chose d’autrui. Mais ce n’est pas désagréable pour le créancier car pour autant qu’il était de bonne foi (que la personne qui lui donnait la chose en gage était le verus dominus) il est protégé. De cette idée de contrat réel, on déduit quatre idées :

A. La promesse de gage n’est pas un gage La promesse de gage n’est pas un gage. Ceci est différent de la promesse de vente qui vaut vente : parce que la vente est un contrat consensuel, il suffit de se mettre d’accord sur la chose et sur le prix pour que le ct soit formé).

Ici, le gage ne se formera que par la remise de la chose. La promesse de gage, c’est seulement un engagement pris par le débiteur de conclure ultérieurement le contrat de gage en transférant la possession de la chose qui fait l’objet du gage.

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La promesse de gage est un contrat par lequel le débiteur s’oblige à délivrer tel bien en gage. Mais s’il s’agit bien d’un contrat, ce ne saurait être le contrat de gage. Le débiteur contracte une obligation de faire : conclure ultérieurement le contrat de gage par la remise de la chose. Deux contrats successifs seront conclus : à la promesse de gage succédera, lors de la mise en possession, le gage proprement dit.

B. Les choses futures ne peuvent être mises en gage

Mettre en gage des choses futures est évidemment rendu impossible par la nécessité de la dépossession du débiteur. Les choses n’existent pas encore, donc on ne saurait pas les remettre.

C. Le créancier doit être maintenu en possession du gage Il faut que le créancier soit maintenu en possession de la chose gagée. Il ne suffit pas de remettre la chose au créancier, il faut encore que le créancier soit maintenu en possession de la chose. Article du 2076 du Code civil : « Le privilège ne subsiste sur le gage qu’autant que ce gage a été mis et est resté en possession du créancier. » Autrement dit, si le créancier venait à se défaire de la chose (exemple : parce qu’il viendrait de sa propre initiative à restituer la chose au débiteur), le contrat cesserait d’exister puisque le gage existe aussi longtemps qu’il ya maintien en possession du créancier. La dépossession volontaire entraîne donc l’extinction du gage. Il faut comprendre cette règle avec une certaine souplesse sinon, on s’expose à une situation inextricable. C’est pourquoi on admet que le créancier puisse se dessaisir temporairement de la chose remise en gage quand des circonstances impérieuses le justifient. Exemple : Un gage qui porterait sur des actions de société. On sait que le gage ne rend pas le créancier propriétaire de la chose mise en gage, le débiteur reste propriétaire des actions, donc, c’est le débiteur qui a le droit d’aller aux AG (assemblée générale) de la société, et a le droit de voter.

Pendant la durée du gage, il y a une AG, afin de permettre au débiteur de pouvoir y aller, il a besoin des actions de la société, on admettra que le créancier se dessaisisse le temps de l’AG pour que le débiteur puisse y aller, à la suite de quoi il viendra remettre des actions dans les mains du créancier. Compte tenu du fait que l’on exige que le créancier soit maintenu en possession du gage pendant la durée de l’opération, s’est posée la question de savoir si la technique du remplacement du bien donné en gage était une technique valable. C’est une technique qui fait l’objet de pratiques courantes dans le secteur bancaire, par exemple. Pratique de remplacement de la chose donnée en gage : cela vise à remplacer le bien donné en gage (par exemple : des titres) par des titres équivalents.

Exemple : Ainsi, si le titre donné en gage vient à échéance, l’argent obtenu par la banque pourrait servir à avoir des titres d’une valeur équivalente, à remplacer l’objet du gage.

Ainsi, par exemple, dans le gage de titres au porteur : de commun accord, les parties conviennent de remplacer les titres engagés, soit que le débiteur juge opportun de les réaliser, s’il s’agit d’actions de sociétés cotées en bourse dont le cours a monté, soit qu’ils viennent à échéance et sont remboursables, s’il s’agit de bons de caisse.

Quelle est la validité de cette pratique au regard de l’exigence de maintien de la possession dans le chef du créancier ? La Cour de cassation a validé la technique de remplacement du bien donné en gage, mais elle encadre la technique du remplacement et pose deux conditions. Ces deux conditions ont été formulées dans un arrêt du 12 novembre 1914 (elles sont toujours applicables aujourd’hui) :

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1) On accepte le remplacement, mais il ne faut pas que la chose qui vient en remplacement (donc, la chose nouvelle) soit d’une valeur supérieure à la chose disparue, chose qui a cessé d’être l’objet du gage. Il faut, autrement dit, avoir un bien en remplacement qui a une valeur équivalente.

La Cour de cassation a posé cette condition parce qu’admettre la situation inverse (que le bien nouveau soit d’une valeur supérieure) ce serait autoriser le créancier de renforcer sa sureté. Il suffirait que le créancier opère un remplacement plus intéressant pour qu’il renforce sa sureté chaque fois que l’assiette de la sureté est meilleure.

Pourquoi ne peut-on pas renforcer ? A cause du principe de l’égalité des créanciers : contraire que quelqu’un d’un opère un placement qui lui serait profitable.

2) Le remplacement doit être immédiat. On garde l’idée de maintien en possession et pas de

rupture dans le maintien en possession. Il ne peut y avoir de hiatus dans la possession du créancier. La chose doit succéder à l’autre immédiatement.

Si les deux conditions sont remplies, le remplacement est une opération licite, et par ce fait, les pratiques bancaires s’en trouvent validées. Remarque : C’est important de savoir que quand les deux conditions sont remplies, on considère que, malgré qu’il y ait eu un remplacement, c’est le gage initial qui se poursuit. Le remplacement n’opère pas constitution d’un nouveau gage, il n’est qu’une opération qui prend cours dans le cadre du gage initial qui subsiste. C’est important à cause de l’article 17, 3e de la loi sur les faillites : si c’est le même gage qui continue, un remplacement fait en période suspecte ne sera pas considéré comme suspect. C’est bien le gage initial qui se poursuit. Si nouveau gage, le créancier serait trouvé fort embarrassé si le remplacement avait eu lieu en période suspecte. En effet, le curateur pourrait en demander l’annulation – plus précisément l’inopposabilité à la masse – conformément à l’article 17, 3e de la loi sur les faillites.

D. Le constituant du gage doit être propriétaire de la chose gagée C’est l’idée selon laquelle puisque le contrat de gage est un contrat réel qui exige une remise de la chose par le débiteur au créancier, on déduit de cette exigence que le débiteur doit être propriétaire de la chose qu’il remet en gage. En effet, seul un propriétaire peut grever sa chose d’un droit réel. Il faut aussi se souvenir que si les choses tournent mal, le bien sera mis en vente, c’est la raison pour laquelle on exige que seul le propriétaire mette en gage cette chose. Il ne faut pas oublier que si le gage devait être exécuté, cela aboutirait à une perte du bien par le propriétaire. Cela a pour conséquence que le gage de la chose d’autrui est nul (comme la vente de la chose d’autrui est nulle) étant entendu que la nullité dont il est question est une nullité relative. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le créancier gagiste est un possesseur. Il doit être qualifié de possesseur s’il a le corpus et l’animus. Parce que le créancier gagiste est possesseur, il bénéficie d’une certaine protection dont il pourra se prévaloir, et cela sera utile si chose d’autrui qui est donnée en gage :

- Le corpus, il l’a à la suite de la remise physique de la chose ou interversion de titre. - Quant à l’animus, il s’agit de l’intention de se comporter comme un créancier gagiste.

Ce n’est pas l’animus domini (intention de se comporter comme le propriétaire de la chose). Ici, on parle de l’intention de se comporter comme le titulaire d’un droit de gage. La possession est une situation de fait, l’extériorisation d’un droit réel. Donc, c’est l’animus pignoris (c’est-à-dire à raison de la sûreté, dans la mesure nécessaire à la conservation de la chose remise en

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gage et, en définitive, à l’exercice du droit de préférence du créancier). C’est l’intention de se comporter comme titulaire d’un droit de gage. Si le créancier gagiste a le corpus et l’animus, il va bénéficier d’une protection possessoire pour autant qu’il soit de bonne foi (au sens de l’article 2279 : le créancier doit avoir cru que le débiteur qui lui prêtait la chose était le propriétaire de celle-ci). On a vu l’an passé que l’article 2279 du Code civil s’applique aussi au possesseur au titre d’un autre droit réel que le droit de propriété. Qu’est-ce que cette protection possessoire va permettre de faire au créancier ? C’est une protection qui va lui permettre de conserver un gage qui serait constitué par une autre personne que le propriétaire et de repousser toute revendication qui serait initiée et dirigée contre lui par le verus dominus. Donc, en fait de meuble, la possession vaut titre du droit dont la possession est l’apparence. Quid si la chose donnée en gage est une chose perdue ou volée ? Alors, le verus dominus bénéficie d’un délai de revendication de trois ans. Donc, c’est une situation moins bonne pour le créancier gagiste, parce que la revendication reposera sur ses épaules pendant un délai de trois ans Mais l’article 2280 du Code civil ne s’applique pas, il ne vise que l’hypothèse de l’acheteur, du possesseur au titre du droit de propriété. L’article 2279 va permettre au créancier gagiste de repousser l’action en revendication du verus dominus. Il va aussi permettre au créancier gagiste de récupérer la chose si la chose a pu lui être volée. Dans le chef du tiers, on applique les règles classiques (si le tiers est un acquéreur alors, application de l’article 2280 ATTENTION !) Arrêt 10 octobre 2007 : La Cour de cassation va appliquer ces règles. Des bons de caisses avaient été saisis puis la saisie fait l’objet d’une mainlevée et deux personnes se pressent au portillon pour les récupérer : le proprio et le créancier gagiste qui les avaient reçu en gage. La cour va dire que le créancier gagiste donc le gage a pour assiette un gage corporel peut se réclamer comme tout possesseur de l’art 2279 même si le constituant du gage n’est pas proprio pour autant que le créancier gagiste soit de bonne foi. Véritable application de la protection possessoire. Si la chose était incorporel 2279 => pas possible. Le recours à 2279 ne s’explique que par la protection possessoire.

3. Le gage est un contrat unilatéral

Bilatéral quant à sa formation, il ne crée des obligations que dans le chef d’une partie : le créancier. C’est une obligation de restituer la chose à la fin du contrat. Parce que c’est un contrat unilatéral, l’article 1184 du Code civil lui est inapplicable et cela signifie aussi que l’article 1325 (formalité du double original) est inapplicable au contrat de gage. Pendant le cours du contrat, des obligations peuvent naitre à charge du débiteur. Exemple : si pendant le cours du gage le créancier doit entretenir la chose et lui porter des soins ou la nourrir, le débiteur se verra tenu de rembourser au créancier les frais occasionnés par l’entretien en question. Il se peut donc que des obligations naissent sur les épaules du contrat en cours de contrat. On parle alors de contrat synallagmatique imparfait. En droit des obligations on avait vu que la doctine

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majoritaire la plus moderne tend à reconnaitre l’application de l’article 1184 aux contrats synallagmatiques imparfaits (DePage lui n’est pas d’accord) : il faut regarder dans le cours d’exécution du contrat et non à la conclusion. § 3. Les conditions d’opposabilité aux tiers Règle de base : opposabilité de principe. Les contrats doivent être admis par des tiers, et la règle de base est que l’opposabilité est une opposabilité sans formalisme particulier, c’est l’opposabilité des effets externes. Il y a certains contrats qui ne sont opposables aux tiers que moyennant le respect d’un certain formalisme, ils ne sont pas opposables au tiers, tant que la formalité particulière n’a pas été remplie. Exemple : Une vente immobilière doit faire l’objet d’une transcription. Le contrat de gage est aussi l’un de ces contrats qui ne sera opposable aux tiers que moyennant l’accomplissement d’un certain formalisme. La dépossession, le fait que le débiteur remette la chose au créancier est déjà en soi une certaine forme de publicité, une certaine forme d’information des tiers, de ce qu’un contrat de gage a été convenu. Le législateur a voulu aller plus loin : pour les gages dont la valeur excède 375 euros, on impose le recours soit à un - acte public, - un acte sous seing privé dûment enregistré (art. 2074 C. civ.).

Il faut un écrit pour que cela soit opposable aux tiers. Et sans cela, cela ne sert à rien : ne pas pouvoir dire aux tiers qu’on a un gage, cela n’a aucun intérêt. Cela se fait au bureau fiscal et non pas à la conservation des hypothèques : cela a des effets civils même si c’est une formalité fiscale. Donc cela a une date certaine. Quelle est l’idée en imposant un écrit ? L’idée est d’éviter l’anti date. On veut toujours éviter la constitution d’une sureté au moment où les choses commencent à aller mal et que le débiteur aux abois veut accorder vite des suretés à des créanciers. Pour éviter cela, on veut que le gage ait date certaine : comme ça on peut notamment examiner s’il n’a pas été constituer en période suspecte. En prescrivant le recours à un acte public ou à un acte sous seing privé dûment enregistré, le législateur a voulu pallier le danger d’antidate. A la veille d’une faillite ou d’une situation difficile, le débiteur ne veuille avantager un créancier en constituant un gage que l’on antidate pour ne pas être dans la période suspecte. Exemple : aujourd’hui, on ferait un contrat de gage et on donnerait une date antérieure.

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Donc, il faut que l’acte ait une date certaine. Comment ? La réponse se trouve à l’article 1328 du Code civil : acte notarié ou acte sous seing privé présenté sous la formalité de l’enregistrement. En matière commerciale, on ne retrouve plus cette exigence d’écrit : pas d’équivalent de 2074 dans la loi de 1872. Donc en matière de gage commercial, le législateur opte pour la simplification des procédures donc il a mis l’écrit à l’écart. Le législateur va encore plus loin dans l’exigence de formalisme : l’écrit en question doit comporter certaines mentions : - la somme due (c’est la créance garantie, celle qui justifie qu’on constitue le gage) - espèce et nature des choses remises en gage

Que se passe-t-il lorsqu’on ne connaît pas cette somme ? Cela peut arriver car encore la semaine dernière on a parlé de la validité des suretés pour toutes sommes dues. La doctrine et la jurisprudence recommandent alors la mention d’un plafond. C’est une manière de respecter 2074. Ce sont les parties qui s’organisent. Et cela permet de sauver les suretés pour toutes sommes entre parties. Comment déterminer la valeur du gage ? Comment calculer les 375 euros ? (Remarque : on arrive très souvent à ces 375 euros ça va vite). Il faut cumuler la valeur de l’objet tenu en gage avec le montant de la créance garantie. Donc, la manière de calculer est un peu originale. § 4. Effets du contrat de gage Il faut pour examiner la question travailler en deux temps

1. Avant l’échéance de la dette garantie A. Le créancier gagiste est un détenteur précaire Dans ses rapports avec le débiteur, le créancier gagiste est non pas un possesseur mais un simple détenteur précaire. Le créancier gagiste reconnaît que la chose qu’il a en main est la chose d’autrui. Et au regard du titre de propriétaire et dans ses relations avec le débiteur, c’est bien un détenteur. - Article 2279 : le créancier gagiste est assimilé à un dépositaire. - Article 2082 : parle de détenteur.

Puisque la chose est la chose d’autrui, il est naturel que le créancier gagiste soit tenu d’une obligation de garde et de conservation : il doit se comporter en bon père de famille.

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Le créancier gagiste, lit-on à l’article 2080 du Code civil, répond de « de la perte ou de la détérioration du gage, qui serait survenue par sa négligence ». Et il devra, le cas échéant, engager certains frais s’ils sont nécessaires à la conservation de la chose. Le débiteur lui devra rendre compte à l’échéance « des dépenses utiles ou nécessaires » qu’il aura consenties. Si le bien donné en gage devait disparaitre par cas fortuit, les droits du créancier gagiste seraient reportés sur une éventuelle indemnité par le principe de la subrogation réelle. Exemple : Une indemnité qui serait versée par une compagnie d’assurance. Si le bien devait disparaitre par la faute du créancier, il devra des dommages et intérêt au débiteur, et il perdra tout privilège (plus de sûreté particulière). Puisque le créancier n’est que détenteur, il ne peut par conséquent percevoir les fruits (547). L’article 549 du Code civil reconnaît que les fruits peuvent être gardés par le possesseur de bonne foi, mais le possesseur visé est le possesseur animus domini donc, pas ici, vu qu’il est possesseur animus pignoris. On n’est donc pas dans le cas : il est possesseur dans le cas du contrat de gage et non pas dans le cas d’un contrat de propriété ici. Le créancier gagiste est détenteur au regard du droit de propriété. Mais il est bien possesseur au regard du droit réel de gage (c’est pour cela qu’il bénéficie de la protection possesoire). Il est détenteur certes mais il est possesseur pour les tiers donc il a une protection possessoire. Le temps qu’il a la chose, il faut garder la chose en bon père de famille. S’il apporte des soins à la chose, il peut demander des indemnités au propriatire de la chose lorsqu’il la rendue. B. Le créancier gagiste dispose du droit de rétention C’est un des effets principaux du contrat de gage. C’est prévu à l’article 2082 du Code civil. Cet article est composé de deux alinéas, donc, le droit de rétention à deux facettes :

1) Tant que la dette n’est pas arrivée à échéance, le créancier gagiste a le droit de conserver la chose qui est donnée en gage. Il doit même la garder, mais il ne peut pas s’en servir. S’il venait à s’en servir, il commettrait un abus qui viendrait à le déchoir de son droit de garde. En cas d’abus le débiteur pourra préciser ou devant le juge, plaider qu’il y a déchéance du droit et qu’il doit avoir restitution de la chose alors même qu’on est avant l’échéance. Et le texte s’applique même si le bien engagé est une créance (même s’il n’est

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pas permis dans ce cas, de parler de droit de rétention, lequel ne saurait porter que sur une chose corporelle).

2) Cet article 2082 vise aussi un autre aspect qui est plus interpellant. Cela

s’applique dans une hypothèse des dettes multiples.

Quelle est la situation visée ?

Un gage est constitué en garantie d’une première dette. Postérieurement à cette mise en gage de la première dette, une deuxième dette est contractée entre mêmes parties (pour sureté de cette deuxième dette, pas de gage constitué). Et cette deuxième dette devient exigible avant le paiement de la première dette. Donc, on a deux dettes :

- une première dette qui donne lieu à la constitution du gage ; - une deuxième dette qui devient exigible avant le paiement de la première.

En vertu de l’article 2082, le créancier gagiste va pouvoir rester en possession de la chose gagée aussi longtemps que les deux dettes ne seront pas payées. Le créancier gagiste peut donc rester en possession du gage en question, alors que le gage a été constitué en garantie de remboursement de la première dette. Donc, le législateur autorise un droit de rétention, y compris si on se trouve dans une situation de non paiement de la deuxième dette. Il étend la sureté et confère à la première sureté une plus grande étendue.

Ce droit de rétention qui serait exercé pour le cas où la deuxième dette ne serait pas payée est un droit de rétention qui ne présente pas les mêmes qualités que le droit de rétention au sens premier. Ici, le droit de rétention ne permettra pas au créancier gagiste de faire vendre la chose en question. Ce n’est plus du gage qu’il sera question ici mais bien un moyen de pression. On ne retient la chose pour la deuxième dette que pour amener le débiteur au payement mais ce n’est pas un véritable gage dans ce cas ci. Donc pas possible de mettre la chose en vente et de se faire payer sur le prix par préférence aux autres créanciers,…

Cet article 2082, alinéa 2 étant dérogatoire aux règles classiques en matière de gage, on considère qu’il n’est pas applicable au gage commercial.

Remarque : On précisera encore que ce droit de rétention est indivisible, le créancier peut retenir la chose dans son ensemble, dans son intégralité, alors même que la dette garantie viendrait à être divisée entre plusieurs personnes à la suite du décès du débiteur principal. Le fait que la dette soit divisée entre les héritiers n’empêche pas que le créancier puisse continuer à retenir l’intégralité de la chose, même si deux des trois héritiers payent ce qu’ils doivent.

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2. A l’échéance de la dette garantie

C’est ici que le gage va trouver son plein essor. Il y a deux possibilités lorsqu’on arrive à l’échéance :

1) Arrivé à l’échéance, la dette principale est remboursée et donc le gage s’éteint.

Mais attention, l’article 2082 va continuer à jouer ! En effet, le débiteur doit, le cas échéant, rembourser les frais dus pour la conservation de la chose.

2) Arrivé à l’échéance, la dette n’est pas remboursée.

C’est ça qui va nous occuper le plus longtemps. C’est pour contrer ce cas qu’on a une sureté. Que va pouvoir faire le créancier avec le gage ? Il va pouvoir exécuter le gage qu’il possède. Le créancier peut d’abord attendre. Et activer d’autres suretés qu’il aurait (le cautionnement par exemple). mais il peut aussi agir et faire exécuter le gage. Pour cela, il faut se référer à ce que dit le législateur qui a mis au point deux moyens de réaliser le gage. À ce stade, il faut faire une distinction entre l’exécution du gage civil et commercial

Divergence entre les deux types de gage.

A) L’exécution du gage civil

Le créancier impayé a le choix entre deux moyens prévus par le code civil : - Le créancier peut faire vendre le bien donné en gage.

Et il se fait payer par préférence, c’est-à-dire par priorité sur le prix obtenu par la mise en vente du bien. La vente requiert toutefois une autorisation du juge. Le créancier doit nécessairement obtenir l’autorisation du juge. De plus, le créancier doit mettre la chose en vente publique, aux enchères. Pas de vente de gré à gré quand il faut exécuter un gage. Inconvénient : il faut nécessairement l’intervention du juge. On ne peut disposer du bien sauf à se voir autorisé en justice à vendre le bien. On ne peut procéder à une vente publique d’initiative.

- Le créancier peut aussi solliciter du juge l’acquisition en pleine propriété du

bien. Il peut demander au juge de devenir propriétaire du bien gagé. Si le juge accède à sa demande, c’est le jugement qui attribuera la propriété du bien au créancier, bien qui appartenait au débiteur. Inconvénient : il faut aussi une intervention du juge. Le juge doit recourir à un expert qui va évaluer le bien. Si l’expert estime que le bien est d’un montant supérieur au montant de la dette, il y aura attribution en pleine propriété du bien au créancier, qui devra payer une soulte au débiteur pour compenser.

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Donc, dans les deux modes, le créancier est tenu d’obtenir l’autorisation du juge. Il doit passer par le juge qui soit autorisera la vente, soit attribuera en propriété le bien gagé. C’EST L’UNE DES FAIBLESSES DU GAGE : au moment de l’exécution, le recours à la justice est un recours imposé, nécessaire. On ne peut passer à la réalisation du gage que moyennant la voie judiciaire. C’est le créancier qui aura le choix entre l’une voix ou l’autre. Mais entre temps le juge aura du être saisi. Donc pour éviter ça, certains créanciers préfèrent attendre et se disent que les choses vont peut être bouger (de toute façon en attendant il a un droit de rétention). 22/10/2010 Y a-t-il des moyens pour contourner 2278 ? On pourrait penser à régler conventionnellement cette difficulté (via des clauses particulières du contrat de gage). Pourquoi ne pas insérer dans les contrats des clauses qui diraient : - soit que le créancier peut vendre la chose de gré à gré, sans autorisation du juge,

sans vente publique, CLAUSE DE LA VOIE PAREE : clause d’autorisation de la vente de gré

à gré.

- soit que si à l’échéance, le créancier n’est pas payé, il y a transfert de propriété au créancier. CLAUSE DU PACTE COMMISSOIRE : clause d’attribution automatique

Le législateur estime que ces clauses seraient dangereuses pour le débiteur.

- par la clause de voie parée : on autorise la vente de gré à gré. Parce que le créancier pourrait vendre la chose à un prix juste suffisant pour couvrir sa créance, et tant pis si on vend la chose à un prix beaucoup trop bas. Situation désavantageuse pour le débiteur.

- Le pacte commissoire est un pacte d’attribution en pleine propriété de la chose. Aussi dangereux, en effet, si la chose a une valeur supérieure au montant de l’obligation garantie, on va se trouver dans une situation où le créancier sera presque davantage satisfait d’obtenir la chose que de voir l’obligation principale exécutée.

Donc, il faut protéger le débiteur. Le législateur, à l’article 2078 du Code civil, frappe de nullité les clauses de voie parée et les pactes commissoires. Mais la nullité dont il est question est une nullité relative, parce que le législateur protège les intérêts privés du débiteur. Puisque c’est une nullité relative, il en découle quatre conséquences :

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- Seule la partie protégée (le débiteur) peut invoquer la nullité. Donc, si un créancier considère qu’une clause insérée dans un contrat ne lui est pas avantageuse, il ne pourra pas invoquer la nullité de l’opération. Exemple : La clause pourrait être défavorable au créancier si elle supprime le recours à l’expert pour l’évaluation de la chose, et procède à l’évaluation de manière forfaitaire dans le contrat. Ce genre de clause ne pourra pas être annulée à la demande du créancier, mais seulement à la demande du débiteur.

- La nullité doit être soulevée dans les dix ans de la conclusion du contrat.

- A partir du moment où la nullité est une nullité relative, il faut en déduire nécessairement qu’une fois que le moment de protection a disparu, les parties retrouvent leur entière liberté pour conclure des clauses de voie parée, ou des pactes commissoires.

L’interdiction ne concerne que les conventions concomitantes de la constitution du gage, non celles qui interviennent à l’échéance ou même antérieurement dès lors qu’elles n’ont pas été conclues simultanément avec le contrat de gage : alors elles sont faites sans contrainte et la protection du débiteur ne se justifie pas.

- Ce n’est que la clause qui est annulée, elle ne met pas en péril l’ensemble du contrat. Seulement les clauses interdites sont frappées de nullité.

Il n’y a que ces deux moyens qui s’offrent au créancier s’il veut exécuter son gage. Mais il peut adopter d’autres attitudes que celle de l’exécution du gage :

- il peut ne rien faire, c’est-à-dire attendre que l’obligation principale soit exécutée (qu’il soit payé) en exécutant son droit de rétention sur la chose au titre de moyen de pression ;

- saisir un autre bien du patrimoine du débiteur que le bien gagé. Rien ne l’empêche de faire saisir autre chose que la chose gagée, ou qui lui avait été remise en gage.

=> Si on est dans un contrat qui ne comprend pas ces clauses il faudra entamer une procédure judiciaire. Mais que se passe t il si le créancier vend la chose de gré à gré alors qu’il n’y a pas de clause ? Il commet une faute contractuelle, il viole ses obligations contractuelles il devra donc réparer le dommage subit par le débiteur. Si le débiteur arrive à prouver que la vente de gré à gré à ramener un plus petit prix qu’une vente publique il pourra obtenir des dommages et intérêts. Voilà pour le gage civil.

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L’exécution du gage commercial Réglé par la loi du 5 mai 1872 directement intégré dans le Code de commerce, les articles 4 à 10 réglementent le gage commercial. Quand le gage est commercial, un seul moyen est offert au créancier. C’est le moyen qui consiste à faire vendre moyennant autorisation du juge. La seule distinction c’est qu’ici, le juge va pouvoir opter

- soit pour une vente publique, - soit pour une vente de gré à gré.

Exit la possibilité pour le juge de prévoir la pleine propriété du gage. Pas d’équivalent à l’autre moyen pour le gage civil : la faculté de se faire attribuer le bien en propriété n’existe pas en gage commercial. L’article 26, alinéa 3 de loi sur les faillites dont on a parlé pour la cristallisation des droits du créancier. On a précisé que la cristallisation avait pour conséquence une suspension des poursuites individuelles. /! Les créanciers privilégiés sur meubles ont un statut particulier : le droit de poursuite est suspendu jusqu’au premier procès verbal de vérification des créances. Il ne faut pas oublier que d’un point de vue technique, le législateur assimile le gage à un privilège spécial sur meuble (comme article 9 de la loi hypothécaire : dans les causes légitimes de préférence, le législateur n’exprime que deux causes parce qu’il assimile techniquement le gage aux privilèges). Donc, l’article 26, alinéa 3 vise peut-être les créances privilégiés sur meubles, mais sont assimilés à eux les créanciers gagistes qui tombent dans l’exception de l’article 26, alinéa 3. En matière de gage commercial, pas de possibilité de clause d’attribution. Mais on a un article 10 qui est le pendant de l’article 2078 qui considère comme nulle les clauses d’appropriation (pactes commissoires). §5. Extinction du gage de droit commun On peut ranger les causes en deux catégories :

I. L’extinction par voie accessoire Le gage étant accessoire, le gage s’éteindra donc une fois que la dette garantie a été payée ou bien qu’elle vient à disparaître pour une autre cause que le payement (une annulation par exemple).

II. L’extinction par voie principale Il se peut que la créance garantie continue sa propre vie autonome mais que le gage disparaisse en tant que tel, sans qu’il ne soit porté atteinte à la dette principale.

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Différents motifs :

- Le créancier gagiste pour des raisons qui lui sont propres peut renoncer à son gage, il lui suffit de restituer la chose au débiteur, le gage s’éteint.

- Si la chose disparaît sans subrogation réelle (pas remplacée par une autre) => plus de gage non plus.

Créancier ne peut pas utiliser la chose. S’il utilise la chose, on est dans un cas de déchéance en raison d’un abus => qui met fin au contrat de gage. (art. 2082) Sanction prononcée par le juge lorsqu’on est dans une situation d’abus : le créancier utilise la chose qui lui a été remise en gage alors même que l’un des principes est que le créancier ne peut pas retirer d’utilité matérielle de la chose.

- Le gage est un contrat, donc, il peut être annulé. Si une condition de validité du gage n’est pas remplie, il y a annulation du contrat de gage, sans annulation de la dette principale.

- Si le gage est constitué pour une durée indéterminée, l’engagement n’est jamais perpétuel, donc, le contrat à durée indéterminée pourra être résilié moyennant un préavis raisonnable.

On a terminé les gages de droit commun (gage civil + commercial). On peut maintenant examiner des gages plus particuliers. Section 3 : Le gage sur créance Que vise-t-on ? Ce gage est un gage qui a pour objet une créance. Cela veut donc dire que pour garantir le payement d’une créance, on va mettre une autre créance en gage. L’objet du gage n’est pas un objet mais une créance. Donc dans ce chapitre on va toujours jongler avec deux créances :

- la créance garantie (celle pour laquelle le débiteur a du constituer le gage) - l’objet du gage.

Le créancier demande la constitution d’une sureté et l’autre n’a rien dans son patrimoine. Mais mine de rien il a quand même une créance. Les auteurs parlent parfois de créance cause (objet du gage) et la créance assiette (la créance garantie qui justifie le gage). Mais au fond pourquoi ce gage sur créance vient dans un chapitre particulier ? Autrement dit pourquoi y a-t-il une législation particulière ? Dans les conditions de validité du gage de droit commun, on a insisté sur le fait que cela nécessitait la remise d’une chose du débiteur au créancier. C’est inhérent à la notion de gage donc s’il n’y avait pas de texte particulier, un gage sur créance n’aurait

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pas été possible car on ne sait pas matériellement remettre une créance, de la main à la main. Texte particulier qui réglemente la constitution du gage sur créance. Il date de 1994. L’article 2 de la loi sur le gage commercial dit que l’article 2075 s’applique aussi en matière commerciale. § 1. Système de la mise en gage des créances ordinaires

I. Les conditions de formation/de validité de ce gage 2075 : le créancier est mis en possession de la créance gagée par la conclusion de la convention de gage. Quand on lit cet article on se rend compte par la formulation que le législateur ne s’est pas détaché de la philosophie du gage : contrat réel nécessitant remise de la chose. Ce que fait le législateur c’est dire que la mise en possession va se faire par la conclusion de la convention de gage. Il aurait pu imaginer un système dans lequel il renonce complètement au caractère réel du gage et ainsi faire du contrat de gage sur créance un contrat purement consensuel. Mais le législateur ne fait pas ça : toujours idée de mise en possession. Mais il recourt à une fiction : on va dire que cette mise en possession est réalisée dès que la convention de gage est conclue. Du fait de la conclusion, on considère fictivement que cela vaut mise en possession. Lecture généralement suivie en doctrine. Mais depuis un certain temps, des auteurs veulent lire l’article différemment en s’attachant non pas à la mise en possession mais ils disent que dans l’esprit du législateur ce n’est pas un contrat réel mais consensuel. Est-ce vraiment important comme distinction ? Si on considère que le contrat reste un contrat réel et qu’effectivement il nécessite une mise en possession, fut elle fictive, on arrive à la conclusion qu’on ne peut mettre en gage des choses futures. Alors que les auteurs qui balayent l’idée de contrat réel, ils n’ont pas de mal à envisager les créances futures. Vision pas partagée par tous les auteurs et incidence pratique. A propos des créances futures, ne pas confondre avec la notion de créance non exigible. Une créance peut très bien exiger aujourd’hui mais ne pas être exigible : elle n’est pas future dans ce cas. Une créance future n’existe pas encore. Exemple : j’ai une maison et je pense la mettre en location. Mais la créance de loyer n’existe pas encore : créance future. Mais si le contrat de bail est déjà conclu mais que le loyer ne sera payé que dans quelques mois, elle existe mais n’est pas exigible.

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II. L’opposabilité aux tiers En matière de contrat il faut généralement séparer les deux. Le législateur réserve un sort particulier au débiteur de la créance mise en gage : à l’égard de ce débiteur là, un formalisme particulier doit être respecté. A l’égard de tous les autres créanciers, le formalisme d’opposabilité du droit commun suffit. On se rappelle qu’il faut un acte écrit, soit sous seing privé dument enregistré, soit un acte public. Cela s’applique en matière de gage sur créance, en tout cas dans le cadre du code civil. Mais en plus de ce formalisme de 2074, il faut un formalisme particulier mais uniquement pour le débiteur de la créance mise en gage. On parle d’opposabilité au créancier de la créance gagée. Comment se réalise l’opposabilité aux tiers ? Il faut que la mise en gage ait été notifiée à ce débiteur. Le contrat de gage est conclu entre créancier gagiste et débiteur gagiste : il faut le notifier au débiteur de la créance assiette. Il faut qu’il reconnaissance l’existence du contrat de gage. On a ce formalisme car c’est comme pour la cession de créance (d’ailleurs même loi qui l’a insaturé). Il faut que le débiteur sache à qui il va payer le montant de la créance assiette lorsque celle ci viendra à échéance. Comme pour les cessions de créance où le débiteur cédé doit être averti de la cession (puis à partir de ce moment, il ne doit plus payer au cédant !). En pratique c’est le créancier gagiste qui a intérêt à ce que ca soit vite fait donc c’est lui qui va s’en charger généralement. Il informe le débiteur de l’existence de la mise en gage : il va procéder à la notification car il a tout intérêt à ce que la mise en gage soit opposable aux tiers Il faut, par conséquent, notifier l’opération de gage au débiteur de la créance engagée (pas garantie !). Le contrat a beau être valablement conclu, il est sans effet si son opposabilité n’a pas été assurée vis-à-vis des tiers. Donc, le créancier qui a signé une convention de gage a intérêt à notifier au débiteur de la créance engagée qu’il a mis en gage la créance. Ce formalisme d’opposabilité de l’article 2075 est un formalisme qui ne doit être accompli qu’à l’égard du débiteur de la créance engagée. Cela veut dire que pour les autres tiers que le débiteur de la créance engagée, il n’y a pas de formalisme particulier. Les créanciers du débiteur principal ne doivent pas être avertis de la mise en gage de la créance. Si le débiteur principal tombe en faillite, on pourra opposer à la masse des créanciers la constitution du gage, parce que le seul vis-à-vis duquel il y a un formalisme particulier à faire, c’est le débiteur de la créance mise en gage.

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Cet article 2075 du Code civil prévoit un formalisme particulier et précise, dans son alinéa 3, que les articles 1690, alinéas 3 et 4 et 1691 du Code civil font application de la matière qui nous occupe ici. L’article 1690 parle de la cession de créance. Cet article vise aussi, dans ses alinéas 3 et 4, l’hypothèse de la mise en gage. Cela vise des hypothèses spécifiques. Article 1690, al. 3 : Cet alinéa vise le cas spécifique où on a une même créance qui serait mise en gage successivement au profit de deux créanciers différents. Exemple : X (débiteur) -- A (débiteur principal) Met en gage la créance qu’il a contre X au bénéfice de B Ensuite, au bénéfice de C C notifie le premier à X la mise en gage, avant B ou B ne le fait pas du tout. Donc, c’est à C que X va devoir payer quand sa dette arrivera à échéance. Il faut évidemment préciser que le débiteur à qui on a notifié la mise en gage d’une créance doit désormais payer ce qu’il doit au débiteur principal, directement entre les mains du créancier. Donc, à compter de la notification par C de la mise en gage de la créance, X payera entre les mains de C. Tant pis pour B qui n’avait qu’à notifier plus rapidement, ou notifier tout court. Cela devrait donc inciter les créanciers gagistes à notifier le plus rapidement possible les mises en gage de créances. L’article 1690 vise aussi l’hypothèse où on aurait une combinaison de cession de créance et de mise en gage. Exemple : mise en gage de la créance faite au profit de B et puis cession au profit de C. De nouveau, c’est celui qui notifie le premier à X l’opération qui a été faite à son profit qui devra être choisi par X au moment où X devra effectuer son paiement. Donc, si la mise en gage s’est faite avant la cession, X devra bien payer la somme qu’il doit à A, dans les mains de C et non pas dans les mains de B. L’article 1690, alinéa 4 règle l’hypothèse spécifique du cas où X payerait de bonne foi, avant la notification, le montant qu’il doit à A à des créanciers de A. Dans ce cas, comme c’est payé de bonne foi avant la notification, le paiement restera valablement fait. Si pas de bonne foi, fait erronément et pas opposable. L’alinéa 3 c’est quand on s’adresse directement au débiteur pour être payé. L’article 1691 précise qu’au moment où X doit payer la dette dont il est redevable vis-à-vis de A, X pourra opposer à B ou C les exceptions qu’il aurait pu opposer à A. Exemple : terme, condition ou exception liée à un défaut d’exécution.

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III. Régime du gage sur créance On sait que c’est un contrat dont la mise en possession se fait par la conclusion du contrat. On connaît les conditions générales d’opposabilité et spécifiques au débiteur de la créance assiette. Mais pendant le gage, que se passe-t-il ? On va distinguer ce qui se passe pendant la vie du gage (pendant la période qui précède l’échéance de la dette garantie) et puis, on verra ce qui se passe à l’échéance de la dette.

A. Avant l’échéance de la dette garantie Le législateur a prévu un système d’imputation légale, organisé à l’article 2081 du Code civil. Quel est ce système ? Quand la créance donnée en gage (dans l’exemple : celle qui lie X et A) produit des intérêts, ces derniers vont être perçus par B. Ils vont pouvoir être imputés par B sur la dette garantie, c’est-à-dire la dette A-B. Donc, la dette entre le débiteur et le débiteur principal produit des intérêts, et ces intérêts vont s’imputer sur la dette garantie. Si la dette garantie ne produit pas d’intérêts, alors, les intérêts produits par la créance engagée vont s’imputer sur le capital. Et donc, les intérêts produits par la créance engagée vont s’imputer sur le capital que le débiteur principal doit au créancier. C’est la règle d’imputation qui est prévue par le législateur à l’article 2081. X (débiteur) intérêts > A (débiteur principal) met en gage la créance qu’il a

Dette engagée contre X au bénéfice de B Ensuite, au bénéfice de C Les intérêts produits par la dette engagée vont être imputés sur la dette garantie. Il est possible que la dette A-B ne génère pas d’intérêts (les parties l’ont convenu, ou il n’y a pas de mise en demeure, parce qu’il en faut une pour que les intérêts courent). Alors, B va les imputer sur le capital. Donc, cela veut dire que l’on commence à rembourser petit à petit l’obligation garantie. Si j’impute 100 sur le capital de la dette garantie, cette dernière ne sera plus que de 900. On réduit petit à petit la créance qui est garantie. Par le biais de l’imputation se produit un remboursement partiel de l’obligation garantie. Par ce système d’imputation, lent phénomène de réduction de la créance cause puisqu’on prend en compte les intérêts.

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Par contre si c’est le capital qui vient à échéance, il faut le consigner et le conserver et non le consommer. Il faut le consigner sur un compte particulier au moins jusqu’à ce que la créance cause arrive à échéance. En matière commerciale, (article 3 de la loi de 1972) Le législateur va même plus loin que ce qui est prévu à l’article 2081. Le législateur va jusqu’à dire que quand X paye vraiment le capital au créancier B, il rembourse la dette qu’il a vis-à-vis de A en payant le capital dans les mains de B, alors, il pourra imputer le capital sur la créance garantie. Pas de système de consignation provisoire. Plus souple donc plus favorable au créancier gagiste : tout est sur le montant de la créance cause. Alors qu’en matière civile, ce ne sont que les intérêts qui font l’objet de l’imputation. Donc, tout ce qui tombe dans les mains du créancier et qui vient du débiteur va s’imputer progressivement sur le montant de la créance garantie qui va se trouver remboursée petit à petit, au fur et à mesure du paiement des intérêts. Le jour où la créance engagée va venir à échéance et où X va payer au créancier l’ensemble du capital qu’il devait à A, X va la décompter sur le montant de la créance garantie. La question de l’imputation du capital n’est organisée par le législateur qu’en matière commerciale et pas en matière civile. En matière civile, l’article 2081 ne prévoit que l’imputation des intérêts, et non pas l’imputation du capital. Le système est donc plus souple encore en matière commerciale qu’en matière civile. Grâce au système du gage commercial, on voit donc que s’opèrent au fur et à mesure de la vie de la créance, une imputation progressive et donc un remboursement progressif de la dette garantie. Vu qu’il y a un système de remboursement progressif qui s’organise par le mécanisme de l’imputation, il est rare que B soit contraint d’exécuter le gage, ce qui n’aurait de sens que si la créance garantie n’était pas remboursée. Ce système d’imputation est très intéressant pour le créancier, parce qu’il signifie que le créancier ne devra pas exécuter le gage, le remboursement se fait tout seul, de manière automatique. Cela est vrai en matière commerciale, ça l’est moins en matière civile. Cela veut dire qu’en matière de gage sur créance en matière commerciale, les problèmes d’exécution se posent rarement car grâce au mécanisme d’imputation, la créance va fondre au fur et à mesure que des sommes viennent à échéance pour la somme assiette.

B. A l’échéance On est toujours dans le point qui concerne la vie du gage, donc, à l’échéance de la créance, c’est à dire échéance de la créance engagée. Si on est en matière commerciale, le capital passe dans les mains du créancier B et par conséquent, le remboursement de la dette garantie s’opère. Si on est en matière civile, les choses sont un peu plus compliquées parce que le législateur n’a pas prévu le système d’imputation de capital.

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À l’échéance, X est obligé de payer dans les mains du créancier. Et voilà X qui est complètement libéré, il a payé ce qu’il devait dans les mains du créancier. Le créancier ne peut pas s’approprier les sommes, parce qu’il n’y a pas de système d’imputation du capital en matière civile. Le créancier a de l’argent qui lui arrive, mais il ne peut pas imputer sur le montant de la créance garantie. Que va faire le créancier avec cette somme d’argent ? Sauf convention contraire – incontestablement licite entre parties – qui autoriserait le créancier gagiste à s’approprier les fonds à due concurrence en apurement de la dette garantie, qui serait ainsi remboursée anticipativement, la seule solution consiste à placer cette somme d’argent sur un compte de consignation. Le créancier va consigner cet argent, et grâce au mécanisme de la subrogation réelle, ses droits vont se reporter sur les fonds qui sont consignés. Donc, X a fait ce qu’il devait faire, il s’est libéré entre les mains du créancier. Celui-ci ne pouvant pas s’approprier la somme, la solution qui s’offre à lui est de consigner les fonds et de voir son droit de gage reporté sur les fonds qui sont ainsi consignés. Au moment de l’échéance de la créance garantie, de deux choses l’une : soit la créance a été remboursée et alors tout va bien, soit il va falloir procéder à une exécution du gage. Le gage, à quoi cela ressemble ?

- Soit il s’est transformé en fonds consigné (s’il y a eu consignation à la suite du paiement de X) ;

- Soit l’exécution du gage est l’exécution de la créance engagée qui n’est pas encore arrivée à échéance. Chacune des deux créances à sa vie propre et ont des dates d’échéances qui ne correspondent pas.

Le créancier va devoir exécuter son gage. Comment s’y prend-t-il ? Le législateur ne prévoit pas de mécanisme particulier d’exécution du gage sur créance. Donc, nous voilà contraint d’appliquer les règles du gage de droit commun, les règles vues en matière d’exécution. Ces règles sont différentes en matière civile et en matière commerciale. En matière civile : Si le gage est un gage civil, le créancier va introduire une action en justice et il va demander au juge :

- Soit l’autorisation de faire vendre l’objet du gage ; - Soit demander l’autorisation de devenir titulaire de la créance, autrement dit

de pouvoir être considéré comme le propriétaire de la créance engagée. Généralement, c’est la deuxième voie qui est choisie, parce que la mise en vente publique d’une créance est une chose complexe, c’est pourquoi il est plus souvent recouru à la deuxième branche de l’alternative : le créancier demande de pouvoir devenir titulaire, propriétaire de la créance engagée. En matière commerciale : Les voies d’exécution sont différentes. Il faut également passer nécessairement devant le juge. Et là, on peut solliciter du juge l’autorisation de

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faire vendre la chose gagée, c’est-à-dire la créance, soit en vente publique, soit de gré à gré, c’est le juge qui choisit. En matière commerciale, le seul mode d’exécution est donc la mise en vente. Ce mode d’exécution ne pose pas de problème pratique, parce qu’il y a le mécanisme d’imputation du capital. Généralement, ce qui se passe en matière commerciale, c’est que le créancier ne se précipite pas pour faire exécuter son gage, il attend que la créance engagée vienne à échéance et le mécanisme d’imputation jouera à ce moment là. Raison pour que B n’attende pas trop longtemps. Le conseil qu’il faut lui donner : quand il accepte au titre de gage que soit remis en gage une créance, c’est qu’il a intérêt à ce que l’échéance de la créance engagée ne soit pas de loin postérieure à l’échéance de la créance garantie, sous peine d’avoir des différences pour le créancier au moment de l’exécution du gage. ATTENTION !! Les clauses de voie parée et les pactes commissoires sont interdits quand ils sont concomitants à la création du gage. (On l’a vu pour le gage de droit commun) Au moment de la constitution du gage sur créance, il n’est pas possible dans le contrat de gage de prévoir une clause de voie parée ou une clause commissoire. Il est possible de prévoir de telles clauses après la naissance du contrat de gage, par ex au moment de l’exécution.

IV. La cession de créance à titre de garantie Ce mécanisme se rapproche de la mise en gage de créance mais un peu différent. Il apparaît un peu plus simple : pourquoi ne pas faire une cession à titre de sureté ? On cède la créance assiette au créancier gagiste : donc il deviendrait créancier et non pas uniquement bénéficiaire d’un gage. Ce serait bien évidemment une cession sous condition résolutoire. Au cas où la créance garantie est parfaitement exécutée à l’échéance. On en voit fleurir un peu partout. Pourquoi ne pas se satisfaire de cela ? Les deux mécanismes sont différents :

- La mise en gage : remettre en gage une créance, mais il n’y a pas de transfert de propriété, la créance reste bien la propriété du créancier. Cette créance ne change pas de titulaire, elle est seulement mise en gage.

- La cession de créance : je me défais de la créance dont je suis titulaire. La créance sort de mon patrimoine et entre dans le patrimoine du cessionnaire.

Il faut veiller à ne pas confondre les deux opérations. Si on parle ici de la cession de créance, c’est parce que le principe de la liberté contractuelle a pour conséquence que les parties en viennent souvent à convenir d’une cession de créance à des fins de garantie. On remarque qu’en pratique, les parties utilisent souvent la technique de la cession de créance, mais à des fins de garantie.

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En pratique, comment les choses se passent-elles ? Il y a une convention qui est conclue entre le débiteur principal et le créancier. C’est la convention par laquelle le débiteur principal cède au créancier la créance qu’il a contre le débiteur (= opération de cession). C’est bien une cession en pleine propriété. Dans cette convention, les parties prévoient que le créancier (celui qui est cessionnaire, celui qui reçoit la créance) ne pourra pas à son tour aliéner la créance qu’il vient de recevoir. Donc, dans la cession de créance, le cessionnaire s’accorde avec le cédant pour ne pas céder à son tour la créance en question et toute l’opération de cession est conclue sous condition résolutoire du paiement de la dette garantie. Cela veut dire que si la dette garantie est payée, la condition résolutoire se réalise et il y a résolution du contrat de cession. La dette qui a été cédée revient dans le patrimoine du cédant. Les parties utilisent une cession de créance en pleine propriété, mais cette cession est bien opérée à des fins de garantie puisqu’elle est opérée sous condition résolutoire du paiement de la dette garantie. Cette opération de cession en pleine propriété à des fins de garantie est une opération que l’on observe en pratique et qui pose problème au moins pour deux raisons :

- Certains auteurs se disent « utiliser ce système de la cession de créance sous condition, c’est contourner la règle selon laquelle seul le législateur peut créer des sûretés réelles ». Les parties créent une sûreté sans respecter les cadres législatifs. Donc, ces auteurs considèrent qu’une telle opération est une opération qui heurte le principe.

- Certains ajoutent même que ce mécanisme de la cession de créance est un mécanisme qui, en réalité, est un mécanisme par lequel on contourne les règles du gage. On ne peut pas signer pareille clause à la conclusion du contrat de gage. C’est vraiment contourner l’interdiction des clauses attributives que de réaliser une cession en pleine propriété. Le législateur interdit un gage avec une clause d’attribution. Donc, c’est critiqué par une partie de la doctrine.

Voici les arguments de ceux qui sont pour :

- D’autres disent que l’on ne contourne pas les règles du gage parce que l’on fait un transfert en pleine propriété. Ici, il y a un transfert en pleine propriété, donc, inutile de dire que l’on contourne les règles.

- On ne constitue pas une sûreté (donner une préférence dans la répartition des fonds qui proviennent de la réalisation d’un bien du débiteur). Il n’a jamais été question de répartir le produit de la cession entre les créanciers.

- Le législateur autorise cette cession dans une loi particulière de décembre 2004 autorisant la cession en pleine propriété des instruments financiers. Le législateur autorise donc lui-même des opérations de cession.

C’est une discussion qui se reflète en jurisprudence : certains juges déclarent inopposables aux créanciers les opérations de cession en plein propriété tandis que d’autres juges favorisent l’autre tendance. Peu de jurisprudence. Arrêt cour d’appel d’Anvers qui dit que la cession est inopposable car cela crée une sureté hors des mécanismes légaux…

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Section 2. Mise en gage de créances constatées dans des factures C’est l’hypothèse des créances constatées au moyen d’une facture. Le législateur a élaboré une législation spécifique, relative à la mise en gage de ce type de créance : loi du 25 octobre 1919. En réalité, dans cette loi, le législateur a entendu simplifier le formalisme et les formalités liées à la constitution du gage. Depuis 1919, on a adopté l’article 2075 du Code civil et donc, la mise en gage de créance ordinaire n’est plus compliquée aujourd’hui. Alors, dire que la mise en gage de créances constatées par facture fait l’objet d’un formalisme simplifié, c’est vrai, mais c’est ainsi pour toutes les mises en gage de n’importe quelle créance ! Que dit cette loi ? Elle s’applique spécifiquement au gage de créances qui sont constatées dans des factures. Dans le cas spécifique où une facture vient constater l’existence d’une créance, le législateur de 1919 a entendu simplifier la mise en gage de ces créances particulières en disant qu’elles pourront être mises en gage par une simple technique d’endossement. Il va suffire d’endosser la facture pour que s’opère la mise en gage de la créance constatée dans la facture. Qu’est-ce que l’endossement de la facture ? Cela consiste simplement à indiquer sur le verso de la copie de la facture le nom de la personne qui va endosser la facture, c'est-à-dire le créancier réclamant une garantie. Et ce document, on le remet au créancier à titre de garantie. Il a donc en main la créance constatée dans la facture, et la mise en gage est réalisée de manière simple et rapide. Donc, on dit que la facture est endossée au créancier qui réclame une garantie. Remarque sur l’endossement et le système de la loi de 1919 :

- L’endossement ne peut avoir lieu qu’au profit d’une banque.

- Il faut, à un moment donné, avertir le débiteur de la facture. On va lui envoyer un avis d’endossement dans lequel le créancier va avertir le débiteur que la facture a été endossée en son nom afin que le débiteur sache qu’il faut payer entre les mains de celui au bénéfice duquel la facture a été endossée.

- Les exceptions que le débiteur pouvait faire valoir vis-à-vis du créancier pourront être

opposées à l’endossataire (= celui à l’ordre de qui la facture a été endossée, c’est-à-dire la banque).

- Les endossements successifs ne sont pas autorisés. Quand une banque a en main la facture

endossée, elle obtiendra le paiement, elle ne pourra pas transmettre la facture à quelqu’un d’autre.

- Le recours à l’endossement de facture est un recours très fréquent, mais encore plus fréquent quand il se fait en pleine propriété que quand il se fait à titre de gage. Donc, cette loi paraît antique, mais est véritablement utilisée par les sociétés qui s’occupent notamment des récupérations de créance.

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Section 4 : Mise en gage d’instruments financiers Elle est organisée par le législateur par la loi du 15 décembre 2004 sur le netting. On en a déjà parlé : c’est la LSF : loi sur les suretés financières. § 1. Champ d’application Cette loi vise la mise en gage d’instruments financiers et d’espèces. Il faut aller voir la loi du 2 aout 2002 qui elle-même renvoie à une autre loi. Après tout le jeu de piste on voit que certaines actions ne sont pas visées.

- Instruments financiers : ce sont les actions et obligations ainsi que les droits qui portent sur ces actions et obligations, cela peut être un droit de créance et l’obligation de délivrer les actions.

- Les espèces au sens de cette loi (qui transpose la directive collatérale) : c’est la

monnaie scripturale. On ne vise pas le cash, mais les fonds portés en compte, c’est-à-dire l’argent qui se trouve sur un fond bancaire et non pas les espèces sonnantes et trébuchantes. Droits coulés de fond portés en compte : pas la monnaie donc.

Ce sont deux valeurs patrimoniales donc on peut constituer des gages avec cette valeur patrimoniale pour objet. § 2. Formation du gage sur instrument financier Les conditions de validité de ce gage sont sensiblement comparables avec celles du gage de droit commun. Articles 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11. Qu’en est-il du dessaisissement ? Faut-il être propriétaire du bien mis en gage ? DEUX OBSERVATIONS :

I. La remise de la chose par le débiteur au créancier La loi présente certaines spécificités parce que la plupart des instruments financiers sont des valeurs incorporelles. Il y a bien parfois des actions au porteur (c’est-à-dire matérialisée dans un titre), mais la plupart des instruments financiers sont des instruments incorporels et cela sera encore plus vrai quand les actions au porteur auront disparu. On est donc pratiquement toujours confronté à une valeur incorporelle, d’où le problème de la remise de la chose en question. Hypothèse du gage consacré sur espèce sur la monnaie scripturale Si on lit les travaux préparatoires, on constate que la remise des espèces va se faire par la simple conclusion du contrat de gage. Il n’y a pas de mention spécifique dans la

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loi à cet égard, mais on raisonne par analogie avec ce que prévoit l’article 2075 du Code civil. Pourquoi une telle analogie ? Parce que les fonds portés en compte peuvent être considérés comme étant des créances que le titulaire du compte a vis-à-vis de la banque. Il a en réalité une créance vis-à-vis de la banque qui lui est redevable de la remise de l’argent. La banque a une créance de restitution des fonds. Comment s’opère la remise quand ce sont des instruments financiers qui sont remis en gage ? Il suffira de remettre physiquement l’action qui est incorporée dans un titre matériel. Donc, les instruments financiers qui sont coulés dans un titre peuvent faire l’objet d’une remise physique, sans aucun problème. Reste alors les instruments incorporels. Ils ne sont pas intégrés dans un corpus, dans un titre au porteur, ils ne font pas l’objet d’une remise physique. Comment s’effectue la remise des titres qui sont des actions ou obligations qui sont incorporelles ? La loi dit qu’en réalité, il suffit que le créancier (bénéficiaire de l’opération de gage) puisse acquérir le contrôle sur les fameux instruments financiers incorporels. Cette exigence est précisée dans la loi à l’article 4 de la loi qui dit qu’il faut que le créancier obtienne le contrôle des avoirs remis en garantie. Le dessaisissement n’a plus de raison d’être dans le cas des espèces : la seule conclusion du contrat suffit pour le gage sur espèce. D’autres auteurs disent que l’article 4 dit que le bénéficiaire doit aussi avoir la possession ou à tout le moins le contrôle des avoirs. Il faut minimalement qu’il ait le contrôle des droits portés en compte. Une lecture peut être proche de ce texte ou non. Mais une lecture proche a tendance à dire qu’il faut que les avoirs puissent être contrôlés par le bénéficiaire du gage. Sinon ils pourront être cédés ou autre sans qu’il ne puisse y avoir de réaction du créancier. Comment s’opère le contrôle des avoirs par le créancier ? Mise en possession :

- Si les titres sont des titres nominatifs, alors il faut mentionner la mise en gage dans le registre des actions nominatives. Cette précision figure dans le Code des sociétés à l’article 504 : il faut une déclaration.

- Si les titres sont des titres dématérialisés (pas nominatifs), on va devoir les porter sur un compte spécial qui va être ouvert au nom du créancier de l’opération. On ne sait rien faire d’autre. On va inscrire ces titres sur un compte spécial qui est ouvert au nom du créancier. L’article 470 du code des sociétés vise l’hypothèse des valeurs mobilières dématérialisées : inscription à un compte spécial. C’est le jeu d’écriture qui fait le dessaisissement.

Dans un but d’assouplissement des règles, le législateur a prévu un système de preuve très libre dans la loi sur les sûretés financières, parce qu’il précise que la preuve du gage sur instrument financier peut être rapportée par tout moyen de droit. Cette information est contenue dans l’article 6 de la loi de 2004. La preuve est tout à fait

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libre et peut être rapportée par tout moyen de droit. Donc, si on est en matière civile, on fait sauter l’article 1341, qui est mis à l’écart par le législateur qui précise que la preuve de la constitution peut être rapportée par toute voie de droit en matière commerciale c’est normal, mais en matière civile, c’est différent.

II. Propriété des instruments financiers Le débiteur qui octroie un gage doit être propriétaire des instruments financiers. Le principe est le même en matière d’instruments financiers que dans le cadre du gage de droit commun : la personne qui octroie un gage doit être propriétaire des instruments financiers qu’il remet en gage. Il n’y a rien d’étonnant à cela. C’est la règle de base de toute constitution de gage. Le fait est que dans le cadre du gage de droit commun, on a indiqué que le débiteur devait être propriétaire de la chose remise en gage. On a aussi vu qu’il fallait faire attention à l’article 2279 qui vient protéger le créancier dans le cas où le gage aurait été constitué sur la chose d’autrui. Le problème en matière d’instruments financiers, c’est que cette protection du créancier est une protection qui ne devrait pas exister parce que l’article 2279 du Code civil ne s’applique qu’à propos des choses corporelles mobilières individualisées. Quand le gage porte sur une chose corporelle individualisée, on peut appliquer au créancier gagiste l’article 2279. Ici, l’instrument financier qui est incorporel (par exemple, parce que dématérialisé) ne va pas permettre au créancier gagiste d’invoquer l’article 2279 pour le cas où gage est constitué sur la chose d’autrui. Le législateur a eu conscience de cette difficulté. Si rien n’avait été fait, le créancier n’aurait pas été protégé parce qu’il n’aurait pas pu invoquer l’article 2279. Donc, le législateur est intervenu de manière spécifique, pour protéger le créancier qui se serait trouvé fort démuni. Le législateur a introduit un passage dans l’article 470 du Code des sociétés disant que le constituant du gage est présumé être propriétaire des valeurs dématérialisées. Le législateur dit que le constituant est présumé être propriétaire des valeurs mobilières. La validité du gage n’est pas affectée par l’absence du droit de propriété du constituant du gage sur les valeurs mobilières dématérialisées. Le législateur dit qu’on va présumer que le constituant est propriétaire des valeurs, et on ne pourra pas remettre en cause la validité du gage si on se rend compte ultérieurement qu’il y a eu un problème. Dans ce cas de figure, le créancier est mieux protégé que si on lui avait appliqué l’article 2279 par analogie parce qu’il sera protégé aussi s’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il sait que l’objet du gage n’appartient pas au constituant. Bilan : le sort du créancier est même plus avantageux que 2279 car le 2279 requiert la bonne foi pour avoir effet, or on n’a pas cette condition dans l’article 470.

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D’où tire-t-on cette idée que le créancier gagiste sera protégé même s’il est de mauvaise foi ? De l’article 27 de la loi sur les sûretés financières lequel dit que quand le constituant du gage veut constituer un gage sur la chose d’autrui, il doit en avertir au préalable et par écrit le créancier. Donc, si le constituant du gage n’informe pas, au préalable ou par écrit, le bénéficiaire du gage de ce qu’il entend constituer le gage sur la chose d’autrui, le créancier pourra se fonder sur l’article 470 pour dire que le constituant est censé être propriétaire mais que la validité du gage ne peut pas être mise en cause. Le seul cas où la validité du gage pourra être remise en cause c’est lorsque le constituant avertit au préalable le créancier qu’il voulait constituer un gage sur les actions d’autrui sans qu’autrui ait donné son accord. Un avertissement fait verbalement ne suffirait. Dans ce cas-là, alors même que le créancier aurait été averti verbalement que les actions n’appartenaient pas au constituant, le créancier pourrait se prévaloir de la validité des opérations au titre de l’article 470 du Code des sociétés. § 3. L’opposabilité aux tiers du gage sur instruments financiers On simplifie la constitution, les règles d’opposabilité et les règles d’exécution : c’est une faciliter pour recourir aux instruments financiers dans des conventions de gage. On veut favoriser cette pratique. Le législateur a entendu simplifier au maximum les opérations. L’idée était de faciliter la constitution de gage sur instruments financiers. Donc, en matière d’opposabilité aux tiers de la constitution du gage, il est aussi allé à l’essentiel. En matière civile, le législateur met à l’écart les articles 1328 et 2074 du Code civil. La situation devient simple : l’opposabilité aux tiers ne dépend pas de ces articles. Donc, même pour trouver la date de la constitution d’un gage à l’égard d’un tiers, il ne sera pas possible de trouver une date certaine. En matière commerciale, l’article 2074 (article clef de l’opposabilité aux tiers en matière civile) ne s’applique en principe pas. L’article 1328 est aussi écarté. Il y a donc un souci de simplification qui est de rendre opposable aux tiers de la manière la plus facile possible les opérations. § 4. Que se passe-t-il en cours de contrat de gage ? L’article 11 de la loi sur les sûretés financières (LSF) dit que le créancier gagiste peut utiliser les instruments financiers qui lui ont été remis en gage. Très concrètement il pourra les vendre, les monnayer,… Il faudra en donner des équivalents le cas échéant. L’idée de simplification est favorisée, on veut rendre les choses le plus facile possible, favoriser la circulation des instruments financiers. L’article 11 dit que le créancier peut utiliser les instruments financiers qui lui ont été remis en gage. La seule chose que l’on exige de lui c’est qu’il doit – à l’échéance du gage – substituer aux instruments utilisés les instruments financiers de valeur équivalente. On est finalement fort proche d’une opération de cession en pleine propriété des instruments financiers. On continue à dire qu’il s’agit de gage, mais on voit que l’on met un pied en dehors du gage, parce que le créancier gagiste peut utiliser les instruments financiers qui lui ont été promis.

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L’article 11 vise seulement les instruments financiers donnés en gage. Les auteurs l’étendent toutefois également aux espèces. Le législateur n’a pas précisé que le créancier gagiste pouvait utiliser les espèces, mais en réalité, les choses vont relativement de soi parce que la divulgation des espèces était prévue dans la directive. § 5. Quid à l’échéance ? Il faut restituer les instruments financiers le cas échant. Il faut reconstituer le package des IF. Une fois que c’est fait, on ne parle plus de gage ou de sureté financière. 05/11/10 En cours de contrat, on a un créancier qui se trouve avec des instruments financiers à sa disposition. En cours de contrat, l’article 11 prévoit que, dans la mesure où les parties en sont convenues, le créancier gagiste peut utiliser, comme s’il en était propriétaire les instruments financiers donnés en gage, à charge de lui de substituer des instruments financiers équivalents. Il peut vendre, monnayer ces instruments. À l’échéance de la dette garantie, la 1ère chose c’est qu’il faut restituer des instruments financiers équivalents, s’il y a lieu à reconstitution. Une fois que cela est fait, ou bien la créance principale est exécutée, ou bien elle ne l’est pas. Si elle est exécutée, tout va bien, on ne parle plus ni de la créance principale ni du gage. La difficulté est plus grande si on passe à l’exécution.

A. Pas d’utilisation par le créancier des instruments financiers : Il reste donc toujours en possession de ces instruments.

1. La réalisation La question de la réalisation du gage est envisagée à l’article 8 de la loi sur les sûretés financières. Cet article laisse deux possibilités au créancier qui a en main les instruments en question. Le législateur a voulu, par cette règlementation, faciliter le gage sur instrument financier. L’article 8 dit que sauf stipulation contraire des parties, en cas de défaut d’exécution, le créancier gagiste est autorisé à réaliser les instruments financiers. Voilà une souplesse introduite par le législateur puisque le créancier gagiste peut réaliser les instruments financiers qui font l’objet du gage. Le législateur va même un peu plus loin puisqu’il donne des précisions : le créancier peut réaliser des instruments financiers sans mise en demeure, sans décision judiciaire préalable (par de recours au juge) et nonobstant une procédure d’insolvabilité (c'est-à-dire y compris en cas de survenance d’une situation de concours). Il y a une souplesse dans le mécanisme prévu car aucune intervention judiciaire n’est requise. En plus, la situation du banquier est améliorée car la réalisation est envisageable même en cas de concours. Le solde éventuel revient au débiteur gagiste ou au tiers constituant du gage.

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Remarque : Le contrôle du juge n’interviendra qu’après réalisation. S’il y a des discussions pour savoir s’il y avait lieu à réalisation, les contestations judiciaires sont possibles mais elles viennent a posteriori.

2. L’appropriation Elle est prévue au §2 de l’article 8 : dans la mesure où les parties en sont convenues, le créancier gagiste pour s’approprier les instruments financiers. Voilà une souplesse introduite dans le système financier puisque le créancier peut s’approprier les instruments financiers. Dans la convention même des parties par laquelle elles autorisent le recours à cette procédure, il faut également préciser les modalités d’évaluation des instruments financiers. Il faut se mettre d’accord sur une technique d’évaluation car le solde éventuel reviendra au débiteur. Dans ces deux systèmes (l’appropriation et la réalisation), aucune mise en demeure ni intervention du juge, il y a un système confortable pour les bénéficiaires du gage sur instrument financier, notamment les institutions bancaires.

B. Le créancier a utilisé les instruments financiers

Il les a, par exemple vendus, et ne les a plus en main. Si le créancier a disposé des biens, on a deux alternatives :

1. Article 11§1 (substitution) Le créancier remplace ces instruments financiers par des instruments équivalents. L’article 11 prévoit en principe que le créancier peut remplacer les instruments. S’il les a remplacés, on retombe sur la 1ère hypothèse car il a des instruments en main, il optera pour une des voies prévues à l’article 8.

2. Article 11§2 (imputation) S’il n’a pas remplacé les instruments financiers, il peut imputer lui-même la valeur des instruments financiers sur le montant de la dette. C’est prévu par l’article 11§2.

Que se passe-t-il si le créancier ne remplace pas les instruments financiers par de nouveaux instruments ? Au §3, on apprend que le débiteur prend l’intitiative de proposer l’imputation du montant des instruments qui n’existent plus, qui ne sont plus en possession du créancier. §6. Remarques finales Si le gage a été donné sur espèce, le législateur a prévu un système simple à l’article 9 : à défaut d’exécution de la créance garantie, nonobstant une procédure d’insolvabilité (même si une faillite survient), le créancier gagiste sera autorisé sans mise en demeure ni décision judiciaire pourra réaliser le gage constitué par des espèces.

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On aboutit à un système de compensation des fonds entre la dette garantie et le montant des espèces portées en compte qui ne sont rien d’autre qu’une créance. C’est une forme de compensation qui s’opère. Section 5 : Le warrant §1. Considérations liminaires C’est une loi du 18 novembre 1862 qui régit ceci. L’idée générale de ce système du warrant, c’est que le législateur a constaté que dans pas mal de cas, le commerçant qui sollicite un crédit et qui devait fournir une sûreté pour rassurer son créancier de sa solvabilité ou de ses possibilités de remboursement, avait seulement des marchandises à sa disposition. Le législateur a mis au point un système qui permet au commerçant d’utiliser ce qu’il a dans son patrimoine pour utiliser ces biens qui sont à sa disposition comme base d’un gage. L’idée qui traverse cette loi de 1862 utilisait les marchandises comme objet du gage avec un système particulier mis sur pieds. Le législateur a voulu mettre sur pieds un système qui permet au commerçant à la fois de remettre les marchandises au créancier en guise de gage, tout en permettant à ce commerçant de continuer à pouvoir certaines de ces marchandises, à les vendre, et, le cas échéant, à les remplacer. Il y arrive par l’émission d’un warrant, un titre de commerce. Ce warrant va représenter les marchandises du commerçant. L’idée du législateur c’est de dire qu’il va créer un warrant qui sera un titre représentatif des marchandises et c’est ce titre qui sera remis à différentes personnes et la remise de ce titre vaudra en fait, aura le même effet qu’une remise de marchandise au créancier, comme c’est l’idée d’un gage. §2. Le système du warrant Concrètement, comment les choses se passent-elles ? Dans un 1er temps, le propriétaire des marchandises (le commerçant) dépose les marchandises chez un dépositaire. Toute personne qui accepte de recevoir des choses en dépôt pour le faire, même si en principe ce sont des professionnels. Il y a bien un système de remise de la chose qui réalise le dessaisissement inhérent à la notion de gage. Le dépositaire va émettre un titre (le warrant) qui va représenter les marchandises. Ce document doit comporter des mentions (montant de la créance, descriptif de l’endroit où sont les marchandises,…) mais en soi ce n’est rien d’autre qu’un ticket. Il arrive, et c’est même fréquent, qu’en réalité les marchandises ne soient même pas déposées chez le dépositaire. En pratique, ce qui se passe souvent, c’est que les marchandises ne sont pas physiquement acheminées chez le dépositaire, elles restent chez le déposant. La dépossession est réalisée en isolant ces marchandises chez le déposant dans un endroit particulier qui reste sous la surveillance du dépositaire qui peut envoyer son propre personnel pour le surveiller.

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Que fait le commerçant avec son warrant ? Il va voir son banquier. Il souhaite pouvoir remettre une sûreté. Le commerçant dit qu’il a une sûreté : s’il remet le titre, c’est comme s’il remettait les marchandises. Le warrant circule, celui qui a en main le warrant est possesseur des marchandises, comme s’il avait la maîtrise physique des marchandises. Le banquier octroie son crédit et en échange il reçoit le titre. Le titre représentatif passe de mains en mains par la technique de l’endossement : signature au verso du bon en question. L’endossement est le mode de transmission des titres de commerce. Le titre qui représente les marchandises mentionne également en principe le montant de la créance qui a justifié précisément l’émission de la sûreté. En réalité, celui qui a le titre en mains (la banque) pourra, à l’échéance, réclamer l’exécution de la créance. On voit donc que ce titre est en réalité un titre qui à la fois représente les marchandises, à la fois représente l’objet même du gage mais qui également incorpore la créance qui a justifié la création de la sûreté. Tant que tout va bien, le titre reste dans un classeur et il ne se passe pas grand-chose. Le commerçant a-t-il encore accès à son stock ? C’est l’intérêt de laisser le stock chez le commerçant : les parties peuvent prévoir un roulement des marchandises. Il y a dessaisissement, le stock est possédé et contrôlé par le dépositaire et ultérieurement par le banquier. Mais les parties prévoient souvent que le commerçant a accès à son stock et peut y puiser des marchandises pour les vendre, et remplacer des marchandises par des autres produits. On voit tout l’intérêt de laisser la marchandise chez le commerçant car celui-ci continue à avoir accès à son stock. Du moment qu’il n’y a pas d’atteinte à la valeur globale du stock, les intérêts du banquier ne sont pas diminués. Les parties ont intérêt à convenir l’accès au stock sinon ça n’aurait pas d’intérêt pour le commerçant de se priver de toutes ses marchandises. A l’échéance de la créance, s’il n’y a pas remboursement, le porteur du titre a une sûreté qui lui permet de faire vendre les marchandises. Il doit aller demander la réalisation des marchandises au président du tribunal de commerce. La vente génère un bénéfice, le créancier gagiste se fait payer par préférence sur le produit de réalisation et s’il reste un solde, soit il est partagé entre les autres créanciers, soit il est remis au débiteur.

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Section 6 : Le gage sur fonds de commerce §1. Remarque liminaires Le législateur a eu un souci différent. La loi date d’octobre 1919. Le législateur a eu pour souci de rencontrer la situation particulière des commerçants qui, un peu comme ceux dont on parlait à propos du système du warrant, n’ont pas autre chose à mettre à la disposition de leur créancier que leur fonds de commerce. L’idée du législateur a été de dire que dans certains cas, la seule chose que le commerçant peut mettre à la disposition de quelqu'un, c’est le fonds de commerce dont il dispose. Le problème c’est que, si l’on avait du réaliser la mise en gage d’un fonds de commerce, on n’y serait pas parvenu de manière efficace car en droit commun le gage nécessite une dépossession. Si un commerçant se défait de son fonds de commerce, il ne peut plus exploiter son fonds de commerce donc n’aura plus de rentrées financières. Le législateur a tenté de mettre sur pied un gage sans dépossession. Le débiteur pourra donc continuer à exploiter son fonds de commerce. L’idée de base, suivie par le législateur, c’est que le gage sur fonds de commerce est un gage sans dépossession. §2. La constitution du gage

A. Les parties : Il y a deux parties au contrat : le débiteur et le créancier gagiste

1. Le créancier : Le législateur en parle à l’article 7 de la loi de 1919. Le législateur a réservé ce type de sûretés à des établissements de crédit, c’est donc une sûreté qui ne peut pas être confiée à n’importe quel type de créancier. Seules les institutions bancaires peuvent être bénéficiaires d’une sûreté de ce type. Attention, l’article 7 nous dit que le gage sur fonds de commerce ne peut être consenti « initialement » qu’à des établissements de crédit. Au moment de la constitution du gage, il faut un établissement de crédit. Rien ne dit que finalement ça sera un établissement de crédit qui bénéficiera de la sûreté en question car la banque qui a accepté ce type de sûreté peut très bien avoir cédé la créance garantie, qui justifiait la constitution de la sûreté. Les sûretés sont des accessoires qui suivent la créance quand elle change de patrimoine. Si le banquier cède sa créance à quelqu'un qui n’est pas banquier, il y aura passage dans le chef de cette autre personne de la sûreté.

2. Le débiteur

Le législateur ne donne pas de précision particulière, si ce n’est, bien entendu, et c’est inhérent au système, que celui qui constitue la sûreté doit être le propriétaire du fonds de commerce : on ne donne pas en gage un bien dont on n’est pas propriétaire.

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Le gage constitué sur la chose d’autrui est nul de nullité relative. En droit commun, on a relevé que l’article 2279 protège le bénéficiaire d’un gage constitué sur la chose d’autrui. Cette règle de l’article 2279 ne s’applique pas ici parce que 2279 s’applique aux choses corporelles et que l’objet du gage (le fonds de commerce) est une universalité et donc un bien incorporel.

B. Le formalisme 1. De validité

Article 3, il est constitué soit par acte authentique soit par acte sous seing privé. C’est un acte solennel, et non un acte réel. A propos de l’acte sous seing privé, le législateur ne donne pas d’autre précision que celle là, il ne dit pas à l’article 3 que l’acte sous seing privé doit avoir été enregistré. En réalité, on va voir que, pour des raisons d’opposabilité au tiers, l’acte en question devra toujours avoir été enregistré parce que l’article 29 du code des droits d’enregistrement dit que le conservateur des hypothèques qui reçoit des actes pour accomplir la formalité d’opposabilité au tiers ne peut recevoir que des actes authentiques ou des actes sous seing privé enregistrés. L’acte sous seing privé sera donc toujours enregistré, pour respecter le formalisme d’opposabilité aux tiers. Une fois que le formalisme est respecté, le contrat est valablement formé.

2. D’opposabilité aux tiers   Le législateur prévoit un formalisme particulier d’opposabilité aux tiers, la simple conclusion du contrat ne suffit pas. L’article 4 nous dit que l’acte de gage est rendu public (c'est-à-dire opposable aux tiers) par l’inscription qui en est faite dans un registre spécial tenu par le conservateur des hypothèques. Il faut que l’acte constitutif ait été conclu selon les formes prévues à l’article 3 pour que le gage soit formé, mais il faut en outre se présenter chez le conservateur des hypothèques qui inscrit les mentions de l’acte. Celui qui se rend chez le conservateur des hypothèques prend sous le bras soit une copie de l’acte authentique (= expédition), ou bien l’un des doubles s’il est sous seing privé. Les parties doivent nécessairement avoir rédigé l’acte en deux exemplaires. A côté de cela, le créancier qui se présente chez le conservateur des hypothèques doit également avoir un bordereau, c'est-à-dire une fiche récapitulative dans laquelle le créancier mentionne des indications (nom du créancier, nom du propriétaire du fonds de commerce, indication du fonds de commerce,…). C’est le créancier qui a généralement intérêt à ce que la publicité soit réalisée. Quand un gage est conclu entre deux parties, c’est évidemment le créancier qui, le 1er, a intérêt à ce que l’inscription soit réalisée. En pratique, c’est souvent du créancier que vient l’initiative de l’inscription. Ce peut être le notaire qui se rend à la conservation des hypothèques, souvent lorsque l’acte est établi sous forme notariée.

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Il n’y a pas de délai pour procéder à cette mesure, mais le créancier n’a pas intérêt à trainer. C’est bien la constitution du gage qui donne lieu à cette formalité particulière. Une fois que le gage est constitué, il peut faire l’objet de cessions mais la cession ne donne pas lieu à modification de l’inscription. La règle de l’inscription ne pose pas grande difficulté quand le fonds de commerce n’est composé que d’un seul siège d’exploitation. Il se peut qu’un même fonds de commerce comporte deux points d’exploitation différents. S’ils sont dans le même arrondissement, il n’y a pas de difficulté. Si les deux endroits d’exploitation relèvent d’un même fonds de commerce et se trouvent dans des arrondissements judiciaires différents, il n’y a pas de réponse toute faite pour savoir si on inscrit dans un ou dans les deux arrondissements. Par prudence on le fait souvent dans les deux, mais des auteurs pensent qu’on peut ne faire qu’une seule inscription. Ce n’est pas une situation fréquente car le fonds de commerce est un ensemble qui permet de relier une clientèle. Si par exemple deux points d’exploitation sont distants l’un de l’autre, ils auront probablement des clientèles différentes et donc inévitablement il y aura deux fonds de commerce différents. La notion de clientèle est inhérente à la notion de fonds de commerce. Si les parties aboutissent à la conclusion qu’il y a deux fonds de commerce, rien n’empêche au créancier de demander au débiteur de bénéficier d’une sûreté sur chaque fonds de commerce. §3. Assiette du gage Que trouve-t-on réellement dans le fonds de commerce ? De quoi est-il réellement constitué ? C’est l’objet grevé de la sûreté, on doit donc le mieux que l’on peut identifier le fonds de commerce, le définir, et en voir les caractéristiques particulières. Le législateur s’est bien gardé de donner une définition du fonds de commerce.

A. L’existence du fonds de commerce

Pour constituer un gage sur fonds de commerce, il faut que le fonds de commerce existe. Ce n’est que quand le fonds de commerce existe qu’il peut faire l’objet d’un gage. Le législateur le dit : l’article 4,3° dit que dans le bordereau, il faut mentionner l’indication spéciale du fonds de commerce donné en gage. Incidemment, on peut déduire de cet article 4,3° que le législateur ne vise que les situations dans lesquelles le fonds de commerce existe. Se pose alors la question de savoir à partir de quel moment peut-on dire qu’un fonds de commerce existe. Il faut là repartir de la définition communément admise du fonds de commerce : c’est un ensemble d’éléments rassemblés, réunis et même organisés en vue de s’attirer une clientèle.

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On considère au départ de cette définition que le fonds de commerce n’existe que quand il y a ouverture du commerce au public en question, étant entendu qu’on n’exige pas qu’il y ait déjà beaucoup de clients, la potentialité de clientèle suffit. Dès que le magasin est ouvert au public, on a un fonds de commerce alors même qu’on n’a peut-être pas encore eu de client. Avant que le commerce ne soit accessible au public, il n’est pas possible de constituer un gage sur fonds de commerce. Ca peut paraître ennuyeux pour certains commerçants car le fonds de commerce qu’ils sont en train de constituer, c’est pratiquement leur seule richesse. En pratique, les choses se passent parfois ainsi : le débiteur (qui reçoit le crédit de la banque et ne peut prétendre être à la tête d’un fonds de commerce) s’engage vis-à-vis de la banque à constituer ultérieurement un gage sur fonds de commerce ; les parties vont en pratique parfois convenir de ce que le gage sera constitué ultérieurement. Le commerçant promet qu’il constituera un gage sur fonds de commerce dès que le fonds de commerce existera, dès que le fonds de commerce sera ouvert et que la loi de 1919 trouvera à s’appliquer. Cette technique constituant à promettre la sûreté n’équivaut pas à la constitution d’une sûreté, la banque est bénéficiaire d’une promesse et non d’une sûreté.

B. Définition

La loi de 1919 ne donne pas de définition de ce qu’est un fonds de commerce mais par contre, l’article 2 dit ce que le gage comprend. Il n’y a pas de définition générique. On voit bien que le descriptif donné par le législateur donne à penser qu’on trouve dans l’assiette tous les éléments qui permettent de s’attirer la clientèle. Le législateur donne toute une liste d’éléments. Certains méritent qu’on s’y arrête. Tout d’abord, une remarque générale : le législateur termine la phrase par « le tout sauf stipulation contraire ». Ces éléments sont considérés comme faisant partie du fonds de commerce mais les parties pourraient exclure de la liste certains éléments. Toutefois, il n’est pas possible de réduire à rien du tout la notion de fonds de commerce. Il faut quand même que ce qui reste comme constituant le fonds de commerce en constitue réellement un. Si je laisse juste la caisse enregistreuse et les étagères, ce n’est pas la peine de faire un gage sur fonds de commerce. La notion de fonds de commerce ne doit pas être dénaturée, le fonds de commerce doit toujours être un ensemble d’éléments qui décident de rallier la clientèle. Dans cette liste, quelques éléments peuvent attirer l’attention :

1. La clientèle Elle fait partie du fonds de commerce. On pourrait s’étonner que la clientèle fasse partie du fonds de commerce car le fonds de commerce est un ensemble d’éléments qui permettent de faire tourner la boutique. A priori, la clientèle ne devrait pas être un élément du fonds de commerce. L’une des explications qu’on trouve à ceci, c’est que la clientèle, une fois constituée et une fois que le fonds de commerce tourne, donne sa valeur au fonds. Au plus elle est importante, au plus le fonds aura de la valeur.

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2. Les marchandises en stock Dans cette liste établie par le législateur, on trouve également les marchandises en stock. Le fonds de commerce « peut » comprendre les marchandises, à concurrence de 50% de leur valeur. • « Peut » : Les parties doivent avoir prévu que les marchandises

feraient partie du fonds de commerce ; sinon elles en seront exclues. • A concurrence de 50% de leur valeur : Si les parties décident

d’introduire les marchandises en stock dans le fonds de commerce, celles-ci pourront être prises en considération qu’à concurrence de 50% de leur valeur.

La notion de « stock » renvoie aux produits finis, qui sont destinés à être vendus pour le commerçant au consommateur, et non pas les matières premières, qui font partie du fonds de commerce en tant que tel.

3. Le législateur ne parle pas dans sa liste de l’argent en caisse ni des créances qui pourrait avoir le commerçant. • L’argent en caisse : ne fait pas partie du fonds de commerce sauf si les

parties l’ont incorporé. • Les créances : on tient le même raisonnement, les parties peuvent

conventionnellement incorporer les créances dans l’assiette du gage. Ce sont des créances qui doivent avoir un lien avec l’exploitation commerciale, c)d par exemple une créance contre un acheteur qui n’aurait pas payé le prix. Ces créances ne peuvent relever de la vie privée du commerçant.

4. Les immeubles par destination économique Dans l’assiette du gage, on trouve également les immeubles par destination économique. Ce sont des meubles par nature affectés à l’exploitation d’un fonds (article 524 Code civil). Ils font partie de l’assiette du gage sur fonds de commerce. Pour qu’un meuble puisse être affecté par destination économique, il faut, comme condition préalable, une affectation du meuble au service du fonds. Il faut aussi et surtout qu’une même personne soit propriétaire du meuble et du fonds. Quand le commerçant loue l’immeuble dans lequel il exploite son commerce, quand il n’est pas propriétaire de l’immeuble, la notion d’immeuble par destination économique ne trouve pas à s’appliquer. Il n’y a pas d’identité entre le propriétaire du fonds (le bailleur) et le propriétaire des éléments du fonds de commerce (le commerçant). La notion d’immeuble par destination économique n’est pas retenue.

Tous ces éléments ne permettent le ralliement de la clientèle que s’ils sont la propriété du commerçant. Les éléments qui n’appartiennent pas au commerçant ne font pas partie du fonds de commerce.

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§4. Effets du gage

A. Avant l’échéance de la dette garantie 1. Principe

Le commerçant reste à la tête de son fonds de commerce, il va continuer à l’exploiter, à le faire tourner. Non seulement il continue à le faire tourner, mais il est même obligé de le faire tourner car s’il se croise les bras et que son commerce périclite, il fait péricliter la sûreté accordée au créancier. Il y a, dans le chef du commerçant, une obligation de continuer l’exploitation de son fonds ; il ne peut amoindrir la sûreté. Il n’est pas question non plus, pour le commerçant, de commencer à faire perdre de la valeur à son fonds de commerce en réduisant l’assiette de la sûreté. C’est précisément parce que le débiteur peut continuer à exploiter son fonds de commerce et à le faire tourner, qu’on dit de l’assiette de la sûreté qu’elle est une assiette mouvante/fluctuante, une assiette qui bouge puisque le fonds de commerce évolue normalement.

2. Sanctions Des sanctions peuvent survenir si le commerçant ne se comporte pas comme un commerçant diligent.

- Il risque des sanctions pénales (article 8).

- Il risque également des sanctions civiles : article 1188 du Code civil, le débiteur perd le bénéfice du terme accroché à sa créance.

- L’article 11 : prévoit que le bénéficiaire de la sûreté (le créancier) qui constate

que des éléments sont sortis de son patrimoine (du fonds de commerce) de manière anormale, pourra revendiquer les biens dans un délai de 6 mois et les revendiquer auprès de tiers dans les mains desquels ces biens se trouveraient.

La situation est la suivante : un commerçant a constitué un gage sur son fonds de commerce, ensuite il se dépouille d’une série de biens d’une manière anormale/frauduleuse. Le créancier pourra revendiquer ces biens. Cet article 11, qui prévoit le droit de saisie, présente certaines limites, d’une triple nature :

(a) Le législateur n’envisage le système de la saisie qu’à propos des matières premières, du matériel et de l’outillage.

(b) La revendication doit être opérée dans un délai très bref, un délai de 6 mois. En cas de déplacement abusif, il faut agir rapidement, agir dans un délai de 6 mois.

(c) Au moment où le créancier fait saisir les biens dans les mains du tiers en utilisant les règles de la saisie mobilière, le propriétaire va, le cas échéant, se voir opposer par l’acquéreur du bien l’article

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 85  

2279. Si les conditions de 2279 sont remplies, le tiers se trouve protégé, la revendication à laquelle procède le créancier sera vaine puisque précisément le tiers acquéreur sera protégé, pour autant qu’il soit de bonne foi.

L’article 11 parle d’une revendication par le créancier. Ce n’est pas une revendication au sens technique du terme, le créancier n’est pas propriétaire de la chose, ce n’est pas une action en revendication. On ne prend pas le terme « revendication » dans le sens technique du terme. C’est une forme de saisie appelée la saisie-revendication, envisagée aux articles 1462 et suivants du code judiciaire. Cet article 1462, qui permet la saisie revendication, est suivi d’un article 1463 qui dit qu’on utilise les règles de la saisie mobilière conservatoire. Cet article 11, 2° qui organise un système de revendication ne peut donc pas être considéré comme octroyant au créancier un droit de suite au sens strict du terme précisément parce que le créancier peut se voir opposer l’argument tiré de l’article 2279. À partir du moment où le créancier risque de se voir confronté à un propriétaire qui lui oppose 2279, on ne peut dire que c’est un réel droit de suite : c’est une sorte de droit de suite qui n’en est pas un dans la mesure où 2279 peut être soulevé. 3. Cession de tout le fonds de commerce

Cet article 11,2° vise le déplacement de certains éléments du fonds de commerce. Cette disposition ne vise donc pas l’hypothèse dans laquelle c’est tout le fonds de commerce dans son ensemble et en une seule opération qui aurait été cédé par le débiteur à un tiers. L’hypothèse de l’article 11 est celle dans laquelle, pris isolément, certains éléments sont cédés par le débiteur à un tiers. Certains éléments sortent du fonds de commerce de manière isolée. Que se passe-t-il lorsque c’est tout le fonds de commerce qui, en une fois, est vendu ? Le législateur n’a pas prévu cette hypothèse, mais la jurisprudence a reconnu que dans ce cas, le créancier peut aussi bénéficier d’une possibilité de suivre le fonds de commerce qui a changé de mains, autrement dit, bien que le législateur n’ait pas prévu de droit de suite dans cette hypothèse, un droit de suite ut globo a été reconnu par les juges. Une explication, c’est qu’à partir du moment où le gage sur fonds de commerce est un gage qui se réalise sans dépossession, il y a un danger que le bien change de mains et donc il y a eu, chez les juges, une réaction selon laquelle il faudrait protéger le créancier dans cette situation en lui conférant un droit de suite. Ca ne devrait pas être préjudiciable au tiers acquéreur car il existe un mécanisme de publicité en matière de gage sur fonds de commerce. Un tiers qui acquiert un fonds de commerce devrait toujours avoir pour 1er réflexe d’aller vérifier si ce fonds de commerce n’a pas fait l’objet d’un gage. S’il n’a consulté aucun registre, il courra peut-être un risque de voir ce fonds de commerce saisi à la requête du créancier qui en bénéficiait initialement.

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Le tiers acquéreur qui constaterait par la suite que le fonds de commerce acquis est grevé d’une sûreté ne pourrait en réalité pas faire grand chose si le créancier vendait le fonds de commerce. Il ne peut pas se retrancher derrière 2279 car il ne s’applique pas pour les universalités.

À côté du droit de suite limité établi par l’article 11, les tribunaux ont reconnu un droit de suite plus général.

B. A l’échéance de la dette garantie

Le problème se pose si la dette n’est pas remboursée. L’article 11,4° dit que le président du tribunal de commerce doit autoriser la réalisation du fonds de commerce. C’est une réflexion selon laquelle il faut recourir à une autorisation judiciaire pour pouvoir procéder à cette exécution. Il faut se dire qu’une fois que le juge a accordé le pouvoir de vendre le fonds de commerce, on va se trouver devant une situation moins facile. La réalisation d’un fonds de commerce est plus dure que la réalisation d’un bijou. Le juge doit désigner une personne qui sera chargée de procéder à la réalisation en question. Il s’agira généralement d’un curateur (si le commerçant est en faillite) mais il peut aussi choisir la banque. Certains services dans les banques connaissent suffisamment bien le marché que pour pouvoir réaliser de manière la plus correcte possible un fonds de commerce. Le juge lui-même donnera une autorisation

- soit de vendre le fonds de commerce en bloc, en une fois, pour le tout ; - soit autorisera la vente morcelée du fonds de commerce.

Tout dépendra des circonstances de l’espèce, de la valeur du fonds de commerce, des potentialités de pouvoir faire tourner le fonds de commerce. §5. Conflits entre le créancier gagiste sur le fonds de commerce et un autre créancier En matière de conflits, différentes situations peuvent se produire.

1. Conflit entre deux créanciers gagistes sur fonds de commerce Un cas facile de conflit qui peut se produite, c’est la situation dans laquelle deux créanciers gagistes se trouvent en conflit. Un commerçant constitue un gage sur fonds de commerce au profit d’une banque (B1) et ensuite, sur le même fonds de commerce, constitue un gage pour la banque B2. A qui le produit de réalisation du fonds de commerce va-t-il échoir ? On a deux sûretés conventionnelles qui présentent en plus la particularité de donner lieu à un formalisme publicitaire. Il faut comparer les mesures de publicité, les dates de ces mesures. Pour qu’un gage sur fonds de commerce soit rendu public, il nécessite une inscription.

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On va comparer les deux dates d’inscription.

2. Conflit entre un créancier gagiste sur fonds de commerce et un gagiste sur créance

Dans quelle situation concrète peut-on se trouver pour aboutir à un tel conflit ? Il faut qu’un 1er gage ait été consenti à une banque par exemple sur l’ensemble du fonds de commerce. Il faut aussi que, dans ce gage sur fonds de commerce, figure une créance du commerçant et l’une de ces créances a fait l’objet d’un gage au profit d’un autre créancier. Imaginons qu’il soit procédé à la réalisation de cet élément commun, de la créance commune, qui va bénéficier du produit de la réalisation ? Le créancier gagiste sur fonds de commerce ou le créancier gagiste sur créance ? On a ici deux créanciers qui sont tous les deux titulaires d’une sûreté établie par voie conventionnelle. On va donc regarder quelles sont les dates de constitution de ces deux sûretés, étant entendu qu’on prend les dates d’opposabilité aux tiers puisque les conflits opposent des créanciers qui sont tiers. Le gage sur fonds de commerce est rendu public par l’inscription (loi de 1919), la mise en gage sur créance est opposable aux tiers du fait de la conclusion du contrat (article 2075). On va donc comparer les deux dates et on donne préférence à la 1ère des deux. Le gage sur fonds de commerce est un gage sans dépossession. Il est à craindre que le débiteur se défasse, pour l’engager séparément, de tel ou tel élément du fonds grevé. Le cas se rencontre lorsque le débiteur engage certaines créances incluses conventionnellement dans l’assiette du gage sur fonds de commerce. Il peut arriver aussi mais c’est plus rare que le débiteur se défasse d’un meuble corporel pour l’engager. La solution du conflit entre créancers gagiste sur fonds de commerce et gagiste ordinaire se règle par le principe de l’antériorité, habituellement retenu en cas de concours entre sûretés conventionnelles. La règle Nemo plus juris… conduit à préférer le premier nanti. Le débiteur ne saurait s’affranchir, pour constituer une sûreté subséquente, de celle qu’il a déjà consentie. Et, s’agissant des sûretés soumises à publicité, les dates à prendre en considération sont celles de leur opposabilité aux tiers : l’inscription pour le gage sur fonds de commerce, la dépossession du débiteur ou la conclusion du contrat pour le gage, selon qu’il porte sur un bien corporel ou une créance. La solution s’impose depuis que la Cour de cassation a décidé, par son arrêt de principe du 19 novembre 1992 que l’antériorité départage créanciers gagiste sur fonds de commerce et porteur de warrant de marchandises. Déterminons tout d’abord une situation de fait où cela pourrait se produire. Pour qu’un tel conflit puisse se produire, il faut qu’une banque ait concédé à un commerçant un crédit et qu’en garantie du remboursement de ce crédit, le commerçant ait octroyé à la banque un gage sur fonds de commerce Pour qu’il y ait conflit avec un créancier gagiste ordinaire, il faut que ce même commerçant remette en gage à l’un de ses créanciers (autre que la banque) un élément de son fonds de commerce. Par exemple, partons de la situation suivante : le commerçant remet en gage à l’un de ses créanciers une créance dont il dispose à l’égard d’un de ses locataires. C’est donc un gage sur créance. La créance est saisie par un mécanisme de saisie arrêt. La question qui se pose : à qui le débiteur de la créance du loyer doit il payer le montant du loyer ? A qui le locataire va-t-il payer ?

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Imaginons qu’il y ait un conflit entre ces deux créanciers, il faut que la créance fasse partie de l’assiette légale du gage sur fonds de commerce. Autrement dit, il faut que la créance fasse partie des deux assiettes. Le banquier aura aussi dans son gage la créance si par une clause particulière, les parties ont veillé à incorporer les créances du fonds de commerce. Il faut que la créance de loyer fasse partie du fonds de commerce. Partons de l’hypothèse où ce serait fait : une créance fait partie des deux assiettes : celle du banquier et celle de l’autre créancier qui a un gage sur créance. A qui le locataire doit il payer ? A la banque ou au créancier gagiste sur créance ? On a deux sûretés : le gage sur fonds de commerce et le gage sur créance. Ce sont deux sûretés conventionnelles. On doit se souvenir des cinq règles examinées au deuxième cours pour régler les conflits entre créanciers. La cinquième règle visait les conflits entre titulaire de sûretés conventionnelles. Quand on avait deux créanciers titulaires d’une sûreté conventionnelle, pour savoir auquel il faut donner la priorité, il faut se demander lequel a constitué la sûreté en premier. C’est donc la règle de l’antériorité de la constitution de la sûreté qui va servir pour déterminer lequel des deux on va satisfaire en premier. Pour régler le conflit, il faut se demander quelles sont les dates de constitution des sûretés, et c’est celui pour qui la sûreté a été constituée en premier lieu. C’est le premier nanti qui sera servi. Remarque : on se demande quelles sont les dates constitutives de sûretés, mais il faut faire attention à la date à prendre en considération. Cela doit être une date opposable aux tiers. Quelles sont ces dates d’opposabilité aux tiers des constitutions des deux gages ?

- Quand la constitution d’un gage sur fonds de commerce commence-t-elle à être opposable aux tiers ? Elle est opposable à partir de la transcription au bureau du conservateur des hypothèques.

- Quand la constitution d’un gage sur créance commence-t-elle à être opposable aux tiers ? Elle est opposable à compter de la conclusion, de la dépossession du débiteur (c’est ce que l’on a vu en examinant l’article 2075 du Code civil). Il va encore falloir prouver la date de la conclusion du contrat de gage. Comment la prouver ? Puisqu’on est en matière commerciale, pas d’application de l’article 1328 du Code civil, la date va pouvoir être prouvée par toutes voies de droit.

Donc, on compare ces deux dates, l’une sera forcément antérieure, et bien ce sera le premier en date qui bénéficiera de la créance de loyer payée par le locataire. Ici, c’est une sûreté conventionnelle. 10/11/10

3. Le conflit entre le créancier gagiste sur fonds de commerce et le titulaire d’un warrant

Conflit entre gage sur fonds de commerce et warrant de marchandises. Il faut s’abord se demander s’il est techniquement possible que les deux créanciers soient en conflit : ce n’est possible que si l’assiette qui constitue l’ensemble des biens grevés à leur profit d’une sûreté est identique ou se recouvre partiellement. Il faut donc se poser la question de savoir s’ils ont la même prétention sur au moins certains biens identiques. L’assiette du gage sur fonds de commerce constitue l’ensemble des éléments qui rallie la clientèle dont les stocks à concurrence de 50% de leur valeur. En ce qui concerne le warrant, il a pour objet justement l’ensemble du stock de marchandise. Il y a donc un

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potentiel conflit qui peut survenir jusqu’à concurrence de 50% de la valeur des marchandises en stock. Assiette du gage sur fonds de commerce = constitué par l’ensemble des éléments qui constituent le fonds de commerce. Les parties peuvent y intégrer les stocks (attention : limite + plafond loi de 1919, article 2). On voit que les marchandises jusqu’à une certaine valeur peuvent être l’assiette d’une sûreté. Quant au warrant, il a pour objet le stock de marchandises (qui se retrouvent alors dans les deux assiettes !) : un éventuel conflit peut donc intervenir entre les deux créanciers. S’il y a un conflit, comment le régler ? On a deux titulaires de sûretés conventionnelles, on va donc s’inquiéter de savoir à quelle date ces sûretés ont été constituées. Celui qui aura la date la plus antérieure l’emportera sur l’autre (étant entendu qu’il faut prendre en compte les dates d’opposabilité aux tiers puisque c’est cela que les créanciers tentent de faire). A partir de quel moment un gage sur fonds de commerce devient-il opposable aux tiers ? A partir du moment où formalité d’opposabilité a été rencontrée = inscription à un registre ad hoc du conservateur des hypothèques (loi de 1919, art 4). L’acte constitutif du warrant = un contrat. Le législateur ne dit pas spécialement qu’une formalité particulière doit être remplie pour que cette date de constitution soit opposable aux tiers, on appliquera les règles classiques (la date de constitution = opposable aux tiers, sans formalisme particulier). La date prise en compte est bien évidement la date d’opposabilité aux tiers puisque les créanciers sont tiers l’un envers l’autre. Donc, pour le gage sur fonds de commerce, ce sera à partir du moment où aura eu lieu l’inscription dans le registre ad hoc au conservateur des hypothèques, tandis que l’acte constitutif du warrant étant un contrat, il n’y a pas de formalité particulière qui doit être remplie pour être opposable aux tiers, et ce sera donc la date de constitution qui sera prise en compte. Remarque : En principe, la plupart du temps, le créancier gagiste sur fonds de commerce sera le premier des deux dans le temps car généralement quand un débiteur souhaite obtenir un crédit auprès de sa banque, la première sûreté à laquelle il peut penser = le gage sur fonds de commerce. En cas d’engagement antérieur au fonds, le warrant de marchandises n’offrira à son porteur qu’une sécurité très incertaine et se verra privé d’une grande part de son utilité, à moins qu’il soit cédé, précisément, au banquier qui détient déjà le fonds en gage. Quel est l’intérêt de constituer un warrant quand on sait qu’il existe un gage sur fonds de commerce ? Pour savoir si les marchandises ont été ou non intégré dans l’assiette du fonds de commerce (si elles sont incorporées elles ne sont prises en compte qu’à concurrence de 50% de la valeur). Les banquiers eux-mêmes demandent parfois aussi à leur débiteur qu’un warrant soit constituer à leur faveur, ce qui permet aux banques qui couplent les deux sûretés d’avoir un droit de préférence sur l’ensemble du stock de marchandises (à concurrence de 50% grâce au gage sur fonds de commerce + assiette élargie grâce au warrant). Intérêt de coupler = élargir la base qui servira de gâteau sur lequel le banquier pourra prétendre à un morceau.

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C’est pourquoi les banques désirent parfois coupler au gage sur fonds de commerce un warrant, qui leur permet d’avoir un droit de préférence sur l’ensemble des marchandises et ainsi élargir l’assiette de la sûreté, en contournant la limite de 50% établie par la loi de 1919. Il n’est donc pas impossible qu’un même créancier soit titulaire de deux sûretés distinctes. Le warrant apparaîtra de plus en plus comme le complément du gage sur fonds de commerce et dans cette mesure, conservera son intérêt : l’assiette de la sûreté se trouvera accrue (le gage sur fonds de commerce ne saurait comprendre que la moitié des marchandises en stock) et la sauvegarde des biens grevés mieux assurée (ils seront en mains et sous la responsabilité du tiers gardien).

(Section 7) : Tableau comparatif gage de droit commun et gage sur fonds

de commerce  

Voir précis, p. 169. Gage  de  droit  commun Gage  sur  fonds  de  commerce Caractère réel

Remise de la chose nécessaire Gage sans dépossession

Assiette Le gage porte sur un bien déterminé L’assiette du gage est mouvante, il s’agit d’un gage fluctuant dont la consistance est incertaine

Caractère M/I

Le gage est une sûreté mobilière L’assiette du fonds de commerce comprend les immeubles par destination économique

Publicité Ecrit enregistré si >375€ Procédé d’inscription sur un registre du conservateur des hypothèques

droit de suite Le gage ne confère pas de droit de suite.

Selon l’opinion dominante, il y a un droit se suite conféré au créancier

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 91  

CHAPITRE 3 : LES PRIVILEGES SUR LES MEUBLES ET IMMEUBLES On se concentre ici sur des suretés crées par le législateur. Le législateur détermine, de manière minutieuse, quelles sont les créances qui sont digne d’un certain intérêt, d’une certaine priorité. Il fait simultanément une deuxième chose : il détermine le ou les biens dont le produit de réalisation sera affecté par priorité au créancier. On va donc chaque fois se poser une double question :

- quelle est la créance privilégiée ? - quels sont les biens dont le produit de réalisation sera affecté par priorité au

créancier ? En ce qui concerne les privilèges, on peut les classer en fonction des assiettes. Certains portent parfois sur un meuble, parfois sur un immeuble. L’assiette est parfois constituée de meubles, parfois d’immeubles, parfois des deux. Section 1 : Le privilège des frais de justice §1. La justification du législateur à l’introduction de ce privilège. Le législateur a voulu favoriser le payement des créances nées dans le but soit de conserver, soit de liquider le patrimoine du débiteur. Le législateur s’est dit que s’il ne s’en souciait pas, plus personne n’offrirait ses services pour résoudre cette question. Quel est encore l’avocat qui voudrait s’occuper de la liquidation du patrimoine d’une personne en faillite s’il n’a pas la garantie d’être payé pour ses prestations ? Donc ceux qui interviennent pour conserver ou liquider le patrimoine du débiteur seront payés par priorité. §2. Les créances ? Le législateur ne détaille pas vraiment ce que sont les frais de justice. Néanmoins, on peut s’accorder sur l’idée que les frais de justice sont les frais qui ont été supportés sous l’autorité de la justice pour la conservation et la liquidation du patrimoine du débiteur et ce pour l’intérêt d’autres créanciers du débiteur. Donc les frais ont été engagés dans l’intérêt de la masse des créanciers. À partir du moment où une personne agit dans l’intérêt de toute une série d’autre, il est normal qu’elle soit payée en priorité. Quand on parle des frais de justice, on peut les classer en trois catégories :

- La notion vise d’abord les frais judiciaires proprement dits (les frais liés à une saisie par exemple).

- Les honoraires. - On trouve également certains faits extrajudiciaires. Ca veut dire qu’ils sont

liés à des actes accomplis sous l’autorité du magistrat (apposer des scellés par exemple).

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§3. L’assiette. L’article 17 de la loi hypothécaire. L’intérêt dans lequel les frais ont été fait vient limiter l’étendue du privilège et il vient limiter l’étendue du privilège non seulement quant aux biens qui constitueront l’assiette du privilège mais aussi quant aux créanciers qui seront payés. Il y a donc une double limite. La ratio legis du texte est de dire qu’on va privilégier le payement de la personne qui a liquidé ou conserver les patrimoine du débiteur. Lorsque quelqu’un intervient en vue de liquider ou de conserver un bien, il ne pourra faire valoir sa qualité de créancier privilégié que par rapport à d’autres créanciers qui ont bénéficié de son intervention. Si une personne n’a pas connu de bénéfice de cette intervention, il n’y aura pas de raison de faire primer l’un ou l’autre de ces deux créanciers. Exemples.

1. Un créancier pratique une saisie sur un bien du débiteur. Un autre créancier se joint à la saisie. Les frais de saisie qui sont des frais de justice sont des frais qui vont être privilégié parce que celui qui a pratiqué la saisie a « travaillé » pour tous ceux qui vont s’y joindre.

2. Un créancier a des doutes sur le comportement du débiteur. Il pense que ce dernier va tout faire pour amoindrir son patrimoine. Sentant le vent tourner, le créancier procède à une saisie conservatoire. Est ce que les frais liés à cette saisie conservatoire offriront un privilège au créancier ayant effectué la saisie (par exemple par rapport à un créancier hypothécaire) ? La réponse n’est pas affirmative pace que le créancier hypothécaire dira que la saisie conservatoire ne lui a rien apporté. Les frais engendrés ne lui auront offert aucun bénéfice puisqu’il n’avait pas besoin de cette saisie.

Ce privilège des frais de justice n’est donc pas facile à mettre en œuvre parce qu’il faut chaque fois se demander qui a bénéficié des frais de justice et de l’intervention du liquidateur/conservateur. Il y a également une relativité du privilège quant aux biens qui constituent l’assiette du privilège. Si c’est tout le patrimoine qui est liquidé, le privilège aura une assiette beaucoup plus étendue que si l’assiette porte sur quelques bien seulement. C’est pourquoi c’est difficile de classer ce privilège qui peut porter sur un ou plusieurs meubles, un ou plusieurs immeubles ou même sur plusieurs meubles et immeubles. §4. Le rang de ce privilège. L’article 17 définit ce que sont les frais de justice et l’article 21 de cette loi hypothécaire dit que les frais de justice priment toutes les créances. Ce privilège est très prioritaire, il est pratiquement tout en haut de la liste. C’est toujours celui là qui l’emportera lors d’un conflit de créanciers. L’article 19 traite également de la place des privilèges des frais de justice. Il y a donc trois articles dans la loi qui traitent de ce privilège.

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Section 2. Le privilège de l’assureur sur la chose assurée. §1. Champ d’application. Les assureurs bénéficient également d’un privilège que le législateur a instauré à l’article 60 de la loi de 1992 sur le contrat d’assurance terrestre. Cette loi s’applique à certains types d’assurances (assurances terrestres). Il existe également la loi de 1874 qui contient une disposition analogue. L’article 23 est le pendant de l’article 60 de la loi de 1992. L’article 60 ne vise que certaines créances puisque le législateur ne protège que les assurances de choses, dont l’objet est de prévoir l’intervention de l’assureur que si la chose était détériorée ou disparaissait. Exemple : assurance incendie (loi de 1992), assurance d’un bateau de cargaison (loi de 1874). On retrouve l’idée de conservation. L’assureur intervient pour conserver le patrimoine de l’assuré. L’assureur agit au bénéfice de tous les créanciers de l’assuré par la même occasion. §2. Les créances garanties et l’assiette du privilège. La créance garantie c’est la créance de l’assureur. Il s’agit de la créance que l’assureur a en contrepartie du payement des primes. Créance que le législateur limite. L’article 60 (et 23) dit que le privilège n’existe que pour une somme correspondant à deux primes annuelles. L’assiette, elle, est constituée par les biens qui seront conservés. Il faut voir à quels biens du patrimoine le contrat d’assurance se référait. C’est sur le produit de réalisation de ces biens là que l’assureur se fera payé. Comme l’assiette est fonction du contrat d’assurance, on pourra dire que le privilège de l’assureur est immobilier ou mobilier en fonction de l’objet du contrat. On ne peut donc pas le classer de manière absolue dans l’une ou l’autre catégorie. Peut-il y avoir des conflits entre l’assureur et d’autres créanciers ? Oui bien entendu. Comment les régler ? Ex : un assureur intervient à la suite d’un incendie. L’assuré ne paye pas les primes d’assurance. De plus, le débiteur a des ennuis financiers. Il est déclaré en faillite. L’immeuble en question va faire l’objet d’une vente publique et le produit de réalisation sera distribué entre les créanciers. L’assureur va prétendre devoir passer par priorité ou bien bénéficier d’un privilège du produit de réalisation. Est ce que l’assureur sera bien placé dans la « bagarre » ? Le législateur a placé l’assureur en position avantageuse. Précisément, l’article 60 dit que l’assureur prend place immédiatement après celui qui a engendré des frais de justice. On couple l’article 60 et l’article 21 de la loi hypothécaire. Cet article 60 dit que le privilège de l’assureur n’est soumis à aucune mesure de publicité. On ne

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sait pas vraiment quand un immeuble est assuré ou pas. L’article 23 de la loi de 1874 est similaire à l’article 60.

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CHAPITRE 4 : LES PRIVILEGES GENERAUX SUR MEUBLES Section 1. Introduction sur l’assiette et le rang des privilèges généraux sur meubles. §1. L’assiette L’assiette des privilèges généraux sur meubles devrait porter sur tous les meubles du débiteur. « Devrait » parce que l’article 19, dernier alinéa est libellé de manière telle qu’on se rend compte que le prix de réalisation des immeubles et répartis aussi entre les privilégiés généraux sur meubles. L’assiette s’étend aussi aux immeubles du débiteur. Donc, l’assiette porte sur les meubles et les immeubles. Ce qui est vrai c’est que le prix de réalisation des immeubles ne reviendra aux créanciers qui ont un privilège général sur meubles qu’après les créanciers hypothécaires et privilégiés spéciaux sur meubles. Pourquoi le législateur a t il pris cette règle d’extension de l’assiette du privilège avec directement cette restriction ? Il fut une époque assez lointaine où limiter l’assiette des privilèges aux seuls meubles avait un sens. Les immeubles ne pouvaient pas être saisis et donc il n’y avait un sens à créer un privilège que ses des meubles. Cette époque a disparu et au moment où les immeubles ont pu être saisis comme les meubles, on s’est dit qu’il fallait étendre l’assiette aux immeubles. En faisant cela, on s’est trouvé dans une situation où sur un immeuble, peuvent être grevées trois types de sûretés (hypothèques, privilèges généraux, spéciaux sur immeubles). Deux de ces trois là donnent lieu à des publicités alors que le privilège général sur meubles ne donne pas lieu à publicité. Un créancier hypothécaire et spécial sur immeuble n’ont pas de surprise entre eux mais il y a toujours un troisième créancier qui pourrait surgir du bois et donc ruiner les attentes légitimes du créancier hypothécaire ou spécial sur immeuble. C’est pour éviter cela que le législateur a dit : « ok pour l’extension, mais il faudra d’abord satisfaire les deux catégories de créanciers qui bénéficient d’une publicité ». § 2. Le rang des privilèges généraux. Il y a une masse très étendue de créanciers que le législateur a trouvé bon de désigner comme étant en droit d’être payé par priorité. Cette liste est extrêmement longue et n’est finalement pas si avantageuse pour tous les membres de la liste. Tous ces créanciers ont la même assiette. Dès que la masse de biens sera vendue, tous les créanciers de la liste vont réclamer une part du gâteau. Comment va t on les satisfaire ? Le législateur précise lui même que les créanciers devront être payés dans l’ordre de leur apparition dans la liste des créanciers privilégiés (l’employé, puis l’INAMI, puis l’ONSS, etc.).

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 96  

Deux précisions toutefois : - Dans la liste, il y a parfois plusieurs créanciers qui se trouvent sur la même

ligne. Ils sont alors payés par contribution.

- Le législateur a aussi créé des privilèges généraux sur meubles en dehors de la loi hypothécaire. Il le fait particulièrement dans tous les codes fiscaux. Donc, que va t on faire du fisc qui bénéficie d’un privilège général sur meuble dans la liste de l’article 19 ? La solution de principe se trouve dans l’article 15 de la loi sur les hypothèques. C’est le législateur qui, dans les lois particulières, doit prendre soin d’indiquer comme on va placer le trésor public dans cette liste de l’article 19.

Ex : l’art. 422 du code d’impôt sur les revenus instaure un privilège pour le trésor public qui prend rang après le 19, 5° de la loi hypothécaire (dixit art. 423 du CIR). On voit que le législateur désigne le rang du créancier privilégié général dans les dispositions des lois particulières que le créancier prendra dans la liste de l’art. 19 LH.

Section 2. Etude des privilèges généraux sur meubles. §1. Les privilèges créés dans un souci humanitaire. Nous allons étudier trois créances particulières. L’article 19, 1° c’est l’article dans lequel le législateur parle des privilèges des frais de justice. Pourquoi en reparler ici ? Le privilège des frais de justice peut avoir pour assiette l’ensemble du patrimoine du débiteur. Donc il peut être qualifié de général sur meubles. Ce créancier se trouve en tête de la liste de l’article 19.

• L’article 19, 2° : les frais funéraires.

Ce privilège est peut être l’un des rares privilèges que le législateur a créé non seulement dans l’intérêt du débiteur et du créancier. Il y a des considérations liées aux débiteurs auxquels on a voulu garantir un enterrement ainsi que des considérations liées à la salubrité publique. Le proche parent s’occupe des frais et puis va se faire rembourser de ses frais par priorité. Il faut bien entendu que le décès fasse naitre une situation de concours. Ce n’est pas le cas de tous les décès. Il y a deux situations particulières qui font naitre cette situation :

o l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire o l’ouverture d’une succession vacante.

Dans ces situations, le législateur met en place une procédure de liquidation qui va contraindre celui qui est chargé de la procédure d’engendrer des frais.

Quand on ne connaît pas bien l’état bilantaire du défunt, il vaut mieux accepter la succession sous bénéfice d’inventaire pour qu’il n’y ait pas de fusion entre les actifs

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 97  

et les passifs du défunt et de l’héritier. Quand on n’accepte pas la succession, il faut alors liquider la succession. C’est là que les créanciers se pressent au portillon.

L’article 813 de la LH traite lui de la succession vacante. Un curateur va être désigné pour liquide la succession et on se retrouve dans une situation où il faudra satisfaire les créanciers avec cette liquidation.

• Les frais de dernières maladies.

Les créances des médecins qui ont pratiqué des soins au bénéfice du débiteur.

• Les fournitures de subsistances.

Les créanciers qui ont fournis des éléments qui ont permis au débiteur et à sa famille de subsister au cours des 6 derniers mois. §2. Les privilèges créés dans l’intérêt du travailleur. Deux privilèges visés :

• 19, 3° bis : le privilège des travailleurs. Une faillite survient et des travailleurs n’ont pas été payés de leur dernier salaire. Ils ont donc une créance vis à vis de leur employeur en faillite. Pour le pécule de vacances, c’est le même principe. Si on lit l’art. 19, 3° bis, on remarque qu’il y a 5 privilèges instaurés. On n’en voit que 2 :

- Le payement de la rémunération Le législateur renvois à la définition de la rémunération de la loi de 1965. Cette rémunération est une rémunération avant retenue et donc brute. Etant entendu que le travailleur ne réclamera que le net de sa rémunération. Le fisc réclamera la différence en référence à l’article 19. Le législateur met un plafond. C’est une rémunération plafonnée à 7500 euros. Enfin, le plafond de 7500 euros ne s’applique pas aux indemnités de rupture de l’engagement. Les intérêts de retard ne sont pas visés non plus par le plafond.

- Les créances du fond d’indemnisation des travailleurs licenciés En pratique, c’est souvent ce fond qui intervient quand le travailleur n’est pas payé par son employeur. Le travailleur aura donc une créance de fond vis à vis de l’employeur failli.

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• 19, 4°, al. 2 : créances du pécule de vacances. On se trouve à un rang inférieur. Il est prévu dans l’article 19,4° alinéa 2. On a rétrogradé d’un rang, on se trouve à un rang inférieur et pour cette créance, il y a une créance un peu moins bien placée que la créance de rémunération, placée en 3ème position et non en 4ème position. 12/11/10 §4. Les privilèges justifiés par une idée de solidarité Liés à la solidarité sociale. Le législateur, à l’article 19 nonies, un privilège qui a pour assiette tous les meubles et accessoirement des immeubles du débiteur. C’est ainsi que sont privilégiés, par exemple (19,4°) la créance de l’Inami. En descendant dans cette liste, on voit le fonds d’accident du travail, … On voit tous les organismes sociaux qui peuvent être titulaires de créances voient leurs créances privilégiées. Le législateur offre aux mécanismes de sécurité sociale des privilèges :

-­‐ 19, 4° : l’INAMI. -­‐ Fonds des accidents du travail. -­‐ L’ONSS. -­‐ Fonds des maladies professionnelles. -­‐ Les CASTI. -­‐ Les caisses d’allocations familiales. -­‐ Etc.

Tous ces organismes voient donc leurs créances privilégiées par le législateur. §5. Catégorie fourre-tout Cette catégorie ne porte pas de titre particulier, c’est une catégorie dans laquelle on range tous les autres créanciers de l’article 19. On ne sait pas très bien pourquoi le législateur les a injectés dans l’article 19. On y trouve différentes choses sans réel lien telles que les créances du fonds budgétaire pour la protection des animaux, des végétaux, les créances des droits d’auteur, etc. Il y a une chose dont on n’a jamais parlé à propos de tous ces créanciers privilégiés, c’est l’assiette. Ils ont tous la même assiette. §6. Les privilèges du fisc (trésor public)

A. Principe Le trésor public bénéficie de privilèges qui ne sont pas traités par l’article 19, ils sont créés dans les codes fiscaux. Ce sont les lois particulières qui déterminent la place de ces privilèges dans la fameuse liste de l’article 19.

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B. Finale de l’article 19

Une question s’est posée à propos de ces privilèges créés par des lois particulières : faut-il appliquer au privilège du fisc la finale de l’article 19 ? L’article 19 dit précisément que l’assiette des créanciers privilégiés n’est pas simplement une assiette qui s’étend aux meubles, elle s’étend aux immeubles. La finale précise toutefois que les créanciers privilégiés généraux sur meubles n’ont un droit à faire valoir sur le produit de réalisation des immeubles qu’à titre subsidiaire, après satisfaction des créanciers hypothécaires et créanciers sur immeubles. Applique-t-on ceci pour le fisc ?

-­‐ La Cour de cassation a du connaître d’un litige où cette question se posait en termes très clairs. Dans un arrêt de 90, elle répond à cette question par la négative : pas d’application de la finale de l’article 19. Elle a dit que les privilèges du fisc ne sont pas organisés par cet article et donc il n’y a pas de raison d’appliquer ces privilèges. Cependant, cet arrêt a donné lieu à une réaction immédiate de l’état qui a changé la loi pour que ce dernier alinéa s’applique aussi pour le fisc.

-­‐ Le législateur a immédiatement réagi pour faire en sorte que la finale de l’article 19 s’applique bien au trésor public et que l’Etat puisse aussi bénéficier, à titre subsidiaire, du produit de réalisation des immeubles.

Cette manifestation législative a été incorporée dans les codes fiscaux, le législateur a donc insisté sur le fait que la finale de l’article 19 s’applique au trésor public (article 423 du code d’impôt sur les revenus).

Dans le code de la TVA on a également une précision qui dit qu’on applique la finale de l’article 19 ; par contre le code des droits de succession ne contient aucune disposition similaire. Le législateur dit donc que l’article 19, dernier alinéa s’appliquera. Mais, parfois, il le mentionne dans les codes fiscaux, parfois pas : - Article 423 du CIR. - Dans le code T.V.A. - Mais, on ne le trouvera pas dans le Code de successions.

C. Comment le trésor public va-t-il être informé ? Comment est ce que le fisc va-t-il faire valoir ses droits en cas de procédure de liquidation ? Le législateur met sur pied un système d’information sur le trésor. Comment est-il informé de ce que les biens d’une partie sont mis en liquidation, de ce qu’une situation de concours apparaît et de ce que la masse des biens du débiteur est mise en vente publique ? Les articles 442 et 433 du code d’impôt sur les revenus nous répondent : il y a un système d’information du trésor.

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L’article 433 nous parle des ventes immobilières, c’est le notaire chargé de mettre en vente un bien qui va devoir informer le fisc de ce que le bien est mis en vente. L’obligation d’information repose sur les épaules du notaire. En matière mobilière, c’est l’article 442 qui règle la question : il met sur les épaules de l’huissier une obligation d’information ; si l’huissier ne procède pas à cette information du fisc, il est alors personnellement responsable des conséquences négatives que subit le trésor public. CASUS RELATIF AUX PRIVILEGES SPECIAUX SUR MEUBLES ET IMMEUBLES Une société commerciale fait faillite, elle laisse des meubles et immeubles dans son patrimoine. Un curateur est désigné par le tribunal de commerce et il procède à la liquidation de l’actif, des meubles et immeubles qui se trouvent dans l’actif de la personne qui a fait faillite. Ce curateur obtient un montant de 10.000 suite à la réalisation des biens trouvés dans le patrimoine. Les 10.000 proviennent en réalité de 7000 pour la vente des immeubles, et de 3000 pour la vente des meubles. Comme classiquement requis en matière de faillite, les créanciers du faillit qui ont une créance àfaire valoir peuvent déclarer leur créance (article 32 loi sur les faillites) : L’article 62 de la loi sur les faillites dit que les créanciers qui ont des droits à faire valoir doivent se manifester en faisant une déclaration de créance. 6 créanciers se manifestent : Six créanciers font une déclaration de créance, et dans ces 6 créanciers, on trouve :

-­‐ Une banque qui réclame 6000 au titre du remboursement d’un prêt, garanti par une hypothèque prise sur l’immeuble qui vient d’être vendu.

-­‐ La 2ème personne qui se présente est un employé de la société qui vient de faire faillite, qui réclame un montant de 1000 pour des arriérés de rémunération.

-­‐ Un graphiste qui réclame 300 pour ses dernières prestations (réalisation d’un dépliant publicitaire).

-­‐ l’administration de la TVA (500), -­‐ contributions directes (2000) -­‐ l’ONSS (1500).

On ne peut satisfaire tout le monde, on doit donc régler les conflits qui peuvent survenir entre toutes ces personnes car l’actif est insuffisant. Il va donc falloir se poser la question suivante : est-ce que les créanciers qui se sont pressés au portillon bénéficient d’une sûreté ? Si oui, laquelle ? Quelle est la créance de ces personnes ? Et quelle est l’assiette de leur sûreté éventuelle ? Comment répartir ?

-­‐ La banque bénéficie d’une sûreté, une hypothèque, dont l’assiette est l’immeuble et le montant de la créance de la banque est de 6000.

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Attention, quand on parle de la créance, on parle de la créance impayée. Peut-être que le prêt hypothécaire était un prêt de 12.000 mais il reste 6000 à payer. Celui-là aura quelque chose à dire sur le produit de réalisation des immeubles, sur les 7000 qui proviennent de la réalisation des immeubles.

-­‐ L’employé bénéficie d’un privilège général sur meubles qui est organisé par l’article 19,3°bis. On étend aux immeubles une fois que les hypothécaires auront été remboursés. Le montant de sa créance est de 1000.

-­‐ Le graphiste ne bénéficie d’aucune sûreté particulière. Probablement, il sera qualifié de créancier chirographaire

-­‐ La TVA, l’ONSS et les contributions directes sont des privilégiés généraux

sur meubles et immeubles.

o Le code de la TVA dit que le privilège de cette administration fiscale est placé sur le même pied que le privilège de l’article 19,4°ter

o Les contributions directes : code d’impôt sur les revenus, ces contributions viennent après le 19,5°.

o L’ONSS est règlementé directement par l’article 19,4°ter. Maintenant on a une vue d’ensemble de tous les créanciers. Tous les autres que le créancier hypothécaire et le graphiste ont comme assiette meubles et immeubles. Comment répartir la somme de 10.000 ? Le créancier chirographaire, on le met dans le fond de notre liste, on finit par lui s’il reste quelque chose. On règle d’abord la question du créancier hypothécaire puisqu’il peut avoir des prétentions sur immeuble avant les privilégiés généraux. La banque réclame 6000, sur les 7000 on en donne 6000 à la banque. Les 1000 restants sont pour le produit de réalisation des meubles. On a encore en main 4000 à répartir. Qui participe à la réalisation de ces 4000 ? Des privilégiés généraux. On distribue en fonction de l’ordre établi par le législateur dans l’article 19. Celui qui a la place la plus favorable, c’est l’employé (19,3°bis). Il réclame 1000, il nous reste 3000. Ensuite, on en a deux sur le même pied (19,4°ter), la TVA et l’ONSS. La TVA réclame 500 et l’ONSS 1500. On leur donne. Si on n’avait pas eu assez, on aurait du faire une répartition par contribution (article 14). Il nous reste ensuite 1000, il nous reste contributions directes et graphiste. Les contributions directes ont une créance de 2000, il ne reste que 1000 en caisse. Le graphiste sera totalement impayé.

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Il faut être systématique, c'est-à-dire il faut au préalable voir si l’actif est insuffisant. Ensuite, dans un 1er temps, il faut identifier chaque sûreté (quelle est la sûreté, quelle est la créance, et quelle est l’assiette grevée par son privilège).

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CHAPITRE 5 : LES PRIVILEGES SPECIAUX SUR MEUBLES Ce sont des privilèges dont l’assiette est constituée exclusivement d’un ou de quelques meubles. Section 1 : Introduction  §1. Remarques générales

A. Pour la plupart, ces privilèges sont instaurés par l’article 20 de la loi hypothécaire, et il y en a aussi qui sont instaurés par le législateur dans d’autres lois que la loi hypothécaire. C’est le cas, par exemple, pour le privilège de l’assureur. Il est de nature différente selon l’objet assuré : si l’objet assuré est un bien meuble, le privilège sera un privilège spécial sur meuble puisque l’assiette est constituée par le meuble assuré. Si on prend la loi relative à la surveillance du secteur financier (2 août 2002), les intermédiaires qui gèrent des fonds d’autrui bénéficient d’un privilège pour le paiement de leur créance, ce privilège a pour assiette les biens gardés, gérés par l’intermédiaire. On voit que dans des lois particulières, le législateur instaure des privilèges particuliers.

B. Des conflits peuvent survenir entre créanciers privilégiés ;

o soit entre généraux et spéciaux (puisque les privilégiés généraux voient tous leurs meubles constituer l’assiette de leur créance) ;

o soit entre plusieurs créanciers privilégiés spéciaux s’ils ont une sûreté sur le même bien.

Comment régler ces conflits ? Le législateur en a réglé certains :

-­‐ Les privilégiés spéciaux priment les privilèges généraux (art. 26 LH). -­‐ Le privilège est institué dans une loi particulière : aller voir dans la loi

si le législateur n’a pas régler la question. -­‐ Art. 13 LH : c’est un article qui indique comment aborder les conflits.

On retrouve le critère abstrait de la qualité du privilège. Il y aura une balance d’intérêts pour donner préférence à l’un ou l’autre créancier.

On ne doit pas confondre le système de l’article 19 et de l’article 20 : l’ordre d’apparition dans l’article 20 n’est pas un critère de classement ou de règlement des conflits. Le législateur nous a quand même aidés puisqu’il règle lui-même les conflits les plus fréquents aux articles 21 et suivants. En cas de conflit, ce n’est pas dans l’article 20

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que se trouvera la réponse au conflit qui oppose deux parties, il faut, dans un 1er réflexe, aller voir si par hasard le législateur n’aurait pas réglé le conflit. Le 2ème réflexe, si le privilège est institué par une loi particulière, il faut aller voir dans la loi particulière si le législateur n’a pas lui-même réglé ce conflit dans la loi. C’est le cas pour la loi de 2002 pour le secteur financier, le privilège de l’intermédiaire financier est un privilège de même rang que celui du créancier gagiste. Si avec tout ça, ça ne va toujours pas, on retombe alors sur des règles plus générales et notamment sur l’article 13 de la loi hypothécaire. Cet article c’est un article que l’on a déjà examiné, c’est un article qui nous indique de manière générale comment aborder les conflits. L’article 13 dit qu’entre les créanciers privilégiés, la préférence se règle par les différentes qualités des privilèges. C’est donc le critère de l’intérêt porté par le législateur à la créance, il y a une balance d’intérêts pour se dire à qui on donne priorité. §2. Classification On peut ranger ces différents privilèges spéciaux, ceux qui sont instaurés par l’article 20, en trois catégories.

-­‐ Les privilèges justifiés par une idée de gage. Premièrement, le législateur a voulu privilégier la créance de créanciers qui, d’une manière ou d’une autre, peuvent être assimilés à des créanciers gagistes.

-­‐ Les privilèges justifiés par une plus value.

Ces privilèges confèrent au patrimoine du débiteur une plus value.

-­‐ Les privilèges justifiés ni par une idée de gage, ni par une idée de plus value.

Catégorie résiduaire Section 1. Les privilèges sur meubles justifiés par une idée de gage §1. Observations préliminaires Dans l’article 20,3°, on trouve le créancier gagiste. Il est à 1ère vue étonnant de trouver dans cet article 20 le créancier gagiste tout simplement parce que le gage n’est pas un privilège au sens technique du terme. Ce n’est pas une sûreté conférée par le législateur, c’est une sûreté conventionnelle. En réalité, la présence du créancier gagiste s’explique pour la raison suivante : en soi, le gage ne créé pas de droit de préférence ou de taux préférentiel pour le produit de réalisation. L’effet 1er, c’est de créer un droit de rétention sur la chose, et de permettre au créancier de garder la chose tant que la créance qui a justifié la constitution du gage n’a pas fait l’objet d’un paiement.

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Ce qu’a fait le législateur, et c’est la raison pour laquelle on trouve le créancier gagiste dans cette liste, il a doublé ce droit de rétention, il a conféré au créancier gagiste un droit à être payé par préférence sur le produit de réalisation du bien. Le législateur ayant conféré un droit de préférence au créancier gagiste, la situation de ce créancier, au moment de la répartition du produit de réalisation, sera comparable à la situation d’un créancier bénéficiant d’une sûreté. Le législateur a accordé un droit au créancier gagiste d’être payé par préférence sur le produit de réalisation. On assimile alors le créancier gagiste à un créancier bénéficiant d’un privilège. Puisque le créancier gagiste s’est trouvé incorporé dans la liste de l’article 20, on comprend alors que, au vu de l’article 9 de la loi hypothécaire, le gage est assimilé pour des raisons techniques aux privilégiés spéciaux. Voilà pourquoi à l’article 9, on englobe les gages dans les privilèges. On parle de privilèges qui sont sous tendus par une idée de gage. En réalité, tous les privilèges que l’on va examiner dans cette catégorie sont justifiés par une idée de gage car, de manière directe ou à tout le moins indirecte, dans les hypothèses que l’on va voir, chaque fois, le créancier aura d’une manière ou d’une autre la mainmise sur l’assiette du privilège, il aura la possession du privilège. Il y a donc une possession par le gagiste ou par le créancier privilégié des biens qui sont précisément l’assiette de la sûreté. Cette possession directe ou indirecte a pour conséquence que ce créancier va bénéficier de la protection possessoire et cette idée de gage a pour conséquence que le créancier bénéficie de la protection possessoire mais surtout aussi qu’une fois qu’il perd la maîtrise de la chose, il perd en réalité l’assiette de son privilège (et un privilège sans assiette ne sert à rien du tout). C’est parce qu’il y a une idée de possession que le législateur accorde une protection possessoire et qu’une fois qu’il y a perte de possession, il y a disparation de l’assiette de la sûreté. On a 4 privilèges :

-­‐ Du bailleur -­‐ Du transporteur -­‐ Les autres, on ne les voit pas (hôtelier et commissionnaire).

§2. Le privilège du bailleur

1. Notion

Le législateur vient à l’aide du bailleur et réduit d’une manière ou d’une autre les conséquences que peut subir le bailleur du fait que le locataire ne paie pas ses loyers. On est bien dans une relation locative entre locataire et bailleur, et c’est la créance dont est titulaire le bailleur qui est privilégiée. Le texte de base en la matière est l’article 20,1°, qui organise au bénéfice du bailleur une sûreté particulière.

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Quelles sont les créances garanties ? L’article 20 fait une distinction entre deux catégories de baux (et on n’en examine qu’une seule) : un régime pour les baux à ferme et un régime spécifique aux autres types de baux. Lorsque ce bail est un bail autre qu’un bail à ferme, quelle est la créance qui fait l’objet d’une garantie ? C’est évidemment une créance qui découle du contrat de bail, elle peut être composée de trois éléments.

2. Les trois composantes

A. 1ère composante : on y trouve les loyers échus et les loyers de l’année en cours.

Lorsque l’on parle des années, on parle des années locatives, c'est-à-dire du point de départ de la date anniversaire du bail jusqu’un an après (veille de l’anniversaire de l’entrée en vigueur du bail). Lorsque le législateur vise les locations, on parle bien de locations immobilières. Il s’agit bien des locations immobilières.

B. 2ème composante : les loyers à échoir En tout cas, les loyers de l’année en cours et le cas échéant aussi ceux d’années ultérieures mais seulement quand le bail a date certaine. En réalité, il faut avoir une idée complète de la manière dont fonctionne le droit des faillites pour se rendre compte que cette partie de l’article 21 ne s’applique pratiquement plus. Sans doute avait-elle un sens de 1851 mais il faut savoir qu’une règlementation sur les faillites a été adoptée depuis lors, il faut en réalité mettre cet article au regard de la législation sur les faillites. Dans la loi sur les faillites, il y a un article 46 qui vise le sort des contrats en cours. Lorsqu’un contrat est en cours, et l’article 46 ne vise pas seulement le contrat de bail, au moment où survient la faillite, que faire ? Les contrats prennent-ils fin du fait de la faillite ? Ou bien poursuivent-ils dans le temps ? Que dit l’article 46 ? Il dit deux situations :

-­‐ Premièrement, le contrat en cours prévoit explicitement qu’il sera résolu au jour de la survenance d’une situation de concours.

Dans ce cas, le contrat prend fin si les parties en ont convenu ainsi. Si le contrat prend fin, il n’y a plus de loyer à échoir. S’il n’y a pas de clause particulière, resubdivision. Si le contrat est un contrat intuitu persone, il prend fin au jour de la survenance de la faillite puisque le faillit ne pourra plus l’exécuter, mais en général, un contrat de bail n’est pas intuitu persone.

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-­‐ La 2ème branche de la 2ème hypothèse c’est une situation où le curateur doit

prendre position, il examine la situation et se demande s’il maintient le contrat ou y met fin.

Si le curateur a besoin de maintenir une certaine activité dans les locaux, il voudra peut-être maintenir le contrat de bail en cours. Soit il veut encore terminer une activité minimale dans les lieux loués ; il peut aussi se dire qu’il vaut mieux laisser tourner le fonds de commerce et il veut trouver un repreneur pour reprendre l’activité. Si le curateur décide de maintenir l’activité, que dit l’article 46 ? Le législateur dit que dans ce cas, les loyers qui viennent à échéance seront qualifiés de dette de la masse. Les dettes de la masse, ce sont en réalité des dettes qui sont contractées par le curateur en vue de l’administration de la faillite, soit le curateur contracte lui-même des dettes, soit il accepte la poursuite du contrat et donc la naissance de nouvelles échéances. Ces dettes en question, liées à l’administration de la faillite, sont qualifiées de dettes de la masse. Ces dettes là elles sont en réalité payées par préférence à toutes les autres dettes du faillit, même si elles n’ont pas de privilège à proprement parler qui leur sont accrochés. L’article 99 de la loi sur les faillites dit bien que les dettes de la masse (le législateur parle des frais et dépends faits pour l’administration de la faillite) sont payées par priorité, elles sont même payées avant le paiement des créanciers bénéficiant d’une sûreté car elles servent à la liquidation de la masse en question. Compte tenu de l’existence de l’article 46, il est devenu rare de devoir appliquer la 2ème composante visée dans l’article 20,1°. On trouve encore dans les composantes de l’article 20 éventuellement des loyers à échoir car le bail serait poursuivi, mais sans intérêt pour la liquidation, donc les dettes ne seraient pas des dettes de la masse.

C. Troisième composante : ce sont tous les autres montants dus par le

locataire Dégradation de l’immeuble,…

3. L’assiette du privilège Les baux autres que les baux à ferme Les loyers des immeubles sont privilégiés sur le prix de tout ce qui garnit la maison louée. C’est donc l’assiette. Des biens vont garnir l’immeuble car on trouve dans le Code civil, à l’article 1752, une obligation pour le locataire de garnir les lieux loués.

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L’harmonie entre les deux textes existe : -­‐ le Code civil prévoit une obligation de garnir -­‐ la loi hypothécaire prévoit que l’assiette est composée de tout ce qui garnit

l’immeuble. C’est donc tout ce qui permet à l’occupant d’utiliser cet immeuble et d’avoir la jouissance de cet immeuble. Tout ce qui entre dans l’immeuble ne constitue pas nécessairement l’assiette. Si on fait entrer de l’argent liquide ou des bijoux dans un immeuble, ils ne viennent pas garnir l’immeuble. Mais un buffet garnit l’immeuble. Il y a des discussions sans fin à ce sujet, il faut trouver un juste équilibre entre ce qui garnit et ne garnit pas, que fait-on de la voiture qui se trouve dans le garage ? Il faut un lien entre le meuble qui se trouve dans l’immeuble et l’immeuble en question càd qu’il faut un lien avec la destination de l’immeuble. Des meubles se trouvent placés dans des immeubles mais n’ont rien à voir avec la destination. C’est ainsi qu’on exclut généralement de l’assiette du bailleur, l’argent liquide, les bijoux, etc. qui se trouveraient dans l’immeuble. L’assiette comprend tout ce qui garnit, y compris les biens qui n’appartiendraient pas au locataire mais qui se trouvent dans les lieux loués. Le bailleur pourra donc avoir des prétentions sur les biens en question. Cette idée se comprend par la notion de possession : la manière dont on analyse les choses est la suivante : on considère que le bailleur a une sorte de possession des biens qui garnissent l’immeuble par l’intermédiaire de l’immeuble dont il est propriétaire. Vu qu’il est propriétaire de l’immeuble, il possède de manière indirecte les biens meubles du débiteur du locataire. Lorsque des tiers laissent des biens meubles chez un locataire, ces tiers courent le risque de voir les biens saisis par le bailleur et être mis en vente avec réalisation du produit au bénéfice du bailleur. Pour venir tout de même adoucir les effets de cette règle qui peut sembler rude, on ajoute que la protection possessoire dont bénéficie le bailleur, qui lui permet d’étendre son assiette, on n’applique cette règle que si le bailleur est un bailleur de bonne foi. C'est-à-dire que pour qu’il puisse étendre sa saisie aux biens des tiers, il faut que le bailleur ait ignoré que les biens entrés chez son locataire appartenaient à un tiers. Si le bailleur sait que les biens appartiennent à un tiers, il ne pourra voir son assiette étendue. Le bailleur a la qualité de gagiste en tout cas s’il est de bonne foi càd qu’il ait ignoré que les biens appartenaient à des tiers. Il faut qu’il ait cru que ces biens appartiennent au locataire. A quel moment doit-il être de bonne foi ? La Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 décembre 2003, nous dit que la BF doit être appréciée au moment où les biens sont introduits dans l’immeuble. Si un tiers veut être certain que le bien qu’il laisse chez le locataire ne fera pas l’objet d’une saisie ultérieure, il faut que ce tiers informe le bailleur au moment où le bien entre dans l’immeuble de ce que le bien qui entre dans l’immeuble est un bien qui

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n’appartient pas au locataire. C’est une pratique d’information que maîtrisent bien les sociétés de leasing qui, pendant le temps de l’opération de leasing, restent propriétaires du bien. Elles savent pertinemment qu’elles ont intérêt à informer les bailleurs de ce que le bien est donné en leasing et n’appartient pas au locataire. Elles informent de manière classique les bailleurs. Il ne faut pas nécessairement un avertissement exprès, la mauvaise foi du bailleur peut être retenue dans d’autres situations que celles d’information expresse. On la retient notamment quand on se trouve dans une situation où il est évident que les biens qui se trouvent dans l’immeuble n’appartiennent pas au locataire. Exemple : si le locataire est un cordonnier, il est manifeste que le tas de chaussures ne lui appartient pas mais appartient à ses clients. Il y a une autre situation dans laquelle on peut parler de mauvaise foi du bailleur et exclure de son assiette les biens du tiers : lorsqu’il va de soi que les bien que l’on trouve dans les lieux loués ne peuvent appartenir au locataire. Par exemple, on se trouve chez un commerçant qui a pour pratique de réparer les biens de son client. Manifestement, les objets qui se trouvent là se trouvent là pour réparation, il est évident que le stock appartient à des tiers. Sous cette réserve de la mauvaise foi, tous les biens qui garnissent l’immeuble peuvent être saisis. La règle (possession des biens des tiers) est acquise mais sa mise en œuvre peut être passée au crible du critère de l’abus de droit. Compte tenu du l’abus de droit, de la fonction modératrice de la bonne foi, on considère en principe que si le bailleur a un vaste choix de biens à saisir éventuellement, il devra par priorité peut-être saisir des biens qui appartiennent effectivement au locataire plutôt que de saisir les biens du tiers. Sous location Attention, les règles sont les mêmes dans l’hypothèse d’une sous location. La bonne foi du bailleur se trouve présumée, s’il sait que les biens n’appartiennent pas au locataire mais au sous locataire il y a une restriction à la règle. L’article 1753 du Code civil nous dit que le sous-locataire n’est tenu envers le propriétaire que jusqu’à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au moment de sa saisie. Donc, si le sous locataire n’est plus redevable de rien du tout, il ne verra pas ses biens mis en vente. Une petite nuance toutefois est prévue à l’article 1461 du code judiciaire : lorsqu’une saisie est faite par le bailleur sur tous les biens qui garnissent l’immeuble pris en location et que dans cette masse il y a des biens appartenant à un sous locataire, l’article nous dit que le sous locataire peut obtenir la main levée de la saisie. Le tiers (c'est-à-dire le sous locataire) obtiendra la main levée s’il justifie que lui n’a pas d’arriéré de loyer.

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Par contre si le sous-locataire est redevable de certaines sommes envers son propre bailleur, l’article 1753 du Code judiciaire prévoit que ses biens pourront être saisis et mis en vente à concurrence de ce qu’il doit à son propre bailleur. CCL : on voit que l’assiette comprend les meubles qui garnissent l’immeuble. On peut dire qu’il y a possession indirecte via le truchement de l’immeuble puisque les meubles le garnissent. Que se passe-t-il si les meubles sortent de l’immeuble, en cas de déplacement des meubles ? Le déplacement est préjudiciable pour le bailleur, car l’assiette du privilège se restreint. Le fait que l’assiette soit fluctuante ne pose aucun problème, mais le dégarnissement anormal n’est pas autorisé. Quels sont les moyens d’action dont bénéficie le bailleur qui se trouverait confronté à une situation de cette nature ?

-­‐ Premièrement, c’est le principe de la subrogation réelle

Si le bien sortant est remplacé par un bien entrant, report des droits du bailleur sur le bien entrant pour autant que ce bien entrant soit un bien identifiable. Il faut encore que le bien de remplacement doit être identifiable. Si le bien sortant a été vendu et que la composante rentrant est une créance de prix, la subrogation n’est valable qu’au moment où on a une créance, pas au moment où le prix est versé.

-­‐ Ensuite, on a une règle préventive qui peut être utilisée à titre conservatoire : saisie gagerie

Quand le bailleur a des craintes que le locataire ne dégarnisse les lieux loués, il peut recourir à la saisie gagerie. L’article 1461 instaure les règles propres à la saiserie gagerie qui s’appliquent aux propriétaires d’immeubles donnés en location. Le bailleur peut faire saisir les biens du locataire. La saisie gagerie est une saisie conservatoire, elle maintient les biens dans le patrimoine du débiteur, les biens ne sont pas mis en vente publique. Elle a pour conséquence que le locataire ne peut plus se défaire des biens en question, et s’il devait s’en défaire, le locataire serait passible de sanctions pénales. Il faut que les craintes du bailleur soient confirmées car il existe des loyers échus, des arriérés de loyer. C’est dans cette mesure que la saisie est opérée. Cette saisie présente un avantage par rapport à la saisie conservatoire classique : elle ne requiert pas de permission du juge. L’inconvénient, c’est que l’article 1461 dit que la saisie sera pratiquée un jour après qu’un commandement ait été signifié au locataire. En conséquence, les créanciers préfèrent utiliser la saisie conservatoire classique de l’article 1413 : il faut une autorisation du juge mais on ne doit pas prévenir le débiteur, on conserve l’effet de surprise.

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Que se passe-t-il si les biens ont été déplacés ? Le bailleur peut-il faire quelque chose une fois que les biens sont sortis de l’immeuble ? Le législateur a prévu à l’article 20 de la loi hypothécaire une mesure particulière : le propriétaire (le bailleur) peut saisir les meubles qui garnissent la maison lorsqu’ils ont été déplacés sans son consentement et il conservera sur eux son privilège, pourvu qu’il en ait fait la revendication. Le législateur met sur pieds un droit pour le bailleur de faire saisir les biens sortis sans son consentement, lorsque l’opération est anormale. Ainsi, il récupèrera l’assiette de son gage. Les règles fixées par le législateur sont assez strictes pour récupérer ces biens. Le créancier doit agir rapidement. Le bailleur doit aussi établir que le déplacement met sa situation en péril. La saisie revendication, si elle est opérée rapidement et qu’il y a une mise en péril des droits, permet au bailleur de récupérer les biens en question dans les mains des tiers. Le tiers pourrait-il se cacher derrière 2279 pour être à l’abri ? L’article 20 de la loi hypothécaire créé au bénéfice du bailleur un véritable droit de suite qui est particulièrement intéressant pour lui parce que, quoique lui réponde le tiers, le bailleur pourra effectivement récupérer la chose qui faisait partie de l’assiette de son privilège. On a donc ici un titulaire d’un privilège qui va pouvoir exercer un contrôle sur les biens qui composent l’assiette de son privilège. Le droit de contrôle est opposable à tous car le droit du bailleur est qualifié de véritable droit de suite. Les droits de suite sont rares en matière mobilière, voilà un bel exemple d’exception à cette règle puisque l’on se trouve vraiment avec une protection particulière du bailleur qui peut, par la saisie revendication (forme de saisie mobilière conservatoire), disposer d’un vrai droit de suite. CONFLITS :

1. Le bailleur et le créancier gagiste sur fonds de commerce :

Le créancier gagiste est titulaire d’une sûreté conventionnelle, le bailleur a une sûreté légale. Comment régler le conflit entre sûreté conventionnelle et légale ? Le législateur n’a pas réglé ce genre de conflits. C’est un conflit fréquent donc la Cour de cassation a eu à connaître d’une affaire opposant un créancier gagiste sur fonds de commerce et un bailleur et elle a du trancher le conflit qui lui était soumis. L’arrêt de principe est l’arrêt du 11 juin 1982. La Cour de cassation est partie de l’idée que le privilège du bailleur était un privilège justifié par une idée de gage. Elle s’en est sortie comme ça : elle a dit que puisque le privilège est justifié par une idée de gage et que l’autre créancier avec qui je suis en conflit, je fais comme si j’avais un conflit entre deux gagistes. On regarde donc la date de constitution voire d’opposabilité au tiers des deux sûretés. Pour le gage sur fonds de commerce, on prend la date d’opposabilité au tiers, c'est-à-dire la date d’inscription (cfr loi de 1919) ; et le privilège du bailleur naît au moment où l’assiette se constitue, c'est-à-dire au moment entrent dans les lieux loués.

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On a donc deux dates qui peuvent être comparées. On donnera préférence à celui des deux qui aura la date antérieure. §3. Le privilège du transporteur L’article 20,7° LH accroche un privilège aux frais de voiture et aux dépenses accessoires sur la chose voiturée. On est en 1851, mais aujourd'hui on parlerait volontiers du transporteur. Cette disposition reconnaît un privilège au voiturier. Quelle est la créance garantie ? Tout ce qui est du au transporteur du fait du contrat de transport. On parle bien du transport, c’est bien l’objet compris ici. L’assiette du privilège c’est la chose transportée. On retrouve cette idée de gage, cette idée que le gage est lié au fait qu’il y ait une maîtrise de la chose et une possession de la chose par le créancier et que l’assiette du gage disparaît quand il n’y a plus cette maîtrise car l’article 20,7° dit que l’assiette n’existe que pendant qu’il y a une mainmise du voiturier sur la chose. Il y a juste un délai complémentaire accordé, de 24h. La situation n’est donc pas florissante : le voiturier voit rapidement son privilège devenu inefficace car l’assiette part. Mais le principe de la connexité permet d’exercer un droit de rétention sur la chose ; dans notre cas il y a un lien entre la chose et le transport. §4 et §5 (hôtelier et commissionnaire, on ne voit pas). 19/11/10 Section 3 : Les privilèges justifiés par une idée de plus value À partir du moment où un créancier enrichit le patrimoine du débiteur, il est normal que ce créancier soit payé par priorité puisqu’il a contribué à enrichir le patrimoine commun et donc le gage commun de tous les autres créanciers.

§1. Le vendeur Le texte de base est l’article 20,5° de la loi hypothécaire. la créance garantie est la Créance du prix du vendeur avec ses accessoires (la TVA par exemple). Ne fait pas partie de la créance privilégiée les sanctions qui frappent l’acheteur qui aurait eu un comportement fautif, telles que les clauses pénales ou les intérêts sanctionnant un comportement fautif. Ces intérêts et clauses pénales ne font pas partie de la créance garantie.

A. L’assiette Elle est constituée du bien vendu et qui a enrichi par voie de conséquence le patrimoine du débiteur. L’article 20,5° est dans une partie de la loi hypothécaire qui traite des privilèges sur meubles, c'est-à-dire qu’on ne parle que du meuble vendu qui se trouvera être l’assiette du privilège.

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B. Situations particulières à propos du meuble 1. Le bien sort du patrimoine de l’acheteur  

 On pourrait se demander ce qu’il advient du privilège lorsque le bien meuble est revendu par l’acheteur alors que la créance de prix d’origine est toujours impayée. On a un acheteur qui a acheté la chose, il en est propriétaire et la revend avant que la créance ne soit payée. Le principe est que le privilège perd toute assiette, l’assiette disparaît et un privilège sans assiette n’a pas grand intérêt. Une fois que le bien sort du patrimoine de l’acheteur, c’en est terminé de la situation préférentielle du vendeur. A cet égard, le libellé utilisé par le législateur à l’article 20,5° est ambigu : « si les effets sont encore en la possession du débiteur », il aurait été plus correct de dire : « si les biens sont encore la propriété de l’acheteur ». Lorsque l’acheteur a revendu la chose mais ne s’en est pas encore défait matériellement, il n’en est plus propriétaire mais on a toujours la maîtrise matérielle car la livraison n’a pas eu lieu. Dans ce cas là, il y a perte également de l’assiette du privilège. L’on vise ici une vraie titularité de propriété. Si le bien sort du patrimoine, la situation du vendeur est dégradée puisqu’il perd toute sûreté. Le seul cas de figure qui lui permettrait de maintenir son privilège, c’est la subrogation. Quand on parle ici de bien, on pense essentiellement à la créance de prix que le tiers acquéreur n’aurait pas payée. Le vendeur fera valoir son privilège qui aura pour assiette non pas le bien mais la créance de prix si le prix n’a toujours pas été payé. Une fois que le prix a été payé et que l’argent se mêle dans le patrimoine de l’acheteur, il ne peut le récupérer.

2. Le bien est transformé Ensuite, que se passe-t-il si le bien se trouve transformé dans le patrimoine du débiteur ? On applique la même règle qu’en cas de revente du bien. Puisque l’assiette n’est plus clairement identifiable, le privilège perd toute assiette et le vendeur se trouve dans une situation où il ne peut plus faire valoir aucune prétention particulière. / ! Le parallélisme entre le 1 et le 2 n’est peut-être pas opportun : dans le 2ème cas si le bien est seulement transformé mais se trouve toujours dans le patrimoine mais dans un état différent, on peut dire qu’une plus value a été apportée au patrimoine. Mais on perd le privilège car les biens sont transformés et sont intégrés dans la masse des autres biens du débiteur.

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3. Le bien est immobilisé

-­‐ Principe

Que se passe-t-il quand le meuble devient immobilisé ? L’assiette aura-t-elle encore une consistance ? Que dit l’article 20,5° alinéa 3 ? Le privilège cesse d’avoir effet si les objets mobiliers sont devenus immeubles par destination ou incorporation. Une fois qu’il y a immobilisation, il y a perte pure et simple du privilège. Le privilège n’a plus d’assiette (on ne peut pas dire qu’il n’existe plus). La perte s’explique car le privilège de 20,5° est mobilier.

-­‐ Exception Le législateur réserve lui-même une exception à ce principe selon lequel le privilège cesse en cas d’immobilisation (machine, appareil, outillage,…). Lorsque l’immobilisation concerne des machines, appareils, outillage, le privilège ne disparaît pas malgré l’immobilisation. La valeur de l’immeuble continuera à être prise en considération quand il s’agira de faire valoir par préférence les droits du créancier. Il y a donc maintien du privilège et c’est ce qu’on appelle le privilège industriel : privilège dont bénéficie le créancier dont le débiteur a immobilisé le meuble. Condition supplémentaire encore : dans le cas du privilège industriel, le privilège sera maintenu pendant 5 ans (durée limitée dans le temps) et il n’a d’effet que pour autant que 15 jours après la livraison du meuble impayé, une copie certifiée conforme soit déposée au greffe du tribunal de commerce. En clair, il faut que le vendeur du meuble devenu immeuble par destination ait veillé à déposer une copie de la facture impayée au greffe du tribunal de commerce, dans un délai fixé par le législateur (15 jours à compter de la livraison du fameux matériel). Ce privilège est un privilège bien connu des fournisseurs de matériels d’équipement professionnel. Les dépôts sont fréquents.

C. Autres garanties du vendeur impayé :

On devrait pouvoir s’en tenir là mais l’article 20,5° étoffe les garanties qui reviennent au vendeur. Cette disposition ne se contente pas d’instaurer un privilège au bénéfice du vendeur, il reconnaît d’autres garanties aux vendeurs impayés. On connait déjà certains instruments. Ces trois actions sont d’autres garanties que le privilège qui viennent améliorer la situation du créancier.

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1. L’action en revendication Cette action est instituée par l’article 20,5°. Le législateur dit clairement que si la vente a été faite sans terme, le vendeur peut même revendiquer les objets vendus tant qu’ils sont en la possession de l’acheteur et en empêcher la revente. Lorsqu’une vente a été faite sans terme et que l’acheteur n’a pas payé tout de suite, le vendeur pourra revendiquer le bien.

-­‐ Le terme « revendiquer » est sans doute malheureux. Le vendeur ne peut se dire être propriétaire de la chose. le vendeur n’est plus propriétaire de la chose, quand il dit qu’il revendique la chose, il ne veut pas récupérer la propriété, il veut juste avoir la reprise matérielle de la chose pour exercer sur celle-ci un droit de rétention (moyen de pression qui amène le débiteur, s’il veut récupérer la chose, à payer le prix). Le terme « revendication » est un terme qui doit être pris avec des pincettes.

-­‐ Cette disposition paraît intéressante puisque le vendeur qui n’est pas payé peut récupérer sa chose et dispose d’un moyen de pression.

En réalité, quand on lit l’article jusqu’au bout, on voit qu’il y a des conditions pour l’exercice de cette action, qui sont sévères. L’action en revendication n’est donc pas souvent mise en œuvre. Quelles sont ces conditions ?

(a) On ne parle que des ventes faites sans terme. C’est déjà une restriction.

(b) Il faut que la revendication soit faite dans les 8 jours de la livraison. Autrement dit, la réaction du vendeur doit être une réaction particulièrement prompte, rapide et imminente après la livraison.

(c) Les biens doivent se retrouver dans le même état que l’état dans

lequel ils ont été livrés. Si les biens sont rapidement transformés ou sortent du patrimoine de l’acheteur, on n’est plus dans les conditions de l’alinéa 7, l’action en revendication disparaît.

On peut dire en réalité que cette action est peu utilisée, au vu des conditions strictes.

2. L’action en résolution Quand on parle de résolution en droit belge, on peut se dire qu’il y a au moins trois catégories de résolution que l’on peut aborder successivement :

-­‐ résolution amiable, -­‐ résolution en vertu d’une clause particulière, -­‐ résolution judiciaire

La résolution, c’est l’anéantissement du contrat en raison d’une faute.

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C’est donc une sanction prononcée car il y a en un manquement dans le respect de l’exécution de ses obligations par l’une des parties. Quand le créancier sent que le débiteur est au bord de la faillite, on comprend que l’idée de la résolution frôle l’esprit du créancier. Que penser, en cas de situation de concours, de ces trois hypothèses de résolution ? En principe, la résolution n’est plus possible une fois survenue la situation de concours. Le principe d’égalité des créanciers s’oppose à ce que la résolution puisse être invoquée après la survenance d’une situation de concours. Quatre précisions peuvent être faites :

-­‐ On admet qu’il suffit que l’action en résolution ait été intentée avant la survenance de la situation de concours pour que la résolution puisse être prononcée par le tribunal et produire ses effets.

Si le créancier a introduit l’action en résolution avant la survenance d’une situation de concours, mais que le jugement est prononcé après, ce jugement pourra produire ses effets. Parce que l’action a ét introduite avant, on admet que l’action puisse produire ses effets jusqu’au bout. Si c’est une clause résolutoire express qui est mise en œuvre, il suffit que le créancier ait invoqué la clause avant la situation de concours pour que cette clause puisse produire ses effets. Il faut que le créancier ait manifesté sa volonté de manière certaine de faire jouer la clause pour que celle-ci puisse produire ses effets.

-­‐ Le législateur a prévu la remise en cause possible de toute une série d’événements qui sont survenus pendant la période suspecte

La période suspecte, c’est la période qui précède la date de la déclaration de faillite. L’article 17 de la loi sur les faillites dit que sont inopposables à la masse des créanciers les paiements faits selon des modes anormaux en période suspecte. C’est à ce moment que l’on a vu que la compensation conventionnelle pendant une période suspecte est visée par l’article 17,2°. Que faut-il penser d’une résolution amiable en période suspecte ? La résolution est une sanction prononcée pour violation d’une obligation, la résolution n’est donc pas un mode de paiement, c’est un mode d’extinction des contrats et obligations. Ca ne devrait donc pas tomber dans l’article 17,2°. La Cour de cassation partage cette vision : ARRET DU 14 JANVIER 1982 : la résolution conventionnelle d’une vente en période suspecte n’est en principe pas visée par l’article 17 de la loi sur les faillites. Mais dans les circonstances de l’espèce, un juge pourrait considérer que les parties ont en réalité voulu, d’une manière ou d’une autre, avantager le vendeur en utilisant l’instrument résolution. Il n’y a sans doute pas de raison d’invoquer la clause résolutoire express, mais ils conviennent d’une résolution pour avantager la situation du créancier.

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Dans ce cas, l’opération pourrait être sanctionnée comme constituant un mode anormal de paiement.

-­‐ La résolution ne peut plus intervenir une fois survenue la situation de concours.

On admet toutefois que malgré la situation de concours, la situation est encore possible dans l’hypothèse où le vendeur est encore en possession du bien. Le vendeur est encore en possession du bien, l’acheteur ne paie pas le prix, la résolution est prononcée après la survenance du concours. Cette résolution est admise dans cette hypothèse. Comment admettre que, dans le cas de figure où le vendeur reste en possession du bien, la résolution soit admise ? Ce qu’il se passe dans l’article 20,5°, c’est qu’on ne peut porter atteinte aux droits de ceux qui ont pu compter sur l’apparente solvabilité de l’acquéreur car ils voyaient que celui-ci disposait d’un bien dans le patrimoine. Si le vendeur est resté en possession du bien, on peut admettre une résolution, les créanciers chirographaires ne vont pas voir leur confiance légitime trompée s’ils apprennent qu’il y a résolution de la vente d’un bien dont ils ne connaissaient pas l’existence. Il n’y a pas eu d’apparence trompeuse vis-à-vis des créanciers chirographaires.

-­‐ La dernière précision se trouve consignée par le législateur dans l’article 20,5° à l’alinéa 8.

La déchéance de l’action revendicatoire (l’action en revendication) emporte également celle de l’action en résolution. Ce que dit le législateur, c’est que la déchéance des deux actions se produit simultanément. Partant de la lecture de cet article, on se souvient de l’alinéa sur l’action en revendication (possible dans les 8 jours de la livraison). Par voie de conséquent, on admet que l’action en revendication est possible dans le délai de 8 jours à dater de la livraison.

3. La clause de réserve de propriété

-­‐ Principe Elles sont considérées comme créant de véritables garanties (article 101 de la loi sur les faillites). Bien entendu, cette clause de réserve de propriété présente un grand avantage pour le vendeur. Mais il doit invoquer la clause dans un certain délai. Cette clause ne peut jouer que si les biens se retrouvent à l’identique dans le patrimoine du débiteur, ils doivent être clairement identifiables et localisables dans le patrimoine du débiteur.

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-­‐ Si la chose vendue sous bénéfice d’une clause de réserve de propriété est revendue à un tiers, que se passe-t-il ?

Comment revendre la chose puisque le vendeur reste propriétaire de la chose ? La situation du tiers devient-elle nécessairement difficile ? S’il est de bonne foi, l’article 2279 peut faire son œuvre, le tiers acquéreur devient propriétaire de la chose grâce au jeu de 2279. Si le tiers n’est pas de bonne foi, 2279 ne joue pas et le tiers n’a pas pu devenir propriétaire puisque l’acheteur ne l’était pas. Lorsque le tiers s’est trouvé en situation d’acquérir la chose, s’il est de bonne foi le vendeur ne peut faire grand-chose pour récupérer la chose qui est dans le patrimoine du tiers. On voit donc que le vendeur a tout intérêt à pouvoir critiquer le comportement du tiers. On voit donc que les vendeurs ont peut-être intérêt à critiquer les comportements du tiers et on a vu, petit à petit, se développer une tendance en jurisprudence essayant de venir à la rescousse des vendeurs qui se trouvaient parfois privés de l’efficacité de leur clause de réserve de propriété car leur bien avait été revendu à un tiers. L’acquéreur professionnel a une véritable obligation, lorsqu’il achète certains biens (on parle surtout des voitures d’occasion) de se renseigner de la question de savoir si leur propre vendeur est bien propriétaire de la chose vendue. On a vu se développer en jurisprudence, et la Cour de cassation semble favorable à ceci (ARRET DU 28 NOVEMBRE 2002) que compte tenu de l’évolution du commerce, on fait peser sur les épaules des acquéreurs professionnels une obligation de se renseigner. On trouve souvent dans les chaines de vente de véhicules des voitures qui sont couvertes pas une clause de réserve de propriété. Le tiers est tenu d’une obligation de renseignement particulière. Si le tiers a acquis la chose au mépris d’une clause de réserve de propriété, on peut dire que le tiers se voit reproché un comportement fautif car il ne s’est pas assez renseigné auprès de son acheteur. Une fois que l’on a érigé en obligation cette obligation de renseignement, la jurisprudence a pu dire, dans un 2ème temps, que si un tiers achetait une chose sous clause de réserve de propriété, il peut être considéré comme tiers complice. À partir du moment où on sait que le tiers avait une obligation,

-­‐ soit il n’a pas respecté cette obligation, -­‐ soit il l’a acheté au mépris de la clause de réserve de propriété.

Une action fondée sur 1382 peut être intentée. 1382 oblige le tiers complice à réparer le dommage subi par le vendeur. La réparation du dommage peut prendre diverses formes, le droit belge accepte sans difficulté les réparations en nature. Ici, la meilleure des réparations en nature que l’on peut imaginer, ce serait de faire prononcer l’annulation de la vente conclue entre l’acquéreur et le tiers.

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D. Conflits 1. Bailleur-vendeur

L’assiette du privilège du bailleur est constituée par tout ce qui garnit les lieux. Comment régler ce conflit ? On a deux privilégiés spéciaux sur meubles. On s’inquiète d’abord de savoir si le législateur n’a pas lui-même réglé le conflit : on regarde les articles 21 et suivants de la loi hypothécaire. A l’article 23 alinéa 2, le législateur a réglé le conflit qui nous occupe. Le privilège du vendeur ne s’exerce qu’après celui du bailleur, le bailleur vient donc en 1ère position. Il y a donc une primauté donnée au bailleur. Il faut lire l’article jusqu’au bout (« à moins que… »). Si au moment où le bien vendu impayé entre dans le bien en location et vient gonfler l’assiette du bailleur, le vendeur avertit le bailleur de la situation, la règle de 23 alinéa 2 ab initio est inversée : le vendeur vient avant le bailleur. Le législateur dit bien que le vendeur doit avoir fait connaître au bailleur que les biens ne sont pas payés. Une information personnalisée et spécifique est requise : il faut spécifiquement que le vendeur ait informé le bailleur de la situation. La situation ne requiert donc pas un mode publicitaire large et qui couvrirait toutes les situations, il faut vraiment une information particulièrement ciblée.

2. Créancier gagiste sur fonds de commerce – vendeur   Le conflit pour survenir puisque le vendeur impayé a un privilège dont l’assiette est constituée par le bien entré dans les lieux. Ces biens vont pouvoir garnir et gonfler le fonds de commerce. Ici, nous n’avons plus un conflit entre deux créanciers privilégiés : créancier gagiste (créance conventionnelle, gage) et créancier du vendeur (privilège). Est-ce que le législateur règle ce conflit ? Le créancier gagiste est traité par le législateur avec les privilégiés spéciaux. L’article 23 alinéa 1er dit que le créancier gagiste est préféré au vendeur, à moins qu’il n’ait su, en le recevant, que le prix en était encore dû. Si le créancier gagiste apprend que le prix est toujours du au vendeur au moment où le bien entre dans l’assiette du gage, la règle est inversée. / ! Les deux « à moins que » sont rédigés de manière distincte.

-­‐ Dans l’alinéa 1er, c’est « à moins qu’il n’ait su que le prix ait été encore du »,

-­‐ Dans l’alinéa 2, on parle d’information. Le texte est interprété comme signifiant, dans l’alinéa 2, que le vendeur doit avoir informé personnellement le bailleur du non paiement du prix, alors que l’alinéa 1er ne requiert pas une information portée personnellement à la connaissance du créancier gagiste, il suffit que le créancier gagiste ait su que le prix était encore du.

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Avec cette formulation plus large, on admet que le dépôt d’une facture au tribunal de commerce vaille info. Les exigences en termes d’information du gagiste et du bailleur sont différentes. On est plus strict quand on informe le bailleur que le gagiste. §2. Le conservateur Le privilège des frais de conservation est règlementé par le législateur à l’article 20,4° de la loi hypothécaire. Quand on parle des frais de conservation, on parle ici d’une intervention d’un créancier qui, par son comportement, a permis de conserver une chose mobilière. La créance dont on parle est la créance de prix du fameux créancier qui a conservé la chose. C’est un privilège mobilier, qui ne s’applique pas aux immeubles (ni meubles par destination et incorporation). Mais dans l’article 20,5° alinéa 3, on apprend que ces privilèges subsistent pour les machines,… La notion de privilège industriel vaut pour le vendeur et le conservateur.

A. Créances garanties La difficulté, c’est de se demander ce qu’est une conservation ou ce qu’est un créancier qui intervient pour conserver un bien. La Cour de cassation s’est prononcée dans un ARRET DU 11 JUIN 1987 : elle donne une large portée à la notion de conservation. Un créancier conserve un bien lorsque par son intervention il empêche que ce bien ne périsse. D’une manière plus large, on admet aussi qu’il y ait conservation au sens de l’article 20,4° lorsqu’on engage une dépense sans laquelle la chose serait devenue impropre à son usage. On peut ranger sous la bannière des frais de conservation une série d’éléments :

-­‐ la réparation d’un véhicule, -­‐ l’entretien d’un véhicule, -­‐ la fourniture de pièces détachées. -­‐ On peut également se dire que certains biens doivent être conservés à une

certaine température, et que les frigos doivent tourner convenablement, donc on a des frais d’électricité qui permettent la conservation de biens qui se trouvent dans ces frigos.

-­‐ On peut dire qu’un vétérinaire qui soigne un animal participe à la conservation de cet animal.

-­‐ Peut-être que les honoraires d’un avocat qui intervient pour récupérer une créance pourraient être considérés comme des frais de conservation.

On voit donc qu’il y a une notion étroite (éviter que la chose ne périsse) et toutes les interventions qui sont nécessaires pour que la chose puisse être utilisée selon son usage normal. En fin de compte, l’article 20,4° est un article dont l’application pratique suscite pas mal de difficultés.

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Ne sont pas des frais d’acquisition les frais de fabrication, acquisition, transformation. Mais on peut parfois hésiter entre fabrication et fonctionnement. Les frais d’essence d’un véhicule ne sont, a priori, pas des frais de conservation mais des frais d’utilisation. Mais une machine doit tourner de temps en temps pour être bien conservée, sinon elle se dégrade et peut finir par périr. Peut-être que dans une certaine mesure, des frais de carburant peuvent être considérés comme des frais de consommation car ils permettent d’éviter que la chose ne périsse. Quand on nourrit un animal, est-ce qu’on l’empêche de disparaître ? Ou est-ce qu’on permet le fonctionnement de l’élevage ? L’assiette du privilège en tant que tel, ce sont précisément les biens conservés. Encore faut-il bien entendu que les biens conservés soient déterminés, ou à tout le moins déterminables. Encore faut-il qu’ils soient dans le patrimoine du débiteur. Si un créancier livre une huile de graissage et qu’on ne sait pas très bien à quoi cette huile a servi (arrêt du 22 février 1996). Le bien doit se trouver dans le patrimoine

B. Rang

Pour les frais de conservation, l’article 22 de la loi hypothécaire nous sauve puisque cet article nous permet de régler les conflits qui opposent les créanciers bénéficiant d’un privilège des frais de conservation. Le privilège des frais de conservation prime les privilèges antérieurs spéciaux. Un privilège antérieur, qu’est-ce ? Le législateur a voulu dire qu’on doit primer les frais faits pour la conservation de la chose en regardant quelles sont les autres créances privilégiées. S’il y a des créances privilégiées nées antérieurement aux frais de conservation, on est dans le champ d’application de l’article 22. Ce sont plutôt les créances privilégiées qui sont nées antérieurement ou postérieurement aux frais de conservation. Lorsque le conflit oppose le conservateur avec un privilège postérieur, le privilège du conservateur sera cette fois primé par le privilège postérieur. Exemple : Lorsqu’une chose est réparée, et la facture relative aux frais de réparation n’est pas payée, après que la réparation ait effectuée, et que la chose rentre dans un immeuble loué, elle fait alors partie de l’assiette du bailleur. Le privilège du conservateur est privilégié. CASUS : un commerçant livre à un autre commerçant des accessoires qui présente cette particularité d’être des accessoires légalement requis pour que puissent être utilisés certains outils dans l’entreprise. Quelqu'un se fait livrer des accessoires dont on peut dire qu’ils sont indispensables pour faire fonctionner certaines machines de l’entreprise. L’exploitant tombe en faillite, deux créanciers introduisent une déclaration de créance : celui qui a livré les accessoires vendus et un bailleur qui réclame des loyers impayés. Le bailleur a un privilège sur tout ce qui garnit les lieux loués.

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On a ensuite le fournisseur qui pourrait hésiter entre deux privilèges : -­‐ il a vendu des choses (privilège du vendeur), -­‐ mais il a vendu des outils indispensables, il a donc participé au bon

fonctionnement de ces machines (privilège du conservateur). Donc on pourrait, en ce qui concerne le fournisseur, avoir une hésitation. Si le fournisseur est, dans un cas, prioritaire par rapport au bailleur, il aurait intérêt à soulever tel privilège. Résolvons les deux conflits et l’on verra si l’on aboutit à des solutions différentes.

1) Prenons d’abord le conflit bailleur-vendeur. Quand un conflit oppose un bailleur et un vendeur, qui l’emporte ? Article 23 alinéa 2 : c’est d’abord le bailleur qui l’emporte et ensuite apparaît le vendeur, sauf s’il y a eu une information spécifique qui aurait été donnée auquel cas c’est une inversion qui se produit.

2) Si le fournisseur prend sa casquette « conservateur », on est dans l’article 22 de la loi hypothécaire. On a donc ici la conservation d’un bien qui se trouvait déjà dans l’assiette du bailleur. Le fournisseur livre des accessoires qui permettent la conservation d’un bien qui se trouvait dans l’assiette, le conservateur sera donc payé par priorité. Dans cette hypothèse, le fournisseur prime le bailleur, il aura peut-être intérêt à invoquer cette piste ci plutôt que celle de l’article 23 alinéa 2.

On voit comment, par un exemple simple, il n’est pas aisé de qualifier

correctement un privilège.

§3. Le sous-traitant L’article 20, 12° traite de la question du sous traitant. On a une relation tripartite entre

-­‐ un maitre de l’ouvrage, -­‐ un entrepreneur principal -­‐ un sous traitant.

Le législateur accroche un privilège à la créance du sous traitant. Le sous-traitant, dans le cadre du contrat de sous-traitance, travaille à l’immeuble du maître d'ouvrage et le législateur privilégie la créance du sous-traitant. En matière triangulaire, le législateur a pris soin de protéger la situation du sous-traitant. Celui-ci voit sa créance privilégiée, mais dans l’article 1798 du Code civil, il y a aussi un mécanisme d’action directe qui lui permet d’agir directement contre le maître d'ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas le montant de sa créance. Le législateur a eu un certain souci de la situation du sous-traitant car deux instruments se trouvent consignés dans les textes légaux. En cas de situation de concours, la situation du sous-traitant n’est pas si idéale car un des deux instruments perd toute utilité une fois survenue la situation de concours : l’action directe. C’est une action qui ne peut plus être introduite, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, une fois survenue la situation de

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concours. C’est seulement le privilège de l’article 20,12° qui subsiste, l’article 1798 perd toute utilité. Comment la Cour de cassation justifie-t-elle son idée que l’article 1798 ne peut plus être utilisé une fois survenue la situation de concours ? Car une fois que l’entrepreneur principal tombe en faillite, tous les biens de cet entrepreneur principal sont désormais indisponibles, il ne peut plus disposer de ses biens. Parmi les biens de l’entrepreneur principal, on trouve la créance que l’entrepreneur a à l’encontre du maître d'ouvrage. Cette jurisprudence constante de la Cour de cassation est encore répétée régulièrement. On voit donc tout l’intérêt de se concentrer sur le privilège de l’article 20,12°. Une action directe paraît plus intéressante que le privilège, mais une fois survenue la situation de concours, 1798 perd toute utilité. La créance garantie, c’est la créance qui existe entre le sous-traitant et l’entrepreneur principal.

A. Assiette du privilège Quels sont les biens dont le produit de réalisation revient en priorité au sous-traitant ? L’assiette est constituée par la créance qui lie l’entrepreneur principal et le maître d'ouvrage. C’est bien une créance qui est l’assiette du privilège, la créance garantie est la créance sous-traitant - entrepreneur ; le bien grevé c’est la créance maître d'ouvrage – entrepreneur principal. L’assiette constituant le privilège est bien une créance, on se trouve bien en présence d’un privilège mobilier. Il faut que la relation tripartite soit bien une relation qui concerne le même chantier.

Entrepreneur  

Sous-­‐traitant  Maitre  de  l'ouvrage  

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B. Conflits 1. Sous-traitant - créancier gagiste sur fonds de commerce Un conflit est possible si l’entrepreneur principal a été en contact avec une banque, qui a demandé à l’entrepreneur une garantie sous la forme de la constitution d’un gage sur fonds de commerce. La créance entrepreneur – maître d'ouvrage fait à la fois partie de l’assiette du sous-traitant et de la banque. la créance maître d'ouvrage – entrepreneur est à la fois l’assiette exclusive du privilège du sous traitant et est un élément de l’assiette de la sûreté dont bénéficie le banquier. Deux parties sont bien en conflit. A qui cet argent ira-t-il par priorité ? Ce sont -­‐ un privilège spécial sur meuble -­‐ une sûreté conventionnelle. On ouvre sa loi hypothécaire aux articles 20 et suivants. Le législateur ne nous aide pas, on doit utiliser des principes plus généraux car le conflit n’est pas réglé par le législateur lui-même. On retombe donc sur les articles 12 et 13 de la loi hypothécaire : les privilèges sont des droits que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré. Voilà un article qui va nous guider dans la résolution du conflit. Ce conflit il a été soumis à la Cour de cassation qui, sur pied de l’article 13, a du trancher l’intérêt des créances, la qualité des créances. COUR DE CASSATION, 25 MARS 2005 : Dans un arrêt du 25 mars 2005, la Cour de cassation dit qu’attendu qu’il ressort de la genèse de la loi (la loi de 1990 qui a introduit 20,12° et 1798) que le législateur a voulu protéger le sous-traitant en lui accordant un privilège et une action directe ; que dès lors que l’action directe ne peut plus être introduite après la déclaration de la faillite, la protection du sous-traitant disparaîtrait. Par conséquent, on fait primer le sous-traitant. Les conflits qui opposent le sous-traitant ne sont pas réglés par le législateur. 2. Sous-traitant – gagiste sur créance Faut-il de nouveau faire primer toujours le sous-traitant en utilisant le raisonnement de la Cour de cassation de 2005 ? Certains disent qu’on applique le raisonnement de la Cour par analogie, d’autres disent qu’on doit regarder quelle est la créance qui est éventuellement en cause et vérifier s’il n’y a pas de balance à faire parmi les intérêts.

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Section 4 : Les autres privilèges spéciaux sur meubles A lire pour mémoire. CASUS : une société tombe en faillite, cette société exerçait son activité dans un immeuble pris en location. Dans cet immeuble, il y avait deux machines qui servent à l’exploitation du commerce exercé dans les lieux. Ces deux machines sont les seuls biens de valeur retrouvés dans les lieux, elles sont vendues par le curateur qui récolte une somme de 1000. 7 créanciers se présentent :

-­‐ le vendeur des machines (réclame 500), -­‐ le trésor public (300), -­‐ Une société qui s’occupe de l’entretien (100), -­‐ Le bailleur (200), -­‐ Un curateur (200), -­‐ Le banquier gagiste sur fonds de commerce -­‐ L’assureur dégats matériels

26/11/2010 Rappel cours précédent : « prendre en considération la date de la créance privilégiée », c’est se demander si le conservateur, qui est intervenu pour conserver un bien mobilier du patrimoine du débiteur, est intervenu pour conserver un bien qui est déjà grevé au bénéfice d’autres créanciers. S’il intervient pour conserver un bien qui est déjà grevé d’une sûreté réelle au bénéfice d’autres créanciers, l’idée est de dire que le conservateur conserve un bien sur lequel les autres ont une sûreté, on donne la priorité au conservateur. Privilège du curateur : on le range dans les privilèges de frais de justice. Mais ce type de privilège est relatif donc on ne peut l’opposer qu’à certaines personnes (celles qui ont bénéficié de l’intervention de celui qui a supporté les frais). Donc ce qui est difficile dans l’hypothèse des frais faits par le curateur, il va peut-être mettre des choses en vente qui vont bénéficier à d’autres créanciers. Donc comment faire : il faudrait décortiquer chaque opération. Distinguer s’il a vendu un meuble, immeuble, à qui,… Dans le casus ici comme ce n’était que la mise en vente que d’un seul bien, on peut ajouter le curateur car ils en ont tous bénéficié. Elle ne nous demandera jamais des cas où le curateur vend plusieurs biens (l’idée est de comprendre la relativité des opérations). CASUS Privilège Le vendeur de machine bénéficie du privilège de vendeur (article 20, 5°). Le trésor public bénéficie d’un privilège général sur meubles (et accessoirement les immeubles) : article 19. La société qui entretenait les machines a conservé celle ci : article 20, 4°.

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L’assurance : loi du 25 juin 1992 : le privilège de l’assureur est un privilège bien placé car vient pratiquement en première ligne (première ligne : curateur en général). Le bailleur bénéficie aussi d’un privilège : 20, 1° pour les loyers impayés. Le curateur se voit placer en première ligne dans notre hypothèse (article 17). Ordre Curateur d’abord puis assureur. En fin de liste je mets le trésor public (privilège général). Reste le conservateur le bailleur et le vendeur. Le conservateur a conservé un bien qui se trouve dans le patrimoine du débiteur grevé d’une sureté réelle au bénéfice des deux autres. Donc selon l’article 22 il agit en premier lieu des trois restants. Le bailleur prime le vendeur, c’est la règle générale. On a notre ordre : on répartir maintenant les sommes mais les derniers n’auront pas de remboursement de leur créance. Il y a un trou de 400.

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CHAPITRE 6 : LES SURETES IMMOBILIERES Ce titre sera consacré à d’autres privilèges que les privilèges immobiliers au sens strict. On ne parlera pas des privilèges généraux sur immeubles car les privilèges généraux sont des privilèges généraux sur meubles à titre principal et immeubles à titre subsidiaire. Section 1 : Les hypothèques §1. Définition et caractéristiques de l’hypothèque

A. Définition : L’hypothèque est un droit réel accessoire. C’est un droit qui grève un bien (droit réel) et qui sert de garantie au paiement d’une dette principale (accessoire). Ce droit est institué par le législateur à des fins de garantie, à des fins de sûreté.

C’est un droit réel auquel il est fréquemment recouru dans la pratique,

-­‐ soit les parties le constituent, -­‐ soit le législateur l’institue au bénéfice de certains créanciers.

C’est la sûreté phare en matière immobilière. Il nous arrivera peut-être plus tard de contracter un prêt pour l’acquisition d’un bâtiment, d’un terrain, d’une maison. Si on n’a pas les fonds suffisants pour acheter ceci, on s’adresse à notre banquier qui acceptera peut-être de nous prêter de l’argent. Le banquier nous demander dans la plupart des cas une sûreté, on n’a peut-être encore rien dans notre patrimoine si ce n’est qu’avec l’argent du banquier on va acheter un terrain/maison/appartement. Le jeu classique est que la banque prend immédiatement une hypothèque sur le bien acheté grâce à l’argent donné.

La définition même de l’hypothèque se trouve dans la loi hypothécaire, à l’article 41 de cette loi. On y retrouve les éléments dont on vient de parler : l’hypothèque est un droit réel sur les immeubles affecté à l’acquittement d’une obligation ».

B. Caractéristiques Les 4 caractéristiques de l’hypothèque

1. Droit réel

On y retrouve donc les caractéristiques des droits réels (droit de suite et de préférence). L’hypothèque, comme beaucoup de droits réels, confère à son propriétaire un droit de suite (le droit de suivre la chose en quelques mains qu’elle passe) et un droit de préférence (si le bien est vendu, sur l’argent obtenu de la vente, le bénéficiaire d’une hypothèque aura la préférence pour être payé).

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2. Droit accessoire

-­‐ Principe Renvoi à ce qui a été dit au début du cours, sur la notion d’accessiorété. Appliquons la notion vue précédemment à l’hypothèse de l’hypothèque. Le bénéficiaire de la sûreté n’a pas d’usage matériel de la chose grevée d’hypothèque. Second sens de l’accessiorété : l’existence des droits réels est justifiée car il existe une dette à garantir. L’hypothèque n’a de sens que s’il existe une créance à garantir, une créance à propos de laquelle on veut rassurer le banquier. On retrouve ici les deux sens de l’accessoriété. Notons également le fait également que ce n’est pas parce qu’un droit réel est accessoire, car l’hypothèque est un droit accessoire, que l’hypothèque ne peut pas être conférée aujourd'hui pour le paiement d’une créance qui naîtra demain. Il n’est pas impossible de constituer aujourd'hui une sûreté pour garantir le paiement d’une dette future.

-­‐ Conséquences

• L’hypothèque s’éteint lorsque l’obligation principale s’éteint également.

• L’hypothèque garantit non seulement la créance mais également les intérêts générés par celle-ci

• Il n’est pas possible de céder la créance garantie sans que l’hypothèque ne

suive le même chemin. Si on cède la créance principale, l’hypothèque suit la créance principale.

• Le principe selon lequel on peut constituer une sûreté pour dette future a pour

conséquence que l’on peut aussi décider de constituer une sûreté pour garantir le paiement de toute dette qui viendrait à survenir entre deux parties bien identifiées.

La notion d’hypothèque pour toute somme est un concept juridique que les banquiers connaissent bien. On voit bien l’avantage pour le banquier : il est privilégié, quelle que soit la dette qui sera à payer. En réalité, les débiteurs peuvent aussi y voir un avantage. Si on considère que la constitution d’une hypothèque est une opération qui n’est pas si facile (passer par un notaire, acte authentique, se rendre à la conservation des hypothèques). La constitution d’une hypothèque c’est la réalisation d’un acte qui coûte beaucoup. Si le débiteur pouvait un jour se dire qu’il constitue une sûreté qui pourra servir à d’autres fins que le remboursement du prêt à l’occasion de laquelle la sûreté à été constituée, on peut voir que l’hypothèque pour toute somme est utile, il peut obtenir un autre prêt et la 1ère hypothèque pourra valoir pour le 2ème prêt.

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3. Droit mobilier ou immobilier Quand on lit l’article 41, on constate que l’hypothèque est un droit réel sur les immeubles, c’est la formulation utilisée par le législateur. Quand on lit la définition, on a tendance à dire que l’hypothèque est un droit immobilier. Mais il se fait que dans le code de commerce, à l’article 25, le législateur accepte la constitution d’hypothèques sur des navires. Mais sous réserve de ce cas particulier réglé par l’article 25, quand on est dans le droit commun de l’hypothèque, l’hypothèque est bien un droit réel immobilier portant donc sur des immeubles.

4. Indivisibilité :

-­‐ Principe Article 41 alinéa 2 : l’hypothèque est, de sa nature, indivisible. Quand on constitue une hypothèque sur un immeuble, il est tout à fait grevé, entièrement. L’immeuble reste grevé jusqu’à ce que la dette soit éteinte.

-­‐ Conséquences :

• Si l’immeuble grevé devait être partiellement vendu, l’hypothèque subsiste sur l’ensemble qui existait au moment de la constitution.

• Si le bien devait être détruit, l’hypothèque subsiste sur le morceau restant.

• Si on prend une hypothèque sur plusieurs immeubles (article 41 alinéa 2), cette hypothèque continuera à grever tous les immeubles jusqu’au moment de l’apurement total de la créance. Ce n’est pas parce que 50% de la créance ont été remboursés qu’un bâtiment échappe à l’emprise du créancier.

• L’indivisibilité de l’hypothèque subsiste, elle reste d’application y compris

lorsque la dette (ou la créance, selon l’optique prise) garantie vient à être divisée.

Lorsque la dette garantie se trouve divisée, l’hypothèque subsiste en entier. Quand une dette est-elle divisée ? C’est souvent le cas dans une hypothèse de décès. Imaginons qu’on ait un débiteur qui est en relation avec son créancier et ce débiteur consent à son créancier une hypothèque sur sa maison. À un moment donné, ce débiteur décède et laisse 3 enfants (E1, E2, E3). Chaque enfant hérite de la personne décédée, ils sont placés sur un même pied, chacun voit aboutir dans son patrimoine 1/3 de la dette. Ensuite, il y a une distribution des actifs de la personne. E1 hérite de la maison, E3 des bijoux, E2 de tableaux. La dette a été divisée, mais l’hypothèque n’en est pas modifiée. Autrement dit, la maison qui est dans le patrimoine de E1 pourrait être saisie par le créancier même si c’est E2 ou E3 qui ne paie pas son morceau de dettes. Ce cas de figure doit nous faire penser à une figure juridique dont on a parlé au début du cours : on est dans une situation de cautionnement réel, il y a un

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élément du patrimoine de E1 qui, pour partie, sert de garantie du remboursement de la dette de E2 et E3. Le principe de l’indivisibilité de l’hypothèque explique ce phénomène auquel on aboutit (le cautionnement réel).

§2. Description des biens qui peuvent être grevés d’une hypothèque Le constituant doit être propriétaire, l’immeuble doit être dans le commerce, analyse de l’article 45 alinéa 1, ensuite article 45 alinéa 2.

A. Commentaire Plusieurs observations à propos de ces immeubles :

-­‐ Il faut que l’immeuble qui va être grevé de ce droit réel accessoire appartienne au constituant. Il faut donc être propriétaire de ce bien et il faut même avoir la capacité d’aliéner.

-­‐ Les immeubles en question, qui l’on projette de grever d’une hypothèque, doivent nécessairement être dans le commerce. Les biens du domaine public ne peuvent être susceptibles d’une hypothèque. Toutefois, lorsqu’on lit l’article 1412 du code judiciaire, on voit que certains biens ont un sort particulier.

-­‐ Article 45 alinéa 1er de la loi hypothécaire : « sont seules susceptibles

d’hypothèque 2 choses : les biens immobiliers qui sont dans le commerce et les droits d’usufruit, emphytéose et superficie».

Comment comprendre ceci alors qu’on sait de la lecture de l’article 41 que le droit réel d’hypothèque ne peut grever que des immeubles ? Quand on met côte à côte ces articles, on se rend compte que c’est dans un esprit de simplification que le législateur dit que l’hypothèque grève des immeubles. En réalité, il faut être plus précis dans la lecture de l’article 41 : quand on institue une hypothèque, ce qui est grevé par le droit accessoire, ce n’est pas le bien immeuble corporel en tant que tel mais c’est le droit immobilier qui est grevé. C’est en réalité les éléments susceptibles d’hypothèque, ce soit des droits réels immobiliers. Quand le législateur utilise le mot « immeuble », il vise en réalité le concept de droit réel immobilier, ce sont ces droits qui peuvent être grevés d’un droit réel accessoire (l’hypothèque). Cette précision permet de comprendre avec suffisamment de clarté l’article 45 : ce sont les droits réels immobiliers en tant que tels qui sont grevés d’une hypothèque. C’est clair à l’article 45 : on peut grever un usufruit d’une hypothèque. Ces trois droits réels sont des droits réels immobiliers qui peuvent, à ce titre, être grevés d’un droit réel accessoire. Ces 3 droits démembrés ne sont susceptibles d’hypothèque que quand ils portent sur des immeubles. Pour la superficie et l’emphytéose, aucun

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problème car ils ne peuvent porter que sur des immeubles. Pour l’usufruit, la situation est différente car ces droits peuvent être mobiliers ou immobiliers. Ce ne sont que les usufruits immobiliers qui peuvent être grevés d’une hypothèque. A propos de ces droits réels démembrés, trois précisions :

-­‐ Le législateur dit clairement que l’hypothèque aura une durée de vie limitée lorsqu’elle est constituée sur un droit démembré. L’usufruit est un droit viager, la durée max d’un droit de superficie est de 50 ans, et c’est 99 ans pour l’emphytéose. L’hypothèque suivra la même durée !

-­‐ Quand on a un démembrement de la propriété, on peut constituer une

hypothèque sur un morceau et une 2ème hypothèque sur l’autre morceau.

-­‐ Quand l’hypothèque a été constituée sur un bien non démembré et que, par la suite, après la constitution de l’hypothèque, le bien vient à se trouver démembré, les droits du créancier hypothécaire ne doivent pas être atteints par ce démembrement. Quand il y a un démembrement postérieur à la constitution de l’hypothèque, on ne peut considérer que les droits du créancier hypothécaire ne soient atteints, le démembrement sera inopposable au 1er bénéficiaire de l’hypothèque.

L’article 45 vise donc, dans son 2°, les droits réels immobiliers (usufruit, emphytéose et superficie). Quand on comprend que ce sont des droits réels démembrés, on voit que l’article 41 est un raccourci de langage pour parler des droits de propriété. Dans le langage courant, on parle d’une hypothèque sur un appartement, sur une maison, sur un champ. Le législateur lui-même parfois utilise des raccourcis de langage, mais c’est le droit immobilier qu’on vise en fait. Dans le langage le plus courant que nous utilisons tous, on utilise indifféremment des expressions qui sont synonymes pour nous, le droit et la chose se confondent parfois. À propos d’un élément dont on est propriétaire, on peut soit dire qu’on est propriétaire de l’appartement, soit on dit que c’est mon appart.

B. Disparition rétroactive du droit de propriété :

Il faut encore préciser, à propos du droit de propriété, qu’à partir du moment où c’est le droit de propriété qui est grevé par l’hypothèque, lorsque ce droit de propriété disparaît rétroactivement du patrimoine du débiteur, par voie de conséquence, l’hypothèque disparaît également.

Si le droit de propriété vient à disparaître suite à un événement divers, avec effet rétroactif, l’hypothèque tombe. C’est le cas quand le propriétaire d’un immeuble vient d’acheter un immeuble et quelques années après il consent une hypothèque sur l’immeuble en question. Ensuite, une action est introduite par le vendeur de l’immeuble (ou même par l’acheteur),

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action en annulation du contrat de vente. C’est une action en rescision de la vente immobilière et l’action judiciaire est déclarée fondée : il y a rescision ou annulation de la vente. Rétroactivement, on considère que le droit n’a jamais fait partie du patrimoine du débiteur et que le créancier perd son droit hypothécaire. On ne doit pas confondre cette situation avec la situation dans laquelle le bien qui se trouve dans le patrimoine du débiteur en sort avec un effet translatif. Si l’acheteur vend l’immeuble grevé d’une hypothèque, il n’y a pas disparition avec effet rétroactif du droit de propriété, il y a simplement un bien qui sort dans un patrimoine et aboutit dans le patrimoine de quelqu'un d’autre, et là les intérêts du créancier ne sont pas atteints car il existe un droit de suite. L’hypothèse de l’acte translatif n’est pas l’hypothèse d’une révocation avec effet rétroactif de l’acquisition du droit.

C. Mécanisme de protection du créancier La disparition rétroactive du droit est embarrassante pour le créancier qui voit disparaître son hypothèque et la situation peut donc le surprendre. Le législateur a tenté tant bien que mal de venir en aide, d’une manière ou d’une autre, au créancier pour le mettre à l’abri dans une certaine mesure des conséquences fâcheuses qu’il pourrait devoir supporter. Quels sont les mécanismes que le législateur a introduits dans notre système ?

1. Il faut avertir les tiers des procédures judiciaires en cours C’est le conservateur des hypothèques qui tient des registres, les opérations immobilières font l’objet d’une mesure de publicité dans les registres de la conservation des hypothèques. Quand on achète un immeuble, l’opération doit être portée à la connaissance des tiers par la transcription de l’acte de vente. Ce registre du conservateur des hypothèques comporte une marge, on va, dans cette marge, relater certains événements à l’aide de mentions marginales. Quel genre d’événements le législateur projette-t-il de relater dans cette marge ? L’article 3 de la loi hypothèque dit que les demandes en justice tendant à faire prononcer l’annulation ou la révocation d’un acte de vente ne seront reçues devant les tribunaux qu’après avoir été inscrites dans la marge. De cette sorte, un tiers qui serait partie à un acte ayant trait à l’immeuble (hypothèque, donation, vente,…), s’il a consulté le registre, se dit qu’il y a un danger. Les tribunaux sont soucieux de ce que cet article 3 soit respecté, quand il y a une demande, le juge doit obtenir la preuve que la demande a bien fait l’objet d’une mesure de publicité, et tant que la preuve n’est pas rapportée que la mention marginale a été faite, le juge ne reçoit pas la demande. Il s’agit d’une fin de non procédé, le tribunal attend. Quand la situation sera régularisée, quand la mention marginale sera opérée, le tribunal reprendre l’examen de l’affaire. Quand le tribunal a pris sa décision, il faut en informer les tiers. La décision du juge va aussi faire l’objet d’une mention dans la marge. Les tiers qui consulteront le

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registre verront qu’il y a eu une vente, puis une procédure en annulation, puis l’aboutissement de la nullité/rescision. Ce sont les greffiers des tribunaux qui ne peuvent pas délivrer d’expédition du jugement tant qu’ils n’ont pas la preuve de l’inscription marginale. Ce sont les greffiers qui veillent au respect de l’article 3. Le législateur parle d’annulation ou de révocation.

• L’annulation est l’anéantissement d’un acte juridique pour vice de formation du contrat ;

• La révocation est une appellation plus générique qui vise les disparitions avec effet rétroactif du droit de propriété. On peut mettre sous révocation les actions en résolution, rescision, réduction d’une donation, déchéance. Le concept de révocation vise en fait toutes les situations dans lesquelles on peut avoir une disparition avec effet rétractif du droit de propriété.

2. Inopposabilité

L’action en résolution de la vente qui pourra aboutir sur le fait d’une disparition avec effet rétroactif du droit de propriété sera inopposable au créancier hypothécaire si le créancier hypothécaire ne dispose plus du privilège immobilier. À ce stade ci on ne sait pas ce qu’est le privilège immobilier dont bénéficie le vendeur. Si le vendeur d’un immeuble se trouve dans un cas où son privilège est éteint, l’action en résolution ne peut pas lui porter préjudice. A ce stade ci, les choses sont compliquées à comprendre.

3. Action en rescision pour cause de lésion Lorsqu’il y a rescision, il y a un retour des choses dans leur état initial. Les tiers qui ne voudraient pas subir un préjudice du fait de cette situation de rescision peuvent, dit l’article 1681 alinéa 2, payer au vendeur qui a introduit l’action un supplément de prix pour éviter l’effet de la rescision. Quand l’action est une action en rescision, il y a une certaine forme de protection du créancier. Le créancier ne viendra payer un complément de prix à celui qui a introduit l’action que si c’est dans son intérêt de le payer, il fera donc une comparaison de ses intérêts.

D. Article 45 alinéa 2 :

C’est une disposition qui montre que quand on constitue une hypothèque sur un bien immobilier (sur un droit de propriété), l’assiette de l’hypothèque est ce droit qui sera amplifié le cas échéant, qui sera accru à l’occasion de la survenance de certains événements. Si on a une hypothèque constituée sur une maison, et si cette maison est agrandie, l’assiette de l’hypothèque augmente par voie de conséquence.

1. Les accessoires réputés immeubles : Ca permet de dire que l’hypothèque grève l’immeuble et tout ce que renferme le sous-sol, ça comporte également les fruits avant qu’ils ne soient détachés de la chose

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(après, les fruits naturels et industriels deviennent meubles et ne tombent plus dans l’assiette du créancier hypothécaire). L’article 1576 alinéa 1er du code judiciaire précise que les loyers (fruits civils) font partie de l’assiette du créancier hypothécaire à partir du jour où l’immeuble a fait l’objet d’une saisie immobilier. Ils seront ajoutés au prix de l’immeuble si l’immeuble est vendu. Dans cette 1ère catégorie d’accessoires réputés immeubles, on trouve également les droits immobiliers attachés à la chose, par exemple une servitude. Enfin, les immeubles par destination et par incorporation sont aussi des accessoires réputés immeubles.

2. Améliorations survenues à l’immeuble : Sous cette bannière, on range des améliorations matérielles et juridiques.

• Une amélioration matérielle, c’est la construction d’une annexe.

• Amélioration juridique : ça pourrait être le fait que, postérieurement à la constitution de l’hypothèque, le terrain soit grevé d’une servitude active.

Elle est créée en cours de route. C’est aussi en raison de cette extension aux améliorations juridiques que le créancier hypothécaire verra sa situation améliorée en cas de remembrement du bien. Celui qui avait une hypothèque sur la nu-propriété verra sa situation améliorée au jour du remembrement. Le nu-propriétaire verra son hypothèque grever tout le bien constitué.

E. L’article 74 de la loi hypothécaire

Ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit suspendu ou un droit résoluble ne peuvent consentir qu’une hypothèque sous les mêmes conditions. Dernière précision à propos des biens susceptibles d’hypothèque : cfr partie sur la subrogation réelle, ne pas oublier l’article 10 de la loi hypothèque, qui renvoie à l’article 58 de la loi de 1992 sur l’assurance terrestre. Quand un bien hypothéqué disparaît par perte ou détérioration et qu’un assureur verse une prime pour compenser la disparition de ce bien, les droits du créancier seront reportés sur la prime en question. La disparition physique du bien ne met pas le créancier dans une situation embarrassante. §3. Types d’hypothèque Nous connaissons dans notre droit des hypothèques légales et conventionnelles, des hypothèques qui trouvent leur source dans la volonté du législateur et dans la volonté des parties. Des hypothèques peuvent trouver leur source dans un testament mais c’est rare, nous ne le verrons pas.

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A. Hypothèques légales Ce sont des hypothèques prévues par le législateur qui, dans certains cas, privilégie certains créanciers. On parle dans ce cas d’hypothèques légales, ce sont des hypothèques qui existent de droit, de par l’effet de la loi. Aucune convention n’est conclue entre le débiteur et le créancier, l’hypothèque existe de par la volonté du législateur.

1. Hypothèques latentes Elles présentent pour caractéristique d’être des hypothèques latentes. Ce sont des hypothèques qui en tant que telles, ou de par la seule création de la loi, sont inefficaces parce qu’elles ne deviendront pleinement efficaces qu’à partir du jour où une inscription de l’hypothèque aura été prise dans le registre du conservateur des hypothèques. L’hypothèque n’est pas efficace tant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une mesure de publicité. Cette mesure de publicité a deux objectifs :

- Elle rend l’hypothèque opposable aux tiers,

- Cette mesure de publicité est l’occasion, pour celui qui la demande, de concrétiser le principe de spécialisation de l’hypothèque. Ce principe est un principe qui traverse toute notre loi hypothécaire, tant à propos des hypothèques conventionnelles que légales.

Qu’est-ce ? Qu’entend-on par spécialisation de l’hypothèque ? Elle est toujours prise sur un bien pour un certain montant et pour garantir certaines créances. Quand le législateur constitue de droit une hypothèque, il ne peut pas déterminer les créances, biens et montant des créances. Il faut préciser tout cela et ces précisions sont données au moment de l’inscription au registre. C’est l’inscription de cette hypothèque légale qui permet de réaliser ce principe de spécialisation (outre que ça soit une mesure de publicité). L’hypothèque latente devient efficace le jour de l’inscription, à partir de ce jour elle est opposable, l’hypothèque prend rang à ce moment là. Si le bien a déjà été grevé d’une hypothèque précédente (établie par exemple par convention), l’hypothèque légale se trouvera en 2ème position sur la liste du conservateur des hypothèques car les hypothèques prennent rang du jour de leur inscription dans leur registre.

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2. Exemples d’hypothèques légales Le législateur en instaure une série dans la loi hypothécaire et dans des lois particulières.

- Article 49 : hypothèque au profit des mineurs, qui grève les biens du tuteur.

o Hypothèse On est dans une hypothèse où on a des relations mineur – tuteur. Le mineur peut avoir une créance vis-à-vis de son tuteur, c’est pour garantir le paiement de ces créances que le législateur institue une hypothèque légale. Les biens immeubles du tuteur sont susceptibles d’être grevés, c’est au moment de l’inscription qu’on identifie les créances, immeubles et montant des créances.

o Qui agit ?

Le juge de paix désigne les immeubles sur lesquels l’inscription est requise. Concrètement, il prend une décision et c’est le greffier qui procède à l’inscription en question.

- Hypothèque légale au profit du fisc

Le législateur n’hésite pas à créer des sûretés au bénéfice du trésor public.

o Articles 425, 426 et 427 du code d’impôt sur les revenus. Ce qui est caractéristique, et voilà encore une faveur octroyée par le législateur à l’Etat, c’est la finale de l’article 427 : l’article 19 de la loi sur les faillites n’est pas applicable à l’hypothèque légale sur le trésor public. L’article 19 stipule qu’il n’est plus possible de prendre une inscription hypothécaire à partir de la survenance de la faillite. le receveur, même après survenance de la faillite, peut requérir une inscription. Y a-t-il là une règle de la rupture de l’égalité ? Question à poser devant une juridiction. Entre temps le texte est là : il ya une possibilité pour le receveur chargé du recouvrement de l’impôt de prendre une inscription alors même que la situation de concours serait survenue.

o On trouve des textes similaires dans d’autres codes fiscaux.

Dans le code de la TVA, c’est l’article 82.

o Article 84 du code des successions. Caractéristique de l’hypothèque organisée par ce code des droits de succession : c’est une hypothèque qui est en partie une hypothèque occulte. Pourquoi dit-on de cette 3ème hypothèque qu’elle est occulte ? Quand une inscription est prise dans les 18 mois qui suivent le décès, l’inscription rétroagira au jour du décès. Le décès a lieu à un moment donné, un an après, le fisc prend une inscription. Celle-ci aura date au jour du décès. Pendant 1 an ½, il y a une situation d’insécurité qui survient car on ne sait pas si le fisc prend une inscription ou non.

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Ca peut être préjudiciable pour des tiers qui auraient acquis des droits sur un immeuble. C’est embêtant pour les héritiers : j’hérite d’une maison et que je veux la revendre immédiatement, et que je trouve directement un acheteur et la revends 10 mois après le décès. 14 mois après le décès, le trésor public prend une inscription, celui qui a acheté l’immeuble se rend compte qu’il a acheté un immeuble grevé d’une hypothèque. Personne n’osera donc plus acheter un bien dépendant d’une succession pendant la période problématique. Ce qui se fait en pratique, c’est que l’héritier peut s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir de l’administration fiscale une attestation disant qu’il y a ou il n’y a pas de droit de succession qui reste à payer. De la sorte, les amateurs éventuels pourront savoir à quelle sauce ils seraient mangés s’ils prenaient le risque d’acheter. Ils vont évaluer l’importance des droits dus.

- Loi sur les CPAS

- Loi sur les faillites : l’article 57.

La masse des créanciers peut prendre une inscription sur les immeubles dépendant de la faillite. si ces immeubles sont déjà grevés au bénéfice d’une série de créanciers particuliers, il ne sera pas utile d’encore prendre une inscription au bénéfice de la masse. Le curateur le fait pratiquement toujours car le trésor public peut, après faillite, prendre une inscription. Il est peut-être bon que le curateur se précipite pour prendre inscription dès qu’il a été désigné de sorte que son inscription soit antérieure à l’inscription prise aux seuls intérêts du fisc. Pendant longtemps, l’hypothèque légale du curateur n’a pas été utilisée. Toutefois, depuis l’inscription hypothécaire du fisc, les curateurs font plus souvent l’inscription prévue à l’article 57.

B. Hypothèques conventionnelles 1. Condition de fond

L’hypothèque nait par convention, on lui applique dans l’article 1108.

- Consentement

A propos du consentement, qui doit consentir ? Les parties qui constient l’hypothèque. Si un tiers constitue une hypothèque pour garantir le paiement de la dette d’autrui, c’est celui qui consent l’hypothèque qui doit consentir à l’acte. Si on a un débiteur et un créancier, X peut garantir le paiement de la dette d’un débiteur principal (cautionnement réel).

- Capacité d’aliéner Il faut avoir la capacité d’aliéner. On trouve dans le Code civil des règles particulières sur la capacité des mineurs. Article 378

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- Il faut un objet certain (article 1108). Quel est l’objet d’un contrat d’hypothèque ? C’est de grever un immeuble d’un droit réel à des fins de sûreté. L’objet du contrat d’hypothèque est de créer un droit réel à des fins de sûreté. On sait parce qu’on a déjà eu l’occasion de le voir supra, le législateur a trouvé qu’il ne fallait pas mettre en péril de manière trop importante les droits du débiteur. On restreint ce principe par le principe de spécialisation : l’hypothèque constituée conformément à la loi hypothèque doit porter sur des biens déterminés ou déterminables pour garantir le paiement d’une créance, à concurrence d’un plafond. Le principe de spécialisation est un principe qui se décline à trois égards (montant, créance, bien grevé). Ne pas confondre le montant et la créance !

- La créance c’est une créance dont le non paiement entraîne la mise en œuvre de la sûreté, c’est la créance qui justifie que l’on constitue une sûreté particulière.

- Le montant c’est le montant à concurrence duquel la sûreté est garantie. Il peut correspondre au montant de la créance. Mais on peut avoir des créances dont on ne connait pas le montant (dette pour toute somme), il faudra alors fixer un plafond dans ce cas. il faut que le débiteur sache à quoi s’en tenir, il faut que le débiteur soit conscient de la situation, le principe de la spécialisation porte aussi sur le montant.

- Il faut une cause licite, comme dans tout contrat.

2. Conditions de forme :

- Principe

L’hypothèque est un contrat conventionnel. Le passage par notaire est obligé (article 76). C’est une des raisons pour lesquelles la constitution d’une hypothèque a un certain coût puisqu’il y a intervention du notaire, et que l’acte doit être transcrit à la conservation des hypothèques pour être opposable aux tiers. L’hypothèque est donc une opération coûteuse. Dans certains cas, pour éviter des frais trop importants, les banques peuvent avoir parfois recours à un autre mécanisme que l’hypothèque.

- Justifications

• L’idée qui se trouve là-derrière était une idée de protection du débiteur, de celui qui constitue l’hypothèque car si les choses tournent mal, l’immeuble pourra être vendu et disparaître du patrimoine du constituant. Il faut donc conscientiser le débiteur.

• La matière des hypothèques est technique, pour constituer correctement une hypothèque, il faut maîtriser la législation qui y est relative. En faisant intervenir un professionnel, c’est une manière de garantir le respect des exigences légales, la matière étant relativement difficile et complexe.

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- Sanction

Si l’hypothèque n’était pas constituée par acte authentique, elle serait nulle de nullité absolue en raison du non respect d’une formalité.

- Les procurations Données à l’effet de constituer une hypothèque doivent, elles aussi, être données par la voie notariée (article 76 alinéa 6). C’est bien la procuration qui doit revêtir cette forme authentique, ce n’est pas nécessairement le mandat conclu entre le débiteur et le tiers, à qui le mandant confie la tâche de constituer l’hypothèque. Le contrat de mandat est consensuel, il n’y a pas de forme particulière requise par le législateur pour que soit valablement constitué un contrat de mandat. Le contrat de mandat est un contrat consensuel. La procuration, c’est le document qui va être élaboré par le mandant, qui va être remis par le mandant au mandataire et qui permettrai au mandataire de prouver qu’il dispose du pouvoir de conclure l’acte au nom du mandant. La procuration est le document qui permet au mandataire de prouver, vis-à-vis des tiers avec qui il va contracter au nom du mandant, qu’il est investi par le mandant d’un pouvoir de représentation. En principe, la procuration est signée par le mandant et le notaire, le mandataire n’est pas signataire de cette procuration car c’est le document qui lui est remis pour qu’il puisse prouver aux tiers qu’il détient un pouvoir de représentation. Quand on contracte un contrat de mandat, il faudrait rédiger à la fois le contrat de mandat et le faire par écrit et, à côté, élaborer une procuration signée par le mandant et le notaire et celle là devra être authentique. En pratique, il est rare que deux documents soient signés. Dans ce cas là, la procuration vaut preuve du mandat.

- Mentions L’acte authentique rédigé par le notaire doit comporter une série de mentions. Il y en a deux qui sont assez importantes ici, car elles font écho au principe de spécialisation.

• L’article 78 de la loi hypothécaire précise que dans l’acte authentique, il faut que soient déclarés la nature et situation de chaque immeuble grevé d’une hypothèque. Cet article 78 fait écho au principe de spécialisation dans son volet identification des immeubles grevés par l’hypothèque. L’acte authentique doit indiquer clairement les immeubles grevés par le droit réel accessoire qu’est l’hypothèque.

• L’article 80 fait écho à ce principe de spécialisation dans son volet montant. L’acte dont il est question ici est l’acte constitutif, il faut procéder à une identification du montant de la créance garantie. Si on ne connaît pas ce

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montant car la créance garantie n’est pas déterminée mais déterminable, on mentionne un plafond. Quand on lit la loi hypothèque, on n’y trouve pas de 3ème disposition qui viendrait compléter le trio du principe de spécialisation et qui viendrait à exiger que, dans l’acte constitutif, soient précisées les créances qui font l’objet de la garantie sous forme d’hypothèque. L’article 78 vise les biens, l’article 80 vise les montants. On ne trouve pas dans la loi hypothèque de disposition qui spécifierait que dans l’acte constitutif doivent être identifiées les créances couvertes par le droit réel accessoire que constitue l’hypothèque. Si ces créances ne sont pas mentionnées dans l’acte, la validité de l’acte n’en

sera pas atteinte.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que l’hypothèque est un droit accessoire, qui garantie le paiement d’une série de créances. Pour que l’hypothèque soit valablement constituée, il faut qu’existe une dette principale à garantir. Pour une raison probatoire, il est donc conseillé de mentionner dans l’acte constitutif d’hypothèque les créances garanties. Dans la pratique, les créances qui font l’objet de la sûreté sont également mentionnées dans l’acte constitutif d’hypothèque, quitte à ce que ces créances soient identifiées de manière large comme étant par exemple toutes les dettes, quelle que soit leur origine, qui pourraient exister entre les parties concernées.

Exemples sur la différence entre la question du montant et la question de la créance garantie : ce sont deux notions distinctes, visées toutes deux par le principe de spécialisation.

o Exemple 1 : un banquier accorde à son client une ouverture de crédit

pour 10.000€ et le banquier obtient de son client une hypothèque plafonnée à 10.000 qui grève un bien, de valeur de 20.000. Les choses se mettent en place, les relations entre parties s’installent. Les années s’écoulent, et le banquier tolère néanmoins un découvert sur le compte du client jusqu’à 15.000€. A un moment donné, le débiteur n’épure par le montant de sa dette et le banquier fait vendre l’immeuble qui vaut 20.000€. La vente publique produit un montant de 20.000€. Le banquier ne sera privilégié que sur 10.000€ et pour le différentiel, il est créancier chirographaire.

o Exemple 2 : un crédit caisse est octroyé par une banque et en échange, le banquier demande la constitution d’une hypothèque. Celle-ci est plafonnée à 10.000€, et elle grève un bien d’une valeur de 15.000 et les parties, lors de la constitution de l’hypothèque, précisent que l’hypothèque est constituée pour garantir le remboursement du crédit caisse. On a une créance identifiée comme étant le crédit caisse et l’hypothèque est plafonnée à 10.000€. Le crédit caisse n’est pas utilisé entièrement, il n’y a que 4.000€ utilisés. Une autre dette naît entre le commerçant et la banque, une dette de 2.000€. Le commerçant se trouve en négatif de 6.000€ qu’il ne rembourse pas. La banque met en œuvre l’hypothèque et vend le bien immobilier qui avait une valeur de

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15.000€. L’hypothèque ne visait que le remboursement lié au crédit caisse.

Au moment de la conclusion de l’hypothèque, il faut bien spécifier les

créances pouvant donner lieu au jeu de l’hypothèque. 3. La promesse d’hypothèque :

- Principe

Elle n’est pas à confondre avec l’hypothèque en tant que telle, c’est bien une notion distincte. Promesse de vente vaut vente ne se transpose pas ici, promesse d’hypothèque et hypothèque sont deux institutions distinctes. La promesse d’hypothèque est un contrat par lequel le promettant (le débiteur) s’engage à constituer ultérieurement une hypothèque sur un bien déterminé ou déterminable, à concurrence d’un montant déterminé ou déterminable, et il s’engage à constituer cette hypothèque pour le cas où le créancier le lui demanderait. Un engagement est pris par le débiteur de constituer ultérieurement une hypothèque si le besoin s’en faisait sentir et si le créancier exigeait la constitution d’une hypothèque. La promesse d’hypothèque est un contrat unilatéral puisque celui qui s’engage à une prestation future, c’est le débiteur, qui s’engage à constituer l’hypothèque. La promesse d’hypothèque n’est pas une hypothèque puisque l’hypothèque n’est pas constituée, c’est un engagement à constituer une hypothèque. La promesse d’hypothèque est un contrat consensuel, qui ne nécessite pas le passage devant notaire.

- But de la promesse d’hypothèque

Plusieurs éléments peuvent expliquer que les parties recourent à la promesse d’hypothèque plutôt qu’à l’hypothèque :

(a) Il se peut que le bien que le débiteur a en vue soit un bien qui n’appartienne pas encore au débiteur. Or on ne peut pas constituer une hypothèque sur la chose d’autrui ou sur une chose future. Il se peut que le débiteur ne soit pas encore propriétaire du bien parce que le bien n’existe pas encore, on va donc constituer une promesse d’hypothèque qu’on transformera en hypothèque ultérieurement.

(b) En raison d’une urgence Le débiteur a réellement et urgemment besoin d’obtenir un prêt, on n’a pas le temps de constituer une hypothèque en bonne et due forme, faisons donc une promesse d’hypothèque, le débiteur s’engage à constituer ultérieurement une hypothèque. Le banquier octroie le prêt, et on a du temps pour constituer l’hypothèque.

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(c) La constitution d’une hypothèque a un coût, La constitution d’une promesse d’hypothèque est plus intéressante financièrement parlant. La constitution d’une hypothèque, pour un prêt de 100.000€, tourne autour de 2.000€. Donc, si on contracte un prêt pour l’achat d’une maison, ce sont des milliers d’€ complémentaires qui viennent grever le patrimoine du débiteur et qui gonflent sa dette. Les parties peuvent avoir le souhait de réduire les frais et d’éviter les frais inutiles.

(d) Discrétion voulue par l’une ou l’autre des parties La constitution d’une hypothèque donne lieu à publicité par le biais d’une inscription. Le débiteur peut ne pas avoir envie de cette publicité. Si le banquier a des doutes sur la capacité de remboursement du débiteur, s’il se dit que les choses vont mal tourner dans les semaines qui viennent, il pourra solliciter du débiteur qu’il constitue réellement l’hypothèque.

- Sanction

Que fait le créancier qui se trouve face à un débiteur récalcitrant au moment où il faut constituer l’hypothèque ? On peut penser à des schémas classiques d’exécution des conventions.

• Exécution forcée de la promesse d’hypothèque et astreinte Le créancier peut imaginer assigner le débiteur en passation de l’hypothèque, et il sera particulièrement inspiré en demandant que la condamnation à l’exécution soit assortie d’une astreinte. Tout ça prend du temps, et le temps n’est peut-être pas toujours favorable au banquier.

• Le créancier peut penser au mécanisme de la responsabilité contractuelle Il se souvient qu’il existe un principe selon lequel la responsabilité du débiteur peut être mise en cause quand il n’a pas exécuté correctement ses obligations. Le banquier peut, devant le juge, exposer que la faute du débiteur a entraîné pour lui créancier un dommage (qui va peut-être être difficile à estimer), qui débouche sur la condamnation du débiteur. La condamnation sera souvent des dommages et intérêts, mais l’intérêt de cette formule, c’est que la responsabilité du débiteur si elle est épinglée permet le jeu de l’application de l’article 1188. Celui qui laisse péricliter des sûretés peut se voir perdre le bénéfice du terme accroché à la dette principale, le comportement fautif du débiteur est épinglé par le magistrat, et ce comportement pourra déboucher sur une perte du terme et le banquier pourra réclamer sur le champ le remboursement intégral du montant de la dette principale. On voit bien que ces deux systèmes, aussi bien l’exécution que les dommages et intérêts pour faute, sont des mécanismes qui ne font peut-être pas vraiment l’affaire du banquier qui, ni par l’un ni par l’autre, n’obtiendra rapidement la constitution de l’hypothèque sur le bien. On voit donc, si on fait un 1er bilan, que l’idée de se contenter d’une promesse d’hypothèque (dans le chef du banquier), c’est courir un

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certain risque : que le débiteur ne constitue pas ultérieurement l’hypothèque visée par la promesse d’hypothèque. Le risque couru par le banquier est un risque d’autant plus grand que d’autres événements peuvent se passer entre la promesse et la passation de l’acte authentique qui peuvent aussi amoindrir la situation du banquier.

- Risques du banquier :

• Entre le moment de la constitution de la promesse et l’acte authentique, le débiteur peut avoir consenti au bénéfice d’un autre créancier une réelle hypothèque.

Quand le B1 sollicite du débiteur la passation de l’acte authentique constitutif d’hypothèque, ce banquier ne sera pas en 1er rang car une réelle hypothèque a été constituée au bénéfice d’un autre créancier. Donc on voit de nouveau que la promesse n’est pas un outil idéal pour le banquier, qui n’y recourt que quand il pense avoir face à lui un débiteur honnête qui constituera l’hypothèque le jour où on le lui demandera et n’aura pas de comportement portant atteinte au comportement du banquier. Dans les actes constitutifs d’une promesse d’hypothèque, on rencontre souvent des clauses par lesquelles le débiteur s’engage à ne pas constituer d’hypothèque au bénéfice d’un autre créancier. Ces clauses sont valables, mais si le débiteur en constitue tout de même et s’il viole ses engagements, le rang 1 sera occupé par un autre créancier et la situation du banquier sera détériorée.

• L’immeuble pressenti pour être grevé d’une hypothèque est saisi dans le cadre d’une saisie immobilière. Il ne sera alors plus possible de constituer une hypothèque opposable au créancier saisissant.

• Survenance d’une faillite du débiteur Si une faillite du débiteur survient, après que la faillite est survenue, on ne peut plus constituer une hypothèque. Les actes constitutifs de sûretés sont inopposables lorsque l’acte n’a pas lieu simultanément à la création de la dette garantie. Si, en période suspecte, on constitue une sûreté pour garantir une dette née antérieurement, la constitution de sûreté sera inopposable à la masse des créanciers (article 17 loi sur les faillites).

La promesse d’hypothèque présente des avantages pour les parties, mais c’est une opération qui n’est pas sans risque pour le banquier, pour le créancier. Le banquier ne peut pas prévenir tous les événements dont on vient de parler, ils recourent parfois à la promesse d’hypothèque pour le risque pris.

- Le mandat hypothécaire

Si on reprend le 1er risque, face à cet événement, les banquiers ont développé des mécanismes qui leur permettent d’éviter ce risque. Les banquiers ont pensé renforcer leur promesse par la constitution d’un mandat. Le débiteur qui s’engage à constituer une hypothèque si le banquier le demanderait. Il constitue un mandat avec le banquier, soit avec un tiers, par lequel le débiteur confère à ce tiers ou au banquier le

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pouvoir de constituer l’hypothèque si le banquier le requiert. Le banquier, quand il souhaite constituer l’hypothèque, toque à la porte de sa filiale pour mettre en œuvre l’hypothèque. C’est une manière de se rassurer sur un éventuel comportement négligent du débiteur au moment de passer à l’action. Le banquier met toutes les chances de son côté en se demandant à lui-même ou en demandant à sa filiale de constituer l’hypothèque. Dans ce schéma, on voit que le mandat vient renforcer la promesse d’hypothèque, le mandat vient renforcer l’efficacité du système. En pratique, on voit que les parties utilisent, même parfois de manière isolée, le mandat. On se dispense même parfois de la promesse pour ne recourir qu’au seul mandat hypothécaire, où le débiteur ne promet même plis qu’il va constituer une hypothèque, mais le débiteur confère aujourd'hui ç un tiers désigné par le banquier ou au banquier, le pouvoir de constituer une hypothèque pour le cas où le mandant viendrait à le souhaiter. Dans ce mandat, on précise quel montant sera couvert, et les biens qui seront grevés du droit réel. C’est ce qu’on appelle les mandats hypothécaires. Ces mandats hypothécaires sont d’une grande utilité pour les banques. Quotidiennement, lors de l’octroi de crédit, des mandats sont conférés plutôt que des promesses. La constitution d’un mandat hypothécaire a un coût moindre que la constitution d’une hypothèque en tant que telle. On limite les coûts en constituant un mandat. Le mandant qui a constitué le mandat a souvent un mandat irrévocable. Il serait trop facile de constituer un mandat qui pourrait être révoqué par le débiteur, en principe, ils sont donc irrévocables et constitués par le débiteur au bénéfice d’un tiers ou du banquier. Une fois que le mandat est constitué, le banquier laisse ce mandat dans son dossier et souvent il reste dans le dossier pendant de longues années et n’est jamais utilisé. Est-ce que le banquier doit avertir le débiteur de ce qu’il va convertir le mandat hypothécaire en réelle hypothèque ? Doit-il informer le débiteur de ce qu’il va sortir le mandat de son tiroir et passer à l’action ? Il y a eu des discussions en doctrine et jurisprudence sur la question. La Cour de cassation a été saisie de cette question : ARRET DU 23 MARS 2006. Le créancier au profit duquel il y a eu procuration peut déterminer lui-même quand il souhaite exercer le mandat hypothécaire. En l’espèce, le créancier n’avait pas averti le débiteur de la conversion de l’hypothèque. La Cour de cassation ne sanctionne pas le comportement du banquier qui peut, sans avertir personne, de sa simple décision, décider de convertir le mandat. C’est ainsi que des débiteurs voient des milliers d’€ retirés de leur compte car le coût de l’hypothèque est déduit du compte du débiteur. La banque peut-elle pour autant faire n’importe quoi ? Deux types de contrôles a posteriori :

-­‐ Contrôle par le juge du respect des conditions contractuelles fixées par les parties. Le juge peut contrôler que la banque ait respecté toutes les dispositions contractuelles en vigueur entre parties.

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-­‐ On se trouve dans une matière qui, comme dans toute autre, peut se voir appliquer la théorie de l’abus de droit.

Le banquier ne peut pas abuser de son droit, on est ici dans l’exercice d’un droit subjectif par le banquier et l’exercice de ce droit de conversion peut passer au crible de l’abus de droit. Pour synthétiser, on considère qu’il y a abus de droit si aucun élément n’est venu altérer la confiance qui existait jusque là entre le débiteur et le créancier. Il y avait forcément de la confiance entre les parties car si le banquier n’avait pas eu confiance, il aurait demandé depuis le début la constitution d’une hypothèque. Tout ce mécanisme du mandat et de la promesse sont basés sur la confiance. Si la confiance devait se voir altérée. Le rang du banquier sera déterminé en fonction de la date de l’hypothèque à proprement parler, et non pas celle de la constitution de la promesse.

§4. La publicité de l’hypothèque On a déjà évoqué ce mécanisme. L’hypothèque doit être portée à la connaissance de tiers. Ce n’est que si les tiers sont informés de l’existence de cette hypothèque que l’hypothèque leur sera opposable. Essentiellement, la voie d’information des tiers retenue par le législateur dans la matière qui nous intéresse, c’est la voie de l’inscription. Ce n’est pas la seule voie utilisée par le législateur en matière d’information des tiers. Dans 4 hypothèses précises, il utilise une autre technique : la voie de la mention marginale.

A. La voie de l’inscription :  

-­‐ Généralités L’article 81 de la loi hypothécaire précise qu’entre les créanciers, l’hypothèque n’a de rang que du jour de l’inscription prise sur les registres du conservateur. Toutes les hypothèques sont visées, aussi bien les hypothèques légales que les hypothèques conventionnelles. Cette inscription n’est jamais qu’une mesure de publicité, autrement dit qu’une mesure d’information des tiers. Ca a pour conséquence que cette mesure que cette mesure ne purge jamais l’acte authentique d’hypothèque de vice qui affecterait l’hypothèque. Si l’acte constitutif est nul, ce n’est pas parce qu’il y a inscription que le vise à la formation du contrat disparaît.  

-­‐ Délai L’inscription peut être prise à tout moment, il n’y a aucun délai pour requérir l’inscription. Puisque l’efficacité dépend de la publicité, le créancier n’a pas intérêt à traîner dans l’accomplissement de la mesure.

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-­‐ Qui demande l’inscription  

Le créancier, il a intérêt à ce qu’il y soit procédé.  

-­‐ Où ? L’article 82 précise où se font les inscriptions.

-­‐ Que fait le notaire ? Il va venir avec une copie de l’acte constitutif et il va venir avec deux bordereaux qui comporteront des mentions. Les bordereaux sont des documents synthétiques qui reprennent les points principaux, et ce sont eux qui font l’objet de l’inscription.

-­‐ Mentions du bordereau

Article 83 de la loi hypothécaire. on retrouve également l’application du principe de spécialisation, le 4° vise le montant des créances et le 5° vise la nature et situation de chaque immeuble. Les registres sont tenus par le conservateur, ils sont publics.

-­‐ Coût

Il tient au fait que l’inscription elle-même génère des frais, qui sont supportés par le débiteur. C’est l’addition des frais du notaire et des frais liés à la mesure de publicité qui font que l’hypothèque est onéreuse.

B. La voie de la mention marginale

L’article 5 de la loi hypothécaire nous répond. Une fois que l’hypothèque a été constituée, et une fois qu’il y a eu inscription, certains événement surviennent pendant la durée de vie de l’hypothèque et ces événements sont considérés comme devant être portés à la connaissance des tiers, car ceux-ci doivent déterminer qui est bénéficiaire de l’hypothèque, certains éléments doivent être portés à la connaissance des tiers.

-­‐ Cession de créance à laquelle est attachée l’hypothèque :

• Principe Le 1er événement repris par le législateur, c’est l’hypothèse ou la créance hypothécaire viendrait à être cédée. On est dans un cas de figure où il existe, entre le débiteur et le créancier, une créance ; le débiteur est propriétaire d’un immeuble et cet immeuble est grevé d’une hypothèque. La créance est donc hypothécaire car est garantie par la constitution d’une hypothèque. La créance qui lie le débiteur et le créancier peut faire l’objet d’une cession. Le créancier peut céder sa créance à un cessionnaire qui va devenir le créancier. La créance ne se trouve plus dans le patrimoine de C1 car elle a été cédée à C2. Les

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créanciers de C1 (C3, C4, C5 et C6) doivent être informés que la créance, qui est un élément qui a une certaine valeur dans le patrimoine de C1, ne se trouve plus dans le patrimoine de C1 mais se trouve dans le patrimoine de C2. Quand il y a cession d’une créance hypothécaire, elle doit faire l’objet d’une mention dans la marge du registre.

• Ne pas confondre La mesure destinée à informer les tiers qui pourraient se trouver en conflit avec C2 avec la formalité organisée par le législateur à l’article 1690. La cession de créance hypothécaire doit faire l’objet d’une notification au débiteur cédé. L’idée de 1690, c’est qu’il faut que le débiteur soit informé de ce que la créance a changé de patrimoine et de ce que ce n’est plus à C1 qu’il doit payer, mais à C2. Un double formalisme doit être respecté : 1690 Code civil et article 5 loi hypothécaire.

-­‐ Application des règles de la subrogation : Un tiers est subrogé dans les droits de C1. La subrogation doit également faire l’objet d’une mesure d’information des tiers pour que tout le monde sache que ce n’est plus C1 le créancier hypothécaire, mais quelqu'un qui s’est subrogé à lui. Exemple : le créancier C1 bénéficiait non seulement d’une hypothèque, mais il avait aussi pris soin de solliciter du débiteur la constitution d’une caution. Donc le créancier C1 bénéficiait d’une hypothèque et de l’intervention d’une caution. Voilà la caution qui paie la dette principale du débiteur. Une fois que la caution a payé C1 à la place du débiteur, la caution est subrogée dans les droits de C1, cette subrogation fait l’objet d’une mention marginale.

-­‐ Mise en gage d’une créance au profit d’un créancier gagiste La créance hypothécaire, qui est une créance qui appartient à C1, est mise en gage au profit d’un créancier gagiste. La mise en gage d’une créance doit faire l’objet d’une mention dans le registre des inscriptions.

-­‐ La cession de rang hypothécaire

• Principe

Une inscription est prise, le créancier prend rang le jour de son inscription. Comme un bien peut être grevé de plusieurs hypothèques, les créanciers seront classés en fonction de la date de constitution d’hypothèque. La cession de rang, c’est l’interversion de rang entre A et B. Si A avait le rang numéro 1, et B le rang numéro 2, la cession de rang fait que B a le rang 1 et A le rang 2. C’est juste un changement de rang, ils sont titulaires de la même créance, pour le même montant. C’est un contrat innommé qui se noue entre A et B. Celui qui cède son rang 1 se trouve dans une situation moins bonne. Cette cession de rang doit être portée à la connaissance des tiers.

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• But

Pourquoi le législateur a-t-il entendu que la cession soit effectivement portée à la connaissance de tiers ? S’il a souhaité cette information, c’est pour éviter la survenance d’un certain type de fraudes. Imagions 2 créanciers qui intervertissent leur rang. Après l’échange de rang, le créancier qui était bien placé cède sa créance à un cessionnaire. Ce dernier consulte le registre du conservateur des hypothèques et pense avoir un rang n° 1. Ensuite, il apprend qu’il y a eu interversion de rang et qu’il n’est plus en position 1. Pour éviter de frauder les droits de tiers, il a été décidé que l’interversion de rang ne serait opposable que moyennant publicité.

• Quand une permutation a lieu entre A et B, il faut se rendre compte que ce n’est qu’une permutation de rang.

Les montants garantis à chaque niveau ne se trouvent pas modifiés. Le cessionnaire (qui se place en rang numéro 1) va exercer ses droits dans une double limite : la limite du plafond fixé pour l’ancien créancier numéro 1 et la limite de son propre positionnement. Exemple : A et B sont deux créanciers, A est au rang 1, B au 2. La créance de A est de 150.000, celle de B est de 200.000. Cession de rang. On a donc B qui est en 1ère position, et A qui est en 2ème position. B, en 1ère position, est créancier de rang numéro 1, mais ne sera créancier de rang numéro 1 qu’à concurrence de 150.000€. La créance garantie par le rang 1 reste une créance de 150.000€. En cas de cession de rang, le cessionnaire exerce ses droits dans une double limite : il doit tenir compte du montant de sa propre créance et du montant de la créance du cédant. §5. Les effets de l’hypothèque

A. Avant l’intentement de l’action hypothécaire Le débiteur reste propriétaire de son immeuble et il va pouvoir se comporter pratiquement comme peuvent le faire tous propriétaires. Que peut encore fait le débiteur (celui qui a constitué l’hypothèque ?)

1. Aliéner son immeuble Il est resté propriétaire de son immeuble, il peut décider de le vendre. La situation du créancier ne sera pas détériorée par cette vente car il bénéficie d’un droit de suite. 2. Constituer une nouvelle hypothèque sur l’immeuble : Il en a constitué une au bénéfice du 1er créancier, il peut continuer à grever son immeuble d’une hypothèque. Ca ne porte pas préjudice aux droits du 1er créancier car ils ont été garantis par l’inscription.

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3. Le débiteur peut-il grever son immeuble d’un droit réel démembré ? Oui il peut grever des droits réels démembrés sur son immeuble. Il peut constituer, par exemple, une superficie sur son immeuble car il est propriétaire. On se souvient juste à ce niveau que la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 juin 2001 précise toutefois que la constitution d’un droit démembré dans l’hypothèse du droit de superficie ne doit pas porter préjudice aux droits du créancier hypothécaire qui maintiendra ses droits sur l’ensemble de l’immeuble et non sur le seul tréfonds qui resterait sur les épaules du constituant. 4. Les fruits

Le propriétaire continue-t-il à percevoir les fruits de son immeuble ? Oui car il a la libre jouissance de son immeuble.

5. Les produits C'est-à-dire ce qui est généré par la chose de manière non périodique, ou emportant atteinte à la substance de la chose. Le législateur répond à la question à l’article 45 de la loi hypothécaire. L’exemple donné par le législateur correspond au fait que l’on va bénéficier des produits de l’immeuble. Il ne dit pas que le débiteur ne pourra plus procéder à ces coupes. Le législateur, si on étend la règle de l’article 45, considère que le propriétaire, le débiteur, peut continuer à percevoir les produits. Il faut relire attentivement l’article 45 pour se rendre compte que le débiteur peut continuer à percevoir les produits générés par la chose mais avec deux limites pour que le débiteur puisse continuer à percevoir les produits :

o L’exploitation doit être une exploitation normale d’après l’usage des lieux. Tant que l’on est dans de l’exploitation normale du bien, il n’y aucun inconvénient à ce que le débiteur exploite son bien. Si l’exploitation est anormale, c’est 1188 Code civil : atteinte portée aux sûretés du créancier, donc perte du bénéfice du terme.

o L’exploitation doit avoir débuté avant la constitution de l’hypothèque.

6. Le débiteur peut-il se séparer de biens que l’on qualifie d’immeubles par destination économique ? Les immeubles par destination économique sont des biens qui relèvent de l’assiette de l’hypothèque (cfr examen de l’article 45, supra). Un commerçant, qui a vu son immeuble grevé d’une hypothèque, peut-il encore vendre certains meubles devenus immeubles par destination économique ? On raisonne à propos des immeubles par destination économique de la même manière que celle qui a été adoptée à propos des coupes ordinaires, à propos des produits, en disant que tant que l’on reste dans le cadre de l’exploitation normale de l’activité, il n’y a pas d’inconvénient à ce que le débiteur se défasse de certains biens et ait un comportement d’exploitation

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normale. L’assiette de l’hypothèque est donc fluctuante en fonction de l’activité économique du débiteur.

7. Le débiteur peut-il grever son immeuble de baux ? Cfr article 45, dernier alinéa. Tant que l’on est avant la constitution de l’hypothèque, il n’y a aucun problème à ce que le propriétaire d’un bien grève son bien d’un bail comme il l’entend. Une fois que l’hypothèque a été constituée, le législateur que ce sont uniquement les baux contractés de bonne foi qui devront être respectés. Autrement dit, il y a certains baux qui ne devront pas être respectés. Lorsqu’un immeuble est grevé d’un bail, il s’agit d’un bien immobilier qui va être moins facilement vendable, qui va trouver moins facilement acquéreur que si le bien ne se trouve pas grevé d’un contrat quelconque. Le législateur s’est dit que tant que l’on est face à certains types de baux (les baux contractés de bonne foi), ils devront être respectés. Les baux de mauvaise foi ne devront pas être respectés, ils seront inopposables au créancier hypothécaire. Les baux de mauvaise foi sont contractés en fraude des droits dans le but de porter atteinte au droit du créancier ; ils sont conclus avec pour conséquence de sérieusement porter atteinte au droit du créancier.

Exemple 1 : on sent poindre la saisie, on sent poindre la mise en œuvre de l’action hypothécaire. Pour embêter le créancier, juste avant la saisie, on grève le bien d’un bail in extremis qui rend plus compliquée la vente du bien, qui permet moins facilement de trouver prix attractif.

Exemple 2 : le bail est conclu pour un loyer très faible. Dans ce cas, de nouveau, la situation du créancier va se trouver atteinte car qui va vouloir acheter un bien grevé d’un bail qui ne rapporte presque rien ? On peut trouver un amateur prêt à acheter un immeuble grevé d’un bail si le loyer est très avantageux. Quand des baux sont contractés dans des conditions anormales pour le créancier, ou qui sont contractées in extremis, on ne rentre pas dans l’appellation baux contractés de bonne foi. Quand ils sont contractés de bonne foi, le législateur ajoute une précision : lorsqu’ils sont de bonne foi mais pour une durée de plus de 9 ans, la durée sera réduite. Cette technique de la réduction est appliquée par le législateur dans les baux faits de bonne foi après la constitution d’une hypothèque, le bail sera considéré comme n’étant un bail que d’une durée maximale de 9 ans.

8. Que se passe-t-il si l’immeuble périt ?

-­‐ Par faute du débiteur : l’article 79 prévoit un dispositif similaire à 1188 du Code civil : perte du terme, le créancier peut réclamer au débiteur le remboursement intégral de la dette.

-­‐ Par cas fortuit : le débiteur sera admis à offrir un supplément d’hypothèque (article 79).

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B. Après l’intentement de l’action hypothécaire :

-­‐ Généralités Ce n’est pas parce que la dette vient à échéance que le créancier met illico l’hypothèque en route. Le créancier fait saisir l’immeuble grevé d’hypothèque, le met en vente, on a alors un produit.

-­‐ Titre exécutoire Le créancier ne peut faire saisir l’immeuble que s’il bénéficie d’un titre exécutoire, c'est-à-dire un titre revêtu de la formule exécutoire. Seuls les jugements et actes notariés peuvent être revêtus de la formule exécutoire. Pour saisir, il faut si ce n’est un jugement, à tout le moins un acte authentique (indiquant qu’une dette est due par le débiteur au bénéfice du créancier). On ne procède à une saisie que si l’on bénéficie d’un titre particulier.

-­‐ Le « tiers détenteur »

• Principe

Cette procédure d’exécution a lieu, que le bien se trouve dans le patrimoine du débiteur ou qu’il se trouve dans le patrimoine d’un tiers. Le bien peut se trouver dans le patrimoine d’un tiers pour deux raisons :

-­‐ soit parce que le débiteur a vendu ou a cédé le bien immeuble à un tiers (droit de suite),

-­‐ soit parce qu’on est dans une hypothèse de cautionnement réel, c’est un tiers qui a conféré une garantie au créancier en garantie du remboursement de la dette du débiteur principal.

Ce tiers, c’est celui que la loi hypothécaire appelle le tiers détenteur en principe. En réalité, le tiers est réellement propriétaire du bien, la notion de tiers détenteur n’est pas de plus heureuses, elle vise celui qui n’est pas le débiteur principal, celui qui en réalité est le propriétaire du bien. On trouve cette expression, par exemple dans l’article 99. Ce tiers détenteur qui voit son bien saisi peut adopter plusieurs attitudes. 03/12/10

• Attitudes adoptées par le tiers détenteur

Le tiers détenteur qui voit son bien saisi peut adopter plusieurs attitudes.

(a) Il peut payer la dette garantie par l’hypothèque et qui justifie la saisie. Il peut payer lui-même la dette en question, quitte à se retourner après contre le débiteur de la dette garantie. Il le fait s’il tient à l’immeuble, ou si le montant de la dette garantie est moins important que la valeur de l’immeuble.

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(b) Il peut aussi décider d’abandonner l’immeuble purement et simplement. A ce moment, l’immeuble est vacant, un curateur est désigné et aura pour mission de vendre le bien et de remplir le créancier hypothécaire de ses droits. Le souci du propriétaire qui opte pour cette formule, c’est de ne pas être mêlé à la saisie qui a lieu sur l’immeuble.

Que l’on soit dans un cas ou dans l’autre, la situation est toujours délicate pour le tiers. Mieux vaut donc de ne pas acheter un immeuble grevé d’une hypothèque.

• Positions de l’acheteur Quand une maison grevée d’une hypothèque est mise en vente, que peut faire l’acheteur ? Il peut avoir des réticences ç l’achat car l’immeuble est grevé d’hypothèque.

a. Le 1er réflexe à avoir, c’est de se dire qu’avec l’argent qui servira à acheter la maison, plutôt que de donner l’argent au vendeur, on le donne au créancier hypothécaire qui sera content de voir sa dette remboursée et il acceptera dans ce cas, sans difficulté, le dégrèvement de l’immeuble et la mainlevée de l’hypothèque. C’est fréquent qu’en pratique, lorsqu’une maison grevée d’une hypothèque est mise en vente et que le prix auquel la maison est mise en vente est supérieur au montant du, il y a un arrangement amiable entre le débiteur (vendeur), l’acheteur, le créancier hypothécaire.

b. S’il n’y a pas d’accord amiable en vue : ça peut se passer si le montant

du est supérieur au prix de la vente de la maison. Que peut faire l’amateur dans ce cas ? Soit il renonce à acheter, soit il achète et recours à la purge hypothécaire volontaire. c’est une procédure mise en place par le législateur, une procédure lourde car le législateur a tenté de respecter l’intérêt de toutes les parties. C’est un mode d’extinction de l’hypothèque qui grève un immeuble et ce mode d’extinction peut être utilisé par un acquéreur qui vient d’acheter une maison grevée d’hypothèque. Cette procédure est mise en route une fois que la procédure a eu lieu, mais avant que le prix ne soit payé. Il y a là un risque que court l’acheteur : tant que l’extinction n’a pas eu lieu, il est propriétaire d’une maison grevée d’hypothèque. L’acheteur peut très bien s’adresser au créancier hypothécaire et lui signale qu’il vient d’acheter la maison pour tel prix et lui signale aussi qu’il est prêt à lui payer à lui le prix d’achat de la maison si lui accepte, en contrepartie, de lever l’hypothécaire et donc de dégrever l’hypothèque. C’est l’acheteur qui a l’initiative de la procédure, il initie la procédure en s’adressant au créancier hypothécaire et en lui signalant le montant auquel il achète la maison.

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Que fait le créancier hypothécaire ? o Soit il se satisfait de l’obtention du prix (même s’il ne

couvre pas totalement la créance hypothécaire), o soit il ne se satisfait pas du prix. Dans ce cas, s’il estime ne

pouvoir accepter la proposition, c’est lui qui devra proposer de passer en vente publique. S’il n’accepte pas le prix, il doit demander que l’immeuble soit mis en vente publique.

Le créancier a le choix : soit il accepte le prix, soit il fait mettre le bien en vente publique. Dans ce 2ème cas, il devra au moins lui faire la 1ère enchère, et le montant de cette enchère doit être d’au moins 105% du prix initialement proposé par l’acheteur.

Cette procédure est longue et complexe, les acquéreurs n’ont généralement pas envie d’en arriver là. Dans la pratique, la formule de l’accord amiable est plus utilisée. §6. L’extinction de l’hypothèque L’extinction est développée à l’article 108 de la loi hypothécaire. On parle bien de l’hypothèque, de l’extinction de la sûreté, pas de la créance garantie par la sûreté (on parle du droit réel accessoire). Comme on l’a fait dans d’autres sûretés on peut voir deux modes d’extinction : soit une extinction par voie de conséquence, soit une extinction pour cause propre.

A. Extinction par voie de conséquence Une hypothèque est un droit réel accessoire qui garantit le paiement d’une créance. si la créance garantie est éteinte, par voie de conséquence, l’hypothèque prendra également fin et verra également son terme arriver. Si la dette principale est payée, l’hypothèque s’éteint. Le mode d’extinction de la dette principale importe peu (remise de dette, paiement conforme à l’exécution des obligations contractuelles, compensation,…).

B. Modes d’extinction pour cause propre

1. La renonciation :

-­‐ Principe

Le bénéficiaire d’une sûreté pour renoncer à la sûreté dont il bénéficie, le créancier peut renoncer au droit réel dont il est titulaire. Il y renonce pour toute une série de raisons, par exemple parce que la dette principale est quasiment épurée et qu’il bénéficie d’autres sûretés. Il se peut que le créancier renonce à son hypothèque, renonce à sa sûreté.

-­‐ Une renonciation au droit A propos de la renonciation à l’hypothèque, il ne faut pas confondre renonciation au droit avec le concept de mainlevée de l’inscription hypothécaire. La mainlevée de l’inscription hypothèque est l’opération inverse de l’inscription : l’inscription rend

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l’hypothèque opposable aux tiers, la mainlevée fait perdre à la sûreté son opposabilité aux tiers. On peut imaginer une situation de mainlevée sans situation de renonciation. Ca n’arrive jamais, car si on veut maintenir notre sûreté ça ne sert à rien de faire une mainlevée. Quand on a renoncé à la sûreté, le fait d’avoir renoncé à l’hypothèque n’entraîne pas mainlevée. Le propriétaire de l’immeuble a intérêt à ce qu’il y ait opération de mainlevée une fois que l’hypothèque est éteinte. Le débiteur veille souvent à ce qu’il y ait mainlevée, le créancier ne peut pas refuser d’accorder la mainlevée. S’il la refusait, il pourrait y avoir une action en justice intentée contre lui pour obtenir cette mainlevée. La mainlevée se fait par mention marginale.  

2. La purge

-­‐ La purge volontaire : cfr supra.

-­‐ Purges légales/virtuelles : le législateur lui-même accompagne certaines ventes, affecte à certaines ventes un effet de purge. C’est un effet libératoire et extinctif, le bien est dégrevé d’hypothèque.

Exemple : ventes sur saisie, ventes sur immeubles dépendant d’une faillite.

3. La dénonciation des hypothèques conclues à durée indéterminée En matière de droit des contrats, il existe un principe selon lequel on ne peut être infiniment lié par son contractant, les contrats à durée indéterminée doivent pouvoir être dénoncés. Par exemple, article 51bis de la loi de 1992 sur le crédit hypothécaire. Nous avons vu ça au début du cours, revenons sur cette idée. Lorsque l’hypothèque résulte d’une convention mais que cette hypothèque est consentie pour toute somme et pour une durée indéfinie, le débiteur doit pouvoir y mettre fin. Le législateur a effectivement, à l’article 51bis, érigé en principe l’idée de pouvoir dénoncer une hypothèque conclue à durée indéterminée La dénonciation ne vaut que pour l’avenir, et ne peut porter atteinte aux intérêts actuels du créancier. La dénonciation ne produit ses effets que pour le futur et pas s’il existe encore au moment de la dénonciation des dettes en cours. Ces dettes sont couvertes par l’hypothèque, il ne faut pas porter atteinte aux intérêts du créancier.

4. La prescription Article 108 loi hypothécaire. Il y a une série de délais à ne pas confondre, qui ne sont pas tous des délais de prescription :

-­‐ L’inscription de l’hypothèque La loi hypothécaire prévoit que l’inscription est périmée après un délai de 30 ans. Par « inscription », on entend opposabilité aux tiers. L’inscription est périmée après un

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délai de 30 ans, même si le droit d’hypothèque est encore valable, l’inscription périme. Si on veut éviter une situation d’inopposabilité aux tiers de la sûreté, il faut veiller, avant que l’inscription ne soit périmée, à demander le renouvellement de l’inscription pour maintenir l’effet d’opposabilité aux tiers. Il faut demander renouvellement avant que l’inscription ne soit périmée. Si on le demande après, si on a laissé périmer l’inscription, c’est techniquement possible mais le rang de l’hypothèque sera déterminé en fonction de la nouvelle date d’inscription.

-­‐ Le délai de prescription de la créance garantie La créance garantie par l’hypothèque dispose, elle-même, d’un délai. En principe, c’est 10 ans, mais il y a beaucoup d’exceptions. Chaque créance vient aussi éventuellement à s’éteindre au bout d’un certain temps. Mais ce délai dans 10 ans est susceptible de causes de suspension et de ??

-­‐ Le droit d’hypothèque en tant que tel se prescrit par 30 ans Ce délai de prescription du droit d’hypothèque, de 30 ans¸ ne peut être invoqué » que par l’acquéreur de l’immeuble grevé d’hypothèque. Le débiteur consent une hypothèque sur un bien dont il est propriétaire, après constitution de l’hypothèque, le bien est vendu à un acquéreur. C’est ce dernier qui va pouvoir, au bout de 30 ans, invoquer l’extinction de l’hypothèque par prescription si on venait à saisir le bien dans son patrimoine (article 108 5°, alinéa 3 loi hypothécaire). On parle de tiers détenteur, c'est-à-dire du propriétaire de l’immeuble grevé. Le temps requis pour la prescription la plus longue, c’est 30 ans. Si on lit le 5°, alinéa 2, on voit que le législateur dit autre chose. il y a là une extinction qui est fonction de l’extinction de la dette principale.

5. L’annulation Certaines hypothèques sont une convention

6. La perte du droit immobilier grevé d’hypothèque La durée du droit démembré détermine la durée de l’hypothèque. L’extinction du droit immobilier grevé provoque également l’extinction. Section 2 : Les privilèges spéciaux sur immeubles Les principes généraux immobiliers, on les a vus avec l’analyse de l’article 19. A l’article 27 de la loi hypothécaire, on voit des privilèges sur immeubles, l’assiette de l’hypothèque est constituée par un immeuble. Bien entendu, puisqu’on est en matière de privilège, il y a toujours une créance garantie et une assiette. §1. Caractéristiques Les privilèges immobiliers nécessitent une forme de publicité, tandis que les privilèges mobiliers ne requièrent pas de formalisme particulier.

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L’article 27 contient plusieurs privilèges immobiliers, on va en examiner deux : le privilège du vendeur et le privilège de l’entrepreneur. §2. Analyse de deux privilèges

A. Le privilège du vendeur d’immeuble :  

-­‐ Généralités Le législateur en parle à l’article 27, 1°. La créance garantie est la créance de prix, + les accessoires. L’assiette, le bien grevé de ce privilège, c’est l’immeuble vendu. Quelle est la mesure de publicité qui doit être accomplie ? Le législateur envisage la question aux articles 30 et suivants. Le législateur explique comment ce privilège sera porté à la connaissance des tiers. Il explique comment rencontrer cette exigence de publicité. Ce que le législateur dit à l’article 30, c’est que le vendeur conserve son privilège par la transcription du titre qui a transféré la propriété.

-­‐ Observations  

a. Mentions contenues dans le titre Le législateur, dans cet article 30, dit qu’il y a transcription du titre qui a transféré la propriété, c'est-à-dire la transcription de l’acte de vente. Or, les ventes ne sont opposables aux tiers que s’il y a eu transcription. Il ya deux effets alors : opposabilité aux tiers, et formalisme de publicité accompli. Les créances garanties doivent être identifiées dans le titre translatif de propriété. Le titre doit donc comporter certaines mentions. b. Article 34 Il peut sembler curieux. la transcription vaut inscription. C’est effectivement la transcription qui vaut mesure de publicité, du moment que la transcription est opérée, le vendeur pourra opposer son privilège aux tiers. Mais que doit faire le conservateur des hypothèques quand il a reçu l’acte soumis à inscription ? Il doit lui-même mentionner dans le registre des inscriptions l’existence du privilège. Il doit donc faire une 2ème étape : d’abord il opère la transcription et ensuite, dans son registre des inscriptions, note le privilège immobilier. Le tiers qui consulteraient le registre des inscriptions auront une vue complète de toutes les charges qui grèveraient l’immeuble. C’est le conservateur des hypothèques qui s’occupe de la transcription. S’il ne le fait pas et que les intérêts de l’une des parties sont atteints, la responsabilité du conservateur est mise en cause.

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c. Article 36 Le vendeur, qui a vendu le bien, peut, s’il le souhaite, prendre la décision de renoncer à son privilège immobilier. le vendeur bénéficie peut-être d’autres sûretés ou bien n’a-t-il pas besoin de bénéficier de ce privilège particulier. Le vendeur peut donc renoncer à cette mesure particulière que le législateur a prise en sa faveur. S’il devait renoncer, une conséquence particulière serait attachée à cette renonciation. Cette conséquence a un lien avec ce qui a été dit précédemment. Quel est l’effet produit par la renonciation du vendeur au privilège immobilier que lui confère le législateur ? L’article 36 alinéa 2 nous répond : il sera déchu du privilège et de l’action résolutoire. Il y a inopposabilité aux tiers des effets de l’action résolutoire.

Exemple : un propriétaire d’immeuble le vend à un acheteur et, au moment de la vente, le vendeur renonce à son privilège et dispense le conservateur de prendre l’inscription d’office, comme l’article 36 l’autorise. Le prix de vente n’est toujours pas payé. Alors que le prix n’est pas payé mais que l’acheteur est devenu propriétaire, l’acheteur revend l’immeuble à un tiers. Le tiers est content car il a fait ouvrir par le conservateur le registre et n’y a vu aucune charge grevant l’immeuble. Le vendeur initial attend le paiement du prix de vente jusqu’au jour où il perd patience car l’acheteur ne le paie pas, il décide donc d’introduire une action en résolution de la vente (celle pour laquelle le prix n’a pas été payé). La résolution est prononcée par le juge : effet de la résolution, retour du bien dans le patrimoine du vendeur car l’anéantissement a un effet rétroactif. L’acquéreur perd le bien, car il retourne dans le patrimoine du vendeur d’origine. C’est précisément pour éviter ce genre de situations que le législateur prend soin de préciser que quand un vendeur renonce à son privilège, les conséquences d’une éventuelle action en résolution ne pourront pas être opposées au tiers, le tiers est donc protégé grâce à cet article. On doit mettre cet article en lien avec l’article 28 de la loi hypothécaire, on a parlé, supra, des mécanismes que le législateur a mis au point pour protéger les acquéreurs des conséquences négatives d’une disparition rétroactive du droit de propriété dans le patrimoine d’un acheteur. Quand une action en résolution est introduire, cette action ne peut pas porter atteinte aux droits des tiers quand il y a eu déchéance du privilège immobilier. Les tiers concernés par ce mécanisme de l’article 36, ce sont les tiers sous-acquéreurs, qui ont acquis un droit réel, mais ce sont aussi les créanciers hypothécaires (ça serait terrible pour eux de voir le bien retourner dans le patrimoine d’une personne qui n’est plus leur débiteur).

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B. Le privilège des entrepreneurs Article 27, 5° de la loi hypothécaire attache une sûreté à la créance due par le maître d'ouvrage à l’entrepreneur. Il ne faut pas confondre ce privilège, qui est un privilège immobilier, avec le privilège de l’article 20, 12° qui est un privilège mobilier, qui grève une créance.

1. Pourquoi le privilège est-il qualifié de privilège immobilier ? Car l’assiette du privilège est constituée, non pas de l’ensemble de l’immeuble dans lequel les travaux ont été effectués, mais de la plus-value que les travaux ont apporté à l’immeuble.

2. Comment déterminer la valeur des travaux de manière exacte ? Comment déterminer la plus-value sur laquelle l’entrepreneur peut faire valoir des droits ? C’est ici que les choses se compliquent. En pratique, ce n’est pas aisé. Voilà pourquoi ce privilège n’est pas souvent invoqué. Au moment où l’entrepreneur entame les travaux (il doit déjà penser à la mise en œuvre de son privilège alors qu’il n’est qu’à l’entame de ses travaux !), l’entrepreneur doit veiller à faire établir un procès-verbal décrivant l’immeuble dans lequel il va travailler. Quand il a fini ses travaux, il fait la même chose et on compare les deux PV. Ce privilège n’est pas si facile à invoquer puisqu’il faut avoir pensé à avoir fait les 2 PV. En outre, il y a un formalisme publicitaire : comment rendre ce privilège public ?

3. Publicité Il faut faire inscrire les fameux procès-verbaux (article 38 loi hypothécaire). C’est assez lourd, ce privilège est peu invoqué en pratique. Section 3 : Examen de quelques règles de conflit §1. Conflits entre deux créanciers hypothécaires sur un même immeuble Deux créanciers hypothécaires sont en conflit sur un même immeuble, on regarde les dates d’inscription (et non de constitution) dans le registre des hypothèques et le 1er en date gagne. Si d’aventure, les deux créanciers ont fait inscrire le même jour, le partage se fait en proportion du montant des créances (règle de l’égalité des créanciers, article 81 loi hypothécaire).

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§2. Créancier hypothécaire et titulaire d’un privilège La règle générale, les privilèges priment les hypothèques. Mais il y a quand même, dans quelques cas, des exceptions à cette règle qui soit sont prévues par le législateur, soit s’expliquent par la philosophie d’un régime.

A. Créancier hypothécaire et créancier titulaire du privilège du vendeur immobilier

L’immeuble vendu est l’immeuble grevé d’hypothèque.

1. Règle générale Les privilèges priment les hypothèques. On applique cette règle dans presque tous les cas. Je suis propriétaire d’un immeuble et je décide de ne plus rester propriétaire et de vendre l’immeuble. Je vends l’immeuble et mon acheteur ne m’a toujours pas payé le prix, on va peut-être devoir invoquer le privilège. L’acheteur consent une hypothèque sur le bien qu’il vient d’acheter. Quelques temps après, aucune des deux dettes n’est payée (ni le prix de vente de la vente immobilière, ni la créance). On doit répartir l’argent entre vendeur et créancier hypothécaire. on satisfait d’abord le vendeur et ensuite, s’il reste de l’argent, on le donne au créancier hypothécaire (un banquier par exemple). C’est bien le vendeur qui prime le créancier hypothécaire, y compris si l’acte d’acquisition devait avoir fait l’objet d’une transcription postérieurement à l’inscription d’une hypothèque. Les mesures de publicité des deux opérations (vente et constitution d’hypothèque) ont des mesures de publicité. Mais ce n’est pas les dates d’accomplissement des mesures qui sont utilisées pour régler les conflits car les privilèges priment les hypothèques.

2. Exception Il y a une situation dans laquelle on n’applique pas cette règle, si l’hypothèque est d’abord constituée et qu’ensuite, le propriétaire de l’immeuble vend celui-ci à un tiers. La situation est inverse : le propriétaire consent une hypothèque sur son immeuble à un banquier et, après avoir consenti l’hypothèque, il vend son immeuble à un tiers qui ne paie pas le prix. Dans ce cas, quand c’est d’abord l’hypothèque qui a été constituée et ensuite l’immeuble fait l’objet d’une vente, on n’applique pas la règle les privilèges priment l’hypothèque. Si on l’appliquait, le vendeur relèguerait en 2ème position le créancier hypothèque qui est précisément celui qui s’est vu conférer une sûreté par ce propre vendeur.

B. Créancier hypothécaire et entrepreneur qui a fait des travaux sur l’immeuble Les améliorations tombent dans l’escarcelle du créancier hypothécaire (article 45 loi hypothécaire). Dans ce cas là, les privilèges priment les hypothèques, l’entrepreneur passe avant le créancier hypothécaire. Il n’y a pas d’injustice car quand l’hypothécaire a été constituée, le créancier n’a aucune raison de compter sur des améliorations.

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C. Créancier hypothécaire et privilège des frais de justice Les privilèges priment les hypothèques. Attention à la relativité du privilège des frais de justice ! Pour que celui qui a engagé les frais de justice soit prioritaire, il faut que l’intervention de celui qui a engagé les frais soit bénéfique pour le créancier hypothécaire.

D. Hypothécaire et privilège de l’assureur Les privilèges priment les hypothèques. Cfr la partie du cours sur le privilège de l’assureur.

E. Hypothécaire et vendeur d’effet mobilier Un conflit est-il possible ? L’hypothèque grève un immeuble, comment peut-on avoir un conflit avec un privilège sur meuble ? Mais on peut se souvenir de l’extension en cas d’immobilisation par destination : maintien du privilège du vendeur mobilier si des conditions sont remplies. On règle ce conflit par : les privilèges priment les hypothèques.

F. Hypothèque et privilèges généraux sur meuble On règle d’abord le sort des privilèges hypothécaires. ??

G. Le créancier hypothécaire et le créancier gagiste sur fonds de commerce On applique ici la règle de l’antériorité des mesures publicitaires car on a deux sûretés qui sont toutes deux soumises à publicité. Le conflit pour survenir car il y a des deux côtés des immeubles par destination économique.

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PARTIE   III  :   LES   SURETES  

PERSONNELLES   Dans les sûretés personnelles, on est dans une optique différente : le créancier veut obtenir un 2ème débiteur. Ce qui est accroché au débiteur, c’est un patrimoine généreusement garni. Est-ce mieux d’avoir une sûreté personnelle ou réelle ? On ne sait répondre à cette question. Avoir une sûreté réelle c’est bien si on est bien placé, avoir une sûreté personnelle c’est bien aussi mais s’il n’y a rien dans le patrimoine du 2ème débiteur, ça ne sert à rien. On ne doit pas perdre de vue que dans l’hypothèse des sûretés personnelles, c’est que tout le patrimoine du 2ème débiteur qui risque d’être saisi en cas de problème. On est dans, pour résumer les choses, quand on est en présence d’une sûreté personnelle, en-dehors de la règle selon laquelle le patrimoine du débiteur est le gage commun des créanciers. La caractéristique des sûretés personnelles est qu’elles créent toutes un nouveau lien obligationnel, un nouveau droit de créance entre le créancier et le nouveau débiteur. On a un créancier et un débiteur (débiteur principal) ; et le créancier demande à un autre débiteur de s’engager (par exemple la caution dans le cadre d’un cautionnement). Quand on créé une sûreté personnelle, on créé un nouveau lieu obligationnel qui est soumis au droit des contrats et à la théorie générale des obligations. On retrouve, dans l’analyse des sûretés personnelles, des mécanismes propres au droit des contrats et des obligations. Ce qui est caractéristique aussi des sûretés personnelles, c’est non seulement la création d’un nouveau lien de droit, mais le contexte général est toujours celui d’une relation triangulaire : créancier, débiteur principal, débiteur caution. Ce nouveau lien qui est créé par la sûreté, c’est un lien qui va subir des influences du fait de l’existence de la 1ère relation (créancier – débiteur principal). Selon les formes de sûretés personnelles (cautionnement, solidarité, garantie à 1ère demande,…), le détachement d’un lien vis-à-vis de l’autre sera + ou – fort. On peut avoir un phénomène d’abstraction, où on tente de se séparer le plus possible du rapport de base, c'est-à-dire s’en séparer au point que le nouveau débiteur ne pourra plus invoquer d’exceptions tirées du rapport initial. Le débiteur numéro 2 est un débiteur qui, s’il doit s’exécuter, sera toujours en train d’exécuter la dette du débiteur principal qui serait défaillait. Le débiteur numéro 2 paie la dette d’autrui. La notion de subrogation personnelle trouve à s’appliquer dans la matière qui nous intéresse ici. On a une subrogation personnelle quand on paie la dette d’autrui (1291 Code civil). il ne faut pas confondre avec les subrogations réelles !

Les sûretés personnelles sont, pour la plupart, d’origine conventionnelle. C’est souvent une convention des parties qui est à l’origine du mécanisme. Mais le nouveau lien obligationnel créé, le lien entre le débiteur numéro 2 et le créancier, peut, dans certains cas, être établi par le législateur lui-même.

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CHAPITRE 1 : LE CAUTIONNEMENT ET LA SOLIDARITE Section 1. Le cautionnement de droit commun §1. Définition et caractères du cautionnement

A. Définition : Le cautionnement est un contrat par lequel une personne, que l’on appelle la caution (débiteur numéro 2) s’oblige vis-à-vis du créancier à payer la dette d’une autre personne (le débiteur principal), pour le cas où le débiteur principal ne s’exécuterait pas. L’article 2011 du Code civil donne une définition qui lui est propre.

B. Caractères

-­‐ CONTRACTUEL  

• Principe

La définition le dit clairement, le cautionnement est un contrat conclu entre la caution et le créancier. Le débiteur principal est étranger, tiers au contrat de cautionnement. Il pourrait même éventuellement ignorer l’existence de ce contrat en question. Puisque le cautionnement est un contrat, il faut donc un accord de volonté des deux parties : le créancier et la caution. Ce contrat en question est un contrat qui, la plupart du temps, est un contrat unilatéral, qui ne génère des obligations que dans le chef d’une des parties (la caution, qui s’engage à payer si le débiteur principal est en défaut d’exécution). Le cautionnement est un contrat y compris lorsque le cautionnement est exigé par un juge ou par le législateur. Le fait que, dans certaines situations, le législateur impose la constitution d’un cautionnement ne porte pas atteinte au caractère contractuel du cautionnement. Exemple : à l’ouverture de l’usufruit, il faut fournir une caution au propriétaire (article 601 Code civil). On parle de cautionnement légal mais ça reste un contrat, il faut un accord de volonté entre la caution et le créancier.

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• Observations

(a) L’obligation générée par le cautionnement est distincte de l’obligation garantie.

Ca a deux conséquences de ce caractère distinct de l’obligation :

-­‐ Premièrement, on peut imaginer que chaque lien est soumis à un droit distinct. Les parties peuvent décider de soumettre à des droits distincts chaque obligation.

-­‐ Deuxième conséquence : la caution ne va pas pouvoir opposer vis-à-vis de son créancier, dans la relation entre la caution et le créancier, des exceptions qu’elle viendrait tirer de sa relation avec le débiteur principal. Si on avait une relation contractuelle entre la caution et le débiteur principal, la caution ne pourrait pas, pour refuser de payer vis-à-vis du créancier, invoquer des exceptions tirées de sa relation avec le débiteur principal.

Exemple : entre le débiteur principal et la caution, se noue un contrat, la caution étant par exemple une banque. La banque accepte, par le biais d’une convention (un contrat innommé) vis-à-vis de son client (le débiteur principal) de se porter caution vis-à-vis du créancier. La banque fait ça dans l’exercice de son activité et ne fait pas ça gratuitement, elle s’engage moyennant le paiement d’une commission. Cette commission n’est pas payée, la banque ne pourra pas tirer argument du fait que la commission n’a pas été payée pour refuser de s’exécuter vis-à-vis du créancier. La caution ne peut pas tirer des exceptions de sa relation vis-à-vis du débiteur principal pour refuser un paiement au créancier. La caution ne peut pas tirer d’exceptions, mais elle ne peut même pas invoquer la survenance de quelque événement malheureux que ce soit. Elle ne peut invoquer d’événement survenu dans sa relation avec le débiteur principal. Exemple : le débiteur principal est marié avec la caution, monsieur est débiteur principal et madame s’engage comme caution parce qu’elle est l’épouse de monsieur. Plus tard, ils divorcent et la caution ne veut plus payer pour les dettes de son ex-conjoint. La caution ne peut invoquer son divorce pour refuser de s’exécuter. Exemple : le débiteur principal est une PME, la caution est le gérant de cette société. A un moment donné, cette personne quitte la PME. Elle ne pourra pas, si elle est actionnée par le créancier, invoquer les aléas qui sont survenus dans sa relation avec le débiteur principal. Les liens sont bien distincts, on ne peut mêler les deux opérations.

(b) Le contrat de caution est un contrat unilatéral, il ne créé en principe d’obligations qu’à charge de la caution.

On dit « en principe » car c’est contractuel, les parties peuvent prévoir autre chose. Ca a au moins deux conséquences :

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-­‐ Sur le plan probatoire

On connait les articles 1325 (contrat synallagmatique) et 1326 (contrat unilatéral) du Code civil (règle du double original et formalité du bon pour). Le contrat de cautionnement, on n’applique donc pas la règle de l’article 1325 mais bien la règle du 1326. La règle du double original ne s’applique pas, mais bien la formalité du bon pour. La promesse sous seing privé par laquelle une seule partie s’engage à verse une somme d’argent doit être écrite en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou bien, version alternative, il faut qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon portant en toutes lettres la somme qui est due. Cette formalité s’applique au cautionnement. A propos de cette formalité du bon pour, article 1326 : cet article s’applique aux contrats unilatéraux mais il y a 4 exceptions à cet article qui trouvent à s’appliquer dans le cadre du cautionnement. Premièrement, que fait-on lorsque dans un seul instrumentum, on trouve à la fois un contrat unilatéral et une convention synallagmatique ? Quand, dans un même document, on trouve une convention qui donne lieu à 1326 et une autre qui donne lieu à l’application de 1325 ? Cumule-t-on les deux exigences ou l’une l’emporte ? Traditionnellement, on dit que 1325 suffit et que le bon pour ne doit pas être respecté. Ceci vaut lorsque, dans le même instrumentum, la convention synallagmatique et le contrat unilatéral sont liés. Si on a, dans un seul document, toutes les parties qui signent la même opération, on peut se satisfaire de 1325. Seconde exception : elle figure dans le texte de l’article 1326, à l’alinéa 2. On y excepte le cas où l’acte unilatéral émane d’un marchand, d’un commerçant. Quand c’est un commerçant qui s’engage comme caution, 1326 ne s’applique pas. Petite discussion en doctrine : est-ce que le texte s’applique dans tous les cas où un commerçant se porte caution, ou bien ne s’applique-t-il que quand le commerçant agit dans le cadre de son commerce ? Si le commerçant agit à des fins privées tombe dans l’exception ? Il y a une divergence de vue entre les auteurs, il vaut peut-être mieux respecter 1326 par prudence. Certains auteurs disent que le texte est clair et vise les commerçants, donc pourquoi distinguer s’il agit dans le cadre de ses fonctions ou non ? D’autres disent que le législateur a voulu permettre une certaine sévérité dans les affaires commerciales, où il faut une souplesse de forme, aucun obstacle à la vie des affaires. Donc l’exception ne vaudrait que dans la vie des affaires. Troisième exception : 1326 dit qu’il faut, en toutes lettres, écrire ou mentionner la somme pour laquelle on s’engage. Que se passe-t-il quand on ne connaît pas le montant de la dette principale ? Quand le montant est indéterminé ? La règle du bon pour ne s’applique pas (Cour de cassation, 26 février 1993). Par contre, si on s’engage dans les limites d’un plafond, le plafond doit être mentionné.

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Quatrième exception : 1326 s’applique quand une partie s’engage, autrement dit s’engage aux actes par lesquels une partie s’engage à payer quelque chose. On se place au moment où l’engagement est contracté, quand l’instrumentum formalise l’engagement que les parties nouent entre elles. La formalité ne s’applique qu’aux actes qui créent le contrat unilatéral. Si le contrat est déjà formé et qu’après, on rédige l’instrumentum et on fait un instrumentum postérieur, 1326 ne s’applique pas. Si on ne respecte pas 1326, l’instrumentum ne pourra pas valoir comme preuve de l’engagement conclu entre parties, mais pourra valoir comme commencement de preuve par écrit

- Contrat à titre gratuit

Comme la caution est la seule à prendre un engagement, on a tendance à qualifier le contrat de cautionnement de contrat à titre gratuit. La caution s’engage à faire quelque chose mais le créancier ne la rémunère pas. Si un salaire devait être fixé entre caution et créancier, il ne serait plus unilatéral, ni à titre gratuit. C’est difficile à imaginer, et si ça existait on ne serait plus dans un contrat de cautionnement mais, par exemple, dans une convention d’assurance solvabilité. Il ne faut tout de même pas croire que l’opération conclue entre parties est une opération qui est purement libérale. Gratuité ne signifie pas, dans ce contexte, libéralité. Les choses peuvent s’expliquer de diverses manières. Ce n’est pas parce que la caution ne reçoit rien du créancier et que le contrat est un contrat à titre gratuit que l’œuvre de la caution est une œuvre de bienfaisance. On se rend compte, notamment quand les cautions sont professionnelles, qu’elles se font parfois rémunérer, non pas par le créancier, mais bien par le débiteur principal. C’est souvent dans la relation entre le client et la banque, entre le débiteur principal et la caution, qu’on trouve un élément financier. Donc il est rare en tout cas quand la caution est professionnelle, que l’engagement de la caution sont totalement désintéressé. Même quand la caution n’est pas professionnelle, le cautionnement peut s’expliquer car elle peut avoir des intérêts dans l’activité du débiteur principal. Exemple : l’époux s’engage pour l’entreprise de son épouse, la caution a bien entendu tout intérêt à ce que l’activité du débiteur principal soit florissante. La gratuité est loin d’être une pure libéralité.

• Le contrat de cautionnement est consensuel Il n’est soumis à aucune forme (1325 et 1326 sont des questions de preuve). Si on lit l’article 2015 du Code civil, on peut être étonné car le législateur dit que le cautionnement ne se présume point, il doit être exprès. Ce que veut dire le législateur, c’est que le consentement des parties doit être certain. Il peut être tacite, il peut se déduire des circonstances, d’une manifestation de volonté non équivoque, mais il faut que l’on soit certain, que la caution se soit engagée, le cautionnement pouvait avoir des conséquences importantes.

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• Le contrat de cautionnement est un contrat de nature civile ou commerciale Selon que la caution s’engage dans le cadre de ses activités privées ou commerciales. L’important est donc de voir si la caution agit dans le cadre de ses activités professionnelles à elle, autrement dit on peut dire que la nature de l’engagement de la caution ne dépend pas de la nature de l’obligation garantie. Ceci montre encore que les liens obligationnels sont distincts. Est-il important de savoir si on est dans le cadre d’un cautionnement civil ou commercial ? Oui car, sur deux points, les règles diffèrent. La 1ère règle, c’est qu’en matière commerciale la preuve est libre (1326 est écarté) et, 2ème règle, en matière commerciale, la solidarité est présumée. Ca a pour conséquence, dans l’opération de cautionnement qui nous intéresse, que si le contrat de cautionnement est commercial, le débiteur numéro 2 et le débiteur principal seront tenus de manière solidaire vis-à-vis du créancier, ce qui n’est pas le cas en matière civile. 10/12/10

-­‐ ACCESSOIRE La caution ne payera la dette que « pour le cas où le débiteur principal ne s’exécuterait pas ». Par conséquent, il se peut que la caution n’ait jamais à s’exécuter. Cela entraine quatre conséquences.

1. Le contrat de garantie n’existe que si le contrat principal a une obligation valable

 A. Nature de la nullité du contrat principal Cfr. l’art. 2012, al. 1. Lorsque l’obligation principale est entachée d’une cause de nullité, il faut distinguer si la nullité est absolue ou relative. Si la cause de nullité est absolue, tout tiers pourra invoquer l’annulation du contrat, en ce compris la caution, et le contrat de cautionnement disparaitra par voie de conséquence (puisqu’il est l’accessoire du contrat principal). Exemple : contrat conclu entre deux sociétés qui viole une obligation fondamentale du droit de contrsuction qui dit qu’on ne peut pas s’allier entre entrepreneurs et architectes. Quand le contrat est entaché d’une cause de nullité abolsue, tout tiers intéressé peut demander la nullité du contrat. Donc si la caution se rend compte que l’obligation principale cautionnée est entachée d’une nullité absolue, il peut demader au juge l’annulation de l’obligation principale. Si celle-ci tombe, le contrat de cuationnement tombe également à cause de cette règle de l’accessoire. Si la cause de nullité est relative, trois hypothèses sont envisageables.

-­‐ Soit le débiteur principal soulève la cause de nullité et obtient l’annulation du contrat principal. Dans ce cas, l’obligation principale et celle de la caution tombent.

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La personne concernée par l’obligation principale demande l’annulation de l’obligation principale donc elle sera annulée et le contrat de cautionnement va tomber.

-­‐ Soit le débiteur principal confirme la cause nullité, au lieu d’en demander l’annulation. Dès lors il solidifie la créance garantie. L’obligation garantie est alors valablement conclue et l’obligation accessoire est maintenue. Pas demandée par la partie protégée mais confirmée par cette personne. Elle renonce à la nullité et confirme son engagement : l’obligation sera censée être valable ab initio. Ainsi le contrat de cautionnement restera valable car viole pas l’article 2012.

-­‐ Soit le débiteur principal n’agit pas. Que fait la caution pour obtenir éventuellement l’annulation de l’obligation principale ? Les auteurs ne sont pas d’accord sur la manière d’aborder les choses dans ce cas de figure. Pour certains, majoritaires, la caution peut dans ce cas opposer les exceptions qu’elle tire du contrat principal1 et, partant, invoquer la cause de nullité qui affecte l’obligation principale. Pour d’autres (dont H. De Page), les nullités relatives peuvent uniquement être soulevées par les contractants, car elles sont destinées à protéger ceux-ci. La caution ne peut dès lors soulever la nullité. Il ne revient donc pas à la caution de soulever la nullité. La caution devrait s’exécuter car l’obligation est toujours valablement active entre les parties.

B. Exceptions Deux situations particulières nuancent l’idée selon laquelle quand l’obligation principale n’est pas valable le contrat de cautionnement tomberait. Dans ces deux cas, la caution reste tenue alors même que l’engagement principal aurait été annulé. Donc le créancier pourra s’adresser à la caution. Attention, malgré qu’il y ait parfois annulation de l’obligation principale, l’obligation de caution peut être maintenue dans deux cas particuliers. En vertu de l’article 2012, al. 2 Cc., la caution restera tenue lorsque l’obligation principale vient à être annulée en raison d’une cause d’annulation qui est strictement personnelle au débiteur principal. Le législateur vise très précisément le cas de la minorité, mais on l’étend à toutes les causes d’incapacité. La caution reste tenue alors que l’engagement principal est annulable ou annulé car la cause de l’annulation est une cause purement personnelle à l’obligé : au débiteur

                                                                                                               1 Règle de l’invocation des exceptions est une règle que certains auteurs tirent du Cc en agissant en lieu et place du débiteur.

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principal. La cause tient à la personne même du débiteur et l’obligation en serait annulable ou annulé à cause de ça. Le législateur donne l’exemple de l’obligation qui n’a pas été valablement conclue car conclu par un mineur en violation des règles sur la capacité. C’est purement personnel au débiteur. La caution restera ici valablement engagé. Cela vise toutes les incapacités de protection. Comment justifier cette règle particulière, qu’en raison d’une exception purement personnelle la caution subsiste malgré l’annulation de l’obligation principale ? Ce régime particulier s’explique par le fait que, dans ce genre de situations, le créancier sollicite l’intervention d’une caution précisément parce qu’il craint l’annulation du contrat principal. L’engagement de la caution n’apparait plus dès lors comme accessoire mais, ainsi que l’analyse De Page, il apparait comme principal. Ainsi, il est normal que l’obligation de caution ne tombe pas par voie de conséquence lorsque l’obligation principale est annulée. Le créancier prend ses précautions pour se prémunir d’une situation où l’obligation principale serait annulée. Ce n’est pas vraiment à une caution qu’il ferait appel mais en fait il fait carrément appel à un deuxième débiteur. Il demande à une deuxième personne d’intervenir comme codébiteur et pas comme caution même si on l’appelle comme ça. En réalité donc ce que demande le créancier c’est d’avoir un deuxième débiteur donc c’est la raison pour laquelle le deuxième débiteur resterait tenu alors que l’obligation principale serait annulée. On étend cette idée à toutes les autres exceptions et toutes les situations dans lesquelles c’est en réalité plutôt un deuxième débiteur que le créancier requiert plutôt que l’adjonction d’une caution. C’est ca la deuxième exception. Etendu à toutes les situations dans lesquelles c’est pour une protection que le créancier demande qu’un deuxième débiteur s’adjoigne au premier. La seconde exception est une extension des conséquences de la première : si celui qui s’engage comme caution ne connaissait pas l’incapacité du débiteur principal, il n’est pas logique d’analyser son engagement comme principal. Cette conséquence de la première exception a été généralisée à toute situation où la caution connait le vice affectant l’obligation principale : si la caution connait le vice, c’est que son engagement est davantage principal qu’accessoire.

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2. La caution va pouvoir opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette principale

A. Principe

L’article 2036, al. 1 qui énonce ce principe vise toutes les exceptions, qu’elles aient trait à l’existence ou à l’étendue de la dette, et non celles relatives à la personne du débiteur. On les oppose aux exceptions purement personnelles. Que sont ces exceptions inhérentes à la dette dont parle le législateur ? Ce sont toutes les exceptions qui tiennent à l’existence ou à l’étendue de la dette principale. Elles pourront être invoquées par le créancier pour refuser de s’exécuter en tout ou en partie. Ex. : la caution peut refuser de payer le créancier si elle invoque que la dette principale a déjà été payée ou, de façon plus générale, qu’elle se trouve éteinte. Plus précisément, la caution, grâce au caractère accessoire de son engagement, peut invoquer

-­‐ l’article 1281 Cc. (novation), -­‐ 1287 (remise de dette), -­‐ 1294 (compensation), -­‐ 1301 (confusion) et -­‐ 2038 (dation en payement).

Donc toutes les exceptions inhérentes à l’existence de la dette ou étendue de la dette (si elle a été exécuté partiellement ou remise de dette partielle). Elle peut également soulever l’argument de la prescription ou revendiquer le bénéfice des termes et délais octroyé par le créancier au débiteur principal. Selon certains auteurs, principalement français, la caution pourrait aller jusqu’à soulever l’exceptio non adimpleti contractus ou demander elle-même la résolution du contrat principal. Peut invoquer tout ce qui lui permettrait de ne pas s’exécuter. On estime que l’article 2036, al. 1 révèle le caractère accessoire du cautionnement. Le caractère accessoire est véritablement inhérent à l’esence même du contrat de cautionnement. Par conséquent, si on refusait d’octroyer le bénéfice de l’article à la caution, on se trouverait dans une situation où la caution ne serait plus accessoire, alors même que ce caractère est de l’essence du cautionnement. Les parties peuvent elles renoncer au bénéfice de cet article ? Non ! On ne peut renoncer à cet article car le caractère accessoire est de l’esence du contrat de cautionnement. Donc on ne peut renoncer à quelque chose qui tient à l’essence du contrat sous forme de ne pas respecter son essence.

             !  

 

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 170  

Si une clause générale écartant l’article 2036, al. 1 venait malgré tout à être conclue, elle devrait être réputée non écrite. Deux précisions peuvent être apportées.

B. Précisions D’une part, les Cours et Tribunaux admettent toutefois des renonciations ponctuelles, ciblées et limitées à 2036. Les parties pourraient donc insérer dans le contrat une clause particulière prévoyant que la caution ne peut invoquer telle exception, par exemple la dation en payement etc. on considère que ces clauses sont valables car elles ne sont que très limitées. D’autre part, si les parties devaient mettre dans leur contrat une clause qui met à l’écart 2036 al.1, dans certaines hypothèses, il y aurait quand même lieu de se demander si l’insertion de cette clause n’est pas le signe qu’elles n’ont pas voulu créer un cautionnement, mais une autre sûreté personnelle. Donc avant de réputer la clause non écrite, les magistrats ont pour mission d’interpréter la volonté des parties à ce niveau-là. Les parties ont peut-être voulu faire autre chose que le contrat de cuationnement. C’est peut-être qu’elles ne veulent pas créer un contrat accessoire si elles écartent certaines exceptions. Donc même si le nom s’appelle contrat de cautionnemen sur le papier, le juge n’est pas tenu si les éléments de l’espèce permettent de dire que ce n’est pas du cautionnement qu’elles ont voulu faire. Il existe des suretés qui n’ont pas un caractère accessoire. Exemple : garantie à première demande. Donc avant de dire que la clause est nulle car viole l’article, analyser l’article dans toutes ses clauses et exécution pour voiir s’il n’y a pas lieu de qulaifier autrement la relation contractuelle et qu’on sort en fait du champ du cautionnement au bénéfice d’autres règles.

C. Droit propre à la caution Droit de la caution d’opposer au créancier les exceptions qui découlent de la dette principale. Elle peut donc l’invoquer alors même que la cause n’a pas été invoquée par le débiteur principal lui-même. Exemple : le débiteur principal est assigné mais ne soulève pas la compensation. La caution peut le soulever en disant que comme la dette principale est éteinte, je ne dois plus m’exécuter. Droit d’invoquer les exceptions inhérentes à la dette principale. Le droit d’opposer une exception inhérente à l’obligation principale est un droit propre à la caution : c’est elle qui décide de l’invoquer ou non, peu importe que le débiteur principal ne l’ait pas lui-même soulevée. L’idée générale que traduit l’article 2036, al. 1 Cc. est l’idée selon laquelle le débiteur principal ne peut alourdir la situation de la caution, il ne peut rien faire qui vienne l’aggraver2.                                                                                                                2 Dans un arrêt du 20/04/1989, la Cour de cassation a déclaré que la caution n’était tenue que de la dette originaire. La caution doit en outre avoir la possibilité de contester le montant qui lui est réclamé par le créancier. Cela a été affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt récent du 18/09/2008, dont les faits étaient les suivants : des gérants avaient cautionné les engagements locatifs d’une société qui tomba en faillite. Le bailleur réclama les arriérés de loyers et la créance fut admise au passif de la faillite. Toutefois, la liquidation n’ayant pas suffit pour rembourser le bailleur, celui-ci assigna les cautions en payement. Les

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Le débiteur principale ne peut modifier la dette principale dans une mesure qui porte atteinte aux droits du créancier. Ainsi la caution n’est pas tenu d’une augmentation de la dette principale par exemple. Comme on dit que la caution peut invoquer les exceptions inhérentes à la dette, il faut lui laisser l’occasion d’invoquer les exceptions. Elle a le droit mais il faut lui laisser l’opportunité de se défendre et qu’elle soulèvent les exceptions inhérentes à la dette. La cour de cassation a appliqué cela dans un ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2008. Des gérants d’une société viennent cautionner les engagements locatifs d’une société. Dettes et obligations qui découlent d’un contrat de bail. Le débiteur principal est la société et elle fait faillite. Ce locataire avait laissé des loyers impayés donc le créancier introduit une déclaration de créance. Le bailleur déclare sa créance de loyer que le tribunal de commerce examine : le tribunal admet le montant de la créance au passif de la faillite. Que fait maintenant le bailleur ? Il introduit une deuxième procédure après celle en faillite. Il agit contre la caution. Le bailleur réclame le payement de la dette locative qui vient d’être admise au passif de la faillite mais donc pas encore honorée. Les cautions essayent de se défendre et invoquent des éléments pouvant aboutir à une dette différente. Ils disent qu’ils ne sont pas d’accord avec le chiffre invoqué (remise de dette, compensation partielle,…). Le tribunal dit attention, quand une dette a été admise au passif d’une faillite (quand il y a une amission d’une créance au passif d’une faillite) c’est un acte qui est révocable. Le tribunal doit admettre qu’il n’y a plus moyen de discuter la dette car mise au passif donc il condamne les cautions au montant mis au passif. Ils vont en cassation ; elle repart du principe selon lequel l’admission d’une créance au passif d’une faillite constitue en principe un acte juridique irrévocable. MAIS la cour ajoute que cette règle ne prive pas la caution, qui n’a pas été partie à la procédure d’admission, du droit de contester le montant de la créance. La caution n’a pas eu accès à la procédure car pas partie à l’instance judiciaire ; Donc il faut qu’elle puisse se défendre dans l’instance ultérieurement introduite par les créanciers contre cette caution, pour soulever les exceptions. D’autres exceptions ne pourront pas être invoquées par la caution. Car elles sont purement personnelles. Pas de droit propre de les invoquer donc. L’article 2036, al. 2 apporte une nuance, qui fait un peu double emploi avec l’art. 2012 car ici il vise les causes tenant à l’incapacité et l’autre la majorité. Mais cet article ci est plus large en fait donc pas inutile. On y trouve toutes les exceptions purement personnelles et pas uniquement celles qui tiennent d’un état de minorité.

                                                                                                               gérants furent condamnés au payement du montant admis au passif de la faillite. Le juge du fond estimât en effet que l’admission d’une créance au passif d’une faillite était irrévocable. N’ayant pas été parties à la procédure d’admission de la créance au passif de la faillite et n’ayant pu contester le montant de la créance, les cautions intentèrent un pourvoi en cassation. La Cour leur donna raison, en commençant par confirmer que l’admission était un acte juridique irrévocable, mais en ajoutant tout de suite par après la nuance selon laquelle cette irrévocabilité ne pouvait pas priver la caution de son droit de contester le montant de la créance.

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Il stipule que la caution ne peut opposer au créancier les exceptions purement personnelles au débiteur principal. Plus précisément, elle ne peut invoquer :

-­‐ les causes de nullité ayant trait à l’incapacité du débiteur principal, -­‐ les termes et délais judiciaires accordés sur pied de l’article 1244 Cc., -­‐ l’excusabilité3 prononcée au bénéfice du failli. Voir infra.

Attention à ne pas confondre. Les termes et délais judiciaires constituent une faveur octroyée personnellement par le juge au débiteur. La caution ne pourra donc pas invoquer cette faveur. C’est invoqué personnellement par le juge au débiteur qui les demande. La caution ne peut les opposer car ils ont été octroyés personnellement donc exception purement personnelle. Par contre, les termes et délais conventionnels résultant de la convention principale et peuvent constituer une exception inhérente à la dette.

3. Réductibilité du cautionnement L’engagement de la caution ne peut excéder l’engagement du débiteur principal. Art. 2013, al. 1. Si d’aventure la caution s’est engagée pour un montant supérieur à celui de la dette principale, la sanction sera la réductibilité du montant de la caution au montant de la dette principale. Il faut veiller à ne pas confondre ce concept avec l’idée que le cautionnement puisse être indéfini selon l’article 2016 Cc. Un cautionnement indéfini est un cautionnement de l’exacte obligation principale puisqu’alors le cautionnement s’étend aux accessoires, frais et intérêts de la dette principale. Cet engagement indéfini peut être de deux types. Soit il peut porter sur une dette déterminée, soit il peut englober toutes les dettes du débiteur principal. Cette deuxième hypothèse vise ce que l’on appelle le « cautionnement omnibus ». L’inverse du cautionnement indéfini est le cautionnement limité. Il est possible de limiter conventionnellement l’engagement de la caution soit en limitant le montant garanti (en fixant un plafond), soit en limitant l’engagement de la caution dans le temps.

4. En matière de prescription, l’acte interruptif de prescription dirigé contre le débiteur principal produit des effets à l’égard de la caution.  

Art. 2250 Cc. L’inverse ne se vérifie pas, puisque c’est la caution qui est accessoire à l’obligation principale, et non l’inverse.

                                                                                                               3 L’excusabilité est le principe suivant lequel les faillis personnes physiques peuvent, à leur demande, être déclarés excusables par le Tribunal de commerce (article 82 LSF). L’excusabilité du failli a pour conséquence qu’il ne pourra plus être poursuivi par ses créanciers. En introduisant cette possibilité, le législateur a voulu permettre au failli de reprendre une activité commerciale nouvelle. Toutefois l’article 82 LSF ne prévoit pas une extinction des dettes mais uniquement une absence de poursuite. L’excusabilité ne vaut que pour le passé.

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-­‐ LE CARACTERE SUBSIDIAIRE  

La subsidiarité signifie que la caution ne pourra être poursuivie qu’en cas de défaillance du débiteur principal. La règle connait deux exceptions.

-­‐ La subsidiarité peut être écartée conventionnellement (contrairement à l’accessoriété). En pratique, il y a très souvent solidarité et non subsidiarité.

-­‐ En matière commerciale, le cautionnement est nécessairement solidaire, ce qui exclut toute forme de subsidiarité : le créancier pourra choisir celui des débiteurs à qui il réclamera le payement de sa créance.

Par ces deux constats, on remarquera que dans la plupart des cas, la subsidiarité sera mise à l’écart, ce qui signifie par définition que le créancier principal peut s’adresser à la caution alors même qu’il ne s’est pas adressé au débiteur principal. §2. La formation du contrat de cautionnement Les conditions de validité contenues à l’article 1108 Cc. sont applicables. Retenons simplement que les mineurs et les interdits ne peuvent se porter caution, en raison de la dangerosité de la caution. La sanction est la nullité relative. Voir les articles 484, 487 et 509. Application de l’article 224 du code civil : c’est la situation des époux. Pas mal de pratique devant les tribunaux. L’un des époux s’engage comme caution. Celle-ci serait annulable si cela vient mettre en péril les intérêts de la famille. L’autre qui l’apprend un peu après peut demander que le contrat de cautionnement conclut par le conjoint puisse être annulé. Conditions :

-­‐ pour que le juge prononce l’annulation, ce contrat de cautionnement doit mettre en péril les intérêts de la famille Ainsi si la famille a énormément d’argent, pas d’autres engagements financiers et caution plafonnée, il pourra être maintenu.

-­‐ §2 ; L’action en nullité introduite par le conjoint non signataire doit être

introduite dans l’année du jour où l’époux a connaissance de l’acte. Donc parfois l’action a lieu des années après car l’époux n’avait pas connaissance de l’acte avant.

Le tribunal qui doit se prononcer sur l’annulation de ce contrat, va devoir se replacer au jour de la conclusion du contrat de cautionnement. Donc pas le moment de l’exécution ou le moment où le juge statue.

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Dernière précision : la solvabilité des parties n’est pas une condition de validité de la formation de la caution4.

-­‐ La caution ne pourra pas invoquer que le débiteur principal est un débiteur insolvable pour tenter d’invalider son engagement de caution. On peut cautionner les obligations d’un insolvable donc ca ne sert à rien d’invoquer ca pour avoir une exception. On voit de temps en temps des cautions qui plaident l’erreur : si j’avais su qu’il était à ce point insolvable, je ne me serais pas engagé. Mais ce n’est pas trop accepté par les tribunaux car chacun doit pouvoir s’informer sur l’état d’insolvabilité de l’autre. Mais ce n’est pas une règle acquise : tout est une question d’espèce et d’appréciation des circonstances.

-­‐ La solvabilité de la cation n’est pas non plus une condition de validité du

cautionnement.

§3. Les effets du cautionnement Les rapports entre le créancier et le débiteur principal, on n’en parlera pas car c’est du droit d’exécution des obligations normal.

1) Les rapports entre le créancier et la caution D’une part, nous allons rappeler le jeu de l’opposabilité des exceptions (car on sait déjà qu’il peut opposer les exceptions inhérentes), et d’autre part, les modalités qui affectent la caution au bénéfice de celle-ci.

1. Deux types d’exceptions  La caution peut soulever deux types d’exception :

-­‐ Les exceptions tirées du propre rapport obligationnel de la caution (ex. : vice à la formation du contrat de cautionnement). Cela tient à sa propre relation contractuelle. Par exemple il peut invoquer une cause de nullité du contrat de cautionnement. Il répond à des conditions de validité comme tout contrat.

-­‐ Les exceptions inhérentes à la dette principale (art. 2036, al. 1) ;

2. Deux types de modalités qui peuvent affecter le contrat de cautionnement On reviendra ici à la solidarité. Il ya deux modalités que les étudiants retiennent bien en général mais pas mis en pratique en général car elles sont souvent écartées par les contractants comme le code civil est supplétif.

                                                                                                               4 A l’exception du cautionnement légalement imposé (art. 2018-2020 Cc.), pour lequel la caution présentée par le débiteur principal au créancier doit être solvable

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La caution peut également invoquer deux moyens pour retarder le plus possible l’exécution de son engagement. Ces deux moyens sont toutefois à relativiser car, les art. 2021 et s. étant des dispositions supplétives, ils sont presque toujours écartés par convention.

A. Bénéfice de discussion Le bénéfice de discussion (articles 2021 et s. Cc.) peut être invoqué par la caution si le débiteur principal n’a pas été actionné en premier lieu. Cette modalité ne fait que traduire caractère subsidiaire5 de la caution. Cet un principe au terme duquel lorsqu’une caution se voit interpeller par son créancier, elle peut exiger que le débiteur principal soit discuté, c.à.d. poursuivi en premier. Si la caution est invoquée en premier lieu, elle peut invoquer le bénéfice de discussion : le créancier doit interpeller d’abord le débiteur principal car subsidiaire. Quand on parle de discuter le débiteur principal, c’est poursuivre le débiteur principal. On l’écarte dans quasi tous les contrats. Le caractère subsidiaire est mis à mal par les parties elles-mêmes comme on l’a vu supra.

B. Bénéfice de division Plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur pour une même dette : chacune des cautions actionnées peut demande que le créancier divise sa demande sur les autres créanciers, entre les cautions. Le bénéfice de division (articles 2026 et s. Cc.) : Il faut plusieurs cautions ! Ce moyen règle la question du recours possible lorsque plusieurs cautions se sont engagées pour la même dette. Le principe est le suivant : lorsque l’une des cautions est assignée par le créancier, elle peut exiger que le recours soit divisé en autant de parts qu’il y a de cautions. Ici encore ce sera souvent écarté en pratique et le créancier pourra actionner chaque caution pour le tout.

2) Les rapports entre la caution et le débiteur principal Lorsque la caution est directement interpellée par le créancier et que celle-ci s’exécute, elle peut ensuite se retourner contre le débiteur principal afin d’obtenir le remboursement du montant qu’elle a payé. Pas sur que le débiteur est insolvable donc c’est tout à fait possible de se retourner contre lui. Deux fondements sont possibles à l’action de la caution. Ce sont deux recours, action personnelle et subrogatoire, qu’elle peut, le cas échéant, introduire simultanément, en ordre principal ou subsidiaire.                                                                                                                5 C’est justement en écartant le bénéfice de discussion que les parties écartent conventionnellement le caractère subsidiaire du cautionnement. Et lorsque l’engagement de la caution est solidaire, le bénéfice de discussion tombe automatiquement.

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1. L’action personnelle

L’action personnelle est le recours que la caution intente contre le débiteur principal et qui trouve son fondement dans la relation juridique entre la caution et le débiteur principal. La relation peut être d’ordre contractuel ou quasi-contractuel (ex. : art. 2014 : la gestion d’affaire : la caution s’engage à l’insu du débiteur principal). C’est aussi possible d’utiliser les règles de l’enrichissement sans cause comme la gestion d’affaire : j’ai géré les affaires d’autrui donc maintenant je me retourne pour récupérer ce que j’ai payé au créancier. C’est l’article 2028 du Code civil. Si le cautionnement a été fait « au su de » : contrat innommé. Si c’est à l’insu c’est une gestion d’affaire par exemple.

2. Le recours subrogatoire Le recours subrogatoire (art. 2029 Cc) est l’action qui permet à la caution de se substituer au créancier pour agir contre le débiteur principal. La caution prend la place du créancier et par voie de conséquent elle pourra exercer les droits que le créancier pouvait exercer contre le débiteur principal.

3. Choix entre les deux recours A. Avantage du recours direct

Au niveau du montant possible à réclamer. Si la caution se retourne contre le débiteur principal par l’action personnelle, elle pourra réclamer l’exact montant mais également l’intégralité de ce qu’elle a payé au créancier augmenté des tous les dommages et intérêts subi par la caution en cours d’opération. Tout le dommage subi par la caution pourra être réclamé au débiteur principal : donc pourra être indemnisé de l’ensemble des frais et préjudices subis. Inconvénient du recours subrogatoire : il ne permettra à la caution que de réclamer ce qu’aurait pu réclamer le créancier, et donc plus les dommages et intérêts proprement subis par la caution.

B. Les avantages du recours subrogatoire Il y a deux avantages. Si la caution prend la place du créancier, elle bénéficiera des mêmes droits que ceux du créancier :

-­‐ La caution va bénéficier des éventuelles sûretés réelles dont bénéficiait le créancier. Par exemple si elle débiteur et avait un privilège, la caution bénéficiera de cette sureté réelle.

-­‐ S’il y a plusieurs débiteurs solidaires, la caution pourra réclamer le remboursement du montant qu’elle a payé auprès des différents débiteurs (art. 2230 Cc.). C’est comme pour le créancier.

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L’article 2030 vise l’hypothèse où la caution cautionnait tous les débiteurs, mais l’on considère toutefois que la disposition s’applique également si la caution cautionnait un seul des débiteurs. Le législateur parle de solidarité des débiteurs d’une même dette. Cet article vise le cas où la caution cautionné chacun des débiteurs principaux solidaires mais on a coutume d’étendre la solution où la caution ne sera caution que d’un des débiteurs solidaires. Malgré qu’elle n’était caution que d’un débiteur, elle aura trois débiteurs solidaires en face d’elle.

Encore un inconvénient : le recours subrogatoire est limité par le délai de prescription de l’obligation principale. Il se peut que l’obligation principale soit prescrite mais al deuxième pas encore donc l’action direct pourrait marcher… La caution est soumise au délai de prescription de la créance principale. Encore un inconvénient de la subrogation : article 1252. La subrogation ne peut jamais nuire au créancier. La subrogation ne peut jamais nuire aux droits du créancier. Cela a pour conséquence que si le créancier n’est pas totalement rempli dans se droits après l’intervention de la caution, le créancier sera toujours prioritaire sur la caution en cas de concurrence (art. 1252). Il reste créancier du moins pour une partie. Le créancier subsiste pour ce qui n’a pas été payé par la caution. Donc maintenant dans ce cas là on a deux créanciers devant les débiteurs principaux et comme la subrogation ne peut pas porter atteinte aux droits de créancier, le créancier aura priorité sur la caution : pas payée tant que le créancier n’est pas intégralement payée par le débiteur principal. Pas de remboursement de ce qui lui est du tant qu’il reste quelque chose à payer…

C. Balance d’intérêt pour la caution Ce qui fait balancer les parties pour l’un ou l’autre mécanisme c’est qu’avec le recours subrogatoire, la caution bénéfice des suretés attachées à l’obligation principale. L’avantage le plus important du recours subrogatoire est de reconnaitre à la caution le bénéfice des sûretés réelles du créancier. C’est d’ailleurs cet avantage-là qui est précisément recherché par la caution quand elle se subroge dans les droits du créancier. Cela explique que le législateur veille à ce que le créancier ne laisse pas péricliter ses sûretés réelles. Ex. : le créancier ne renouvelle pas l’inscription d’une hypothèque puisqu’il se dit que, de toute façon, la caution sera là pour payer sa créance. Ou bien il ne dépose pas sa facture au tribunal de commerce. Si le créancier laisse péricliter une sûreté réelle, la caution assignée pourra invoquer le bénéfice de la subrogation (art. 2037 Cc.) et refuser de s’exécuter. Il y aura « décharge » de la caution. La caution est définitivement libérée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier quand la subrogation ne peut plus se faire dans des conditions idéales à cause du comportement du créancier (peut plus avoir les suretés réelles).

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Le bénéfice de subrogation est celui qui peut être invoqué par la caution qui prêtent que le créancier a laissé péricliter les suretés réelles. On interprète cet article de façon large :

4. Troisième moyen : bénéfice de subrogation  La jurisprudence interprète de façon extensive l’article 2037 Cc. car elle l’applique non seulement lorsqu’une sûreté réelle disparait, mais aussi lorsque le créancier porte atteinte à la situation de la caution : ex. : le créancier laisse s’accumuler des arriérés de payement dans le chef du débiteur principal.6 Exemple : le créancier renonce à un droit de rétention (qui est un moyen de pression) en se disant que de toute façon il aune caution qu’il peut actionner. Atteinte aux droits de la caution car il perd tout moyen de pression sur le débiteur principale. Ou bien le créancier ne poursuit pas le débiteur principal. Il retarde volontairement ses démarches contre le débiteur : il laisse courir les loyers etc. Et quand il a des petits montants il se dit qu’il actionnera la caution en temps opportuns. Mais cela porte atteinte aux intérêts de la caution car on laisse gonfler la dette du débiteur principale. Si c’est par la faute du créancier, action subrogatoire pourra être invoquée.

3) Relations entre les cautions Quand il y a plusieurs cautions, le créancier peut actionner chacune des cautions. Division de la dette et recours contributoire entre les cautions. On passe. §4. L’extinction du cautionnement

1) L’extinction par voie de conséquence Si la dette principale s’éteint, l’engagement de la caution disparaitra par voie de conséquence, puisqu’il est accessoire à l’engagement principal.

2) Les causes d’extinction à titre principal Parmi les causes d’extinction du cautionnement (art. 2034 Cc), on peut distinguer d’une part, les causes de droit commun des obligations, puisqu’il s’agit d’un contrat comme un autre, et d’autre part, des causes propres au cautionnement. Ensuite, épinglons une situation particulière réglée par la loi sur les faillites.

1. Les causes d’extinction du droit commun des obligations La caution pourra s’éteindre en raison de :

-­‐ l’annulation du contrat de cautionnement ; -­‐ la confusion des qualités ; -­‐ la résiliation unilatérale ; -­‐ la compensation ; -­‐ …

                                                                                                               6 Toutefois deux conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de l’art. 2037 Cc., d’une part, l’attitude du créancier doit véritablement avoir compromis les droits de la caution (pas si laisse péricliter une sûreté réelle qui n’aurait de toute façon produit aucun bénéfice dans le chef de la caution), et d’autre part, l’article ne doit pas avoir été écarté conventionnellement.

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Pour rappel, la compensation dont il est ici question est celle entre le créancier et la caution. Elle vise l’hypothèse où le créancier devient le débiteur de la caution dans ce cas, la dette qu’a le créancier vis-à-vis de la caution compensera celle qu’a la caution vis-à-vis du créancier. Seule la caution peut invoquer le bénéfice de la compensation. L’article 1294 vise cette hypothèse : la caution peut invoquer la compensation pour ce qu’elle doit vis a vis du créancier et ce qu’il doit envers le débiteur principal.

2. Les causes d’extinction propres au cautionnement Il en existe deux :

-­‐ L’art. 2037 Cc prévoit le bénéfice de subrogation : la décharge est une cause d’extinction (voir supra) ;

-­‐ L’art. 1288 Cc vise l’hypothèse où le créancier a plusieurs cautions qui viennent garantir la même créance. Ce que le créancier reçoit d’une des cautions, il va devoir l’imputer sur la dette qui est garantie. Et si celle-ci se trouve éteinte, les autres cautions se trouveront libérées vis-à-vis du créancier.

3. Causes provenant de la loi sur les faillites Situation particulière pour l’extinction du cautionnement. La loi sur les faillites a quelques dispositions concernant le sort du contrat de cautionnement. Au moins deux dispositions qui doivent être distinguées. On vise ici l’hypothèse dans laquelle le débiteur principal tombe en faillite et que le créancier principal avait garanti sa créance par le biais d’une caution. La LS règle le sort de cette caution dans le cas de la faillite du débiteur principal. Le législateur va distinguer deux types de caution, pour chacune desquelles il établit des règles particulières.

A. Le sort des cautions autres que le conjoint du failli

L’idée de base de l’art. 80 LF est de permettre la décharge7 des P.P. qui se seraient constituées sûretés personnelles à titre gratuit. Certaines cautions s’engageaient parfois trop vite et des situations de faillite pouvaient entrainer des conséquences catastrophiques pour la caution. Si la caution s’est engagée avec un plafond énorme, la caution elle-même sera dans un état de déconfiture totale. La faillite d’un commerçant peut avoir des conséquences désastreuses pour certaines cautions. Il ne faut pas qu’ils s’engagent trop vite. Donc le législateur a encadré certaines cautions. Le tribunal de commerce peut décharger en tout ou en partie la personne physique qui, à titre gratuit, s’est constituée suretés personnelle du failli, quand l’obligation est disproportionnée par rapport à ses revenus ou à son patrimoine. Le législateur vise toutes les personnes engagées comme suretés personnelles et pas que les cautions.                                                                                                                7 Ce système ne doit pas être confondu avec l’excusabilité (décharge du failli), qui est réglementée par les mêmes dispositions de la LF.

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Trois conditions doivent être réunies pour pouvoir bénéficier de la décharge : -­‐ il faut être une P.P. ; -­‐ engagée comme sûreté personnelle (le champ d’application de l’art. 80

est large puisqu’il ne vise pas uniquement la caution, mais toute sûreté personnelle) ;

-­‐ (engagement disproportionné : voir infra) -­‐ à titre gratuit.

Dans ces conditions, la décharge n’est pas automatique car il faut également voir qu’elle doit être disproportionnée. L’art. 80 prévoit que « sauf lorsqu’elle a frauduleusement organisé son insolvabilité, le tribunal décharge lorsqu’il constate que l’obligation de la caution est disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine ». Ce n’est pas pareil à l’article 224 : là on apprécie la disproportion au moment de la conclusion du contrat de cautionnement : le juge se demande si c’est disproportionné au moment où le contrat est conclu. Mais dans l’article 80 le juge se place au jour où il statut : est-ce disproportionné de faire appel à la caution ici ? Donc quelqu’un qui contracte un cautionnement peut se faire entendre dès que la caution devient intéressante quelques années plus tard que c’est un engagement disproportionné et que donc le tribunal décharge la caution. Il ne faut pas exagérer la portée de cet article car il faut rentrer dans les conditions de l’article 80 et donc avoir un engagement à titre gratuit. Le législateur n’a pas précisé cette notion de gratuité. La Cour constitutionnelle s’est penchée dessus dans un arrêt du 30/06/2004 : selon la Cour, la gratuité est « l’absence de tout avantage, tant direct qu’indirect, que la caution peut obtenir grâce à un cautionnement »8. Cette définition a été largement interprétée par les tribunaux de l’ordre judiciaire. Cela ne fait toutefois pas l’unanimité dans la doctrine et la jurisprudence. C’est quoi une caution qui s’engage à titre gratuit ? Elle s’engage sans avantage économique. Acte purement gratuit et bénévole si on aide un parent, un ami,… Dès qu’il y a un avantage économique à la clé, on n’est plus dans l’article 80. S’engager à titre gratuit n’est pas légion pour rentrer dans cet article. Si c’est un gérant de la société qui se porte comme caution, il poursuit un avantage économique car il a tout intérêt à ce que la société ait tel contrat, tel location,… Il veut faire tourner sa boite. De même quand un conjoint cautionne son conjoint. Il veut faire fructifier le patrimoine commun. Donc l’article 80 paraît être une porte de sortie intéressante mais il ne faut pas perdre de vue que le champ d’application est limité par la gratuité : la jurisprudence la définit comme l’absence d’intérêts économiques. Ce champ d’application est à ce

                                                                                                               8 Par exemple, le gérant d’une société qui s’engage comme caution au côté d’elle, poursuit tout de même une certaine forme de recherche économique. Autre exemple, si la mère du failli s’engage, elle pourrait aussi être considérée comme ayant un avantage économique puisque si les activités de son fils fleurissent, elle ne devra plus subvenir à ses besoins.

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point étroit qu’on est souvent en dehors et qu’on a du mal en pratique à invoquer cet article. Le tribunal doit donc mettre en balance le montant de l’engagement de la caution et ses revenus/son patrimoine. La situation financière de la caution est appréciée au moment du jugement. La décharge peut être totale ou partielle. Le tribunal a donc une grande latitude (appréciation primo de la nature gratuite de l’engagement, secundo de la disproportion de l’obligation, et tertio de l’ampleur de la décharge). D’un point de vue procédural, quatre articles doivent être pris en considération quand on met l’article 80 en mouvement :

-­‐ art. 24bis LF : à compter du jugement déclaratif de la faillite, les voies d’exécution relatives à la caution (PP et à titre gratuit) sont suspendues, en effet, le juge doit pouvoir se prononcer sur la décharge ou non.

-­‐ art. 63 LF : le créancier qui fait une déclaration de créance doit signaler s’il bénéficie ou non d’une caution. La sanction de la règle est la décharge de la caution.

-­‐ art. 72bis LF : la caution elle-même devra déposer un dossier pour bénéficier de la décharge.

-­‐ art. 80 LF : les créanciers devront attendre que le tribunal ait statué (dans les 6 mois) sur la décharge pour pouvoir, le cas échéant, poursuivre la caution.

B. Le sort du conjoint du failli C’est le deuxième article intéressant dans cette loi sur les faillites. Le sort du conjoint du failli est lié à la question de l’excusabilité du failli. En vertu de l’art. 82 LF, « le conjoint est libéré de son obligation par les faits de l’excusabilité ». Le conjoint sera ainsi libéré si l’excusabilité9 du failli est prononcée. Expliquons…Dans l’ancien système de faillite, une fois qu’une faillite a été clôturée, les créanciers qui n’avaient pas eu leur gain retrouvait leur droit contre le failli, même après la clôture. Si le failli avait le malheur de reprendre une petit activité professionnelle qui générait des revenus, il était direct le couteau sous la gorge. Donc

                                                                                                               9 L’excusabilité est le principe suivant lequel les faillis personnes physiques peuvent, à leur demande, être déclarés excusables par le Tribunal de commerce (article 82 LF). L’excusabilité du failli lorsqu’elle est prononcée met définitivement fin aux poursuites des créanciers. En introduisant cette possibilité, le législateur a voulu permettre au failli de reprendre une activité commerciale nouvelle. Avant la réforme belge de la LF en 1997, lorsqu’une faillite était clôturée, il restait immanquablement des créanciers impayés qui retrouvaient leur liberté de poursuivre le failli dès que celui-ci recommençait une nouvelle activité. Cette situation avait pour conséquence de ne pas encourager la reprise d’activité commerciale, ou du moins d’encourager uniquement la reprise d’une activité au noir ou d’une activité maintenant le failli en dessous du minimum saisissable. Le législateur a pallié à cette situation en créant le concept d’excusabilité et en interdisant aux créanciers de poursuivre le failli excusé. L’excusabilité est pratiquement accordée automatiquement, dans la mesure où l’article 80 LF énonce que la failli sera excusé « sauf circonstances graves spécialement motivées » (ex. : le commerçant est tombé en faillite car il a négligé de remplir ses comptabilités). Pour les personnes morales, la situation était plus facile que celle des personnes physiques avant 1997. Il leur suffisait effectivement de recommencer une activité par le biais d’une nouvelle structure pour éviter d’être poursuivies par les créanciers insatisfaits. Il faut bien garder à l’esprit que l’article 82 LF ne prévoit pas une extinction des dettes mais uniquement une absence de poursuite. En outre, le législateur fait échapper à l’excusabilité certaines dettes : les dettes alimentaires et les dettes réparation d’un dommage corporel. Enfin, l’excusabilité ne vaut pas pour les dettes naissant d’une nouvelle activité ni pour celles contractées par le curateur de faillite. L’excusabilité ne vaut que pour le passé.

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la situation était désastreuse pour les faillis malheureux et de bonne foi car impossible de reprendre une activité professionnelle. Le législateur a voulu mettre un terme à cela pour qu’ils puissent reprendre des activités et avoir des revenus. Une loi du 18/07/2008 a modifié l’al. 2 de l’article 82 : dorénavant, l’ex-conjoint est mis sur le même pied que le conjoint du failli et pourra bénéficier de la décharge dans le cas où l’excusabilité du failli est prononcée. Lorsqu’un failli personne physique est déclaré en faillite, le tribunal peut déclarer ce failli excusable mais il faut qu’il soit une personne physique et malheureux et de bonne foi (pas une faillite frauduleuse donc, c’est un commerçant qui a mal géré, pas démarré,…). Il sera définitivement libéré de toutes les dettes même celles non éteintes par le règlement collectif. L’article 82, alinéa 2 parle lui du conjoint du failli. S’il est sureté personnelle, il ets libéré de son obligation par l’effet de l’excusabilité. Il y a un phénomène d’entrainement : si le failli est considéré comme excusable, le conjoint du failli qui est caution est libéré. Le législateur parle d’ « obligé personnellement à la dette d’autrui », or une caution est dans ce cas là. Cela peut être cumulé. Donc si le conjoint n’est pas libéré par l’article 82, il peut retomber sur ses pates et avoir la décharge de l’article 80 mais il faut être engagé à titre gratuit et cela n’est pas gagné ! 17/12/2010 Section 2 : La solidarité passive La solidarité passive est ce qu’on pourrait appeler un deuxième type de sûreté personnelle. Cette technique est celle de dOb et peut être utilisée à des fins de sûretés personnelles. Elle permet d’éviter les conséquences liées au caractère accessoire du cautionnement. §1. Notions Il y a solidarité passive lorsque plusieurs débiteurs sont engagés envers le même créancier pour une même dette (1200 et s. Cc). Lorsqu’un créancier a plusieurs débiteurs, il pourra s’adresser indistinctement à l’un ou l’autre des débiteurs pour l’intégralité de la dette. Alors que dans le cautionnement, la caution s’engage à titre accessoire, dans la solidarité passive, il y a une multiplication des débiteurs principaux. Le créancier peut en effet solliciter de son débiteur principal qu’il lui trouve un autre débiteur principal. Il n’y a donc plus d’accessoriété de principe. Lorsque la solidarité passive est utilisée à des fins de sûreté, le Cc prévoit dans la partie consacrée à ce régime des règles particulières. Il établit de la sorte une nuance entre le régime général de la solidarité et le régime spécifique à la solidarité à titre de sûreté.

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§2. Recours sur le plan contributoire Au niveau des recours exercé au plan contributoire, le régime commun de la solidarité (art. 1213 Cc.) prévoit que l’obligation de contracter solidairement se divise de plein droit entre les débiteurs : si un débiteur paye le créancier, il pourra se retourner contre ses codébiteurs mais ne pourra pas réclamer la totalité du montant acquitté : il devra déduire du montant sa propre dette, sous réserve de la part contributive de chacun. A l’inverse, le régime particulier de la solidarité (art. 1216) autorise le débiteur-sûreté à réclamer l’intégralité du montant aux autres débiteurs, puisqu’il ne jouait qu’un rôle de caution. Quand la solidarité est utilisée à des fins de suretés (et pas juste modalité), on a cette règle particulière, qui veut qu’au plan non pas de l’obligation mais de la contribution, celui qui a payé et qui était la caution pourra se retourner pour le tout contre son co débiteur. Au d épart la dette ne concerne que l’un des deux car l’autre joue le rôle de sureté : on parle de solidarité passive à des fins de suretés et pas comme modalité de l’obligation. Dans ce cas 1216 déroge à 1213 et le débiteur solidaire jouant le rôle de sureté qui aurait payé le créancier pourra se retourner contre el tout contre le débiteur principale, pour autant qu’il ne soit solvable. Pour le reste les règles sont la même que ca soit une modalité ou une sureté. C’est vraiment au niveau de 1216 qu’il y a une particularité. Comme il n’a fait que payer la dette de l’autre, normal qu’il récupère ! §3. Légale dans certains cas La solidarité passive peut être légale ou conventionnelle : elle est généralement stipulée dans une convention particulière, mais il se peut que le législateur lui-même y recoure dans des textes de lois épars. Lien avec les suretés personnelles supra : on a vu que c’était essentiellement des suretés d’origine contractuelle (souvent une contrat à l’origine de la sureté), mais exceptionnellement on a quand même des situations de suretés personnelles d’origine légale : le législateur crée lui-même une sureté personnelle. Par cette technique de solidarité passive le législateur en fait dans certaines dispositions. Ex. : art. 442bis du Code d’impôt sur les revenus : si je suis à la tête d’un fond de commerce, en cas de cession d’un fonds de commerce et sous certaines conditions, le cessionnaire du fonds sera considéré comme solidairement tenu avec le cédant. Le FISC pourra donc se retourner contre le cessionnaire, et ce dernier pourra réclamer le remboursement de l’intégralité du montant au cédant. Quand quelqu’un accepte de recevoir le fonds de commerce d’une commerçant, il sera solidairement tenu des dettes fiscales du cédant. On a fait ça car avant beaucoup de commerçants utilisaient la cession pour ne plus avoir d’actifs donc le fisc ne pouvait plus rien saisir. La dette fiscale restera donc impayée. Mais le 442 bis change cela : le cessionnaire sera considéré comme tenu des dettes fiscales du cédant donc la cession du fonds ne permettra pas d’échapper au payement des dettes fiscales. On retrouve cela ci et là…

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Section 3 : Le cautionnement solidaire Le cautionnement solidaire est une combinaison du cautionnement pure (subsidiarité de l’engagement) et la solidarité passive. On a à la fois une idée de cautionnement et de solidarité : intègre les deux techniques supra. On la passe vite car ce n’est qu’une conjonction de deux phénomènes déjà examinés mais c’est hyper utilisé en pratique ! Donc attention quand même ! Car c’est la figure principalement utilisée quand il y a matière pour qu’elle s’applique. La caution s’engage solidairement aux côtés du débiteur principal. Dans le cautionnement solidaire, débiteur principal et cautions ‘engagent solidairement. On a donc un créancier qui peut tout aussi bien interpeller l’un que l’autre pour obtenir le payement de sa dette (déjà approché dan les règles du cautionnement quand on a dit que c’était subsidiaire : supplétif donc on peut déroger et en matière commerciale le principe est la solidarité). Un créancier a en face de lui un débiteur principale et une caution mais dans deux cas, on aura une figure qui n’est qu’une contraction d’un contrat de cautionnement et solidarité. Ces deux cas sont

-­‐ quand on l’écarte conventionnellement car supplétif -­‐ en matière commerciale puisque là le principe est la solidarité.

Bénéfice de discussion et division sont supplétifs donc si on y renonce, on tombe sur une figure qui ressemble à ca : solidarité entre débiteur et caution. Dans les rapports entre la caution solidaire et le débiteur principal, on applique les règles classiques du cautionnement ordinaire. Dans les rapports entre la caution et le créancier, la solidarité entre le débiteur principal et la caution a pour conséquence que le créancier pourra choisir à qui réclamer le payement de sa créance, il ne sera pas obligé de discuter d’abord le débiteur principal (absence du bénéfice de discussion). Pour arriver à cette solidarité, on va écarter le bénéfice de division et de discussion (que l’on trouve dans le droit commun du cautionnement pure pensé par le législateur). Le cautionnement solidaire est devenu la règle en matière de cautionnement : il est rare qu’un cautionnement ne soit pas solidaire. Pour rappel, en matière commerciale, la solidarité va de soi et ne doit pas être stipulée.

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Mais qu’est ce que ça change entre les deux ?

Il reste des différences entre les deux systèmes donc il peut être intéressant d’en préférer une plutôt qu’une autre. Dans le cautionnement solidaire, on ne reconnaît pas à la caution les effets secondaires de la solidarité passive.

-­‐ la mise en demeure de la caution ne vaudra pas à l’égard du débiteur principal alors que c’est l’un des effets secondaires de la solidarité passive

-­‐ l’interruption de prescription à l’égard de la caution ne vaut pas à l’égard du débiteur principal (voir semaine passée)

-­‐ la chose jugée contre la caution ne vaut pas à l’encontre du débiteur principal.

On a donc des figues qui se ressemblent mais encore des différences juridiques donc en pratique on peut avoir des discussions pour savoir la qualification : on plaide plus une figure que l’autre selon qu’on voulait les effets secondaires de la solidarité passive ou pas. Section 4 : Les cautionnements régis par des règles particulières Le législateur se soucie de plus en plus du sort de certaines cautions dans le cadre de son souci pour la partie faible. Il s’est rendu compte que pas mal de personnes s’engagent comme caution sans réalité connaître els conséquences parfois dramatiques qui peuvent s’en suivre. Il l’a fait essentiellement pour le cautionnement dans deux instruments particuliers. Loi de 1991 sur la consommation : articles 34 et suivants série de dispositions pour protéger la caution qui vient s’engager pour garantir le remboursement d’un crédit à la consommation. Modifiée à plusieurs reprises.

Créancier  

Débiteur  2  Débiteur  1  

Créancier  

Caution  Débiteur  de  l'obligation  principale  

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Dans cette loi ci on voit déjà un effort de protection (dans la deuxième loi ca se voit encore plus) :

-­‐ Article 34 par exemple : le cautionnement (et le cas échéant toutes formes de suretés personnelles, donc aussi le débiteur solidaire par exemple) doit préciser le montant garantit. Donc l’attention de la caution doit être clairement attirée sur le payement du montant qu’elle risque de devoir payer si les choses tournent mal. Pas de cautionnement pour des montants illimités donc, mais en plus il faut remettre à la caution le contrat de crédit qui, le cas échéant, sera activé pour le cautionnement. Adieu les suretés pour toutes sommes dues. Le contrat de crédit entre le bénéficiaire du crédit et l’organisme professionnel doit être clairement identifié.

-­‐ Si le contrat doit être conclu pour une durée indéterminée, c’est limité à 5

ans. On réduit la pression et les risques pesants sur les épaules de la caution.

-­‐ Article 35 : le préteur doit communiquer à la caution le retard de payement lorsque deux échéances n’ont pas été respectées. Inutile de laisser s’accumuler les retards. Il faut que l’attention de la caution soit éveillée sur le fait que les choses tournent mal. Souci d’information donc. Ainsi des mesures adéquates pourront être prises.

-­‐ Article 97 : la caution est déchargée de toute obligation si elle n’a pas

reçu au préalable le contrat de crédit qui sous tend au contrat de cautionnement.

On voit donc dans cette loi que même si le système n’est pas parfait, on a déjà avec ces trois articles :

-­‐ volonté de limiter l’engagement de la caution -­‐ attirer l’attention de la caution sur l’importance de son engagement (au

début et pendant l’exécution). §2. Loi sur le cautionnement à titre gratuit La loi du 3/06/2007 sur le cautionnement à titre gratuit (MB 27 juin 2007) est plus intéressante. Elle a introduit une nouvelle section (art. 2043bis-2043octies) dans le Code civil. Le législateur vise surtout des personnes qui s’engagent sans vraiment percevoir les conséquences de cet engagement. Le législateur veut protéger les cautions qui s’engagent à titre gratuit. Il s’en est déjà souci dans la loi sur les faillites voir supra, article 80. Dans le même esprit, cette loi ci a été prise dans le but spécifique de protéger les parties qui s’engagent comme caution à titre gratuit.  

 

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1) Le champ d’application  

Pour ce type de cautions, un régime spécifique s’appliquera en lui et place du droit commun du cautionnement, qui ne s’appliquera que subsidiairement, pour le surplus qui n’est pas régit pas cette loi particulière. A titre principal quand ton tombe dans le champ d’application de cette loi, on applique 2043 bis et suivants et sinon on applique les règles du cautionnement de droit commun. L’art. 2043quater prévoit que le droit commun s’applique dans la mesure où il n’est pas dérogé par cette loi particulière. Cette loi s’applique aux cautions conclues à titre gratuit par des P.P. au profit de professionnels. En résumé, 4 conditions doivent être réunies pour qu’une caution tombe dans le champ d’application de la loi du 3/06/2007 :

-­‐ le contrat doit être un contrat de cautionnement Les autres sûretés personnelles ne sont pas visées ici alors que l’article 80 et la loi supra visaient les autres : donc dans la pratique, résurgence de la codébition solidaire car pas un contrat de cautionnement donc pas dans le champ d’application de la loi de 2007.

-­‐ il doit être conclu par une P.P. Pour les personnes morales ce n’est pas grave car patrimoine moins limité et peuvent être dissoute et disparaître.

-­‐ il doit l’être au profit d’un créancier mais pas n’importe lequel : Le législateur agit par référence, car il renvoie à la notion de vendeur telle que définie à l’art. 1er de la LPCC (l’art. 1er LPCC définit le vendeur comme une personne agissant à titre professionnel) ;

Le créancier doit donc être au vendeur selon l’article 1er : donc le créancier doit être un professionnel. On ne trouve pas la mention de professionnel mais c’est le détour par la loi de 91.

La loi de 91 a été abrogée par une loi du 6 avril 2010. Donc que faire ? On peut appliquer l’article 139§1 de cette loi de 2010 : c’est une disposition qui dit quand dans toutes les lois particulières où l’on fait allusion à la loi de 91, il faut remplacer la disposition par son équivalent de 2010. Il faut donc piocher dans la loi du 6 avril 2010 la disposition équivalente à la notion de vendeur de la loi de 2007, si c’est possible. Il semble pratiquement non discuté que c’est l’article 2, 1° de la loi de 2010. Désormais ce n’est plus un vendeur qui est définit. On parle de l’entreprise : toute personne physique ou morale poursuivant de manière durable un but économique. Si on considère que c’est l’équivalent, on considère que ce contrat de cautionnement doit avoir été conclu entre une PP et une entreprise au sens de la loi de 2010 pour rentrer dans son champ d’application.

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-­‐ L’engagement doit être pris à titre gratuit Le législateur s’est souvenu que cette notion a déjà fait l’objet d’un débat. La notion de gratuité est définie à l’art. 2043bis : il s’agit de l’absence de tout avantage économique, tant direct qu’indirect. Le législateur a repris les termes utilisés par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 30/06/2004. Le législateur a intégré la définition de la Cour constitutionnelle dans la loi. On trouve dans l’article 4 de la loi de 2007 (ou 2043bis petit a) qu’il faut une absence de tout avantage économique, tant direct qu’indirect. Le législateur a donc intégré la jurisprudence élaborée à partir de l’article 80 de la loi sur les faillites. On peut se demander si cela élimine tout problème d’interprétation. Les auteurs qui ont épluché les TP de 2007, ils ont vu que les exemples donnés par le législateur de ce qu’était une caution à titre gratuit, le naissait pas transparaitre une notion sans équivoque de gratuité. Il reste des ambigüités. Il y a deux voies possibles de la notion de gratuité :

large : absence de tout intérêt économique quel qu’il soit interprétation plus stricte : gratuité lorsqu’il n’y a pas de contre

partie à l’engagement de caution. Dans les TP, les parlementaires donnent des exemples des deux catégories donc on peut se dire que dans la définition que donne le législateur, il n’est peut être pas assez précis. Deux exemples des travaux préparatoires

Administrateurs et gérants de société : les parlementaires disent que c’est certainement pas des caution à titre gratuit : car intéressés économiquement au bon fonctionnement du débiteur qu’il cautionne.

Exemple de l’épouse qui se porterait caution : ils disent que si elle reçoit par exemple une voiture ou un objet quelconque en échange, elle ne s’engagerait pas à titre gratuit ; On serait donc plus stricte dans l’interprétation de gratuité.

On a donc encore des doutes de savoir ce qu’est la gratuité. Depuis 2007, la jurisprudence qui se développe laisse à penser que c’est l’interprétation large qui l’emporte : donc le simple intérêt économie suffirait pour retirer la condition de gratuité. Au plus on restreint donc le champ d’application de la loi 2007. Donc l’intention de protection du législateur est peu appliquée par les tribunaux car ils interprètent la notion de gratuité très largement.

L’article 2043 ter précise qu’il appartient au créancier de démontrer que le cautionnement n’est pas donné à titre gratuit. Présomption de gratuité.

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2) La formation du contrat Six choses à retenir :

1) Art. 2043quinquies §1 Le contrat de cautionnement doit faire l’objet d’un écrit distinct, sous peine de nullité absolue. L’idée est de conscientiser la caution sur l’importance de son engagement. Cet écrit est exigé à des fins de validité, ce contrat est donc devenu solennel. Il faut un autre écrit !

2) Art. 2043quinquies, §3 Le contrat doit comporter certaines mentions : une mention type écrite de la main de la caution doit se trouver dans le document, sous peine de nullité absolue (Voy. la formule à l’art. 2043quinquies, §3). De nouveau, c’est une forme solennelle. Il faut qu’une phrase type soit reproduite par la caution dans le document qui la fait caution.

3) Art. 2043quinquies, §5 La formalité du « bon pour » prévue à l’art. 1326 Cc est écartée (elle est en effet inutile dans la mesure où le §3 de l’article 4023quinquies impose déjà une mention écrite de la main de la caution). 1326 n’est pas d’application dans cette matière.

4) A propos de l’objet du cautionnement,

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur a apparemment voulu exclure le cautionnement omnibus : cautionnement pour toutes sommes généralement quelconques. Toutefois, la loi ne reflète pas cette intention pourtant certaine du législateur. En tout cas, ce dont il est certain c’est que l’engagement doit être contractuellement plafonné : c’est ce qui résulte de la mention manuscrite de l’art. 2043quinquies, §3. Le plafond couvre non seulement le principal, mais également les intérêts. En outre, l’art. 2043sexies, §1 prévoit que lorsque le montant de la créance garantie est connu (hypothèse donc où la dette cautionnée est déterminée), la caution ne peut intervenir en termes d’intérêts pour plus de 50% de la dette principale (100% (dette principale) + 50% (intérêts) = 150% au maximum).

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5) Art. 2043quinquies, §2 : La durée de l’obligation principale doit être mentionnée dans l’acte de cautionnement. Deux situations peuvent se présenter : -­‐ soit l’obligation principale est à durée indéterminée : dans ce cas, la

durée de la caution est limitée à 5 ans ; -­‐ soit l’obligation principale est à durée déterminée : dans ce cas, les

parties sont libres de convenir de la durée de la caution. // 91 : limité à 5 ans si dette garantie est une dette à durée illimitée.

6) Art. 2043sexies, §2

Sous peine de nullité relative, puisqu’à des fins de protection, on ne peut conclure de contrat de cautionnement dont le montant est manifestement disproportionné aux facultés de remboursement de la caution. Cette disproportion éventuelle est appréciée au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, car c’est la validité du contrat qui est en jeu. C’est l’une des innovations majeures de la loi de 2007 : sous peine d’une nullité relative (car édictée à des fins de protection de la partie faible), il ne peut être conclu de contrat de cautionnement dont le montant ets manifestement disproportionné aux facultés de remboursement de la caution. Pour protéger la caution, il faut que l’engagement de caution soit proportionné à sa fortune et ses revenus. Inutile de faire passer à la trappe l’ensemble de son patrimoine. Sinon le contrat de cautionnement peut se voir annuler à la demande la caution, qui est la partie protégée. C’est donc le risque du professionnel qui conclut avec une PP : le contrat est conclu mais quand on veut exécuter le contrat de cautionnement, la caution peut invoquer la nullité de son engagement de caution car disproportionné par rapport à mes biens et mes revenus. Idée semblable que la loi de 80 sur les faillites. Mais il y a des différences : -­‐ 2007 parle d’engagement manifestement disproportionné -­‐ Surtout, en matière de contrat de cautionnement au sens de la loi de 2007,

le moment où on se place pour apprécier la disproportion c’est le moment de la conclusion du contrat. Car on cherche un vice sur le consentement à la conclusion du contrat. On regarde donc l’état de fortune de la caution au moment où elle signe. Si la caution est dans une situation difficile quand elle signe mais gagne au Lotto plus tard (donc revenir à meilleure fortune), elle pourrait invoquer le caractère d’engagement manifestement disproportionné et demander la nullité de cette caution.

Il y a donc une différence entre les deux lois mais elles ne sont pas exclusives l’une de l’autre : on n’est pas dans le champ de l’une ou de l’autre : on peut avoir l’application des deux si les conditions des deux sont réunies simultanément : ces législations peuvent se cumuler.

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3) Vie du contrat de cautionnement Deux remarques

-­‐ 2043 septies : information périodique une fois par an. -­‐ En cas d’inexécution, le créancier doit informer immédiatement la

caution de cette inexécution. Cela doit être fait simultanément au bénéfice de la caution.

-­‐ En cas de décès de la caution, les héritiers de la caution héritent de la caution s’ils acceptent la succession mais division de l’engagement de la caution sur les épaules des différents héritiers s’il y en a plusieurs mais en plus, ils ne pourront pas être tenus pour un montant plus important que leur part d’héritage. Pas tenus solidairement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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CHAPITRE II : LA GARANTIE À PREMIÈRE DEMANDE

Ratio legis C’est une garantie issue de la pratique qui provient d’une réflexion suivante : dans des contrats internationaux ou nationaux de longue durée et d’importance financière, on remarque que les acheteurs et les vendeurs souhaitent que des garanties puissent être données par les uns et les autres pour garantir le bonne fin d’engagement. L’idée de garantie on la trouve dans des contrats de petite importance. Rien d’anormal à ce que dans des contrats de plus grande envergure, l’un ou l’autre donne des sûretés. Ce qui est problématique c’est que compte tenu de l’ampleur financière de ces contrats, si on devait remettre de gages financiers qui correspondent à la valeur de l’engagement ; on devrait remettre des sommes invraisemblablement élevées. Ces gages paraissent des sûretés peu adaptées à ce genre de contrat. Caractère accessoire du contrat de cautionnement La caution doit pouvoir soulever les exceptions quelle tire du rapport principal entre C et débiteur principal. Cette possibilité pour la caution de soulever les exceptions du rapport principal paraît problématique dans les contrat qui sont des contrats internationaux. Pour faire le lien avec le tout premier cour : l’une des caractéristiques des sûretés personnelles = adjonction d’un double patrimoine. Principe de la liberté de création. Voici un exemple typique d’une situation dans laquelle les praticiens ont crée un système de sûretés non réglementées dans un texte international ou national particulier.

Béné=iciaire  (maître  de  l'ouvrage/

acheteur)  

Garant    (banque)  

Donneur  d'orde  (entrepreneur/

vendeur)  Contrat  de  garantie  

Devra  payer  à  la  1ère  demande  et  ne  pourra  pas  invoquer  

exceptions  du  donneur  d’ordre  

Droit des sûretés – Valérie NICAISE – Master 1 (2010-2011) 193  

C’est donc une sûreté issue de la pratique. Les praticiens ont mis en place une sureté qui soit le plus en adéquation avec le souhait de la pratique et qui tente de pallier les insuffisances des modèles type de suretés. Définition La garantie à première demande ou encore garantie autonome, abstraite ou automatique, c’est un type de sureté issue de la pratique qui tente de rencontrer les demandes de partenaires commerciaux. La garantie autonome est une garantie par laquelle à la demande d’un donneur d’ordre, un garant va s’engager à l’égard d’un bénéficiaire. Il va s’engager à payer à première demande le montant prévu étant entendu que le garant ne pourrait invoquer aucune exception tirée de la relation entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre. L’entrepreneur demande au MO de lui fournir la garantie à première demande. Le créancier va être le bénéficiaire de cette garantie. Le MO est celui que l’on va appeler le donneur d’ordre. Le donneur d’ordre va se mettre d’accord avec le bénéficiaire sur la constitution de cette garantie. Ils se mettent d’accord sur les termes. Une fois que cela est fait, le donneur d’ordre va voir son banquier. Il demande à son banquier de s’engager envers le bénéficiaire. Si le banquier accepte, il va s’engager vis à vis du bénéficiaire. Il s’engage à payer à première demande du bénéficiaire la somme sur laquelle bénéficiaire et donneur d’ordre se seront accordés. Le banquier ne peut pas invoquer aucune exception tirée du contrat d’entreprise. Souvenons nous du schéma classique du contrat de cautionnement : créancier, débiteur principal et caution. Quand la caution est interpelée par le créancier, elle peut invoquer les exceptions tirées du rapport principal. Ce raisonnement ne tient pas en garantie à première demande. Le banquier ne peut pas invoquer tiré du rapport de base. C’est la raison pour laquelle on parle de garantie autonome ou abstraite : il ya un détachement qui se produit par rapport au contrat de base, par rapport à l’opération initiale entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre. Il y a ici un clivage qui se fait entre les 2 parties de mon triangle : le rapport de base c’est une chose et l’engagement à première demande est autonome, détaché du rapport de base. Quand le banquier sera interpelé par le bénéficiaire, il ne pourra pas invoquer des éléments qu’il puise dans le contrat d’entreprise. La vie des affaires développe se type de garantie dans les relations internationales. Engagement unilatéral. Le banquier ne conclu par un contrat avec le bénéficiaire. On parle d’un engagement à première demande. Il s’agit d’un engagement par voie unilatérale : une simple lettre est envoyé par le banquier au bénéficiaire. L’engagement du banquier est aussi un engagement que l’on peut qualifié de « littéral « : les limites de son engagement seront fixé par les termes qu’il envoi à l’entrepreneur. Cette obligation est également abstraite : elle est détachée de sa cause, du rapport de base qui a justifié pourtant l’engagement du banquier.

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Ce système est fréquent. Il peut y avoir des variantes et des adaptations. C’est quand même dangereux de s’engager à première demande de l’entrepreneur ! Dans la lettre, la banquier paiera à première demande sur présentation d’un document qu’il identifie : on parle de garantie documentaire. Je paie à première demande pour autant que le bénéficiaire me fournisse un document clairement identifié dans la lettre. Ca peut être un jugement, un rapport d’expertise, un e décision arbitrale, un e facture, etc. Pour canaliser l’engagement du banquier et faire en sorte qu’il ne paie pas en dehors de toute réalité, les parties peuvent cadenasser le système. Il peut conditionné son paiement à la production d’un document. Le banquier ne va pas pouvoir invoquer d’exceptions qu’il tire de son rapport de base : c’est ce qui est le plus embarrassant dans le système. On voit en cas de conflit quelques fissures apparaître dans l’édifice. Il y a un sentiment qui revient assez rapidement dans le chef de ceux qui doivent juger de l’appel qui serait fait par le bénéficiaire au banquier : sentiment d’aller jeter un œil sur ce qu’il sait passé dans le rapport de base. On a vu se développer des arguments tenant au fait que dans certains cas, il faut tout de même autoriser le banquier à ne pas s’exécuter lorsque l’appel à la garantie est manifestement abusif. On voit tout de même une irrépressible tentative des banquiers de soulever un argument tenant à l’inexécution du contrat d’entreprise lorsque l’appel à la garantie est manifestement abusif. Ex un contrat d’entreprise est annulé. Malgré l’annulation, le bénéficiaire fait appel à la garantie à première demande. Si on sait que le contrat n’a jamais été exécuté, c’est injuste de faire payer la banque. On sent bien au moment de l’application et de la résolution des litiges entre parties une tension entre les rapports qui forment la relation triangulaire entre les parties. Ce caractère abstrait se fissure parfois et que certains juges donnent gain de cause au banquier en tirant argument d’événements pris dans le rapport de base. Cette J est critiquée par certains auteurs. Autre situation : situations dans lesquelles la garantie à première demande vient en renfort d’un contrat de base contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Quand le rapport de base est un contrat qui est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, on voit dans le chef des juges une tendance à tirer argument d’un élément qu’ils puisent dans le rapport de base pour donner gain de cause au banquier qui refuserait d’intervenir dans cette hypothèse. Le mieux est de préciser au maximum dans l’accord conclu entre bénéficiaire et donneur d’ordre les conditions exactes d’intervention à la garantie. Le mieux est de baliser le plus précisément possible les relations entre parties.

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CONSIGNES POUR L’EXAMEN On est réparti dans sept auditoires distincts. Examen à 14h45. On peut venir avec le code : pas de post it (ou en tout cas pas de mots), pas d’annotation,… Renvois chiffrés ok, souligner. Première question : question de définition de termes précis utilisés dans une disposition législative. Par exemple l’année passée :

-­‐ 22 LH : privilèges antérieurs, -­‐ 2074 C Civ : enregistré -­‐ 11 loi FDC : bonne foi.

Il faut définir dans le contexte de la disposition visée. Il faut donc bien avoir son code sous les yeux. Il faut dire ce que veulent dire les mots dans cette disposition. Deuxième question : une fois déclarée la faillite du débiteur, un créancier peut il

-­‐ poursuivre celui qui s’est gratuitement porté caution des engagements du failli ? On peut penser à plusieurs dispositions.

-­‐ Poursuivre un gage qui est obtenu sur le FDC une fois que la faillite est déclarée (on a vu ca supra dans la cristallisation,…)

-­‐ La résiliation des instruments financiers faisant l’objet d’un gage ?

Troisième question : Définir des suretés et préciser si elles sont valables en droit belge :

-­‐ cautionnement indéfini (2016) -­‐ gage sur chose future -­‐ hypothèque pour toutes sommes

Quatrième question : Le dessaisissement : inhérent à la notion de gage (non donc il faut expliquer le droit commun et les exceptions dans les lois particulières). Cinquième question : Casus. Conseils

1. Si la disposition se fonde sur une disposition législative, la mentionner clairement. Dans les points qu’on donne, il y a des points alloués pour donner la disposition exacte. Etre très précis dans l’identification : article 2 et pas juste titre de la loi.

2. Dans les critères de correction, on prend en compte la logique de raisonnement ou organisation de la réponse ; Une réponse structurée qui montre un fil conducteur témoignent la bonne compréhension de la matière : principe, on l’explique, exceptions (objectif et contenu),… pas un patchwork d’idées.

3. Il faut qu’elle comprenne notre pensée en lisant ce qu’on a écrit : donc pas rester dans l’à peu près : être le plus clair possible dans les expressions et formules utilisées. Pas de sous entendus : dire !

4. Arrimons-nous à notre bureau.